Tribunal canadien des droits de la personne

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DT 9/90

Décision rendue le 13 août 1990

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE (L.R.C. (1985), ch. H-6 et ses modifications)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE :

PETER ODIATU

Plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

Commission

- et -

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Intimée

TRIBUNAL : Perry W. Schulman, c.r. Holly C. Beard, c.r. Antonio De Joseph DÉCISION DU TRIBUNAL ONT COMPARU

Anne Trotier Avocate de la Commission canadienne des droits de la personne

Harry Glinter Avocat de la Gendarmerie royale du Canada

Peter Odiatu pour lui-même à titre de plaignant

DATES DE L'AUDIENCE : 5 et 6 juin 1990

LIEU DE L'AUDIENCE : Winnipeg (Manitoba)

TRADUCTION

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Il s'agit en l'espèce d'une plainte fondée sur les articles 5 et 13.1 (maintenant paragraphe 14(1)) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6. Il est allégué dans la plainte datée du 29 septembre 1987 que, le 20 août 1987, la Gendarmerie royale du Canada a exercé une discrimination contre le plaignant en le défavorisant et en le harcelant en raison de sa race et de sa couleur.

L'avocate de la Commission canadienne des droits de la personne a fait comparaître deux témoins, Peter Odiatu, le plaignant, et Harold Rampersad, coordinateur du Comité des relations interraciales de Winnipeg. L'avocat de la GRC a pour sa part cité cinq témoins : le caporal James Ward, le caporal Brian Sale (qui était gendarme à l'époque en cause), le gendarme Ron Obodzinski, le sergent d'état-major Gerald W. Elliot et Lynette Tennison qui est un des agents chargés de l'exécution de la Loi au sein de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada.

M. Odiatu déclare pour l'essentiel dans sa plainte qu'aux environs de 17 h 30 le jour en cause, il se trouvait dans la chambre no 15 à l'hôtel Norwood de Winnipeg où il résidait temporairement lorsqu'il a entendu un coup de pied sourd dans sa porte. Il s'est précipité à la porte, l'a

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ouverte et il a alors aperçu deux enquêteurs de la GRC dont l'un lui a exhibé rapidement un insigne d'identité. L'un des deux enquêteurs, qui selon M. Odiatu est le caporal Ward, lui a déclaré que la GRC avait reçu une information selon laquelle il se trouvait sans autorisation au Canada.

Il a alors demandé au caporal Ward qui lui avait fourni ce renseignement et ce dernier lui a dit qu'il n'était pas disposé à divulguer sa source.

M. Odiatu affirme qu'il a alors déclaré au caporal Ward qu'il était arrivé au Canada il y avait déjà plus de dix ans et il a demandé aux deux agents de police de s'en aller. Ces derniers essayaient d'entrer dans sa chambre mais il n'a pas lâché pied et l'échange a eu lieu près de la porte. Après avoir dit aux agents qu'il était citoyen canadien, M. Odiatu leur a épelé son nom. Les agents de police ont alors quitté les lieux, l'un d'eux, le caporal Sale, s'étant dépêché de parcourir le corridor et de descendre l'escalier. Alors qu'il s'éloignait de la chambre et qu'il se trouvait à cinq ou six pieds de M. Odiatu, le caporal Ward a tourné la tête en direction de ce dernier et lui a dit [TRADUCTION] sale nègre. Le caporal Ward a ajouté [TRADUCTION] nous reviendrons et M. Odiatu a interprété ces derniers mots comme une menace. Il n'a eu aucune autre nouvelle de la part de la GRC, mais il a porté plainte le lendemain au Comité des relations interraciales de Winnipeg.

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Les deux agents de la GRC nient l'essentiel de la plainte. Ils nous ont déclaré qu'à la suite d'une information fournie par une source habituellement fiable, ils ont été appelés à faire enquête pour déterminer si M. Odiatu se trouvait légalement au pays. Ils ont tout d'abord effectué les recherches habituelles, mais ils ont été incapables de trouver un document indiquant que M. Odiatu était un immigrant ayant obtenu le droit d'établissement. Ils sont allés l'interroger. Ils ont frappé à la porte de la chambre no 15. M. Odiatu leur a ouvert et ils lui ont dit qu'ils cherchaient Peter Odiatu. M. Odiatu a indiqué que c'était lui. Les agents de la GRC ont exhibé leurs insignes. Ils ont ensuite déclaré qu'ils faisaient enquête pour déterminer si M. Odiatu se trouvait régulièrement ou non au pays. Ils ont demandé s'ils pouvaient entrer dans la chambre.

M. Odiatu leur a demandé de rester où ils étaient ce qu'ils ont fait.

M. Odiatu leur a affirmé qu'il était au Canada depuis dix ans. Les agents ont essayé de lui expliquer la nature de l'enquête qu'ils effectuaient.

Malgré la demande des agents, M. Odiatu a refusé de produire des pièces d'identité. Les agents ont estimé qu'il serait inutile de l'interroger plus longuement. Vers la fin de la discussion, M. Odiatu a révélé qu'il était arrivé au Canada en 1971, à Toronto ou à Montréal. Les agents ont considéré que ce renseignement était suffisant pour leur permettre d'effectuer des recherches supplémentaires sans déranger davantage M. Odiatu. S'apprêtant à partir, ils ont affirmé qu'ils

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pourraient revenir s'ils avaient besoin de renseignements supplémentaires. Alors qu'ils se trouvaient au bout du corridor, le caporal Sale étant à environ 5 ou 6 pieds en avant du caporal Ward, les deux agents ont entendu M. Odiatu déclarer [TRADUCTION] J'ai entendu. Ils se sont retournés et ont demandé à M. Odiatu ce qu'il avait entendu et celui-ci a répondu [TRADUCTION] Vous m'avez dit de foutre le camp. Les agents n'ont rien rétorqué, ils ont quitté les lieux, ils ont effectué des recherches additionnelles et ils ont constaté que M. Odiatu était arrivé à Toronto le 21 mars 1971. Convaincus que leur source leur avait fourni un renseignement erroné, ils ont classé l'affaire.

Nous sommes arrivés aux conclusions de fait suivantes :

  1. M. Odiatu croit sincèrement qu'il a entendu les agents de police faire un commentaire désobligeant lorsqu'ils s'éloignaient de sa chambre. Il est évident qu'il en a été profondément affecté, et qu'il continue de l'être, et nous éprouvons beaucoup de sympathie à son égard.
  2. M. Odiatu avait une bonne raison d'être blessé étant donné qu'un inconnu l'avait accusé d'être un immigrant clandestin, lui qui avait obtenu le droit d'établissement
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    il y a environ 16 ans et qui était citoyen canadien depuis plus de 10 ans. Nous comprenons qu'il ait été vraiment bouleversé lorsque sa citoyenneté canadienne, qui est très importante pour lui, a été mise en doute.

  4. Les agents de police ont effectué correctement leur travail en donnant suite au renseignement anonyme. Rien dans la preuve n'indique que l'enquête a été entreprise ou poursuivie parce que M. Odiatu était noir.
  5. Après avoir entendu et examiné tous les témoignages et après avoir donné à M. Odiatu toutes les chances possibles de fournir des preuves, de contre-interroger les témoins et de présenter des arguments, nous ne sommes toujours pas convaincus, suivant la balance des probabilités, que le commentaire injurieux que M. Odiatu croit avoir entendu a réellement été fait. Par conséquent, nous rejetons la plainte.

Nous félicitons les avocats des parties pour l'efficacité dont ils ont fait preuve dans leur argumentation au cours de cette affaire délicate, et M. Odiatu pour sa participation active et utile.

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FAIT le 25 juin 1990

(signature) Perry W. Schulman, c.r. Président du tribunal

(signature) Holly C. Beard, c.r. Membre du tribunal

(signature)

Antonio DeJoseph

Membre du tribunal

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