Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 6/94 Décision rendue le 18 mars 1994

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L.R.C. (1985), ch. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE: CHANDER P. GROVER

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

l'intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL CONCERNANT LES DOMMAGES-INTÉRETS

TRIBUNAL : CARL. E. FLECK, c.r. - Président RUTH S. GOLDHAR - Membre KATHLEEN M. JORDAN - Membre

ONT COMPARU : Peter C. Engelmann, avocat de la Commission canadienne des droits de la personne Alain Préfontaine, ministère de la Justice, avocat de l'intimé Cynthia Sams, avocate du plaignant

DATES ET LIEU Les 6, 7, 8 et 9 juillet 1993 DE L'AUDIENCE : Les 29 et 30 juillet 1993 OTTAWA (ONTARIO)

Référence: D.T. 12/92 21 août 1992

TRADUCTION

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La présente décision fait suite à une audience qui a été tenue à la demande de toutes les parties pour aborder la question de l'exécution de la décision que le Tribunal a rendue le 21 août 1992. Des problèmes concernant l'exécution de la décision ont été portés pour la première fois à l'attention du Tribunal en octobre 1992 au moyen d'une série de lettres que les avocats des parties en cause ont transmises au Tribunal. Une de ces questions portait sur le problème de savoir ce qu'il faut entendre par poste approprié pour le plaignant, M. C. Grover (page 104 de la décision). Dans notre décision, la question du poste approprié est mentionnée à deux reprises. Nous reproduisons à la suite les deux extraits en question :

A la page 104 :

d) Avancement. On a fait valoir devant nous qu'obliger l'intimé à nommer M. Grover à un poste correspondant à ses compétences scientifiques serait une réparation appropriée. Le tribunal est convaincu que M. Grover remplissait, et qu'il remplit encore, les conditions nécessaires, sur les plans du leadership administratif et de l'aptitude à organiser et à gérer, pour obtenir au moins une promotion normale à un poste de chef de section ou d'équipe. Le témoignage de M. Major, qui a fait état des compétences administratives que M. Grover a manifestées en s'acquittant à titre provisoire des fonctions de directeur de l'INO, nous renforce dans notre opinion. Il ressort à l'évidence du témoignage de M. Major que M. Grover était responsable de la planification de l'INO ainsi que de la sélection du personnel. C'est là une tâche importante que M. Grover a accomplie au nom de l'INO. Vu les circonstances, nous sommes d'avis qu'à tout le moins, un poste de chef de section ou de chef d'équipe doit être offert à M. Grover le plus tôt possible. Nous nous rendons bien compte du fait que l'intimé a adopté une nouvelle ligne de conduite en matière d'avancement, mais les actes discriminatoires envers M. Grover qui ont nui à son avancement sont bien antérieurs. Pour le cas où l'intimé opposerait une résistance à la nomination du plaignant à un poste approprié, le présent tribunal réserve sa compétence afin d'entendre d'autres témoins sur cette question.

A la page 112 :

d) Le plaignant sera nommé à un poste de chef de section ou de chef d'équipe le plus tôt possible. Pour le cas où l'intimé opposerait une résistance à la présente ordonnance quant à l'avancement, le tribunal réserve sa compétence afin d'entendre d'autres témoins sur cette question.

Il est essentiel, pour bien comprendre la présente affaire, de rappeler que la plus grande partie de la première audience a porté sur le traitement discriminatoire dont le plaignant a fait l'objet, notamment en ce qui a trait à l'avancement de ses collègues au niveau de la haute direction du CNR. Ainsi que nous l'avons précisé à la page 104 de notre décision du 21 août 1992, le Tribunal savait fort bien que l'intimé, le CNR, faisait l'objet d'une restructuration importante, notamment en ce qui concerne sa politique en matière d'avancement. Le Tribunal a, en conséquence, réservé sa compétence afin d'entendre d'autres témoins pour aider à l'exécution de sa décision pour le cas où des difficultés surviendraient quant à cet aspect de la décision. Il est important de

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comprendre les circonstances qui ont incité le Tribunal à convoquer la présente audience, laquelle s'est déroulée les 6, 7, 8, 9, 29 et 30 juillet 1993.

L'intimé soulève également l'importante question de savoir si le Tribunal a la compétence voulue pour convoquer une nouvelle audience même s'il a réservé sa compétence en ce qui concerne l'exécution de sa décision relativement à la nomination du plaignant à un poste approprié ainsi qu'au calcul de ses années d'expérience pertinentes (ci-après appelées A.E.P.). A l'ouverture de l'audience en l'espèce, le 6 juillet 1993, l'intimé a soutenu que le Tribunal était «functus officio» et qu'il n'avait par conséquent pas compétence pour tenir une enquête sur la mise en application des réparations accordées. Le Tribunal a statué sur cette requête préliminaire en donnant gain de cause au plaignant et a ensuite entrepris d'entendre d'autres témoins sur la question d'un poste approprié pour le plaignant en fonction des réparations accordées. Les questions à trancher à cet égard sont les suivantes.

QUESTIONS EN LITIGE

  1. Le Tribunal a-t-il compétence pour convoquer une nouvelle audience ou est-il «functus officio» par suite de la décision qu'il a rendue le 21 août 1992?
  2. Que faut-il entendre par «poste approprié» pour le plaignant, compte tenu des éléments de preuve et des prétentions complémentaires présentés au Tribunal dans le cadre de cette audience?
  3. Le Tribunal était-il «functus officio» et, partant, était-il incompétent pour tenir une audience en l'espèce?

Il est important, pour comprendre toute la question de la compétence, d'examiner comment le présent Tribunal en est venu à convoquer une nouvelle audience pour entendre d'autres témoins. Le rappel des faits qui suit est en grande partie identique à celui qui se trouve dans les motifs préliminaires de décision qui ont été prononcés au sujet de la demande. Nous y ajoutons certains extraits des documents de référence afin d'examiner à fond cette question de la compétence et de l'application du principe du functus officio. Le 24 août 1992, la décision rendue par le Tribunal le 21 août 1992 a été déposée au greffe de la Cour fédérale du Canada (Section de première instance) conformément à l'article 57 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (ci-après appelée la «LCDP»).

L'article 57 de la LCDP dispose :

57. Aux fins de leur exécution, les ordonnances rendues en vertu des paragraphes 53(2) ou (3) ou 56(5) peuvent, selon la procédure habituelle ou dès que la Commission en dépose au greffe de la Cour fédérale une copie certifiée conforme, être assimilées aux ordonnances rendues par celle-ci. 1976-77, ch. 33, art. 43.

Il convient de noter qu'aucune des parties à l'instance, notamment l'intimé, n'a interjeté appel de la décision devant un tribunal d'appel conformément à l'article 57 de la LCDP ni n'a demandé le contrôle judiciaire par la Cour fédérale d'un aspect quelconque de la décision du Tribunal.

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Comme nous l'avons déjà précisé, le 9 octobre 1992, nous avons reçu une lettre de Me David Bennet, l'avocat du plaignant, qui nous informait de certaines difficultés qu'il éprouvait relativement à l'exécution de la décision. Il a souligné que les questions suivantes demeuraient en suspens :

A. La question du poste approprié pour M. Grover au sein du CNR; B. Le calcul des A.E.P. et du rajustement de salaire; C. Les dépens de l'instance.

Cette lettre a été suivie d'une autre lettre en date du 16 octobre 1992, dans laquelle M. Saunders a exposé au Tribunal, au nom du CNR, sa position en ce qui concerne les points soulevés par Me Bennett, à savoir la question d'un poste approprié pour M. Grover au sein du CNR, le calcul des A.E.P. et du rajustement de salaire et les dépens. Voici en quels termes comment il conclut sa lettre, à la page 2 :

[TRADUCTION]

Nous croyons comprendre, à la lecture de sa lettre, que Me Bennett désire soulever les trois points en question devant le Tribunal. Ainsi que nous l'avons déjà souligné, le CNR est d'avis que le Tribunal conserve sa compétence uniquement sur la question de l'avancement et des rajustements découlant du calcul des A.E.P.

Les avocats de toutes les parties ont ensuite pris des dispositions pour tenir une conférence téléphonique avec le président du Tribunal à la suite de l'échange de lettres susmentionné. Le président a alors été informé que toutes les parties désiraient demander au Tribunal de les aider relativement au règlement de certaines des questions en suspens. On a également fait savoir au président que certaines des réparations accordées avaient été exécutées, à savoir le paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, la correction du dossier individuel, les excuses écrites ainsi que la communication avec la Commission des droits de la personne pour faciliter l'exécution de l'ordonnance de ne pas faire relative à l'acte discriminatoire. En outre, la réparation accordée au titre du préjudice moral comportait des intérêts que l'intimé a également payés.

Au cours de la conférence téléphonique, le président a demandé des mémoires aux avocats de toutes les parties au sujet des questions non réglées. Après avoir reçu les observations écrites, le Tribunal a rencontré les avocats de toutes les parties avec leurs clients le 27 novembre 1992. Par suite des discussions avec les avocats, il a été convenu que, afin de procéder à l'exécution de la décision, il serait préférable de tenir une rencontre informelle pour examiner les divers points abordés dans les mémoires. Lors de cette rencontre initiale tenue avec le Tribunal dans le but de faciliter les négociations, les parties ont réglé de façon satisfaisante deux des trois questions qui demeuraient en suspens au sujet des réparations accordées, à savoir :

  1. La question des dépens a été réglée et l'intimé a été ordonné à les payer au plaignant;
  2. Les parties n'ayant pas réussi à s'entendre sur un arbitre, le Tribunal a pris des mesures pour nommer directement un arbitre, M. Langille, avec le consentement de toutes les parties.

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Au début de la rencontre informelle du 27 novembre, le président a mentionné très clairement à tous les avocats que le Tribunal ne serait pas disposé à participer à cette démarche si l'une des parties avait l'intention de contester sa compétence et de soulever le principe du functus officio. Tous les avocats présents, y compris Me Bennett, l'avocat de M. Grover, Me Saunders, l'avocat du CNR, et Me Engelmann, l'avocat de la Commission, ont assuré au Tribunal qu'ils étaient intéressés uniquement à faire trancher toutes les questions en litige et à terminer l'exécution du jugement. D'autres rencontres informelles ont eu lieu pour tenter de résoudre la dernière question qui demeurait en suspens, à savoir la nomination de M. Grover à un poste approprié. Le Tribunal est impressionné par la célérité dont toutes les parties ont fait preuve, démontrant ainsi qu'elles étaient vraisemblablement toutes intéressées à résoudre la dernière question en suspens. L'intimé et les autres parties n'ont jamais laissé entendre au cours de ce processus informel que, si le résultat ne les satisfaisait pas, ils reviendraient sur leur position et soutiendraient que le Tribunal n'avait pas compétence pour convoquer une nouvelle audience, étant donné qu'il était «functus officio».

Les parties n'ayant pas réussi à résoudre la dernière question en suspens, elles ont convenu que le Tribunal convoquerait une nouvelle audience formelle qui leur permettrait de présenter des éléments de preuve et de soumettre d'autres observations. Inutile de dire qu'à l'ouverture de l'audience du 6 juillet 1993, le Tribunal s'est interrogé en voyant l'intimé demander la suspension de l'instance pour le motif que le Tribunal n'avait pas compétence en raison du fait qu'il était «functus officio». Le Tribunal a donc dû se prononcer sur cette demande et, tel qu'il est mentionné plus haut, la plupart des motifs concernant la question de la compétence ont alors été communiqués.

Le Tribunal estime que la conduite de l'intimé - si celui-ci n'est pas empêché de faire valoir ce point de vue maintenant - devrait à tout le moins être considérée comme de la mauvaise foi de sa part. A n'en pas douter, sa conduite est discutable, compte tenu de ce qui suit :

  1. Il n'a jamais officiellement formé de recours pour contester la compétence du Tribunal ou un aspect quelconque de sa décision;
  2. Il n'a jamais demandé à la Cour fédérale ou à un tribunal compétent de suspendre ni de réviser les procédures du présent Tribunal par suite de sa participation à la démarche entreprise en novembre 1992. Il a en fait participé activement à ce processus et a demandé au Tribunal des conseils au sujet de l'exécution de sa décision.

Est-il maintenant loisible à l'intimé de soulever le principe du fonctus officio, compte tenu de sa conduite que nous venons d'exposer? Nous ne le croyons pas. L'intimé reconnaît que le Tribunal avait le pouvoir de prononcer l'ordonnance qu'il a rendue le 21 août 1992 en vertu de l'alinéa 53(2)b) de la LCDP, qui dispose :

A l'issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, sous réserve du paragraphe (4) et de l'article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire:

[...]

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b) d'accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont, de l'avis du tribunal, l'acte l'a privé;

L'intimé soutient toutefois que le Tribunal n'a pas le pouvoir de réserver sa compétence pour entendre d'autres témoins si cette question ne peut être résolue, malgré le fait que les parties aient convenu d'entamer ce processus le 27 novembre 1992, comme nous l'avons déjà expliqué. L'intimé prétend que le Tribunal a simplement joué un rôle de conciliateur en participant à cette démarche. Comme l'indiquent la lettre de Me Saunders et les observations qu'il a faites par la suite devant le Tribunal lors de notre rencontre du 27 novembre 1992, il s'ensuit nécessairement que l'intimé envisageait que le Tribunal réserve sa compétence pour entendre cette question précise et que cela exigerait nécessairement la présentation de témoins et d'observations supplémentaires.

L'intimé fait également valoir que le Tribunal est en train de revoir sa décision dans le but de concevoir pour le plaignant une réparation différente de celle qui était envisagée dans la décision du 21 août 1992. Pour reprendre les mots de l'intimé, en entendant d'autres témoins, [TRADUCTION] «on donne une seconde chance au plaignant». La logique de ce raisonnement nous échappe. En réponse à la demande formulée par toutes les parties en octobre 1992, nous avons prévu un processus visant à faciliter l'exécution du jugement. Nous n'avons jamais accordé une réparation différente au plaignant et aucune des parties n'a jamais laissé entendre une pareille chose par l'entremise de son avocat; personne n'a sous-entendu non plus que nous essayions d'une certaine façon de modifier notre décision.

A la demande des parties, nous avons abordé directement la question de l'exécution de la décision et nous avons clarifié cette méthode pour permettre la nomination de M. Grover à un poste approprié au sein du CNR, intimé.

Compte tenu du processus ci-dessus relaté, le Tribunal s'estime obligé de revoir en détail toute la question de la compétence et le moyen tiré du principe du functus officio.

Le Black's Law Dictionary donne la définition suivante de l'expression juridique «functus officio» :

[TRADUCTION]

[...] Se dit de l'autorité qui n'a plus compétence ou qui n'a plus de pouvoirs parce qu'elle s'est acquittée de ses fonctions, a cessé d'exercer sa charge ou a rempli sa mission.

Nous estimons que le libellé de cette définition est particulièrement important, compte tenu de l'arrêt Chandler v Alta Assoc. of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848. L'intimé invoque cet arrêt pour soutenir que le Tribunal est functus officio. En toute déférence, nous ne voyons pas comment l'arrêt Chandler peut appuyer la thèse de l'intimé. L'extrait suivant, tiré de la page 862 de cet arrêt, nous justifie, à notre avis, de réserver notre compétence pour résoudre la question de l'exécution du jugement. Voici en quels termes comment le juge Sopinka s'exprime :

Le principe du functus officio s'applique dans cette mesure. Cependant, il se fonde sur un motif de principe qui favorise le caractère définitif des procédures plutôt que sur la règle énoncée relativement aux jugements officiels d'une cour de

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justice dont la décision peut faire l'objet d'un appel en bonne et due forme. C'est pourquoi j'estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l'objet d'un appel que sur une question de droit. Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l'intérêt de la justice, afin d'offrir un redressement qu'il aurait par ailleurs été possible d'obtenir par voie d'appel. [...]

De plus, si le tribunal administratif a omis de trancher une question qui avait été soulevée à bon droit dans les procédures et qu'il a le pouvoir de trancher en vertu de sa loi habilitante, on devrait lui permettre de compléter la tâche que lui confie la loi. [...]

L'arrêt Chandler a été suivi par la Cour divisionnaire de l'Ontario dans la décision Re Canada Post Corp. and Canadian Union of Postal Workers et al., 84 D.L.R. (4th) 574. Dans cette affaire, un arbitre avait prononcé une sentence, mais n'avait pas traité expressément de certains des termes employés dans sa décision. La décision de l'arbitre a été déposée devant la Cour fédérale conformément au paragraphe 662(2) du Code canadien du travail. L'avocat de la Société canadienne des postes prétendait que l'arbitre était alors functus officio. Dans sa sentence, l'arbitre avait notamment écrit :

[TRADUCTION]

Je demeure saisi de l'affaire pour faciliter l'exécution de la présente sentence.

Le juge O'Driscoll a invoqué les propos tenus par le juge Sopinka dans l'arrêt Chandler pour affirmer que l'arbitre demeurait saisi de l'affaire pour l'exécution de sa sentence et il a en conséquence rejeté la demande que la Société canadienne des postes avait présentée en vue d'obtenir l'annulation de la sentence de l'arbitre pour incompétence.

Dans la décision P.S.A.C. v. Canada Treasury Board (1991), 50 Admin. Law Reports 249, la question de la compétence du Tribunal des droits de la personne a été examinée en détail. Dans cette affaire, un tribunal des droits de la personne avait entériné une ordonnance sur consentement qui donnait acte à une entente conclue entre les parties pour régler une plainte. Selon une partie de l'entente de règlement, le Tribunal devait évaluer certains postes. Par la suite, le plaignant a demandé au Tribunal de convoquer une nouvelle audience pour examiner certaines de ces questions. Le Conseil du Trésor a contesté la compétence du Tribunal pour le motif que ces questions débordaient le cadre de la plainte et que le Tribunal était «functus officio». Il a été jugé que le Tribunal n'était pas «functus officio», étant donné qu'il avait réservé sa compétence et que cette réserve ne visait pas le pouvoir de réexaminer, de retirer ou de modifier la décision initiale.

L'affaire Re Canada Post Corp. and Canadian Union of Postal Workers, (Policy grievance 88-02), 21 L.A.C. (4th) p. 413, ressemble beaucoup au présent cas. Dans cette affaire, un syndicat avait déposé la sentence arbitrale devant la Cour fédérale conformément à l'article 159 du Code canadien du travail, dont le libellé est semblable à celui de l'article 57 de la LCDP (précité). L'arbitre s'est dit d'avis qu'en convoquant une nouvelle audience, il complétait simplement une tâche qu'il

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était autorisé à exécuter parce qu'il demeurait saisi de l'affaire. A la page 148, on lit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Au contraire, si j'ai bien compris la demande présentée par le syndicat en vue d'obtenir une nouvelle audience, celle-ci a pour but de me permettre de m'acquitter de la tâche dont je demeure saisi. En d'autres termes, les parties ont vraisemblablement éprouvé des difficultés à exécuter mon ordonnance. Le syndicat m'a par conséquent demandé de compléter ma mission pour en arriver à un règlement définitif et exécutoire.

On lit ce qui suit à la page 419 :

[TRADUCTION]

En résumé, je suis d'avis que conformément aux usages en matière d'arbitrage, je n'ai pas épuisé ma compétence en ce sens que le présent conseil serait «functus officio» pour les raisons mentionnées dans la jurisprudence citée dans l'exposé du droit de l'employeur.

L'arbitre a poursuivi en rejetant l'idée selon laquelle, par suite de l'enregistrement du jugement conformément à l'article 159 du Code canadien du travail, l'arbitre n'avait plus compétence pour achever la mission du Conseil. A la page 521, il ajoute ce qui suit :

[TRADUCTION]

Ainsi que je l'ai déjà précisé, j'en suis venu à la conclusion que l'acte «administratif» consistant à déposer une sentence arbitrale devant la Cour fédérale conformément au Code en même temps qu'une partie introduit une instance devant l'arbitre dûment saisi pour rendre définitif un règlement ne devrait pas être considéré comme une mesure portant atteinte au droit d'une partie à la pleine exécution de la sentence. Pour tous les motifs qui précèdent, je rejette les prétentions que l'employeur a présentées en ce qui concerne ma compétence relative à l'exécution de ma décision à Edmundston (N.-B.).»

La décision Canada Post portait donc expressément sur les questions soulevées en l'espèce, à savoir l'exécution d'une décision une fois qu'elle est enregistrée à la Cour fédérale. Dans cette affaire, il a été jugé qu'un conseil peut convoquer une nouvelle audience pour clarifier ou faciliter l'exécution d'une sentence arbitrale lorsqu'il demeure saisi d'une telle question.

Voici d'autres décisions qui appuient le raisonnement et les conclusions de la décision Canada Post:

Re Northern Telecom and C.A.W. Local 1915, 4 L.A.C. (4th) 11.

Re Seneca College of Applied Arts & Technology and Ontario Public Services Employees Union, 21 L.A.C. (3rd) 171.

Re Metropolitan Authority of the County of Halifax and Halifax Civic Workers Union Local 108, 33 L.A.C. (3rd) 333.

Re Canada Post Corp. and C.U.P.W., 28 L.A.C. (4th) 228.

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Re Lake Ontario Steel Co. and United Steel Workers Local 6571, 24 L.A.C. (4th) 355.

Re Consumers Gas Co. and International Chemical Workers' Union, Local 161, 6 L.A.C. (2nd) 61.

United Electrical Radio and Machine Workers of America, Local 514 in re Amalgamated Electric Corporation (suite de l'arbitrage)

Re McDonnell Douglas Canada Ltd. and Canadian Automobile Workers, Local 673, 29 L.A.C. (4th) 284.

Re Wellington County Board of Education and Ontario Secondary School Teachers Federation, 21 L.A.C. (4th) 124.

Re Dunkley Lumber Co. Ltd. and International Woodworkers of America, Local I-424, 17 L.A.C. (3rd) 192.

Re Pacific Coach Lines Ltd. and Western Transportation Union, Local 1, 10 L.A.C. (3rd) 153.

Re Newfoundland Farm Products Corporation and Newfoundland Association of Public Employees, 7 L.A.C. (3rd) 186.

On a informé le Tribunal que l'intimé avait déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Il y a donc lieu de se demander, dans ces conditions, si nous avons compétence pour clarifier la décision du 21 août 1992. Cette question précise a été examinée dans l'affaire Re Insurance Corp. of British Columbia and Office & Technical Employees Union, Local 378, 15 L.A.C. (4th) 116. A la page 121, l'arbitre, Me H.A. Hope, c.r., déclare :

[TRADUCTION]

En l'espèce, l'application de ces principes se complique dans une certaine mesure par le fait que l'employeur a interjeté appel. Le syndicat invoque toutefois le raisonnement suivi par l'ancien Conseil des Relations de travail dans la décision Cominco Ltd. et U.S.W.A., Loc. 480 (1983), 4 C.R.B.R. (N.S.) 45 (Moore), pour affirmer que cette décision appuie implicitement et nécessairement le principe selon lequel un appel en instance ne limite pas et ne touche pas la compétence que possède un arbitre pour donner les éclaircissements nécessaires au sujet d'une sentence arbitrale.

Les faits de l'affaire Re Insurance Corp. sont à peu près identiques à ceux de la présente espèce pour ce qui est du déroulement des événements et des questions en litige. Dans cette décision, l'arbitre Hope a donné des éclaircissements au sujet de la classification d'emploi du plaignant qui avait été congédié. Il a conclu qu'il avait compétence malgré le fait qu'un appel était en instance, notamment parce qu'il donnait des éclaircissements au sujet de la question de la classification que les deux parties avaient été incapables de résoudre.

La décision Re Westminster Mills Limited and Anderson, 21 W.W.R. 417 portait sur la question de l'épuisement du pouvoir législatif d'un

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représentant de la Couronne et plus précisément sur l'effet du par. 26(2) (maintenant le par. 31(2)) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21. Voici le libellé du paragraphe 31(2) :

Le pouvoir donné à quiconque, notamment à un agent ou à un fonctionnaire, de prendre des mesures ou de les faire exécuter comporte les pouvoirs nécessaires à l'exercice de celui-ci.

Il existe de nombreuses décisions portant sur la L.C.D.P. dans lesquelles le Tribunal a précisé dans l'ordonnance accordant une réparation au plaignant qui obtenait gain de cause qu'il réservait sa compétence pour faciliter l'exécution de sa décision. Nous croyons comprendre que ces décisions sur la question de la réserve de compétence n'ont pas été contestées devant des instances supérieures. En voici une liste partielle :

Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 9 C.H.R.R., p. D/5029

Butterill et al. c. Via Rail, 1980 (décision 44), p. D/233 C.H.R.R.

Cashin c. Société Radio-Canada, 12 C.H.R.R., p. D/2222

Morrell c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, 6 C.H.R.R., p. D/3021

Il ressort de la lecture des divers codes et textes de loi canadiens en matière de droits de la personne que seulement quelques-uns d'entre eux mentionnent expressément qu'un tribunal ou une commission d'enquête demeure saisi de l'affaire lorsqu'une décision a été rendue en faveur d'un plaignant. En Ontario, le paragraphe 40(4) du Code des droits de la personne dispose que, lorsqu'elle conclut qu'un droit est enfreint en raison d'un acte de harcèlement, la commission d'enquête reste saisie de l'affaire et que, sur réception d'une plainte selon laquelle le droit visé continue d'être enfreint ou a été enfreint de nouveau, la Commission des droits de la personne peut demander à la commission d'enquête de se réunir à nouveau.

L'article 47 du Code des droits de la personne de la Saskatchewan confère à la commission d'enquête une compétence permanente à l'égard des programmes visant à éliminer la discrimination lorsque la commission a conclu à la perpétration d'un acte discriminatoire. La compétence permanente est énoncée aux alinéas 47(2)a) et b), qui donnent à la commission d'enquête le pouvoir de faire enquête sur le programme permanent et de modifier celui-ci. Le Code des droits de la personne du Manitoba dispose à son paragraphe 47(1) que, lorsqu'il met en application un programme de promotion sociale ou un autre programme spécial, l'arbitre a la compétence permanente pour surveiller l'application ou ordonner la modification du programme jusqu'à ce qu'il estime que l'ordonnance a été parfaitement respectée.

Les autres lois provinciales sur les droits de la personne et la LCDP prévoient toutes que des mesures générales de redressement peuvent être prises, mais elles n'indiquent pas si la commission a compétence pour se réunir à nouveau ou pour assurer une surveillance permanente. Nous concluons toutefois que, selon la décision Robichaud, la législation sur les droits de la personne est, de par sa nature même, réparatrice et non

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punitive. Par conséquent, les pouvoirs généraux prévus à l'article 53 exigent selon nous, comme le juge Sopinka le demande dans l'arrêt Chandler, que le tribunal ait le pouvoir de «compléter la tâche que lui confie la loi». En d'autres termes, il arrive souvent que les programmes et les placements en milieu de travail qui sont ordonnés dans la partie de la décision relative aux réparations générales exigent non seulement une surveillance relative à l'exécution de la décision, mais aussi une surveillance permanente. A notre avis, il s'ensuit nécessairement que, dans ces circonstances, un tribunal agit dans les limites de ses pouvoirs en réservant sa compétence sur le sujet en cause.

Par ailleurs, le fait que le Tribunal ait été invité par les parties à se réunir de nouveau pour faciliter l'exécution de la décision et pour entendre d'autres témoins pour clarifier la réparation en ce qui concerne la nomination de M. Grover à un poste approprié est important aux fins de nos conclusions sur notre compétence. On ne nous a pas demandé de modifier la décision ni de mettre en application une réparation différente de celle que nous avons d'abord accordée dans notre décision du 21 août 1992, et nous n'avons pas proposé de le faire dans la présente décision. Il est rapidement devenu évident au cours de l'audience en l'espèce que la terminologie qu'emploie le CNR pour désigner les postes de cadre était et continue à être moins que satisfaisante dans certains secteurs de l'organisation. Les termes employés semblent souvent créer de la confusion et induire en erreur lorsqu'on les interprète en tenant compte de l'autorité monétaire désignée pour les divers postes.

Le Tribunal est convaincu, après avoir examiné les divers principes et précédents susmentionnés, qu'il a effectivement compétence pour donner des éclaircissements au sujet du caractère approprié du poste auquel M. Grover a été et doit être nommé.

2. M. Grover a-t-il été nommé à un poste approprié ainsi que l'exigeait la décision du 21 août 1992?

Le Tribunal estime que M. Grover n'a pas été nommé à un poste approprié. En l'occurrence, un poste approprié se caractérise à notre avis par trois éléments essentiels :

  1. Les attentes, fonctions et responsabilités du poste sont proportionnées aux capacités de M. Grover en matière de gestion et de recherche scientifiques.
  2. La situation du poste désigné sur l'échelle salariale et la courbe de progression des lignes directrices du CNR est conforme à une progression de carrière appropriée, compte tenu de la situation dans laquelle M. Grover se trouverait en 1994 si l'acte discriminatoire n'avait pas eu lieu.
  3. L'autorisation de signature du CNR est compatible avec le titre de poste qui est employé.

Lorsque nous avons rendu notre décision en août 1992, la question de déterminer un poste approprié pour M. Grover demeurait délicate, l'intimé ayant présenté, au cours de l'audience initiale, une preuve indiquant que toute la structure d'emploi du CNR ainsi que sa politique en matière d'avancement était en cours de révision. Le problème survenu en l'espèce découle en grande partie des changements organisationnels qui ont

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été apportés au sein du CNR de 1986 jusqu'à ce jour et des effets de ces changements sur la détermination du caractère approprié des postes.

Il convient de souligner que, immédiatement après la décision du 21 août 1992, le CNR a agi rapidement pour donner suite à plusieurs des réparations exigées :

A. Il a fait parvenir des lettres d'excuse à l'Optical Society et il a fait publier des excuses officielles dans son bulletin; B. Il a entrepris des négociations avec la Commission afin de revoir son programme et sa politique en matière de droits de la personne; C. Il a versé le montant de 5 000 $ et les intérêts, conformément à l'ordonnance.

En outre, tel qu'il est indiqué aux présentes, les deux autres questions, soit celles des dépens et de la nomination d'un arbitre pour calculer les A.E.P. et l'avancement, ont été résolues avec l'aide du Tribunal. L'intimé a payé sur le champ au plaignant les dépens convenus et M. Langille a été nommé arbitre. Lorsque le Tribunal a convoqué une nouvelle audience en juillet 1993, la seule question à trancher était donc celle de déterminer ce qu'était un poste approprié pour M. Grover.

M. Grover a été appelé à témoigner à nouveau au sujet des événements qui ont suivi notre décision du 21 août 1992. Une lettre que M. Perron a adressée à M. Grover en date du 10 septembre 1992 a été déposée en preuve comme pièce C-16. Cette lettre a été remise à M. Grover par M. Robertson. Il n'y a eu aucune discussion au sujet du contenu de cette lettre avec M. Grover avant que celui-ci ne la reçoive et il n'y a pas eu non plus de négociations ni de discussions à ce sujet avant le 10 septembre 1992.

M. Willis, qui a témoigné pour le CNR, a expliqué pourquoi il n'y avait pas eu de discussion et pourquoi le CNR avait agi de façon unilatérale au sujet de cette nomination. Selon M. Willis, le CNR s'estimait obligé d'agir rapidement, compte tenu de la décision du Tribunal, et de procéder à la nomination; il ne restait donc pas beaucoup de temps pour discuter avec M. Grover.

Dans la lettre du 10 septembre, le CNR nomme M. Grover au poste de «chef de groupe» du Groupe de recherche sur les composants optiques, qui se trouve à l'Institut Herzberg d'astrophysique (IHA). Selon cette même lettre, M. Grover relèvera de M. Brian Andrew, directeur du programme de radioastronomie et de spectroscopie de l'IHA. De façon générale, il appert de cette lettre que M. Grover dirigera ce groupe afin d'effectuer des recherches pour répondre aux besoins de l'IHA dans le domaine de l'optique. La lettre renferme ensuite une description des éléments du laboratoire des composants optiques (LCO) et un organigramme y est joint. La principale priorité de ce groupe réside dans les activités de conception et d'essais en optique, dirigées par M. Powell.

M. Grover a dit qu'avant de recevoir la lettre de M. Perron en date du 10 septembre (pièce C-16), il n'a nullement communiqué avec celui- ci ou avec une personne agissant en son nom au sujet du contenu de la lettre, notamment en ce qui a trait à la question de savoir ce que serait «un poste approprié». De l'avis de M. Grover, le groupe proposé dans la lettre de M. Perron a été créé dans le cadre d'une réorganisation d'activités mineures et les grandes composantes des activités avaient précédemment été dirigées par le chef du Génie optique, M. Powell.

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M. Grover a dit qu'en septembre 1992, ce groupe se trouvait à l'Institut des étalons nationaux de mesure (IENM). Il avait été transféré à l'IENM au cours de la dernière partie de 1991 et s'appelait à l'époque le groupe de génie optique. Ce groupe poursuivait avant tout des activités dans le domaine des services, soit la production de composants optiques et la fabrication ou la conception en matière de soufflage de verre. Le groupe de génie optique offrait également des services dans deux autres domaines, soit l'étalonnage des appareils de photographie et la sensitométrie.

M. Grover a expliqué la différence entre un groupe poursuivant des activités dans le domaine des services et un autre qui oeuvre dans le domaine de la recherche, le premier se composant principalement de techniciens dirigés par M. Powell, scientiste. La conception optique, y compris l'étalonnage des appareils d'observation aérienne dont il est fait mention dans la lettre du 10 septembre, est avant tout ce que M. Grover appelle une activité dans le domaine des services et non une activité de recherche.

En ce qui a trait au mandat de l'IHA, M. Grover a dit que ses principaux champs d'activité seraient l'astronomie optique, la radioastronomie et la spectroscopie ainsi que la physique des relations soleil-terre. L'astronomie optique est l'étude des étoiles et des autres corps célestes. Les liens entre cette science et l'optique découlent du fait que ces corps émettent de la lumière, mais ces questions ne relèvent pas de la compétence de M. Grover. En outre, ils utilisent de gros télescopes optiques.

De plus, M. Grover a dit que les activités liées au mandat de l'IHA et à l'astronomie optique ne lui convenaient pas vraiment, sa spécialité n'étant pas la corrélation avec les astronomes. Il a examiné plusieurs rapports de l'IHA et aucun des travaux et des activités en question ne portent sur son domaine de compétence.

En ce qui a trait à la lettre de M. Perron, M. Grover n'a pu y relever aucune activité de recherche qui lui aurait été confiée. Toutes les activités du groupe de recherche sur les composants optiques étaient des activités dans le domaine des services. Quant à lui, il n'a aucune aptitude ni compétence dans le soufflage de verre.

M. Grover a expliqué comment le projet de sensitométrie, qui avait toujours fait partie de l'IENM, a été conçu. Lorsque la division de physique a été scindée, le secteur de la sensitométrie a été transféré à l'IENM et le génie optique, sous la responsabilité de M. Powell, est devenu une activité de services. Lors de la tentative de congédiement de M. Grover en 1990, le projet de sensitométrie a été confié à une personne qui n'avait aucune compétence dans ce domaine et, lorsque M. Grover a été réintégré en mai 1991, on ne lui a jamais confié à nouveau des recherches touchant la sensitométrie. M. Grover a demandé à M. Andrew, directeur de l'IHA, pourquoi la sensitométrie n'était pas restée à l'IENM. Il ressort du rapport annuel de l'IENM (pièce C-18), que le bureau des affaires scientifiques avait restreint ses activités et que le génie optique avait été transféré à l'IENM parce que cette activité cadrait bien avec le mandat de cet Institut.

Selon M. Grover, le groupe auquel il vient d'être affecté est le même groupe lié au mandat de l'IENM, lequel était considéré comme l'endroit qui convenait le mieux pour ce mandat.

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Le Tribunal a demandé à M. Grover d'expliquer l'évolution du génie optique. M. Grover a dit qu'en 1987, ce secteur faisait partie du laboratoire de physique générale et, en 1988, on l'a appelé la photonique expérimentale puisque, à cette époque, toutes les activités poursuivies par la division de physique dans le domaine de l'optique étaient regroupées dans la photonique expérimentale. La photonique comprenait même à l'époque une activité appelée physique des hautes énergies, qui a été transférée à l'IHA en 1988 et, par la suite, transférée à nouveau à la Carleton University.

Pour bien comprendre la question du caractère approprié des postes, il importe d'examiner et de comparer l'évolution des collègues de M. Grover au cours de la période qui a précédé immédiatement et qui a suivi le début de la conduite discriminatoire en l'espèce. M. Grover a dit qu'il a été directeur de l'Institut d'optique, division du CNR, et subséquemment, directeur scientifique intérimaire de l'INO, et s'est vu offrir le poste de directeur scientifique sur une base permanente. Il a comparé cette situation à celle de M. Vanier, qui était directeur adjoint intérimaire de l'Institut d'optique en 1984 et est devenu directeur intérimaire de l'Institut d'optique et chef de section en 1984. Par la suite, il est devenu directeur général en 1990. Pour sa part, M. Dawson, qui était chef de section en 1984, est devenu directeur général en 1990. Quant à MM. Robertson et Bedford, tous deux chefs de section en 1985 à l'époque où M. Grover était directeur intérimaire, ils ont conservé leurs postes de chefs de section malgré la nouvelle infrastructure qui avait été créée. D'après le témoignage de M. Willis, même si l'expression «chef de section» a été changée dans d'autres instituts, elle est encore en usage à l'Institut des étalons nationaux de mesure.

En exigeant le maintien de l'expression «chef de section» à l'IENM, M. Vanier ne fait qu'accroître la confusion déjà grande en ce qui a trait au processus d'avancement au sein du CNR. En réalité, un poste de chef de section à l'IENM est l'équivalent d'un poste de directeur dans d'autres instituts.

M. Grover a parlé des discussions qu'il a eues avec M. Andrew, de l'IHA, au sujet de ses recherches en électro-optique, en optoélectronique et en holographie. M. Andrew a dit à M. Grover que ces types de recherches ne pouvaient être effectuées à l'IHA. M. Grover en a conclu que M. Andrew pensait qu'il agirait comme personne-ressource à titre d'astrophysicien. M. Grover a répété que la proposition contenue dans la lettre de M. Perron en date du 10 septembre 1992 ne prévoit aucun type de recherche dans son domaine de compétence.

Selon M. Grover, un poste approprié pour lui serait un des postes de chef de section qui existaient dans la division de physique, soit le poste actuellement occupé par M. Bedford ou M. Robertson à l'IENM, lequel poste relèverait directement du directeur général. En fait, en ce qui a trait à sa nomination à un poste approprié, si on lui avait posé la question avant la décision exposée dans la lettre du 10 septembre 1992, il aurait répondu qu'il s'agissait du premier poste disponible de «chef de section» ou de directeur à l'IENM, à l'ITT ou à l'ISM. En d'autres termes, a-t-il dit, compte tenu des activités poursuivies dans ces instituts, un poste approprié serait celui de chef de section, soit le poste qu'occupe actuellement M. Bedford ou M. Robertson. Si nous pouvons comprendre ce que cela signifie aujourd'hui quant au poste qu'il aurait occupé en 1986,

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compte tenu d'un avancement approprié et des changements apportés à l'infrastructure du CNR, cela signifierait certainement un poste de directeur ou de chef de section à l'IENM, où ces postes sont actuellement occupés par MM. E. So, Robertson et Bedford.

En ce qui a trait à un poste semblable à celui qu'occupent actuellement MM. Bedford, Robertson et So, les activités de ce poste comportent un élément de recherche, comme on peut le lire dans le rapport annuel du CNR qui concerne cet Institut.

L'intimé a présenté des témoins qui nous ont expliqué ce que signifiait un poste approprié pour le CNR. Lorsque le Tribunal a demandé à M. Willis pourquoi M. Grover n'a pas participé au processus décisionnel à la suite duquel il a été nommé à l'IHA, ce témoin a répondu qu'il incombait à la direction du CNR d'exécuter l'ordonnance du Tribunal. Selon lui, la direction estimait que l'ordonnance devait être appliquée le plus tôt possible et que cette nomination devait être faite malgré l'absence de consultation. En d'autres termes, c'est par souci de célérité et pour des raisons d'opportunisme que l'intimé aurait agi rapidement au moyen de sa lettre en date du 10 septembre 1992.

Le Tribunal a appris que le poste auquel M. Grover a été nommé selon la lettre de M. Perron ne figurait pas sur les organigrammes du CNR à la date de la décision. D'après ce que le Tribunal comprend, le CNR désirait nommer M. Grover à un poste semblable à celui qu'il recherchait en 1986 plutôt qu'à un poste approprié au sein de l'infrastructure qui existe aujourd'hui, compte tenu du fait qu'il n'a pas obtenu d'avancement ni n'a fait l'objet d'une évaluation à cette fin depuis 1986. Effectivement, les obstacles auxquels il s'est heurté à cet égard étaient au coeur du débat concernant la discrimination, comme nous l'avons expliqué dans notre décision du 21 août 1992.

Le Tribunal en arrive à la conclusion que le CNR, dans sa hâte de donner suite à la décision du Tribunal, n'a aucunement tenu compte du fait qu'en 1984, MM. Grover, Bedford et Robertson et même M. Vanier occupaient des postes dont le degré hiérarchique était comparable. M. Grover était directeur intérimaire de l'INO et, par la suite, MM. Robertson et Bedford ont été nommés chefs de section du service de physique. M. Vanier, qui a débuté comme directeur adjoint en 1984, a été promu directeur général, poste qu'il a conservé jusqu'à ce que sa santé décline au cours des dernières années. En outre, le poste que M. Grover a occupé comme directeur intérimaire après le décès de M. Wyszcecki serait l'équivalent d'un poste de chef de section qui existait à l'époque et, en conséquence, pour nommer M. Grover à un poste de chef de section approprié, il ne faut pas le reléguer à un poste moins prestigieux que celui qu'il aurait occupé en l'absence de discrimination.

Comme nous l'avons indiqué dans notre décision, le Tribunal est bien conscient des modifications touchant l'avancement et l'infrastructure qui ont été apportées au CNR en 1990, notamment en ce qui a trait aux titres de postes. Il semble qu'il y ait encore de la confusion quant à la classification des titres des postes de gestion. Voici ce que M. Willis dit au volume 32, p. 5862 :

[TRADUCTION]

LE TÉMOIN : En toute déférence pour l'opinion contraire, je comprends la confusion qui existe au sujet de certains de ces titres. Ce que nous avons demandé, c'est que l'on soit très clair sur la nature des postes, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas.

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Selon une directive du comité de gestion, les postes MG (comité de gestion) qui relèvent d'un directeur général sont des postes de directeur. Ceux qu'on appelle actuellement des chefs de section de l'Institut des sciences des microstructures devraient donc être appelés directeurs.

LE PRÉSIDENT : Je suis tout à fait d'accord.

LE TÉMOIN : Pour que l'on évite cette confusion.

Lorsque j'ai dit à M. Vanier de le faire ou que je lui ai demandé de le faire, il s'est montré très réticent et il a dit "Pendant quelque temps encore, jusqu'à ce que l'Institut soit prêt à cela, j'aimerais que l'on conserve le titre de chef de section". J'imagine...

LE PRÉSIDENT : Je comprends que c'est le même problème que vous avez eu en ce qui a trait aux révisions aux fins d'avancement.

LE TÉMOIN : Oui.

LE PRÉSIDENT : Bon nombre de scientistes estimaient que c'était une ingérence et qu'il ne convenait pas pour eux de discuter de leurs possibilités d'avancement. On l'a donc fait pour certains, et pour d'autres, ça n'a pas été fait, et je comprends que c'était une situation provisoire aussi.

LE TÉMOIN : Nous avons beaucoup de situations provisoires et...

Mme Sams : Q. Est-il juste de dire que le CNR est en voie de transition?

LE PRÉSIDENT : Comme beaucoup d'autres choses de la vie, Madame Sams.

LE TÉMOIN : Je ne veux pas parler de tous les postes là, mais il y avait un directeur, un directeur associé et un directeur adjoint, puis il y avait les postes de chefs de section.

LE PRÉSIDENT : Maintenant, c'est ça que...

LE TÉMOIN : C'était dans la division de physique, avant...

LE PRÉSIDENT : Avant 1990.

LE TÉMOIN : Avant 1990.

LE PRÉSIDENT : D'accord.

LE TÉMOIN : Aujourd'hui, ce serait le poste de directeur général.

LE PRÉSIDENT : Oui, MG-4.

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LE TÉMOIN : MG-4. Et c'est ce que nous avons demandé dans nos directives, nous avons demandé à l'Institut de les appeler des postes de directeurs, mais, comme je l'ai dit, on a tendance à les appeler chef de section. Ces postes sont équivalents aujourd'hui et, à l'époque c'étaient des postes équivalant aux postes des niveaux MG-2 et MG-3.

LE MEMBRE JORDAN : Mais on les appelle directeurs aussi n'est-ce pas?

LE TÉMOIN : Dans d'autres instituts, oui. Dans la plupart des instituts, on les appelle directeurs.

LE MEMBRE JORDAN : D'accord.

LE TÉMOIN : A l'Institut Herzberg, on les appelle directeurs.

LE MEMBRE JORDAN : D'accord.

LE TÉMOIN : Et c'est pour ça que je veux être très précis.

LE MEMBRE JORDAN : Ce sont donc des postes équivalents.

LE TÉMOIN : Il s'agit vraiment d'un secteur ou deux et, malheureusement, l'Institut des étalons nationaux de mesure est l'un de ces instituts où l'on a conservé cette ancienne terminologie, comme je l'ai mentionné, provisoirement, sous la contrainte.

Il y a un poste de directeur général à l'Institut des étalons nationaux de mesure. Nous avons trois chefs de section qui devraient être appelés directeurs, mais on les appelle chefs de section, comme je l'ai déjà expliqué. Sous les chefs de section, nous avons ensuite les groupes.

LE PRÉSIDENT : Mais les chefs de section sont des MG-2.

LE TÉMOIN : Ce sont des MG-2 qui sont équivalents aux postes découlant des changements survenus là-bas. Celui-là, c'est un MG-4 et, encore une fois, cela correspond aux changements survenus là-bas.

Ces postes ici sont des postes de groupes d'agents de recherche et ce sont encore des agents de recherche aujourd'hui.

En réponse à une question du Tribunal, à la page 5936, M. Willis a admis sans peine que, si M. Grover devenait chef de section à l'IENM, il serait effectivement directeur. Dans le passage suivant, les questions que le Tribunal a posées à M. Willis et les réponses de celui-ci portent véritablement sur le noeud du problème lié à l'attribution d'un poste approprié à M. Grover (p. 5939) :

[TRADUCTION]

LE TÉMOIN : Comme je l'ai déjà mentionné, nous mettrons un terme à l'utilisation provisoire du titre «chef de section», qui découlait d'une certaine réticence de M. Vanier, afin d'éviter de perpétuer la confusion qui règne maintenant.

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LE PRÉSIDENT : D'accord. Nous pourrions aller encore plus loin. Si vous apportez ce changement, modifierez-vous vos autorisations de signature, parce qu'elles ne seront pas conformes aux organigrammes qui figurent à la pièce C-22?

LE TÉMOIN : Nous nous assurerons, et je crois que nous avons déjà commencé à le faire, que les autorisations de signature sont conformes à tous les titres de poste utilisés au Conseil national de recherches.

Comme vous l'avez déjà mentionné avec raison, un des changements avec lesquels nous sommes aux prises depuis quelques années, c'est celui de faire du CNR une organisation gérée plutôt qu'une organisation collégiale; c'est ce changement qui a donné lieu à bon nombre des problèmes soulevés devant le Tribunal. Nous reconnaissons cette situation et nous admettons qu'il y a encore une certaine lenteur dans l'organisation.

Nous le reconnaissons. Nous ne l'appuyons pas pour autant et nous agirons le plus rapidement possible pour rectifier la situation.

En ce qui a trait à la structure de gestion qui existait à l'IENM, voici ce que M. Willis a dit (p. 5946) :

[TRADUCTION]

Q. Vous avez dit hier soir qu'à l'IENM, si je vous ai bien compris, il n'est pas possible qu'un chef de groupe assiste aux réunions d'un comité de gestion, comme le comité des programmes scientifiques de l'IHA. Est-ce exact?

R. D'après ce que je comprends de la façon dont M. Vanier dirigeait l'Institut des étalons nationaux de mesure, il avait un comité de gestion composé des trois directeurs et de lui-même, si je peux clarifier notre éternel problème culturel.

Il tenait également des réunions à l'occasion avec les chefs de groupe. Je lui avais ordonné, entre autres choses, de créer un comité scientifique et je ne sais pas si cela a été fait. Ce comité sera certainement créé sous peu et j'ignore comment ils ont l'intention de procéder.

A la lumière de ces réponses, le Tribunal comprend que la démarche visant à simplifier l'infrastructure de l'IENM et peut-être du reste du CNR n'est pas terminée et qu'il semble y avoir encore beaucoup de travail à faire pour que la structure de gestion de l'ensemble de l'organisation soit uniforme. C'est dans le contexte de cette transition qu'on nous avait demandé à l'origine, entre autres réparations, de désigner M. Grover à un poste approprié.

M. Willis a tenté de nous convaincre que le poste auquel M. Grover a été nommé à l'IHA comportait un élément de recherche. Son témoignage au sujet de l'ampleur des activités de recherche, notamment celles du laboratoire d'optique maintenant dirigé par M. Powell, est bien différent des réponses qu'il avait données au Tribunal le 22 mars 1991 (volume 22, p. 4010) :

[TRADUCTION]

PAR Me SAUNDERS :

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Q. Vous avez parlé du laboratoire des étalons de base et de la division de physique et aussi, je crois, du laboratoire des sciences des microstructures. Qu'est-il arrivé du laboratoire de photonique, qui se trouvait dans la division de la physique?

R. Il est disparu progressivement. Fondamentalement, il a été éliminé, si vous voulez, cela découle de la décision que l'Institut d'optique a prise en 1984. Le composant laser, le laser à verre au néodyme et le composant laser à pulsions ultrabrèves faisaient partie de l'Institut Stacey des sciences moléculaires. Le projet laser, qui fonctionnait avec Lumonics et ainsi de suite, a été transféré au bureau des affaires scientifiques; c'était un bureau de projets et un ou deux employés y étaient affectés. Le composant couches minces a été transféré au laboratoire des sciences des microstructures, parce que, lorsque vous fabriquez des puces, vous fabriquez avant tout des couches optiques minces; les technologies sont donc complémentaires. Le service des composants optiques, qui est un laboratoire de services toujours rattaché au CNR et auquel tout le monde a encore recours, je pense par exemple à l'Institut d'optique, a été transféré au bureau des affaires scientifiques.

Q. Lorsque vous parlez de ça, c'est sous la responsabilité de M. Powell?

R. C'est en partie sous la responsabilité de M. Powell.

Q. Vous avez dit au cours de votre témoignage que M. Powell a déjà eu un groupe qui est devenu une section et que le laboratoire des composantes optiques relevait de lui. Savez-vous quelles sont ses responsabilités maintenant?

R. M. Powell... fait partie du bureau des affaires scientifiques. Il est autonome et un technicien relève de lui. Le laboratoire des composants optiques, qui est un lieu de fabrication, a son propre chef et M. Powell appuie cette activité en donnant des conseils sur la géométrie de l'optique, mais il n'est pas responsable de cette activité.

Q. Et lorsque vous utilisez l'expression groupe de services, que voulez-vous dire par ça?

R. C'est principalement... un groupe de services est un groupe qui travaille pour offrir des services à d'autres. Les exigences sont définies en dehors et vous produisez quelque chose, dans ce cas-ci, un composant optique, en fonction des besoins des autres. Ce n'est pas avant tout une activité de recherche, bien que les activités de M. Powell comportent des éléments de recherche. Il fait cela en partie et il fait des recherches en collaboration avec d'autres personnes dans d'autres domaines du CNR. Vous ne pouvez pas tout relier à un seul élément désordonné. Vous essayez de minimiser le désordre dans une organisation, mais vous ne supprimez pas la compétence nécessairement parce que les choses ne vont pas bien ensemble, qu'elles ne sont pas bien agencées et réparties dans le bon nombre de cases; c'est donc un élément de souplesse que nous avons conservé.

L'intimé a appelé à la barre des témoins M. Bryan Andrew, actuellement directeur de la radioastronomie et de la spectroscopie à l'IHA, poste qu'il occupe depuis trois ans. M. Andrew a dit qu'il a pris conscience de la compétence de M. Grover dans le domaine de l'optique physique et de l'optique non linéaire en lisant ses travaux de recherche. Il a également visité les laboratoires des groupes de recherche sur les composants optiques ainsi que l'INO de la ville de Québec afin de mieux connaître les travaux de M. Grover.

En réponse à la question de savoir ce qu'était exactement un chef de section ou un chef de groupe à l'IHA, M. Andrew a dit que l'on n'a pas tendance à utiliser le titre de «chef de section» à cet Institut. Celui-ci compte un directeur général et trois directeurs; lui-même est directeur et aurait probablement été considéré comme un chef de section dans d'autres instituts. Encore là, il y avait quatre chefs de groupe.

Il a ensuite expliqué l'évolution de l'IHA en ce qui a trait aux titres de postes. Il y a plusieurs années, l'IHA comptait cinq sections, chacune d'elles étant dirigée par un chef de section qui relevait d'un directeur adjoint et d'un directeur. Il y a quelques années, lorsque le CNR a été réorganisé, certains chefs de section sont devenus chefs de groupe, d'autres sont devenus directeurs et le directeur adjoint, qui était M. Andrew à l'époque, est devenu directeur; quant au directeur, il est devenu directeur général. Le comité de gestion de l'IHA se composait de trois directeurs et du directeur général et leurs responsabilités résidaient dans la planification de programmes et l'établissement de priorités, la préparation du budget, l'élaboration des politiques et procédures administratives, la planification de la formation et des ressources humaines, la planification des communications, les questions liées à la sécurité et la préparation des rapports de l'Institut. En outre, il existe un comité des programmes scientifiques composé du directeur général, de quatre directeurs et de quatre chefs de groupe ainsi que du chef des services centraux et de l'administration. La principale tâche de ce groupe consiste à déterminer les programmes scientifiques qui devraient être appliqués et ceux qui devraient être abandonnés.

Interrogé au sujet du titre de «chef de section», M. Andrew a dit qu'il n'était pas certain qu'un poste de chef de section aujourd'hui correspondrait en tous points à celui qui existait il y a quatre ou cinq ans.

En ce qui a trait à la lettre du 10 septembre, M. Andrew a reconnu qu'elle ne comportait aucune mention d'un projet de recherche pour M. Grover, mais il a précisé que celui-ci devrait définir son propre projet de recherche. Cependant, le projet de recherche de M. Grover devrait concerner d'une façon ou d'une autre l'astronomie qui, comme M. Andrew le reconnaît, constitue le principal champ d'activité de l'IHA. Selon lui, l'Institut pourrait tolérer des digressions mineures dans d'autres domaines pertinents, comme l'astronomie.

M. Andrew a insisté sur le fait qu'avant le 10 septembre 1992, soit la date de la lettre de M. Perron, il n'a pas été consulté au sujet de la question de la mutation de M. Grover au groupe de M. Powell. Il n'a pas consulté M. Grover au préalable et il n'y a pas eu non plus de rencontres

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bilatérales entre le plaignant et la direction de l'intimé avant le 10 septembre ne serait-ce que pour discuter de l'intégration de M. Grover à l'IHA. La méthode que la direction a adoptée, soit l'absence de consultation, semble être la marque de commerce de M. Perron. Le Tribunal estime que, si des consultations et des discussions appropriées avaient eu lieu avant la lettre du 10 septembre entre les intéressés, cette partie de l'audience visant à clarifier la situation aurait pu être évitée.

CONCLUSION

Le Tribunal en vient à la conclusion, après avoir entendu d'autres témoins au sujet de la seule réparation non réglée, qu'il semble y avoir encore de la confusion au sein de la structure du CNR en ce qui a trait à l'avancement au niveau de la direction, notamment en ce qui concerne les désignations des postes de gestion dont il est question en l'espèce.

Nous estimons donc que des éclaircissements supplémentaires sont nécessaires pour mettre un point final à l'exécution de la réparation accordée en ce qui a trait à l'attribution d'un «poste approprié» à M. Grover au sein de la structure de gestion du CNR.

En conséquence, nous ordonnons que M. Grover soit nommé à un poste équivalent à celui qu'occupent actuellement MM. Robertson et Bedford, soit un poste de chef de section à l'IENM. A titre d'éclaircissement supplémentaire, nous ajoutons que, d'après ce que nous comprenons, le poste de «chef de section» dans les autres instituts serait un poste qui est actuellement l'équivalent du «directeur». Compte tenu de la compétence de M. Grover dans le domaine de l'optique, le poste de chef de section ou de directeur qui serait le plus approprié pour lui serait un poste au sein de l'Institut des sciences des microstructures, de l'Institut de la technologie de l'information ou, comme nous l'avons déjà mentionné, de l'Institut des étalons nationaux de mesure.

Nous ordonnons également que la responsabilité relative à la réintégration de M. Grover au sein du CNR soit confiée purement et simplement aux personnes qui ont le pouvoir, la position, le prestige et les ressources nécessaires pour changer le climat (de discrimination) au CNR, afin que cette réintégration se fasse en bonne et due forme. Le témoignage de M. Willis indique clairement que la haute direction du CNR jouit du pouvoir discrétionnaire et de la prérogative nécessaires pour donner effet à cette décision tout en répondant aux besoins du CNR (voir le vol. 32, p. 6025, l. 20 à la p. 6037, l. 15).

Après avoir examiné à nouveau la preuve, nous sommes d'avis que la proposition énoncée dans la lettre du 10 septembre 1992 est tout à fait inappropriée, compte tenu de la compétence de M. Grover et de l'absence de programme de recherche significatif, ainsi que du fait qu'aucune autre possibilité d'avancement ne lui a été offerte depuis 1986.

Le Tribunal demeure saisi de l'affaire afin d'être disponible si d'autres éclaircissements sont nécessaires au sujet de la nomination de M. Grover à un poste approprié. - 21 -

Fait le 17 février 1994.

CARL E. FLECK, c.r., président

RUTH S. GOLDHAR, membre

KATHLEEN M. JORDAN, membre

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