Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

CENTRE DE RECHERCHE-ACTION SUR LES RELATIONS RACIALES

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

WWW.BCWHITEPRIDE.COM

l'intimé

DÉCISION SUR REQUÊTE

2006 TCDP 29
2006/06/26

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen A. Jensen

[TRADUCTION]

[1] La présente décision porte sur deux requêtes. La première requête a été présentée par la Commission canadienne des droits de la personne en vue de modifier le nom de l'intimé www.bcwhitepride.com pour qu'il soit BC White Pride Group associé au site Web www.bcwhitepride.com et d'ajouter deux autres intimés, M. John Beck et le White Renegade Group. La deuxième requête est une demande présentée par M. Beck en vue de faire rejeter, sans qu'une audience soit tenue, la plainte déposée contre www.bcwhitepride.com. M. Beck n'est pas nommé à titre d'intimé dans la plainte, mais la Commission l'a identifié comme la personne à qui le Tribunal devrait envoyer la correspondance destinée à la partie intimée.

[2] Dans sa requête, M. Beck soutient que www.bcwhitepride.com n'est pas une personne ou un groupe de personnes au sens du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il soutient que la plainte devrait par conséquent être rejetée sans qu'une audience soit tenue. Le plaignant, le Centre de recherche-action sur les relations raciales, n'a présenté aucune observation à l'égard des requêtes.

[3] Pour les motifs ci-après énoncés, j'ai décidé d'ajourner l'audition des requêtes; le droit des parties de présenter ces requêtes de nouveau, à tout moment au cours de l'audience, n'est pas compromis ou touché de quelque façon.

[4] Premièrement, le fait que le nom de l'intimé comporte l'extension de fichier .com ne constitue pas, en soi, un motif de rejet automatique de la plainte déposée contre l'intimé. Plutôt, il faut se demander s'il existe quelque élément de preuve démontrant que www.bcwhitepride.com est le nom que porte une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord. Dans la décision Warman c. Kulbashian, 2006 TCDP 11, le Tribunal a conclu, en se fondant sur la preuve présentée au cours de l'audience, que malgré le fait qu'il y ait dans son nom l'extension de fichier .com, l'intimée Affordable Space.com était une personne au sens du paragraphe 13(1) de la Loi. Il existait des éléments de preuve démontrant qu'Affordable Space.com était une entreprise qui fournissait des services Internet qui permettaient la communication sur Internet des messages en cause dans cette affaire. Par contre, dans la même affaire, le Tribunal a conclu qu'il n'y avait aucun élément de preuve démontrant que l'intimé désigné sous le nom www.tricityskins.com était autre chose qu'un nom de site Web. Par conséquent, la plainte contre www.tricityskins.com a été rejetée.

[5] Dans la présente affaire, il y a des faits et des points contradictoires qui requièrent un examen plus approfondi avant qu'une décision puisse être rendue à l'égard de la nature de l'intimé www.bcwhitepride.com. La Commission a déposé l'affidavit de M. Shane Martinez au soutien de sa position quant aux requêtes. Dans son affidavit, M. Martinez déclare qu'une partie de son travail dans le domaine des droits de la personne et des activités en matière de justice sociale consiste à assurer une surveillance sur Internet. Dans le cadre de sa surveillance, M. Martinez a découvert les sites www.bcwhitepride.com et www.whiterenegade.com. M. Martinez a déclaré qu'il a directement pris contact avec M. Beck à l'égard des sites Web. En se fondant sur les communications qu'il a eues, M. Martinez affirme que le groupe BC White Pride est un groupe qui a été cofondé par M. John Beck et que M. Beck a rédigé une grande partie du contenu du site Web du groupe www.bcwhitepride.com.

[6] On a prétendu, au nom de M. Beck, que l'affidavit de M. Martinez déposé en preuve est largement discutable et qu'il n'établit pas qu'il y a une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord qui porte le nom de BC White Pride Group ou www.bcwhitepride.com. M. Beck n'a pas présenté d'affidavit et, jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de contre-interrogatoire à l'égard de l'affidavit de M. Martinez.

[7] À mon avis, la preuve dont le Tribunal est saisi à ce moment-ci est insuffisante pour régler les questions de fait et de droit permettant d'établir si l'intimé www.bcwhitepride.com est une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord au sens du paragraphe 13(1) de la Loi.

[8] Le deuxième motif d'ajournement des présentes requêtes jusqu'à l'audience se rapporte aux préoccupations du Tribunal à l'égard du fait de rejeter une plainte sans qu'une audience soit tenue. Le paragraphe 50(1) de la Loi prévoit qu'après qu'un avis a été donné aux parties en cause, le membre instructeur instruit la plainte et donne aux parties la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter des éléments de preuve ainsi que leurs observations. En fait, le Tribunal n'a rejeté des plaintes sans qu'une audience soit tenue que dans très peu d'affaires et alors seulement sur le fondement de la doctrine de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ou de celle de l'abus de procédure (Cremasco c. Société canadienne des postes, 2002-09-30 - décision no 1, confirmée par 2004 CAF 363; Toth c. Kitchener Aero Avionics, 2005 TCDP 19; O'Connor c. Compagnie des chemins de fer nationaux, 2006 TCDP 05). Dans ces affaires, le Tribunal a conclu que les questions soulevées dans la plainte avaient fait l'objet d'une décision judiciaire définitive devant une autre instance. Par conséquent, il a été conclu que toutes les parties en cause avaient eu la possibilité pleine et entière de soulever devant une autre instance les questions en matière de droits de la personne. Le Tribunal a déclaré que ce n'est que dans les circonstances les plus explicites qu'une plainte peut être rejetée sur le fondement de la doctrine de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ou de celle de l'abus de procédure sans qu'une audience soit tenue (Cremasco, précitée, au paragraphe 106).

[9] Tel n'est pas le cas en l'espèce. Aucune décision n'a été rendue à l'égard des questions soulevées dans la présente affaire. En fait, les circonstances de la présente affaire sont plus semblables à celles de l'affaire Bozek c. MCL Ryder, [2002] D.C.D.P. no 34, dans laquelle l'intimée tentait d'obtenir le rejet de la plainte, compte tenu du temps écoulé et du préjudice en résultant, sans qu'une audience soit tenue. Dans cette affaire, le Tribunal a statué qu'il y avait des faits et des points en litige qui requéraient un dossier complet de preuve avant qu'une décision puisse être rendue quant à la question de savoir si la plainte devrait être rejetée compte tenu du temps écoulé. Par conséquent, le Tribunal a statué que les auditions des requêtes seraient ajournées jusqu'à l'audition de la plainte.

[10] De la même façon, il y a dans la présente affaire des faits et des points en litige qui requièrent un examen plus approfondi. En réponse à l'affirmation de M. Beck selon laquelle il n'y a pas d'élément de preuve donnant à penser que www.bcwhitepride.com est une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord, la Commission soutient que le fait de rejeter la plainte, sans qu'une audience soit tenue, sur le fondement de l'objection d'ordre formaliste selon laquelle l'intimé peut ne pas avoir été correctement désigné va à l'encontre de l'objet de la Loi. Tout ce qui peut être nécessaire c'est de remplacer le nom de l'intimé www.bcwhitepride.com par celui de BC White Pride Group associé au site Web www.bcwhitepride.com. Toutefois, la question de savoir si le Tribunal a le pouvoir de faire une substitution de cette nature n'a pas été débattue. De plus, les parties ne s'entendent pas quant à la question de savoir s'il existe un fondement probatoire pour qu'une telle modification soit effectuée.

[11] Selon les circonstances de l'affaire, je ne vois pas de quelle façon le Tribunal peut à ce moment-ci statuer sur la requête présentée par l'intimé en vue de faire rejeter la plainte. Dans le même ordre d'idées, je ne vois pas de quelle façon le Tribunal peut à ce moment-ci décider si le nom BC White Pride Group associé au site Web www.bcwhitepride.com peut remplacer le nom actuel de l'intimé. Les deux questions sont liées et doivent à mon avis être tranchées sur le fondement d'éléments de preuve appropriés.

[12] À l'égard de l'ajout des deux autres parties, White Renegade Group et John Beck, la Commission pourra soulever cette question lors de l'audience si elle souhaite le faire.

Karen A. Jensen

OTTAWA (Ontario)

Le 26 juin 2006

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1120/0206

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Centre de recherche-action sur les relations raciales c. www.bcwhitepride.com

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 26 juin 2006

ONT COMPARU :

Aucune observation présentée

Pour le plaignant

Giacomo Vigna

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Paul Fromm

Pour l'intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.