Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 3/94 Décision rendue le 27 janvier 1994

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L.R.C. (1985), chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE

LEONIE RIVERS

la plaignante

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

et

CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE SQUAMISH

l'intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

TRIBUNAL : DONALD LEE, c.r. président Gulzar Shivji membre Jill Sangster membre

ONT COMPARU : Mme S.E. Ross et D.N. Ranson, avocats de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP)

J.R. Rich et M. Akey, avocats de l'intimé

DATES ET LIEU Vancouver (C.-B.) DE L'AUDIENCE : Le 19 octobre 1992 Les 9, 10, 12 et 13 novembre 1992 Les 7 au 9 et 11 décembre 1992 Les 12 au 16, 19 au 21 juillet 1993 Les 16 et 17 septembre 1993

DÉCISION MAJORITAIRE DE : Donald Lee, c.r. (Jill Sangster y a souscrit)

OPINION DISSIDENTE DE : Gulzar Shivji

TRADUCTION

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(A) LE TRIBUNAL

Le présent tribunal, qui se compose de moi-même, président, de Jill Sangster, de Vancouver, et de Gulzar Shivji, de Richmond, toutes deux de la province de la Colombie-Britannique, a été désigné le 1er avril 1992 et est chargé d'enquêter sur les plaintes de Leonie Rivers en date du 7 avril 1987, modifiées les 7 mai et 25 juin 1987, à l'encontre du conseil de la bande indienne de Squamish, et de déterminer si les actions faites à son endroit et qui font l'objet des plaintes constituaient des actes discriminatoires, fondés sur sa situation de famille et sur son origine nationale ou ethnique, et relatifs à une question d'emploi visée aux art. 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (pièce T-1).

(B) LA PLAINTE

La plaignante Leonie Rivers a signé un formulaire de plainte de la Commission canadienne des droits de la personne le 7 avril 1987, qui a été modifié les 7 mai et 25 juin 1987 et dans lequel elle déclare être fondée à croire que le conseil de la bande indienne de Squamish, en C.-B., a exercé à son endroit des actes discriminatoires, fondés sur sa situation de famille et sur son origine nationale ou ethnique, ce qui est contraire à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Voici le détail des actes reprochés :

[TRADUCTION]

En refusant de m'embaucher et en suivant une ligne de conduite qui constitue du népotisme en matière d'emploi, le conseil de la bande indienne de Squamish a exercé à mon endroit, en raison de ma situation de famille et de mon origine nationale ou ethnique, des actes discriminatoires, visés par les articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Je suis une autochtone. Ma mère appartient à la bande de Gitsegulka, établie au nord de Terrace, en C.-B., où je suis née. En raison de mon lieu de naissance, je suis une Gitksan. En août 1976, j'ai épousé un membre de la bande indienne de Squamish, établie à North Vancouver, en C.-B., où je réside. Je suis donc devenue un membre inscrit de cette bande.

Entre juin et décembre 1986, j'ai postulé cinq emplois offerts par la bande indienne de Squamish : coordinateur de l'éducation (juin 1986), concepteur de programmes d'études (décembre 1986), conseiller d'orientation scolaire et professionnelle (décembre 1986), coordinateur de l'action en faveur des jeunes (décembre 1986) et directeur des loisirs (décembre 1986). Les candidats reçus pour ces postes étaient tous moins qualifiés et moins expérimentés que moi; toutefois, chacun d'eux était parent avec un membre du conseil de bande.

J'ai interjeté appel des décisions relatives à ces postes devant le conseil de la bande indienne de Squamish. Au cours des discussions qui ont entouré mon appel, en février 1987, l'un des chefs de la bande a dit ceci : nous n'engageons pas seulement

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des membres de la bande, nous n'engageons que des membres par filiation. Mon appel a été rejeté par la suite en raison de cette ligne de conduite.

(C) LEONIE RIVERS, PLAIGNANTE

Leonie Rivers est une autochtone qui est née à Kitwanga, en Colombie-Britannique, dans la bande de Kitwanga. Sa mère appartient à la bande de Gitsegukla, établie au nord de Terrace, en C.-B. En raison de son lieu de naissance, elle est une Gitksan. En août 1976, elle est devenue un membre inscrit de la bande indienne de Squamish, établie à North Vancouver, en C.-B., en épousant Glen Rivers, qui est un membre de cette bande. Elle est donc devenue un membre par alliance de la bande indienne de Squamish.

(D) LEONIE RIVERS -- ÉTUDES

En mai 1983, Leonie Rivers a obtenu un baccalauréat en enseignement élémentaire de l'Université de la Colombie-Britannique et elle a suivi d'autres cours en enseignement aux autochtones grâce auxquels elle a reçu un brevet d'enseignement aux autochtones (onglet 38, pièce HR-2). A la fin de ses études en sciences de l'éducation, Mme Rivers a fréquenté l'Université de la Saskatchewan, à Saskatoon, où elle a suivi un programme de formation juridique à l'intention des autochtones, qui consiste dans un cours préparatoire, intensif, de droit d'une durée de six à huit semaines conçu pour évaluer sa capacité à faire des études de droit. En 1984, elle a été acceptée à la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique où elle a terminé sa première année. En 1979-1980, elle a suivi des cours du soir au BCIT, recevant une formation de base en traitement de texte sur ordinateur et en programmation informatique.

(E) LEONIE RIVERS -- EXPÉRIENCE DE TRAVAIL

Leonie Rivers a été une enseignante/conseillère à la Ustla-Hahn Alternate School; elle a enseigné aux classes de 8e, de 9e et de 10e année pendant deux ans, à partir de 1978/1979 . Cette école était administrée par la bande indienne de Squamish de concert avec un comité consultatif du district scolaire de North Vancouver. C'était une école alternative qui répondait mieux que le réseau scolaire public aux besoins des élèves autochtones de la bande indienne de Squamish. Il s'agissait d'un poste à durée déterminée, sujet au renouvellement annuel.

Durant l'été de 1977, Leonie Rivers a occupé un emploi de travailleuse des services d'aide à l'enfance au bureau de développement social de la bande, sous la direction de Steve Kosey. Pendant qu'elle occupait ce poste, elle a conçu une trousse de projet pilote en arts du langage, pour les élèves des classes de 4e à 8e année de la bande de Squamish, parce que le programme normal du ministère de l'Éducation de la C.-B. leur causait des difficultés.

Au cours de l'été de 1977 et de 1978, Mme Rivers a été engagée comme directeur d'études en arts du langage, sous la surveillance du bureau de l'éducation et du développement social de la bande indienne de Squamish.

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A ce titre, elle devait enseigner les mathématiques et les arts du langage à environ 16 à 20 élèves.

En 1982, Mme Rivers remplissait la fonction de secrétaire chargée du procès-verbal du vice-chef de l'Assemblée des Premières Nations, lequel occupe un poste semblable à celui de premier ministre de la province au sein de la collectivité autochtone, et a travaillé comme consultante du Tribal Council de la C.-B. relativement à un projet de politique. Dans l'exercice de cette fonction, elle était appelée à corriger les avant-projets et à formuler des recommandations et des propositions en sa qualité d'autochtone ou de personne intéressée.

Durant l'été de 1982, Mme Rivers était adjointe de direction de M. Bob Warren, président des United Native Nations, association autochtone provinciale de la C.-B. Elle mettait à jour ses documents administratifs et sa correspondance, et elle répondait à son courrier quotidien. Par la suite, elle a occupé le poste d'agente d'éducation des United Native Nations. A ce titre, elle faisait des évaluations et apportait son aide dans le cadre de programmes scolaires adaptés aux besoins particuliers des élèves autochtones. Elle était aussi chargée d'un programme de bourses pour les personnes ou les élèves indiens non inscrits (personnes visées par le projet de loi C-31).

Mme Rivers a occupé le poste de directrice administrative intérimaire du Vancouver Indian Centre, à Vancouver (C.-B.), durant cinq mois, de façon tout à fait bénévole. A la même époque, elle était également présidente bénévole de la Vancouver Indian Centre Housing Society (de novembre 1983 à octobre 1985) et du Vancouver Indian Centre (de novembre 1983 à novembre 1984). En qualité de directrice administrative, elle était chargée de l'établissement du budget de treize programmes et de la liaison avec le conseil d'administration. Elle a rédigé des rapports et des propositions en vue de la réorganisation du centre, qui avait une dette à long terme considérable.

En 1981, Mme Rivers a d'abord été professeur et conseillère à temps partiel, avant de devenir professeur à plein temps au campus King Edward du Vancouver Community College, où ses tâches concernaient le programme de formation professionnelle pour les autochtones et de formation de base des adultes; ce programme est destiné aux jeunes qui ont décroché et qui veulent retourner aux études après s'être rendu compte de l'importance de l'éducation.

En 1985, Mme Rivers a été éducatrice et agente d'information à la Commission de l'Emploi et de l'Immigration du Canada. Elle travaillait auprès des jeunes autochtones, des clients ayant des besoins particuliers, pour les aider à acquérir de nouvelles compétences, notamment en ce qui a trait aux démarches à faire pour trouver un emploi.

De janvier 1986 à février 1986, Mme Rivers a été employée par Santé et Bien-être social Canada, Direction générale des services médicaux, comme adjointe administrative. Elle a occupé ce poste à court terme conformément à un marché de services personnels passé avec le gouvernement

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fédéral. Elle était chargée de l'administration et du fonctionnement quotidien de la formation de base du module IV du Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les autochtones/représentants en santé communautaire.

En février 1986, Mme Rivers a été engagée pour six semaines par la bande indienne de Squamish comme coordinatrice de l'enseignement à domicile, sous la surveillance de Gloria Wilson. Ce poste a été redésigné coordinateur de l'éducation quand la Direction de l'éducation et du développement social a été scindée en deux. D'après le témoignage de la plaignante, c'est Bill Williams qui lui a parlé de cet emploi temporaire. Elle devait agir comme consultante de la bande indienne de Squamish, chargée d'étudier et d'évaluer le programme d'enseignement postsecondaire de la bande.

Entre mai 1986 et janvier 1987, Mme Rivers a postulé cinq emplois offerts par la bande indienne de Squamish :

Coordinateur de l'éducation (juin 1986) Concepteur de programmes d'études (décembre 1986) Conseiller d'orientation scolaire et professionnelle (décembre 1986) Coordinateur de l'action en faveur des jeunes (décembre 1986) Coordinateur des loisirs (décembre 1986).

(F) CONCOURS RELATIF AU POSTE DE COORDINATEUR DE L'ÉDUCATION

Ce poste a été créé en 1986 quand la Direction de l'éducation et du développement social a été scindée en deux. Gloria Wilson était la directrice à ce moment-là. Leslie Harry, président du conseil de la bande indienne de Squamish, a témoigné que Gloria Wilson était contre la scission (Transcription, volume 10, page 1161, lignes 18 à 24). Gloria Wilson et Mme Rivers ont témoigné que Gloria Wilson ne s'était pas opposée à la scission de la Direction de l'éducation et du développement social, mais qu'elle n'avait pas aimé la manière dont elle s'était opérée.

L'avis relatif au poste de coordinateur de l'éducation a été affiché en date du 30 mai 1986 et la description de poste a été préparée par Bill Williams, administrateur de la bande à l'époque. Ce dernier a témoigné qu'il était chargé de mettre sur pied le jury de sélection à l'égard de ce poste. Il a préparé les questions et désigné les autres membres du jury, soit Gwen Harry et Byron Joseph, qui se sont joints à lui. Bill Williams a rédigé la description de poste, dans laquelle on peut lire, sous la rubrique [TRADUCTION] Qualités requises :

Un brevet d'enseignement valide, des études ou une expérience de travail connexe, pertinente, seront pris en considération. (Pièce HR-2, onglet 1)

Outre Mme Rivers, quatre autres candidats, savoir Deborah Jacobs, Richard Band, Theresa Campbell et Karen Joseph-Darbyshire se sont présentés. Le jury de sélection, soit Gwen Harry, Byron Joseph et Bill Williams, était assisté de Kim Seward et de Janice George, qui

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représentaient les élèves lors des entrevues. Après les entrevues, les membres du jury ont exprimé chacun un premier choix distinct pour le poste de coordinateur de l'éducation. Bill Williams a placé Deborah Jacobs au premier rang et Richard Band au deuxième; Gwen Harry a accordé la première place à Richard Band et la deuxième à Deborah Jacobs; Byron Joseph a choisi d'abord Mme Rivers, puis Deborah Jacobs. Après avoir discuté la question et évalué les réponses des candidats aux questions posées durant l'entrevue, ils sont arrivés à un consensus et ont retenu la candidature de Deborah Jacobs pour le poste de coordinateur de l'éducation. Celle-ci est squamish par filiation, étant la nièce du conseiller de la bande Gilbert Jacob et la cousine de Kim Seward et de Janice George, les élèves qui ont assisté à la sélection.

(i) Témoignage de Leonie Rivers relativement au poste de coordinateur de l'éducation

Mme Rivers s'est plainte d'avoir été mal à son aise lors de l'entrevue pour le poste de coordinateur de l'éducation. C'est entre autres parce qu'elle n'était pas certaine à ce moment-là des raisons pour lesquelles Kim Seward et Janice George, cousines de Deborah Jacobs, lui posaient des questions à l'entrevue (Transcription, volume 2, page 98, lignes 22 à 25; page 100, lignes 10 à 17).

Mme Rivers a émis l'avis que le jury de sélection était responsable de sa piètre (de son propre aveu) performance à l'entrevue pour ce poste.

Au cours de son interrogatoire principal, Mme Rivers a témoigné que Gwen Harry, membre du jury, lui avait posé certaines questions :

[TRADUCTION]

Elle a posé quelques questions précises, elle a posé plus de questions du genre scénario, au sujet de ce que je ferais dans certaines situations et comment j'agirais à l'endroit de personnes, ce genre de choses (Transcription, volume 2, page 102, lignes 6 à 9).

Elle a ajouté ceci :

[TRADUCTION]

C'est que j'avais postulé deux autres emplois auparavant et je savais quel genre de -- vous savez, se présenter, en sachant et en prévoyant quel genre de questions on vous posera, parce que cela se rapporte à l'emploi. Je croyais que certaines des questions qu'elle m'a posées ne se rapportaient pas au poste, c'est tout (Transcription, volume 2, de la page 102, ligne 22, à la page 103, ligne 1).

Lors du contre-interrogatoire, la plaignante a fourni des éclaircissements :

[TRADUCTION]

Q. Et quel genre de questions était-ce, auxquelles vous ne vous attendiez pas?

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R. Celles qui se rapportaient à la manière dont je réagirais devant certaines situations hypothétiques au sein de la bande (Transcription, volume 3, page 253, lignes 9 à 12).

Q. Il y avait d'autres questions alors, auxquelles vous ne vous attendiez pas et que vous jugez peu appropriées. Quelles sont-elles, s'il vous plaît?

R. Elles n'étaient pas -- c'étaient des questions précises qui se rapportaient à l'emploi ...

La plaignante en a conclu que le jury n'avait pas fait un bon travail :

[TRADUCTION]

Q. Vous voulez dire que le jury n'a pas fait un très bon travail?

R. A mon sens, non (Transcription, volume 3, page 266, lignes 7 à 9).

Environ deux jours avant la date limite de présentation des candidatures pour ce poste, Bill Williams a dit à Mme Rivers de prolonger son contrat à titre de coordinatrice de l'enseignement à domicile afin de guider la personne qu'ils allaient engager comme coordinateur de l'éducation (Transcription, volume 2, page 99, lignes 9 à 14). Mme Rivers s'est demandé si le jury de sélection avait déjà fait son choix et se contentait de mener le processus à terme en tenant des entrevues. Mme Rivers a reconnu cependant qu'elle ne croyait pas que Bill Williams avait fait preuve de discrimination à son endroit (Transcription, volume 3, page 302, lignes 19 à 22).

Mme Rivers a dit avoir été dérangée par le langage gestuel de Gwen Harry, par ses questions sous forme de scénarios et par le ton de sa voix (Transcription, volume 2, de la page 100, ligne 25, à la page 101, ligne 2; page 102, lignes 3 à 25).

Mme Rivers a relaté comment elle s'était sentie à l'entrevue :

[TRADUCTION]

Ils ne semblaient pas vraiment intéressés par mes compétences comme employée éventuelle dans le secteur de l'éducation (op. cit., page 100, lignes 15 à 17).

Dans son témoignage, Mme Rivers a fait part de ses compétences sur le plan des relations humaines :

[TRADUCTION]

Eh bien, j'ai le sentiment que j'ai des compétences sur le plan des relations humaines. Je pense en avoir beaucoup. Je suis très sensible aux intérêts et aux besoins des gens, et je pense que c'est un aspect vraiment important (Transcription, volume 17, page 2451, lignes 22 à 25).

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Dans son témoignage, Mme Rivers a coté sa connaissance de la culture et de la langue squamish à cinq et demi ou six sur une échelle de dix, en faisant mention de son travail à l'école Ustl'ahan (op. cit., page 2453, lignes 7 à 22).

Mme Rivers n'a pas reçu de réponse officielle du conseil de la bande indienne de Squamish relativement au concours pour ce poste jusqu'à ce qu'elle reçoive une lettre de Bill Williams datée du 1er août 1986 (pièce HR-2, onglet 21), qu'il a apparemment écrite après qu'elle lui eut fait part de son désir d'obtenir des commentaires sur les raisons de son échec (Transcription, volume 2, page 106, lignes 15 à 17). Dans cette lettre, il l'a informée en outre que les deux étudiantes, Kim Seward et Janice George, n'avaient pas participé à la prise de décision du jury de sélection. Bill Williams a témoigné de plus que ces deux étudiantes avaient été choisies par leurs pairs au collège de Capilano et qu'il les avait mises en garde contre tout parti pris à l'endroit de parents qui seraient convoqués à une entrevue.

(ii) Témoignage de Bill Williams, administrateur de la bande, relativement au poste de coordinateur de l'éducation

Bill Williams a expliqué que, pour lui, la capacité du candidat de rassembler des fonds, ses antécédents et ses compétences en matière financière, la conception de programmes d'études et son expérience professionnelle étaient des facteurs très importants pour ce poste de coordinateur de l'éducation. Il a été impressionné par les qualités de Deborah Jacobs, qui avait terminé trois ans d'études à l'Université de la Colombie-Britannique, par ses cours de comptabilité qui n'étaient pas des cours à unités de valeur et par son expérience à titre d'agente de développement social du Secrétariat d'État à Vancouver, parce qu'à ce titre, elle devait rassembler des fonds et cela démontrait ses compétences et son expérience en matière financière. Il a choisi Deborah Jacobs plutôt que Mme Rivers, même si Deborah Jacobs ne détenait pas de diplôme en enseignement valide, lequel constituait l'une des qualités minimales requises pour le poste.

Bill Williams a expliqué que, lorsqu'il a demandé à Mme Rivers de prolonger son contrat de deux semaines pour former le nouveau coordinateur de l'éducation, il n'avait pas pris connaissance des candidatures à ce poste. Il n'a examiné les candidatures qu'après la date limite, de sorte qu'il ne pouvait pas savoir que Mme Rivers avait postulé aussi l'emploi de coordinateur de l'éducation. Il a également présumé que Mme Rivers serait plus intéressée par l'enseignement que par les fonctions administratives que comportait le poste de coordinateur (Transcription, volume 12, page 1574, lignes 7 à 9).

Bill Williams a témoigné en outre, cependant, que Mme Rivers n'avait pas paru étonnée ni contrariée de se voir demander de former le candidat reçu pour le poste de coordinateur de l'éducation (op. cit., page 1574, lignes 23 et 24).

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Quand je l'ai interrogé, Bill Williams (Transcription, volume 14, page 1866, lignes 20 à 25) a admis que les qualités minimales requises pour le poste de coordinateur de l'éducation avaient changé radicalement en l'espace de quelques semaines; il a admis aussi à un moment donné pendant l'interrogatoire que non seulement les candidats au poste de coordinateur ignoraient le changement de nature du poste, mais encore la bande indienne de Squamish ignorait elle aussi ce qu'elle voulait (op. cit., page 1867, lignes 1 à 7). Il a expliqué qu'il ne s'était rendu compte de l'ampleur des tâches qu'au moment de négocier l'entente-cadre sur les frais de scolarité avec les gouvernements fédéral et provincial, et de cerner et d'établir un programme de langue et de counselling pour la bande indienne de Squamish, ce qui l'a amené à se rendre compte que le poste de coordinateur de l'éducation exigeait d'autres qualités que la capacité d'enseigner en classe. D'après Bill Williams, tous les postulants ont eu une entrevue et il ne croyait pas que des candidats possibles aient été découragés de postuler à cause de ces changements dans la description de poste (Transcription, volume 12, de la page 1863, ligne 6, à la page 1868, ligne 16).

Quant à la manière dont Bill Williams a choisi le candidat reçu, il a qualifié le brevet NITEP (Brevet d'enseignement aux autochtones) de [TRADUCTION] titre important car il aide les autochtones à acquérir des compétences professionnelles dans les collèges et les universités (op. cit., page 1607, lignes 3 à 7). Bill Williams a louangé en outre le travail de Mme Rivers à titre de consultante en éducation dans une lettre de recommandation datée du 19 septembre 1986 (pièce HR-2, onglet 56). Il a reconnu que Leonie Rivers surpassait Deborah quant à la compétence pour enseigner, mais qu'elle ne la surpassait pas quand on prenait en considération l'expérience pertinente dans d'autres domaines, savoir la réunion de fonds, l'expérience professionnelle en matière financière, la conception de programmes, les relations avec le conseil scolaire et avec le gouvernement (Transcription, volume 12, de la page 1609, ligne 7, à la page 1613, ligne 24).

Pourtant, Bill Williams semblait ne pas être certain si lui-même et le jury de sélection avaient coté la compétence de Mme Rivers pour rassembler des fonds et son expérience et ses compétences en matière financière, telles qu'elles figuraient dans son curriculum vitae, c'est-à-dire le remboursement de la dette à long terme de 1,9 millions de dollars du Vancouver Indian Centre, la mise à jour et le réagencement des systèmes et des pratiques, la supervision de 43 employés, l'établissement des budgets de treize programmes, la rédaction de rapports et de propositions, et les responsabilités au niveau des politiques (op. cit., de la page 1614, ligne 3 à la page 1623, ligne 16). Quant à l'expérience de Mme Rivers dans le rassemblement de fonds au sein de la bande indienne de Squamish dont il se rappelait avoir tenu compte au cours du processus des entrevues, Bill Williams l'a perçue comme un élément négatif (op. cit., de la page 1614, ligne 3, à la page 1617, ligne 15). Malgré cette lacune alléguée sur le plan de la réunion de fonds, Bill Williams l'a tout de même engagée deux fois, dont une fois après qu'elle eut échoué dans une tentative pour réunir des fonds (op. cit., page 1617, lignes 1 à 13).

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Dans son témoignage en contre-preuve, Mme Rivers a dit qu'en fait, le financement de l'école maternelle de Capilano avait été obtenu avant qu'elle n'ait quitté son poste (Transcription, volume 17, de la page 2450, ligne 19, à la page 2451, ligne 15).

Bill Williams s'inquiétait également au sujet des qualités personnelles de Mme Rivers, citant la brusquerie de son langage et de son comportement envers certaines personnes de la collectivité indienne de Squamish (Transcription, volume 14, page 1847, lignes 14 à 17; de la page 1854, ligne 11, à la page 1855, ligne 10). Quand elle a travaillé pour lui en qualité de coordinatrice de l'enseignement à domicile, c'est-à-dire coordinatrice de l'éducation à titre intérimaire, il a dit qu'elle faisait un [TRADUCTION] bon travail, mais qu'il ne s'agissait que d'établir des relations avec une personne à la fois, d'accomplir une tâche précise, de faire ses recherches toute seule, et le travail n'exigeait pas de relations avec le grand public ou la collectivité (op. cit., page 1847, lignes 4 à 11).

Pendant que Mme Rivers enseignait au sous-sol des bureaux de la bande indienne de Squamish, Bill Williams a entendu des conseillers de la bande responsables du portefeuille de l'éducation se plaindre qu'elle était bourrue dans ses rapports individuels avec eux ou quand ils cherchaient à savoir comment le programme scolaire fonctionnait (op. cit., de la page 1855, ligne 20, à la page 1857, ligne 16).

Quand ma collègue Mme Shivji a demandé à Bill Williams s'il savait qu'une plainte avait été déposée au sujet de la conduite de Mme Rivers à l'école, en tant qu'institutrice, il a répondu :

[TRADUCTION]

Pas directement, non. Je ne me souviens pas (op. cit., page 1487, ligne 20). Plus tard, en réponse à mes questions à ce propos, il a reconnu que trois ou quatre rumeurs négatives circulaient au sujet de Mme Rivers et de ses activités après le travail, quand elle enseignait au sous-sol, mais parce qu'elles n'influaient pas précisément sur son travail, il n'en a pas tenu compte; le jury de sélection n'a pas tenu compte des rumeurs au moment de l'entrevue pour le poste de coordinateur de l'éducation (op. cit., de la page 1857, ligne 17, à la page 1862, ligne 5).

(iii) Témoignage de Byron Joseph, membre du jury de sélection, relativement au poste de coordinateur de l'éducation

Pour Byron Joseph, Mme Rivers venait en tête de liste pour le poste de coordinateur de l'éducation. Il a toutefois admis que le [TRADUCTION] franc-parler de celle-ci était un défaut et, lorsque le Tribunal l'a interrogé, il a dit que l'attitude de Mme Rivers la rendait moins qualifiée, car elle ne manifestait aucun respect pour les gens durant les réunions des membres de la bande (Transcription, volume 15, de la page 2058, ligne 4, à la page 2060, ligne 23). Il a cependant refusé de lier le [TRADUCTION] manque de respect et la brusquerie de Mme Rivers au fait qu'elle était un membre par alliance qui ne connaissait pas bien la culture squamish (op. cit., page 2077, lignes 3 à 20). En plus de reprocher à Mme Rivers son franc-parler, il l'a qualifiée de fomentatrice de troubles (op. cit., de la page 2059, ligne 8, à la page 2060, ligne 12).

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Byron Joseph a dit ne pas se souvenir avoir tenu compte de la capacité de Mme Rivers de réunir des fonds ou de son expérience à cet égard au Vancouver Indian Centre quand il s'est agi de sélectionner le coordinateur de l'éducation (op. cit., de la page 2068, ligne 10, à la page 2069, ligne 22). Il a dit ceci :

[TRADUCTION]

Si c'était dans son curriculum vitae, je ne m'en souviens pas, je suis désolé, parce que j'ai juste eu la chance de les feuilleter, vous savez. Nous nous sommes fondés sur les dix questions et c'est à peu près tout, vous savez, ces dix questions et leurs réponses et comment ils se comportaient (op. cit., page 2006, lignes 5 à 9).

Byron Joseph a dit ne pas partager l'avis du chef Norman Joseph, qui a dit qu'il fallait embaucher de préférence des membres de la bande qui sont nés squamish, mais il affirme que la connaissance de la langue squamish, la familiarité avec celle-ci, est un élément important dans l'attribution d'emplois au sein de la bande (op. cit., de la page 2077, ligne 21, à la page 2078, ligne 10). Toutefois, il ignorait ce que Mme Rivers connaissait de la culture squamish (op. cit., page 2080, lignes 2 à 8).

Contre-interrogé par Mme Ross, Byron Joseph a dit que la bande indienne de Squamish n'engageait pas des membres inscrits sur la liste de la bande, de préférence aux femmes qui n'y figurent pas et qui ont épousé des hommes qui ne sont pas membres, parce que la bande indienne de Squamish fait tout son possible pour engager des personnes d'origine squamish (op. cit., page 2056, lignes 2 à 15).

Byron Joseph n'a aucune expérience de l'enseignement, n'a pas fait d'études et n'a pas reçu de formation officielle relativement au processus des entrevues ou aux questions touchant le personnel. Il n'a reçu que la formation au commandement donnée dans la Neighbourhood House quand il avait environ dix-sept ans (op. cit., page 2062, lignes 18 à 25). Il a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je me fie seulement à mon expérience, vous savez, comme ---- mon expérience personnelle, vous savez, comme ---- (op. cit., page 2065, lignes 3 et 4).

(iv) Témoignage de Gwen Harry, membre du jury de sélection, relativement au poste de coordinateur de l'éducation

Gwen Harry était la troisième et dernière membre du jury. Elle est allée au pensionnat autochtone jusqu'en 8e année. Elle a eu sept enfants et s'intéressait vivement à l'éducation pour cette raison et parce qu'elle-même était peu instruite. Plus tard, elle a participé au lancement d'un programme préscolaire dans la collectivité squamish, pour les enfants âgés de trois et quatre ans, ainsi qu'à la constitution d'un comité d'éducation dans la collectivité. A l'âge de 45 ans, elle a repris les études et obtenu, au bout de deux ans, l'équivalent d'un diplôme de 12e année. Puis, elle est retournée à l'école maternelle Totem pour y

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enseigner pendant deux ans. A partir de 1980, elle a travaillé durant sept ans comme coordinatrice de l'enseignement à domicile du district scolaire no 48. En décembre 1985, elle a été élue conseillère de la bande, mais a quitté ce poste un an plus tard, estimant qu'il était trop exigeant pour elle. En 1983 et 1984, elle s'est inscrite à plein temps à un programme-satellite d'un an en éducation des tout-petits mis sur pied par le collège Douglas et offert à Squamish, en C.-B., qui permet de former des enseignants dans cette spécialité. Elle n'a reçu aucune formation sur les méthodes de recrutement ou d'embauchage (Transcription, volume 16, de la page 2273, ligne 20, à la page 2274, ligne 12; Transcription, volume 17, de la page 2292, ligne 5, à la page 2293, ligne 23).

Après les entrevues pour ce poste, son premier choix a été Richard Band et son second, Deborah Jacobs.

Elle a dit que Richard Band s'exprimait très bien et était très calme. Il avait une maîtrise et terminé une année du programme de doctorat en anthropologie; de plus, il avait travaillé dans le milieu estudiantin à l'Université de la Californie.

Elle a jugé que Deborah Jacobs parlait très bien et avait une grande confiance en soi.

Quant à Mme Rivers, elle a dit ceci :

[TRADUCTION]

Leonie Rivers, je l'ai trouvée --- elle avait fait de bonnes études, mais j'ai, comme qui dirait, je l'ai trouvée plus agressive dans son --- elle n'était pas aussi calme et confiante que les deux autres (Transcription, volume 15, page 2141, lignes 8 à 11).

Gwen Harry croyait que l'agressivité de Mme Rivers pouvait représenter un défaut, surtout dans le poste de coordinatrice de l'éducation (Transcription, volume 16, page 2269, lignes 23 à 25). Elle a dit ceci :

[TRADUCTION]

J'ai connu Leonie lors d'assemblées générales. Je pense l'avoir déjà dit. Et j'ai pu constater qu'elle est très agressive. Et pour moi, le poste de --- les trois postes, ceux que nous avons sélectionnés devaient être à même de bien communiquer avec les Anciens, avec les jeunes. Et j'ai trouvé Deborah Jacobs, quand elle parlait --- et elle parlait, je le répète, avec une très grande confiance en soi --- et j'ai trouvé qu'elle était une très bonne candidate (op. cit., page 2269, lignes 8 à 15).

Gwen Harry a expliqué qu'on lui avait remis les curriculum vitae des candidats quand elle est arrivée pour l'entrevue, juste avant de poser les mêmes questions à chacun des postulants (Transcription, volume 17, de la page 2329, ligne 7, à la page 2331, ligne 11). Les dix questions posées lors de cette entrevue de quinze minutes portaient précisément sur le poste et le programme. Les références n'ont pas été examinées au cours du processus de sélection, et il ne semble pas qu'elles aient été vérifiées.

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Gwen Harry a témoigné qu'elle ne connaissait personnellement aucun des candidats au poste, principalement parce qu'elle habitait Squamish, en C.-B., et qu'eux vivaient à North Vancouver ou à Capilano, et qu'elle n'avait pas tenu compte de renseignements de source extérieure, entre autres sur leur vie privée ou leur moralité (op. cit., de la page 2270, ligne 21, à la page 2273, ligne 3).

Gwen Harry a dit également qu'elle ne s'est pas présentée à l'entrevue avec l'idée préconçue que, du fait qu'elle était agressive durant les réunions publiques, Mme Rivers était dépourvue des qualités personnelles requises pour ce poste. Elle a tout simplement estimé que Deborah Jacobs avait une plus grande confiance en soi durant l'entrevue que les autres candidats (Transcription, volume 16, page 2270, lignes 1 à 6).

D'après Gwen Harry, les titres et qualités, ainsi que le curriculum vitae, de Mme Rivers étaient bons, mais les réactions et les réponses des candidats durant l'entrevue étaient des éléments plus importants, quant à elle, pour le choix du meilleur candidat. Elle a dit ceci :

[TRADUCTION]

[...] parce que ce sont eux qui auront affaire aux membres de notre bande, aux Anciens comme aux jeunes [...].

et c'est pourquoi elle a préféré Deborah Jacobs (Transcription, volume 16, de la page 2270, lignes 16 à 20, à la page 2273, lignes 10 à 13).

Elle a expliqué que, si le chef Norman Joseph avait droit à son opinion qu'il convenait d'engager des membres de la bande de souche squamish, plutôt que des membres par alliance comme les femmes mariées, elle ne partageait pas son avis. L'opinion du chef Norman Joseph l'inquiétait parce qu'elle connaît beaucoup de gens qui ne sont pas membres de la bande de Squamish par filiation et qu'elle travaille avec eux, et parce qu'elle partageait souvent leur vie depuis fort longtemps. Elle n'a cependant pas mentionné à qui que ce soit le fait que les remarques du chef Norman Joseph l'inquiétaient (Transcription, volume 17, page 2333, lignes 9 à 21).

(G) POSTE DE CONSEILLER D'ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONNELLE (DÉCEMBRE 1986)

Les membres du jury de sélection responsable du concours relatif à ce poste étaient Gwen Harry, Byron Joseph et Bill Williams. Les postulants étaient Leonie Rivers, Richard Band, Randy Lewis, Carole Newman et Jackie Nahanne. Deborah Jacobs était chargée de l'organisation des entrevues et de la présélection des candidats en vue des entrevues, et elle a éliminé Mme Rivers à la présélection; cette dernière n'a donc pas été convoquée à une entrevue pour ce poste. Richard Band, candidat reçu, est un membre par filiation de la bande de Squamish et il est le fils adoptif de l'oncle de Gilbert Jacob.

Le titulaire du poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle est chargé de conseiller les élèves d'origine squamish

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quant au choix des études postsecondaires ou de l'enseignement professionnel, de les conseiller sur des questions personnelles, de les diriger vers la profession qui leur convient le mieux et de fournir d'autres services de counselling (pièce HR-2, onglets 5 et 8).

(i) Témoignage de Leonie Rivers relativement au poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle

Mme Rivers considérait qu'elle avait l'expérience et les compétences suffisantes pour ce poste à durée déterminée. Elle a oeuvré auprès de personnes inscrites à un programme d'éducation de base des adultes, elle a été conseillère et a aidé des gens sensibles à rebâtir leur estime de soi et leur confiance en soi (Transcription, volume 2, page 130, lignes 7 à 18). Elle a plusieurs années d'expérience comme conseillère au campus King Edward et au Centre d'emploi et d'immigration (op. cit., de la page 130, ligne 19, à la page 131, ligne 14).

Après avoir postulé cet emploi, Mme Rivers a reçu une lettre de Deborah Jacobs, en date du 16 décembre 1986, l'informant que la présélection pour ce poste serait faite le 5 janvier 1987 et que les dates des entrevues seraient le jeudi 8 janvier et le vendredi 9 janvier 1987.

Mme Rivers s'est plainte que le contenu de la lettre que Deborah Jacobs lui a envoyée, en date du 8 janvier 1987 (pièce HR-2, onglet 25), relativement à cette demande d'emploi, était déroutant. Elle a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je ne sais plus où j'en suis, il n'était pas certain que je --- Si le poste était pourvu ou non, ou si j'aurais une entrevue. C'était comme s'il manquait un paragraphe ou quelque chose (op. cit., page 132, lignes 13 à 16).

Mme Rivers a alors envoyé une lettre, en date du 20 janvier 1987 (pièce HR-2, onglet 30) pour obtenir des éclaircissements, parce qu'elle ignorait que son nom ne figurait pas sur la liste des candidats retenus en sélection finale.

(ii) Témoignage de Deborah Jacobs relativement au poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle

Interrogée par M. Rich, Deborah Jacobs a témoigné avoir envoyé à Mme Rivers la lettre datée du 16 décembre 1986, lui avoir dit qu'elle serait informée de la date de son entrevue et qu'elle-même était chargée de la présélection pour ce poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle (Transcription, volume 13, page 1666, lignes 1 à 10 et lignes 18 à 22). Deborah Jacobs a témoigné en outre que, par sa lettre en date du 8 janvier 1987, elle entendait informer Mme Rivers qu'elle n'aurait pas d'entrevue (op. cit., page 1667, lignes 12 à 15). Les entrevues pour les postes de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle, et de concepteur de programmes d'études devaient avoir lieu le 12 janvier 1987, et Deborah Jacobs a expliqué que cela arrangeait les membres du jury de sélection (op. cit., page 1669, lignes 8 à 16).

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Contre-interrogée par Mme Ross, Deborah Jacobs a expliqué que Mme Rivers n'avait pas été admise en présélection pour ce poste, parce que tous les postulants admis en présélection étaient mieux qualifiés qu'elle. Elle a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Non. On a tenu compte du fait que les trois personnes admises en présélection avaient une vaste expérience du counselling non seulement auprès d'élèves des Premières Nations, mais encore -- de Squamish, mais d'autres élèves de -- en fait, de toutes les régions des États-Unis, et dans un cas, une personne avait oeuvré auprès de personnes appartenant à toutes les Premières Nations des basses terres du Fraser. Et l'autre personne, auprès d'élèves des Premières Nations de toutes les régions du Canada. De sorte que l'élément principal, bien sûr, était leur expérience et leurs antécédents à titre de conseillers (op. cit., page 1709, lignes 6 à 14).

La déclaration manuscrite qu'a faite Deborah Jacobs à l'enquêteur de la Commission des droits de la personne, M. Pierre Threlfall, le 1er mars 1988 (pièce HR-9), lui a ensuite été montrée par Mme Ross :

[TRADUCTION]

Merci, Mme Jacobs, en mars 1988, vous avez fait une déclaration à l'enquêteur de la Commission des droits de la personne, dans laquelle vous dites qu'elle a été éliminée de la liste à cause de -- pour le poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle, à cause de l'insuffisance de ses compétences sur le plan des relations humaines, parce que son travail comme enseignante à l'école alternative n'était pas satisfaisant et parce que des parents se sont plaints de son comportement envers les élèves (op. cit., page 1709, lignes 15 à 22).

Deborah Jacobs a alors témoigné qu'elle maintenait ses déclarations faites à M. Threlfall en date du 1er mars 1988 (op. cit., page 1713, lignes 2 à 4).

Deborah Jacobs a témoigné au sujet de [TRADUCTION] la liaison bien connue de Mme Rivers avec un gendarme autochtone, mais a reconnu ensuite qu'elle ne l'avait pas appris dans l'exercice de ses fonctions. Aucune plainte en bonne et due forme n'a jamais été déposée et elle a admis que l'allégation pouvait être qualifiée de [TRADUCTION] cancan (op. cit., de la page 1718, ligne 18, à la page 1719, ligne 10). Toutefois, bien que Deborah Jacobs ait témoigné qu'en apprenant cet incident, elle a été extrêmement préoccupée, elle ne l'a signalé à personne (op. cit., de la page 1719, ligne 11, à la page 1721, ligne 11). Deborah Jacobs a également reconnu qu'elle n'avait jamais parlé à Mme Rivers de cette allégation d'inconduite sexuelle (op. cit., de la page 1716, ligne 4, à la page 1718, ligne 5), et elle n'a posé aucune question au sujet de la conduite sexuelle des autres postulants (op. cit., de la page 1723, ligne 10, à la page 1724, ligne 3).

Mme Rivers a répliqué dans son témoignage en contre-preuve :

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[TRADUCTION] La seule relation que j'ai eue avec un gendarme autochtone, c'est quand j'ai aidé la G.R.C., les gendarmes autochtones qui exerçaient leurs fonctions au sein de la bande, à réaliser un projet, en préparant un programme d'orientation pour les nouveaux gendarmes qui arrivaient dans la division ou le secteur, afin qu'ils soient conscients des valeurs et des traditions des membres de la bande indienne de Squamish et qu'ils les comprennent (Transcription, volume 17, page 2376, lignes 14 à 19).

Mme Rivers a dit que ses moeurs étaient très traditionnelles en matière sexuelle, qu'elle était discrète et qu'elle prenait son travail au sérieux. En réponse à mes questions, Mme Rivers a précisé que la sexualité était pour elle un sujet difficile parce qu'elle avait été victime d'abus dans son enfance. Elle n'assiste pas à beaucoup de réceptions, parce que son père était alcoolique et qu'elle n'appréciait pas la consommation d'alcool durant les réceptions. Elle ne mêlerait jamais sa vie privée ou la sexualité à son travail pour obtenir une promotion (op. cit., page 2447, lignes 9 à 24).

(iii) Témoignage de Byron Joseph, membre du jury de sélection, relativement au poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle

Contre-interrogé par Mme Ross, Byron Joseph a dit qu'il n'avait pas participé à la présélection, quoiqu'il ait fait partie du comité de présélection. Il a témoigné qu'il ignorait la raison pour laquelle Mme Rivers n'avait pas eu d'entrevue, qu'il l'aurait convoquée à une entrevue s'il avait su qu'elle avait postulé l'emploi de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle et il a reconnu que ce poste était inférieur à celui pour lequel Mme Rivers était qualifiée (Transcription, volume 15, de la page 2015, ligne 21, à la page 2017, ligne 13).

(iv) Témoignage de Gwen Harry, membre du jury de sélection, relativement au poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle

Gwen Harry a témoigné qu'elle n'avait pris part qu'aux entrevues pour le poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle, et non à la présélection des postulants. Elle ignorait que Mme Rivers avait postulé cet emploi et que Deborah Jacobs ne l'avait pas incluse dans la liste. Gwen Harry a reconnu toutefois que Mme Rivers avait les qualités minimales requises pour ce poste (Transcription, volume 17, page 2297, lignes 10 à 14). Gwen Harry a semblé assez évasive quant à la question de savoir si Mme Rivers aurait dû être convoquée à une entrevue pour le poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle (op. cit., de la page 2297, ligne 3, à la page 2300, ligne 2).

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(H) POSTE DE COORDINATEUR DES LOISIRS (DÉCEMBRE 1986)

Bill Williams, administrateur de la bande, était chargé d'organiser les entrevues pour ce poste. Il a rédigé la description de poste et il faisait partie du jury de sélection, en compagnie de Pauline Spence et de Byron Joseph. L'époux de Mme Rivers est le cousin germain de Pauline Spence. Les postulants étaient Leonie Rivers, Krisandra Jacobs et Margaret Muehlfarth. Le poste de coordinateur des loisirs comportait des tâches de planification, de conception et de coordination de programmes de loisirs divers, destinés aux membres de la bande, peu importe leur groupe d'âge.

Après une entrevue au cours de laquelle ont été posées dix ou quinze questions courantes, les postulants ont été priés de rédiger en une heure et demie un projet de programme de loisirs adapté au peuple squamish et prévoyant des activités qui visaient certains groupes d'âge durant les quatre saisons. Les qualités requises pour ce poste comprenaient au moins une 12e année, mais un diplôme ou un programme d'études en loisirs d'une université ou d'un collège étaient préférables (Transcription, volume 12, de la page 1581, ligne 19, à la page 1582, ligne 25). La candidate reçue a été Krisandra Jacobs qui est membre de la bande de Squamish par filiation et qui est la belle-soeur de Deborah Jacobs. Elle venait de terminer le programme de monitorat en loisirs au collège Langara et n'avait apparemment jamais occupé d'emploi permanent.

(i) Témoignage de Leonie Rivers relativement au poste de coordinateur des loisirs

Mme Rivers a relaté comment elle s'était sentie après l'entrevue pour ce poste :

[TRADUCTION]

Celui de directeur des loisirs? Mon entrevue a été bonne. J'ai répondu aux questions qu'ils m'ont posées, j'avais bien de l'expérience dans ce domaine et mon implication en matière sociale a vraiment eu un impact sur certains des membres du comité, parce qu'ils savaient que je connaissais et comprenais bien les programmes de loisirs existants qui étaient destinés aux adultes (Transcription, volume 2, page 146, lignes 1 à 6).

Mme Rivers croyait qu'elle avait une chance d'obtenir ce poste (op. cit., page 147, lignes 9 à 12).

Lors de la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987, Mme Rivers s'est plainte qu'elle ne savait pas exactement pourquoi ses qualités étaient insuffisantes pour ce concours (Transcription, volume 10, page 1230, lignes 5 à 13).

(ii) Témoignage de Bill Williams, administrateur de la bande, relativement au poste de coordinateur des loisirs

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Bill Williams a été impressionné par les qualités de Krisandra Jacobs et par sa performance à l'entrevue pour ce poste. Il a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

A la fin, nous avons conclu qu'il était vraiment clair que Krisandra avait sans aucun doute les meilleures compétences, et sans aucun doute avait présenté le meilleur programme, et qu'elle était prête à accepter le salaire offert. Si je ne m'abuse, Leonie n'était pas prête à l'accepter. Elle voulait un salaire plus élevé (Transcription, volume 12, page 1582, lignes 12 à 17).

Bill Williams a penché pour les qualités de Krisandra Jacobs pour ce poste, comme il l'a souligné, pour les raisons suivantes :

[TRADUCTION]

Et pour ma part, j'ai suivi le programme de monitorat en loisirs du collège Langara, de sorte que je savais exactement ce qu'elle avait suivi, parce que Krisandra venait d'obtenir son diplôme de ce collège (op. cit., de la page 1582, ligne 25, à la page 1583, ligne 3).

(iii) Témoignage de Pauline Spence, membre du jury de sélection, relativement au poste de coordinateur des loisirs

Pauline Spence a dit que la vie privée de Mme Rivers lui avait fait mauvaise impression au moment où cette dernière a postulé l'emploi de coordinateur des loisirs.

Elle a dit que Mme Rivers, quand elle était directrice de l'éducation à temps partiel, tentait d'obtenir une augmentation de salaire de son patron Glen Newman [TRADUCTION] à n'importe quel prix et qu'elle était une personne qui ferait n'importe quoi pour réussir, à l'intérieur du bureau comme à l'extérieur (Transcription, volume 15, page 2085, lignes 19 à 22). Elle a dit que Mme Rivers sortait son patron Glen Newman :

[TRADUCTION]

Euh! elle l'emmenait à des réceptions et le poursuivait dans toute la ville, et l'invitait à des réceptions chez elle. Et elle y invitait toujours un grand nombre de jeunes gens et son mari tombait dans les pommes après quelques verres. Et elle le savait, et elle emmenait tous ces gars à la maison, et surtout Glen, et elle abusait de lui. Je suppose qu'elle s'imaginait que c'était le moyen de réussir. C'était sa manière de procéder (op. cit., page 2086, lignes 8 à 15).

Pauline Spence a prétendu que les actes de Mme Rivers étaient [TRADUCTION] connus de tous dans la collectivité, mais elle a dit qu'elle ne pensait pas que sa mauvaise impression des moeurs et de la conduite de Mme Rivers ait influé sur son choix pour le poste de directeur des loisirs, parce que dans son curriculum vitae, Mme Rivers n'avait indiqué aucune compétence pertinente quant à la fonction de directeur des loisirs (op. cit., de la page 2086, ligne 16, à la page 2087, ligne 5).

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Elle a estimé que Mme Rivers n'était pas qualifiée, même si elle avait opté pour une concentration en éducation physique comme matière secondaire durant ses études de quatre ans en éducation et si elle avait acquis une expérience en loisirs à l'école alternative. Pauline Spence a dit ceci :

[TRADUCTION]

[...] à mon avis, c'était le cas, par comparaison avec l'autre curriculum vitae. Je connais l'école alternative, mes enfants l'ont fréquentée. Et je pense que l'école dont elle a parlé était probablement celle qui était installée au sous-sol du bureau de la bande, et je ne me souviens pas que les activités de loisirs y aient été nombreuses, par contraste avec celles de programmes de loisirs visant de 1 500 à 2 000 personnes, il y a une grande différence entre organiser les loisirs de 10 ou 12 adolescents et occuper cet emploi (op. cit., page 2091, lignes 10 à 18) ........... Eh bien, à mon avis, elle n'était pas qualifiée pour s'occuper de tout le système des loisirs de la bande de Squamish. C'était mon sentiment. Elle a peut-être suivi des cours en loisirs comme matière secondaire à l'université, mais je ne pense pas que c'est la même chose qu'un cours de deux ans consacré uniquement aux loisirs (op. cit., page 2092, lignes 6 à 10).

Elle ne pensait pas que les études de Mme Rivers étaient pertinentes quant au domaine des loisirs (op. cit., page 2092, lignes 11 à 19).

Pauline Spence a un diplôme de douzième année. Elle a été désignée membre du jury parce qu'elle a été conseillère de la bande pendant quatre ans et qu'il incombait aux conseillers de la bande de participer à un jury de sélection de temps à autre. Elle a reconnu qu'elle n'avait aucune compétence particulière pour engager un directeur des loisirs (op. cit., page 2093, lignes 8 à 14).

Pauline Spence a également témoigné que Bill Williams avait fait allusion à la possibilité d'obtenir des fonds additionnels et d'engager Mme Rivers comme adjointe de Krisandra Jacobs afin que de faire avancer ce dossier (op. cit., page 2094, lignes 8 à 23). L'entrevue avec Mme Rivers a duré environ quinze minutes et il a fallu environ quinze ou vingt minutes pour décider quel candidat devait être embauché. Certes, le témoin pensait que Mme Rivers ferait une bonne assistante pour Krisandra Jacobs, mais elle ne pensait pas qu'elle avait les qualités exigées du titulaire du poste de directeur des loisirs.

Elle n'a pas estimé non plus que le fait que Mme Rivers avait organisé des tournois sportifs dans la réserve constituait une expérience pertinente à l'égard de ce poste.

Elle était au courant de la participation de Mme Rivers en ce qui a trait au Vancouver Indian Centre, mais ignorait quelle contribution elle avait apportée au centre.

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(iv) Témoignage de Byron Joseph, membre du jury de sélection, relativement au poste de coordinateur des loisirs

Byron Joseph a été impressionné par les qualités de Krisandra Jacobs, qui avait récemment été diplômée à la fin d'un programme de deux ans en loisirs. Toutefois, il n'a apparemment pas tenu compte de la mineure en éducation physique que Mme Rivers avait faite à l'Université de la Colombie-Britannique ou n'a pas compris en quoi elle consistait. Contre-interrogé par Mme Ross, qui lui a demandé s'il était au courant de la mineure en éducation physique qu'avait faite Mme Rivers, Byron Joseph a répondu ceci :

[TRADUCTION]

Je suppose que je ne peux pas vraiment -- Je ne le sais pas vraiment, vous savez, qu'est-ce qu'une mineure, est-ce que c'est comparable? (Transcription, volume 15, page 2032, lignes 5 et 6)

Byron Joseph était satisfait des réponses de Krisandra Jacobs à ses questions lors de cette entrevue, de sa conception de ce qu'elle était en mesure de faire pour les enfants et de son comportement (op. cit., page 2034, lignes 14 à 17). Il a dit que l'attitude de Mme Rivers envers les gens la rendait moins qualifiée pour ce poste. A cet égard, il a dit ceci :

[TRADUCTION]

Eh bien, je les ai jaugées toutes les deux, et je suppose que cela a joué, vous savez, leur attitude, la manière dont elles se sont comportées (op. cit., page 2032, lignes 20 à 22).

(I) POSTE DE CONCEPTEUR DE PROGRAMMES D'ÉTUDES (DÉCEMBRE 1986)

Des subventions d'Emploi et Immigration Canada étaient rattachées à ce poste à durée déterminée. Deborah Jacobs a organisé les entrevues et rédigé la description de poste. Lorsque l'offre d'emploi a été affichée, l'objectif visé était ainsi décrit :

[TRADUCTION]

Engager un autochtone qui a de l'expérience dans le domaine de la conception de programmes scolaires et, idéalement, qui sait lire et écrire et qui parle couramment la langue squamish. La conception du programme de langue squamish doit viser à répondre aux besoins de la collectivité, à ses expériences et à ses attentes. Le candidat collaborera avec les professeurs de squamish et les conseillers en matière de langue squamish, sous la direction de l'administrateur chargé de l'éducation, en vue de la planification, de la recherche et de l'élaboration de matériel et d'activités d'apprentissage à teneur locale, qui compléteront le guide du programme d'enseignement de la langue squamish K-12. (pièce HR-2, onglet 4)

Le jury de sélection était composé de Byron Joseph et Gwen Harry. Les postulants étaient Leonie Rivers, Lois Guss et Carol Goodwin. La

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candidature de Lois Guss a été retenue. Elle est un membre par filiation de la bande indienne de Squamish et la tante paternelle de Deborah Jacobs.

(i) Témoignage de Leonie Rivers relativement au poste de concepteur de programmes d'études

En réponse aux questions de Mme Ross, Mme Rivers a expliqué qu'elle avait été travailleuse des services d'aide à l'enfance, qu'elle avait acquis une expérience de la conception de programmes d'études en s'occupant du projet-pilote des arts du langage sous la direction de Steve Kosey, du bureau de développement social de la bande, et qu'elle était enseignante (Transcription, volume 2, de la page 112, ligne 20, à la page 113, ligne 5).

Mme Rivers n'a pas eu d'entrevue pour ce poste, parce qu'elle n'a pas été capable de se présenter à l'heure fixée.

Témoignage de Mme Rivers au sujet de l'heure et de la date de l'entrevue pour le poste de concepteur de programmes d'études

Mme Rivers a déclaré qu'elle avait communiqué avec Eva Jacobs, secrétaire de Deborah Jacobs, vers le 21 décembre 1986 peu après avoir reçu la lettre de cette dernière en date du 16 décembre 1993, au sujet des dates des entrevues des 8 et 9 janvier pour ce poste. Mme Rivers a informé Eva Jacobs de l'impossibilité de se présenter à l'entrevue le 8 ou le 12 janvier 1987, à cause d'engagements antérieurs, savoir, d'après ce qu'elle a dit à la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987 pour l'audition de son appel, deux autres entrevues d'emploi (Transcription, volume 10, page 1215, lignes 9 à 20). Toutefois, Eva Jacobs l'a informée qu'elle ne pourrait pas avoir d'entrevue le 9 janvier 1987 comme elle le voulait, parce que Deborah Jacobs était en congé jusqu'au 12 janvier 1987 (Transcription, volume 2, page 115, lignes 1 à 7). Le 8 janvier 1987, Eva Jacobs a dit à Mme Rivers que son entrevue était fixée au lundi 12 janvier 1987, à 13 h 30. Aucune autre date ne lui ayant été offerte, Mme Rivers a dit à Eva Jacobs qu'elle essaierait de s'y rendre (Transcription, volume 2, de la page 116, ligne 2, à la page 117, ligne 1).

Le 12 janvier 1987, Mme Rivers avait une entrevue à l'établissement de Terra Consulting, rue Granville, près de l'hôtel de ville de Vancouver, relativement à un projet de construction de nouveaux locaux au Vancouver Indian Centre, auquel entre autres Mme Rivers consacrait son temps bénévolement à ce moment-là. A un moment donné durant le témoignage de Mme Rivers, Mme Ross et Mme Rivers ont semblé ne pas s'entendre sur l'heure qui aurait été fixée pour l'entrevue à l'égard de ce poste. Mme Rivers a dit ceci :

[TRADUCTION]

Oui, en effet. Le 8 janvier, j'ai reçu un appel téléphonique, le premier des jours proposés pour l'entrevue, et on m'a dit que mon entrevue était fixée au lundi suivant, soit le 12 à une heure et demie (op. cit., page 116, lignes 12 à 15).

Mme Ross a posé la question suivante à Mme Rivers :

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[TRADUCTION] O.K. Alors vous avez dit que vous essaieriez de vous présenter à l'heure fixée pour l'entrevue, à une heure? (op. cit., page 117, lignes 7 et 8)

Mme Rivers a dit que, lorsqu'elle avait quitté la réunion de Terra Consulting et était allée à sa voiture, elle s'était rendu compte qu'elle ne pourrait pas arriver à temps à l'entrevue et qu'elle avait alors téléphoné à Eva Jacobs environ trente ou quarante minutes avant l'heure prévue de son entrevue (op. cit., de la page 117, ligne 15, à la page 118, ligne 19). Encore une fois, Mme Ross a supposé que l'heure prévue de l'entrevue était treize heures lorsqu'elle a interrogé Mme Rivers (Transcription, volume 2, page 118, lignes 15 à 18).

Mme Rivers a dit qu'elle avait été en ligne pendant dix minutes avant de pouvoir, finalement, parler à Eva Jacobs, qui l'a informée que Deborah Jacobs assistait à une réunion. Mme Rivers a ensuite témoigné qu'elle avait donné le numéro de téléphone de Terra Consulting et que le membre du jury Gwen Harry l'avait rappelée environ vingt minutes plus tard. Mme Rivers a déclaré que Gwen Harry avait été brusque en lui disant qu'elle était en retard à l'entrevue et qu'elle refusait d'avoir une entrevue avec elle, et en l'informant qu'ils avaient choisi une autre candidate, Lois Guss, pour le poste. Mme Rivers a témoigné que, lorsque Gwen Harry l'avait rappelée, elle avait cinq ou dix minutes de retard par rapport à l'heure prévue de l'entrevue (op. cit., de la page 119, ligne 23, à la page 120, ligne 5).

Mme Rivers avait d'abord témoigné au sujet de l'heure de l'entrevue pour le poste de concepteur de programmes d'études lors de l'audience du Tribunal tenue le 9 novembre 1992. Lors de l'audience tenue le 9 décembre 1992, l'avocat a révélé au Tribunal l'existence du ruban sur lequel étaient enregistrés les débats du conseil de bande en date du 4 février 1987. Le ruban et la transcription ont fini par être examinés par Mme Rivers et par Mme Ross, et Mme Rivers a été rappelée à la barre.

Mme Rivers a alors dit qu'à sa connaissance, son entrevue avait été fixée à une heure et demie. Elle a reconnu qu'il y avait eu confusion et qu'elle n'était pas certaine que la faute en était imputable à elle-même ou à ceux qui avaient fixé l'heure de l'entrevue. Elle avait toujours eu l'impression que l'heure prévue était une heure et demie et qu'elle avait appelé Eva Jacobs le 12 janvier 1987 au sujet de son retard vers une heure quarante (Transcription, volume 10, page 1258, lignes 6 à 10; Transcription, volume 17, page 2338, lignes 19 à 22). Mme Rivers a expliqué qu'elle avait téléphoné à Eva Jacobs au sujet de son retard parce qu'elle avait entendu à la radio qu'il y avait un bouchon au pont First Narrows. C'était au moment où elle quittait le parc de stationnement et se dirigeait vers le lieu de cette entrevue pour le poste de concepteur de programmes d'études après avoir assisté à une réunion dans les locaux de Terra Consulting, rue Granville, et après avoir eu une entrevue d'emploi au conseil scolaire de Vancouver.

Dans son témoignage principal, en réponse aux questions de Mme Ross le 9 novembre 1992, et dans la lettre renfermant sa plainte datée

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du 13 janvier 1987 (pièce HR-2, onglet 2) et adressée à Deborah Jacobs, Mme Rivers n'a pas mentionné le fait qu'un bouchon sur le pont First Narrows l'avait retardée. Toutefois, elle a mentionné le bouchon lors de la réunion du conseil de bande le 4 février 1987 et en a expliqué les détails quand Mme Ross l'a citée de nouveau (pièce R-4, page 5; Transcription, volume 17, de la page 2342, ligne 17, à la page 2343, ligne 5).

L'appel formé par Leonie Rivers

Par suite de tout cela, Mme Rivers a écrit une lettre de plainte en date du 13 janvier 1987, qu'elle a envoyée à Deborah Jacobs. Dans cette lettre, elle lui a expliqué sa situation et exprimé son désappointement pour ce qui était du processus suivi. Mme Rivers lui a fait part de son désir d'interjeter appel de la décision d'engager Lois Guss. Elle lui a posé trois questions précises :

[TRADUCTION]

(1) Quelles règles d'administration ou de gestion ont présidé à la désignation des membres du jury de sélection?

(2) Selon quels critères le seul postulant convoqué à l'entrevue a-t-il été choisi?

(3) Quelle procédure ou processus d'appel est prévu, le cas échéant, en matière d'embauchage à la direction de l'éducation de la bande indienne de Squamish? (HR-2, onglet 27)

Comme elle n'a pas reçu de réponse à sa lettre du 13 janvier 1987, Mme Rivers a fait parvenir à Deborah Jacobs une autre lettre, datée du 20 janvier 1987, reprenant ses trois questions précises.

Mme Rivers n'a pas été satisfaite non plus de la réponse de Deborah Jacobs en date du 26 janvier 1987 et elle le lui a dit dans sa lettre datée du 29 janvier 1987 :

[TRADUCTION]

Vous avez encore refusé de clarifier votre position au sujet des questions suivantes : (1) Quelles règles d'administration ou de gestion ont présidé à la désignation des membres du jury de sélection? (2) Selon quels critères le seul postulant convoqué à l'entrevue a-t-il été choisi? (3) Quelle procédure ou processus d'appel est prévu, le cas échéant, en matière d'embauchage à la direction de l'éducation de la bande indienne de Squamish?

Je ne suis pas intéressée par des éclaircissements sur les modalités de l'affichage des offres d'emploi ou des entrevues, qui sont exposées dans le manuel de la politique du personnel du conseil. (Pièce HR-2, onglet 34)

Ce qui m'intéressait, c'était les critères selon lesquels la décision du jury a été prise et selon lesquels le conseil y a souscrit

-23-

(Transcription, volume 2, de la page 124, ligne 24, à la page 125, ligne 6).

Mme Rivers a bel et bien reçu des lettres de Deborah Jacobs, en date du 26 janvier et du 2 février 1987, respectivement (HR-2, onglets 31 et 36), dans lesquelles cette dernière répondait à ses préoccupations, mais Mme Rivers n'a pas accepté les réponses offertes par Mme Jacobs.

Elle a écrit une lettre, datée du 30 janvier 1987 (pièce HR-2, onglet 35) à Leslie Harry, président du conseil de la bande indienne de Squamish, dans laquelle elle dit vouloir porter en appel devant le conseil de bande, à sa réunion du 4 février 1987, la décision concernant le poste de concepteur de programmes d'études. Dans sa lettre du 30 janvier 1987, adressée à Leslie Harry, Mme Rivers dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

J'ignore pourquoi je dois m'adresser à vous au sujet de cette offre d'emploi touchant le domaine de l'éducation, sauf que Mme Jacobs occupe son poste depuis assez peu de temps et ne connaît pas les méthodes et les politiques en matière de personnel qui ont été mises en place par la bande indienne de Squamish. De plus, je suppose que la nouvelle coordinatrice de l'éducation n'a pas de superviseur et qu'elle renvoie les questions qu'il lui est impossible de régler à l'administrateur de la bande et au président du conseil (pièce HR-2, onglet 35; Transcription, volume 2, page 126, lignes 1 à 12).

Mme Rivers a relaté comment elle s'était sentie à cette époque :

[TRADUCTION]

Je pense que j'avais l'impression de ne pas avoir été traitée équitablement, que j'avais l'impression que le processus n'était pas tout à fait adéquat, et que je voulais que des directives ou des éclaircissements soient donnés afin que la prise de décision puisse faire l'objet d'un appel (Transcription, volume 2, page 126, lignes 16 à 19).

Quand Mme Ross lui a posé cette question :

A ce moment-là, aviez-vous le sentiment que le fait que vous étiez membre par alliance ou le fait que vous étiez gitksan avaient un rapport avec ce qui vous arrivait? (op. cit., page 126, lignes 20 à 22).

Mme Rivers a répondu :

Eh bien, je pouvais voir un scénario prendre forme, alors je me sentais mal à l'aise en quelque sorte de voir qui était engagé. Je pensais que l'on jugeait en fonction d'exigences fondamentales, j'estimais que je satisfaisais à ces exigences fondamentales, de sorte que je pensais avoir une bonne chance, vous savez, de rivaliser avec les autres. Alors oui, dans une certaine mesure, je le crois (op. cit., de la page 126, ligne 23, à la page 127, ligne 3).

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(ii) Témoignage de Deborah Jacobs, coordinatrice de l'éducation, relativement au poste de concepteur de programmes d'études

Deborah Jacobs était chargée d'organiser les entrevues pour ce poste, de rédiger la description de poste et les questions de l'entrevue, de procéder à la présélection et de désigner les membres du jury.

Elle a souligné que les attentes à l'égard de ce poste étaient très grandes, à cause d'une résolution adoptée par l'ensemble des membres et déclarant que la langue squamish devait venir en priorité au sein du peuple squamish (Transcription, volume 13, page 1655, lignes 14 à 19).

Deborah Jacobs a expliqué que, puisque le poste de concepteur de programmes d'études n'était pas un poste de chef de service, elle avait fait partie du jury de sélection, mais qu'elle s'en était remise à la volonté des membres du jury de sélection Byron Joseph et Gwen Harry, de passer à l'entrevue avec Lois Guss sans attendre Mme Rivers (op. cit., de la page 1674, ligne 21, à la page 1675, ligne 2).

Elle a témoigné que, dans le cas de Mme Rivers, l'entrevue avait été fixée au 12 janvier 1987, de 13 h à 13 h 30, et dans celui de Lois Guss, au 12 janvier 1987, de 13 h 45 à 14 h 15.

Deborah Jacobs a témoigné qu'elle-même et les membres du jury de sélection avaient attendu Mme Rivers jusque vers 13 h 20 et que le jury avait alors décidé de commencer l'entrevue avec Lois Guss. Elle n'a pas pris part à la discussion quant à la question de savoir s'il convenait d'avoir tout de suite une entrevue avec Lois Guss.

Elle était contente de l'entrevue de Lois Guss. Elle a dit ceci :

[TRADUCTION]

L'entrevue s'est très bien passée. Son expérience de travail au district scolaire 44 était éloquente. Elle a certainement été solide à l'entrevue et montré qu'elle entretenait de bons rapports avec les Anciens de la collectivité, et elle a fait part de ses idées diverses et nombreuses quant à la façon d'envisager la conception de programmes d'études et quant au programme d'enseignement de la langue squamish.

Elle s'est montrée très enthousiaste et très coopérative, et un membre du jury qui avait eu l'occasion de travailler avec elle a attesté qu'elle était une employée vraiment solide et très coopérative en plus (op. cit., page 1676, lignes 6 à 16).

Deborah Jacobs a témoigné que, lorsque sa secrétaire Eva Jacobs était venue lui dire que Mme Rivers était au téléphone, l'entrevue avec Lois Guss était finie. A ce moment-là, Byron Joseph, Gwen Harry et elle-même étaient à examiner les réponses que Lois Guss avait données aux questions. Contre-interrogée par Mme Ross, Deborah Jacobs a expliqué que leur discussion était presque terminée quand Eva Jacobs est entrée dans la salle du conseil. Deborah Jacobs a dit ce qui suit :

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[TRADUCTION] Oui, finie. Ils avaient dit, bon, nous allons l'engager. Alors, quand Gwen Harry a dit qu'elle était allée dire à Mme Rivers qu'une décision avait été prise, c'était tout à fait vrai (op. cit., page 1725, lignes 18 à 21).

Deborah Jacobs a témoigné que Gwen Harry elle-même avait décidé de répondre à l'appel téléphonique de Mme Rivers. Byron Joseph et Gwen Harry étaient tous deux préoccupés par l'attitude de Mme Rivers, qui ne s'était pas présentée à son entrevue à l'heure prévue parce qu'elle avait une autre entrevue d'emploi, et comme les membres du jury étaient contents de l'entrevue de Lois Guss et de ses qualités, ils ont décidé d'embaucher cette dernière (op. cit., page 1677, lignes 1 à 13).

Contre-interrogée par Mme Ross, Deborah Jacobs a convenu que, lorsque Mme Rivers a téléphoné au sujet de son retard à 13 h 40, l'entrevue de quinze minutes avec Lois Guss était finie et la discussion au sujet de la décision d'engager celle-ci tirait à sa fin. Par conséquent, elle-même et les membres du jury n'auraient pas attendu Mme Rivers jusqu'à 13 h 20, mais seulement jusqu'à 13 h 15 (op. cit., de la page 1730, ligne 15, à la page 1732, ligne 21).

Mme Ross a exprimé ses préoccupations à l'égard de ce qui suit : premièrement, Lois Guss a été engagée avant l'heure prévue de son entrevue, soit de 13 h 45 à 14 h 15; deuxièmement, le jury de sélection n'aurait pas subi d'inconvénient énorme s'il avait attendu même jusqu'à 14 heures l'arrivée de Mme Rivers, puis s'il lui avait fait passer une entrevue de dix à quinze minutes; troisièmement, des membres respectés de la bande, comme Linda George et Gloria Wilson, avaient rempli auparavant la fonction de membre de jury et ils avaient fait une exception pour des gens en retard (op. cit., page 1733, lignes 1 à 6; de la page 1737, ligne 20, à la page 1738, ligne 18).

En réponse à cela, Deborah Jacobs a émis l'avis suivant :

[TRADUCTION]

Le fait est que nous avions le droit de décider qu'un postulant ne s'était pas présenté à l'entrevue et de poursuivre. C'est comme cela que ça s'est passé (op. cit., page 1733, lignes 7 à 10).

Puis, elle a ajouté :

Oui, cela aurait causé un inconvénient, étant donné ce que je viens de dire, et il faut nuancer cette réponse. Nous étions prêts à commencer et nous nous attendions à ce que les gens soient consciencieux et considèrent cela comme une priorité, étant donné que nous choisissions quelqu'un pour un poste très important (op. cit., page 1733, lignes 13 à 17).

Interrogée par M. Rich, Deborah Jacobs a reconnu qu'elle savait que Mme Rivers était furieuse de ne pas avoir d'entrevue pour ce poste de concepteur de programmes d'études. Elle a témoigné qu'elle avait reçu les lettres de Mme Rivers datées du 13, du 20 et du 29 janvier au sujet de ce

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poste. Elle a répondu à Mme Rivers par des lettres en date du 26 janvier et du 2 février 1987, et lui a dit que les conseillers membres du jury de sélection avaient confirmé leur décision et que l'appel devait être porté devant le chef en conseil le 4 février 1987 (op. cit., de la page 1678, ligne 2, à la page 1680, ligne 5).

(iii) Témoignage de Byron Joseph, membre du jury de sélection, relativement au poste de concepteur de programmes d'études

Byron Joseph a émis l'opinion que, si Mme Rivers jugeait cet emploi important, elle aurait dû se présenter à l'entrevue (Transcription, volume 15, de la page 1996, ligne 22, à la page 1997, ligne 4; page 2027, lignes 2 à 9).

Quand Mme Ross lui a demandé :

[TRADUCTION]

Est-ce que cela aurait changé quelque chose, à votre avis, auriez-vous été plus sympathique à la situation de quelqu'un comme Leonie Rivers, si vous aviez su qu'en fait, elle avait demandé plusieurs semaines à l'avance que son entrevue ne soit pas fixée ce jour-là, parce qu'elle avait pris d'autres engagements?

Byron Joseph a répondu ceci :

Autant que je sache, quand la date a été fixée, vous savez, vous devez vous en tenir à cet emploi-là (Transcription, volume 15, page 2019, lignes 21 à 23).

Byron Joseph ne se souvenait pas de beaucoup de détails au sujet du retard de Mme Rivers à cette entrevue. Interrogé par Mme Shivji, qui lui a demandé si Lois Guss avait fait des études suffisantes en matière de conception de programmes d'études, Byron Joseph s'est dit d'avis que cette dernière connaissait bien la culture squamish, les légendes et les récits squamish, et qu'elle pouvait entretenir de bonnes relations avec les enfants squamish (op. cit., de la page 2074, ligne 12, à la page 2075, ligne 6).

Byron Joseph a témoigné qu'il avait fait le meilleur choix pour le poste sans tenir compte des liens de parenté (op. cit., page 2076, lignes 10 à 18). Il a dit que, parmi les facteurs très importants pour l'attribution d'emplois au sein de la bande, on comptait le fait de bien connaître la culture et la langue squamish. Il a reconnu que Lois Guss connaissait bien la culture squamish, puisqu'elle était une Ancienne dans la collectivité squamish, mais qu'il n'était pas à même de faire des observations sur les connaissances de Mme Rivers sous cet aspect (op. cit., de la page 2077, ligne 3, à la page 2078, ligne 10; de la page 2079, ligne 15, à la page 2080, ligne 8).

(iv) Témoignage de Gwen Harry, membre du jury de sélection, relativement au poste de concepteur de programmes d'études

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Interrogée par M. Rich, Gwen Harry a témoigné que les membres du jury avaient attendu Mme Rivers jusqu'à une heure dix ou une heure quinze, puis avaient donné une entrevue à Lois Guss. Quand Eva Jacobs est entrée et a dit que Mme Rivers serait en retard à l'entrevue, parce qu'elle avait une autre entrevue après une heure trente, Deborah Jacobs et Byron Joseph ont discuté de la situation entre eux, mais seuls ce dernier et elle-même ont pris la décision d'engager Lois Guss à ce moment-là, avant de rappeler Mme Rivers. Gwen Harry était d'avis que Mme Rivers n'était pas intéressée par le poste de concepteur de programmes d'études, puisqu'elle avait une autre entrevue d'emploi à la même heure. Gwen Harry a été impressionnée par l'expérience de Lois Guss au chapitre de la conception de programmes scolaires au conseil scolaire de North Vancouver (Transcription, volume 15, de la page 2146, ligne 7, à la page 2148, ligne 9).

Gwen Harry a expliqué qu'elle avait pris la décision d'engager Lois Guss avant de rappeler Mme Rivers, parce qu'elle était préoccupée par la présence de celle-ci à une autre entrevue d'emploi.

Elle a souligné que, durant les mois de janvier et de février, la route de Squamish, en C.-B., qu'elle devait emprunter pour rentrer chez elle pouvait être très dangereuse après la tombée de la nuit et que la bande s'efforçait toujours de voir à ce que l'entrevue se termine à l'heure prévue. C'est l'une des raisons pour lesquelles ils ont décidé de ne pas attendre Mme Rivers.

Quand Mme Ross a souligné qu'elle devait en réalité avoir des entrevues jusqu'à 14 h 15, qu'elle ne partirait probablement pas avant 14 h 30 ce jour-là, et qu'elle aurait pu attendre Mme Rivers vingt minutes de plus, Gwen Harry a dit ceci :

[TRADUCTION]

O.K., quand elle a téléphoné, j'ai compris qu'elle avait une autre entrevue ailleurs et que si elle était intéressée par le poste de concepteur de programmes d'études, elle se serait présentée -- j'aurais pu comprendre, si elle avait eu une crevaison ou si quelque chose était survenu en chemin, mais elle avait une autre entrevue et c'est ce qui a motivé ma décision (op. cit., de la page 2157, ligne 24, à la page 2158, ligne 4).

(J) POSTE DE COORDINATEUR DE L'ACTION EN FAVEUR DES JEUNES (DÉCEMBRE 1986)

Deborah Jacobs était chargée d'organiser les entrevues d'emploi, de désigner le jury de sélection et de procéder à la présélection. Les entrevues pour ce poste ont été fixées au 26 janvier 1987. Le jury était formé de Byron Joseph et de Gwen Harry.

Voici un extrait de la description de poste :

[TRADUCTION]

Engager un autochtone à qui il incombera de planifier, de coordonner et de diriger les programmes d'activités parascolaires, pour les élèves de la maternelle au secondaire. Le candidat reçu collaborera aussi aux activités de la Squamish Students' Society dans ce domaine. Le coordinateur de l'action

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en faveur des jeunes consultera les représentants de la bande chargés des programmes de la bande indienne de Squamish au chapitre de la lutte contre l'abus des drogues et de l'alcool, et au chapitre des loisirs, et il collaborera avec ces personnes (pièce HR-2, onglet 6).

Les postulants étaient Leonie Rivers, Carole Newman et Orene Johnson. La candidate reçue a été Carole Newman, qui est un membre de la bande par filiation et qui est la cousine germaine de Gilbert Jacob.

(i) Témoignage de Leonie Rivers relativement au poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes

Interrogée par Mme Ross, Mme Rivers a dit qu'elle possédait les qualités essentielles requises pour ce poste. Elle avait acquis une expérience au sein de la bande en participant bénévolement à divers programmes, par intervalles, pendant une période de dix ans.

Elle a cru s'être habillée correctement pour cette entrevue-là en mettant des jeans griffés et une veste. Elle a donné l'explication suivante :

[TRADUCTION]

Dans le milieu des loisirs, on s'habille plus sport que dans le monde de l'éducation, du développement social ou de la finance, par exemple (Transcription, volume 2, page 138, lignes 8 à 10).

Elle a également expliqué qu'en réalité, certains employés de soutien des services financiers et administratifs au bureau de l'administrateur de la bande portaient des jeans (op. cit., page 138, lignes 13 à 16). Mme Rivers a dit que, si les personnes avec qui elle a eu une entrevue lui avaient demandé pourquoi elle avait mis des jeans, elle aurait été heureuse de le leur dire (op. cit., page 139, lignes 3 à 7).

Mme Rivers a reconnu que son entrevue n'avait pas été bonne :

[TRADUCTION]

Ça n'a pas été l'une de mes meilleures entrevues.

M. Rich : Alors, dans ce cas-là, il est raisonnable que le jury ne vous ait pas vue sous un jour favorable, n'est-ce pas?

Mme Rivers : Oui, c'est possible (Transcription, volume 3, de la page 291, ligne 24, à la page 292, ligne 4).

A son avis, les membres du jury ne lui ont pas posé de questions au sujet de ses qualités et de son expérience de travail dans le domaine en cause (Transcription, volume 2, page 139, lignes 10 à 12). Mme Rivers a cru avoir bien répondu à toutes les questions de l'entrevue, mais le ton de Gwen Harry à l'entrevue, sa brusquerie et son langage gestuel l'ont mise mal à l'aise. Mme Rivers a dit ce qui suit :

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[TRADUCTION] Je n'ai pas bien saisi certains de ses propos et je lui ai demandé des éclaircissements, et elle a semblé contrariée par la manière dont je lui ai posé ces questions. Alors, je ne savais pas si nous n'avions simplement aucuns atomes crochus ou s'il y avait autre chose, mais à ses questions, -- je veux dire, mes réponses n'étaient pas ce qu'elle attendait (Transcription, volume 2, page 140, lignes 17 à 23).

Elle a ajouté :

Eh bien, son langage gestuel indiquait qu'il y avait quelque chose -- c'était peut-être ce que je portais, je ne sais pas, mais je pouvais sentir que quelque chose n'allait pas, que je m'y prenais mal. Je n'étais pas sûre de ce que c'était. Mais c'était simplement le ton de ses paroles et son langage gestuel, comme si elle devait subir cette entrevue, cet exercice de forme; elle était tout simplement brusque à certains égards (op. cit., page 141, lignes 2 à 8).

Mme Rivers a eu le sentiment que la décision avait déjà été prise et qu'il s'agissait simplement de mener le processus à terme. Elle a eu l'idée de se retirer à un moment donné durant l'entrevue (op. cit., page 142, lignes 20 à 24).

(ii) Témoignage de Deborah Jacobs, coordinatrice de l'éducation, relativement au poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes

Deborah Jacobs a témoigné que ce poste à durée déterminée était parrainé par Emploi et Immigration Canada. Elle était chargée d'organiser les entrevues pour ce poste et d'opérer la présélection. Elle a été impressionnée par les compétences de Carol Newman, qualifiant son exposé de [TRADUCTION] modèle de counselling par les pairs. Deborah Jacobs a déclaré qu'elle avait sélectionné Carole Newman :

[TRADUCTION]

à cause de ses qualités personnelles, de ses connaissances et de son expérience de travail; elle avait acquis une longue expérience au Native Education Centre où elle s'occupait des jeunes. Mais en outre, elle a apporté à l'entrevue un modèle de counselling par les pairs qu'elle était à même d'offrir aux jeunes, grâce à ses connaissances et à ses antécédents, et je me rappelle que nous avons été vraiment enthousiasmés par ce modèle particulier de counselling par les pairs ou de réévaluation. Du counselling adapté aux jeunes autochtones (Transcription, volume 13, page 1685, lignes 6 à 14).

Deborah Jacobs a dit aussi beaucoup de bien d'une autre postulante, appelée Orene Johnson. Elle a dit que cette dernière avait accompli une quantité incroyable de travail bénévole au sein du groupe des Grands frères et des Grandes soeurs. Elle-même et le jury de sélection ont été enthousiasmés par le travail qu'elle avait accompli au camp des garçons (op. cit., page 1686, lignes 14 à 22).

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Deborah Jacobs a témoigné que Mme Rivers s'était présentée à l'entrevue tout juste à temps, et qu'elle avait désapprouvé son apparence - - cheveux tout mouillés et en jeans. Elle a qualifié l'attitude de Mme Rivers de cavalière et elle a dit que celle-ci n'avait pas coopéré avec le jury de sélection. Elle a décrit son attitude dans ces termes :

[TRADUCTION]

«O.K., nous revoilà; nous allons subir cette entrevue» et "Vous savez déjà qu'elle est mon expérience" (op. cit., page 1687, lignes 1 à 9).

Contre-interrogée par Mme Ross, Deborah Jacobs a dit que le jour où a eu lieu l'entrevue (le 26 janvier 1987) pour ce poste, elle avait déjà reçu les lettres de Mme Rivers datées du 13 et du 20 janvier, dans lesquelles elle se plaignait de ne pas avoir eu d'entrevue pour le poste de concepteur de programmes d'études. Ces lettres indiquaient que Mme Rivers était vexée et qu'elle avait l'impression de ne pas avoir été traitée équitablement (op. cit., de la page 1738, ligne 19, à la page 1740, ligne 25).

Deborah Jacobs a témoigné qu'elle réprouvait le fait que Mme Rivers avait mis des jeans pour cette entrevue. Elle a dit ceci :

[TRADUCTION]

On s'attend à ce que les gens qui se présentent à une entrevue accordent de l'importance à leur tenue. Quant à moi, si quelqu'un se présente vêtu d'un jeans serré et d'une veste en jean, c'est un facteur, parce qu'ils oeuvrent auprès des jeunes, les jeunes et les coordinateurs de l'action en faveur des jeunes, il s'agit de counselling et de ce genre de chose, et il faut donner l'exemple (op. cit., page 1743, lignes 13 à 19).

Quand Mme Ross a souligné que pour Gloria Wilson, directrice du développement social, ça ne posait pas de problème quand des postulants se présentaient à une entrevue d'emploi vêtus de jeans griffés, s'ils étaient appelés à travailler auprès des enfants, Deborah Jacobs a dit désapprouver la position de Gloria Wilson, bien qu'elle ait reconnu que Gloria Wilson était une estimée collègue qui travaillait pour la bande depuis plus de 25 ans (op. cit., de la page 1751, ligne 22, à la page 1752, ligne 17). Deborah Jacobs a dit qu'elle n'était pas la seule à être préoccupée par l'apparence de Mme Rivers et par sa tenue à l'entrevue. Tous les membres du jury ont noté et discuté de l'apparence de celle-ci à cette entrevue d'emploi, ainsi que la façon dont elle et les autres candidats s'étaient présentés à l'entrevue. Il ressort à l'évidence de toute cette conversation entre Mme Ross et Deborah Jacobs sur cette question que cette dernière n'avait pas de sympathie pour le comportement de Mme Rivers à l'entrevue (op. cit., de la page 1744, ligne 13, à la page 1745, ligne 4).

J'ai également demandé à Deborah Jacobs si elle ou les membres du jury avaient tenté d'obtenir de Mme Rivers une réponse plus positive à certaines des questions de l'entrevue en dépit de son attitude apparemment belliqueuse et caustique. Elle a dit que cette entrevue aurait pu être interrompue en raison du manque de respect et d'intérêt montré par la postulante (Transcription, volume 14, de la page 1949, ligne 1, à la page

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1950, ligne 11). Deborah Jacobs a dit que, quant à elle, elle avait prié Mme Rivers de s'asseoir et l'avait sincèrement invitée à donner des réponses aux questions, mais que cette dernière avait refusé de s'asseoir. Mais Mme Rivers, rappelée à la barre, a répondu à ma question relative à l'allégation de Deborah Jacobs que personne ne l'avait priée de s'asseoir (Transcription, volume 17, de la page 2458, ligne 25, à la page 2459, ligne 9).

(iii) Témoignage de Byron Joseph, membre du jury de sélection, relativement au poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes

Byron Joseph a témoigné qu'il ne se souvenait pas des entrevues pour ce poste (Transcription, volume 15, page 1997, lignes 8 à 19).

(iv) Témoignage de Gwen Harry, membre du jury de sélection, relativement au poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes

Interrogée par M. Rich, Gwen Harry a témoigné qu'elle-même et Byron Joseph faisaient partie du jury de sélection. Elle a dit que ce poste consistait à oeuvrer auprès des jeunes de la bande, à plus ou moins mettre en marche des programmes pour eux dans le but de les empêcher de traîner dans les rues et de les aider à traverser cette période (Transcription, volume 15, page 2148, lignes 14 à 21).

Gwen Harry a témoigné que Mme Rivers ne s'intéressait qu'au poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes, et non aux postes de stagiaire. Elle s'est rappelé que Mme Rivers lui avait semblé très agressive (op. cit., page 2150, lignes 1 à 12; Transcription, volume 17, de la page 2334, ligne 24, à la page 2335, ligne 4), bien qu'elle n'ait pas de souvenir précis des entrevues avec les candidats (Transcription, volume 15, de la page 2149, ligne 18, à la page 2150, ligne 15). Elle a apporté une réserve plus tard à ce qu'elle avait voulu dire quand elle avait parlé de l'agressivité de Mme Rivers :

[TRADUCTION]

Non, elle n'a pas été agressive envers moi. Elle était très agressive lors des assemblées. Elle m'a paru très agressive lors des assemblées générales.

Mme Harry a expliqué ensuite qu'elle ne parlait pas de l'entrevue quand elle avait fait mention de son agressivité (Transcription, volume 17, page 2326, lignes 10 à 23).

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LE DROIT

L'OBJET DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

On trouve à l'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne l'objet de la Loi :

"[...] compléter la législation canadienne en donnant effet [...] au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience."

LA CHARGE ET L'ORDRE DE PRÉSENTATION DE LA PREUVE

Dans l'affaire Basi c. Les chemins de fer nationaux du Canada (no 1) (1988), 9 C.H.R.R. D/5029 (Trib. féd.), on trouve au paragraphe 38474 l'énoncé qui suit relatif à la charge de la preuve dans le cas d'une plainte sous le régime de la Loi :

Le fardeau et l'ordre de la preuve dans les causes de discrimination pour refus d'embaucher sont des mécanismes d'ores et déjà bien établis dans toutes les provinces canadiennes : le plaignant doit d'abord établir que l'acte reproché a toutes les apparences d'un acte discriminatoire; après quoi, il incombe au mis-en-cause de fournir une explication raisonnable de l'acte qui lui est reproché. En supposant que l'employeur ait fourni une explication, il revient alors au plaignant de démontrer que celle-ci ne constitue qu'un prétexte et que le comportement de l'employeur était effectivement empreint de discrimination."

Et au paragraphe 38475 :

"Dans la présente cause, il incombe donc au plaignant d'établir d'abord que sa plainte paraît fondée à première vue : Shakes c. Rex Pak Ltée (1981), 3 C.H.R.R. D/1001 au paragraphe 8918:

Dans une plainte relative à un emploi, la Commission établit habituellement qu'il s'agit d'une preuve suffisante à première vue, en prouvant :

a) que le plaignant avait les qualifications pour l'emploi en cause;

b) que le plaignant n'a pas été embauché, et

c) qu'une personne qui n'était pas mieux qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne, a obtenu le poste.

-33-

Si la Commission réussit à prouver ce qui précède, il incombe alors au mis en cause de fournir une explication des événements qui concourt à établir que la discrimination pour des motifs prohibés par le Code n'est pas la bonne explication aux événements survenus.

(Voir aussi: Israeli c. La Commission canadienne des droits de la personne et la Commission de la Fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616 et Folch c. Canadian Airlines International (1992) 17 C.H.R.R. D/261.)

Dans l'affaire Blake c. Ministry of Correctional Services and Mimico Correctional Institute (1984), 5 C.H.R.R. D/2417 (Ontario), la Commission a déclaré ce qui suit, au paragraphe 20090 [D/2425] :

[TRADUCTION]

Si l'intimé fait la preuve que le refus d'embaucher le plaignant reposait sur un motif non discriminatoire, le plaignant et la Commission peuvent encore établir que le motif invoqué pour le refus d'embaucher est en fait un prétexte et que la discrimination fondée sur un motif illicite a été l'un des motifs clefs des actions de l'intimé.

Le mot prétexte est défini dans le Funk & Wagnall's Standard College Dictionary comme [TRADUCTION] 1o une raison ou un motif allégué pour dissimuler le véritable motif d'une action; 2o une excuse ou une explication spécieuse.

Il revient alors au juge des faits de décider si l'explication fournie par l'intimé pour réfuter la preuve suffisante à première vue qu'a faite le plaignant, soit justifie le comportement empreint de discrimination de l'intimé, ou fournit une explication raisonnable de l'acte qui a toutes les apparences d'un acte discriminatoire.

La charge ultime de la preuve incombe au plaignant et à la Commission, qui doivent établir la plainte selon la prépondérance des probabilités (affaire Blake, ibid., au par. 20090 [D/2425]).

De toute évidence, il n'est pas nécessaire de conclure que l'intimé avait l'intention d'exercer de la discrimination à l'endroit du plaignant. Pour que la plainte soit fondée, il suffit qu'il soit démontré, suivant la prépondérance de la preuve, que l'intimé a effectivement exercé de la discrimination à l'endroit du plaignant pour l'un des motifs allégués dans la plainte (arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd. et autres, [1985] 2 R.C.S. 536, aux p. 547 et 549.

La preuve directe de discrimination

La discrimination directe a été définie comme une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction illicite : [...] Ici, on n'embauche aucun catholique, aucune femme ni aucun Noir.

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Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd. et autres, ibid., à la p. 536.

La preuve indirecte

M. Rich a soutenu qu'il y avait lieu de retenir la définition de la preuve indirecte donnée dans l'affaire Folch :

[TRADUCTION]

La preuve indirecte est la preuve qui est compatible avec le fait à démontrer et incompatible avec toute autre conclusion raisonnable.

Dans l'affaire Gaba c. Lincoln County Humane Society (1992) 15 C.H.R.R. D/311, le tribunal examine la définition de la preuve indirecte à la page D/315, faisant remarquer que Vizkelety affirme, dans Proving Discrimination in Canada, Toronto, Carswell, 1987, que la définition qui avait été adoptée dans l'affaire Kennedy c. Mohawk College Board of Governors, (1973) [inédite], puis reprise dans l'affaire Folch, était trop stricte. Vizkelety émet l'avis que l'on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l'appui rend cette conclusion plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible. Dans l'affaire Gaba, la commission d'enquête n'a pas choisi l'une ou l'autre de ces définitions, mais a conclu comme suit :

[TRADUCTION]

Les pièces du puzzle doivent être assemblées de telle sorte que l'image entière soit reconstituée. Dans un cas comme le présent, la preuve indirecte doit, pour emporter la conviction, faire plus que de produire plusieurs résultats également compatibles; le second critère précité, qui est plus favorable à la thèse de la commission, exige aussi que la conclusion selon laquelle il y a discrimination soit plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible.

Je préfère appliquer cette définition de la preuve indirecte lorsqu'il s'agit de plaintes concernant les droits de la personne plutôt que la définition de la preuve indirecte, applicable en droit quasi pénal, qui a été utilisée dans l'affaire Folch. Certes, les dangers de déclarer coupable un accusé en droit pénal sur la foi d'une preuve indirecte sont bien connus, mais s'agissant de plaintes en matière de droits de la personne, je souscris à l'argument de Mme Ross, qui affirme :

[TRADUCTION]

La discrimination n'est pas un phénomène qui se manifeste ouvertement, comme on serait porté à le croire. Il est rare en effet qu'on puisse prouver par des preuves directes qu'un acte discriminatoire a été fait intentionnellement.

Comme le plaignant dispose rarement de preuves directes dans des causes comme celle-ci, il appartient alors à la Commission d'établir si le plaignant a été ou non en mesure de prouver que l'explication est un prétexte en faisant des déductions à partir de ce qui, le plus souvent, constitue des preuves indirectes.

-35-

..................

[...] La conduite de l'intimée, tant avant qu'après l'acte discriminatoire allégué, ne peut certainement pas être séparée de l'acte lui-même. Il serait pratiquement impossible au plaignant de démontrer que l'explication fournie par M. Symenuk était un prétexte, à moins d'être en mesure de tirer des conclusions des actions de l'employeur tant au moment de l'embauchage que par la suite.

Almeida c. Chubb Fire Security Division, (1984) 5 C.H.R.R. D/2104 (comm. d'enq. Ont.), à la p. D/2105 (jurisprudence, onglet 10)

Voir aussi l'affaire Basi c. Les chemins de fer nationaux du Canada (no 1) (1988), 9 C.H.R.R. D/5029 (Trib. féd.) (jurisprudence, onglet 11), aux p. D/5038 à D/5040.

La discrimination par suite d'un effet préjudiciable se produit lorsqu'un employeur adopte, pour des raisons d'affaires véritables, une règle ou une norme qui est neutre à première vue et qui s'applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d'employés en ce qu'elle leur impose, en raison d'une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d'employés, des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés [arrêt O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd., précité].

LA MULTIPLICITÉ DES MOTIFS DE DISTINCTION ILLICITE ALLÉGUÉS

La plaignante allègue que l'intimé a exercé à son endroit des actes discriminatoires, fondés sur sa situation de famille et sur son origine nationale ou ethnique. Elle aura gain de cause si elle prouve la discrimination fondée sur l'un de ces motifs suivant la charge de la preuve définie plus haut. Par conséquent, il est nécessaire d'examiner la preuve relativement à chacun des motifs de distinction illicite allégués [affaire Folch c. Canadian Airlines International, précitée].

LES MOTIFS DE DISTINCTION ILLICITE ALLÉGUÉS

Leonie Rivers allègue avoir été défavorisée en matière d'emploi au sein de la bande indienne de Squamish pour des motifs de distinction illicite :

  1. parce qu'elle est un membre de la bande par alliance par opposition aux membres par filiation; et
  2. parce qu'elle n'appartient pas à la famille Jacobs, plus précisément parce qu'elle n'est pas une proche parente du conseiller Gilbert Jacob, motif que Mme Ross, avocate de la Commission, a qualifié de népotisme [argumentation de la CCDP, par. 21, à la p. 10]. Celle-ci a défini ce terme comme suit : favoritisme par lequel un avantage (par
  3. -36-

    exemple un emploi) est attribué à un parent [argumentation de la CCDP, par. 23, à la p. 11].

Pour reprendre les termes de la Loi concernant les motifs de distinction illicite, elle se plaint que le conseil de la bande indienne de Squamish a exercé à son égard des actes discriminatoires, fondés sur son origine nationale ou ethnique et sur sa situation de famille, en refusant de l'engager et en appliquant une ligne de conduite qui constitue du népotisme en matière d'emploi, actes prévus aux art. 7 et 10 de la Loi [argumentation de la CCDP, par. 22, à la p. 10].

Selon son argument, dans le cas des femmes qui sont des membres par alliance, les motifs de distinction illicite se recoupent -- Leonie Rivers est un membre par alliance, une personne née dans une autre tribu -- les Gitksans -- qui s'est jointe à la collectivité squamish et est devenue membre de la bande indienne de Squamish parce qu'elle a épousé un membre de souche squamish. Mais, sur le plan des caractéristiques qui sont à l'origine de la discrimination et qui la distinguaient aux yeux de l'intimé par rapport à ses demandes d'emploi, elle est bien plus qu'un membre par alliance. Elle est aussi une femme -- comme tous les membres par alliance, par définition -- et, au surplus, elle n'est pas un membre de la famille Jacobs [argumentation de la CCDP, par. 46, à la p. 22].

ORIGINE NATIONALE OU ETHNIQUE

La plaignante dit qu'elle est, de par son origine nationale ou ethnique, une gitksan, parce qu'elle est née à Kitwanga au nord de Terrace, en Colombie-Britannique, et que sa mère est née dans la bande de Gitsegulka, près de Kitwanga (HR-7, onglet 2).

L'intimé n'a pas admis que, pour l'application de la loi sur les droits de la personne, les personnes de souche gitksan aient une origine nationale ou ethnique distincte de celles nées squamish. C'est pourquoi la Commission a cité le Dr Sheila Robinson comme témoin expert afin qu'elle explique les différences, d'un point de vue préhistorique et historique, entre les peuples squamish et gitksan. L'intimé a choisi alors de ne pas assigner de témoin pour contester ce point. Dans son plaidoyer, M. Rich a dit qu'[TRADUCTION] aucun élément de preuve ne démontrait que le fait d'avoir son franc-parler ou d'être belliqueux soit un trait distinctif des gens d'origine gitksan (Transcription, volume 19, page 2770, lignes 12 à 15), reconnaissant ainsi vraisemblablement que l'on pouvait considérer les Gitksans comme un groupe ethnique.

Le Dr Robinson remplissait les conditions requises pour être reconnue comme experte ayant des connaissances spécialisées en anthropologie, en archéologie et en ethnologie pour ce qui est des peuples autochtones du Nord-Ouest de l'Amérique du Nord. Elle a témoigné sur les caractères fondamentaux des groupes autochtones du littoral du Nord-Ouest et, en particulier, sur des différences fondamentales entre les peuples gitksan et squamish du point de vue de l'identité ethnique, de la langue et d'autres traits culturels (Tr., vol. 8, aux p. 876 et 877). Elle a également témoigné au sujet de l'organisation des tribus, comme celle de

-37-

Squamish, qui consiste dans une structure à rangs sur laquelle un chef exerce son autorité et dans laquelle la condition de chacun est fonction des liens de parenté.

Son témoignage a porté notamment sur les éléments suivants :

  1. La nation squamish (géographiquement assimilée à la nation salish du littoral central) et la nation gitksan habitent des territoires très éloignés.
  2. La langue squamish (qui appartient au groupe linguistique du salish du littoral) et la langue gitksan (qui appartient au groupe linguistique tsimshiam) sont tout à fait étrangères et les locuteurs de ces groupes ne se comprennent pas.
  3. Dans leur histoire, les Squamish ont toujours eu une organisation sociale basée sur la filiation indifférenciée, par contraste avec les Gitksans dont la structure est matrilinéaire.
  4. Un système particulier de clans et d'emblèmes caractérise l'identité de l'ethnie gitksan (auquel s'ajoute, au dire de Leonie Rivers, l'usage de couvertures à boutons au cours des cérémonies gitksans, par contraste avec les costumes des autres ethnies de culture squamish).
  5. Sur le plan historique et préhistorique, les Squamish et les Gitksans se seraient considérés comme des ethnies absolument distinctes et il est très improbable que les deux nations aient noué des relations d'amitié, voire entretenu quelque relation que ce soit.

La signification du terme groupe ethnique a été étudiée par la Chambre des lords dans l'arrêt Mandla v. Dowell Lee, (1993) 1 All E.R. 1062 :

[TRADUCTION]

Pour qu'un groupe forme un groupe ethnique au sens de la Loi de 1979, il faut, à mon sens, qu'il se considère lui-même ou que les autres le considèrent comme formant une collectivité distincte en raison de certains caractères. Certains de ces caractères sont essentiels; d'autres ne sont pas essentiels, mais un ou plusieurs de ceux-ci sont communs et servent à distinguer le groupe de l'ensemble qui l'englobe. Les conditions qui me semblent essentielles sont les suivantes : (1) une longue histoire commune, dont le groupe a conscience qu'elle le distingue des autres groupes et dont le souvenir assure la perpétuation; (2) une tradition culturelle propre, incluant des moeurs et des coutumes familiales et sociales, souvent mais pas nécessairement associées à la pratique religieuse. Outre ces deux caractères essentiels, les traits qui suivent sont, d'après moi, pertinents : (3) soit une origine géographique ou une ascendance commune, limitée à un petit nombre d'ancêtres communs; (4) une langue commune, pas nécessairement propre au groupe; (5) une littérature commune, propre au groupe; (6) une religion commune, différente de celle des groupes voisins ou de l'ensemble

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qui l'englobe; (7) l'état de minorité ou le fait d'être opprimé ou de constituer un groupe dominant au sein d'une collectivité, par exemple un peuple conquis (comme les habitants de l'Angleterre peu après la conquête normande) et ses conquérants pourraient former deux groupes ethniques.

Le sens du terme origine ethnique a été analysé par la cour d'appel de la Nouvelle-Zélande dans l'arrêt King-Ansell v. Police, (1979) 2 N.Z.L.R. 531, à la p. 543, où elle se reporte à un passage relatif aux Écossais, tiré des motifs de lord Simon dans l'arrêt Ealing v. Race Relations Board (1972) 1 All E.R. 105 :

[TRADUCTION]

Ces mêmes liens historiques communs auxquels il s'est référé sont suffisants pour constituer une origine nationale. De la même façon, un groupe se caractérise par son origine ethnique s'il représente un élément d'une population qui se différencie des autres par une combinaison suffisante de coutumes, de croyances, de traditions et de caractères communs, provenant d'un passé commun ou supposé commun, même si, génétiquement, les individus qui le composent ne sont pas tous de la même race. C'est cette combinaison de coutumes, de croyances, de traditions et de caractères communs, qui proviennent d'un passé commun ou supposé commun, même si, génétiquement, les individus qui le composent ne sont pas tous de la même race. Ces individus ont une identité sociale distincte qui repose simplement sur la cohésion et la solidarité du groupe, mais aussi sur la conscience de son passé.

Vu le témoignage de l'experte, le témoignage de Mme Rivers et la jurisprudence, je conclus que le fait d'être né gitksan ou squamish peut être tenu pour une origine nationale ou ethnique au sens où ces termes sont employés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

SITUATION DE FAMILLE

L'expression situation de famille n'est pas définie dans la Loi.

Tarnopolsky et Pentney, dans Discrimination and the Law, font observer au sujet de cette expression :

[TRADUCTION]

Quant au mot famille, toutefois, les tribunaux de common law s'entendent pour dire qu'il a plusieurs sens, peut viser nombre de relations, peut désigner nombre de choses selon le contexte ou, bien sûr, que sa signification peut varier selon le texte de loi dans lequel il est employé. En revanche, il convient de dire que tous les tribunaux s'accordent pour dire que, bien que dans certains cas, il faille lui donner un sens plus restreint, ce mot s'est toujours entendu de la relation qui découle des liens du mariage, de la consanguinité, de l'adoption légale, y compris, bien sûr, les relations ancestrales, qu'elles soient légitimes, illégitimes ou d'adoption, ainsi que les

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relations entre époux, frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, oncles ou tantes et neveux ou nièces, cousins, etc. (Tarnopolsky et Pentney, jurisprudence de la CCDP, onglet 5, à la p. 9-5.)

Un tribunal des droits de la personne a étudié le sens de l'expression situation de famille employée dans la Loi dans l'affaire Schaap c. Canada (Ministère de la Défense nationale) (relative à l'état matrimonial d'un couple hétérosexuel vivant en union de fait). Après avoir pris en considération les propos du professeur Tarnopolsky dans Discrimination and the Law, (ibid., à la p. 9-3), un certain nombre de précédents et les définitions des dictionnaires, le Tribunal a fait l'observation qui suit, à la p. D/4910 :

Par ailleurs, la signification naturelle et ordinaire de l'expression situation de famille devrait, je pense, englober la relation qui découle des liens du mariage, de la consanguinité, de l'adoption légale, y compris, pour reprendre les termes du Pr Tarnopolsky, les relations ancestrales, qu'elles soient légitimes, illégitimes ou d'adoption, ainsi que les relations entre époux, frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, oncles ou tantes et neveux ou nièces, cousins, etc. Je n'ai trouvé aucun texte faisant autorité qui permettrait d'élargir le sens du mot famille au delà du type de relations décrites ci-dessus. Schaap c. Canada (Forces armées canadiennes) (1988), 9 C.H.R.R. D/4890, infirmé pour d'autres motifs (1988), 56 D.L.R. (4th) 105 (C.A.F.)

Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Mossop, de la Cour d'appel fédérale, qui concernait la situation juridique d'un couple homosexuel, le juge Stone a examiné l'historique de la loi par laquelle les mots family status et état matrimonial ont été ajoutés aux motifs de distinction illicite qui figuraient dans la Loi. A la p. D/363, il a dit ceci :

Lorsqu'il a comparu devant le Comité permanent de la Chambre des communes qui étudiait la modification proposée, le ministre de la Justice de l'époque a attiré l'attention sur la situation décrite ci-dessus et a fait la remarque suivante au sujet de la notion de family status (situation de famille) dont on proposait l'adoption:

... il s'agit ici d'interdire toute discrimination fondée sur les relations entre les personnes par suite d'un mariage, de la consanguinité ou de l'adoption légale. Cela inclut les relations ancestrales, qu'elles soient légitimes, illégitimes ou adoptives, de même que les relations entre les conjoints, les enfants, les liens par alliance, les oncles ou les tantes, les neveux ou les nièces, les cousins etc. Il incombera à la Commission, aux tribunaux qu'elle nommera et en dernier ressort, aux tribunaux, d'établir dans chacun des cas la signification de ces notions.

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Canada (Procureur général) c. Mossop (1990), 12 C.H.R.R. D/355 (C.A.F.); conf. [1993] 1 R.C.S. 554.

Je suis d'avis que le terme situation de famille employé dans la Loi canadienne sur les droits de la personne peut comprendre l'interdiction du népotisme, selon la définition que Mme Ross a donnée à ce mot, dans les lignes de conduite en matière d'embauchage.

Y A-T-IL UNE PREUVE DIRECTE DE DISCRIMINATION FONDÉE SUR LA SITUATION DE FAMILLE DE MME RIVERS OU SUR SON ORIGINE NATIONALE OU ETHNIQUE?

Je suis d'avis qu'en plus des circonstances des concours pour les cinq emplois que j'ai déjà décrits, les éléments qui suivent et les témoignages des personnes dont le nom suit peuvent apporter une preuve directe de distinction illicite à l'endroit de Mme Rivers fondée sur sa situation de famille ou sur son origine nationale ou ethnique :

  1. la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987
  2. le chef Norman Joseph
  3. Glen Newman
  4. Gilbert Jacob
  5. Deborah Jacobs
  6. les lignes de conduite de la bande en matière d'emploi

Je me propose d'examiner chaque élément plus en détail.

a) LA RÉUNION DU CONSEIL DE BANDE TENUE LE 4 FÉVRIER 1987

A cette réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987, Mme Rivers a indiqué que le processus d'attribution des cinq emplois qu'elle avait postulés n'avait pas été impartial et elle a soutenu que la sélection n'y avait pas été faite en fonction des qualités requises. Elle a prié le conseil de bande de répondre à cinq questions :

  1. Comment le conseil désigne-t-il les membres du jury de sélection, quels sont les critères applicables au choix de ses membres sur le plan de l'instruction, de l'habitation, des loisirs, etc.?
  2. Le président du conseil, l'administrateur de la bande et le jury de sélection exercent-ils une autorité sur le conseil squamish?
  3. Quelle est la nature du processus ou de la procédure d'appel dans le cas d'un concours ouvert à tous? Est-ce prévu dans le manuel de la politique?
  4. Le manuel de la politique du personnel du conseil a-t-il été approuvé par l'ensemble des membres, par le conseil des Indiens squamish et/ou par les chefs de service?
  5. Si je ne peux pas former un appel devant le conseil squamish, à qui dois-je m'adresser?

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Mme Rivers a ensuite expliqué en détail ses plaintes, ses inquiétudes et les raisons pour lesquelles elle avait l'impression d'avoir été traitée injustement lors de ces cinq concours (Transcription, volume 10, de la page 1211, ligne 2, à la page 1234, ligne 21).

Mme Rivers a demandé qu'un procès-verbal soit dressé, mot pour mot, pour les besoins de son dossier, et Gilbert Jacob a alors signalé au conseil que ce type de débat pouvait entraîner le conseil dans un litige (Transcription, volume 10, de la page 1239, ligne 10, à la page 1240, ligne 3).

Bill Williams a tenté de répondre aux quatre premières questions (op. cit., de la page 1236, ligne 3, à la page 1238, ligne 2).

Il a dit qu'il appartenait à chaque chef de service de désigner les membres du jury de sélection. Les questions des entrevues sont formulées d'avance et chaque postulant doit répondre aux mêmes questions. Selon la réponse de la personne, une présélection est faite et le jury de sélection en arrive à un consensus et engage la personne la mieux qualifiée (op. cit., page 1236, lignes 3 à 21).

Au sujet de la deuxième question posée par Mme Rivers, Bill Williams a expliqué que le conseil de bande énonce les lignes de conduite que l'administration doit mettre en application.

En réponse à la troisième question, il a expliqué qu'il n'y avait pas de processus d'appel et que, jusqu'à maintenant, on n'avait jamais vraiment eu besoin d'un processus d'appel (op. cit., de la page 1236, ligne 22, à la page 1237, ligne 10).

Quant à la quatrième question, Bill Williams a expliqué que le conseil avait établi une politique du personnel et qu'avant que le conseil ne l'adopte, elle avait fait l'objet de trois assemblées générales des employés de la bande. Tous les employés connaissent parfaitement le mécanisme prévu par la politique du personnel. Bill Williams a laissé à la bande le soin de répondre à la cinquième question (op. cit., page 1237, lignes 11 à 20).

Bill Williams a expliqué en outre qu'en plus des qualités requises, l'apparence du candidat, son attitude en général et ses qualités personnelles sont des facteurs que le jury de sélection doit prendre en considération (op. cit., de la page 1237, ligne 22, à la page 1238, ligne 2; page 1241, lignes 3 à 8).

A son avis, le conseil devrait examiner et réviser le manuel de la politique relativement aux modalités des concours, en ce qui concerne les entrevues, les lettres de suivi après la présélection et le délai entre la date de l'entrevue et celle de l'envoi des lettres à tous les postulants, ainsi que relativement au processus d'appel, tous des points soulevés par Mme Rivers (op. cit., page 1270, lignes 2 à 19).

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Bill Williams a expliqué qu'il avait demandé à Mme Rivers de prolonger de deux semaines son contrat de coordinatrice de l'éducation à titre intérimaire afin de guider la personne qu'ils allaient engager, parce qu'il ignorait que Mme Rivers avait postulé cet emploi de coordinateur de l'éducation. Il n'avait pris connaissance des candidatures à ce poste et des curriculum vitae qu'après la date limite (op. cit., page 1235, lignes 2 à 22). Mme Rivers a contesté cette assertion lors de la réunion du conseil, disant qu'elle avait reçu du bureau de Bill Williams, administrateur de la bande, une lettre indiquant l'heure de son entrevue pour le poste de coordinateur de l'éducation, laquelle était de toute évidence antérieure à l'entrevue (op. cit., page 1212, lignes 13 à 25).

Deborah Jacobs a souligné essentiellement que les candidats reçus aux postes à durée déterminée étaient tout à fait qualifiés. Bien qu'elle ait elle-même été parente avec tous les candidats reçus, elle a assisté aux entrevues sans exercer de droit de vote tout comme May Harris à son comité de l'éducation. Elle a expliqué que la désignation des jurys de sélection et les décisions en matière d'embauchage de ces jurys étaient conformes au manuel de la politique. Elle a jugé sa situation très délicate, parce que Mme Rivers semblait la blâmer pour son traitement injuste dans le processus d'embauchage. Elle a dit ceci :

[TRADUCTION]

Quant à l'impartialité de la procédure d'appel ou un truc comme ça, ce qui m'attriste tant c'est que non seulement mon intégrité et ma réputation professionnelle aient été mises en doute, mais encore celles du conseil. Ils disent, eh bien, que le conseil est injuste et je trouve cela très gênant (op. cit., de la page 1242, ligne 1, à la page 1248, ligne 22).

Gwen Harry a dit qu'elle avait embauché les candidats les mieux qualifiés pour les postes. Elle a souligné que Mme Rivers avait été en retard à l'entrevue pour le poste de concepteur de programmes d'études, parce qu'elle avait une autre entrevue d'emploi. L'entrevue de Mme Rivers devait commencer à 13 h et elle a téléphoné à 13 h 40 pour annoncer son retard. Mme Rivers a dit que pour elle la priorité était de travailler pour la bande et qu'à ce moment-là, elle avait toujours eu l'impression que son entrevue était fixée à 13 h 30 (op. cit., de la page 1256, ligne 19, à la page 1259, ligne 4). Gwen Harry s'est opposée à la proposition de Pauline Spence qui voulait embaucher Mme Rivers pour le poste subventionné aux Loisirs (op. cit., page 1281, lignes 1 à 9; page 1290, lignes 3 à 11).

Byron Joseph a dit aussi qu'il avait engagé les candidats les mieux qualifiés pour les postes.

Frank Rivers, beau-frère de Mme Rivers, a souscrit aux observations de Gilbert Jacob au sujet d'un litige. Quant à lui, l'appel que voulait former Mme Rivers, le conseil l'entendait en ce moment même, et il n'a pas souscrit à l'allégation selon laquelle la famille Jacobs obtenait tous les emplois à cause du népotisme, parce que Deborah n'avait pas participé au processus de prise de décision. Frank Rivers a dit que Mme Rivers aurait dû tenter de faire reporter l'heure de l'entrevue quand Eva Jacobs l'a avisée le 8 janvier que son entrevue était fixée au 12

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janvier 1987 ou prendre des dispositions pour le fixer au 11 janvier ou au matin du 12 janvier afin d'accommoder son horaire aux circonstances. Frank Rivers a appuyé les décisions du jury de sélection au sujet du poste de concepteur de programmes d'études, ainsi que les décisions de Byron Joseph et de Gwen Harry concernant l'embauchage pour les postes à durée déterminée (op. cit., de la page 1259, ligne 13, à la page 1262, ligne 24).

Frank Rivers s'est dit d'accord avec Bill Williams et Dick Williams qu'il fallait réviser le manuel de la politique afin de déterminer si le conseil de bande constituait l'instance appropriée pour les appels et d'adapter les modalités d'embauchage pour qu'elles tiennent compte des circonstances atténuantes (op. cit., de la page 1272, ligne 21, à la page 1274, ligne 6).

Philip Joe a voté contre la décision du jury de sélection pour le poste de concepteur de programmes d'études. Il a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Parce que, vous savez, je ne pouvais pas voter sur les trois ensemble, vous savez, un vote global. Je pouvais voter sur certains d'eux, mais il y en a un sur lequel je ne peux pas voter pour les raisons que j'ai données --

Il a ajouté :

Vous savez, pour les raisons que j'ai déjà données, au sujet de l'embauchage sans entrevue. Cela peut me poser certaines difficultés (op. cit., page 1303, lignes 6 à 14).

Dick Williams a voté contre la décision du jury de sélection pour le poste de concepteur de programmes d'études, mais les décisions concernant les autres postes ne lui posaient pas de problème. Il a dit ceci :

[TRADUCTION]

Merci, Monsieur le président. Je me suis déjà prononcé et mon seul sujet d'inquiétude concerne cette situation. En outre, je vois ces documents pour la première fois aujourd'hui et c'est la lettre du 16 décembre, concepteur de programmes d'études, pour lequel un préavis de trois semaines a été donné, je crois, et les irrégularités qui en ont découlé. Elle a dit qu'il y avait deux jours où elle ne serait pas libre et je pense que la correspondance montre qu'on ne s'est pas occupé de la question d'une manière appropriée.

Il y avait une journée complète où tout le monde était libre et aucun rendez-vous n'a été fixé à cette date-là, et on avait prévu une journée d'entrevues. Et le jour où elle voulait avoir une entrevue était le lundi suivant, date qui ne figure pas dans le préavis. Et elle a fait savoir trois semaines à l'avance qu'elle ne serait pas libre ce jour-là, et pourtant son entrevue a été fixée à ce jour, au milieu de la journée. Alors, je ne suis pas d'accord avec cette façon de procéder (op. cit., de la page 1309, ligne 11, à la page 1310, ligne 7).

-44-

...............

Monsieur le président, après avoir digéré ces documents qui ont été, ou ces lettres ou papiers, qui nous ont été soumis, compte tenu de la façon de procéder en cause, ce n'est pas la façon de faire normale pour un jury de sélection et j'estime ne pas pouvoir appuyer la décision (op. cit., page 1299, lignes 15 à 21).

Le chef Norman Joseph a appuyé les décisions des jurys de sélection pour tous les postes. Il a dit que Deborah Jacobs était de culture squamish, ce que Mme Rivers ne pourrait pas acquérir à l'université. Il était content que des Indiens squamish aient été engagés et non seulement des membres de la bande (op. cit., de la page 1250, ligne 15, à la page 1251, ligne 2).

Le chef Norman Joseph a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il y a une différence entre les membres de la bande et les Indiens squamish, quoi? je ne vais pas me retenir. A la maison, j'y pense tout le temps. Et c'est toujours la même question (op. cit., page 1283, lignes 10 à 13).

Il a ajouté ceci :

Mais j'appuie la décision du jury parce que, voyez-vous, les Jacobs sont de cette culture, de la culture squamish. Et toute la famille partage les connaissances. Nous tenons une partie des connaissances des Anciens, chacun d'entre nous, et c'est une partie que vous ne pouvez pas acquérir, comme je le disais, à l'université ou ailleurs. Et cela va rester dans la bande (op. cit., page 1291, lignes 7 à 15).

D'après la preuve, le silence qui a suivi les remarques du chef Norman Joseph a été tenu par la Commission canadienne des droits de la personne pour une preuve de discrimination. On a affirmé, d'après les réponses des conseillers aux questions posées par la Commission, que le silence qui a suivi les remarques du chef Norman Joseph était saisissant et que l'absence de réponse ou d'objection de la part des autres conseillers indiquait l'assentiment de ceux-ci. Un tableau qui figure à la p. 78 du mémoire de M. Rich résume la durée des silences qui ont suivi les interventions de diverses personnes lors de la réunion du conseil. Il en ressort clairement que, bien que des silences aient suivi les déclarations du chef Norman Joseph, des silences d'égale durée ou de durée supérieure ont également suivi les déclarations d'autres conseillers. Il convient peut-être de noter que le plus long silence a suivi une déclaration du chef Norman Joseph qui n'avait rien à voir avec la discrimination. Il semble que l'importance accordée à ces silences ne procède que d'inférences subjectives et ne soit plus ou moins que le résultat d'une supposition.

Norman Joseph est celui qui a appuyé la motion présentée par Anthony Moody en vue d'approuver la décision du jury de sélection

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d'embaucher Lois Guss comme conceptrice de programmes d'études (op. cit., de la page 1313, ligne 17, à la page 1314, ligne 1).

Anthony Moody, qui a été membre du conseil pendant dix ans, a appuyé les décisions du jury de sélection. Quant à lui, la méthode suivie était conforme au manuel de la politique. Il a dit que c'était tant pis pour la postulante si elle n'avait pas pu se présenter à l'entrevue, parce que le jury avait d'autres chats à fouetter (op. cit., de la page 1251, ligne 5, à la page 1252, ligne 13). Il a dit qu'ils avaient essayé de nommer aux jurys de sélection des conseillers de chaque collectivité, certains qui étaient des employés de l'administration d'autres non, de ne pas montrer de parti pris et d'éviter le favoritisme, mais c'était difficile car tout le monde est parent dans la bande, et il a encouragé Mme Rivers à continuer à postuler des emplois (op. cit., de la page 1253, lignes 16, à la page 1254, ligne 9).

Anthony Moody a présenté la motion visant à l'approbation de la décision du jury de sélection pour le poste de concepteur de programmes d'études lors de la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987 (op. cit., page 1313, lignes 12 à 21).

Sam George a dit qu'il ne voyait pas le besoin d'adopter une motion visant à la révision de la politique. Il ne s'inquiétait que du processus d'appel (op. cit., page 1276, lignes 11 à 13).

Sam George s'est dit d'accord également avec les décisions du jury de sélection, s'exprimant en ces termes :

[TRADUCTION]

Mais j'ai été désigné à ce comité quelques fois et ce n'est pas une tâche facile. Beaucoup de gens sont qualifiés. Et c'est toujours la même chose, ils appliquent toujours la même politique, ils s'efforcent de choisir le meilleur candidat et je suis certain qu'ils y parviennent (op. cit., de la page 1288, ligne 12, à la page 1289, ligne 8).

Sam George n'a pas consenti à ce que l'on attribue à Mme Rivers un poste subventionné, dans le secteur des Loisirs (motion de Pauline Spence) (op. cit., page 1290, lignes 14 à 22). Il s'est dit d'accord avec les réponses que Bill Williams a données aux quatre questions de Mme Rivers (op. cit., page 1297, lignes 13 à 19).

Pauline Spence a dit qu'elle-même et Bill Williams proposaient qu'au lieu d'embaucher deux directeurs des loisirs, si des fonds pouvaient être obtenus d'une autre source, que ce poste, le poste subventionné, soit attribué à Mme Rivers, dans le secteur des loisirs. Pauline Spence a présenté une motion à ce sujet, mais Gwen Harry et Sam George s'y sont opposés (op. cit., page 1281, lignes 1 à 9; page 1290, lignes 3 à 24).

Pauline Spence était d'avis que Mme Rivers ne devrait pas en appeler au conseil, parce que la question relevait de l'administrateur de la bande. Elle a dit ceci :

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[TRADUCTION] C'est un problème interne et c'est pour cela que nous engageons un administrateur de bande, pour régler les questions internes. Et s'ils ne sont pas satisfaits de sa décision, alors je pense qu'ils doivent simplement renoncer et s'en retourner, parce que nous perdons beaucoup de temps précieux en ce moment. Nous avons bien d'autres chats à fouetter (op. cit., de la page 1304, ligne 20, à la page 1306, ligne 11).

Elle a dit qu'à son avis, la méthode de sélection avait toujours été [TRADUCTION] juste et honnête (op. cit., page 1306, lignes 12 et 13).

Quand Mme Rivers a demandé un procès-verbal mot pour mot, Gilbert Jacob a averti le conseil que ces discussions avec Mme Rivers risquaient d'entraîner un litige quelconque. Il a dit qu'il ne partageait pas l'avis de ceux qui se contentaient de répondre tant pis pour elle ou quelque chose du même genre, mais qu'il souhaitait améliorer la politique, de façon à ce que chacun sache le pourquoi et le comment de sa situation (op. cit., de la page 1267, ligne 20, à la page 1268, ligne 22).

Gilbert Jacob a présenté la motion visant à la révision du manuel de la politique du personnel de la bande sur la base de toutes les recommandations formulées, dans un délai de cinq semaines (op. cit., de la page 1277, ligne 8, à la page 1278, ligne 22). Il a également proposé que Steve Rettie, délégué de la bande qui travaillait au service du développement social, soit invité à faire partie de ce comité de révision (op. cit., page 1285, lignes 20 à 25).

Gilbert Jacob a dit qu'il appuyait la décision du jury de sélection d'embaucher sa soeur Lois Guss comme conceptrice de programmes d'études. Il a dit qu'il n'avait jamais fait de pression sur qui que ce soit afin que les membres de sa famille soient engagés et que, dans sa famille, on avait le sens de l'éthique du travail. Il a ajouté ceci :

[TRADUCTION]

Et j'aimerais simplement ajouter que je suis content que Lois ait obtenu le poste. Vous savez, elle est tout à fait qualifiée. Elle est en train d'écrire un manuel, du moins une partie, elle m'a montré un chapitre qu'elle a aidé à produire pour ce livre, en sciences sociales. Pour moi, ce n'est pas peu dire. Elle a fait le travail auparavant, et c'est bien fait. Elle l'a fait toute seule, vous savez (op. cit., de la page 1287, ligne 2, à la page 1288, ligne 8).

Il n'est pas certain que Gilbert Jacob ait voté sur la motion pour appuyer les décisions du jury de sélection, quoiqu'il soit certain qu'il a appuyé les décisions.

Leslie Harry, président du conseil de la bande indienne de Squamish, a témoigné que Gilbert Jacob était celui qui avait appuyé la motion présentée par Anthony Moody, dans ces termes :

[TRADUCTION]

Je propose que nous acceptions la décision prise par le jury de sélection [...] Je propose que Gwen et Byron soient

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de nouveau désignés au jury de sélection (op. cit., page 1292, lignes 9 à 18; Transcription, volume 12, page 1502, lignes 16 à 25; page 1505, lignes 4 à 11).

Leslie Harry n'a jamais répondu officiellement aux cinq questions de Mme Rivers et, d'après son témoignage, en fait, les conseillers chargés de réviser la politique de la bande ne se sont jamais réunis après la réunion du 4 février 1987 (Transcription, volume 12, de la page 1486, ligne 7, à la page 1487, ligne 12; de la page 1488, ligne 17, à la page 1489, ligne 1).

Leslie Harry a dit qu'il arrivait souvent qu'une affaire dont le conseil a été saisi n'ait aucune suite (op. cit., page 1487, lignes 4 à 12).

Je suis d'avis que Mme Rivers a résumé sa position avec éloquence et concision devant le conseil de bande à sa réunion du 4 février 1987. Le débat qui s'est ensuivi a été, à mon sens, constructif et franc. A mon avis, Mme Rivers a bénéficié d'une audience impartiale pour présenter ses plaintes. L'examen de la transcription et de l'enregistrement sur bande magnétique de la réunion révèle que le conseil de bande a rendu jugement avec calme et respect, après un long débat. Certes, les résultats de ce débat n'ont pas été ceux qu'espérait Mme Rivers, mais sa position a reçu quelques appuis. Ironiquement, il semble que les conseillers qui étaient ses parents, Frank Rivers et Pauline Spence, le frère et la cousine germaine de son mari Glen Rivers, ont tous deux voté pour la décision du jury de sélection d'engager Lois Guss comme concepteur de programmes d'études. Il semble également que le conseil de bande ait, par insouciance, omis de donner suite à la résolution tendant à la révision de ses méthodes de sélection et que le président du conseil Leslie Harry n'ait jamais répondu aux questions de la plaignante. Quoiqu'elle fut inadéquate, insensible et contraire aux usages de la profession, cette ligne de conduite administrative de la bande ainsi que d'autres, je ne vois aucune distinction illicite dans ces omissions. Seul le chef Norman Joseph a fait des remarques empreintes de discrimination au cours de la réunion du conseil. Je vais maintenant me pencher sur son témoignage.

b) LE CHEF NORMAN JOSEPH

Le chef Norman Joseph fait partie du conseil de la bande de Squamish depuis 25 ans et il est un chef héréditaire, occupant un poste auquel aucun pouvoir particulier ne semble attaché. Il est d'avis que dans tous les cas où il y a un membre de souche squamish qui est qualifié pour un emploi dans la bande, il devrait l'obtenir de préférence à une personne qui n'est pas squamish par filiation (Transcription, volume 4, page 465, lignes 12 à 23).

Une personne peut devenir membre de la bande par alliance, mais d'ordinaire ces membres-là ne font pas un mariage solide et divorcent au bout de peu de temps. Le chef Norman Joseph a indiqué qu'[TRADUCTION] on trouvait beaucoup d'Indiens squamish qualifiés (op. cit., page 466, lignes 1 à 5).

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Il n'a cependant pas voulu dire si, à son avis, les autres conseillers préféraient les membres par filiation aux autres membres (op. cit., page 467, lignes 10 à 15).

En février 1989, le chef Norman Joseph a déclaré ce qui suit à l'enquêteur de la Commission des droits de la personne Penny Goldrick :

[TRADUCTION]

Je ne pense pas que Byron Joseph donnerait la préférence à des personnes de souche squamish. Lui et moi divergeons d'opinion sur des tas de choses, nous nous disputons aux réunions du conseil (op. cit., page 474, lignes 15 à 18).

Le chef Norman Joseph a dit qu'il existait des différences de mode de vie, de langue et d'alimentation entre une personne de souche squamish et une personne de souche gitksan (op. cit., page 484, lignes 4 à 16).

Il a dit que, selon la coutume ancestrale, la femme ne prenait jamais la parole. Il a dit ceci :

[TRADUCTION]

Il semble bizarre de voir une non-autochtone se lever et prendre la parole, et beaucoup le font, hein, quand elles épousent un membre de notre bande (op. cit., page 481, lignes 10 à 14).

Quand j'ai demandé au chef Norman Joseph s'il lui était indifférent que Mme Rivers soit gitksan, il a dit que oui, parce que son frère et lui avaient épousé des femmes d'autres tribus. Quoique des personnes de souche squamish épousent des membres d'autres tribus, le chef préférait encore que des personnes de souche squamish obtiennent les emplois et les logements dans la réserve, parce que beaucoup d'entre elles avaient bien du mal à joindre les deux bouts (op. cit., de la page 481, ligne 19, à la page 483, ligne 10).

J'estime que le témoignage du chef Norman Joseph révélait une intention de faire des actes discriminatoires qui s'expliquait par sa vision bienveillante du mode de vie idéal dans la bande de Squamish. Toutefois, je suis d'avis que le chef Norman Joseph n'a en rien influé sur l'emploi de Mme Rivers dans la bande car il n'a joué aucun rôle dans les cinq concours qui font l'objet de la plainte. J'estime en outre que le chef n'était investi d'aucune autorité particulière, qu'il exerçait peu d'influence au sein de la bande et que son point de vue a été désavoué par ceux qui ont comparu devant le Tribunal. Ses observations ont manifestement blessé Mme Rivers profondément et témoignaient d'un manque de sensibilité, vu les circonstances, mais il m'a paru représenter un anachronisme assez inoffensif au sein de la bande.

c) GLEN NEWMAN

Glen Newman est un membre de souche squamish, qui a été conseiller de la bande de 1967 à 1982 et administrateur de la bande de 1982 à 1986. Il a occupé le poste de directeur du développement social de 1969

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à 1977. En 1977, il a travaillé au ministère des Ressources humaines à titre de consultant autochtone en services d'aide à l'enfance (Transcription, volume 7, de la page 733, ligne 16, à la page 735, ligne 25). Il a terminé sa douzième année et obtenu son diplôme de travailleur social en 1966, après avoir suivi des cours durant deux ans au Vancouver City College.

Glen Newman a connu Mme Rivers quand elle a épousé un membre de la bande. Il a fourni une aide financière à celle-ci et à son mari et, en qualité de travailleur social, il a aidé aussi Mme Rivers à s'adapter à la vie dans la collectivité squamish. Glen Newman a dit qu'elle avait eu de la peine à s'adapter à la culture squamish (op. cit., de la page 736, ligne 1, à la page 738, ligne 6). Il a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je me souviens, je lui ai parlé à titre privé, parce que cela concernait une personne qui ne l'aimait pas, et elle m'a fait part de ses sentiments, de son émotion, à ce sujet, parce que cette personne-là ne l'aimait pas (op. cit., page 741, lignes 18 à 22).

Glen Newman a reconnu que, la plupart du temps, Mme Rivers accomplissait du bon travail lorsqu'elle donnait des leçons particulières aux enfants (op. cit., page 742, lignes 18 à 25). Il a été impressionné par le rapport ou le projet éducatif qu'elle avait rédigé quand elle était coordinatrice de l'enseignement à domicile, avant que Deborah Jacobs ne la remplace à ce poste comme coordinatrice de l'éducation en 1986.

Glen Newman a dit ceci :

[TRADUCTION]

J'ai lu le projet éducatif complet qu'elle a préparé pour le conseil de bande. C'était bien fait et je crois que le conseil l'a reçu et accepté (op. cit., page 744, lignes 4 à 6).

Il a ajouté :

Eh bien, son rapport était clair. Il était concis. Il était très intelligible. Elle connaissait son sujet. Naturellement, sa présentation était bien préparée et j'ai tout bien saisi moi-même. Elle a été -- je crois -- elle a été -- nous lui avons dit que c'était du bon travail. Je pense qu'on lui a prêté attention à cette réunion, pendant que je m'y trouvais. Et le conseil a accepté le rapport (op. cit., de la page 749, ligne 21, à la page 750, ligne 1).

Pour ce qui est du poste de coordinateur de l'éducation, Glen Newman s'est dit d'avis que Mme Rivers était aussi qualifiée que les autres candidats (op. cit., page 750, lignes 22 à 25).

Il a reconnu que les compétences de Mme Rivers au titre du brevet d'enseignement aux autochtones étaient importantes et avantageuses, surtout pour les enfants autochtones. Il était également d'avis qu'un directeur de l'éducation devait avoir une expérience de travail à titre d'enseignant, de

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façon à ce qu'il soit à même de cerner et de régler les problèmes d'apprentissage des enfants autochtones. Glen Newman pensait que Richard Band serait le candidat reçu pour le poste de coordinateur de l'éducation (op. cit., de la page 751, ligne 19, à la page 753, ligne 13).

Glen Newman a précisé que, lorsque la bande attribuait un poste de cadre, il était important que la personne engagée corresponde aux intérêts des dix réserves. Cette personne devait avoir les qualités personnelles, avoir une bonne attitude et être bien adaptée à la culture (op. cit., de la page 748, ligne 21, à la page 749, ligne 3).

Il a témoigné qu'en 1967, au moment de son élection au conseil de bande, les Squamish acceptaient difficilement que des femmes puissent, en épousant des membres de la bande, avoir le droit à des maisons, à l'instruction et à des avantages matériels et pécuniaires que perdaient les femmes qui épousaient des non-membres (op. cit., page 755, lignes 4 à 21).

Glen Newman a expliqué que la bande répugnait parfois à engager des non-Indiens parce qu'en agissant ainsi, elle versait à ces derniers l'argent que la bande tirait de ses entreprises et de ses baux. Mais pour lui, l'embauchage d'autres autochtones ne posait pas de problèmes. Il a cité en exemple Gloria Wilson, membre par alliance qui s'est bien intégrée et qui est bien acceptée par la collectivité squamish (op. cit., page 762, lignes 8 à 11 et 20 à 24; page 763, lignes 10 à 16).

Il a expliqué aussi que, parfois, une ou deux femmes, membres par alliance, élevaient le ton et se heurtaient au mutisme réprobateur, concerté, de la collectivité squamish, parce qu'elles ne s'étaient pas adaptées à la collectivité squamish et qu'elles étaient perçues comme trop individualistes dans une collectivité où prédomine l'esprit communautaire (op. cit., page 767, lignes 3 à 8).

Glen Newman a reconnu que les Squamish avaient aujourd'hui l'esprit plus ouvert en ce qui concerne l'élection du conseil de bande et qu'ils engageaient des membres par alliance et des non-autochtones, mais la majorité des employés sont encore des membres par filiation. Il a dit ceci :

[TRADUCTION]

Le peuple squamish préfère engager des Squamish. Vous savez, c'est juste naturel -- c'est une norme nationaliste et culturelle de notre peuple (op. cit., de la page 769, ligne 17, à la page 770, ligne 18).

Il a dit que, lorsqu'il a été l'administrateur de la bande de 1982 à 1986, il ne préconisait pas l'embauchage de personnes de souche squamish de préférence aux autres membres de la bande. Il a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Quand j'étais l'administrateur de la bande, j'avais l'esprit ouvert. Dans la mesure où ils étaient des membres de la bande de Squamish au sens de -- au sens de la Loi sur les Indiens, vous savez, cela ne faisait pas problème. Pour moi, la

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préférence était donnée aux membres de la bande de Squamish. Et mon bilan indique que j'ai embauché des gens d'un peu tous les types, membres par alliance, comme vous les avez appelés, membres par filiation, non-Indiens. Tout dépendait des titres et qualités, et des circonstances (op. cit., de la page 775, ligne 25, à la page 776, ligne 6).

Mais Mme Ross a fait ressortir, en l'interrogeant, que dans sa déclaration du 3 mars 1988 à l'enquêteur de la Commission des droits de la personne Peter Threlfall, Glen Newman avait dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Quand j'étais l'administrateur de la bande, mon critère de sélection était celui-ci : donner la préférence d'abord aux personnes de souche squamish, puis aux autres membres de la bande (op. cit., page 787, lignes 7 à 11).

Glen Newman a expliqué que, lorsqu'il avait fait cette déclaration le 3 mars 1988, il était personnellement soumis à un stress considérable, ayant occupé pendant quatre ans le poste d'administrateur de la bande qui lui imposait une charge de travail imposante, et remplissant à la fois les fonctions de leader politique et d'administrateur. Toutefois, il a dit qu'il avait à son compte l'embauchage de membres de la bande de Squamish tels que définis par la Loi sur les Indiens et connus pour tels culturellement, c'est-à-dire de personnes qui étaient devenues membres, qui avaient épousé des membres de la bande ou qui avaient été adoptées par la bande, ainsi que de personnes qui n'étaient pas membres de la bande (op. cit., page 791, lignes 3 à 21). Glen Newman a dit qu'il avait changé d'avis par la suite par rapport à ce qu'il avait déclaré à l'enquêteur de la Commission des droits de la personne le 3 mars 1988 (op. cit., de la page 804, ligne 21, à la page 805, ligne 6). Toutefois, il n'a communiqué avec aucun représentant de la Commission canadienne des droits de la personne pour l'informer de ce changement, même si on lui avait peut-être remis une copie de sa déclaration (op. cit., page 805, lignes 13 et 14). Dans son témoignage devant le Tribunal, il a dit qu'il reniait maintenant sa déclaration, que ce n'était pas son critère d'embauchage, que la bande n'avait pas de telle ligne de conduite, qu'il traitait également tous les membres de la bande et qu'il avait dit cela par étourderie, sans réfléchir (op. cit., de la page 806, ligne 17, à la page 807, ligne 11).

Contre-interrogé par Mme Ross au sujet d'une demande d'emploi en cours qu'il avait présentée à la bande indienne de Squamish relativement au poste d'ombudsman en voie de création, Glen Newman, étant actuellement en chômage, a nié avoir modifié sa position quant aux critères d'embauchage au moment où il était l'administrateur de la bande, afin d'éviter un problème ou d'obtenir un avantage quant à cette dernière demande d'emploi (op. cit., de la page 805, ligne 15, à la page 807, ligne 25). Il a dit ceci :

[TRADUCTION]

Je fais ce témoignage de mon plein gré et il n'a rien à voir avec l'emploi que pourrait m'attribuer le conseil de bande ou quiconque. Ou avec quoi que ce soit que vous voulez dire, c'est faux (op. cit., page 806, lignes 14 à 16).

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Glen Newman n'a pas pris part de quelque façon que ce soit au processus d'embauchage pour l'un ou l'autre des cinq postes qui font l'objet de la plainte en l'espèce car il n'était pas l'administrateur de la bande en 1986 et 1987, au moment des concours. Il a témoigné qu'il avait engagé Mme Rivers en 1982 et en 1988, sur la foi de ses titres et qualités (op. cit., page 811, lignes 9 à 23).

Il connaît très bien Mme Rivers tant dans le privé que sur le plan professionnel. Elle s'est confiée à lui quand elle a eu des ennuis avec le conseil. Il a fait le portrait qui suit de Mme Rivers :

[TRADUCTION]

Leonie, comme je l'ai déjà dit, est une personne très dynamique, qui a son franc-parler, qui a des convictions. Elle était une femme très intelligente. Et je suppose que, sur le plan de l'adaptation à la culture ou de l'esprit communautaire, parfois, j'ai entendu dire quelquefois que Leonie n'écoutait pas vraiment les gens, ou qu'elle ne comprenait pas bien nos coutumes, et qu'elle aurait peut-être dû écouter plus qu'elle ne parlait. J'ai entendu dire quelquefois qu'elle aurait peut-être dû écouter d'abord et, vous savez, parler plus tard (op. cit., page 816, lignes 3 à 11).

La déclaration que Glen Newman a faite par écrit à l'enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne a révélé une ligne de conduite probablement discriminatoire, visée par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Toutefois, Glen Newman a prétendu que ce qu'il avait dit alors à l'enquêteur ne correspondait pas réellement à la manière dont il faisait l'embauchage quand il était l'administrateur de la bande et qu'il s'était mal exprimé lorsqu'il avait fait ses remarques ou sa déclaration à l'enquêteur. Je suis d'avis qu'en faisant cette déclaration à l'enquêteur, il l'a fait sans réserves et sans employer de paroles équivoques. Je suis d'avis aussi, cependant, que la ligne de conduite en matière d'emploi qu'il a suivie quand il était l'administrateur de la bande n'a eu aucun effet sur les cinq concours auxquels la plaignante s'est inscrite, principalement parce qu'il n'était plus l'administrateur de la bande à la date de ces concours et qu'il ne semble pas avoir joué de rôle dans l'embauchage pour ces cinq emplois.

Il ressort de leur témoignage que Glen Newman et Mme Rivers sont des amis et qu'ils respectent mutuellement leurs compétences depuis nombre d'années. Lorsqu'il a témoigné, M. Newman n'a pas trouvé à redire sur la ligne de conduite que Bill Williams (son successeur au poste d'administrateur de la bande) a suivie en matière d'embauchage. Il n'a pas désapprouvé non plus la manière dont Mme Rivers a été traitée lors des cinq concours et n'a pas été étonné de leur résultat. D'après le tableau qu'il en a brossé, la collectivité squamish a une attitude raisonnablement civilisée à l'égard de ses membres par alliance, tels que Mme Rivers. Il est en outre raisonnable de présumer que son amitié et son respect pour Mme Rivers l'auraient poussé à formuler auprès de la bande ou devant le présent tribunal toute objection qu'il aurait eue à toute ligne de conduite injuste ou discriminatoire à l'endroit de celle-ci.

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d) GILBERT JACOB

Gilbert Jacob est né squamish et a été élu, puis réélu, au conseil de la bande indienne de Squamish, sans interruption depuis décembre 1981. Il est le fils du défunt chef héréditaire Alfred Isaac Jacob (Transcription, volume 9, de la page 1037, ligne 21, à la page 1038, ligne 17).

Il a d'abord travaillé pour la bande indienne de Squamish comme aide-charpentier pendant trois mois en 1973, puis a occupé un emploi syndiqué dans la construction à l'extérieur de la bande (op. cit., page 1041, lignes 7 à 14). Il est revenu travailler pour la bande en mai 1980 à titre de surveillant de l'entretien au service de l'habitation et des travaux publics de la bande indienne de Squamish. Par suite d'une promotion que lui a octroyée le conseil de la bande indienne de Squamish il y a environ un an, il remplit maintenant la fonction d'administrateur du service de l'habitation et des travaux publics de la bande (op. cit., de la page 1038, ligne 20, à la page 1040, ligne 22). Bien qu'il ait fait partie du conseil de bande au moment de sa promotion, il n'a pas voté sur sa propre promotion, parce qu'il a jugé que cela n'était pas régulier (op. cit., de la page 1040, ligne 23, à la page 1041, ligne 6).

Gilbert Jacob est parent avec les cinq candidats reçus aux divers concours qui font l'objet de la plainte de Mme Rivers. Deborah Jacobs, Kim Seward et Janice George sont ses nièces, Lois Guss est sa soeur aînée, Richard Band est le fils adoptif de son cousin germain Teddy Band, Carole Newman est sa cousine germaine et Krisandra Jacobs est l'épouse de son neveu (op. cit., de la page 1048, ligne 2, à la page 1050, ligne 19).

Sa soeur la plus âgée, Lois Guss, a hérité le titre de chef de son père. Mme Ross a posé à M. Jacob la question suivante :

[TRADUCTION]

Quelle importance présente le fait d'hériter le titre de chef héréditaire, qu'est-ce que cela signifie?

Il a répondu ceci :

[TRADUCTION]

Cela n'a pas vraiment d'importance. Essentiellement, nos chefs ont le titre de chef, mais essentiellement, ils jouissent des mêmes droits que nous tous. Certains le voient autrement, c'est essentiellement ma façon de le voir. Ce sont des membres de la bande tout comme moi [...] (op. cit., de la page 1043, ligne 17, à la page 1044, ligne 1).

Gilbert Jacob a convenu que la bande n'avait adopté aucune ligne de conduite officielle régissant la participation au processus d'embauchage quand un proche parent postule un emploi. Il a donné l'explication suivante :

[TRADUCTION]

Non, il n'y en a pas, à ma connaissance. Essentiellement, si quelqu'un sait qu'un membre de sa famille va demander l'emploi, alors il ne se mêle tout simplement pas de

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faire partie du jury de sélection. C'est essentiellement une règle non écrite (op. cit., page 1051, lignes 7 à 16).

Gilbert Jacob a exprimé son point de vue personnel sur cette question :

[TRADUCTION]

C'est un principe que mes parents m'ont inculqué. J'ai essayé scrupuleusement de n'être membre d'aucun jury de sélection. Nous sommes presque tous parents dans la réserve, alors c'est assez difficile de, vous savez, faire partie d'un jury et que personne ne dise que vous engagez seulement vos parents, parce que nous avons tous un lien de parenté quelconque.

Mme Ross : Feriez-vous une distinction vous-même entre vos parents selon le degré de parenté, pour ce qui est de l'apparence d'irrégularité, au cas où vous seriez membre d'un jury de sélection et qu'ils seraient candidats?

M. Jacob : Non, ce sont tous mes parents. Je ne fais pas de distinction, j'essaie simplement de m'abstenir d'être membre autant que possible (op. cit., de la page 1051, ligne 21, à la page 1052, ligne 8).

Quant à la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987, Mme Ross a posé la question suivante :

[TRADUCTION]

Étiez-vous pour ou contre la remise à Mme Rivers d'un procès-verbal, d'une transcription mot pour mot des débats?

Gilbert Jacob a répondu ceci :

[TRADUCTION]

Je n'étais pas vraiment pour ni contre. Je suppose que la ligne de conduite habituelle voulait qu'aucun compte rendu ne sorte du bureau et que si l'on voulait les consulter, on pouvait le faire sur place et prendre les motions ou les observations particulières qu'on désirait.

Mais en ce qui concerne les procès-verbaux, nous avons parfois de très -- nous devons garder les choses secrètes, à cause de certaines négociations en cours. Nous ne pouvons pas laisser certaines choses sortir du bureau.

Il a ajouté ceci :

Alors essentiellement, notre ligne de conduite c'est que les motions restent -- ou les procès-verbaux restent dans notre bureau (op. cit., de la page 1058, ligne 17, à la page 1059, ligne 11).

A la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987, Gilbert Jacob a décidé de s'abstenir lors du vote sur la confirmation du choix de Lois Guss par le jury de sélection pour le poste de concepteur de

-55-

programmes d'études, puisqu'un membre de sa famille était intéressé (op. cit., page 1060, lignes 1 à 5).

D'après l'enregistrement sur bande magnétique de la réunion du conseil tenue le 4 février 1987, Gilbert Jacob a appuyé la motion présentée par Anthony Moody en vue d'approuver les décisions prises par le jury de sélection relativement aux concours qui font l'objet de la plainte de Mme Rivers (Transcription, volume 10, page 1292, lignes 10 à 18). Leslie Harry a confirmé dans son témoignage que Gilbert Jacob avait appuyé la motion (Transcription, volume 12, page 1505, lignes 4 à 11).

Dans son témoignage, Gilbert Jacob a dit qu'il avait appuyé la décision du jury de sélection d'engager sa soeur Lois Guss (Transcription, volume 9, page 1068, lignes 9 à 15).

Il a également reconnu qu'il avait dit être fier de la qualification de sa soeur par rapport au poste de concepteur de programmes d'études (Transcription, volume 9, de la page 1067, ligne 9, à la page 1068, ligne 8).

Il a dit que, selon lui, il s'était abstenu de voter sur la motion tendant à l'approbation du choix de sa soeur pour le poste de concepteur de programmes d'études et il a nié qu'il y ait eu une incompatibilité entre son abstention et son appui à la décision du jury de sélection concernant ce concours (op. cit., de la page 1068, ligne 20, à la page 1069, ligne 9).

Interrogé par M. Rich, Gilbert Jacob a témoigné qu'il participait régulièrement aux affaires de la bande indienne de Squamish et qu'il assistait régulièrement aux réunions. Il a dit que les conseillers avaient des divergences d'opinions sur des questions (op. cit., page 1069, lignes 13 à 25).

Quant à l'opinion du chef Norman Joseph au sujet de l'embauchage de personnes en fonction de leur ascendance squamish, Gilbert Jacob a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Pas particulièrement. Vous savez, la personne la mieux qualifiée pour le poste, c'est ce que je crois (op. cit., page 1070, lignes 5 à 9).

Gilbert Jacob a témoigné que 80 % des employés inscrits sur la liste des employés à plein temps de la bande indienne de Squamish dressée le 4 novembre 1992 et révisée le 9 décembre 1992 (pièce HR-2, onglet 64) sont ses cousins au quatrième ou cinquième degré (Transcription, volume 9, de la page 1075, ligne 12, à la page 1077, ligne 12). Il a expliqué qu'on avait toujours eu un fort sens de l'éthique du travail dans sa famille. La majorité des enfants de la famille Jacobs ont un emploi ou sont inscrits à l'université (op. cit., page 1078, lignes 5 à 19).

Interrogé par M. Rich au sujet de Mme Rivers :

-56-

[TRADUCTION] Quel était votre sentiment à l'égard de Mme Rivers, puisque vous la connaissiez alors?

Gilbert Jacob a répondu ceci :

[TRADUCTION]

Je ne dirais pas que je ne l'aimais pas, c'était juste, vous savez, quelqu'un avec qui je ne désirais pas entretenir de relations, essentiellement (op. cit., page 1079, lignes 7 à 13).

Gilbert Jacob a convenu que nombre de personnes n'aimaient pas Mme Rivers ou qu'elle ne leur faisait pas bonne impression.

Il a expliqué de plus que ce n'était pas parce qu'elle était membre par alliance, mais qu'elle n'était pas bien intégrée à la collectivité (op. cit., de la page 1079, ligne 19, à la page 1080, ligne 6).

Gilbert Jacob a reconnu que la situation était difficile au sein de la bande pour certaines femmes qui étaient membres par alliance, mais que c'était à cause de la sympathie ou de l'antipathie que les gens ont normalement entre eux. Il a témoigné que sa femme était membre par alliance et qu'il est l'ami de nombreuses femmes qui sont membres par alliance, telles que Dorothy Joseph, Judy Baker, Alice Baker et Heather Newman (op. cit., de la page 1080, ligne 7, à la page 1081, ligne 5).

Il a dit qu'on entendait toujours des gens se plaindre de ne pas obtenir d'emploi, parce qu'il y a peu d'emplois pour la population de 2 500 et qu'il est humain de se plaindre.

Gilbert Jacob a dit qu'il n'avait joué aucun rôle dans le processus d'embauchage pour les cinq postes qui font l'objet de la plainte. Toutefois, en ce qui a trait aux propos de Gloria Wilson, qui s'est rappelé que, lors d'une réunion du conseil de bande, Gilbert Jacob avait proposé Deborah Jacobs pour le poste de coordinateur de l'éducation, celui-ci a fait une observation équivoque :

[TRADUCTION]

Tout est possible, je suppose; cela fait plus de cinq ou six ans, ou quelque chose comme ça. Je ne sais même pas combien de temps elle avait travaillé pour la bande. Je suppose que j'ai pu dire cela, mais je ne m'en souviens pas, mais au bout d'autant de temps, je ne connais personne qui se rappelle tout ce qu'il a dit, alors --- (op. cit., page 1083, lignes 5 à 15).

Sa seule participation au processus d'embauchage pour ces postes a consisté dans ses remarques à la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987 et il n'a pas discuté de l'embauchage de qui que ce soit pour ces postes avec quelque membre que ce soit des jurys de sélection (op. cit., de la page 1082, ligne 12, à la page 1083, ligne 4). Il a émis l'avis que les candidats reçus pour ces cinq postes ont été embauchés sur la foi de leurs titres et qualités (op. cit., page 1083, lignes 12 à 20).

-57-

Gilbert Jacob a expliqué qu'il avait recommandé, lors de la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987, que Steve Rettie dirige le comité chargé de réviser la politique de la bande de Squamish, parce que Steve Rettie n'est pas membre de la bande et qu'il jouit de la confiance du personnel. Steve Rettie est un travailleur du service de développement social qui a été élu délégué syndical par les employés (op. cit., de la page 1085, ligne 23, à la page 1086, ligne 8).

Vu la preuve, je suis d'avis que Gilbert Jacob n'a pas participé directement aux concours qui font l'objet de la plainte, excepté quant à la remarque qu'il aurait faite lors d'une réunion du conseil de bande au sujet de l'opportunité de désigner sa nièce Deborah Jacobs au poste de coordinateur de l'éducation, si ce poste devait éventuellement être créé. Je suis d'avis que, même si M. Jacob a fait une telle remarque, celle-ci n'est pas une preuve de distinction illicite à l'endroit de Mme Rivers, parce qu'il semble que les seules personnes qui aient été au courant de cette remarque, d'après la preuve, étaient Gloria Wilson et, peut-être, Mme Rivers. Il ressort de la preuve qu'aucun des membres du jury ou des membres du conseil ne se souvient de cette remarque ou de toute autre remarque faite par Gilbert Jacob, ou n'a été influencé par elle. Si la remarque a été faite, il semble qu'elle l'a été longtemps avant que l'offre de l'emploi de coordinateur de l'éducation n'ait été affichée. Pour terminer, faire part de sa préférence pour sa nièce qui semblait qualifiée pour le poste ne constitue pas une preuve indirecte suffisante pour établir le motif de distinction illicite allégué par la plaignante, savoir le népotisme.

La participation de Gilbert Jacob à la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987 a semblé raisonnable, si l'on tient compte, d'une part, de sa nature telle qu'elle ressort de la transcription et de la bande magnétique, et d'autre part, de la fonction de conseiller élu de la bande qu'exerçait Gilbert Jacob. Il a demandé le réexamen de la politique en matière d'embauchage et a étudié les questions soulevées lors du débat sans manifester d'animosité personnelle envers Mme Rivers. Certes, il n'est pas certain qu'il ait voté pour appuyer les décisions du jury de sélection, mais l'appui qu'il a donné, peu importe sa forme, ne constitue pas, à mon sens, une preuve indirecte suffisante pour établir le motif de distinction illicite allégué par la plaignante, savoir le népotisme.

e) DEBORAH JACOBS

Les raisons pour lesquelles Deborah Jacobs n'a pas embauché la plaignante comme conceptrice de programmes d'études, comme conseillère en orientation scolaire et professionnelle ou comme coordinatrice de l'action en faveur des jeunes peuvent être rangées dans trois catégories :

(1) Vancouver Indian Centre

Deborah Jacobs a témoigné qu'elle avait été informée des activités de Leonie Rivers au Indian Centre par une personne qui faisait partie du conseil tant du Indian Centre que de la Professional Native Women's Association, pour lesquels Mme Rivers a travaillé. Elle a en outre

-58-

témoigné que son association, Professional Native Women's Association, ne faisait pas affaire avec le Indian Centre au moment où Mme Rivers y exerçait ses fonctions, en raison des problèmes bien connus qu'éprouvait celui-ci. Deborah Jacobs a dit qu'elle avait été informée que Mme Rivers était responsable des problèmes du Indian Centre. Cette impression a été confirmée par Wayne Clark, Indien inscrit, directeur administratif du Vancouver Indian Centre au début des années 1980.

M. Clark a expliqué qu'à cette époque, le Indian Centre traversait alors une certaine crise financière, devant rembourser l'emprunt contracté pour la construction du nouveau siège social. Les dirigeants et le conseil d'administration savaient qu'il manquait 1,2 million de dollars (Transcription, volume 14, page 1960, lignes 14 à 19; page 1962, lignes 17 à 19).

Mme Rivers faisait partie du groupe qui souhaitait prendre en charge la direction du Indian Centre et des élections ont dû être déclenchées quand la pétition prévue par l'art. 50 de la Societies Act a été accordée.

M. Clark a dépeint la situation au Indian Centre à ce moment-là comme très explosive. Il s'est exprimé en ces termes :

[TRADUCTION]

C'était très explosif. L'ancien conseil d'administration était manifestement contrarié parce qu'il estimait y avoir consacré de nombreuses années de travail ardu et à cause de ces nouveaux venus au Centre, dont la majorité n'avait jamais rien apporté au Centre, ni en fait, à la collectivité autochtone de Vancouver. Ce conseil d'administration avait beaucoup de rancoeur contre le nouveau groupe (op. cit., de la page 1961, ligne 24, à la page 1962, ligne 6).

M. Clark s'est plaint de certaines actions accomplies par Mme Rivers après qu'elle fut devenue présidente du Vancouver Indian Centre, dont les suivantes :

  1. Mme Rivers aurait ouvert un compte en banque distinct à une succursale de la B.C.I.C. et y aurait déposé les fonds du Centre sans y être autorisée par la SCHL ou par une résolution du conseil, et cela pendant que le Centre faisait encore affaire avec la Banque Royale (op. cit., page 1965, lignes 1 à 24).
  2. Mme Rivers aurait commandé deux billets de première classe sur un vol à destination d'Ottawa, où se tenait la Conférence des premiers ministres, qui ont été payés sur le compte à la B.C.I.C. Quand j'ai posé d'autres questions à M. Clark sur ce point, il a expliqué que le Indian Centre ne pouvait être reconnu qu'à titre d'observateur à cette conférence et qu'il ne pensait même pas que le Centre ait reçu une invitation (op. cit., page 1966, lignes 2 à 13; page 1984, lignes 1 à 11). Il a ajouté qu'y participer, du point de vue du Centre, [TRADUCTION] c'était comme si un magasinier participait à une réunion du conseil de Bloomingdale's (op. cit., page 1984, lignes 3 à 6).
  3. -59-

  4. c) Mme Rivers aurait embauché sa propre soeur pour remplacer la secrétaire de M. Clark. Wayne Howard Clark a dit que Mme Rivers avait versé à sa soeur soit un salaire de 11 000 $ pour huit semaines, ou un salaire de 8 000 $ pour onze semaines, c'est-à-dire une rémunération bien supérieure à celle de l'ancienne secrétaire (op. cit., de la page 1966, ligne 20, à la page 1967, ligne 3).
  5. Mme Rivers aurait embauché son mari pour peindre le Indian Centre, qui renferme des oeuvres d'art valant des centaines de milliers de dollars, et celui-ci aurait tenté de peindre le Centre au pistolet de cinq chevaux. Selon M. Clark, Mme Rivers n'a pas choisi le bon type de peinture, mais c'est lui qu'elle a blâmé à ce sujet (op. cit., de la page 1968, ligne 1, à la page 1969, ligne 7).
  6. Mme Rivers n'aurait eu aucune sympathie pour les pauvres à la banque alimentaire. M. Clark a expliqué qu'elle avait donné au coordinateur de l'immeuble l'ordre de ne pas laisser entrer les femmes et les enfants, même s'il pleuvait, jusqu'à ce que la nourriture soit prête à distribuer, et de les empêcher d'utiliser les toilettes du Centre, qu'elle a fait fermer à clef, alors que les seules autres toilettes auxquelles on pouvait aller à pied se trouvaient dans une station-service à environ 150 pieds, de l'autre côté d'une rue passante (op. cit., de la page 1970, ligne 25, à la page 1971, ligne 12).
  7. Mme Rivers aurait donné à sa soeur l'ordre de faire le ménage dans les dossiers antérieurs à 1982 à la Housing Society. Parmi ces dossiers, figuraient les prêts hypothécaires consentis par les banques avant 1982, les accords conclus en application du par. 56(1) et antérieurs à 1982, et les garanties de prêts fournies par le ministre (op. cit., page 1972, lignes 16 à 22).
  8. M. Clark a prétendu que Mme Rivers avait joué un rôle dans des allégations et des rumeurs touchant des actes de corruption. Il était indigné du fait qu'elle ait congédié un comptable philippin qui avait travaillé pour le Centre pendant 14 ans et qui, d'après lui, était très honnête (op. cit., page 1981, lignes 4 à 25).
  9. M. Clark a dit que Doug Purdy était un directeur adjoint de la planification des services sociaux de Vancouver qui avait rarement affaire directement au Indian Centre. Toutefois, il a reconnu qu'il était possible que Mme Rivers et ce dernier se soient rencontrés, mais leurs réunions auraient eu lieu à l'extérieur du Indian Centre (op. cit., de la page 1973, ligne 24, à la page 1974, ligne 5; page 1975, lignes 2 à 25). Wayne Howard Clark a critiqué les propos qu'aurait tenus Doug Purdy :

[TRADUCTION]

Les deux sociétés ont eu d'autres administrateurs -- et certains indices nous permettaient de conclure à la mauvaise administration, à la corruption, au népotisme, à tel point que, de notre plein gré, nous avons exhorté le conseil et, à ce moment-là, le Secrétariat d'État à retenir les fonds en attendant le règlement de ces questions (op. cit., page 1977, lignes 3 à 13).

-60-

En réponse à ma question là-dessus, M. Clark a dit qu'il avait été [TRADUCTION] déconcerté par les accusations de corruption portées par Doug Purdy, parce que personne n'a été l'objet d'inculpation au Centre (op. cit., page 1980, lignes 10 à 19). Toutefois, il a aussi expliqué que, bien que certains fonds aient été détournés (ils n'ont pas été affectés à des fins déterminées), ce ne sont pas les employés qui les ont détournés, mais le conseil d'administration (op. cit., de la page 1980, ligne 24, à la page 1981, ligne 3). Il a expliqué en outre qu'aucun membre de sa famille ne touchait de rémunération versée par le Indian Centre, certains membres de sa famille y faisant seulement du bénévolat (op. cit., page 1980, lignes 6 à 9).

M. Clark a affirmé que, tant qu'ont duré les affrontements entre les deux clans au Indian Centre, il avait consacré 95 p. 100 de son temps à faire le médiateur (op. cit., de la page 1978, ligne 22, à la page 1979, ligne 5).

Il a dit ceci : [TRADUCTION] Pour être bien franc avec vous, ça m'était parfaitement égal qui faisait partie du conseil d'administration, pourvu qu'ils fassent leur travail et qu'ils nous laissent faire le nôtre (op. cit., page 1979, lignes 12 à 14).

Au sujet des accusations de M. Clark, Mme Rivers a expliqué, quand elle a été rappelée à la barre, que le trésorier et le comptable étaient chargés de l'ouverture de nouveaux comptes en banque et de l'utilisation des fonds sous la direction du conseil, et qu'elle n'y participait pas directement (Transcription, volume 17, de la page 2366, ligne 23, à la page 2367, ligne 16).

Elle a assisté à la Conférence des premiers ministres à titre d'observateur à des fins de relations publiques, à cause de tous les commentaires défavorables dans la presse suscités par les deux factions au Centre. Lors de cette conférence, elle a tenté d'informer les gens sur le comment et le pourquoi des mesures prises par le nouveau conseil d'administration. Le conseil lui a demandé d'y assister et, autant qu'elle puisse se souvenir, elle a voyagé en classe économique (op. cit., de la page 2444, ligne 5, à la page 2445, ligne 9).

Mme Rivers a expliqué que, si des fonds manquaient au service de l'habitation, la responsabilité devait en être imputée directement à M. Clark :

[TRADUCTION]

Ce n'était pas seulement dans mon esprit. Le conseil entier a été mis au courant après qu'une enquête a révélé ce qui s'était passé. Étant donné les résultats, des changements s'imposaient. Les gens qui nous financent nous ont bien fait comprendre que, si nous ne prenions pas ces mesures, ils allaient mettre fin à leur soutien financier (op. cit., page 2441, lignes 10 à 18).

Mme Rivers a expliqué de plus qu'environ 200 000 $ manquaient, parce que des gens avaient été priés de payer leur loyer comptant et non par chèque.

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Elle a dû en réalité [TRADUCTION] obliger sa soeur à accepter cet emploi consistant à chercher les fonds manquants. Sa soeur était neutre, elle avait de l'expérience dans le domaine financier et Mme Rivers s'est rappelé que sa soeur n'a pas touché plus de 3 000 $ par mois (op. cit., de la page 2441, ligne 20, à la page 2443, ligne 8).

Mme Rivers a demandé à son mari de peindre au pistolet les locaux du Indian Centre, parce que le personnel du Centre n'était pas suffisant pour remettre le Centre [TRADUCTION] en état convenable pour que la dette à long terme puisse être remboursée. On faisait pression sur le conseil afin qu'il achève les travaux avant la visite du Secrétaire d'État et la bande était consciente de la participation de M. Rivers (op. cit., de la page 2363, ligne 11, à la page 2364, ligne 2). Mme Rivers ne s'est pas souvenue que M. Clark l'ait mise en présence du fait qu'elle a fait peindre l'immeuble, mais c'était possible (op. cit., page 2436, lignes 4 à 10).

Mme Rivers a expliqué qu'en raison de son déficit énorme, le Indian Centre avait essayé de réduire les coûts des matériaux et de l'entretien, de sorte qu'il avait fallu modifier les heures d'ouverture de la banque alimentaire et réduire l'accès aux toilettes du Centre.

Elle a précisé qu'elle n'avait jamais chargé qui que ce soit de détruire les dossiers et qu'elle s'était inquiétée de ce que certains aient été volés. Elle avait dû faire changer les serrures pour des raisons de sécurité (op. cit., page 2450, lignes 1 à 8).

Mme Rivers a témoigné qu'après l'évaluation du service de l'habitation, qui avait été une vaste opération, on avait estimé que des sommes avaient été détournées et que la perception des loyers était problématique. Wayne Howard Clark était responsable de ces logements et il a été incité à démissionner par le conseil. Il a été très irrité et a écrit une lettre faisant part de sa déception et de son découragement vis-à-vis des dirigeants à ce moment-là, et il a qualifié Mme Rivers de cerbère tricéphale (op. cit., de la page 2434, ligne 3, à la page 2435, ligne 13).

Certes, il est difficile, et il n'est pas nécessaire pour les besoins de la présente décision, de décider lequel de ces deux témoignages il convient d'accepter en ce qui a trait au Vancouver Indian Centre, mais je suis d'avis que Mme Jacobs était fondée à conclure que le rôle joué par Mme Rivers au Centre révélait des aspects négatifs de sa personnalité et de ses compétences.

(2) Conduite personnelle -- Immoralité

Deborah Jacobs a témoigné qu'à son avis, la conduite personnelle de Leonie Rivers, sur le plan sexuel, était inadmissible de la part d'une employée qui devait donner l'exemple dans la collectivité. Mme Jacobs se faisait l'écho de questions qui la préoccupaient et qui étaient notoires dans la collectivité squamish. Les témoignages de Pauline Spence (Transcription, volume 15, page 2086, lignes 6 à 24), de Byron Joseph (op. cit., page 2070, lignes 6 à 18) et de Bill Williams (Transcription, volume

-62-

14, de la page 1857, ligne 22, à la page 1859, ligne 16) tendaient à corroborer les vues de Mme Jacobs au sujet de la conduite personnelle de Mme Rivers.

(3) Personnalité/attitude

Plusieurs témoins ont fait observer que la personnalité et l'attitude de Leonie Rivers n'étaient pas bien vues dans la collectivité squamish. Elle a fait état des titres et qualités qu'elle recherchait chez les employés :

[TRADUCTION]

Les qualités que nous recherchions étaient avant tout des qualités personnelles. Étant donné qu'il s'agissait du domaine de l'éducation, premièrement, et qu'il fallait travailler auprès d'un grand nombre de membres répartis dans diverses collectivités, nous recherchions des gens qui étaient à même d'entretenir des relations avec les membres de la collectivité, qui étaient très respectueux du protocole et avaient une belle allure ou apparence, étant donné que la fonction supposait des relations avec tous les membres de notre collectivité, des plus jeunes aux Anciens (Transcription, volume 13, page 1654).

De la même façon, Bill Williams a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Q. Et lorsque le membre du jury de sélection prend sa décision, les qualités personnelles du candidat entrent-elles en jeu?

Oui, beaucoup. Quatre-vingt-quinze pour cent des emplois dans la bande impliquent des relations individuelles avec les membres de celle-ci et il est très important non seulement d'être capable d'entrer dans un bureau et d'avoir le sentiment que vous êtes bienvenu mais encore de vous y sentir à l'aise pour demander un grand nombre de choses que les membres revendiquent et de vous y sentir simplement à l'aise. (Transcription, volume 12, de la page 1558, ligne 23, à la page 1559, ligne 7).

Gloria Wilson a témoigné que, parfois, elle ne considérait pas que le franc-parler de la plaignante constituait un avantage (Transcription, volume 6, page 663, lignes 8 à 14), qu'elle convenait que la plaignante avait critiqué carrément le conseil de bande et ses lignes de conduite (op. cit., page 696, lignes 6 à 11), et qu'elle convenait que des membres de la bande avaient été étonnés qu'elle ait engagé la plaignante, à cause de son tempérament et de son manque de diplomatie (op. cit., page 712, lignes 4 à 10).

Je suis d'avis que, si Deborah Jacobs a cru sincèrement que la conduite personnelle de Mme Rivers n'était pas convenable, que son style de gestion était controversé et qu'elle était incapable de s'intégrer à la culture squamish, elle a traité cette dernière injustement au regard des trois concours pour des postes temporaires. Mme Jacobs a appliqué deux mesures en assujettissant Mme Rivers à une norme de moralité et de conduite

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personnelle à laquelle aucun autre postulant n'a eu à satisfaire. Mme Jacobs a été injuste envers Mme Rivers lors des trois concours pour des postes temporaires, parce que, bien qu'elle se soit rendu compte que les rumeurs et les cancans avaient infléchi son opinion de la qualification de Mme Rivers pour ces postes, elle n'a pas cherché à les vérifier. Mise en présence de ses sentiments et de sa conduite envers Mme Rivers, Mme Jacobs a été sur la défensive et a souvent donné des réponses évasives devant le présent tribunal. Toutefois, j'estime, en dernière analyse, que Mme Jacobs n'a pas joué directement de rôle dans la sélection finale des candidats à ces postes à durée déterminée, en ce sens qu'elle ne jouissait pas du droit de vote dans ces jurys de sélection. De plus, je suis d'avis que, bien que Mme Jacobs ait été injuste à l'endroit de Mme Rivers dans le processus de sélection et bien que ses actions aient dans certains cas été motivées par sa croyance sincère et dans d'autres, par son parti pris et son animosité personnels, elle n'a pas fait d'actes discriminatoires, contrairement aux allégations de la plaignante. La manière dont elle a traité Mme Rivers quant aux trois postes temporaires, par rapport à l'immoralité qu'elle lui reprochait, a entraîné une irrégularité dans le processus d'embauchage qui ne doit cependant pas nécessairement nous amener à conclure à une distinction illicite.

Je suis d'avis, en outre, que, bien que Deborah Jacobs ait eu une opinion fortement subjective de la personnalité et de l'attitude de Mme Rivers, d'autres membres de la bande ont appuyé sa vision des défauts de la personnalité de Mme Rivers. A mon avis, les qualités personnelles telles que l'attitude et la personnalité étaient des facteurs pertinents dans les concours en cause. Même si les opinions subjectives n'étaient pas entièrement fondées, elles ne témoignaient néanmoins pas des motifs de distinction illicite allégués, mais plutôt d'erreurs touchant le processus d'embauchage dont l'effet a été dépeint dans l'affaire Kibale c. Transports Canada, 6 C.H.R.R. D/3033 :

Il semble au soussigné très dangereux d'établir une règle selon laquelle, lorsqu'il y a irrégularité ou même illégalité absolue dans l'administration du processus de dotation en personnel de la fonction publique du Canada, un Tribunal des droits de la personne doit présumer que cette irrégularité ou illégalité à été motivée par une pratique de discrimination sans d'autre preuve rattachant cette irrégularité ou illégalité à un motif de distinction illicite. Le refus ou la négligence par des fonctionnaires à se conformer aux règles en vigueur pour limiter leur discrétion et leur champ de manoeuvre peut s'expliquer par maintes d'autres faiblesses humaines que la discrimination. Page D/3038, paragraphe 24369

Saisie d'une demande de révision, une formation complète du Tribunal a conclu comme suit :

C'est dire que le tribunal des droits de la personne n'exerce, de par la Loi, aucun pouvoir de contrôle et de surveillance sur la façon dont l'intimée a exercé les pouvoirs qui lui ont été

-64-

délégués par la Commission de la fonction publique en matière d'embauche. Page D/4060, paragraphe 32055

Et plus loin, à la p. D/4060, par. 32057, le Tribunal d'appel dit ceci :

Dans le cas qui nous occupe, une étude minutieuse de tout le dossier nous amène à conclure, comme le tribunal de première instance, que l'ensemble des témoignages et des pièces déposées ne prouve pas que l'un des acteurs de ce processus d'embauche ait agi pour des motifs de distinction illicite.

f) Les lignes de conduite de la bande en matière d'emploi

La ligne de conduite de la bande en matière d'embauchage remonte à 1975, année de l'adoption par les membres de la bande d'une résolution prescrivant que toutes les offres d'emploi dans la nation squamish devaient être affichées, chaque personne dans la collectivité ayant ainsi la possibilité de postuler ces emplois (Transcription, volume 12, page 1559, lignes 15 à 19; Transcription, volume 14, page 1821, lignes 19 à 24).

Bill Williams, administrateur de la bande, a dit ceci :

[TRADUCTION]

Et les membres eux-mêmes étaient d'avis que chaque membre de la collectivité devait avoir la possibilité, s'il le voulait et s'il estimait posséder les aptitudes requises, de postuler les emplois dans la collectivité, et il lui appartenait alors de faire une demande d'emploi et d'éviter que l'on procède à des nominations sans concours, comme pour bien des postes dans la fonction publique qui font aujourd'hui l'objet de calomnies, je suppose, parce que trop d'amis ou de parents y sont nommés, et que les personnes les plus compétentes ou les mieux qualifiées ne peuvent pas postuler ces emplois (Transcription, volume 12, page 1559, lignes 20 à 25).

La conseillère Pauline Spence a témoigné que la ligne de conduite adoptée par les membres avait été établie dans le but d'éviter le favoritisme dans les services (Transcription, volume 15, page 2109, lignes 9 à 18; page 2110, lignes 1 à 10).

Leslie Harry, président de la bande, a témoigné que la ligne de conduite officielle du conseil de bande comprenait l'énoncé suivant :

[TRADUCTION]

Nous nous efforcerons autant que possible de recruter les nouveaux employés parmi les membres de la bande de Squamish (pièce HR-2, onglet 63, page 4-1, résolution adoptée en avril 1986; Transcription, volume 10, de la page 1156, ligne 20, à la page 1157, ligne 7).

La majorité des témoins ont interprété la ligne de conduite de la bande comme indiquant que la préférence devait être accordée aux membres inscrits, y compris aux personnes qui étaient devenues membres en épousant un membre.

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a) Leslie Harry a témoigné que l'on ne faisait pas de distinction entre les femmes membres par alliance et les autres membres de la bande en matière d'embauchage (Transcription, volume 10, page 1158, lignes 1 à 12).

b) Interrogé par Mme Sangster, le conseiller Byron Joseph a précisé que, ce qu'il voulait dire par les personnes qui font partie de la nation, c'était les membres inscrits (Transcription, volume 15, page 2056, lignes 9 à 15; page 2061, lignes 11 à 19).

Quant à la question de savoir s'il ferait partie d'un jury de sélection appelé à évaluer des proches parents, Byron Joseph s'est référé au projet de ligne de conduite concernant les conflits d'intérêts (op. cit., de la page 2042, ligne 18, à la page 2043, ligne 5). Il a précisé qu'il ne participerait pas à des décisions relatives à l'embauchage de proches parents (op. cit., page 2044, lignes 20 à 25). Il a expliqué que, s'il avait été dans la situation de Gilbert Jacob, il n'aurait probablement pas voté pour sa soeur lors de la réunion tenue le 4 février 1987 (op. cit., page 2044, lignes 23 à 25).

c) Bill Williams, administrateur, a dit qu'en ce qui concerne la ligne de conduite en matière d'embauchage, il entendait par membres, les personnes dont le nom figure sur la liste de la bande. Il a en outre précisé que, depuis juin 1985, la bande indienne de Squamish s'était dotée de son propre code des conditions pour devenir membre, qui pouvaient différer de celles prévue par la Loi sur les Indiens (op. cit., page 1802, lignes 9 à 13).

Bill Williams était d'avis que toute personne, quand une entrevue d'emploi avec un proche parent, tel que son frère, sa soeur, sa mère ou un autre proche parent était prévue, devait s'abstenir de prendre part au processus des entrevues (op. cit., page 1805, lignes 1 et 2). Il a également souligné, toutefois, qu'il arrivait qu'on aime plus son cousin au septième degré que son cousin germain (op. cit., page 1805, lignes 12 à 22).

Il a souligné qu'il revenait aux chefs de service de décider s'il y avait lieu d'exercer un droit de vote ou de prendre part aux délibérations du jury de sélection lorsqu'un parent était en cause et qu'il espérait que les chefs de service s'abstiendraient de participer au processus d'embauchage si une tante, par exemple, était visée par ce processus (op. cit., page 1848, lignes 13 à 21).

d) La conseillère Pauline Spence a indiqué, en ce qui a trait à la ligne de conduite en matière d'embauchage, que le terme membre s'entendait d'une personne figurant sur la liste de la bande (Transcription, volume 15, page 2106, lignes 1 à 5).

Pauline Spence a précisé qu'elle ne ferait pas partie de jurys de sélection pour une entrevue d'emploi, si sa tante, sa soeur, ses nièces ou ses cousins germains figuraient parmi les candidats (op. cit., page 2111, lignes 2 à 14). Elle est d'avis qu'il est correct de poser des questions aux entrevues, mais elle ne discuterait pas des titres et qualités de ses

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parents avec les membres du jury (op. cit., page 2112, lignes 1 à 7). Elle a expliqué qu'aucune norme ne régissait la désignation des membres du jury et qu'il revenait à chacun de ceux-ci de décider de ce qui était convenable.

Mme Spence a dit que la famille Jacobs jouait un rôle important dans les affaires de la bande et que ses membres avaient des liens de parenté avec beaucoup de gens (op. cit., page 2114, lignes 10 à 17; page 2116, lignes 15 à 20).

e) Gwen Harry ne connaissait pas bien tous les détails de cette ligne de conduite de la bande en matière d'embauchage en 1986 et 1987. Elle connaissait les pratiques relatives à l'embauchage et le processus des entrevues (Transcription, volume 17, de la page 2312, ligne 17, à la page 2313, ligne 6). Elle n'était pas au courant de cet énoncé : Nous nous efforcerons autant que possible de recruter les nouveaux employés parmi les membres de la bande de Squamish (op. cit., page 2314, lignes 11 à 18).

Gwen Harry est d'avis que, si une entrevue avec ses proches parents, tels que son cousin germain, son frère, sa soeur et ses enfants était prévue, elle refuserait d'être membre du jury de sélection. Elle n'a participé qu'à des entrevues avec des cousins éloignés (op. cit., de la page 2300, ligne 11, à la page 2301, ligne 4). Elle ne ferait pas partie du jury, si elle avait un lien de parenté étroit avec les postulants (op. cit., page 2303, lignes 12 à 14). Elle a précisé que, parce que Deborah Jacobs était la directrice de l'éducation, elle avait posé des questions aux candidats, parce que le candidat reçu allait travailler sous sa direction (op. cit., page 2301, lignes 9 à 12; page 2302, lignes 3 à 7).

f) Gilbert Jacob a dit que, lors des discussions au conseil de la bande indienne de Squamish, les femmes qui étaient membres par alliance étaient considérées comme des membres, mais qu'en cas de divorce d'avec leur mari squamish, elles seraient automatiquement radiées de la liste des membres de la bande de Squamish. Aucune ligne de conduite officielle ne stipulait l'embauchage de membres de souche squamish de préférence aux membres par alliance.

Il a dit que personne ne partageait l'opinion personnelle du chef Norman Joseph selon laquelle il fallait donner la préférence aux Indiens squamish à tous égards (op. cit., de la page 1081, ligne 6, à la page 1082, ligne 4).

Je suis d'avis que Deborah Jacobs, le chef Norman Joseph et Glen Newman représentaient des exceptions à l'opinion de l'ensemble des membres sur la teneur de la ligne de conduite du conseil de bande : Nous nous efforcerons autant que possible de recruter les nouveaux employés parmi les membres de la bande de Squamish.

g) Deborah Jacobs a dit qu'avant le projet de loi C-31, les personnes qui avaient perdu la qualité de membre en épousant une personne qui n'était pas membre étaient encore tenues pour des membres de la bande

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pour l'application de la ligne de conduite (Transcription, volume 13, page 1698, lignes 4 à 21).

Elle était aussi d'avis qu'elle pouvait à bon droit participer à des entrevues d'emploi avec des proches parents. Elle a dit ceci :

[TRADUCTION]

Non, parce que, étant donné encore une fois, si l'on examine notre généalogie et les arbres généalogiques au sein de notre nation, ainsi que la façon dont nos liens de parenté sont conçus, c'est-à-dire la façon dont nous établissons qui sont nos cousins germains ou nos tantes, il est presque impossible que je n'aie pas un lien de parenté quelconque avec absolument tout le monde (op. cit., page 1786, lignes 4 à 14).

Deborah Jacobs a témoigné que, bien qu'elle respectât le point de vue de Gloria Wilson, de Linda George, de Leslie Harry et de Gilbert Jacob (exposé plus haut), vu que son rôle et ses responsabilités en tant que directrice l'amenaient à donner des conseils aux membres, elle devait s'abstenir le plus possible de [TRADUCTION] couper les cheveux en quatre (op. cit., page 1787, lignes 1 et 2). Elle a ajouté ceci :

[TRADUCTION]

Et je respecte leur opinion. Notre manuel de la politique du personnel ne contient aucune ligne de conduite de cet ordre (op. cit., page 1788, lignes 7 à 9).

Je suis d'avis que l'opinion de Deborah Jacobs exprimée en l'espèce ne corrobore pas la thèse de la plaignante concernant la distinction illicite, parce que son opinion, tout en étant différente de celle de la majorité, ne constitue pas une preuve indirecte de la distinction illicite alléguée. Sa déclaration selon laquelle les personnes qui perdaient leur qualité de membre en épousant quelqu'un de l'extérieur étaient tout de même considérées comme des membres de la bande ne signifie pas nécessairement que les femmes qui étaient membres par alliance n'étaient pas traitées comme des membres de la bande.

Ses propos au sujet de ses liens de parenté avec nombre de membres de la bande de Squamish traduisent la réalité statistique de cette bande, en ce qui concerne la famille Jacobs. Par exemple, Deborah Jacobs a témoigné qu'elle avait plus de cent cousins dans la nation squamish (Transcription, volume 13, page 1633, lignes 11 à 18).

h) Le chef Norman Joseph était d'avis qu'il fallait embaucher des membres de souche squamish de préférence aux autres membres de la bande de Squamish, y compris aux femmes qui étaient membres par alliance (Transcription, volume 4, page 465, lignes 12 à 23). Il a également suggéré que la ligne de conduite de la bande soit modifiée afin qu'elle soit conforme à son point de vue (volume 10, page 1284, lignes 19 à 22). J'estime que cette opinion n'était partagée par aucune autre personne, sauf peut-être Glen Newman.

i) Glen Newman a déclaré à Peter Threlfall, enquêteur de la Commission des droits de la personne, qu'en tant qu'administrateur de la

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bande, la ligne de conduite qu'il suivait était de donner la préférence aux personnes de souche squamish (Transcription, volume 7, page 787, lignes 7 à 11). Dans son témoignage, il a nié ce qu'il avait déclaré (op. cit., page 791, lignes 3 à 21). Je constate qu'il a quitté son poste d'administrateur de la bande en 1986 et je suis d'avis qu'il n'a exercé aucune influence directe sur l'un ou l'autre des cinq jurys de sélection en cause relativement à la présente plainte.

Je suis aussi d'avis que, bien que Deborah Jacobs, le chef Norman Joseph et Glen Newman aient constitué des exceptions à l'opinion de l'ensemble des membres sur la ligne de conduite du conseil de bande en matière d'embauchage, ces exceptions ne constituent pas une preuve indirecte de la distinction illicite alléguée par la plaignante.

Par surcroît, la preuve montre que la bande de Squamish employait de nombreuses personnes qui étaient des membres par alliance, tant au moment où auraient été faits les actes discriminatoires allégués qu'au moment où la présente plainte a été entendue. On trouve dans la pièce HR-2, onglet 62, une liste des employés de la bande indienne de Squamish en date du 21 juillet 1987, dans laquelle sont mis en évidence ceux qui ne sont pas des Indiens, les autochtones appartenant à d'autres bandes et les personnes qui ont épousé un membre de la bande de Squamish. Parmi les soixante-sept membres de la bande employés à cette date, dix, soit 14,9 %, sont devenus membres par leur mariage.

Il ressort des statistiques de la population de la bande de Squamish, qui figurent dans la pièce HR-2, onglet 66, que, le 29 juillet 1987, 13,6 % de la population adulte estimative étaient des membres par alliance. Selon cette estimation, les adultes forment environ 63,9 % de la population totale. Ce pourcentage est tiré des données de 1992, qui indiquaient la proportion des adultes et des mineurs.

Dans la pièce HR-2, onglet 66, on trouve un résumé des données de 1987, qui établit que le pourcentage des employés membres de la bande qui sont des membres par alliance (14,9 %) est supérieur à celui des membres de la bande qui sont des membres par alliance (13,6 %).

La pièce HR-2, onglet 64, contient une liste des employés de la bande en date du 4 juin 1993, dans laquelle sont mis en évidence ceux qui ne sont pas des Indiens, les autochtones d'autres bandes et les personnes qui ont épousé un membre de la bande. Parmi les 101 employés membres de la bande, 12 sont des membres par alliance (11,9 %).

On trouve à l'onglet 66, les chiffres de population du 19 octobre 1992. La comparaison du pourcentage des employés de souche squamish par rapport au nombre d'employés membres de la bande et du pourcentage des membres par alliance par rapport à la population adulte de la bande montre que la proportion des membres par alliance par rapport au nombre d'employés (11,9 %) est plus élevée que celle des membres par alliance par rapport à la population de la bande (9,5 %).

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Il est maintenant nécessaire d'analyser chacun des cinq concours en vue de déterminer si la plaignante a établi que sa plainte est fondée à première vue à l'égard de l'un ou l'autre des postes et d'examiner chaque poste relativement aux critères énoncés dans les affaires Basi, Israeli et Folch précitées.

COORDINATEUR DE L'ÉDUCATION : PREUVE SUFFISANTE A PREMIERE VUE

Quant au poste de coordinateur de l'éducation, la preuve est-elle suffisante à première vue?

Le premier élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante était qualifiée pour le poste de coordinateur de l'éducation.

Je suis d'avis que Mme Rivers, plaignante, était qualifiée pour le poste de coordinateur de l'éducation. Elle possédait les qualités qu'exigeait la description de poste. Mme Rivers avait exercé cette fonction [TRADUCTION] à titre intérimaire et avait été engagée par Bill Williams, administrateur de la bande, comme coordinatrice de l'enseignement à domicile, bien que ce dernier ait dit que le poste intérimaire n'était pas identique au poste permanent. Après les entrevues, Mme Rivers a été choisie comme meilleure candidate par le membre du jury Byron Joseph. Bill Williams et Gwen Harry, les autres membres du jury, sont tombés d'accord qu'elle avait les qualités minimales requises pour le poste de coordinateur de l'éducation. Tous deux ont reconnu en outre que Mme Rivers avait des titres et qualités fort impressionnants pour ce poste, encore qu'ils ne l'aient pas sélectionnée.

Je suis d'avis que la plaignante a établi le premier élément de la preuve suffisante à première vue, relativement au poste de coordinateur de l'éducation.

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante n'a pas été embauchée par l'intimé; or, ce fait a été admis par celui-ci et a été clairement démontré.

Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue

Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue exige la preuve qu'une autre personne qui n'était pas mieux qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne, a obtenu le poste.

Le troisième élément considéré par rapport à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine nationale ou ethnique et sur la situation de famille

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Le troisième élément porte sur la qualification du candidat reçu et exige qu'il soit conclu que ce candidat n'était pas mieux qualifié que la plaignante.

Ayant déjà conclu que Mme Rivers était qualifiée pour le poste, la comparaison des titres et qualités de celle-ci et de ceux de la candidate reçue m'amène à conclure que Deborah Jacobs n'était pas mieux qualifiée pour le poste de coordinateur de l'éducation. Deborah Jacobs n'avait pas de diplôme en enseignement, bien qu'elle ait de l'expérience dans les domaines connexes de l'enseignement, des finances et de la réunion de fonds. La nature fluide et générale de la description du poste de coordinateur de l'éducation et l'accent mis sur les qualités personnelles du coordinateur quant aux relations avec les membres de la bande rendent difficile la détermination de ce qui serait la combinaison idéale de qualités pour ce poste. Toutefois, il ne ressort pas clairement de la preuve, à mon sens, que Deborah Jacobs était mieux qualifiée que Mme Rivers pour le poste de coordinateur de l'éducation.

Quant aux motifs de distinction illicite allégués, les traits distinctifs à l'origine de la plainte présentent des différences.

a) L'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine nationale ou ethnique, y compris sur la situation de membre par alliance

Deborah Jacobs, candidate reçue, est un membre de la bande de souche squamish, tandis que Mme Rivers est une Gitksan, membre par alliance de la bande de Squamish.

b) L'allégation de distinction illicite fondée sur la situation de famille, précisément sur le népotisme mettant en cause la famille Jacobs, en particulier Gilbert Jacob

Deborah Jacobs est la nièce du conseiller Gilbert Jacob et fait partie de la famille Jacobs, ce qui constitue l'un des motifs de distinction illicite, alors que Mme Rivers n'a aucun lien de parenté avec la famille Jacobs.

Je suis d'avis qu'en ce qui a trait à ce motif, le troisième élément de la preuve suffisante à première vue a été établi, quant au poste de coordinateur de l'éducation.

L'intimé a-t-il fourni, au sujet de la décision de ne pas embaucher la plaignante, une explication qui concourt à établir que la discrimination fondée sur la situation de famille ou sur l'origine ethnique n'est pas la bonne explication aux événements survenus?

Je suis d'avis que l'intimé a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de ne pas embaucher la plaignante n'était pas fondée sur l'un ou l'autre des motifs de distinction illicite allégués, ni reliée à aucun de ceux-ci.

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Bill Williams a témoigné que la nature de l'entrevue avait changé parce que la bande de Squamish ne savait pas ce qu'elle voulait. Il a été impressionné par l'expérience de Deborah Jacobs pour ce qui était de la comptabilité, de la conception de programmes, de la réunion de fonds et des relations avec le gouvernement. Il a estimé que Deborah Jacobs avait plus de qualités personnelles pour ce poste, se disant préoccupé par le langage brusque et les manières rudes de Mme Rivers. Il n'a pas tenu compte de l'expérience que Mme Rivers a acquise dans la fonction intérimaire, indiquant que le poste de coordinateur de l'éducation tel qu'il était désormais conçu était différent de la fonction intérimaire, encore qu'il ait estimé de toute évidence que l'expérience d'enseignante de Mme Rivers et son brevet NITEP constituaient une qualité et un titre importants.

Byron Joseph, qui avait placé Mme Rivers au premier rang après les entrevues, estimait cependant que son franc-parler et le fait qu'elle était une fomentatrice de troubles constituaient des défauts pour ce qui était des postes en question, et il s'est finalement rangé à l'avis de la majorité qu'il convenait de sélectionner Deborah Jacobs pour ce poste.

Gwen Harry a témoigné qu'elle avait jugé que Richard Band s'exprimait très bien et était très calme. Il avait un doctorat et avait travaillé dans le milieu estudiantin à l'Université de la Californie (Transcription, volume 15, pages 2140 et 2141). Elle a témoigné que Mme Rivers possédait un ensemble impressionnant de titres et de qualités, compte tenu des exigences de ce poste, mais qu'elle n'était pas aussi calme et confiante que les deux autres (op. cit., page 2141). Elle a jugé que Deborah Jacobs avait confiance en elle et que sa manière de répondre aux questions de l'entrevue était préférable au style agressif de Mme Rivers. Les réponses données à l'entrevue semblaient être des éléments très importants du point de vue de Gwen Harry.

L'explication fournie par l'intimé constitue-t-elle un prétexte masquant la discrimination? Évaluation de l'explication de l'intimé relativement à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine ethnique/nationale

Byron Joseph s'est abstenu de lier le manque de respect et la brusquerie au fait d'être un membre par alliance. Il a repoussé l'opinion du chef Norman Joseph selon laquelle il fallait embaucher des membres de souche squamish de préférence aux autres membres de la bande. Gwen Harry s'est dite vivement indignée par les remarques du chef Norman Joseph (Transcription, volume 17, page 2333, lignes 9 à 21).

Après avoir examiné la preuve soumise au Tribunal, j'ai conclu que la situation de la plaignante, savoir celle de membre par alliance, n'avait pas joué non plus dans la décision de rejeter sa demande d'emploi et que l'intimé n'avait pas fait à l'endroit de la plaignante d'actes discriminatoires, fondés sur l'origine nationale ou ethnique.

Il semble que l'entrevue ait posé quelques problèmes à Mme Rivers. Elle a témoigné que l'entrevue ne s'était pas déroulée comme elle s'y attendait (Transcription, volume 3, page 253, lignes 2 à 5). Elle

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ne s'attendait pas aux questions concernant la manière dont elle réagirait devant certaines situations hypothétiques au sein de la bande (op. cit., page 253, lignes 9 à 12), dont des questions relatives à sa réaction à des personnes qui lui seraient hostiles et qui désapprouveraient la façon dont le système d'éducation était modifié (op. cit., page 254, lignes 10 à 16).

Bien qu'ils n'aient pas reçu une formation professionnelle, les membres du jury étaient néanmoins, selon moi, généralement qualifiés pour faire la sélection du coordinateur de l'éducation. Bill Williams avait l'expérience des entrevues et Gwen Harry semblait avoir les qualités voulues pour faire partie du jury de sélection tant à cause de son expérience personnelle des questions touchant la famille et l'éducation, qu'en raison de sa maturité et de son tempérament. Les entrevues ont été brèves (environ 15 minutes chacune), les curriculum vitae n'ont été remis aux membres du jury que quelques minutes avant les entrevues, mais les questions et la façon de procéder ont semblé raisonnables, ce qu'a confirmé David Hughes, expert cité comme témoin.

Je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale.

Évaluation de l'explication de l'intimé relativement à l'allégation de distinction illicite fondée sur la situation de famille (sur le népotisme)

Deborah Jacobs est la nièce du conseiller Gilbert Jacob, qui est son oncle maternel. Gloria Wilson a témoigné que Gilbert Jacob était un conseiller puissant qui avait fait une remarque lors d'une réunion du conseil selon laquelle Deborah Jacobs ferait une bonne coordinatrice de l'éducation. Gilbert Jacob ne se souvient pas avoir fait une telle remarque, mais il ne nie pas la possibilité qu'il l'ait faite.

Mme Rivers était elle aussi parente avec le conseiller Frank Rivers par son mariage avec Glen Rivers, frère de Frank.

Le membre du jury Gwen Harry était une parente éloignée de Deborah Jacobs et de Richard Band, par son arrière-arrière-grand-père.

Le membre du jury Byron Joseph était le cousin germain du mari de Mme Rivers et un parent éloigné de Richard Band.

Le népotisme allégué par la plaignante concerne principalement Gilbert Jacob. Le rapport le plus précis entre Gilbert Jacob et le poste de coordinateur de l'éducation est le témoignage de Gloria Wilson relatif à la remarque qu'il aurait faite lors d'une réunion du conseil de bande au sujet de Deborah Jacobs. Aucun élément de preuve n'a été présenté qui établisse la date à laquelle cette remarque aurait été faite, mais si elle a été faite, c'était avant l'affichage du concours touchant le poste en question. Aucun élément de preuve n'atteste que l'un des membres du jury a entendu la remarque et en fait chacun d'eux a témoigné que personne n'avait fait de pression sur eux relativement à ce poste.

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La présence de deux cousines de Deborah Jacobs à l'entrevue a été expliquée par Bill Williams. Elles y assistaient à titre d'observatrices, sans droit de vote, et avaient été averties par Bill Williams qu'elles devaient être impartiales, même lorsqu'elles interrogeaient des parents qui avaient postulé l'emploi.

Je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination fondée sur la situation de famille.

CONSEILLER D'ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONNELLE : PREUVE SUFFISANTE A PREMIERE VUE

Quant au poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle, la preuve est-elle suffisante à première vue?

Le premier élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante était qualifiée pour le poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle.

Je suis d'avis que Mme Rivers, plaignante, était qualifiée pour le poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle, même si sa candidature n'a pas été retenue pour la sélection finale de ce poste.

Elle possédait les qualités qu'exigeait la description de poste. Elle a oeuvré auprès de personnes inscrites à un programme d'éducation de base des adultes et elle a conseillé et aidé des gens sensibles à rebâtir leur estime de soi et leur confiance en soi (Transcription, volume 2, page 130, lignes 7 à 18). Elle avait plusieurs années d'expérience comme conseillère au campus King Edward et au Centre d'emploi et d'immigration (op. cit., de la page 130, ligne 19, à la page 131, ligne 14).

Byron Joseph, membre du jury à l'entrevue pour ce poste, a dit qu'il aurait eu une entrevue avec elle s'il avait su qu'elle avait postulé l'emploi de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle et il a reconnu que ce poste était inférieur à celui pour lequel Mme Rivers était qualifiée (Transcription, volume 15, de la page 2015, ligne 21, à la page 2017, ligne 13).

L'autre membre du jury, Gwen Harry, a reconnu elle aussi que Mme Rivers avait les qualités minimales requises pour ce poste (Transcription, volume 17, page 2297, lignes 10 à 14).

Je suis d'avis que la plaignante a établi le premier élément de la preuve suffisante à première vue, relativement au poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle.

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante n'a pas été embauchée par l'intimé; or, ce fait a été admis par celui-ci et a été clairement démontré.

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Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue

Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue exige la preuve qu'une autre personne qui n'était pas mieux qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne, a obtenu le poste.

Le troisième élément considéré par rapport à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine nationale ou ethnique et sur la situation de famille

Le troisième élément porte sur la qualification du candidat reçu et exige qu'il soit conclu que ce candidat n'était pas mieux qualifié que la plaignante. La comparaison des titres et qualités de Mme Rivers et de ceux du candidat reçu m'amène à conclure que Richard Band était mieux qualifié.

Richard Band avait un doctorat de l'Université de la Californie. Il avait une vaste expérience de l'administration, de l'enseignement et du counselling auprès d'élèves autochtones et d'autres élèves, ainsi que de groupes, de programmes et d'organismes de toutes les régions des États-Unis (pièce HR-2, onglet 14).

Quant aux motifs de distinction illicite allégués, les traits distinctifs à l'origine de la plainte, en ce qui concerne le candidat reçu et la plaignante, présentent-ils des différences?

a) L'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine nationale ou ethnique, y compris sur la situation de membre par alliance

Mme Rivers est une Gitksan, membre par alliance de la bande de Squamish.

Richard Band, candidat reçu, est le fils adoptif de Teddy Band, qui est né squamish, mais sa mère naturelle Olive Band n'était pas un membre de souche squamish, mais un membre par alliance (Transcription, volume 9, page 1049, lignes 1 à 19).

Je suis d'avis que les traits distinctifs de Richard Band et ceux de Mme Rivers, plaignante, ne présentent pas de différence importante.

b) L'allégation de distinction illicite fondée sur la situation de famille, précisément sur le népotisme mettant en cause la famille Jacobs, en particulier Gilbert Jacob

Richard Band est le fils adoptif de Teddy Band, qui est le cousin germain du conseiller Gilbert Jacob. Quand Mme Ross lui a demandé s'il avait connu Richard Band dans son enfance, Gilbert Jacob a dit ceci :

[TRADUCTION]

Juste vaguement. Il ne traînait jamais dans la réserve. Il était inscrit à des écoles à l'extérieur de la réserve. Je le connaissais de vue, mais essentiellement, ça se

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résumait à cela (Transcription, volume 9, page 1048, lignes 19 à 23).

Gilbert Jacob a admis qu'il savait que Richard Band était le fils de son cousin, de sorte qu'il pensait qu'ils devaient avoir un lien de parenté quelconque (op. cit., page 1049, lignes 1 à 3).

Mme Rivers n'est pas parente avec Gilbert Jacob.

Je conclus à l'absence de distinction illicite fondée sur la situation de famille, précisément sur le népotisme mettant en cause la famille Jacobs, en particulier Gilbert Jacob, parce que les liens de parenté et les rapports entre ce dernier et Richard Band étaient tellement ténus et éloignés. Je suis d'avis qu'en ce qui a trait à ce motif, le troisième élément de la preuve suffisante à première vue n'a pas été établi, quant au poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle.

Malgré ma conclusion que la preuve n'est pas suffisante à première vue, quant à l'un ou l'autre des motifs de distinction illicite allégués, je vais analyser les autres questions que comporte le critère au cas où une cour d'appel rejetterait ma conclusion sur l'absence de preuve suffisante à première vue.

L'intimé a-t-il fourni, au sujet de la décision de ne pas embaucher la plaignante, une explication qui concourt à établir que la discrimination fondée sur la situation de famille ou sur l'origine nationale ou ethnique n'est pas la bonne explication aux événements survenus?

Je suis d'avis que l'intimé a établi que la décision de ne pas embaucher la plaignante n'était pas fondée sur l'un ou l'autre des motifs de distinction illicite allégués, ni reliée à aucun de ceux-ci.

Interrogée par Mme Ross en juillet 1993, Deborah Jacobs a expliqué qu'elle n'avait pas admis Mme Rivers en présélection pour le poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle, parce que les postulants admis en présélection avaient une vaste expérience du counselling et étaient donc mieux qualifiés qu'elle.

Mme Ross a souligné que, selon la déclaration que Deborah Jacobs avait faite à l'enquêteur Threlfall de la Commission des droits de la personne le 1er mars 1988, Mme Rivers avait été éliminée de la liste en raison de sa conduite personnelle :

Elle (Mme Rivers) a été éliminée de la liste à cause de -- pour le poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle, à cause de l'insuffisance de ses compétences sur le plan des relations humaines, parce que son travail comme enseignante à l'école alternative n'était pas satisfaisant et parce que des parents s'étaient plaints de son comportement envers les élèves (Transcription, volume 13, page 1709, lignes 15 à 22).

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Deborah Jacobs a témoigné qu'elle maintenait ses déclarations faites à M. Paul Threlfall en date du 1er mars 1988 et qu'elle était préoccupée par la conduite sexuelle de Mme Rivers en présence des élèves et par son inconduite sexuelle (op. cit., de la page 1706, ligne 9, à la page 1707, ligne 23). Les qualités personnelles ou la moralité semblaient constituer des éléments importants, du point de vue de Deborah Jacobs, pour l'embauchage (Transcription, volume 17, de la page 1722, ligne 20, à la page 1723, ligne 17).

Deborah Jacobs a dit que Mme Rivers avait eu avec le gendarme autochtone une liaison qui était notoire dans la collectivité (op. cit., de la page 1719, ligne 24, à la page 1720, ligne 7).

L'explication fournie par l'intimé constitue-t-elle un prétexte masquant la discrimination? Évaluation de l'explication de l'intimé relativement à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine ethnique ou nationale ou sur la situation de famille

Mme Rivers a dit que ses moeurs étaient très traditionnelles en matière sexuelle, qu'elle était discrète et qu'elle prenait son travail au sérieux (Transcription, volume 17, page 2447, lignes 9 à 24).

Elle a donné l'explication suivante :

[TRADUCTION]

La seule relation que j'ai eue avec un gendarme autochtone, c'est quand j'ai aidé la G.R.C., le gendarme autochtone qui exerçait ses fonctions au sein de la bande, à réaliser un projet, en préparant un programme d'orientation pour les nouveaux gendarmes qui arrivaient dans la division ou le secteur, afin qu'ils soient conscients des valeurs et des traditions des membres de la bande indienne de Squamish et qu'ils les comprennent (op. cit., page 2376, lignes 14 à 19).

Mme Rivers avait le sentiment d'avoir beaucoup de compétences sur le plan des relations humaines. Elle était très sensible aux intérêts et aux besoins des gens (op. cit., page 2451, lignes 22 à 25).

Bien que Mme Rivers ait pu se défendre contre toutes les accusations que Deborah Jacobs a portées et sur lesquelles celle-ci s'est appuyée pour ne pas retenir sa candidature pour la sélection finale pour le poste de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle, Deborah Jacobs croyait sincèrement que Mme Rivers couchait avec n'importe qui et qu'elle ne saurait donner l'exemple aux enfants squamish (Transcription, volume 13, de la page 1663, ligne 23, à la page 1665, ligne 15; de la page 1718, ligne 14, à la page 1719, ligne 10).

Mme Rivers n'a pas fait une bonne impression à Deborah Jacobs à l'époque où celle-ci travaillait pour la Professional Native Women's Association. Des membres du conseil l'ont informée que faire affaire avec Mme Rivers posait des problèmes. Cette dernière était alors directrice administrative intérimaire du Vancouver Indian Centre. Selon les autres

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membres du conseil, il était très difficile de faire affaire avec elle et on était préoccupé par son rendement (op. cit., de la page 1662, ligne 23, à la page 1663, ligne 22).

Répétons que les irrégularités que comporte le processus d'embauchage ne constituent pas nécessairement un prétexte masquant la discrimination, mais témoignent d'un défaut de ce processus. Je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale.

Le candidat reçu, Richard Band, est le fils adoptif de Teddy Band, cousin germain du conseiller Gilbert Jacob. Celui-ci a reconnu que Richard Band avait un lien de parenté quelconque avec lui, mais ils n'ont pas de liens ni de rapports étroits. Glen Rivers, mari de Mme Rivers, était un cousin éloigné de Deborah Jacobs (op. cit., page 1659, lignes 12 à 17). Richard Band n'était pas un proche parent de Deborah Jacobs. Je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination fondée sur la situation de famille.

COORDINATEUR DES LOISIRS : PREUVE SUFFISANTE A PREMIERE VUE

Quant au poste de coordinateur des loisirs, la preuve est-elle suffisante à première vue?

Le premier élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante était qualifiée pour le poste de coordinateur des loisirs.

Je suis d'avis que Mme Rivers, plaignante, était qualifiée pour le poste de coordinateur des loisirs. Elle possédait les qualités qu'exigeait la description de poste. Elle avait un diplôme en sciences de l'éducation et avait opté pour l'éducation physique comme matière secondaire. Elle avait travaillé pendant six ans et demi dans l'enseignement, dont quatre ans en éducation physique, deux ans en enseignement élémentaire et deux ans en éducation des adultes. En plus d'enseigner, elle avait acquis une expérience dans le secteur des loisirs, en établissant des horaires, en organisant le travail de bénévoles et en préparant des budgets (Transcription, volume, de la page 1230, ligne 18, à la page 1231, ligne 4).

Je suis d'avis que la plaignante a établi le premier élément de la preuve suffisante à première vue, relativement au poste de coordinateur des loisirs.

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante n'a pas été embauchée par l'intimé; or, ce fait a été admis par celui-ci et a été clairement démontré.

Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue

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Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue exige la preuve qu'une autre personne qui n'était pas mieux qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne, a obtenu le poste.

Le troisième élément considéré par rapport à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine nationale ou ethnique et sur la situation de famille

Le troisième élément porte sur la qualification du candidat reçu et exige qu'il soit conclu que ce candidat n'était pas mieux qualifié que la plaignante. Ayant déjà conclu que Mme Rivers était qualifiée pour le poste, la comparaison des titres et qualités de Mme Rivers et de ceux de la candidate reçue m'amène à conclure que Krisandra Jacobs n'était pas mieux qualifiée.

Mme Rivers avait un diplôme en enseignement. Elle avait une expérience de travail à la fois dans l'enseignement et dans le domaine connexe de l'éducation physique. Krisandra Jacobs n'avait aucune expérience de travail dans l'enseignement ou dans le domaine des loisirs. Elle venait de terminer le programme de monitorat en loisirs d'une durée de deux ans du collège Langara.

Il ne ressort pas clairement de la preuve, à mon avis, que Krisandra Jacobs était mieux qualifiée que Mme Rivers pour le poste de coordinateur des loisirs.

Quant aux motifs de distinction illicite allégués, les traits distinctifs à l'origine de la plainte présentent-ils des différences?

a) L'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine nationale ou ethnique, y compris sur la situation de membre par alliance

Krisandra Jacobs, candidate reçue, est un membre de la bande de souche squamish, tandis que Mme Rivers est une Gitksan, membre par alliance de la bande.

b) L'allégation de distinction illicite fondée sur la situation de famille, précisément sur le népotisme mettant en cause la famille Jacobs, en particulier Gilbert Jacob

Krisandra Jacobs était l'épouse du neveu du conseiller Gilbert Jacob et faisait partie de la famille Jacobs. Mme Rivers n'avait aucun lien de parenté avec la famille Jacobs.

Je suis d'avis qu'en ce qui a trait à ce motif, le troisième élément de la preuve suffisante à première vue a été établi, quant au poste de coordinateur des loisirs.

L'intimé a-t-il fourni, au sujet de la décision de ne pas embaucher la plaignante, une explication qui concourt à établir que la discrimination

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fondée sur la situation de famille ou sur l'origine nationale ou ethnique n'est pas la bonne explication aux événements survenus?

Je suis d'avis que l'intimé a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de ne pas embaucher la plaignante n'était pas fondée sur l'un ou l'autre des motifs de distinction illicite allégués, ni reliée à aucun de ceux-ci.

Bill Williams a été impressionné par le fait que Krisandra Jacobs et lui-même avaient suivi le même programme de monitorat en loisirs du collège Langara (Transcription, volume 12, de la page 1582, ligne 25, à la page 1583, ligne 3). A son avis, Krisandra Jacobs avait présenté le meilleur projet de programme de loisirs pour la nation squamish et elle était prête à accepter le salaire offert, alors que Mme Rivers voulait un salaire plus élevé (op. cit., page 1582, lignes 12 à 17).

L'autre membre du jury, Byron Joseph, ne savait pas vraiment en quoi consistait un cours d'éducation physique comme matière secondaire d'un programme d'études en enseignement. Il a été impressionné par le fait que Krisandra Jacobs avait obtenu le diplôme de monitorat en loisirs décerné après deux ans d'études par le collège Langara et par ses réponses aux dix questions lors de l'entrevue (Transcription, volume 15, de la page 2031, ligne 9, à la page 2032, ligne 14).

Byron Joseph a jugé que le franc-parler de Mme Rivers, son caractère de fomentatrice de troubles et son manque de respect pour les gens constituaient des défauts par rapport au poste de coordinateur des loisirs (op. cit., page 2032, lignes 15 à 22).

Le membre du jury Pauline Spence était d'avis que Mme Rivers n'était pas qualifiée pour s'occuper du système des loisirs de la bande de Squamish. Elle ne pensait pas qu'un cours d'éducation physique comme matière secondaire à l'université était équivalent à un cours de deux ans de monitorat en loisirs, qui est centré sur les loisirs (op. cit., page 2092, lignes 6 à 10). Elle ne pensait pas que les études de Mme Rivers étaient pertinentes quant au domaine des loisirs (op. cit., page 2092, lignes 11 à 19).

Pauline Spence n'était pas favorablement impressionnée par la vie privée de Mme Rivers au moment où elle a postulé l'emploi de coordinateur des loisirs. Elle a dit que Mme Rivers, quand elle était directrice de l'éducation à temps partiel, tentait d'obtenir une augmentation de salaire de son patron Glen Newman à n'importe quel prix et qu'elle était une personne qui ferait n'importe quoi pour réussir, à l'intérieur du bureau comme à l'extérieur (op. cit., de la page 2085, ligne 9, à la page 2086, ligne 19).

L'explication fournie par l'intimé constitue-t-elle un prétexte masquant la discrimination? Évaluation de l'explication de l'intimé relativement à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine ethnique ou nationale ou sur la situation de famille

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Bill Williams a choisi Krisandra Jacobs parce qu'elle avait un diplôme de monitorat en loisirs du collège Langara, tout comme lui. Il avait une grande confiance dans ce programme d'études.

Byron Joseph n'a pas tenu compte des titres de Mme Rivers concernant l'éducation physique comme matière secondaire. Il ignorait pour l'essentiel en quoi consistait un cours d'éducation physique comme matière secondaire. Il s'est abstenu de lier le manque de respect et la brusquerie de Mme Rivers au fait qu'elle était un membre par alliance. Byron Joseph a rejeté aussi l'avis du chef Norman Joseph selon lequel il faut embaucher des membres de la bande de souche squamish de préférence aux autres membres, même à ceux qui sont des membres par alliance.

Pauline Spence a dit qu'à son avis, alors que Krisandra Jacobs avait suivi un cours dans le domaine des loisirs et avait été reçue, Mme Rivers n'avait aucun titre relatif à ce domaine. Elle a dit que le poste de coordinateur des loisirs revêtait de l'importance pour la bande de Squamish, parce que les membres de la bande n'étaient pas satisfaits du travail accompli par le directeur des loisirs précédent (Transcription, volume 15, page 2084, lignes 8 à 24).

Elle a reconnu qu'elle n'avait aucune compétence particulière pour engager un directeur des loisirs, mais en tant que conseillère, elle était appelée à faire partie du jury de sélection et elle faisait de son mieux (op. cit., page 2093, lignes 8 à 14).

Pauline Spence ne croyait pas que l'expérience de Mme Rivers à l'école alternative où elle avait elle-même inscrit ses enfants constituait une expérience dans le domaine des loisirs (op. cit., page 2091, lignes 5 à 15).

Le père de Pauline Spence, le chef Simon Baker, a fait partie du conseil du Indian Centre pendant nombre d'années et celle-ci était d'avis que la mésentente au sein du personnel du Indian Centre avait toujours existé (op. cit., page 2103, lignes 1 à 22).

Pauline Spence a expliqué que le fait que la vie privée de Mme Rivers avait fait mauvaise impression sur elle n'avait aucunement influé sur sa décision quant au poste de coordinateur de l'éducation, quoique je doute de la sincérité de cette déclaration, vu la vive hostilité de Mme Spence envers Mme Rivers. Essentiellement, elle ne la jugeait pas qualifiée pour le poste de coordinateur des loisirs (op. cit., page 2102, lignes 2 à 14).

Pauline Spence a souscrit à la proposition de Bill Williams, qui voulait offrir à Mme Rivers le poste subventionné dans le secteur des Loisirs qui a été mentionné lors de la réunion du conseil de bande tenue le 4 février 1987, si les fonds étaient obtenus. Ce poste supposait lui aussi des aptitudes, des compétences et des responsabilités de même mesure, mais ce poste subventionné aurait relevé du coordinateur des loisirs et Mme Rivers n'aurait pas eu de droit de regard exclusif sur les programmes et les fonds (op. cit., de la page 2100, ligne 1, à la page 2101, ligne

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16). Cette concession à Mme Rivers est compatible avec l'opinion de Mme Spence et de M. Williams sur Mme Rivers, savoir que son travail serait plus efficace si elle était placée sous la supervision de quelqu'un et si elle n'avait pas de relations directes avec les membres de la bande de Squamish.

Je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale.

Bien que la candidate reçue, Krisandra Jacobs, ait été l'épouse du neveu de Gilbert Jacobs, Mme Rivers était quant à elle parente avec deux des membres du jury dans le cas du concours pour le poste de coordinateur des loisirs. Pauline Spence et Byron Joseph étaient des cousins germains de Glen Rivers, mari de Mme Rivers. Je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination fondée sur la situation de famille.

Les membres du jury ont énoncé suffisamment de motifs d'ordre privé et d'ordre professionnel pour me persuader que leur décision n'a pas été motivée par une distinction illicite fondée sur l'origine ethnique ou nationale ou sur la situation de famille.

CONCEPTEUR DE PROGRAMMES D'ÉTUDES : PREUVE SUFFISANTE A PREMIERE VUE

Quant au poste de concepteur de programmes d'études, la preuve est-elle suffisante à première vue?

Le premier élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante était qualifiée pour le poste de concepteur de programmes d'études.

Je suis d'avis que Mme Rivers, plaignante, était qualifiée pour le poste de concepteur de programmes d'études. Elle possédait les qualités qu'exigeait la description de poste.

Mme Rivers a exercé la fonction de travailleuse des services d'aide à l'enfance, elle a acquis une expérience de la conception de programmes d'études en s'occupant du projet-pilote des arts du langage sous la direction de Steve Kosey, du bureau de développement social de la bande de Squamish, et elle a été enseignante (Transcription, volume 2, de la page 112, ligne 20, à la page 113, ligne 5).

Je suis d'avis que la plaignante a établi le premier élément de la preuve suffisante à première vue, relativement au poste de concepteur de programmes d'études.

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue

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Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante n'a pas été embauchée par l'intimé; or, ce fait a été admis par celui-ci et a été clairement démontré.

Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue

Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue exige la preuve qu'une autre personne qui n'était pas mieux qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne, a obtenu le poste.

Le troisième élément considéré par rapport à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine nationale ou ethnique et sur la situation de famille

Le troisième élément porte sur la qualification du candidat reçu et exige qu'il soit conclu que ce candidat n'était pas mieux qualifié que la plaignante. La comparaison des titres et qualités de Mme Rivers et de ceux de la candidate reçue, Lois Guss, m'amène à conclure que Lois Guss était mieux qualifiée.

Lois Guss a travaillé comme conceptrice de programmes scolaires adaptés aux autochtones au district scolaire 44 de la maternelle à la quatrième année. Elle a collaboré à la rédaction d'un ouvrage, Native People and Explorers of Canada, qui est un manuel de sciences sociales utilisé en Colombie-Britannique (pièce HR-2, onglet 18). D'après la preuve, elle connaissait la culture, les langues squamish, et entretenait de bons rapports avec les Anciens de la collectivité (Transcription, volume 13, page 1676, lignes 6 à 16). Mme Rivers a coté sa connaissance de la culture et de la langue squamish à cinq et demi ou six sur une échelle de dix (Transcription, volume 17, page 2453, lignes 7 à 22).

Quant aux motifs de distinction illicite allégués, les traits distinctifs à l'origine de la plainte, en ce qui concerne la candidate reçue et la plaignante, présentent-ils des différences?

a) L'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine ethnique ou nationale, y compris sur la situation de membre par alliance

Mme Rivers est une Gitksan, membre par alliance.

Lois Guss est la fille d'un chef héréditaire de souche squamish (Transcription, volume 9, page 1042, lignes 6 à 21).

J'en conclus que le trait distinctif de Lois Guss et celui de la plaignante Mme Rivers présentent une différence.

b) L'allégation de distinction illicite fondée sur la situation de famille, précisément sur le népotisme mettant en cause la famille Jacobs, en particulier Gilbert Jacob

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Lois Guss est la soeur du conseiller Gilbert Jacob et une proche parente de la famille Jacobs (op. cit., page 1042, lignes 6 à 21).

J'en conclus que le trait distinctif de Lois Guss et celui de la plaignante Mme Rivers présentent une différence.

Toutefois, je suis d'avis qu'en ce qui a trait à ce motif, le troisième élément de la preuve suffisante à première vue n'a pas été établi, quant au poste de concepteur de programmes d'études, parce que la candidate reçue était mieux qualifiée.

Malgré ma conclusion que la preuve n'est pas suffisante à première vue, quant à l'un ou l'autre des motifs de distinction illicite allégués, je vais analyser les autres questions au cas où une cour d'appel rejetterait ma conclusion sur l'absence de preuve suffisante à première vue.

L'intimé a-t-il fourni, au sujet de la décision de ne pas embaucher la plaignante, une explication qui concourt à établir que la discrimination fondée sur la situation de membre par alliance, sur la situation de famille ou sur l'origine ethnique n'est pas la bonne explication aux événements survenus?

Je suis d'avis que l'intimé a établi que la décision de ne pas embaucher la plaignante n'était pas fondée sur l'un ou l'autre des motifs de distinction illicite allégués, ni reliée à aucun de ceux-ci.

Deborah Jacobs a souligné que les attentes à l'égard de ce poste étaient très grandes, à cause d'une résolution adoptée par l'ensemble des membres et déclarant que la langue squamish devait venir en priorité au sein de la nation (Transcription, volume 13, page 1655, lignes 14 à 19).

Elle a été contente de l'entrevue de Lois Guss et de ses réalisations dans le domaine de la conception de programmes d'études. Elle l'a dépeinte comme très enthousiaste et très coopérative (op. cit., page 1676, lignes 6 à 16).

Deborah Jacobs a expliqué qu'elle avait été un membre du jury de sélection sans droit de vote et qu'elle s'en était remise à la volonté des membres du jury de passer à l'entrevue avec Lois Guss sans attendre Mme Rivers et de l'embaucher sans avoir d'entrevue avec Mme Rivers (op. cit., de la page 1674, ligne 21, à la page 1675, ligne 2; page 1677, lignes 1 à 13).

Le membre du jury Byron Joseph s'est dit impressionné par la connaissance qu'avait Lois Guss de la culture, des légendes et des récits squamish, éléments très importants dans l'attribution du poste de concepteur de programmes d'études (Transcription, volume 15, de la page 2074, ligne 12, à la page 2075, ligne 6). Byron Joseph n'était pas à même de faire des observations sur les connaissances de Mme Rivers sous cet aspect (op. cit., de la page 2079, ligne 15, à la page 2080, ligne 8).

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Byron Joseph a émis l'opinion que, si Mme Rivers jugeait cet emploi important, elle aurait dû se présenter à l'entrevue. Il a été l'un des membres du jury qui ont décidé de ne pas avoir d'entrevue avec Mme Rivers, en raison de son retard, et d'engager Lois Guss sans avoir d'entrevue avec Mme Rivers (op. cit., de la page 1966, ligne 22, à la page 1997, ligne 4; page, 2027, lignes 2 à 9).

Le membre du jury Gwen Harry a été impressionnée par l'expérience de Lois Guss au chapitre de la conception de programmes scolaires au conseil scolaire de North Vancouver (op. cit., page 2148, lignes 1 à 9).

Elle a expliqué avoir décidé d'engager Lois Guss sans avoir d'entrevue avec Mme Rivers, parce qu'elle lui reprochait d'avoir une autre entrevue d'emploi à la même heure et de ne pas être intéressée par le poste de concepteur de programmes d'études (op. cit., de la page 2146, ligne 22, à la page 2147, ligne 18).

L'explication fournie par l'intimé constitue-t-elle un prétexte masquant la discrimination? Évaluation de l'explication de l'intimé relativement à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine ethnique ou nationale ou sur la situation de famille

Dans son témoignage, Mme Rivers n'a pas pu indiquer avec précision à quelle heure elle avait téléphoné pour dire qu'elle serait en retard et quelles étaient les raisons de son retard. Interrogée par Mme Ross en novembre 1992, elle a témoigné qu'elle avait téléphoné à Eva Jacobs le 12 janvier 1987 vers midi trente, midi vingt (Transcription, volume 2, page 118, lignes 12 à 19). Interrogée par M. Rich en juillet 1993, elle a témoigné avoir appelé Eva Jacobs à treize heures trente (Transcription, volume 17, page 2425, lignes 2 à 10). En décembre 1992, Mme Rivers a témoigné que, lorsqu'elle avait quitté la réunion de Terra Consulting tenue le 12 janvier 1987, elle était allée à sa voiture, avait consulté sa montre et s'était rendu compte qu'elle ne pourrait pas arriver à temps au bureau de la bande pour le poste de concepteur de programmes d'études. Mais, interrogée par M. Rich en juillet 1993, elle a témoigné qu'après avoir quitté les bureaux de Terra Consulting, elle se trouvait dans sa voiture et allait sortir du parc de stationnement, quand elle a entendu à la radio qu'il y avait un bouchon au pont First Narrows (op. cit., de la page 2425, ligne 22, à la page 2427, ligne 4).

Quand Byron Joseph et Gwen Harry ont décidé d'embaucher Lois Guss sans avoir d'entrevue avec Mme Rivers, ils croyaient fermement tous deux que, si Mme Rivers avait été intéressée par le poste de concepteur de programmes d'études et si elle avait été sérieuse, elle n'aurait pas été en retard à l'entrevue à cause d'un autre rendez-vous. Tous deux ignoraient que Mme Rivers avait informé Eva Jacobs, du service d'éducation, plusieurs semaines à l'avance, qu'il lui serait impossible de se présenter le 12 janvier 1987 à l'entrevue concernant le poste de concepteur de programmes d'études.

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Lois Guss était la tante paternelle de Deborah Jacobs, mais celle-ci était un membre sans droit de vote du jury de sélection pour le poste de concepteur de programmes d'études.

Essentiellement, Mme Rivers ne s'est pas présentée à l'entrevue pour le poste de concepteur de programmes d'études et n'a communiqué avec les membres du jury que vers treize heures quarante, soit quarante minutes après l'heure fixée. Pendant ce temps, Lois Guss a eu une entrevue et je suis d'avis qu'elle était une candidate qui avait les qualités voulues pour ce poste. David Hughes, expert cité comme témoin, a convenu que ne pas avoir d'entrevue avec la plaignante constituait une façon de procéder acceptable et raisonnable, vu les circonstances. Il a dit ceci :

[TRADUCTION]

De sorte qu'il n'est pas déraisonnable de dire que, s'ils ne pouvaient pas se présenter à l'entrevue à l'heure prévue, à un moment où ils devaient paraître à leur meilleur et où ils essayaient du mieux qu'ils pouvaient de faire bonne impression pour que vous leur attribuiez l'emploi, alors cela indique que les choses ne pouvaient qu'aller de mal en pis (Transcription, volume 16, page 2204, lignes 15 à 19).

Même si le Tribunal concluait qu'il n'était pas raisonnable de refuser une entrevue à la plaignante, aucun élément de preuve ne montre que ce refus ait été motivé par une distinction illicite. Suivant la preuve, le jury a simplement estimé qu'il avait fait le bon choix. L'affaire Syed c. Canada [Ministère du Revenu national (Douanes et accise)] [1990] 4 C.H.R.R. D.T. 4/90, portait sur un cas d'injustice en matière d'emploi. A la page 30 de la décision, le Tribunal a conclu :

Il est vrai qu'Adamson était manifestement en conflit d'intérêts. [...] Ces actes, s'ils peuvent vraiment être attribués à Adamson étaient probablement injustes ou incorrects de sa part. Mais cela ne constitue pas une violation de l'art. 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Comme l'a déclaré le président John D. McCamus siégeant à une commission d'enquête de l'Ontario dans l'affaire Ingram v. Natural Footwear Ltd. (Ont. Bd. Inq.) (1980), 1 C.H.R.R. D/59, à D/61 :

[TRADUCTION]

Un tel congédiement, bien qu'il constitue une mesure sévère et qu'il ne pourrait être maintenu en vertu des modalités d'une convention collective ordinaire, ne pourrait être contesté en vertu du Human Rights Code, à condition que les motifs à son origine n'aient absolument aucun rapport avec les motifs de discrimination interdits par le Code. Si nous devions accéder à la demande de l'avocat de la commission, cela équivaudrait à faire du Ontario Human Rights Code, qui est une loi interdisant la discrimination, une loi qui interdit en général le congédiement abusif ou injustifié des employés. A mon avis,

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il s'agit d'une interprétation qui ne peut raisonnablement être donnée au Ontario Human Rights Code.

En conséquence, je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination.

COORDINATEUR DE L'ACTION EN FAVEUR DES JEUNES : PREUVE SUFFISANTE A PREMIERE VUE

Quant au poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes, la preuve est-elle suffisante à première vue?

Le premier élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante était qualifiée pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes.

Je suis d'avis que Mme Rivers, plaignante, était qualifiée pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes. Elle possédait les qualités qu'exigeait la description de poste. Elle avait l'expérience requise, pour avoir oeuvré auprès de jeunes autochtones et pour avoir fait du counselling (Transcription, volume 2, de la page 130, ligne 7, à la page 131, ligne 14).

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue

Le deuxième élément de la preuve suffisante à première vue consiste à montrer que la plaignante n'a pas été embauchée par l'intimé; or, ce fait a été admis par celui-ci et a été clairement démontré.

Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue

Le troisième élément de la preuve suffisante à première vue exige la preuve qu'une autre personne qui n'était pas mieux qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne, a obtenu le poste.

Le troisième élément considéré par rapport à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine nationale ou ethnique et sur la situation de famille

Le troisième élément porte sur la qualification du candidat reçu et exige qu'il soit conclu que ce candidat n'était pas mieux qualifié que la plaignante. La comparaison des titres et qualités de Mme Rivers et de ceux de la candidate reçue, Carole Newman, m'amène à conclure que cette dernière était mieux qualifiée pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes. Carole Newman a acquis une longue expérience au Native Education Centre où elle s'occupait des jeunes. Elle avait une longue expérience de travail dans le domaine du bénévolat et du counselling. Elle avait de l'expérience comme conseillère en matière de violence familiale et d'exploitation sexuelle, ainsi qu'une formation dans le domaine du travail auprès des alcooliques.

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Quant aux motifs de distinction illicite allégués, les traits distinctifs à l'origine de la plainte, en ce qui concerne la candidate reçue et la plaignante, présentent-ils des différences?

a) L'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine ethnique ou nationale, y compris sur la situation de membre par alliance

Mme Rivers est une Gitksan, membre par alliance.

Carole Newman est un membre de souche squamish.

Je suis d'avis que les traits distinctifs de Carole Newman et de la plaignante, Mme Rivers, présentent une différence.

b) L'allégation de distinction illicite fondée sur la situation de famille, précisément sur le népotisme mettant en cause la famille Jacobs, en particulier Gilbert Jacob

Carole Newman est la cousine germaine du conseiller Gilbert Jacob.

Je suis d'avis que les traits distinctifs de Carole Newman et de la plaignante, Mme Rivers, présentent une différence.

Je suis d'avis qu'en ce qui a trait à ce motif, le troisième élément de la preuve suffisante à première vue n'a pas été établi, quant au poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes, parce que la candidate reçue était mieux qualifiée.

Malgré ma conclusion que la preuve n'est pas suffisante à première vue, quant à l'un ou l'autre des motifs de distinction illicite allégués, je vais analyser les autres questions au cas où une cour d'appel rejetterait ma conclusion sur l'absence de preuve suffisante à première vue.

L'intimé a-t-il fourni, au sujet de la décision de ne pas embaucher la plaignante, une explication qui concourt à établir que la discrimination fondée sur la situation de famille ou sur l'origine nationale ou ethnique n'est pas la bonne explication aux événements survenus?

Je suis d'avis que l'intimé a établi que la décision de ne pas embaucher la plaignante n'était pas fondée sur l'un ou l'autre des motifs de distinction illicite allégués, ni reliée à aucun de ceux-ci.

Deborah Jacobs a témoigné que Carole Newman avait été sélectionnée à cause de ses qualités personnelles, de ses connaissances et de son expérience de travail. Elle s'est rappelé que les membres du jury, Byron Joseph et Gwen Harry, et elle-même avaient été vraiment enthousiasmés par l'exposé préparé par Carole Newman en vue de l'entrevue concernant le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes. Deborah Jacobs a qualifié son exposé de [TRADUCTION] modèle de counselling par les pairs, adapté aux jeunes autochtones (Transcription, volume 13, page 1685, lignes

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6 à 14). Outre Carole Newman, une autre candidate, Orene Johnson, a impressionné Deborah Jacobs par son travail bénévole.

Deborah Jacobs a témoigné que Mme Rivers s'était présentée tout juste à temps à l'entrevue pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes et qu'elle avait désapprouvé son apparence -- cheveux tout mouillés et en jeans. Elle a qualifié l'attitude de Mme Rivers de cavalière et elle a dit que celle-ci n'avait pas coopéré avec le jury de sélection (op. cit., page 1687, lignes 1 à 9). Deborah Jacobs a dit que les membres du jury étaient eux aussi préoccupés par l'apparence de Mme Rivers lors de l'entrevue pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes (op. cit., page 1744, lignes 13 à 25).

Le membre du jury Gwen Harry a dit qu'à son avis, Mme Rivers était très agressive, mais elle ne se souvenait pas vraiment de l'entrevue pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes (Transcription, volume 15, de la page 2149, ligne 18, à la page 2150, ligne 15). Lorsque Mme Shivji lui a demandé si Mme Rivers avait été agressive envers elle durant l'entrevue, elle a répondu que non, expliquant ensuite qu'elle avait employé le mot agressive plus tard, quand elle a répondu aux questions de l'enquêteur de la Commission des droits de la personne (Transcription, volume 17, page 2326, lignes 10 à 23).

Le membre du jury Byron Joseph a témoigné qu'il ne se souvenait pas de l'entrevue pour ce poste (Transcription, volume 15, page 1997, lignes 8 à 19).

L'explication fournie par l'intimé constitue-t-elle un prétexte masquant la discrimination? Évaluation de l'explication de l'intimé relativement à l'allégation de distinction illicite fondée sur l'origine ethnique ou nationale ou sur la situation de famille

Deborah Jacobs a désapprouvé le fait que Mme Rivers portait des jeans et une veste lors de l'entrevue relative au poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes. J'estime que cette réaction était probablement déraisonnable, étant donné que la bande de Squamish n'avait pas adopté de code vestimentaire pour les entrevues. Gloria Wilson, directrice du service du développement social, que Deborah Jacobs a dépeinte comme une estimée collègue et qui travaillait pour la bande depuis plus de 25 ans, a témoigné que cela ne posait aucun problème quand des postulants se présentaient à une entrevue d'emploi vêtus de jeans griffés, s'ils étaient appelés à travailler auprès des enfants (Transcription, volume 13, de la page 1747, ligne 25, à la page 1752, ligne 17).

David Hughes, expert cité comme témoin, a dit que l'apparence était un facteur qu'il y a lieu de prendre en considération durant une entrevue d'emploi. Il a dit que l'on s'attendait à ce que les candidats paraissent à leur avantage à une telle entrevue. La question est de savoir s'il était convenable de se présenter en jeans à une entrevue d'emploi. Toutefois, le point de vue exprimé par Deborah Jacobs en

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l'espèce, si déraisonnable qu'il soit, ne se rapporte pas à la discrimination fondée sur les motifs allégués.

Mme Rivers a reconnu que son entrevue pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes n'avait pas été bonne et qu'elle avait voulu se retirer à un moment donné pendant l'entrevue (Transcription, volume 2, page 141, lignes 11 à 14; page 142, lignes 23 et 24).

Mme Rivers a expliqué que le ton de Gwen Harry à l'entrevue, sa brusquerie et son langage gestuel l'avaient mise mal à l'aise et elle a soupçonné en outre que cette attitude était attribuable au fait qu'elle portait des jeans (Transcription, volume 2, de la page 140, ligne 11, à la page 141, ligne 8).

Deborah Jacobs a témoigné que l'attitude de Mme Rivers avait été cavalière, belliqueuse et caustique lors de l'entrevue pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes (Transcription, volume 13, page 1687, lignes 1 à 9). Il ressort également des remarques faites par Gwen Harry, comme nous l'avons déjà vu, que Mme Rivers avait eu une attitude agressive lors de cette entrevue (Transcription, volume 15, page 2150, lignes 7 à 10).

Il est certes compréhensible que ces entrevues aient frustré Mme Rivers et qu'elle aie été quelque peu cynique au moment de l'entrevue pour le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes, mais, de son propre aveu, elle n'a pas bien répondu aux questions.

Deborah Jacobs a dit que les qualités personnelles avaient été l'un des facteurs déterminants de la décision d'engager Carole Newman :

[TRADUCTION]

Q. Et suivant quels facteurs a-t-elle été sélectionnée?

R. A cause de ses qualités personnelles, de ses connaissances et de son expérience de travail; elle avait acquis une longue expérience au Native Education Centre où elle s'occupait des jeunes. Mais en outre elle a apporté à l'entrevue un modèle de counselling par les pairs qu'elle était à même d'offrir aux jeunes, grâce à ses connaissances et à ses antécédents, et je me rappelle que nous avons été vraiment enthousiasmés par ce modèle particulier de counselling par les pairs ou de réévaluation. De counselling adapté aux jeunes autochtones (Transcription, volume 13, page 1685, lignes 5 à 14).

Je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale.

Carole Newman, candidate reçue, était la cousine germaine du conseiller Gilbert Jacob. Deborah Jacobs était un membre du jury de sélection sans droit de vote, mais elle a critiqué sévèrement la tenue et

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les réponses de Mme Rivers lors de l'entrevue. Le membre du jury Byron Joseph n'était qu'un parent éloigné de Carole Newman, mais il était aussi le cousin germain de Glen Rivers, mari de Mme Rivers.

Je suis d'avis que l'explication fournie par l'intimé n'était pas un prétexte masquant la discrimination fondée sur la situation de famille.

CONCLUSION

Leonie Rivers est une personne cultivée et qui s'exprime avec facilité, qui est membre par alliance de la bande indienne de Squamish et dont la personnalité et les qualités personnelles ont, malheureusement, simplement semblé préoccuper ou froisser un certain nombre de décideurs au sein de la bande. Bien qu'elle ait subi un échec lors de chacun des cinq concours qui font l'objet de la présente plainte, Mme Rivers remplissait ou dépassait les exigences minimales de tous les emplois qu'elle a postulés.

La décision d'attribuer le poste dans chaque cas a reposé en grande partie sur des jugements subjectifs concernant des éléments comme la prestation à l'entrevue, dont la durée était souvent assez brève, soit quinze ou vingt minutes, et les qualités personnelles. Les curriculum vitae, les références, l'expérience de travail et les titres et qualités ne sont pas intervenus autant qu'ils auraient dû, à mon avis. Cela peut s'expliquer en partie par le fait qu'en règle générale, les jurys de sélection ne se composaient pas de membres formés à cette fin, mais plutôt de conseillers de la bande, de l'administrateur de la bande et d'autres employés de la bande, dont certains avaient un parti pris contre Mme Rivers à cause de sa personnalité et de sa vie privée. Beaucoup de temps a passé depuis que se sont produits les faits qui font l'objet de la plainte; ils remontent à 1986 et à 1987. En outre, les notes ou procès-verbaux relatant ce qui s'est passé lors des entrevues et lors des délibérations des membres du jury sont presque inexistants et, dans certains cas, la mémoire des participants fait aussi défaut. De plus, les pratiques administratives de la bande étaient dans bien des cas inefficaces et ineptes. Tous ces facteurs ont compliqué la tâche de vérifier si les éléments subjectifs des décisions en matière d'embauchage avaient servi à masquer la discrimination.

J'ai fait un examen minutieux des décisions en matière d'embauchage, des circonstances de l'attribution des postes et de la nature du rôle de Mme Rivers dans la bande à l'époque en cause. Il appartient au Tribunal de déterminer si la plaignante a été victime de distinction illicite pour l'un ou l'autre des motifs allégués. Il ne lui appartient pas de dire s'il approuve les décisions en matière d'embauchage que l'intimé a prises à l'égard de ces cinq postes. Je suis convaincu, suivant la prépondérance des probabilités, que, bien qu'il n'ait pas examiné de manière complète ou équitable, dans certains cas, les demandes d'emploi de la plaignante, l'intimé n'a pas exercé à son endroit d'actes discriminatoires, fondés sur les motifs allégués dans sa plainte.

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCEDENT, LA PLAINTE EST REJETÉE.

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CONCLUSIONS SUBSIDIAIRES

Bien que j'aie conclu à l'absence de distinction illicite, fondée sur les motifs allégués, et que j'aie rejeté la plainte, je vais examiner la question des dommages-intérêts au cas où une cour d'appel conclurait que l'intimé a fait des actes discriminatoires, fondés sur un motif illicite.

La perte de la possibilité de concourir

Si une cour d'appel conclut à la discrimination fondée sur un motif illicite par suite de la transgression de la présente loi par l'intimé, cette conclusion signifiera que Leonie Rivers a été privée de la possibilité d'être candidate à un concours équitable pour un emploi au sein de la bande. Dans des affaires concernant les droits de la personne, des dommages-intérêts peuvent être accordés pour la perte de salaire s'il était raisonnablement possible que la candidature du plaignant soit retenue pour le poste, n'eût été les actes discriminatoires de l'employeur. Je conclus qu'il était raisonnablement possible que Mme Rivers soit embauchée pour l'un ou l'autre des postes en cause dans la présente instance.

Mme Rivers réclame un salaire du mois de juin 1986, date d'expiration du contrat qu'elle avait conclu avec la bande indienne de Squamish relativement à ses services de coordinatrice de l'enseignement à domicile, au mois de juin 1989, date à laquelle elle a commencé à travailler pour le ministère de l'Éducation de la province de la Colombie-Britannique, pour un salaire annuel de 45 000 $.

Si sa candidature au poste de coordinateur de l'Éducation avait été retenue, elle serait devenue une employée permanente, à plein temps, de la bande et aurait touché un salaire annuel d'au moins 28 000 $, soit le salaire annuel qu'a accepté Deborah Jacobs. Par conséquent, du 1er juin 1986 au 1er juin 1989 (date à laquelle, selon l'information transmise par la Commission au Tribunal, toute revendication relative à la perte de salaire devenait caduque), Leonie Rivers aurait gagné 84 000 $ à titre de coordinatrice de l'éducation (Transcription, volume 2, page 96, lignes 14 à 25; Transcription, volume 13, page 1649, lignes 8 à 11).

Mme Rivers a l'obligation de limiter le préjudice subi. Toutefois, malgré ses efforts pour trouver du travail, elle n'a pas réussi à dénicher un emploi comparable avant le 19 juin 1989. Elle a témoigné avoir occupé, après le mois de juin 1986, les emplois énumérés ci-dessous; le salaire qu'elle a touché durant cette période sera défalqué de la somme de 84 000 $ qui aurait pu être sa rémunération de coordinatrice de l'éducation.

  1. Été de 1986 : Environ 1 000 $ (somme brute, non imposable) au titre d'un emploi temporaire à l'école maternelle de Capilano (Transcription, volume 3, pages 176 et 177).
  2. Automne de 1986 : prestations d'assurance-chômage (Transcription, volume 3, pages 179 et 180).
  3. -92-

  4. Octobre à décembre 1987 : 6 000 $ (somme brute, imposable) au titre d'un contrat conclu avec la Urban Native Indian Education Society (UNIES) (Transcription, volume 3, page 185, lignes 9 à 25; page 186, lignes 1 à 7).
  5. Janvier à juin 1988 : 14 776 $ (11 506,10 $ après impôts) et 3 675,50 $ (somme brute) au titre d'un contrat conclu avec UNIES (Transcription, volume 3, pages 184 à 187; pièce HR-4, T4-1988 et T4A-1988).
  6. Juin à octobre 1988 : 6 412 $ au titre de l'assurance-chômage (5 362 $ après impôts) (Transcription, volume 3, de la page 189, ligne 13, à la page 190, ligne 21; pièce HR-4, T4U-1988).
  7. Octobre à décembre 1988 : 7 436,34 $ (5 949,70 $ après impôts) au titre d'un emploi occupé conformément à un contrat conclu avec la province de la Colombie-Britannique (Transcription, volume 3, pages 188 et 189; pièce HR-4, T4-1988).
  8. Janvier à juin 1989 : 18 793,57 $ (14 517,68 $ après impôts) au titre d'un emploi occupé conformément à un contrat conclu avec la province de la Colombie-Britannique (Transcription, volume 3, pages 188 à 191; pièce HR-4, T4-1989).

Si la plaignante a droit à une indemnité pour la perte de salaire, je suis d'avis de la fixer à 35 989,02 $ [84 000 $ pour la rémunération à titre de coordinatrice de l'éducation au taux annuel de 28 000 $, moins ses gains de 48 010,98 $, après impôts]. Pour le calcul du total des gains nets de 48 010,98 $, j'ai tenu compte des gains nets après impôts, parce qu'à titre de coordinatrice de l'éducation, Mme Rivers aurait reçu un salaire exempt d'impôt en raison de l'exonération fiscale dont jouit la bande indienne de Squamish, vu qu'elle constitue une réserve indienne. Je me suis également abstenu de déduire les prestations d'assurance-chômage que Mme Rivers a touchées en 1986, parce que les avantages accessoires tels que les prestations de l'assurance-chômage et de l'aide sociale, conformément à une règle d'ordre public suivie par les tribunaux, ne sont pas déduits dans le calcul d'une indemnité pour perte de salaire sous le régime d'une loi relative aux droits de la personne (Anthony v. B.C.H.R.C. and Wolfe (1990), 11 C.H.R.R. D/58 (C.S.C.-B.); Holloway v. MacDonald and Clairco Foods Ltd. (1983), 4 C.H.R.R. D/1454 (comm. d'enq. de la C.-B.)).

Certes, il incombe à la plaignante de prendre des mesures raisonnables pour limiter le préjudice subi, mais c'est l'intimé qui a la charge de démontrer qu'elle ne s'est pas acquittée de son obligation à cet égard : Red Deer College c. Michaels et autre, [1976] 2 R.C.S. 324, (1975), 57 D.L.R. (3d) 386, à la p. 390.

A l'automne de 1986, Mme Rivers a reçu une offre d'emploi du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Il s'agissait du poste de directeur adjoint d'une école dans la réserve de Tache, qui fait partie de la nation Klaska, dans une région rurale très éloignée du nord-est de la Colombie-Britannique. Elle aurait remplacé la directrice adjointe en congé de maternité. Elle a dû refuser cette offre, parce que son mari ne voulait

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pas se réinstaller. Je n'estime pas qu'en agissant ainsi, elle ait omis de limiter le préjudice subi car cela aurait été pour elle un fardeau déraisonnable d'être obligée d'affaiblir encore davantage ses liens avec la collectivité squamish et avec son mari en s'établissant seule dans un endroit éloigné de la province (Transcription, volume 10, pages 1111 et 1112; Shiels v. Sask. Government Insurance (1988), 20 C.C.E.L. 55 (B.R. Sask.), aux p. 66 et 67.

Si le calcul des gains perdus par Mme Rivers avait été fait sur la base du salaire perdu pour l'un des quatre autres postes, ils auraient donné des résultats bien inférieurs :

Les trois postes à durée déterminée, à compter de la fin de janvier 1987

Si la plaignante avait été embauchée pour l'un de ces postes à durée déterminée et si elle avait travaillé jusqu'en juin 1989, elle aurait gagné 1 500 $ par mois, soit au total pour 28 mois une perte de salaire de 42 000 $ (Transcription, volume 14, de la page 1916, ligne, à la page 1918, ligne 1; pièce HR-2, onglets 5 et 6).

Je le répète, la plaignante a gagné en réalité 47 010,98 $ (48 010,98 $ moins les gains de l'été de 1986, soit 1 000 $) de janvier 1987 à juin 1989.

Comme le salaire de la plaignante durant cette période a dépassé tout montant qu'elle aurait pu réclamer pour la perte de salaire, sa situation financière est meilleure qu'elle ne l'aurait été si l'un de ces emplois lui avait été attribué; elle n'a donc subi aucune perte de salaire au regard de la perte de la possibilité d'être candidate à un concours équitable pour ces trois emplois de durée déterminée.

Le poste de coordinateur des loisirs, à compter de la fin de janvier 1987

Si la plaignante avait été engagée comme coordinatrice des loisirs et si elle avait travaillé jusqu'en juin 1989, elle aurait gagné 25 000 $ par an, soit 2 083,33 $ par mois, pendant 28 mois, ce qui représente 58 333,24 $.

Comme nous l'avons vu, pendant cette période, la plaignante a gagné 47 010,98 $, ce qui représente une perte de salaire de 11 322,26 $ (58 333,24 $ moins 47 010,98 $) imputable à la perte de la possibilité d'être candidate à un concours équitable pour ce poste.

L'INDEMNITÉ POUR PRÉJUDICE MORAL

Conformément à l'alinéa 53(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d'ordonner le versement d'une indemnité pour le préjudice moral subi. Quand on lui a demandé, durant l'interrogatoire principal, quel effet avait eu sur elle la décision

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du conseil de ne pas lui attribuer l'un de ces emplois lors de la réunion tenue le 4 février 1987, elle a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Q. Est-ce que cela vous a affectée, le fait de ne pas obtenir ces emplois et la manière dont vous avez été traitée lors de la réunion du conseil tenue le 4 février?

R. Eh bien, naturellement, c'était évident que j'étais déçue. J'ai perdu un peu confiance en moi. Je voyais mon estime de soi et ma crédibilité, comme qui dirait, attaquées. Comme si je devais réexaminer ma situation; cela a eu un effet qui a duré pendant quelques mois ou peut-être environ huit mois, avant que je ne me reprenne et que je ne me fixe de nouveaux buts (Transcription, volume 3, de la page 174, ligne 22, à la page 175, ligne 5).

Dans l'affaire Morgan c. Forces armées canadiennes (1989) 9 C.H.R.R. D/6386, le Tribunal a accordé au plaignant une indemnité de 1 000 $ pour le préjudice moral subi. A la p. D6403, par. 45272 à 45274, de cette décision, le Tribunal a estimé que le haut de l'échelle, soit la somme de 5 000 $ prévue par la Loi, doit être réservé aux situations les plus graves, lorsque le préjudice moral subi entraîne des manifestations physiques ou mentales de stress. Au surplus, le Tribunal a fait observer que l'indemnité de 1 000 $ aurait été plus basse, n'eût été la longueur de l'intervalle entre les actes discriminatoires (9 ans) et le dépôt de la plainte (6 ans). Je crois que la somme de 1 000 $ aurait été une indemnité convenable pour le préjudice moral subi en l'espèce.

En conséquence, j'aurais accordé une indemnité de 35 989,02 $ pour la perte de salaire subie par Mme Rivers à l'égard de la privation de la possibilité d'être candidate à un concours équitable pour le poste de coordinateur de l'éducation et, en outre, une somme de 1 000 $ pour le préjudice moral subi en l'espèce.

TOUTEFOIS, POUR TOUS LES MOTIFS QUI PRÉCEDENT, JE REJETTE LA PRÉSENTE PLAINTE.

Je suis très reconnaissant aux avocats de leur professionnalisme, de leur compétence et de leur excellente argumentation, puisque l'affaire qu'ils ont eu à organiser et à présenter était très longue et complexe. Je note de plus que dans le cas de Mme Ross, avocate de la CCDP, la tâche a encore été plus difficile du fait que, comme l'atteste le dossier, elle s'est vu confier ce mandat à la toute dernière étape, juste avant le début de l'audience du Tribunal.

FAIT le 2e jour de novembre 1993 à Edmonton (Alberta).

DONALD LEE, c.r., président

J'y souscris.

JILL SANGSTER, membre LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. (1985), chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE

LEONIE RIVERS

la plaignante

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

et

CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE SQUAMISH

l'intimé

OPINION DISSIDENTE DE GULZAR SHIVJI

INTRODUCTION

Leonie Rivers (la plaignante) a déposé auprès de la Commission canadienne des droits de la personne une plainte dans laquelle elle allègue que le conseil de la bande indienne de Squamish (l'intimé) a exercé à son endroit des actes discriminatoires contraires à l'alinéa 7a) et à l'article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La plaignante allègue avoir été victime de discrimination fondée sur sa situation de famille et sur son origine nationale ou ethnique. La plainte initiale de Mme Rivers a été déposée le 7 mai 1987 et a été modifiée par la suite le 25 juin de la même année. Dans cette plainte modifiée, la plaignante soutient que des actes discriminatoires ont été faits à son endroit entre juin 1986 et le début de l'année 1987. Voici les détails complets de la plainte de Mme Rivers :

[TRADUCTION]

En refusant de m'embaucher et en suivant une ligne de conduite qui constitue du népotisme en matière d'emploi, le conseil de la bande indienne de Squamish a fait à mon endroit, en raison de ma situation familiale et de mon origine nationale ou ethnique, des actes discriminatoires, visés par les articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je suis une autochtone. Ma mère appartient à la bande de Gitsegulka, établie au nord de Terrace, en C.-B., où je suis née. En raison de mon lieu de naissance, je suis une Gitksan. En août 1976, j'ai épousé un membre de la bande indienne de Squamish, établie à North Vancouver, en C.-B., où je réside. Je suis donc devenue un membre inscrit de cette bande.

Entre juin et décembre 1986, j'ai postulé cinq emplois offerts par la bande indienne de Squamish : coordinateur de l'éducation (juin 1986), concepteur de programmes d'études (décembre 1986), conseiller d'orientation

1 scolaire et professionnelle (décembre 1986), coordinateur de l'action en faveur des jeunes (décembre 1986) et directeur des loisirs (décembre 1986). Les candidats reçus pour ces postes étaient tous moins qualifiés et moins expérimentés que moi; toutefois, chacun d'eux était parent avec un membre du conseil de bande.

J'ai interjeté appel des décisions relatives à ces postes devant le conseil de la bande indienne de Squamish. Au cours de la discussion au sujet de mon appel, en février 1987, l'un des chefs de la bande a dit ceci :

[TRADUCTION]

nous n'engageons pas seulement des membres de la bande, nous n'engageons que des membres par filiation. Mon appel a été rejeté par la suite en raison de cette ligne de conduite.

NATURE DE L'AUDIENCE

L'audience relative à la présente plainte, qui s'est déroulée à Vancouver, a débuté en novembre 1992 et a duré quatre semaines; l'audition de la preuve a pris fin le 21 juillet 1993. Le Tribunal a ensuite ajourné l'audience jusqu'au 16 septembre, date fixée pour la présentation de la plaidoirie finale des avocats, qui s'est terminée le lendemain. Mme Susan Ross représentait la CCDP, tandis que l'intimé était représenté par M. Rich. Au cours de l'audience, quelque dix-sept personnes ont témoigné devant le Tribunal, dont un expert présenté par la Commission et un autre par l'intimé. La Commission a appelé à la barre le Dr Sheila Robinson, qui est une spécialiste au sujet des groupes autochtones du littoral. Pour sa part, M. David Hughes a témoigné comme témoin expert dans le domaine de la gestion des ressources humaines, ayant des connaissances spécialisées en matière de recrutement et d'embauchage.

Certains des témoins ont semblé un peu évasifs et n'ont pas été tout à fait francs au cours de leur témoignage. Étant donné qu'un délai de quelque cinq à six ans s'est écoulé entre la date à laquelle Mme Rivers s'est plainte pour la première fois et le début de l'audience, plusieurs témoins avaient un souvenir imprécis de l'ordre chronologique des événements qui ont mené à la plainte. Dans l'ensemble, la plaignante se souvenait fort bien des incidents et n'a pas eu trop de mal à présenter sa cause, sauf en ce qui a trait à la divulgation de l'enregistrement sur bande magnétique de la réunion du conseil de bande, qui constituait une preuve essentielle. Cette bande était apparemment demeurée introuvable jusqu'à la deuxième semaine de l'audience, alors que la plaignante avait terminé son témoignage en chef. Le Tribunal a donc dû entendre les arguments des parties à ce sujet et trancher la question. Il a également été appelé à statuer sur l'admissibilité d'une preuve de faits similaires et sur la preuve de témoins qui sont devenus défavorables à la plaignante. Dans tous les cas, notamment en ce qui a trait à l'admissibilité de l'enregistrement sur bande magnétique de la réunion du conseil, les deux avocats ont cité plusieurs décisions et présenté des arguments étoffés avant que le Tribunal ne se prononce.

2

Le Tribunal n'est pas parvenu à rendre une décision unanime au sujet de la plainte en l'espèce. En effet, je ne partage pas l'avis du président et de l'autre membre du Tribunal. Voici donc ma décision minoritaire au sujet de la présente plainte.

LES FAITS A L'ORIGINE DU LITIGE

1. LA PLAIGNANTE

Agée de trente-sept ans, Leonie Rivers est une Gitksan née à Kitwanga, en Colombie-Britannique. Sa mère était membre de la bande de Gitsegukla et était aussi descendante de la famille de la grenouille. Le conseil tribal des Gitksans Wet'suweten se compose de cinq bandes situées entre Terrace et Burns Lake, dont la bande de Kitwanga. Pendant son enfance, Mme Rivers est restée dans la bande et a été élevée par sa mère et sa grand-mère. Elle a ensuite fait ses études secondaires à Prince Rupert. En 1976, elle a épousé Glen Rivers, qui était membre de la bande indienne de Squamish et, par suite de ce mariage, elle est devenue membre de cette bande (membre par alliance). Après s'être jointe à la bande, Mme Rivers a poursuivi ses études tout en travaillant à temps partiel pour la bande. En 1983, elle a obtenu un baccalauréat en éducation de l'université de la Colombie-Britannique, soit une majeure en études canadiennes et une mineure en éducation physique. Mme Rivers s'est également inscrite au programme NITEP (programme d'enseignement aux autochtones) et a obtenu son brevet d'enseignement aux autochtones en mai 1983. En outre, elle a suivi un programme de formation juridique à l'intention des autochtones à l'université de la Saskatchewan, ce qui lui a permis d'être acceptée à la faculté de droit de l'université de la Colombie-Britannique. Elle a également suivi des cours en programmation informatique au BCIT. Sa formation est donc impressionnante et démontre de sa part un grand désir de se perfectionner.

En ce qui a trait à son expérience de travail, Mme Rivers a débuté en 1978-1979, travaillant comme conseillère et enseignante à temps partiel et, plus tard, pendant deux ans, dans le cadre d'un poste à durée déterminée à l'école alternative Ustla-Hahn administrée conjointement par la bande et par un comité consultatif du district scolaire de North Vancouver. Dans le cadre des autres emplois de courte durée et des emplois d'été qu'elle a occupés au sein de la bande, Mme Rivers a été travailleuse des services d'aide à l'enfance et a alors conçu une trousse de projet pilote en arts du langage relativement à la conception de programmes d'études; elle a également été directrice d'études en arts du langage. En outre, Mme Rivers a travaillé comme bénévole pour différentes organisations de la bande. Elle a aussi travaillé bénévolement et dans le cadre d'affectations temporaires pour d'autres organisations autochtones, notamment l'Assemblée des Premières Nations et le B.C. Tribal Council. Elle a obtenu un emploi d'été auprès des United Native Nations et apporté son aide dans le cadre des programmes scolaires adaptés aux besoins

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particuliers des élèves autochtones. Pendant cette période, elle a assisté à des conférences provinciales au nom des United Native Nations.

Mme Rivers a aussi été, pendant cinq mois, directrice administrative intérimaire bénévole du Vancouver Indian Centre, qui s'occupait des services sociaux et des services de logement offerts aux autochtones. A ce titre, elle était chargée de toutes les tâches administratives, de la dotation en personnel et de l'entretien ainsi que de la préparation de rapports et de propositions budgétaires en vue de rembourser un prêt hypothécaire de 1 900 000 $ pour sauver le centre. Mme Rivers a agi comme présidente du conseil d'administration lors de la scission de l'organisation et du conflit opposant les deux groupes qui désiraient s'emparer du contrôle du centre. Il y avait alors un grand remue-ménage au centre et la plaignante a dû apporter un peu de stabilité à l'organisation, qui était ébranlée par une lutte des forces. Étant donné que le centre était affilié à la ville de Vancouver, M. Purdy, du service de l'urbanisme, a témoigné au sujet des liens qu'il entretenait avec Leonie Rivers lorsqu'elle était présidente du centre et a dit que, selon lui, celle-ci s'était montrée une dirigeante impartiale et intelligente qui s'était acquittée de ses responsabilités d'une façon très professionnelle dans des circonstances difficiles. Le centre était déchiré par un conflit, comme l'a mentionné Mme Rivers, qui a ajouté que cette époque a été marquée par de vives accusations de part et d'autre. Interrogée plus à fond au sujet du rôle d'agitatrice qu'elle aurait joué, Mme Rivers a tenu bon et a réussi à contrecarrer les efforts que l'intimé a déployés pour la présenter sous un mauvais jour en faisant témoigner M. Clarke, qui recherchait simplement son intérêt personnel. Mme Rivers s'est tirée indemne de cette attaque vicieuse.

Mme Rivers a travaillé, d'abord à temps partiel, comme enseignante et conseillère au Vancouver Community College, où ses tâches concernaient surtout le programme de formation professionnelle destiné aux autochtones. Plus tard, elle a enseigné aux adultes pendant environ un an. Elle a également travaillé comme assistante à l'enseignement pour le district scolaire de North Vancouver. Elle est devenue enseignante à temps plein et a donné des cours en études amérindiennes aux élèves de quatrième année de cinq écoles élémentaires. Au cours de l'été de 1985, elle a travaillé pour Emploi et Immigration Canada comme agente d'information auprès des jeunes autochtones. Plus tard, elle a travaillé pendant un mois comme adjointe administrative pour Santé et Bien-être social Canada.

Dans le cadre des différents postes qu'elle a occupés avant l'été de 1986, Mme Rivers a été appelée à relever plusieurs défis et à s'acquitter de responsabilités stressantes. Dans l'ensemble, d'après son propre témoignage et certaines lettres de référence, elle n'a jamais vraiment reçu d'évaluation négative dans son travail. En fait, la plupart de ses supérieurs ont été très élogieux à son endroit. Voici ce qu'elle a dit en réponse à une question qui lui a été posée à ce sujet :

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[TRADUCTION]

Q. Dans le cadre des différents postes que vous avez occupés jusqu'en 1986, jusqu'à quel point avez-vous réussi à vous entendre avec vos employeurs?

R. J'avais de bonnes aptitudes interpersonnelles et je m'entendais très bien avec mes superviseurs. Je travaillais de façon efficace. J'ai vraiment travaillé fort à tous les postes que j'ai occupés, parce que je voulais faire bien les choses. Il s'agissait de postes à durée déterminée, mais je savais qu'ils me permettraient peut-être d'obtenir un bon poste plus tard; je pensais donc que je devais faire de mon mieux pour y parvenir.

Cette réponse résume bien les qualités de Mme Rivers. C'est une personne ambitieuse et fonceuse, bien déterminée à atteindre ses objectifs, très persuasive, au point d'avoir été parfois perçue, à tort, comme une personne qui recherche uniquement son intérêt personnel. Cependant, on ne saurait douter de sa volonté absolue de faire de son mieux pour ses gens. Le travail qu'elle a accompli au sein de la bande et d'autres organisations autochtones témoigne de son dévouement sans borne à la cause des autochtones. Elle était présidente de quelques-unes des nombreuses organisations dont elle faisait partie et occupait d'autres postes cadres. Elle a même été la seule femme d'origine autochtone à avoir été choisie comme représentante de la Colombie-Britannique lors de la première Conférence d'étude canadienne du Gouverneur général en 1983. Mme Rivers était donc une personne très compétente. Cependant, en raison de son franc-parler et de sa persistance à voir à ce que les choses se règlent et même à contester les personnes en autorité, elle a été considérée comme une fomentatrice de troubles ou une agitatrice, comme l'a souligné Byron Joseph.

L'INTIMÉ

LA NATION SQUAMISH - STRUCTURE - CONSEIL DE BANDE

En 1987, la bande squamish comptait environ 1 800 membres, dont 8 % n'étaient pas nés squamish, mais sont devenus membres de la bande par suite d'un mariage; les membres par alliance représentaient 13,6 % de la population adulte estimée. La bande se compose de trois grandes réserves situées dans les réserves squamish, soit Pemberton, Capilano et Mission. Elle est administrée par un conseil de bande élu tous les quatre ans. Le conseil compte seize membres et, en 1987, quatre d'entre eux étaient des chefs héréditaires. Le président du conseil, qui est désigné, s'occupe de fixer la date des réunions du conseil et de surveiller les activités de tous les jours. En plus d'élaborer les politiques, le conseil est, dans l'ensemble, l'autorité dirigeante. Un procès-verbal des réunions, qui ont lieu chaque semaine, est rédigé et les débats sont enregistrés sur bande magnétique. L'administrateur de la bande ou le directeur est élu tous les deux ans et est responsable des activités quotidiennes de la nation squamish. L'organisation compte six grands services, soit le développement social, l'éducation, le logement, les loisirs, le développement économique

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et les entreprises commerciales. A l'époque où Mme Rivers a présenté sa candidature à l'égard des différents postes en question, l'administrateur de la bande était M. Bill Williams et le président du conseil, Les Harry. Les postes de président et d'administrateur de la bande étaient dotés de pouvoirs considérables. Comme il désignait les membres des comités de sélection, le conseil de bande était responsable en dernier ressort des emplois au sein de la bande. C'était un organisme qui détenait le pouvoir absolu et que tous les membres respectaient, conscients qu'ils étaient du protocole et peu enclins à contester les chefs ou les autres membres du conseil. Chaque membre du conseil avait droit à une voix et, même si aucun membre n'était plus puissant que les autres, en pratique, les chefs héréditaires étaient tenus en très haute estime. Comme l'a dit Glen Newman lorsqu'il a parlé du chef Norman Joseph au cours de son témoignage :

[TRADUCTION]

Il représente le symbole de notre leadership, de notre culture et de notre identité.

Comme nous l'avons déjà mentionné, l'organisation administrative du conseil de bande comptait environ 125 employés à temps plein et 30 employés à temps partiel. Les possibilités d'emploi au sein de la bande, qui étaient peu nombreuses, étaient très en demande parmi les membres, notamment parce que les salaires étaient exempts d'impôt. Certains employés de l'organisation de la bande étaient des membres par alliance, mais la plupart de ceux-ci occupaient des postes subalternes qu'ils avaient obtenus bien avant la période en question, au cours de laquelle leur statut a certainement changé. Un des membres par alliance qui occupait un poste supérieur était Gloria Wilson, qui avait été engagée à la fin des années 1960, alors que les personnes nées squamish ayant une certaine formation académique et une certaine compétence étaient rares. En 1986, le conseil de bande a adopté son code d'adhésion, qui visait tous les membres nés squamish, y compris les personnes devenues membres par alliance avant l'adoption du projet de loi C-31 et les femmes redevenues membres après avoir perdu leur statut en épousant quelqu'un qui ne faisait pas partie de la bande. Avant l'année 1985, au cours de laquelle le projet de loi C-31 est entré en vigueur, les femmes qui avaient perdu leur statut et tous les droits que la bande leur reconnaissait étaient très amères au sujet de l'injustice de la situation, comme l'a dit Glen Newman, qui était l'administrateur de la bande avant Bill Williams :

[TRADUCTION]

Cette situation a provoqué un grand sentiment d'injustice, non pas une injustice que nous avons créée, mais qui nous a plutôt été imposée par la Loi sur les Indiens (une loi fédérale). Ils ont ainsi déterminé qui était Indien et qui ne l'était pas. On éprouvait du ressentiment à l'endroit des femmes qui étaient devenues membres par alliance et qui bénéficiaient ainsi de tous les droits et avantages des membres, alors que les Indiennes qui représentent le coeur de la culture, qui étaient des nôtres des membres de souche, n'étaient pas autorisées à faire partie de notre bande.

M. Newman a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]

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Il est très difficile pour nos membres de voir qu'on les dépouille de leur culture et qu'on leur impose d'autres gens.

Comme l'a dit Mme Rivers, en 1985-1986, il y avait donc une tension inévitable entre les femmes devenues membres par alliance et les femmes nées squamish qui sont redevenues membres de la bande après l'adoption du projet de loi C-31.

LA CULTURE SQUAMISH

La culture se caractérisait essentiellement par une structure familiale étendue; chaque bande comptait de sept à neuf grandes familles très unies. Tous les membres de la bande étaient très fiers de leur culture; peu parlaient la langue, mais tous tenaient à préserver la culture. Il était donc souhaitable que toute personne désirant obtenir un emploi au sein de la bande connaisse la culture. La connaissance des normes et traditions culturelles ainsi que du protocole était presqu'une condition préalable, comme

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l'a dit Glen Newman :

[TRADUCTION]

Afin de continuer à préserver notre identité, d'enrichir notre culture et de parvenir à l'auto-détermination.

Les Squamish ont des chefs héréditaires qui ont obtenu leurs titres par la filiation; ces chefs sont respectés au sein de la collectivité, comme l'ont souligné Mme Gloria Wilson, M. Newman et Mme Jacobs. Au cours de son témoignage, celle-ci a fait montre d'une grande connaissance et d'un respect inné de sa culture et a dit qu'elle désapprouvait toute contestation de l'autorité du conseil de bande. Elle a été très explicite au sujet des normes de comportement sur le plan culturel. Voici comment elle s'est exprimée au sujet de la conduite des membres de la collectivité :

[TRADUCTION]

Étant donné que je suis née dans une famille issue d'un chef héréditaire, nous devons répondre à des attentes très élevées en ce qui a trait à notre comportement au sein de la collectivité.

LA CULTURE GITKSAN ET SQUAMISH

La plaignante a dit qu'elle est une autochtone d'origine gitksan. Selon Mme Rivers, les Gitksans ont leur propre identité en tant que nation. Dans ce cas, la nation pourrait être définie comme un groupe distinct de personnes qui sont nées dans une certaine région et qui ont des caractéristiques ethniques uniques. La plaignante est née à Kitwanga, au nord de Terrace; Kitwanga fait partie de la nation gitksan. En tant que groupe ethnique distinct, les Gitksans partagent les coutumes, les croyances et les traditions découlant de leur passé commun. En conséquence, aux fins de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le fait que la plaignante est née gitksan indique l'existence d'une différence sur le plan de l'origine nationale ou ethnique par rapport aux personnes qui sont nées squamish.

Pour cette raison, la Commission a demandé au Dr Sheila Robinson de venir témoigner au sujet des différences préhistoriques et historiques entre ces deux nations. Le Dr Robinson a été admise comme témoin expert ayant des connaissances spécialisées dans le domaine de l'anthropologie, de l'archéologie et de l'ethnologie des peuples autochtones du littoral du nord-ouest de l'Amérique du Nord. Elle a témoigné au sujet des principales caractéristiques qui différencient les groupes autochtones sur le plan de leur identité ethnique, de leur affiliation linguistique et d'autres aspects culturels, et a parlé notamment des caractéristiques qui différencient les Gitksans des Squamish. Voici un résumé du témoignage du Dr Robinson à ce sujet :

  1. La nation squamish (géographiquement assimilée à la nation salish du littoral central) et la nation gitksan habitent des territoires très éloignés.
  2. La langue squamish (qui appartient au groupe linguistique du salish du littoral) et la langue gitksan (qui appartient au groupe linguistique tsimshiam) sont tout à fait étrangères et les locuteurs de ces groupes ne se comprennent pas.
  3. Dans leur histoire, les Squamish ont toujours eu une organisation sociale basée sur la filiation indifférenciée, par contraste avec les
  4. 8

    Gitksans, dont la structure est matrilinéaire, ce que D. Jacobs a admis au cours de son témoignage.

  5. Un système particulier de clans et d'emblèmes caractérise l'identité de l'ethnie gitksan (auquel s'ajoute, au dire de Leonie Rivers, l'usage de couvertures à boutons au cours des cérémonies gitksans, par contraste avec les costumes des autres ethnies de culture squamish).
  6. Sur le plan historique et préhistorique, les Squamish et les Gitksans se seraient considérés comme des ethnies absolument distinctes et il est très improbable que les deux nations aient noué des relations d'amitié, voire entretenu quelque relation que ce soit.
  7. Les Squamish sont exogames, c'est-à-dire qu'ils ont tendance à épouser des personnes qui ne font pas partie de leur clan ou de leur collectivité; cependant, cette pratique se limite à épouser des personnes se trouvant dans d'autres villages
  8. 9

    squamish ou d'autres villages salish du littoral situés dans une région géographique assez restreinte.

  9. Même au sein de la nation salish du littoral, les Squamish représentaient une division distincte dont la langue et les coutumes sont sensiblement différentes de celles des autres tribus.
  10. Les différences fondamentales qui existaient entre les groupes indiens autochtones dans le passé sur le plan linguistique et culturel existent encore aujourd'hui, tout comme l'influence et le rôle des familles de chef dans les cultures indiennes autochtones (transcription, vol. 9, p. 983 (Robinson)) :
  11. [TRADUCTION] Oui, je pense que l'une des choses qui n'a pas vraiment beaucoup changé, c'est que les familles de chef, les familles occupant un rang élevé accordent encore beaucoup d'importance à leur patrimoine et à ce qu'elles sont et continuent à jouer un rôle souvent dominant au sein des petites collectivités.

Même s'il y a maintenant des chefs de bande et des conseillers élus, vous constaterez, dans bien des cas, que ce sont les membres de ces anciennes familles de chef qui occupent des postes importants au sein des conseils de bande aujourd'hui.

.....

Nous aimerions cependant mentionner, à ce sujet, que dans bien des cas aujourd'hui, les familles de chef occupent encore un poste de contrôle ou leurs membres font partie du conseil de bande.

Au cours de son témoignage en chef, Mme Rivers a également relevé quelques- unes des différences qui opposent les Gitksans et les Squamish. Elle a dit que les Gitksans cherchaient à promouvoir leurs traditions et leurs coutumes qui, selon elle, n'étaient pas aussi importantes chez les Squamish, de même que leur ethnie, leur religion ainsi que leur langue, qui avait aussi une grande importance. Elle a ajouté que sa culture était caractérisée, en partie, par une éducation de type matrilinéaire et que le rôle des femmes chez les Gitksans était plus important que chez les Squamish, dont la culture était plutôt de type patrilinéaire. Chez les Gitksans, les femmes avaient beaucoup de responsabilités et jouaient des rôles prépondérants.

Mme Rivers soutient qu'elle appartient à une collectivité ethnique ou nationale différente, ce qui est confirmé par le témoignage de l'experte et celui de la plaignante elle-même. Même si l'intimé n'a pas admis directement ces différences ethniques, il n'a pas contesté le témoignage du Dr Robinson. En outre, la plupart des témoins de l'intimé savaient que Mme Rivers était issue d'un clan de type matrilinéaire. En réponse à une question concernant le franc-parler de la plaignante, Mme Jacobs a dit ce qui suit : C'est un comportement qui convient très bien pour sa culture.

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Elle appartient à un peuple matrilinéaire et ce comportement serait perçu différemment.

LA NOTION DE MEMBRE PAR ALLIANCE

Mme Rivers était un membre par alliance de la nation squamish. Selon la Loi sur les Indiens, lorsqu'une femme autochtone épousait un membre de la bande, elle devenait membre de celle-ci en droit et bénéficiait instantanément des avantages et des services offerts à la bande. Toutefois, sur les plans culturel et social, une femme qui devient membre par alliance doit s'adapter à la culture et adopter les normes de comportement appropriées qu'impose habituellement la famille de l'homme qu'elle épouse. Comme l'a dit D. Jacobs au cours de son témoignage, les femmes qui devenaient membres par alliance avaient toute la latitude voulue pour s'adapter et apprendre la culture par l'entremise des membres de leur belle-famille et des autres parents ainsi que par l'entremise des SMA'AS ou de gens connaissant bien la culture. Il incombe à la femme qui épouse un membre de la bande de s'adapter aux normes culturelles. Dans le cas de Mme Rivers, on n'a pas présenté beaucoup de preuve au sujet de la façon dont sa famille l'a orientée à cet égard. Mme Rivers comprenait ce que l'on attendait d'elle comme membre par alliance et a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

vous apprenez leurs valeurs, leur culture et leur mode de vie.

Elle a ajouté :

[TRADUCTION]

J'ai appris beaucoup de choses par moi-même, parce que je m'intéressais à la bande et que je voulais être bien informée à ce sujet. Glen Newman, qui était l'administrateur de la bande avant d'être remplacé par Bill Williams, a dit que Mme Rivers a eu du mal à s'adapter à la collectivité squamish et qu'il l'a aidée à comprendre la culture, notamment en ce qui a trait au rôle des femmes. Il estimait que Mme Rivers devait se sensibiliser et s'adapter à la culture, surtout en ce qui a trait aux gens et aux règles du protocole.

Étant une femme énergique et engagée, toujours prête à se dévouer, Mme Rivers a commencé à participer aux activités de la bande. Elle s'est jointe à des organisations de bénévoles et a présenté des propositions au conseil de bande à l'égard de différents projets, notamment en ce qui a trait au financement de projets comme le tutorat pour les élèves de niveau élémentaire. Elle a également décidé de travailler bénévolement à l'école alternative, comme je l'ai mentionné plus haut. Elle a aussi participé aux assemblées générales de la bande; elle a alors contesté les actions ou les décisions du conseil sur certains points et a exprimé très clairement ses opinions. Elle a dit qu'elle n'avait pas peur de contester des décisions ou des politiques de ceux qui représentaient l'autorité et, dans certains cas, elle est devenue le porte-parole des femmes qui craignaient de parler franchement. Au cours de l'une des assemblées générales, alors que Mme Rivers exprimait son opinion au sujet des questions de logement, on lui a dit qu'elle n'avait pas le droit de parler, parce qu'elle était un membre par alliance. Elle se rappelle qu'on lui a dit que seuls

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les membres nés squamish devraient parler. Elle se souvient également qu'elle a obtenu des excuses par la suite.

POLITIQUES D'EMBAUCHAGE DE LA BANDE

La politique d'embauchage de la bande remonte à 1975, lorsque les membres ont adopté une résolution indiquant que tous les postes devaient être affichés dans la collectivité pour permettre à tous les membres de postuler. Selon la politique du conseil de bande, on devait accorder la préférence aux membres de la bande indienne de Squamish. La majorité des témoins ont dit que cette politique visait tous les membres, notamment les membres par alliance et les membres figurant sur la liste des membres de la bande, ce qui comprenait même les femmes redevenues membres conformément au projet de loi C-31. La plupart des témoins avaient des proches parents qui étaient devenus membres de la bande par suite d'un mariage.

Même si la façon dont ce code d'adhésion a été interprété en pratique est discutable, deux membres importants du conseil de bande étaient d'avis que le code s'appliquait uniquement aux personnes nées squamish. Un de ces membres était le chef héréditaire Norman Joseph, qui estimait qu'il fallait accorder la préférence aux membres nés squamish et qui a recommandé que l'on modifie la politique pour traduire cette priorité, afin de préserver la culture en s'occupant d'abord de nos gens.

Glen Newman, qui était l'administrateur de la bande avant avril 1986, avait déclaré à l'enquêteur de la Commission des droits de la personne qu'il avait également pour principe d'accorder la préférence aux personnes nées squamish lorsqu'il était administrateur de la bande. Au cours de son témoignage, il a dit qu'il désirait accorder cette préférence aux personnes nées squamish car, pour parvenir à l'auto-détermination, il fallait promouvoir et protéger la culture, les normes, les traditions et la langue.

La plupart des témoins ont dit que les opinions de Norman Joseph étaient strictement les siennes et ne traduisaient pas celles du conseil de la bande. Plus précisément, les conseillers qui ont fait partie des jurys de sélection ne partageaient pas l'avis du chef Norm Joseph. La plupart, dont le président du conseil Les Harry, ont dit que les membres de la bande comprenaient les membres par alliance, les personnes redevenues membres selon le projet de loi C-31 et les femmes nées squamish qui revenaient dans la bande.

Apparemment, ces femmes ont exercé des pressions pour obtenir un poste au sein de la bande aux dépens des femmes qui étaient membres par alliance lorsque les emplois dont il est question en l'espèce ont été offerts en 1986.

POLITIQUE CONCERNANT LES CONFLITS D'INTÉRETS

La bande n'avait aucune politique officielle au sujet des conflits d'intérêts. Elle n'avait qu'une ébauche dont aucun témoin n'était vraiment au courant. En réalité, il existait une politique non écrite au sujet de l'embauchage et des questions connexes dans les cas où des parents étaient

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concernés. En raison des liens étendus entre les membres et de ce concept de la famille étendue, ces situations se produisaient fréquemment. Dans la plupart des cas, il appartenait aux membres du conseil ou aux membres du jury de sélection de trancher les conflits d'intérêts et d'agir en conséquence en s'abstenant de participer au débat, à la décision ou au vote. Assez souvent, les liens familiaux se limitaient aux liens de proches parents et les témoins reconnaissaient généralement qu'il suffisait de s'abstenir de voter sur une question donnée pour éviter toute apparence de conflit. M. Harry, président du conseil, a confirmé que la politique informelle sur l'abstention était suffisante et permettait d'éviter tout conflit d'intérêts. Il a ajouté qu'il appartenait aux membres du conseil et des jurys de sélection de décider eux-mêmes s'il y avait lieu de s'abstenir de voter lorsqu'un problème de conflit d'intérêts pouvait se poser.

POSTES POUR LESQUELS MADAME RIVERS A PRÉSENTÉ SA CANDIDATURE

1. COORDINATEUR DE L'ÉDUCATION

Avant l'été de 1986, le service de l'éducation faisait partie du service du développement social, dirigé par Gloria Wilson. A l'époque, Jackie Gonzales était la coordinatrice de l'enseignement à domicile chargée des questions de l'éducation. Lorsqu'on a proposé de scinder le service du développement social, les avis étaient partagés et la question a pris une tournure politique. Jackie Gonzales a démissionné de son poste en mai 1986 et Leonie Rivers l'a remplacée au poste de coordinatrice de l'éducation à titre intérimaire, après avoir été recommandée par Gloria Wilson et engagée par Bill Williams. Elle s'occupait de la gestion, de la coordination, de la conception et de la promotion des programmes de l'éducation auprès des membres de la bande.

Par la suite, conformément à la politique de la bande, le poste a été affiché et les qualités requises qui étaient énoncées dans la description de poste affichée comprenaient ce qui suit :

  1. plusieurs années d'expérience en administration scolaire, en enseignement et en conception de programmes;
  2. un brevet d'enseignement valide, des études ou une expérience de travail connexe et pertinente;
  3. excellentes aptitudes en communication verbale et écrite.

POSTULANTS

Cinq personnes ont présenté leur candidature pour ce poste, mais les trois principaux candidats étaient les suivants :

NOM FORMATION ACADÉMIQUE

  1. Leonie Rivers B. Ed., brevet d'enseignement aux autochtones
  2. 13

  3. Deborah Jacobs Deuxième année d'université
  4. Richard Band Maîtrise en anthropologie

JURY DE SÉLECTION

Le jury de sélection a été nommé par Bill Williams, l'administrateur de la bande, et se composait dudit administrateur ainsi que des conseillers Byron Joseph et Gwen Harry. Aucune de ces trois personnes n'avait de liens familiaux importants avec les trois postulants. Toutefois, deux représentants des élèves qui avaient été choisis par les élèves de niveau postsecondaire avaient des liens de parenté avec l'un des postulants. Bill Williams avait demandé à ces élèves de poser des questions pertinentes, sans toutefois faire montre de parti-pris. A tout événement, ces élèves n'ont pas participé à la sélection du candidat reçu.

ENTREVUES

Chaque membre du jury de sélection a reçu une trousse préparée comprenant une série de questions ainsi que les curriculum vitae des candidats. On n'a pas posé de questions à Mme Rivers au sujet de ses qualités et de son expérience précédente, même si elle s'était préparée à répondre à ce genre de questions. Elle a été intimidée par le langage gestuel de Mme Harry et, de façon générale, elle a eu l'impression que le jury de sélection n'était pas vraiment intéressé à elle et avait déjà arrêté son choix. Comme elle a également constaté que les membres du jury ne prenaient pas tous des notes, elle a eu l'impression qu'il s'agissait d'un simple exercice de forme. [TRADUCTION] J'ai senti que l'entrevue ne visait qu'à sauver les apparences. La présence des deux représentants des élèves et leur lien de parenté avec D. Jacobs n'ont fait qu'accentuer le malaise qu'elle ressentait. En outre, avant qu'elle ne se présente à l'entrevue, l'administrateur de la bande lui avait demandé de prolonger son contrat de deux semaines pour orienter le nouveau coordinateur de l'éducation. Elle a donc eu l'impression qu'on avait déjà décidé d'engager quelqu'un d'autre et que l'entrevue était inutile. Leonie Rivers estimait qu'elle s'était bien présentée dans les circonstances, même si elle était nerveuse et qu'elle se sentait mal à l'aise.

DÉCISION

Les membres du jury de sélection ont choisi le candidat en indiquant leur premier et leur second choix et en en arrivant à un consensus.

Leurs choix initiaux étaient les suivants :

D. JACOBS R. BAND L. RIVERS

GWEN HARRY 2e 1ère BYRON JOSEPH 2e 1ère BILL WILLIAMS 1ère 2e

Compte tenu de cette sélection et des raisons invoquées à l'appui des choix des membres du jury, c'est Deborah Jacobs qui a obtenu le poste, même si

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elle n'était pas aussi qualifiée que Leonie Rivers. Chacun des membres du jury de sélection a invoqué des motifs différents au soutien du choix de Deborah Jacobs. Gwen Harry estimait que Mme Jacobs était sûre d'elle-même, tandis que Bill Williams l'a choisie en raison de son expérience de travail auprès du Secrétariat d'État. Byron Joseph avait d'abord porté son choix sur Leonie mais, lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait soutenu la nomination de Deborah Jacobs, il a dit simplement qu'elle était la personne la plus qualifiée et que le comité avait fait le bon choix.

Compte tenu de ses qualités et de son expérience de travail impressionnante qui ont été décrites plus tôt, la plaignante avait un avantage par rapport aux autres candidats. Richard Band avait un diplôme universitaire, mais c'était un diplôme en anthropologie, tandis que Leonie avait obtenu un diplôme dans le domaine de l'éducation et des études amérindiennes. En outre, Mme Rivers avait même travaillé comme coordinatrice de l'enseignement à domicile à titre intérimaire. Elle avait des aptitudes interpersonnelles comparables et était totalement loyale et dévouée à la cause de la bande, comme l'indiquent les nombreux postes qu'elle a occupés à titre de bénévole ou d'employée temporaire. Gwen Harry a admis que Leonie était compétente, comme l'ont dit Glen Newman et Gloria Wilson, qui lui avaient tous deux donné de bonnes lettres de référence, et elle estimait que Mme Rivers était certainement qualifiée pour le poste, surtout en raison du diplôme universitaire qu'elle avait obtenu en éducation.

Bill Williams, qui avait même demandé à Leonie d'agir comme guide pour orienter le nouveau directeur de l'éducation, a cherché par tous les moyens à justifier son premier choix en la personne de Mme Jacobs, qui ne respectait pas vraiment les exigences fondamentales énoncées dans la description de poste, en soulignant la capacité qu'elle avait de rassembler des fonds. M. Williams a dit que, un mois après l'affichage de la première description de poste, les exigences relatives à ce poste ont été modifiées et la capacité de rassembler des fonds a été ajoutée. Pourtant, ce changement n'a pas été communiqué aux candidats éventuels. En outre, Leonie avait acquis de l'expérience en matière de rassemblement de fonds lorsqu'elle a travaillé au Vancouver Indian Centre, mais elle n'a jamais été interrogée à ce sujet. Lorsqu'il a été interrogé à fond au sujet de cette modification des exigences minimales, Bill Williams n'a pas semblé contrarié par cette mesure apparemment louche, même s'il prétendait faire son travail de façon professionnelle.

Bill Williams a été impressionné par la capacité de rassembler des fonds dont D. Jacobs a fait montre lorsqu'elle a travaillé pour le Secrétariat d'État, alors qu'il s'agissait d'un emploi d'une durée de six mois seulement. Comme elle était l'une des femmes qui avait perdu son statut de membre de la bande avant l'adoption du projet de loi C-31, le rôle que D. Jacobs a joué au sein de la bande avant 1985 ne semble pas aussi important que celui de Leonie Rivers. Tentant de justifier la décision du jury de sélection d'engager D. Jacobs, Bill Williams a mentionné quelques-uns des points négatifs dont il avait entendu parler au sujet de Mme Rivers, notamment sa brusquerie. Gwen Harry a mentionné que Leonie était agressive, mais elle a fourni les clarifications suivantes lorsqu'elle a été interrogée sur cette question :

[TRADUCTION]

Je n'ai pas vraiment

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utilisé le mot agressive avant d'être interrogée à ce sujet dans le cadre de l'enquête de la Commission des droits de la personne.

C'est là une déclaration assez révélatrice qui indique que l'on a tenté par tous les moyens de justifier la décision du jury de sélection de ne pas embaucher Mme Rivers. Bill Williams a dit qu'il ne s'opposait pas personnellement au choix de Mme Rivers, mais il savait qu'elle était brusque. A son avis, Deborah Jacobs avait une formation plus complète, notamment en ce qui a trait aux rapports avec la collectivité, indiquant clairement par là qu'elle était l'une des leurs, liée à eux comme membre par filiation.

Si la compétence dans le domaine de l'enseignement ou le diplôme universitaire n'était pas aussi important que la capacité de rassembler des fonds, il faut se demander pourquoi deux étudiants du collège Cap ont participé à l'entrevue. Mme Jacobs avait mentionné dans sa demande qu'elle n'avait pas d'expérience en enseignement. Toutefois, elle a réussi à obtenir ce poste supérieur, même si elle n'avait pas terminé ses études universitaires, ce qui est encore plus grave.

La preuve du fait que la plaignante a été victime de discrimination paraît fondée à première vue, parce qu'elle était qualifiée pour le poste et qu'elle n'a pas été engagée, tandis que la candidate reçue était moins qualifiée, mais bien connue des membres du jury comme l'une des leurs, puisqu'elle appartenait à la famille Jacobs. A l'appui de sa décision, l'intimé a souligné le franc-parler ainsi que la brusquerie et l'agressivité de Mme Rivers. La Commission a prouvé que ces raisons invoquées n'étaient que des prétextes, car aucun des membres du jury n'a pu justifier son raisonnement à l'aide d'une preuve autre que du ouï-dire. Je suis d'avis que Mme Rivers était effectivement la personne la plus qualifiée pour le poste pour les raisons déjà mentionnées et résumées ci- après.

  1. Elle avait la formation voulue.
  2. Elle avait acquis l'expérience nécessaire pour occuper le poste, notamment une expérience en enseignement et une expérience dans le domaine administratif (expérience qu'elle a acquise lorsqu'elle a travaillé au Vancouver Indian Centre).
  3. Elle avait agi à titre intérimaire comme coordinatrice de l'enseignement à domicile pendant huit semaines et, au cours de cette période, elle avait préparé un rapport détaillé au sujet de la scission du service du développement social et de l'éducation; elle avait présenté ce rapport au conseil de bande et celui-ci l'avait approuvé.
  4. Selon son témoignage, que j'accepte, elle avait les aptitudes interpersonnelles et le caractère voulus, son attitude était bonne et elle était capable de travailler au sein d'une équipe.

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POSTES A DURÉE DÉTERMINÉE

Après la création du service de l'éducation, trois postes à durée déterminée, tous d'une durée de quatre mois, ont été affichés. Il s'agissait des postes de concepteur de programmes d'études, de conseiller d'orientation scolaire et professionnelle et de coordinateur de l'action en faveur des jeunes. La nouvelle coordinatrice de l'éducation, Deborah Jacobs, était chargée de rédiger la description de poste ainsi que les questions de l'entrevue.

Le jury de sélection se composait de Deborah Jacobs, de Gwen Harry et de Byron Joseph et les entrevues devaient avoir lieu en janvier 1987. La plaignante a présenté sa candidature pour les trois postes à durée déterminée et respectait effectivement les exigences minimales de ces trois postes.

a) CONCEPTEUR DE PROGRAMMES D'ÉTUDES

Il s'agissait du premier poste à durée déterminée annoncé et le candidat reçu serait appelé à collaborer avec les professeurs de langue squamish et les conseillers en matière de langue squamish en vue de la recherche et de l'élaboration de matériel et d'activités d'apprentissage à teneur locale visant à compléter le guide du programme d'enseignement de la langue squamish.

Des quatre candidats à ce poste, la plaignante et Lois Guss ont été présélectionnées. Les qualités de la plaignante ont été définies plus haut, mais il convient de souligner à nouveau son expérience dans le domaine de l'enseignement, son brevet d'enseignement aux autochtones et sa participation au projet linguistique. Quant à Mme Guss, elle n'a pas indiqué sa formation académique sur son curriculum vitae, mais elle a souligné sa participation à l'élaboration du programme d'études amérindiennes lorsqu'elle a travaillé dans le district scolaire de North Vancouver ainsi que sa participation à la rédaction d'un chapitre d'un ouvrage concernant les autochtones en 1984.

Mme Rivers avait été avisée des dates possibles de l'entrevue et avait demandé que son entrevue soit fixée au 9 janvier 1987, parce qu'elle avait déjà pris des engagements pour le 12 janvier 1987. Cette demande n'a pas été prise en considération, puisque la plaignante a été avisée, le 8 janvier, que son entrevue aurait lieu le 12 janvier 1987, à 13 h. Mme Rivers avait une autre entrevue d'emploi le 12 janvier et une réunion à Vancouver et elle a tenté, en vain, de fixer une autre date pour l'entrevue. Pensant que son entrevue aurait lieu à 13h30 et craignant d'arriver en retard, la plaignante a téléphoné à Mme Jacobs pour lui demander de reporter l'heure. La secrétaire lui a répondu qu'elle demanderait à Mme Jacobs de l'appeler. Entre-temps, constatant que Mme Rivers ne s'était pas présentée pour son entrevue à 13 h, le jury de sélection a décidé de poursuivre le processus de sélection; il a fait passer une entrevue à Mme Guss et a offert le poste à celle-ci.

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La position que le jury de sélection a adoptée au sujet de cette question du retard n'était certainement pas raisonnable. Mme Rivers avait tenté, deux fois, de faire changer l'heure qui avait été fixée, selon ce qu'elle croyait, à 13h30. En outre, d'autres témoins, comme Linda George et Gloria Wilson, s'étaient montrés conciliants à ce sujet dans certaines circonstances raisonnables. Le jury de sélection a décidé que la plaignante n'était pas suffisamment intéressée à obtenir l'emploi, puisqu'elle était en retard et qu'elle se trouvait apparemment à une autre entrevue d'emploi, ce qui était une position tout à fait déraisonnable de la part du jury. Cependant, cette attitude indique que les membres du jury n'aimaient pas Mme Rivers et qu'ils n'avaient donc nullement l'intention de se montrer conciliants sur ce point.

L'intimé a soulevé certaines questions de crédibilité au sujet de l'heure de l'entrevue et de l'explication que Mme Rivers a fournie pour justifier le retard. L'intimé allègue en effet des divergences entre l'interrogatoire initial de la plaignante qui a eu lieu au début de l'audience et l'enregistrement sur bande magnétique de la réunion du conseil qui a été entendu subséquemment, réunion au cours de laquelle Mme Rivers a mentionné qu'il y avait eu un bouchon sur le pont. Le Tribunal s'est prononcé ainsi au sujet de l'admissibilité de l'enregistrement :

[TRADUCTION]

Le Tribunal a l'intention de restreindre l'utilisation de la transcription mot pour mot de l'enregistrement, parce que nous savons maintenant qu'elle touche la crédibilité de Mme Rivers en ce qui a trait aux déclarations divergentes. Je suis d'avis que, compte tenu du délai de cinq à six ans qui s'est écoulé entre la date de la plainte et celle de l'audience, ces divergences sont inévitables et j'accorde donc peu d'importance à ces questions de manque de crédibilité.

Le fait est que Mme Rivers n'a pas obtenu d'entrevue et il semble que, même si elle avait pu arriver à temps, ses chances d'obtenir l'emploi étaient minces, parce que le jury était plus que convaincu des qualités de Mme Guss. Celle-ci était en effet née squamish et faisait partie d'une famille de chef; elle était la soeur du conseiller Jacobs et la tante de Deborah Jacobs, qui a participé à l'entrevue sans toutefois voter, par respect pour les deux membres du conseil.

Mme Rivers a établi une preuve suffisante à première vue de discrimination, parce qu'elle était qualifiée pour le poste et qu'elle n'a pas obtenu d'entrevue, tandis que Mme Guss n'était pas plus qualifiée qu'elle, mais était bien connue des membres du jury en raison du travail qu'elle avait fait dans le domaine. Mme Rivers était tout aussi qualifiée; cependant, comme elle n'était pas l'une des leurs, son retard n'a pas été excusé. L'intimé lui a plutôt reproché son manque d'intérêt à l'endroit du poste et sa présence à une autre entrevue, mais ces raisons sont devenues un prétexte, car Mme Rivers se cherchait activement un emploi; elle était intéressée à travailler au sein de la bande et il est bien certain qu'elle avait les qualités voulues. Aux yeux des membres du jury de sélection, Mme Rivers avait agi de façon impardonnable en se rendant à une autre entrevue d'emploi et le jury s'est servi de cette excuse pour l'empêcher d'obtenir une entrevue.

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2. CONSEILLER D'ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONNELLE

Il s'agissait du deuxième des postes à durée déterminée en matière d'orientation scolaire et professionnelle destinée aux élèves des niveaux secondaire et postsecondaire. Le candidat reçu devait avoir terminé une douzième année et obtenu un diplôme universitaire ou acquis de l'expérience pertinente. En outre, il devait posséder de très bonnes aptitudes en communications et être dévoué à la cause de l'amélioration de la vie scolaire et sociale des Squamish. Cinq personnes ont présenté leur candidature pour ce poste, dont Richard Band, Carole Newman et la plaignante. Mme Jacobs a présélectionné trois candidats et a exclu la plaignante, même si celle-ci était bel et bien qualifiée, parce qu'elle estimait que les trois autres candidats bénéficiaient d'une grande expérience dans le domaine de la consultation. Pourtant, au cours de l'enquête de la Commission des droits de la personne, Mme Jacobs avait invoqué les motifs suivants à l'appui de sa décision de ne pas présélectionner Mme Rivers :

  1. elle n'avait pas les aptitudes interpersonnelles voulues;
  2. son travail comme enseignante à l'école alternative était moins que satisfaisant;
  3. des plaintes avaient été déposées contre elle au sujet de sa conduite personnelle avec certains élèves;
  4. en ce qui a trait à ses liens avec le Vancouver Indian Centre, elle passait pour une personne très difficile; cet aspect a déjà été commenté dans la partie concernant les activités de Mme Rivers au centre.

Mme Jacobs s'est montrée très souvent évasive au cours de son témoignage concernant les raisons pour lesquelles elle a exclu Mme Rivers et a montré une grande animosité équivalant presque à un préjugé à l'endroit de la plaignante. Mme Jacobs a parlé avec fierté de sa propre culture et de sa situation de famille et a fait allusion à la mauvaise conduite de la plaignante en se fondant simplement sur du ouï-dire, sur des cancans qui remontaient à l'époque où Leonie travaillait à l'école alternative.

[TRADUCTION] C'est quelque chose qui est survenu avant, quelques années auparavant, mais cela indique certainement, encore une fois, la façon dont cette femme se comportait.

En regardant de haut Mme Rivers et en l'attaquant effrontément sur le plan personnel sans même lui donner la chance de réfuter ces allégations d'inconduite sexuelle, Mme Jacobs a affiché son complexe de supériorité. Il est difficile d'accepter une attitude aussi dédaigneuse et arrogante de la part d'une coordinatrice de l'éducation qui prétend être professionnelle. Je suis donc d'avis que Mme Jacobs, comme membre du jury de sélection et comme personne responsable du service de l'éducation, a agi de façon discriminatoire à l'endroit de Mme Rivers en l'excluant de l'entrevue, pour les motifs suivants :

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  1. Non seulement Mme Rivers avait-elle la formation voulue pour ce poste, mais elle bénéficiait aussi d'une grande expérience comme enseignante et conseillère au Vancouver Community College.
  2. Mme Rivers avait de bonnes attitudes interpersonnelles et s'entendait bien avec les élèves.
  3. L'allégation d'inconduite n'a été corroborée par aucun témoin, pas même M. Williams, l'administrateur de la bande, qui a dit que cette allégation était fondée sur de simples rumeurs.

Encore une fois, les raisons exposées par Mme Jacobs étaient de simples excuses et il était tout simplement cruel de sa part d'éliminer Mme Rivers. La décision de Mme Jacobs n'était pas justifiée et il est permis de déduire que les raisons qu'elle a invoquées étaient de simples prétextes pour empêcher Mme Rivers de travailler au sein de la bande, parce qu'elle ne l'aimait pas, étant donné qu'elle n'était pas issue de la culture squamish ou liée à la famille Jacobs. Richard Band, le candidat reçu, avait une très bonne formation, mais il avait peu travaillé au sein de la bande. Toutefois, il était né squamish; en outre, il était le fils adoptif de Teddy Band, qui était le cousin du conseiller Gibby Jacobs et donc le grand-oncle de Deborah Jacobs. Richard Band était en fait le petit-cousin de D. Jacobs. Mme Jacobs a soutenu que de simples cancans à l'endroit de Mme Rivers étaient des facteurs dont elle pouvait tenir compte pour déterminer si la plaignante avait les aptitudes voulues pour obtenir un emploi au sein de la bande. De plus, elle a agi de mauvaise foi en omettant de faire part de ces cancans à Mme Rivers pour permettre à celle- ci de les réfuter. Elle s'est fondée sur du simple ouï-dire et sur des cancans malveillants pour éliminer la plaignante. Au cours de son témoignage en contre-preuve, Mme Rivers a répondu à ces allégations et à ces reproches au sujet de son caractère avec beaucoup de dignité et de conviction.

COORDINATEUR DE L'ACTION EN FAVEUR DES JEUNES

Le titulaire de ce poste était appelé à coordonner et à diriger les programmes d'activités parascolaires ainsi qu'à collaborer avec les représentants de la bande chargés des programmes de loisirs et des programmes de lutte contre l'abus des drogues et de l'alcool. La plaignante faisait partie des postulants, tout comme Carole Newman et d'autres personnes qui ont été engagées comme stagiaires.

Lorsqu'elle s'est présentée à l'entrevue, Mme Rivers portait des jeans griffés et une veste, croyant que c'était là une tenue vestimentaire appropriée pour le poste; cette tenue a déplu à Deborah Jacobs, qui a montré à nouveau son animosité à l'endroit de Mme Rivers. Elle se rappelle que celle-ci s'est présentée les cheveux tout mouillés et qu'elle avait une attitude très cavalière. Encore une fois, Mme Harry a mis Leonie Rivers mal à l'aise, mais elle estimait que celle-ci ne s'en était pas mal tirée à l'entrevue. Toutefois, Leonie était découragée; il s'agissait de sa quatrième entrevue et elle a admis que ce n'était pas une bonne entrevue; elle avait déjà l'impression qu'elle ne réussirait pas :

[TRADUCTION]

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J'avais simplement l'impression que la décision était déjà prise... Je voulais seulement mettre fin à l'entrevue.

Mme Rivers s'est alors sentie systématiquement exclue du processus d'embauchage de la bande.

Selon Mme Jacobs, la candidate reçue, Carole Newman, a été choisie en raison de ses aptitudes et de l'expérience qu'elle avait acquise au Native Education Centre; elle avait aussi apporté un modèle de counselling pour les pairs qui était très impressionnant. Toutefois, elle n'avait aucun diplôme universitaire et l'expérience qu'elle avait acquise au Native Education Centre portait davantage sur des activités visant les adultes. Mme Rivers était qualifiée et elle avait de l'expérience auprès des jeunes autochtones comme enseignante et conseillère à la CEIC et au VCC. Cependant, elle a été médiocre au cours de l'entrevue, ce qui était bien compréhensible, compte tenu de ce qu'elle ressentait. La candidate reçue, Carole Newman, était elle aussi née squamish et avait des liens de parenté avec le conseiller Gibby Jacobs; en fait, Mme Newman était une cousine de celui-ci.

Dans le cas des trois postes à durée déterminée, la preuve de discrimination paraît fondée à première vue, étant donné que la plaignante était qualifiée et n'a pas été engagée, même si elle était tout aussi compétente que les candidats reçus. Ce rejet peut être imputé principalement au mépris dont Mme Jacobs et, dans une moindre mesure, Mme Harry ont fait montre à l'endroit de la personnalité de Mme Rivers, surtout parce qu'elle était un membre par alliance.

DIRECTEUR DES LOISIRS

Le titulaire de ce poste était appelé à élaborer et coordonner un programme de loisirs pour tous les groupes. Deux personnes ont déposé leur candidature pour ce poste, soit Leonie Rivers et Krisandra Jacobs, qui avait obtenu, en avril 1986, un diplôme de monitorat en loisirs communautaires. Mme Rivers avait obtenu une mineure en éducation physique dans le cadre de son baccalauréat en éducation. Le jury de sélection était formé de Bill Williams, l'administrateur de la bande, du conseiller Byron Joseph et de la conseillère Pauline Spence. De l'avis de Mme Rivers, l'entrevue s'était bien déroulée et elle avait de bonnes chances d'obtenir ce poste, parce que son action en matière sociale a eu un impact positif sur certains membres du jury. Toutefois, le poste a été offert à Krisandra Jacobs : comme celle-ci détenait un diplôme, elle a été automatiquement sélectionnée. Cependant, même si Krisandra Jacobs avait la formation académique voulue, elle n'avait pratiquement pas d'expérience. Encore une fois, Mme Rivers a de bons arguments, parce qu'elle était qualifiée, ayant une mineure en éducation physique au sujet de laquelle aucun des membres du jury ne lui a posé de questions. Elle avait enseigné l'éducation physique à l'école alternative et avait organisé des tournois. En fait, selon Mme Pauline Spence, si des fonds avaient été disponibles, elle aurait pu obtenir le poste de directrice adjointe. Tel étant le cas, on aurait dû envisager sérieusement sa candidature pour le poste de directrice. Toutefois, les témoignages de Bill Williams et Pauline Spence

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indiquent une préférence déraisonnable à l'endroit de Krisandra Jacobs, qui était l'une des leurs et avait, elle aussi, des liens de parenté avec le conseiller Gibby Jacobs. Ces personnes n'ont nullement tenté d'obtenir plus de renseignements de Mme Rivers au sujet de sa mineure en éducation physique; encore une fois, elles ne s'intéressaient pas à elle, puisqu'elle n'était pas l'une des leurs. Notons l'emploi du mot automatiquement lorsque la candidature d'un membre de la famille Jacobs est examinée.

L'APPEL

Réunion tenue par le conseil de bande le 4 février 1987

Leonie Rivers avait écrit à Deborah Jacobs, coordinatrice de l'éducation, le 13 janvier 1987, pour lui demander des clarifications au sujet du processus de sélection et pour l'informer qu'elle en appelait de la décision d'engager Mme Guss. Elle avait envoyé une copie de cette lettre aux seize membres du conseil de bande. N'obtenant pas de réponse, elle a réécrit à Mme Jacobs une semaine plus tard. Le 26 janvier 1987, Mme Jacobs a répondu à Mme Rivers que la procédure de sélection était conforme au manuel de la politique du personnel du conseil, que Mme Rivers et bien d'autres personnes ne connaissaient pas. Elle a ajouté que le contrat conclu avec Mme Guss a été signé avec l'assentiment du président du conseil et de l'administrateur de la bande. Mme Rivers n'était pas satisfaite de cette réponse et a donc écrit au président du conseil à ce sujet, demandant la possibilité de s'adresser au conseil au cours de la réunion que celui-ci tiendrait le 4 février 1987.

Avant la réunion du conseil, Leonie Rivers avait parlé à son beau-frère, Frank Rivers, qui était membre du conseil, au sujet du traitement inéquitable dont elle avait fait l'objet. Chaque conseiller avait obtenu des copies de toute la documentation pertinente et, avant de demander des réponses à ses cinq questions, Leonie a demandé qu'un procès-verbal soit dressé mot pour mot.

Les cinq questions que Leonie Rivers avait posées au conseil étaient les suivantes :

  1. Comment le conseil désigne-t-il les membres du jury de sélection, quels sont les critères applicables en matière d'education, d'habitation, de loisirs, etc.?
  2. Le président du conseil, l'administrateur de la bande et le jury de sélection exercent-ils une autorité sur le conseil squamish?
  3. Quelle est la nature du processus ou de la procédure d'appel? Est-ce prévu dans le manuel de la politique?
  4. Le manuel de la politique du personnel du conseil a-t-il été approuvé par l'ensemble des membres, par le conseil de bande et par les chefs de service?
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  6. Si je ne peux pas former un appel devant le conseil squamish, à qui dois-je m'adresser?

Elle a passé en revue les cinq postes pour lesquels elle avait présenté sa candidature, commentant de façon détaillée la question du retard dans le cas du poste de concepteur de programmes d'études. Elle a souligné qu'elle était compétente pour tous ces postes et qu'elle estimait avoir été traitée de façon inéquitable. Bill Williams a répondu de façon détaillée aux questions de la plaignante; Deborah Jacobs a fait de même par la suite et tous deux ont mentionné que la politique du conseil a été respectée en tout temps et que ce sont les postulants les mieux qualifiés qui ont été engagés. Même si Leonie Rivers n'avait pas soulevé la question des liens de parenté, Deborah Jacobs a attaqué elle-même le sujet en se défendant :

[TRADUCTION]

On a soutenu que les personnes engagées avaient des liens de parenté avec moi et je ne conteste pas ça... Étant donné que tout a été fait conformément au manuel de la politique du conseil et que la procédure d'embauchage a été suivie,... il n'y a pas eu de népotisme ni de favoritisme,... les règles ont été suivies à la lettre en tout temps.

Ces commentaires ont été suivis d'une longue discussion, certains conseillers désirant que les politiques concernant les retards et d'autres questions soient énoncées clairement. Fait intéressant à souligner, le conseiller Gibby Jacobs a mentionné la possibilité d'un litige quelconque lorsque Leonie a demandé qu'un procès-verbal soit dressé mot pour mot et ajouté qu'on ne devrait pas lui remettre une copie de ce procès-verbal en pareil cas. Le conseil a formé un sous-comité chargé d'examiner tous les aspects des politiques et des procédures en matière d'embauchage.

Les discussions ont ensuite porté sur les pratiques du conseil en matière d'embauchage, certains ayant exprimé des préoccupations au sujet du fait que Mme Rivers n'avait pas obtenu d'entrevue pour le poste de concepteur de programmes d'études simplement parce qu'elle était en retard. Les membres du conseil qui ne faisaient pas partie des jurys de sélection ont alors profité de l'occasion pour commenter les ambiguïtés du projet de manuel de la politique qu'ils ne connaissaient pas, mais auquel l'administrateur de la bande et la coordinatrice de l'éducation avaient fait allusion. Par conséquent, la motion suivante a été proposée :

[TRADUCTION]

Que le conseil forme un comité du conseil et des membres de la bande chargé de revoir tous les aspects des politiques et des procédures de la bande en matière d'embauchage dans un délai de cinq semaines.

Au cours des discussions, le chef Norman Joseph a formulé des remarques discriminatoires au moins quatre fois, indiquant dès le début que seuls les Indiens nés squamish et non simplement les membres de la bande au sens large devraient se voir accorder la priorité lors du processus d'embauchage; il a même proposé que cette pratique soit intégrée dans le manuel de la politique révisé. Il a ajouté qu'il était heureux que les Jacobs aient été engagés,

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parce qu'ils faisaient partie intégrante de la culture. Ses remarques ont été suivies d'un silence. Personne n'a contesté ou réfuté ces commentaires répétés du chef Norman Joseph ni ne s'y est opposé. A mon avis, il est permis de conclure de ce silence que les membres présents étaient d'accord avec les remarques du chef Norman Joseph. De toute évidence, l'absence de réponse à ces remarques très audacieuses de la part d'un chef héréditaire indique, selon la prépondérance des probabilités, que le conseil de bande partageait les mêmes croyances.

Plus tard, le conseil a confirmé la nomination de Mme Guss comme concepteur de programmes d'études après avoir entendu les commentaires plus qu'élogieux formulés par le frère et la nièce de celle-ci, soit le conseiller G. Jacobs et Deborah Jacobs. Gilbert Jacobs a pleinement participé à cette discussion, même si elle concernait sa soeur et qu'il prétend s'être abstenu de voter au sujet de la proposition visant à confirmer la nomination en question. Certains éléments de preuve indiquent le contraire et il n'est pas certain qu'il soit demeuré aussi impartial qu'il le dit dans cette affaire de conflit d'intérêts. La remarque qui suit est assez révélatrice :

[TRADUCTION]

Je ne fais pas partie du jury de sélection parce que, dans bien des cas, ce sont des membres de ma famille qui sont concernés et je n'ai jamais exercé de pression auprès de l'un ou l'autre des membres du conseil.

Cette déclaration du conseiller G. Jacobs indique l'existence d'une certaine complicité sur toute cette question de trafic d'influence. Si ce n'est pas le cas, pourquoi a-t-il été nécessaire de faire cette remarque alors que la plaignante n'a même pas fait allusion à cette question lorsqu'elle s'est adressée au conseil de bande? On a demandé à Les Harry, le président du conseil, de répondre aux questions de Mme Rivers. Malgré plusieurs rappels, Mme Rivers n'avait toujours pas reçu de réponse. De toute évidence, il faut en conclure que Les Harry ne jugeait pas les préoccupations de Leonie Rivers suffisamment importantes pour y répondre. En outre, Mme Rivers est d'avis qu'elle n'a pas eu une audience impartiale lors de la réunion du conseil de bande, parce que les questions qu'elle a soulevées n'ont pas été examinées de façon spécifique. Ce comportement en soi peut être considéré comme un traitement discriminatoire.

Compte tenu de ces faits et d'autres éléments de preuve circonstancielle indiquant que certaines personnes craignaient un litige et estimaient qu'elles devaient se montrer prudentes dans leurs propos, il semble que l'on ait voulu maquiller la vérité. Comme aucun compte rendu mot pour mot de la réunion n'a été mis à la disposition de Mme Rivers, cette conclusion semble encore plus évidente. En outre, la négligence, l'indifférence ou l'insouciance dont Les Harry a fait montre lorsqu'est venu le temps d'écrire à Mme Rivers ajoute du poids à cette conclusion. La preuve permet de déduire, selon la prépondérance des probabilités, l'existence d'un certain complot, puisque la plaignante était Leonie Rivers, considérée par certains comme une étrangère et une fomentatrice de troubles, qui contestait l'autorité sacrée des membres du conseil et ne respectait pas les règles du protocole.

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Témoignage du chef Norman Joseph

Lorsqu'il a témoigné devant le Tribunal, le chef Norman Joseph a dit qu'il avait été membre du conseil de bande pendant vingt-cinq ans. Il a répété ce qu'il dit toujours, soit qu'il faut accorder la préférence aux personnes nées squamish :

[TRADUCTION]

J'ai été élevé par mon père et ma mère de cette façon et, comme bien d'autres chefs, nous croyons que nous devons d'abord nous occuper de nos propres gens.

En ce qui a trait aux femmes membres par alliance, le chef Norman Joseph a dit qu'elles étaient des membres de la bande, mais qu'elles ne le restaient pas longtemps, parce qu'elles se séparaient et divorçaient très souvent. Lorsqu'on lui a demandé si d'autres conseillers de la bande partageaient ses opinions, le chef Joseph a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

J'imagine que quelques-uns d'entre eux pensent la même chose, mais ils n'en parlent pas, vous savez. Nos avocats sont toujours là, alors ...

Le chef Joseph a ajouté qu'il appartenait à la vieille école de pensée et qu'il était possible que des conseillers plus jeunes pensent différemment. Cependant, il a continué à dire que la plupart des conseillers étaient issus de familles de chef et qu'il y avait de bonnes chances qu'ils partagent les mêmes sentiments. Ce témoignage indique, là encore, que le silence qui a suivi ses remarques était plutôt révélateur, même si toutes les personnes qui ont témoigné et qui ont été interrogées au sujet des opinions du chef Joseph ont dit qu'elles n'étaient pas d'accord avec lui et qu'il parlait pour lui-même. Pourtant, d'après le témoin expert et d'autres personnes, l'influence des chefs au sein de la bande était beaucoup plus importante que ce que ces personnes veulent nous faire croire.

Motifs de discrimination

Leonie Rivers soutient qu'elle a été victime de discrimination, parce qu'on lui a refusé un emploi au sein de la bande indienne de Squamish pour les motifs suivants, contrairement aux articles 7 et 10 de la Loi :

  1. son origine nationale ou ethnique, parce qu'elle est un membre par alliance plutôt qu'un membre né squamish;
  2. sa situation de famille, parce qu'elle n'appartient pas à la famille Jacobs et plus particulièrement parce qu'elle n'est pas un proche parent du conseiller Gilbert Jacobs.

a. Origine nationale ou ethnique

La différence entre les cultures squamish et gitskan a été examinée de façon détaillée. La plaignante était membre par alliance de la bande indienne de Squamish et participait pleinement aux activités de celle-ci.

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Cependant, elle avait son franc-parler et a contesté certaines questions au cours des assemblées générales des membres de la bande. Elle disait ce qu'elle pensait et estimait qu'elle pouvait se faire le porte-parole des autres femmes de la bande. Même si certains témoins, comme la conseillère Linda George et Deborah Jacobs, ont nié cette allégation, Leonie était considérée comme une personne qui disait ce qu'elle pensait et qui croyait pouvoir servir de modèle pour certaines femmes. Comme elle l'a dit elle- même :

[TRADUCTION]

Je n'avais pas peur de contester des décisions ou politiques ou de représenter les groupes de femmes qui craignaient de parler. Les femmes appartenant à sa culture jouaient un rôle plus actif et elle poursuivait simplement cette tradition dans la culture qu'elle avait adoptée.

Cette liberté de pensée et cette autonomie chez les femmes n'étaient pas bien perçues dans la bande squamish, dont la culture était de type patrilinéaire. Ainsi, le chef Joseph a démontré qu'il ne voyait pas d'un bon oeil cette tendance de la part des femmes membres par alliance, parce qu'il n'était pas habitué de voir des femmes dire ce qu'elles pensent. Son père avait été le porte-parole des membres de sa famille, notamment sa mère et ses soeurs, et certaines femmes avaient décidé d'exprimer leurs opinions par l'entremise des aînés. Le chef Norman Joseph a souligné que bon nombre de femmes membres par alliance avaient leur franc-parler :

[TRADUCTION]

Il est plutôt étrange de voir une personne qui n'est pas un Indien se lever et parler et plusieurs personnes agissent ainsi lorsqu'elles épousent quelqu'un de notre bande.

Comme on peut le voir, le témoin considère les membres par alliance comme des personnes qui ne sont pas des Indiens, des étrangers qui ne sont pas nés chez eux et qui ne sont pas des leurs. On peut donc comprendre pourquoi, en 1986, à une époque où les possibilités d'emploi au sein de la bande étaient restreintes, ils avaient tendance à accorder la préférence à leurs propres gens.

Situation de famille

Tarnopolsky et Pentney commentent comme suit l'expression situation de famille, qui n'est pas définie dans la Loi :

[TRADUCTION]

Quant au mot famille, toutefois, les tribunaux de common law s'entendent pour dire qu'il a plusieurs sens, peut viser nombre de relations, peut désigner nombre de choses selon le contexte ou, bien sûr, que sa signification peut varier selon le texte de loi dans lequel il est employé. En revanche, il convient de dire que tous les tribunaux s'accordent pour dire que, bien que dans certains cas, il faille lui donner un sens plus restreint, ce mot s'est toujours entendu de la relation qui découle des liens du mariage, de la consanguinité, de l'adoption légale, y compris, bien sûr, les relations ancestrales, qu'elles soient légitimes, illégitimes ou d'adoption, ainsi que les relations entre époux, frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, oncles ou tantes et neveux ou nièces, cousins,

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etc. (Tarnopolsky et Pentney, jurisprudence de la CCDP, onglet 5).

Le sens des termes situation de famille et état matrimonial employés dans la Loi a été l'objet d'un examen par un tribunal des droits de la personne dans l'affaire Schaap c. Canada (ministère de la Défense nationale) (relative à l'état matrimonial d'un couple hétérosexuel vivant en union de fait). Le Tribunal a jugé que l'expression situation de famille était définie seulement dans deux lois sur les droits de la personne en vigueur au Canada (soit celles de l'Ontario et du Manitoba) et que ces définitions étaient bien différentes l'une de l'autre. Même si la conclusion finale du Tribunal, selon laquelle une union de fait n'est pas visée par l'expression situation de famille, n'a aucun lien avec la présente affaire, les observations qu'il a formulées après avoir pris en considération les propos du professeur Tarnopolsky dans Discrimination and the Law (onglet 5, page 9-3), un certain nombre de précédents et les définitions des dictionnaires sont dignes de mention (p. D/4910) :

Par ailleurs, la signification naturelle et ordinaire de l'expression situation de famille devrait, je pense, englober la relation qui découle des liens du mariage, de la consanguinité, de l'adoption légale, y compris, pour reprendre les termes du Pr Tarnopolsky, les relations ancestrales, qu'elles soient légitimes, illégitimes ou d'adoption, ainsi que les relations entre époux, frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, oncles ou tantes et neveux ou nièces, cousins, etc. Je n'ai trouvé aucun texte faisant autorité qui permettrait d'élargir le sens du mot famille au delà du type de relations décrites ci-dessus. Schaap c. Canada (Forces armées canadiennes) (1988), 9 C.H.R.R. D/4890, infirmé pour d'autres motifs (1988), 56 D.L.R. (4th) 105 (C.A.F.)

Dans le cas des cinq postes que Mme Rivers s'est vu refuser, non seulement les candidats reçus étaient-ils nés squamish, mais ils avaient des liens de parenté avec l'une des familles de chef de la bande, soit la famille Jacobs. Le conseiller Gibby Jacobs faisait partie du conseil de bande depuis 1981 et a occupé des postes importants dans le service de l'habitation : il a été superviseur de l'entretien et, plus tard, il a été promu comme administrateur du service des travaux publics et de l'habitation. Au cours de son témoignage, il a reconnu qu'il était membre des SUYAM, soit une famille de chef. Le titre de chef SUYAM est héréditaire et, dans le cas de la famille Jacobs, contrairement à la tradition selon laquelle le titre est habituellement attribué aux hommes, c'est Lois Gus, la soeur du conseiller Gibby Jacobs, qui a hérité de ce titre.

Le conseiller Jacobs n'était pas membre des jurys de sélection lorsque des personnes ayant un lien de parenté avec lui présentaient leur candidature. Conformément à la politique non écrite, a-t-il dit, il s'abstenait de participer au processus d'embauchage lorsque des proches parents étaient concernés. Il avait dit à peu près la même chose à la réunion que le

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conseil de bande a tenue le 4 février 1987. Pourtant, il n'a pas hésité à participer aux discussions concernant la nomination de sa soeur comme concepteur de programmes d'études, même s'il soutient qu'il s'est abstenu de voter. Cependant, les opinions qu'il a formulées au sujet d'une question qui le concernait de près ont certainement eu un impact sur les personnes présentes et ont sans doute influencé leur jugement.

De la même façon, il n'était pas nécessaire que le conseiller Gibby Jacobs soit membre d'un jury de sélection pour exercer ce type d'influence. La simple existence d'un lien de parenté entre lui et les candidats reçus pourrait être considérée comme un facteur. L'intimé soutient qu'aucune des personnes qui étaient membres de ces jurys de sélection n'avait de liens de parenté avec Gibby Jacobs ou avec les candidats interrogés. En fait, c'est plutôt la plaignante qui avait un lien de parenté avec un membre du jury, soit Byron Joseph, qui était cousin germain de Glen Rivers, l'époux de Leonie. Pourtant, si l'on a fait preuve de népotisme à un moment ou à un autre, ce lien de parenté découlant d'un mariage n'a certainement pas été important, parce que Mme Rivers a été perdante chaque fois. Il faut plutôt s'interroger sur le statut de la famille Jacobs par rapport à celui de la famille Rivers et sur l'influence que chacune d'elles pouvait exercer. Il est vrai que Bill Williams, Gwen Harry et Byron Joseph n'avaient pas de liens de parenté avec les personnes qu'ils ont choisies, mais ils ont engagé des personnes qui étaient non seulement des membres nés squamish, mais aussi des personnes dont les liens avec un membre influent du conseil étaient bien connus. Gibby Jacobs a dit qu'il n'a jamais exercé de pression auprès d'un membre du jury de sélection pour l'inciter à embaucher une personne ayant un lien de parenté avec lui et il est vrai que les membres du jury ont nié toute démarche en ce sens. Cependant, comme ils connaissaient les antécédents familiaux des candidats reçus, les membres du jury de sélection ont peut-être accordé, sans le dire ouvertement, une importance démesurée à ces liens. Il est donc fort possible qu'une certaine forme de népotisme ait été exercée, même si on ne l'a jamais admis, compte tenu du statut de certaines familles au sein de la bande.

Revenons sur le choix de Deborah Jacobs, qui était la nièce de M. Jacobs. Selon les rumeurs qui circulaient avant qu'elle ne soit nommée, elle était la personne que l'on recherchait pour occuper ce poste. Bill Williams a nié ces rumeurs. Cependant, Gloria Wilson, qui était chef du service social et une employée très respectée de la bande, a dit qu'elle n'était nullement surprise que Mme Jacobs ait obtenu le poste :

[TRADUCTION]

Je n'étais pas surprise. On disait que Deborah devrait être la personne toute désignée pour ce poste.

Mme Wilson a ajouté que l'oncle de Mme Jacobs faisait partie du conseil de bande et qu'il avait parlé des qualités que sa nièce avait pour occuper le poste au cours d'une réunion du conseil à laquelle Mme Wilson avait assisté avant la scission de son service. Voici ce que Mme Wilson a dit au sujet de son influence :

[TRADUCTION]

J'imagine qu'il avait beaucoup d'influence, puisqu'il faisait partie du conseil et appartenait à une famille puissante.

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Le témoignage de Mme Wilson n'a pas été contesté ou réfuté par les témoins de l'intimé, sauf par M. Bill Williams, qui a simplement dit qu'aucune rumeur n'avait circulé à ce sujet. Mais la preuve indiquant qu'au cours d'une réunion antérieure du conseil, on avait mentionné que le poste de coordinateur de l'éducation devrait être attribué à Deborah Jacobs n'a nullement été réfutée. Je suis donc d'avis que le témoignage de Mme Wilson est conforme à la vérité. D'abord, Mme Wilson est un membre par alliance qui travaille depuis longtemps pour la bande et était donc très respectée. Elle avait son franc-parler, mais elle ne craignait pas les répercussions pouvant découler de ce qu'elle disait, contrairement à d'autres témoins, qui craignaient de venir témoigner devant une tribune publique.

M. Gibby Jacobs avait donc beaucoup d'influence au sein de la bande. Il se peut que le jury de sélection ait été inconsciemment influencé par lui lorsqu'ils ont choisi Mme Jacobs, qui était aussi une personne née squamish. Mme Wilson a dit en toutes lettres qu'il y avait des liens étroits entre le conseil de bande et le jury de sélection. Ce poste de coordinateur de l'enseignement était très important et le concours s'y rapportant se déroulait dans un contexte politique, puisque certains étaient en faveur de la scission du service social, tandis que d'autres s'y opposaient.

En ce qui a trait aux postes à durée déterminée et à la question de situation de famille, on ne saurait dire encore une fois que l'existence de liens entre les candidats reçus et la famille Jacobs, qui était l'une des sept ou neuf familles importantes de la bande, était une pure coïncidence. Dans le cas des postes à durée déterminée, le jury de sélection était composé de Deborah Jacobs, nouvelle coordinatrice de l'enseignement, Byron Joseph et Gwen Harry. Deborah Jacobs devait préparer les questions de l'entrevue et a effectivement participé à l'ensemble du processus, s'abstenant toutefois de voter. Elle a dit qu'elle ne votait pas, non pas parce qu'elle se préoccupait de l'apparence possible d'un conflit d'intérêts, mais simplement parce qu'elle respectait les deux membres du conseil, qu'elle tenait en très haute estime. Nous voilà donc devant un membre du jury de sélection qui a participé pleinement à l'entrevue et interrogé des personnes ayant des liens de parenté avec elle et aussi avec son oncle Gibby Jacobs. Cette façon de procéder nous incite à nous demander s'il n'y a pas eu de parti-pris non seulement en faveur des personnes nées squamish, mais aussi des parents d'un conseiller influent et de sa nièce, pour qui la participation au processus d'embauchage était tout à fait légitime. Elle a plutôt décidé de s'abstenir de participer au vote, qui était une simple formalité.

La candidate reçue pour le poste de concepteur de programmes d'études a été Lois Guss, qui était la tante de Deborah Jacobs et la soeur du conseiller Gibby Jacobs. Richard Band, qui était le fils adoptif de Teddy Band, lui- même cousin du conseiller Gibby Jacobs, est devenu le nouveau conseiller d'orientation, tandis que Carole Newman, qui était la cousine germaine de Gibby Jacobs, a obtenu le poste de coordinateur de l'action en faveur des jeunes. Quant au dernier poste, celui du directeur des loisirs, c'est Krisandra Jacobs, l'épouse du neveu de Gibby Jacobs, qui l'a obtenu.

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Étant donné que tous les candidats avaient des qualités équivalentes pour occuper les postes pour lesquels ils ont présenté leur candidature, il est allégué qu'il y a certainement eu du favoritisme pendant la démarche. L'importance accordée aux liens de parenté donne à penser qu'il y a peut- être eu parti-pris sous une forme subtile, que l'on pourrait assimiler à du népotisme, compte tenu de la tendance naturelle à favoriser les personnes qui avaient des liens de parenté et à considérer leurs qualités et leurs actions sous un angle favorable. Il y a eu népotisme, parce que des proches parents du candidat reçu ont participé à l'entrevue et à la prise de décision et parce qu'il existait des liens étroits entre les personnes qui ont participé aux entrevues et au processus d'embauchage, les candidats reçus et le conseiller Gilbert Jacobs.

En réponse à l'argument concernant l'existence de liens familiaux étroits, l'intimé a soutenu que la structure familiale de la bande était tellement étendue que chacun avait un lien de parenté quelconque avec l'autre. Au cours de la réunion que le conseil de bande a tenue le 4 février 1987, lorsque Leonie Rivers a exprimé le désir de former un appel, Deborah Jacobs a parlé elle-même du fait que des personnes ayant un lien de parenté avec elle étaient embauchées :

[TRADUCTION]

Je ne nie pas ça. En fait, j'ai des liens de parenté avec chacun des conseillers réunis ici.

D'autres témoins ont aussi parlé de l'étendue des liens de parenté. C'est là, à mon avis, une excuse facile qui ne saurait justifier une conduite nettement empreinte de népotisme et de favoritisme, car il fallait faire une démarcation lorsque les liens étaient étroits. En outre, à l'exception de Mme Jacobs, la plupart des témoins de l'intimé voulaient éviter de se faire accuser de favoritisme et ont décidé eux-mêmes de ne pas participer au processus d'embauchage, lorsque des proches parents étaient concernés. Conscient des liens de parenté entre les étudiants et Deborah Jacobs, M. Bill Williams leur avait demandé de s'en tenir aux questions qu'ils avaient préparées, afin d'éviter tout

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favoritisme dans le processus de sélection du coordinateur de l'éducation. Mmes George et Wilson ont dit toutes deux que, selon la procédure en vigueur dans leurs services, lorsque des proches parents étaient reçus en entrevue, les membres du jury de sélection visés ne participaient pas à l'entrevue afin de ne pas se faire accuser de népotisme. Cependant, cette décision appartenait aux personnes concernées.

LE CHEVAUCHEMENT DES MOTIFS DE DISCRIMINATION

Les motifs de discrimination que la plaignante a invoqués, soit l'origine nationale ou ethnique et la situation de famille, ont été analysés séparément, mais les deux motifs sont étroitement liés et se recoupent. Pour permettre une meilleure compréhension de la plainte, on a invoqué le concept de la multiplicité ou du chevauchement des motifs. Ce concept a été commenté à maintes reprises et a été reconnu très récemment dans le jugement dissident que le juge L'Heureux-Dubé a rendu dans l'affaire Mossop, [1993] 1 RCS, p. 645 : Il est de plus en plus reconnu qu'il peut y avoir chevauchement entre diverses catégories d'actes discriminatoires, et que certaines personnes peuvent être depuis toujours victimes d'exclusion pour un motif fondé à la fois sur la race et le sexe, l'âge et un handicap physique, ou toute autre combinaison d'actes discriminatoires. La situation de personnes qui sont victimes d'actes discriminatoires multiples est particulièrement complexe (Patricia Williams, The Alchemy of Race and Rights (1991); Nitya Duclos, Disappearing Women: Racial Minority Women in Human rights Cases (1992).

Dans le cas de la plaignante Leonie Rivers, il est évident qu'il y a chevauchement entre les deux motifs. Mme Rivers est issue d'un groupe ethnique différent : elle est membre de la bande par alliance, mais elle n'a pas épousé un membre de la famille Jacobs. Elle a épousé un homme appartenant à la famille Rivers et aucun élément de preuve n'a été présenté au sujet du statut de cette famille par rapport à celui de la famille Jacobs. Il se peut que des femmes membres par alliance aient travaillé pour la bande, mais ces femmes ont peut-être épousé un homme faisant partie d'une famille puissante, comme Eva Jacobs l'a fait, et occupaient des postes plus ou moins importants, lesquels étaient peu nombreux et peu fréquents.

LES REGLES DE DROIT GÉNÉRALES

Afin de permettre aux deux parties, la plaignante et l'intimé, de présenter leurs causes de la façon la plus complète qui soit, le Tribunal a lu et entendu chaque élément de la preuve présentée. Ainsi, il a entendu une preuve portant sur des faits similaires avant de se prononcer à ce sujet, il a écouté l'enregistrement sur bande magnétique de la réunion que le conseil a tenue avant d'en permettre la production en preuve et il a écouté chaque argument dans les moindres détails, en plus d'examiner de nombreux documents produits. Il est également reconnu qu'en matière de discrimination, cette marge de manoeuvre est nécessaire, parce qu'il est difficile de prouver la discrimination de façon directe, c'est-à-dire la discrimination ouverte et admise. Dans le cas de Mme Rivers, la preuve indique que l'intimé a agi de façon discriminatoire à l'endroit de la

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plaignante; cette discrimination était subtile, mais elle existait bel et bien, même si l'intimé l'a niée catégoriquement et a tenté de la camoufler sous le couvert de prétextes.

La plaignante soutient qu'elle a été victime de discrimination fondée sur son origine nationale ou ethnique et sur sa situation de famille, contrairement à l'alinéa 7a) et à l'article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dont voici le texte:

3(1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pay des moyens directs ou indirects:

a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;...

10. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, l'association patronale ou l'organisation syndicale: a) de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite;... Je cite les décisions et les ouvrages de doctrine suivants au sujet des règles de droit qui s'appliquent en matière de discrimination.

  1. Proving Discrimination in Canada, B. Vizkelety (1987).
  2. Basi c. Chemins de fer nationaux du Canada (1988), 9 C.H.R.R. D/5029.
  3. Grover c. Conseil national de recherches (1992) T.D. 12/92.
  4. Folch c. Canadian Airlines International (1992) 17, C.H.R.R.

Voici ce qu'on peut lire aux paragraphes 38474 et 38475 de l'affaire Basi :

38474 - Le fardeau et l'ordre de la preuve dans les causes de discrimination pour refus d'embaucher sont des mécanismes d'ores et déjà bien établis dans toutes les provinces canadiennes : le

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plaignant doit d'abord établir que l'acte reproché a toutes les apparences d'un acte discriminatoire; après quoi, il incombe au mis en cause de fournir une explication raisonnable de l'acte qui lui est reproché. En supposant que l'employeur ait fourni une explication, il revient alors au plaignant de démontrer que celle-ci ne constitue qu'un prétexte et que le comportement de l'employeur était effectivement empreint de discrimination.

38475 - Dans la présente cause, il incombe donc au plaignant d'établir d'abord que sa plainte paraît fondée à première vue : Shakes c. Rex Pak Ltée (1982), 3 C.H.R.R. D/1001 à la p. 1002 :

Dans une plainte relative à un emploi, la Commission établit habituellement qu'il s'agit d'une preuve suffisante à première vue, en prouvant :

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  1. que le plaignant avait les qualifications pour l'emploi en cause;
  2. que le plaignant n'a pas été embauché, et
  3. qu'une personne pas mieux qualifiée mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne a obtenu le poste.

Si la Commission réussit à prouver ce qui précède, il incombe alors au mis en cause de fournir une explication des événements qui concourt à établir que la discrimination pour des motifs prohibés par le Code n'est pas la bonne explication aux événements survenus.

(Voir aussi Israeli c. La Commission canadienne des droits de la personne et la Commission de la Fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616)

Dans une enquête fondée sur la Loi, il convient de présenter une preuve indiquant que les personnes qui ont pris la décision contestée ou qui sont responsables du processus décisionnel contesté (Gwen Harry et les autres conseillers de la bande) ont des attitudes discriminatoires et des tendances naturelles à agir de façon discriminatoire et que ces attitudes et tendances ont joué un rôle dans la décision de refuser à la plaignante la possibilité de travailler au sein de la bande. C'est peut-être le seul moyen dont la plaignante dispose pour convaincre le Tribunal que les raisons fournies par l'intimé à l'appui des décisions en question sont des prétextes qui masquent l'attitude discriminatoire des personnes qui ont pris la décision et le rôle de cette discrimination dans la décision.

Almeida c. Chubb Fire Security Division, (1984) 5 C.H.R.R. D/2104 (comm. d'enq. Ont.), à la p. D/2105 (jurisprudence, onglet 10)

Voir aussi l'affaire Basi c. Les chemins de fer nationaux du Canada (no 1) (1988), 9 C.H.R.R. D/5029 (Trib. féd.) (jurisprudence, onglet 11), aux p. D/5038 à D/5040.

[TRADUCTION] La discrimination n'est pas un phénomène qui se manifeste ouvertement, comme on serait porté à le croire. Il est rare en effet qu'on puisse prouver par des preuves directes qu'un acte discriminatoire a été commis intentionnellement. Comme le plaignant dispose rarement de preuves directes dans des causes comme celle-ci, il appartient alors à la Commission d'établir si le plaignant a été ou non en mesure de prouver que l'explication est un prétexte en faisant des déductions à partir de ce qui, le plus souvent, constitue des preuves indirectes.

Dans l'affaire Basi, le président commente le fardeau de la preuve en ce qui a trait à la preuve circonstancielle et cite un extrait de l'ouvrage de B. Vizkelety intitulé Proving Discrimination in Canada (Toronto, Carswell 1987) :

[TRADUCTION]

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On s'entend à peu près à l'unanimité pour dire que la norme habituelle de preuve en matière de discrimination est la preuve selon la prépondérance des probabilités, soit la norme en matière civile. Lorsqu'on présente une preuve circonstancielle, le critère approprié qui serait compatible avec cette norme pourrait être formulé comme suit : une conclusion de discrimination peut être tirée lorsque la preuve présentée à l'appui de cette conclusion rend celle-ci plus probable que les autres conclusions ou hypothèses possibles.

DISCRIMINATION DIRECTE ET INDIRECTE

A l'instar de la Commission, je suis d'avis que la preuve présentée en l'espèce indique, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a eu discrimination directe et indirecte. [TRADUCTION] Il y a discrimination directe lorsqu'un employeur adopte une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction illicite, par exemple : Ici, on n'embauche aucun catholique, aucune femme ni aucun Noir. Dans ce cas, l'expression à première vue pourrait signifier, non pas que la discrimination doit être ouverte ou admise, mais que la règle ou la pratique doit être fondée sur l'un des motifs illicites, ou encore influencée ou directement touchée par celui-ci (Proving Discrimination in Canada, B. Vizkelety, 1987).

Dans le cas qui nous occupe, un des exemples les plus frappants de discrimination directe réside dans les déclarations répétées que le chef héréditaire Norman Joseph a faites lors de la réunion que le conseil de bande a tenue le 4 février 1987 et dans l'absence de réaction des conseillers présents. Les déclarations constituent une preuve directe, tandis que l'absence de réaction des membres pourrait être considérée comme une preuve indirecte ou circonstancielle. A mon avis, c'était davantage une preuve indirecte et, par conséquent, compte tenu du silence qui a suivi les déclarations ou de l'absence de réaction, il est permis de conclure, selon la prépondérance des probabilités, à une certaine complicité entre les membres du conseil de bande.

En ce qui a trait à la discrimination fondée sur la situation de famille, la preuve indique qu'il y a eu discrimination directe, en raison du fait que des proches parents des candidats reçus ont participé à leur embauchage. Ainsi, dans le cas du poste de coordinateur de l'éducation, deux étudiants qui étaient des proches parents de D. Jacobs étaient présents et ont participé à l'entrevue et, même s'ils n'ont pas participé directement à la prise de décision, l'apparence de parti-pris est indéniable. Dans le cas des postes à durée déterminée, D. Jacobs était l'un des trois membres du jury de sélection; elle a même présidé les jurys comme chef du service, tout en ajoutant qu'elle laissait aux deux autres conseillers le soin de prendre la décision, parce qu'elle respectait totalement leur autorité comme membres du conseil. Cependant, elle a participé pleinement à l'entrevue et il est bien certain qu'elle a influencé la décision, même si elle s'est abstenue de voter. Encore là, il est permis de penser que la décision a peut-être été empreinte de parti- pris, parce que chacun des candidats reçus avait des liens de parenté

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étroits avec elle. Quant au conseiller Gibby Jacobs, j'ai déjà parlé de l'influence voilée, mais réelle qu'il a exercée. Enfin, le fait que tous les candidats reçus étaient des personnes nées squamish constitue une autre preuve directe.

Par ailleurs, j'estime que Leonie Rivers a été traitée de façon discriminatoire lors de la réunion que le conseil de bande a tenue le 4 février 1987.

En effet, en raison de l'attitude que certains membres du conseil ont adoptée, Leonie s'est sentie très mal à l'aise, comme si elle était une étrangère. J'insiste sur les propos que le conseiller Gibby Jacobs a formulés au sujet d'un litige quelconque et de la possibilité que le procès-verbal que Mme Rivers a demandé [TRADUCTION] soit utilisé contre nous, membres du conseil et contre les gens de la nation squamish. Pourtant, Mme Rivers est elle-même membre, comme elle l'a soutenu. Frank Rivers, le beau-frère de Mme Rivers, a fait une remarque intéressante à cet égard :

[TRADUCTION]

D'abord, si je reviens sur la question que Gibby a mentionnée, soit la possibilité d'un litige, il est vrai que Leonie est un membre de la bande mais, quant à moi, nous entendons actuellement un appel au sujet de sa demande d'emploi et je ne considère donc pas Leonie comme un membre de la bande à l'heure actuelle. Qui est-elle, une étrangère parce qu'elle est un membre par alliance?

J'estime que D. Jacobs, Pauline Spence et Gwen Harry ont également fait des remarques qui indiquent très bien leur pensée, soit que Leonie n'était pas vraiment l'une des leurs. A leur avis, Leonie n'avait pas à contester leurs décisions et l'autorité du conseil. Ce n'était pas son affaire. Voici ce qu'a dit Deborah Jacobs :

[TRADUCTION]

Je suis vraiment triste aujourd'hui, parce que toute cette question a été présentée à la table du conseil... ce n'est pas là le genre d'activités que nous poursuivons habituellement; nous ne devrions pas avoir à en parler de cette façon.

Quant à Pauline Spence, elle s'est exprimée comme suit :

[TRADUCTION]

Je ne pense pas que cette question aurait dû être présentée à la table... si une personne n'est pas satisfaite de la décision de l'administrateur de la bande, elle devrait agir seule, parce qu'elle perd un temps précieux autrement.

Ainsi, parce que c'est Mme Rivers qui en appelle de la décision, sa démarche devient une perte de temps, puisqu'elle n'a vraiment pas le droit de le faire comme membre de la bande, du moins c'est ce que je conclus. C'est ce qui ressort à mon avis de ces déclarations, qui indiquent que Mme Rivers était considérée comme une étrangère, une fomentatrice de troubles. Mme Spence avait manifesté un peu de jalousie à l'endroit de Mme Rivers, qui avait obtenu un logement sur la réserve même si elle était un membre par alliance.

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Dans l'ensemble, Deborah Jacobs a démontré beaucoup d'animosité à l'endroit de Mme Rivers, animosité qui n'était pas loin d'un préjugé personnel. J'irai plus loin en disant que ce préjugé personnel peut être considéré comme une conduite discriminatoire, comme l'indiquent les déclarations qui ont été faites au cours de la réunion du conseil et l'attitude combative qu'elle a affichée lorsqu'elle a témoigné. Elle s'est montrée évasive et verbeuse, revenant toujours sur son statut élevé et sur la fierté qu'elle avait d'être née squamish et omettant bien souvent de répondre aux questions qui lui étaient posées.

DISCRIMINATION INDIRECTE OU DISCRIMINATION PAR SUITE D'UN EFFET PRÉJUDICIABLE

Ce concept a été défini comme suit dans l'affaire O'Malley c. Simpson Sears Limited :

La discrimination par suite d'un effet préjudiciable se produit lorsqu'un employeur adopte, pour des raisons d'affaires véritables, une règle ou une norme qui est neutre à première vue et qui s'applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d'employés en ce qu'elle leur impose, en raison d'une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d'employés, des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés. Vizkelety, page 53.

Dans le présent litige, il y a eu des incidents de discrimination indirecte. D'abord, la politique de la bande indienne de Squamish qui a été déposée comme pièce HR2, onglet 63, prévoyait ce qui suit :

[TRADUCTION]

On tentera dans la mesure du possible d'engager les nouveaux employés parmi les membres de la bande de Squamish. Chaque témoin interrogé a dit que cette politique s'appliquait sans distinction à tous les membres inscrits, qu'il s'agisse de membres par alliance, de membres nés squamish ou de femmes redevenues membres par suite de l'adoption du projet de loi C-31. Cette politique a été préparée en 1986, mais peu de témoins, y compris la plaignante, en connaissaient l'existence. En réalité, cette norme neutre à laquelle renvoient les mots tous les membres a empêché Mme Rivers d'être choisie pour l'un des cinq postes. En revanche, Mme Jacobs, qui était née squamish, mais qui a épousé un homme ne faisant pas partie de la bande, n'est redevenue membre qu'en 1985, après l'adoption du projet de loi C-31, mais elle a toujours été considérée comme un membre de la bande, même avant l'adoption du projet de loi en question, parce qu'elle était née squamish. Dans le cas de la plaignante, on peut dire que cette politique a joué contre elle, comme membre par alliance, surtout au cours de la période assez tumultueuse qui a suivi l'adoption du projet de loi C-31 en 1985. A mon avis, on a favorisé Mme Jacobs au détriment de Mme Rivers, parce qu'elle était l'une de celles qui sont redevenues officiellement membres de la bande conformément au projet de loi C-31.

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Deuxièmement, Mme Jacobs a fait grand cas de la nécessité de connaître la langue squamish, et encore plus la culture et les normes de comportement implicites. C'était une exigence importante, mais elle avait pour effet de défavoriser Mme Rivers, parce qu'elle était un membre par alliance. Elle a dit qu'elle avait une bonne connaissance de la culture, mais, aux yeux de certaines personnes clés, comme Deborah Jacobs, l'inconduite qu'on lui reproche signifiait le fait de ne pas se comporter comme les Squamish. Cette question, jointe à la première, a donc nui à Mme Rivers, même si celle-ci connaissait assez bien la culture, sans être née squamish. Lorsqu'elle a été interrogée au sujet de sa connaissance de la culture squamish, Mme Rivers a agi honnêtement en évaluant sa connaissance à six sur dix, mais elle jugeait que le fait d'avoir donné des cours en études amérindiennes l'a aidée à se conformer aux exigences culturelles.

Troisièmement, l'effet préjudiciable appert nettement du traitement de toute la question des qualités personnelles, si l'on tient compte encore une fois des deux points susmentionnés. Certaines personnes, notamment Bill Williams, D. Jacobs et Gwen Harry, ont accordé beaucoup d'importance à cette caractéristique aux fins de l'emploi au sein de la bande. Ces personnes savaient que Mme Rivers était brusque et agressive et cela a joué contre elle. En outre, elles la considéraient comme une personne qui avait son franc-parler, ce qui n'a pas amélioré les choses. La plupart de ces témoins ont dit, de différentes façons, qu'un candidat plus approprié serait une personne qui se comporte d'une façon plus conforme aux normes de la culture squamish, notamment dans le cas des femmes. Le sens que le jury de sélection a donné à la norme relative aux qualités personnelles a donc nui à Mme Rivers. Pourtant, il y avait d'autres femmes qui avaient leur franc-parler et qui occupaient un poste au sein de la bande. On a donc accordé une importance exagérée à ce caractère de franc-parler dans le cas de Mme Rivers. Au cours de son témoignage, celle-ci a dit que ses qualités personnelles étaient suffisantes pour tous les postes.

Au cours de sa plaidoirie, Mme Ross a cité l'affaire Thwaites c. Canada (Forces armées canadiennes), [1993] C.H.R.D. no 9, où un tribunal canadien des droits de la personne a récemment suivi le jugement minoritaire que le juge Sopinka a rendu dans l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, notamment les commentaires qu'il a formulés au sujet des motifs pouvant justifier la discrimination directe et indirecte.

Voici ce qu'on peut lire dans cette affaire Thwaites :

Cette analyse nous conduit logiquement à conclure qu'on ne peut établir presque aucune distinction significative entre ce qu'un employeur doit prouver pour se défendre contre une allégation de discrimination directe et ce qu'il doit prouver pour répondre à une allégation de discrimination indirecte. La seule différence est peut-être d'ordre sémantique. Dans les deux cas, l'employeur doit tenir compte de l'individu en cause. Dans le cas de la discrimination directe, l'employeur doit justifier sa règle ou sa pratique en montrant qu'il n'existe pas d'autre solution raisonnable et que la règle ou la pratique est proportionnée au but visé. Dans le cas de la discrimination indirecte, la règle

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neutre n'est pas contestée, mais l'employeur doit tout de même montrer qu'il n'aurait pas pu composer autrement avec l'individu lésé particulièrement par cette règle. Dans les deux cas, que les mots clefs soient autre solution raisonnable, proportionnalité ou accommodement, l'examen a le même objet : l'employeur doit montrer qu'il n'aurait pu prendre aucune autre mesure raisonnable ou pratique pour éviter les conséquences fâcheuses pour l'individu.

L'intimé a décidé de contester le bien-fondé de la plainte. Il n'a pas cherché à invoquer l'une ou l'autre des exceptions énoncées à l'article 15 de la Loi, notamment la défense EPJ dont il est fait

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mention à l'alinéa 15a). Il n'a pas allégué non plus qu'il ne pouvait raisonnablement composer avec les personnes lésées par une règle créant de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable (règle selon laquelle les personnes, du moins les femmes, qui veulent obtenir un emploi au sein de la bande ne doivent pas avoir leur franc-parler, laquelle règle nuit aux candidates qui sont membres par alliance, qui sont par ailleurs qualifiées et dont la culture les autorise et les encourage à parler plus librement, à se montrer plus directes et à s'exprimer avec assurance).

Loi canadienne sur les droits de la personne, art. 15 TR., p. 23, l.24 (remarques préliminaires de la Commission).

En conséquence, il n'y a aucun élément de preuve indiquant, en ce qui a trait à la discrimination directe à l'encontre des femmes membres par alliance, que la politique en question était une politique justifiable fondée sur une pratique commerciale logique, reconnue et raisonnablement nécessaire pour assurer l'efficacité et la rentabilité des emplois. Dans le cas de la discrimination indirecte, la preuve n'indique nullement qu'un accommodement des différences perçues sur le plan du mode de communication des membres par alliance et celui des femmes nées squamish aurait causé un préjudice quelconque à l'intimé.

En d'autres termes, l'intimé n'a pas soutenu, au cours de la présentation de sa défense, que la discrimination reprochée par la plaignante était justifiée, mais plutôt qu'elle n'existait pas.

PREUVE SUFFISANTE A PREMIERE VUE

Après avoir examiné et analysé toute la preuve et appliqué les critères énoncés dans l'arrêt Basi, je suis d'avis que Mme Rivers a présenté une preuve satisfaisante à première vue du fait que l'intimé a commis des actes discriminatoires à son endroit en matière d'emploi.

D'abord, en ce qui a trait au motif de la situation de famille, la preuve indique clairement que les candidats reçus étaient tous des proches parents de Deborah Jacobs et du conseiller Gibby Jacobs, ce qui était encore plus important. Les faits permettent de conclure de façon raisonnable que l'intimé a adopté une attitude empreinte de parti-pris équivalant à du népotisme, laquelle attitude constitue une preuve suffisante à première vue de la discrimination. La défense de l'intimé a porté sur les liens étendus entre les membres de la bande : apparemment, chacun avait un lien de parenté quelconque avec l'autre. A ce sujet, la plaignante a démontré que les liens de parenté étroits ont joué un rôle important dans la prise des décisions et que les motifs invoqués étaient de simples prétextes.

En ce qui a trait à la discrimination fondée sur l'origine nationale ou ethnique, il est clair, d'après la preuve déjà analysée en profondeur, que la plaignante a été victime de discrimination dans le cas des cinq postes pour lesquels elle a présenté sa candidature.

  1. Mme Rivers était nettement qualifiée pour tous les postes, tant sur le plan de sa formation que de son expérience. Elle respectait également
  2. 40

    les exigences liées aux aptitudes interpersonnelles et aux aptitudes de communication verbale et écrite.

  3. Sa candidature n'a été retenue pour aucun des postes.
  4. Dans les cinq cas, elle était tout aussi qualifiée que le candidat reçu; en fait, dans presque tous les cas, elle était même plus qualifiée. Cependant, sa candidature n'a pas été retenue, parce qu'elle n'était pas née squamish et qu'elle n'était pas membre de la famille Jacobs.

La plaignante a prouvé les trois éléments, de sorte que l'intimé devait fournir une explication à l'appui de sa décision de ne pas l'embaucher. L'intimé a présenté une preuve des raisons non discriminatoires pour lesquelles il a refusé d'employer la plaignante, soit le fait que celle-ci avait son franc-parler et qu'elle était brusque et agressive. Il appert de la version des témoins de l'intimé qu'ils ont eu du mal à justifier les raisons qui les ont incités à ne pas offrir d'emploi à Mme Rivers à l'intérieur de la bande. Ils ont insisté sur les aspects négatifs de son caractère en se fondant sur du ouï-dire et sur le rôle antérieur que Mme Rivers a joué au sein de la bande à une époque qui ne correspondait pas nécessairement à la période dont il est question en l'espèce, soit les années 1986-1987. L'intimé a même fait témoigner un ex-employé du Vancouver Indian Centre, qui recherchait simplement son intérêt personnel et a contesté verbalement l'intégrité et l'honnêteté de Mme Rivers. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, elle a tenu bon. A mon avis, pour tenter de justifier sa décision de ne pas offrir d'emploi à la plaignante, l'intimé a dû avoir songer à une défense de cette nature et la mettre en relief après coup.

La plaignante a prouvé que les motifs invoqués étaient de simples prétextes et qu'elle a été victime de discrimination parce qu'elle n'était pas née squamish, mais simplement membre par alliance de la bande. Elle s'est donc acquittée du fardeau de la preuve qui pesait sur elle et a présenté une preuve satisfaisante à première vue du fait que l'intimé, le conseil de la bande indienne de Squamish, a commis des actes discriminatoires à son endroit, contrairement à l'article 7 de la LCDP. Les explications que l'intimé a données pour justifier le traitement discriminatoire ne me semblent pas dignes de foi et constituent, à mon avis, de simples prétextes.

AUTRES QUESTIONS

1. LE TÉMOIN EXPERT DE L'INTIMÉ

Je partage l'avis de Mme Ross au sujet de son évaluation de David Hughes, le témoin expert de l'intimé. Le témoignage de M. Hughes n'a aucunement appuyé les allégations de l'intimé; M. Hughes a même confirmé que les méthodes et les critères que la bande appliquait dans ses pratiques d'embauchage (notamment quant à la participation au processus de sélection de personnes qui sont des proches parents des

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candidats et quant aux facteurs dont Mme Jacobs a tenu compte) ne sauraient être considérés comme des méthodes de recrutement et d'embauchage valables.

2. DÉCISIONS DU TRIBUNAL

a) PREUVE DE FAITS SIMILAIRES

La Commission a présenté une preuve de faits similaires à l'appui de la plainte. Trois femmes membres par alliance ont été appelées comme témoins. Cependant, avant de les écouter, le Tribunal devait d'abord déterminer s'il y avait lieu d'entendre leur témoignage avant de se prononcer sur l'admissibilité de la preuve de faits similaires. Un certain nombre d'arrêts ont été cités et l'avocate de la Commission, rappelant au Tribunal que les audiences tenues devant un tribunal des droits de la personne étaient plus larges et que des facteurs différents s'appliquaient, lui a demandé d'entendre la preuve avant de se prononcer sur l'admissibilité. Après la présentation d'arguments étoffés de la part des deux avocats, le Tribunal a décidé d'entendre les témoins d'abord et de se prononcer ensuite sur l'admissibilité de la preuve.

Après le témoignage de ces trois personnes, qui ont témoigné pour la Commission, les avocats ont présenté des observations écrites pendant la pause entre les audiences. Encore là, les deux avocats ont cité de la jurisprudence au sujet de la question de l'admissibilité de cette preuve et l'avocate de la Commission, se fondant sur la valeur probante du témoignage d'Amelia Joseph, de Theresa Newman et de Gloria Wilson au sujet de faits similaires, a soutenu qu'il était équitable d'admettre cette preuve car, en raison du lien établi, la valeur probante était beaucoup plus importante que l'effet préjudiciable de cette preuve. Quant à l'intimé, il a soutenu que le témoignage de ces trois personnes au sujet de la preuve de faits similaires avait peu de valeur probante et que les liens entre cette preuve et la plainte en l'espèce n'étaient pas suffisamment importants pour rendre cette preuve admissible; en fait, l'admission de cette preuve nuirait même à l'intimé.

Avant d'en arriver à sa décision, le Tribunal a lu les arrêts cités ainsi que les extraits pertinents de l'ouvrage de Sopinka, Lederman et Bryant intitulé The Law of Evidence in Canada et soupesé les deux arguments. Le Tribunal a conclu qu'il n'y avait aucun lien entre la plainte en l'espèce et les témoignages en question, notamment les témoignages concernant l'expérience de deux des membres par alliance, soit Amelia Joseph et Terri Newman, et a donc rejeté cette preuve. Le témoignage de Mme Gloria Wilson a toutefois été admis, parce qu'il portait, non pas sur des faits similaires, mais sur des renseignements plus pertinents.

b) TÉMOIN DÉFAVORABLE

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Un important témoin de la Commission a changé sa version au sujet d'une question majeure et on a relevé des contradictions entre ses déclarations initiales et son témoignage en chef. Le témoin en question était Glen Newman, l'ancien administrateur de la bande avant mars 1986, et son témoignage était donc important. M. Newman avait remis à l'enquêteur de la Commission des droits de la personne une déclaration dans laquelle il avait indiqué en toutes lettres sa position au sujet de l'embauchage de personnes nées squamish. Voici ce qu'il a alors déclaré :

[TRADUCTION]

Lorsque j'étais administrateur de la bande, je donnais la préférence d'abord aux personnes d'origine squamish, puis aux autres membres de la bande. Il avait signé cette déclaration et l'avait remise le 3 mars 1988. A la barre des témoins, il a changé sa version et a dit qu'en matière d'embauchage, il accordait la priorité aux membres de la bande au sens de la Loi sur les Indiens. Cette déclaration a été comparée à celle que M. Newman avait faite antérieurement et l'avocate de la Commission a demandé au Tribunal de déclarer que M. Newman était un témoin dont les intérêts allaient à l'encontre de ceux de la Commission et de la plaignante, en raison des déclarations contradictoires en question. En réponse à l'argument de l'avocat de l'intimé au sujet de la pertinence du témoignage de M. Newman, l'avocate de la Commission a dit que M. Newman avait été administrateur de la bande jusqu'en avril 1986 et que l'un des postes pour lesquels Mme Rivers avait présenté sa candidature avait été offert en mai 1986; l'époque était donc à peu près la même. Mme Ross a invoqué l'article 9 de la Loi sur la preuve. Le Tribunal a décidé que ce témoin était défavorable, parce que sa déclaration écrite était contraire à celle qu'il avait faite sous serment. Le Tribunal a ensuite permis que l'on contre- interroge le témoin. Le contre-interrogatoire a indiqué que ce témoin avait changé sa version, parce qu'il craignait que sa candidature ne soit pas examinée en vue d'un poste au sein de la bande s'il continuait à dire qu'il accordait la préférence aux personnes nées squamish. M. Newman n'était pas d'accord avec ce type de questions, mais la preuve indique, selon la prépondérance des probabilités, que ses chances d'obtenir le poste d'ombudsman étaient compromises. Certains témoins, surtout M. Newman et M. Dick Williams, ont semblé troublés par le fait que la plainte était entendue devant une tribune publique, ce qui représentait un affront à leur culture, celle d'un peuple fier et très uni.

L'ENREGISTREMENT SUR BANDE MAGNÉTIQUE ET LA TRANSCRIPTION MOT POUR MOT DES DÉBATS DE LA RÉUNION DU CONSEIL DE BANDE

Lorsqu'elle avait présenté son appel devant le conseil de bande en février 1987, Mme Rivers avait demandé une copie mot pour mot des débats. Cette demande n'a pas été accordée, sauf en ce qui a trait à un extrait du procès-verbal, qui a été déposé en preuve. Cet extrait était incomplet et aucune des remarques du chef Norman Joseph n'y figurait. En fait, l'avocat de l'intimé à l'époque, M. Campbell, avait écrit à Mme Penny Goldrick, agente des droits de la personne, le 2 juin 1989, pour lui dire qu'il lui envoyait l'extrait, qui représentait un compte rendu mot pour mot de la réunion du conseil, et c'est ce procès-verbal que Mme Rivers a reçu avant

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de se présenter à la barre. Cependant, on ne saurait comparer ce procès- verbal avec la transcription mot pour mot des débats de la réunion. Dans sa lettre, M. Campbell fait allusion aux commentaires que le chef Norman Joseph aurait formulés, mais, étrangement, ces commentaires ne figuraient pas sur le document. Curieusement, on avait aussi perdu l'enregistrement sur bande magnétique.

Au cours de la deuxième semaine de l'audience, alors que Mme Rivers avait terminé son témoignage, M. Rich a mis la main sur cet enregistrement mystérieux. Après la présentation d'arguments étoffés, compte tenu du fait que l'enregistrement constituait un élément de preuve et devrait être jugé admissible, on s'est entendu pour que Mme Rivers et l'avocate de la Commission écoutent l'enregistrement et relisent toute la transcription qui était alors préparée par le personnel de M. Rich, avant que le Tribunal ne les admette en preuve.

Après la reprise de l'audience en juillet 1993, les parties étaient prêtes et l'intimé a indiqué, au cours de ses remarques préliminaires, que l'enregistrement serait présenté par l'entremise de M. Les Harry, président du conseil de bande. L'enregistrement a été entendu en présence de M. Harry et les deux avocats ont invoqué des arguments détaillés à ce sujet. Mme Ross a cité de la jurisprudence indiquant la nécessité d'éviter de causer un préjudice à la plaignante, qui n'a été mise au courant de l'existence de cet enregistrement et de la transcription qu'après avoir témoigné, ce qui était indépendant de la volonté des personnes concernées. Cependant, Mme Rivers a été mise dans l'embarras et on ne pouvait pas remédier entièrement à cette situation en lui permettant de témoigner en contre-preuve. L'avocate de la Commission était fort préoccupée par la façon dont la cause se déroulait et par le traitement inéquitable dont la plaignante faisait l'objet et a cité des arrêts, comme Browne c. Dunn et Yonsset v. Cross, où il a été décidé que la règle d'équité devait être respectée. Reconnaissant la grande importance de l'enregistrement, Mme Ross, l'avocate de la Commission, a dit que même si elle s'était opposée initialement à l'admissibilité de cet enregistrement, Mme Rivers et la Commission pourraient l'accepter, pourvu que cette preuve ne soit pas utilisée de façon à nuire à la plaignante. Cependant, les doutes et les préoccupations concernant le moment auquel l'intimé a présenté l'enregistrement existaient encore, sans qu'il n'y ait eu calomnie de la part de l'avocate qui les a formulés.

En réponse aux arguments de Mme Ross, M. Rich a présenté une cause tout aussi détaillée ainsi que de la jurisprudence, insistant sur la nécessité d'accorder la priorité à la vérité plutôt qu'à la procédure et répétant que cette preuve ne devrait pas être exclue, la plaignante ayant la possibilité de présenter une contre-preuve. Interrogé au sujet de la disparition de l'enregistrement, M. Harry, le président du conseil de bande, a dit qu'on l'avait égaré dans le bureau du secrétaire et que, jusqu'en décembre 1992, tout ce qu'ils avaient, c'étaient les extraits remis à l'enquêteur en 1989.

Après avoir entendu l'enregistrement, les arguments étoffés et le témoignage de M. Harry au sujet du fait que l'enregistrement est demeuré introuvable jusqu'au début de décembre 1992, le Tribunal en est arrivé à une décision qui n'était pas facile à prendre. Sans blâmer M. Rich, l'avocat actuel de l'intimé, au sujet de la disparition de l'enregistrement, le président a reproché à M. Campbell de ne pas avoir

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compris que le document envoyé comme compte rendu mot pour mot à l'enquêteur de la Commission n'était qu'un extrait. Le président a dit en toutes lettres que le conseil de la bande indienne de Squamish était responsable en dernier ressort des fausses déclarations et des autres questions liées à la transcription mot pour mot et à la perte de l'enregistrement, puisqu'il était tenu de fournir tout le matériel pertinent conformément aux règles de preuve et de procédure. Citant la décision rendue par la Chambre des lords britannique dans Browne v. Dunn, un arrêt clé sur cette question, ainsi que d'autres décisions connexes touchant, notamment, le plaidoyer équitable et l'attaque de la crédibilité d'un témoin, le Tribunal s'est demandé si Mme Rivers a été lésée parce qu'elle n'a pas eu la transcription de l'enregistrement devant elle pendant son contre-interrogatoire. Dans l'affaire Machado v. Berlet, les questions liées à l'attaque de la crédibilité des témoins ainsi qu'aux recours dont ceux-ci disposaient pour des raisons d'équité ont été commentées. Ce qu'il faut retenir surtout en l'espèce, c'est le fait que l'enregistrement et la transcription constituaient un élément de preuve et, en toute équité pour Mme Rivers, il fallait tenir compte de la possibilité qu'on cherche à attaquer sa crédibilité en comparant cette preuve avec des déclarations antérieures incompatibles. Le président a répondu comme suit aux préoccupations que Mme Ross a exprimées à ce sujet :

[TRADUCTION]

Le Tribunal a l'intention de restreindre l'utilisation de la transcription mot pour mot, parce que nous savons qu'elle touche la crédibilité du témoin Leonie Rivers. Cette décision a été prise pour des raisons d'équité à l'endroit de la plaignante et visait à la protéger, puisque Mme Rivers a été privée de ces documents lorsqu'elle a préparé ses notes et sa cause.

Le Tribunal a donc admis l'enregistrement et la transcription en preuve, sous réserve de la restriction susmentionnée au sujet des déclarations antérieures incompatibles que Mme Rivers aurait faites au cours de son témoignage en chef et de son contre-interrogatoire. En outre, l'intimé, qui devait être tenu responsable de cette contravention initiale aux règles de communication de la preuve, quelle qu'en soit la raison, ne pourrait en tirer aucun avantage. On a offert à Mme Rivers la possibilité de témoigner en contre-preuve, si elle le désirait, mais le président a répété [TRADUCTION] qu'aucune déclaration incompatible ne sera présentée et aucune attaque de la crédibilité du témoin par suite de l'utilisation de la transcription ne sera faite.

C'était là une décision très difficile à prendre, parce que cette question n'a pas vraiment été examinée par les tribunaux. En admettant l'enregistrement en preuve, il fallait tenir pleinement compte des intérêts de Mme Rivers et éviter par tous les moyens de lui nuire. Le Tribunal a rendu cette décision après avoir cité plusieurs arrêts.

Lorsqu'on examine toutes ces décisions du Tribunal, notamment celles qui concernent la preuve de faits similaires, le témoin défavorable et surtout l'admissibilité de l'enregistrement, on peut voir que Mme Rivers a été légèrement désavantagée. La preuve de faits similaires n'a pas été admise, M. Newman est devenu un témoin défavorable et l'enregistrement a été divulgué bien après le témoignage en chef de la plaignante. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, on a tout fait pour être équitable dans les

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circonstances. Malgré ces situations éprouvantes et problématiques, Mme Rivers a tenu bon et, à mon avis, elle a quand même réussi à faire la preuve de ce qu'elle avançait. Lorsqu'on ajoute la démarche suivie par l'intimé pour la présentation de l'enregistrement au problème de discrimination dont Leonie Rivers a été victime lorsqu'elle a présenté sa candidature aux différents postes en question, il devient manifeste que le conseil de la bande indienne de Squamish s'est conduit de façon répréhensible et doit être tenu responsable selon les règles de la responsabilité du fait d'autrui. Les jurys de sélection, qui étaient composés de membres du conseil, n'étaient que de simples représentants de celui-ci, un prolongement de son autorité et, comme l'a dit Mme Jacobs, les décisions en matière d'embauchage étaient prises, en pratique, uniquement par ces conseillers et, à toutes fins utiles, par le conseil de bande. S'il faut imputer une responsabilité ou formuler des reproches au sujet de toute la démarche, c'est le conseil de bande qu'il faut pointer du doigt, puisqu'il représentait l'autorité ultime, et les règles de la responsabilité du fait d'autrui s'appliquent à lui.

Les membres du conseil de bande et des jurys de sélection ont agi de façon concertée pour empêcher Mme Rivers d'obtenir un emploi à l'intérieur de la bande. Ils méritent d'être réprimandés pour la façon dont ils ont agi lors de la divulgation tardive de l'enregistrement. Tout effort visant à attaquer la crédibilité de Mme Rivers est annulé par l'irresponsabilité du conseil de bande et par son insouciance au sujet de la disparition de l'enregistrement.

CONCLUSION

Mme Leonie Rivers a donc réussi à prouver le bien-fondé de la plainte qu'elle a formulée contre le conseil de la bande indienne de Squamish. Elle l'a fait malgré un contre-interrogatoire des plus serrés et éprouvants, que ce soit pendant la preuve principale ou la contre-preuve, et elle s'en est très bien tirée, même si les questions qui lui étaient posées étaient difficiles.

Enfin, j'aimerais dire un mot ou deux au sujet du préjudice moral que Mme Rivers a subi par suite de ce traitement inéquitable et du sentiment de rejet et d'exclusion qu'elle a éprouvé. D'abord, elle a cessé de présenter sa candidature pour d'autres postes. Elle était déçue et son assurance et son amour-propre ont été ébranlés. Elle a dit qu'elle se sentait isolée, mais non frappée d'ostracisme. Elle a cessé de participer aux activités de la bande, parce qu'elle ne voulait pas être considérée comme une fomentatrice de troubles. Elle a tenté de se trouver un emploi en dehors de la bande.

A mon avis, en raison de son dévouement, de son instruction et de son sens de l'engagement, son départ a été une perte pour la bande indienne de Squamish. En outre, elle a dit que sa vie personnelle a été touchée par cette expérience qu'elle a vécue avec le conseil de bande :

[TRADUCTION]

L'expérience que j'ai vécue lors de la réunion du conseil de bande a eu des répercussions sur ma vie privée et

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c'est l'une des principales raisons pour lesquelles j'ai quitté la réserve.

Mme Rivers a donc été blessée par cette discrimination dont elle a été victime en sa qualité de membre par alliance. J'estime qu'elle devrait obtenir des dommages-intérêts en raison du préjudice moral qu'elle a subi.

Fait le 10 novembre 1993

GULZAR SHIVJI, MEMBRE

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