Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

CORRINE MCADAM

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

première nation de big river

l'intimée

DÉCISION

2009 TCDP 2
2009/01/13

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

I. QUEL TYPE D'ACTES DISCRIMINATOIRES EST ALLÉGUÉ DANS LA PLAINTE? 2

II. QUEL EST LE FONDEMENT DE LA PLAINTE EN MATIÈRE DE DISCRIMINATION DE CORRINE PORTANT SUR SA SITUATION DE FAMILLE ?

III. QUEL EST LE FONDEMENT DE LA PLAINTE DE DISCRIMINATION DE CORRINE AU SUJET DE LA DÉFICIENCE ?

IV. QUELS SONT LES PRINCIPES DE DROIT APPLICABLES EN L'ESPÈCE?

V. QUELS SONT LES INCIDENTS DE DISCRIMINATION ALLÉGUÉS?

A. Refus de lui accorder un logement

B. Expulsion du fils de Corrine, Darrell McAdam, de sa maison

C. Refus d'accorder des fonds pour l'éducation

D. L'octroi par la Bande d'une allocation d'études complétées réduite

E. Le défaut d'effectuer des rénovations adéquates dans la maison de Corrine

F. Le refus d'accorder des fonds d'urgence

G. Le refus de financer des soins holistiques pour le fils de Corrine, Francis

H. Le refus d'offrir un service de taxi à la fille de Corrine, Angela

I. Le fait que Sylvia s'est vue retirer la garde de ses enfants

J. Le refus de rembourser les frais de funérailles de Francis

K. Le refus de donner des coupons de lait à Angela

L. La saisie du salaire de Corrine pour le paiement du loyer du Teacherage no 4

M. Le débranchement de l'approvisionnement en électricité de la maison de Corrine en octobre 2004

VI. Conclusion

[1] La plaignante, Corrine McAdam (Corrine), est membre de la Première nation de Big River, qui est située à environ 120 km au nord ouest de Prince Albert, près de Debden, en Saskatchewan. Dans sa plainte (qu'elle a déposée à la Commission canadienne des droits de la personne le 11 mai 2004), elle soutient que [TRADUCTION] le chef de la Bande de Big River, le Conseil et les membres de leur personnel ont fait preuve de discrimination envers elle fondée sur la déficience et sur la situation de famille lorsqu'ils lui ont fourni des services. Comme un bon nombre des personnes impliquées en l'espèce ont les mêmes noms de famille, dans la présente décision, je ferai référence à certaines personnes, y compris la plaignante, par leurs prénoms.

[2] Au début de l'audition de la plainte, Corrine a précisé qu'elle présentait sa plainte contre la Bande de la Première nation de Big River (la Bande) et non contre certains membres en particulier du Conseil de bande ou du personnel de la Bande. J'ai accepté cette précision, puisqu'elle concordait avec le contexte des allégations présentées dans sa plainte ainsi qu'avec le [TRADUCTION] résumé de la plainte que la Commission a préparé et annexé à la plainte de Corrine lorsqu'elle a été traitée. Le résumé de la plainte indique clairement que le nom de l'intimée est [TRADUCTION] la Première nation de Big River.

[3] Corrine n'était pas représentée par un avocat à l'audience et la Commission a choisi de ne pas participer. La Bande était représentée par un avocat. Comme c'est parfois le cas de plaignants agissant pour leur propre compte, Corrine ne connaissait pas bien les procédures du Tribunal et la présentation de sa preuve lui a posé certaines difficultés. Au début de l'audience, je lui ai précisé comment présenter sa preuve et ses observations. Cependant, il n'est pas surprenant qu'il y ait eu un certain manque de continuité dans la façon dont elle a présenté sa preuve. Il convient de noter qu'aucune preuve n'a été présentée à l'audience au sujet de plusieurs des incidents que Corrine avait mentionnés dans sa plainte en matière de droits de la personne.

I. QUEL TYPE D'ACTES DISCRIMINATOIRES EST ALLÉGUÉ DANS LA PLAINTE?

[4] Corrine n'a pas précisé dans sa plainte quels articles de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) la Bande avait censément violés. Cependant, comme je l'ai mentionné plus tôt, la Commission a préparé un [TRADUCTION] résumé de la plainte, qu'elle a annexé au formulaire de plainte de Corrine. Le résumé faisait partie des documents de plainte qui ont été envoyés au Tribunal lorsque la Commission a renvoyé la plainte pour instruction. Le résumé de la plainte précise que l'article 5 est la disposition de la Loi applicable en l'espèce. L'article 5 traite des actes discriminatoires portant sur la fourniture de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public.

II. QUEL EST LE FONDEMENT DE LA PLAINTE EN MATIÈRE DE DISCRIMINATION DE CORRINE PORTANT SUR SA SITUATION DE FAMILLE?

[5] Comme je l'ai mentionné plus tôt, Corrine soulève deux motifs de discrimination, sa situation de famille et la déficience, qui nécessitent tous deux une discussion préliminaire. D'après l'article 3 de la LCDP, la situation de famille est un motif de distinction illicite. Corrine soutient qu'elle et sa famille ont été victimes de discrimination de la part de la Bande simplement parce qu'ils sont membres d'une certaine famille. Elle est la fille de Francis McAdam (Francis père) et de Juliette McAdam, née Whitefish ou SeSeWaHum (Juliette). L'arrière grand père de Corrine, le chef SeSeWaHum, était le chef héréditaire de la Bande (aussi connue sous le nom de Bande Kenemotayo) lorsque la Bande a signé le traité no 6 en 1878. Le traité a entraîné l'établissement de la réserve de la Première nation de Big River. Francis et Juliette sont tous les deux descendants du chef SeSeWaHum.

[6] Juliette a témoigné qu'un certain nombre de familles qui habitent dans la réserve aujourd'hui peuvent retracer leurs ancêtres jusqu'aux signataires originaux du traité no 6, y compris les familles McAdam, Whitefish, Smallboy, Netmaker et quelques autres. Elle a aussi témoigné qu'à un certain moment après la signature du traité, le chef SeSeWaHum a accepté de permettre à un certain nombre d'autres familles de collectivités avoisinantes de s'intégrer dans le [TRADUCTION] clan par [TRADUCTION] compassion. D'après Juliette, ces personnes étaient des [TRADUCTION] indigents. Ces familles ont notamment pour nom Morin, Dreaver et Lachance.

[7] La direction de la Bande a été passée du chef SeSeWaHum à d'autres membres du clan qui avaient les mêmes liens de sang pendant quelques générations, conformément à la coutume de la Bande. Cependant, à un certain moment (qui n'a pas été précisé dans la preuve), l'administration de la Bande est passée à un conseil de bande élu constitué d'un chef et de conseillers, conformément à la Loi sur les Indiens, L.R.C., 1985, ch. I 5. Corrine et Juliette McAdam soutiennent que la Bande compte moins de membres dont les ancêtres étaient signataires du traité que de membres dont les ancêtres n'étaient pas signataires et que, par conséquent, le Conseil est contrôlé par ce dernier groupe. Bruce Morin est chef depuis octobre 1999. Juliette a témoigné qu'elle considère que le chef et tous les conseillers actuels de bande sont des [TRADUCTION] immigrants indigents, parce qu'ils sont les descendants de familles que son grand père, le chef SeSeWaHum, a accueillies dans le clan plusieurs générations auparavant.

[8] C'est dans ce contexte que Corrine présente sa plainte. Elle soutient que la Bande lui a refusé des services en raison de sa situation de famille parce qu'elle est une McAdam/Whitefish (c. à d. parce qu'elle est la fille de Francis père et de Juliette). Cependant, Corrine a reconnu que l'animosité dont sa famille et elle ont été victimes est aussi liée au fait qu'elle, sa mère et son père sont des membres de la collectivité qui expriment ouvertement leur opinion. Ils se sont tous les trois fréquemment opposés à des mesures et à des décisions prises par le Conseil de bande au cours des années.

III. QUEL EST LE FONDEMENT DE LA PLAINTE DE DISCRIMINATION DE CORRINE AU SUJET DE LA DÉFICIENCE?

[9] À la première page de son formulaire de plainte, Corrine a écrit les mots [TRADUCTION] situation de famille et [TRADUCTION] déficience sur une partie de la feuille qui, hormis ces mots, était vierge, sans donner d'autres explications. Je suppose qu'elle présentait des allégations de discrimination fondée sur ces deux motifs de discrimination illicite, au sens de l'article 3 de la Loi. Cependant, je note que dans le résumé de plainte de la Commission, que j'ai mentionné plus tôt, le seul [TRADUCTION] motif pertinent de discrimination illicite inscrit est la [TRADUCTION] situation de famille. La déficience n'est pas mentionnée.

[10] Dans ses observations finales, Corrine semble soutenir que la déficience a été un facteur dans le prétendu refus d'aide financière visant à lui permettre d'accompagner son fils lorsqu'il a été hospitalisé à Saskatoon. Cependant, cet incident n'est pas lié à une déficience dont elle souffrirait. Elle n'a présenté aucune autre observation au sujet de sa plainte de discrimination fondée sur la déficience. De toute façon, j'examinerai sa plainte de discrimination fondée sur la déficience seulement en ce qui a trait à l'incident portant sur le prétendu refus d'aide financière.

IV. QUELS SONT LES PRINCIPES DE DROIT APPLICABLES EN L'ESPÈCE?

[11] L'article 5 de la Loi prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public, d'en priver un individu ou de le défavoriser à l'occasion de leur fourniture :

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

  1. to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or
  2. to differentiate adversely in relation to any individual, on a prohibited ground of discrimination.

5. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public :

  1. d'en priver un individu;
  2. de le défavoriser à l'occasion de leur fourniture.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, la situation de famille et la déficience sont des motifs de distinction illicite (article 3).

[12] Le premier fardeau revient au plaignant, qui doit établir une preuve prima facie qu'il y a eu discrimination (Comm. ont. des droits de la personne c. Simpsons Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 ( O'Malley )). La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l'absence de réplique de la partie intimée. Lorsque le plaignant a établi une preuve prima facie, il revient à l'intimé de fournir une explication raisonnable pour justifier la pratique qui autrement serait discriminatoire. Si l'intimé fournit une explication raisonnable au sujet du comportement par ailleurs discriminatoire, le plaignant doit alors démontrer que l'explication ne constitue qu'un prétexte et que les actes de l'intimé ont été réellement motivés par des considérations discriminatoires.

V. QUELS SONT LES INCIDENTS DE DISCRIMINATION ALLÉGUÉS?

[13] Corrine a présenté une quantité importante de preuves en l'espèce. Afin de rendre une décision cohérente, j'ai séparé et analysé la preuve portant sur chacune des questions ou chacun des incidents qui constituent censément de la discrimination mentionnés dans sa plainte. Cependant, j'ai aussi examiné chacune des allégations dans le contexte de la preuve dans sa totalité afin de déterminer s'il est possible de conclure qu'il y a eu discrimination.

[14] Au passage, je note que la Bande ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si chacun des actes discriminatoires est réellement visé par l'article 5 de la Loi (c. à d. un acte discriminatoire dans la fourniture de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public).

[15] De toute façon, j'ai conclu que la plainte en matière de discrimination de Corrine n'est pas justifiée pour les motifs suivants.

A. Refus de lui accorder un logement

[16] L'allégation principale dans la plainte de Corrine porte sur le prétendu refus de la Bande d'accorder, à elle et à sa famille, un logement. Corrine a 43 ans. Elle a été élevée dans la réserve de la Première nation de Big River. Elle est la mère de cinq enfants, dont deux sont malheureusement morts. Elle soutient qu'elle a commencé à demander à la Bande un logement à la naissance de son premier enfant en 1982. Elle n'a pas obtenu de maison avant août 2001. Il s'agit d'une vieille maison dans une section de la réserve connue sous le nom de Teacherages. Elle n'a jamais obtenu de nouvelle maison.

[17] L'attribution d'une maison dans la réserve relevait, par le passé, des responsabilités du gouvernement du Canada (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, aussi connu sous le nom d'Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC)). Les décisions étaient prises aux bureaux de l'AINC à Shelbrook (Saskatchewan). À un certain moment, ces tâches ont été transférées au Conseil de bande, mais le gouvernement continue de financer la construction de nouvelles maisons. Tom Bear, un conseiller actuel de la Bande qui a servi au conseil de façon intermittente depuis 1979, a témoigné que la Bande recevait auparavant un financement de l'AINC qui lui permettait de construire huit à douze maisons par année. Aujourd'hui, le financement n'est suffisant que pour la construction de deux ou trois maisons par année. Cependant, en 2007, la Bande a réussi à obtenir un prêt spécial de la banque qui lui a permis de construire et d'attribuer 36 nouvelles maisons.

[18] Corrine soutient qu'elle n'a jamais obtenu de nouvelle maison. Elle fait valoir que sa situation de famille était un facteur dans ce prétendu refus de lui accorder une nouvelle maison.

[19] Bien que la Bande nie les allégations de Corrine au sujet des actes discriminatoires dans l'attribution de maisons, elle soutient que sa décision au sujet de l'attribution de maisons se trouve à l'abri de l'application de la LCDP en vertu de l'article 67, qui prévoit :

67. Nothing in this Act affects any provision of the Indian Act or any provision made under or pursuant to that Act.

67. La présente loi est sans effet sur la Loi sur les Indiens et sur les dispositions prises en vertu de cette loi.

[20] La Première nation de Big River est une bande au sens de la Loi sur les Indiens. Pour se prévaloir de l'article 67, une bande doit démontrer que les articles de la LCDP qui sont appliqués dans l'instruction d'une plainte par le Tribunal toucheront une disposition de la Loi sur les Indiens ou une disposition prise en vertu de cette loi. En l'espèce, la Bande soutient que l'article 20 de la Loi sur les Indiens serait touché directement par les allégations d'actes discriminatoires soulevées par Corrine concernant l'attribution de logement, c. à d. le prétendu refus de la Bande de lui accorder une nouvelle maison ou une meilleure maison. Le paragraphe 20(1) prévoit :

20. (1) No Indian is lawfully in possession of land in reserve unless, with the approval of the Minister [of Indian Affairs and Northern Development], possession of the land has been allotted to him by the council of the band.

20. (1) Un Indien n'est légalement en possession d'une terre dans une réserve que si, avec l'approbation du ministre [des Affaires indiennes et du Nord canadien], possession de la terre lui a été accordée par le conseil de la bande.

[21] La même question a été tranchée dans l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Conseil de la bande de Gordon, [2001] 1 C.F. 124 (C.A.F.). La plaignante était une Indienne inscrite qui habitait dans la réserve de la Première nation de Gordon avec son époux qui n'était pas Indien. Sa demande de logement auprès de la bande avait été rejetée et elle avait présenté une plainte de discrimination fondée sur le sexe et la situation de famille. L'intimée avait invoqué l'article 67 en défense, comme la Bande l'a fait en l'espèce. La Cour d'appel fédérale a souscrit à la conclusion du Tribunal selon laquelle il n'avait pas compétence pour entendre l'affaire, parce que la décision de la bande dans cette affaire était expressément autorisée en vertu de l'article 20 de la Loi sur les Indiens. La Cour d'appel a ajouté que le pouvoir conféré par l'article 20 comprenait aussi implicitement la décision de ne pas accorder de logement. La Cour d'appel a conclu qu'il s'ensuit que l'article 67 de la LCDP empêchait le Tribunal d'accorder une réparation à la plaignante.

[22] Je ne vois aucune distinction entre l'affaire Gordon et l'affaire en l'espèce. Corrine a mentionné que, dans l'affaire Gordon, la bande avait une politique en matière de logement, alors qu'en l'espèce, la preuve démontre qu'aucune politique officielle de logement n'existe. Lorsque les conseillers de la Bande se réunissent pour examiner les nombreuses demandes de logement qui sont présentées chaque année, ils prennent leurs décisions en fonction de leur propre compréhension des besoins et de la situation de chaque demandeur. La collectivité est relativement petite et la Bande soutient que les conseillers ont, par conséquent, une bonne connaissance de la situation particulière de chaque demandeur et qu'ils n'ont donc aucune difficulté à prendre de telles décisions.

[23] Je ne crois pas que l'absence d'une politique en matière de logement à la réserve de la Première nation de Big River soit suffisante pour créer une distinction entre l'affaire en l'espèce et l'affaire Gordon. L'article 20 de la Loi sur les Indiens ne précise pas que la Bande doit adopter une politique officielle ou écrite en matière de logement. Corrine a présenté quelques preuves laissant entendre que la Bande avait déjà reçu du financement du gouvernement afin de préparer une politique officielle en matière de logement, mais que la Bande ne l'a jamais fait. Cependant, même s'il existait une exigence procédurale selon laquelle une politique doit être adoptée, dans l'affaire Gordon, la Cour d'appel a conclu au paragraphe 30 que les vices de procédure ne l'empêchent pas de conclure que les décisions en matière d'attribution de logement comme telles font partie des pouvoirs que le législateur a expressément conférés aux conseils de bande en vertu de l'article 20 de la Loi sur les Indiens. De plus, comme la Cour d'appel l'a noté dans le même paragraphe, l'immunité que l'article 67 donne au conseil de bande ne dépend pas de la question de savoir si à certains égards, le processus décisionnel était fondé sur une politique de logement.

[24] Par conséquent, je conclus qu'en vertu de l'article 67, la Bande est à l'abri des allégations dans la plainte en matière de droits de la personne de Corrine qui portent sur des actes discriminatoires en matière d'attribution de logement.

B. Expulsion du fils de Corrine, Darrell McAdam, de sa maison

[25] Comme je l'ai mentionné plus tôt, la Bande a donné à Corrine une vieille maison en août 2001. Il s'agit d'une maison détachée située dans une zone connue sous le nom de Teacherages, qui se trouve à côté de l'école secondaire de la réserve (Se Se Wa Hum School). La région est constituée de maisons qui ont été construites il y a des dizaines d'années pour héberger les professeurs qui travaillaient à l'école. Beaucoup de ces maisons ne sont plus occupées par des professeurs, alors la Bande les a attribuées à des membres de la Bande. Corrine habite dans l'unité connue sous le nom de Teacherage no 4.

[26] Darrell McAdam (Darrell) est l'un des fils de Corrine. Il a habité avec elle au Teacherage no 4 de 2001 jusqu'à 2007. Le 20 janvier 2004, l'administrateur et gestionnaire de la Bande, Derek Klein, a envoyé une lettre à Darrell. L'objet de la lettre était : [TRADUCTION] Expulsion du Teacherage - PNBR [Première nation de Big River]. La lettre se lisait comme suit :

[TRADUCTION]

Monsieur McAdam,

Vous avez reçu de nombreux avertissements au sujet des fêtes et de la circulation abondante à votre résidence, qui dérangent les voisins. Vous n'avez pas respecté ces avertissements, donc la présente servira d'avis d'expulsion.

Nous vous demandons de quitter le Teacherage au plus tard le lundi 26 janvier 2004.

Veuillez agréer, Monsieur McAdam, mes salutations distinguées.
[signé]
Derek R. Klein

[27] Darrell avait 21 ans à l'époque. Corrine n'habitait pas régulièrement à la maison pendant cette époque. Son autre fils, Francis McAdam (Francis) (qui est maintenant décédé), souffrait d'une déficience et il recevait des soins à une unité pour les maladies chroniques à Saskatoon. Son état a commencé à s'aggraver en 2003, alors Corrine passait beaucoup de temps avec lui à Saskatoon.

[28] Darrell a reconnu dans son témoignage qu'il avait un problème de consommation de drogues et d'alcool depuis qu'il était adolescent. Il a aussi reconnu qu'avant de recevoir la lettre, il buvait beaucoup à la maison et qu'il y organisait beaucoup de fêtes. Il a nié avoir reçu la visite de responsables de la Bande ou avoir été averti au sujet du tapage avant de recevoir la lettre d'expulsion. Il a témoigné qu'il n'a pas montré la lettre à sa mère et qu'il ne l'en a pas avisée. Il a décidé de ne pas en tenir compte et il a continué à habiter dans la maison. Il a aussi témoigné que, le 26 janvier 2004 (quelques jours seulement après qu'il eut reçu la lettre), M. Klein est entré dans la maison sans être invité, avec un autre membre de la collectivité, et il a dit à Darrell qu'il devait quitter la maison. Darrell n'a pas donné plus de précisions au sujet de l'incident dans son témoignage, mais le reste de sa preuve semble démontrer qu'il n'a pas respecté la demande de M. Klein et qu'il a continué à habiter au Teacherage no 4.

[29] Le 8 avril 2004, M. Klein a envoyé une autre lettre à Darrell, lui demandant de quitter la maison de Corrine :

[TRADUCTION]

Monsieur McAdam,

Vous avez reçu de nombreux avertissements au sujet des fêtes et de la circulation abondante à votre résidence, qui dérangent les voisins. Vous n'avez pas respecté ces avertissements, donc la présente servira d'avis d'expulsion. Vous devez quitter la résidence immédiatement. La semaine prochaine, vous pourrez communiquer avec la GRC et Jack Rabbitskin pour ramasser vos effets personnels.

Veuillez agréer, Monsieur McAdam, mes salutations distinguées.

[signé]
Derek R. Klein
Administrateur de la Bande

[30] La lettre a été livrée en personne à Darrell à la maison par deux employés de la Bande (Leo Jack et Harvey Netmaker), qui étaient accompagnés par un agent de la GRC. Corrine se trouvait à Saskatoon à l'époque. M. Netmaker a témoigné que Darrell ne semblait pas surpris lorsqu'il a reçu la lettre et qu'il a coopéré. M. Jack a donné comme instruction à M. Netmaker de changer les serrures de la maison. M. Jack, qui est le coordonnateur du logement de la Bande, a pris les nouvelles clés. Les visiteurs n'ont enlevé aucun des biens de Darrell de la maison. Darrell est parti et il s'est rendu chez sa grand mère Juliette.

[31] La preuve présentée au sujet de ce qui s'est passé pendant les jours suivants était, malheureusement, quelque peu décousue. Juliette a témoigné que Darrell lui a montré la lettre d'expulsion du 8 avril. Elle lui a conseillé de ne pas en tenir compte et d'attendre. Quant à elle, Corrine a eu connaissance de l'incident alors qu'elle se trouvait toujours à Saskatoon. Elle a téléphoné au chef Morin, qui l'a avisée que seul Darrell avait été expulsé et qu'il n'y aurait aucun problème lorsque Corrine reviendrait à la maison. Le 10 avril, elle est retournée à la réserve et elle est rentrée à la maison avec Darrell. La preuve ne démontre pas clairement si les portes de la maison avaient été verrouillées après que la Bande ait changé les serrures et, si c'est le cas, la preuve n'indique pas comment Corrine et Darrell ont réussi à entrer.

[32] De toute façon, peu après l'arrivée de Corrine à la maison, un agent de la GRC s'est présenté et lui a dit qu'elle était entrée sans autorisation et qu'elle devait quitter la maison immédiatement. Un agent de la GRC d'un grade plus élevé est arrivé peu de temps après et il aurait censément décidé d'en rester là. Le 24 avril 2004, Juliette a envoyé une lettre à M. Klein l'avisant que, tant qu'il ne présenterait pas de preuve des prétendus écarts de conduite de Darrell, Corrine et ses enfants, y compris Darrell, continueraient [TRADUCTION] d'habiter dans la maison [où ils se trouvent]. En effet, il semble que Darrell a continué d'y habiter.

[33] Le 27 avril 2004, la coordonnatrice de l'éducation de la Bande, Marlene Morin, a envoyé une lettre à M. Klein dans laquelle elle exprimait des inquiétudes au sujet des activités qui se déroulaient à la maison de Corrine. Elle a écrit :

[TRADUCTION]

J'ai reçu de nombreux messages faisant part d'inquiétude au sujet du nombre d'étudiants qui se rendent chez Corrine McAdam pendant les pauses et pendant l'heure du dîner les jours d'école. L'administrateur de l'école a présenté un certain nombre de plaintes au sujet d'étudiants qui ne se présentent pas à leurs cours et qui se tiennent à cette maison. Nous vous demandons, pour assurer un meilleur avenir aux étudiants, de bien vouloir expulser M. McAdam de son Teacherage. Nous avons aussi reçu plusieurs plaintes de fêtes très bruyantes à sa résidence la fin de semaine.

Je vous saurais gré de régler cette situation.

[34] Une autre lettre, datée du 3 mai 2004, a suivi la lettre de Marlene Morin. Elle était écrite par le directeur de l'école, Doug Nordick, et était adressée à M. Klein. Dans la lettre, M. Nordick mentionnait [TRADUCTION] certaines activités de nature suspecte qui se déroulaient à la résidence de Corrine. Il a ensuite expliqué qu'au cours des trois mois précédents, on avait vu des étudiants entrer dans la maison pendant la journée d'école alors qu'ils auraient dû être en classe. M. Nordick a reçu des avis selon lesquels cette maison était [TRADUCTION] connue pour les fêtes la fin de semaine et comme endroit où les jeunes peuvent se tenir, ajoutant qu'il était préoccupé parce qu'il y avait de la [TRADUCTION] drogue dans le quartier. M. Nordick a aussi expliqué qu'à plusieurs reprises, on avait tenté de déterminer s'il y avait un [TRADUCTION] adulte responsable à la maison pendant la journée avec qui il aurait été possible de discuter de la situation. Cependant, les efforts visant à communiquer avec le [TRADUCTION] résident principal n'avait connu [TRADUCTION] aucun succès. Il a conclu sa lettre en écrivant qu'il espérait que M. Klein serait en mesure de communiquer avec le [TRADUCTION] résident principal afin de régler ces questions.

[35] Le 2 mai 2004, Corrine est retournée à la réserve après une visite à Saskatoon. À son arrivée, sa maison était verrouillée et il n'y avait personne à l'intérieur. Elle n'avait pas les clés de la maison, puisque la Bande les avait gardées depuis que les serrures avaient été changées le 8 avril. Corrine a dû passer la soirée chez sa mère, où elle a appris que, plus tôt ce jour là, deux membres de la Bande (Sidney Morin et Harry Bear) s'étaient rendus à sa maison. Son neveu (qui habite avec sa famille) s'y trouvait à ce moment. Le neveu a dit à Corrine que MM. Morin et Bear lui avaient dit de quitter la maison. Il semble qu'ils auraient alors verrouillé la maison et, d'après Corrine, cloué les fenêtres, sans doute afin de bloquer l'accès à la maison par ces points d'entrée. Le neveu n'a pas été appelé à témoigner.

[36] M. Bear a témoigné à l'audience. Il se souvient qu'on lui a demandé de se rendre à la maison de Corrine ce jour là en raison d'une [TRADUCTION] bagarre qui y avait eu lieu la nuit précédente. Il s'est rendu à la maison pour [TRADUCTION] vérifier. Il ne se rappelle pas qui lui a demandé de s'y rendre, ni avec qui il est allé. Il a déclaré qu'il était évident qu'une bagarre avait eu lieu à l'extérieur de la maison de Corrine : il y avait des bouteilles éparpillées partout à l'extérieur. Il a soutenu que [TRADUCTION] tout le monde savait ce qui s'était passé là. Il ne se souvient pas d'avoir escorté quiconque à l'extérieur de la maison, ni d'avoir cloué les fenêtres.

[37] Corrine a téléphoné à M. Klein le 3 mai 2004 pour se plaindre de cet incident. Il semble que M. Klein lui ait dit que le Conseil de bande avait décidé de l'expulser de la maison avec son fils. En effet, M. Klein a préparé une lettre datée du 6 mai 2004 qu'il a envoyée à Corrine (et non à Darrell), dans laquelle il déclarait :

[TRADUCTION]

Madame McAdam,

Nous vous avons souvent avertie au sujet des fêtes que votre fils et ses amis tiennent au Teacherage. Maintenant que les serrures ont été changées à ce Teacherage, ce Teacherage sera attribué à un autre membre de la Bande.

Veuillez agréer, Madame McAdam, mes salutations distinguées.

[signé]
Derek R. Klein
Administrateur de la Bande

[38] Le chef Morin a témoigné que Corrine lui a aussi téléphoné pour se plaindre. Il lui a répondu que le Conseil de bande ne cherchait réellement qu'à expulser Darrell et qu'elle n'était pas visée.

[39] La preuve contient très peu de détails au sujet de ce qui s'est réellement passé quant à l'expulsion de Darrell après ces appels, qui ont été faits au début mai 2004. Darrell a témoigné qu'après que le chef Morin a avisé Corrine, pendant leur conversation téléphonique, qu'elle ne serait pas expulsée, elle a obtenu les clés des nouvelles serrures de la maison auprès de la Bande. Elle habite toujours au Teacherage no 4. Darrell a aussi continué à y habiter jusqu'à ce qu'il déménage volontairement en 2007.

[40] Corrine a t elle établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur sa situation de famille en ce qui a trait aux avis d'expulsion?

[41] Corrine soutient qu'elle et son fils, Darrell, ont été visés et ciblés parce qu'ils sont membres de la famille McAdam. Elle fait valoir que la Bande n'a jamais tenté d'expulser d'autres personnes qui exerçaient des activités semblables à celles qu'on reprochait à Darrell, mais qui n'étaient pas des McAdam. Si l'on ne tient pas compte de cette allégation dans son témoignage, quelle preuve Corrine a t elle présentée qui, si l'on y prête foi, serait suffisante pour soutenir une conclusion de discrimination?

[42] Corrine a présenté des photos qui ont été prises dans une maison près de la sienne dans les Teacherages en avril 2008 (c. à d. vers la même période pendant laquelle s'est déroulée la présente audience). La maison est habitée par une personne dont le nom de famille est McAdam, mais qui est un parent du chef Morin. Il n'est pas clair si l'occupant est aussi un parent de Corrine. Les photos représentent plusieurs personnes souriantes dans une maison en désordre, qui boivent de la bière et qui fument. Corrine a déclaré que les photos ont été prises au cours d'une fête qui s'est terminée à 5 h 30. Elle a soutenu que des fêtes semblables avaient eu lieu pendant plusieurs jours. Un invité de l'une de ces fêtes s'est présenté à sa porte une nuit. Sa main saignait et était enroulée dans une serviette. Elle a déclaré que malgré ces activités, le Conseil de bande n'avait pas expulsé l'occupant de la maison.

[43] Darrell a témoigné qu'il sait que plusieurs membres de la Bande vendent de la drogue, mais à ce qu'il sache, ils n'ont jamais été expulsés. Un certain nombre d'autres témoins de Corrine ont aussi témoigné d'une certaine façon au sujet de cette question. Leonard Lachance, un conseiller de la Bande, a déclaré qu'il n'avait jamais participé à l'expulsion d'une personne qui avait des problèmes de drogue ou d'alcool. Tom Bear, qui est aussi un conseiller de la Bande, a déclaré qu'à sa connaissance, aucun membre de la Bande n'avait été expulsé de sa maison en raison de sa consommation de drogue ou d'alcool.

[44] Corrine a aussi appelé le chef Morin à témoigner. Il a déclaré qu'il n'avait jamais participé à l'expulsion d'une personne des Teacherages en raison de la consommation de drogues ou d'alcool de cette personne. Cependant, le chef Morin a aussi déclaré qu'en 2001, le Conseil de bande a reçu un avis selon lequel une certaine personne (que j'appellerai Monsieur A. ) vendait des drogues dans sa résidence qui se trouvait de l'autre côté de la route du quartier des Teacherages. Le Conseil s'est réuni et a adopté une résolution pour expulser cette personne. Monsieur A. habitait dans la maison d'un membre de la Bande à l'époque, mais il n'était ni membre des Premières nations ni membre de la Bande.

[45] Je note que Darrell a non seulement reconnu qu'il consommait des drogues, mais qu'il a aussi admis qu'il vendait certaines drogues, même s'il a déclaré qu'il avait vendu seulement [TRADUCTION] une seule once de cannabis [...] dans cette maison. Il a soutenu qu'il ne voulait pas être connu comme un [TRADUCTION] vendeur de drogues. Darrell a reconnu dans son témoignage qu'à l'époque où les serrures de la maison ont été changées, il consommait des drogues et de l'alcool et que, lorsqu'il se trouvait dans cet état, sa mémoire était affectée. Il a aussi déclaré que, vers le moment de l'expulsion, sa mère était fréquemment à Saskatoon et qu'il y avait des [TRADUCTION] beuveries et des [TRADUCTION] fêtes à la maison pendant son absence.

[46] Darrell a aussi convenu que, s'il avait cessé ses [TRADUCTION] beuveries et ses [TRADUCTION] fêtes à la maison, il n'aurait pas été expulsé. Il a aussi reconnu qu'en date du 6 mai 2004, lorsque M. Klein a envoyé la lettre d'expulsion à Corrine, rien n'avait changé au sujet de ses [TRADUCTION] fêtes, comme il est soutenu dans la lettre.

[47] Compte tenu de toutes les circonstances, je ne suis pas convaincu que Corrine a démontré une preuve prima facie que la Bande a agi de façon discriminatoire envers elle (ou son fils Darrell) en ce qui a trait aux tentatives d'expulsion. Pour établir une preuve prima facie, un plaignant ne peut pas simplement présenter ses croyances abstraites ou ses soupçons quant au fait qu'il a été victime de discrimination, sans présenter des observations concrètes ou des renseignements indépendants pour appuyer ou confirmer cette croyance (voir Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2006 CF 785, aux paragraphes 30 et 31). Corrine a été incapable d'appuyer son allégation selon laquelle d'autres résidents [TRADUCTION] qui ne sont pas des McAdam et qui avaient des activités semblables à celles de Darrell n'ont pas été expulsés. En fait, la preuve laisse entendre qu'en 2001, la Bande a décidé d'expulser Monsieur A., qui n'était pas un McAdam et qu'on soupçonnait d'avoir aussi vendu des drogues dans sa résidence, qui se trouvait à côté du quartier des Teacherages où Darrell habitait. Corrine a tenté de prouver que cette décision était différente parce que Monsieur A. n'était pas un membre de la Bande ni des Premières nations. Cependant, elle n'a pas réussi à démontrer un fondement probatoire pour lequel les deux personnes avaient été traitées de façon différente, telle que l'existence d'un règlement administratif ou d'une politique qui établissait des droits différents en fonction du statut de membre des Premières nations. Il convient de noter que, tout comme MONSIEUR A., Darrell n'était pas l'occupant [TRADUCTION] inscrit du Teacherage duquel il a été expulsé.

[48] Le reste de la preuve que Corrine a présentée pour cette allégation n'est pas directement pertinente quant au sujet. Elle laisse entendre que personne d'autre n'a été expulsé en raison de sa consommation de drogues ou d'alcool. L'allégation présentée contre Darrell, cependant, n'était pas seulement qu'il consommait ces substances, mais qu'il vendait des drogues (fait que Darrell a reconnu, même si ce n'est que de façon très limitée) et qu'il attirait des étudiants de l'école voisine dans sa maison afin qu'eux aussi consomment ces substances, en plus de tenir des [TRADUCTION] fêtes perturbatrices. Darrell a lui même reconnu que, s'il n'avait pas tenu des beuveries et des fêtes, il n'aurait pas été expulsé.

[49] Même si l'on y ajoute foi, la preuve que Corrine a présentée ne démontre pas que la Bande a toléré la présence de personnes qui n'étaient pas des McAdam dans les logements lors de situations comparables à celle de Corrine et de Darrell. Dans un même ordre d'idées, le reste de la preuve ne soutient pas son allégation selon laquelle leur statut à titre de McAdam a été un facteur dans la décision d'expulsion. Même si l'on y ajoute foi, la preuve n'est pas complète ni suffisante pour justifier une décision en faveur de Corrine.

[50] Cependant, même si la preuve que Corrine a présentée était suffisante pour établir une preuve prima facie de discrimination, je suis convaincu que la Bande a présenté une explication raisonnable.

[51] Le chef Morin a témoigné que les administrateurs de l'école ont présenté de nombreuses demandes au Conseil de bande pour que quelque chose soit fait au sujet des activités tenues au Teacherage no 4. Ils étaient particulièrement inquiets au sujet de la vente de drogues qui avait lieu aussi près de l'école. Le chef Morin a noté que ces inquiétudes distinguaient le cas de Darrell des autres situations au cours desquelles des fêtes bruyantes et des beuveries importantes avaient été rapportées au Conseil. Par conséquent, le Conseil de bande n'avait d'autre choix que d'intervenir.

[52] M. Nordick, le directeur de l'école secondaire, a plus de 40 ans d'expérience en éducation. Il a témoigné que ses employés lui avaient mentionné qu'ils avaient vu de nombreux étudiants circuler entre le Teacherage no 4 et le terrain de l'école. Cela inquiétait l'administration de l'école, principalement parce qu'il s'agissait d'une question de sécurité, mais aussi parce que les parents s'attendaient à ce que leurs enfants restent en classe et ne s'aventurent pas à l'extérieur du terrain de l'école. M. Nordick et ses employés se doutaient aussi que, si des étudiants quittaient le terrain de l'école pour se rendre à une maison à proximité, des activités [TRADUCTION] douteuses, y compris la consommation de drogues, avaient probablement lieu à cet endroit.

[53] Par conséquent, M. Nordick a tenté de communiquer avec l'adulte responsable du Teacherage no 4 pour discuter de la question. On a avisé le directeur que la maison avait été attribuée à Corrine. Il a téléphoné de nombreuses fois à la maison, mais on lui a répété que Corrine n'était pas en ville. M. Nordick et son directeur adjoint ont alors décidé de se rendre à la maison afin de tenter de rencontrer Corrine à un moment où elle se trouvait à la maison. Ils ont essayé deux fois en avril 2004, mais personne n'a répondu à la porte.

[54] M. Nordick a témoigné que, compte tenu de la difficulté qu'il avait eue à rejoindre Corrine, il avait parlé à M. Klein de ses préoccupations constantes. M. Klein l'a avisé de les mettre par écrit, alors M. Nordick lui a écrit une lettre le 3 mai 2004, dont j'ai cité un extrait plus tôt. La coordonnatrice de l'éduction de la Bande, Marlene Morin, avait envoyé une lettre semblable quelques jours plus tôt. Il convient de noter que Mme Morin est la cousine de Darrell du côté de son père.

[55] Les employés de l'école n'ont pas été les seuls à présenter des plaintes au sujet des activités de Darrell dans la maison. M. Klein a témoigné que le Conseil de bande avait aussi reçu des plaintes de Leon McGilvery qui, avec sa famille, a emménagé dans la maison à côté de celle de Corrine en décembre 2003. M. McGilvery a témoigné que le Teacherage no 4 recevait [TRADUCTION] des visiteurs sans arrêt à toute heure du jour ou de la nuit. De jeunes gens y entraient et en sortaient et il voyait souvent de 15 à 30 jeunes qui se tenaient à l'extérieur de la maison, dont beaucoup étaient saouls. Il a vu des vieux meubles, des bouteilles brisées et d'autres déchets répandus à l'extérieur de la maison. Il se souvient que Corrine était rarement à la maison au cours des mois après qu'il a emménagé. À un moment, M. McGilvery a vu deux [TRADUCTION] paniers à salade de policiers stationnés près de sa maison. Les policiers lui ont dit de se rendre directement à la maison et de rester à l'intérieur parce qu'il y avait [TRADUCTION] beaucoup d'action au Teacherage no 4. M. McGilvery a témoigné que, maintenant que Darrell n'habite plus dans la maison de Corrine, les choses sont calmes. M. McGilvery a noté que sa grand mère est la sur de Juliette. Il est donc un parent de Corrine.

[56] Dans son témoignage, M. Klein a reconnu que Darrell n'est pas la seule personne dans la réserve qui a un problème de consommation d'alcool ou de drogues. Le problème précis dans le cas de Darrell, cependant, est qu'il a permis que la maison de Corrine, en son absence, devienne un [TRADUCTION] lieu de rencontre qui se trouvait à côté de l'école. M. Klein se rappelle qu'aucun autre lieu dans la réserve n'était la scène de [TRADUCTION] problèmes quotidiens comme c'était le cas chez Corrine. En raison des plaintes que le Conseil de bande a reçues au sujet des activités de Darrell dans la maison, le Conseil a demandé à M. Klein d'envoyer à Darrell un avis d'expulsion. Il a mentionné que Corrine était constamment absente de la réserve, donc la Bande n'avait pas d'autre choix que de prendre des mesures directes contre son fils. M. Klein a aussi témoigné que, lorsque par la suite Corrine est retournée chez elle de façon permanente, le Conseil de bande a cessé de recevoir des plaintes au sujet du Teacherage no 4, même si Darrell y habitait toujours.

[57] Je suis convaincu que l'explication de la Bande est raisonnable. En raison des plaintes qu'il avait reçues et de la nature des activités de Darrell, il était raisonnable que le Conseil réagisse en lui demandant de partir. Je n'ai pas été convaincu que l'appartenance de Darrel à la famille McAdam était un facteur dans la décision de la Bande.

[58] Corrine a semblé suggérer, dans certaines des questions qu'elle a posées à Darrell pendant son témoignage, que la deuxième tentative de la Bande de l'expulser, en avril ou en mai 2004, était en fait une réaction ou même des représailles en raison de la plainte en matière de droits de la personne qu'elle avait présentée. Bien que le résumé de la plainte que la Commission a présenté indique que la plainte a été reçue le 11 mai 2004, le formulaire de plainte réel de Corrine est daté du 19 mars 2004. Aucune explication n'a été donnée dans la preuve au sujet de cette différence. De façon plus importante, aucune preuve ne donne à penser que la Bande a eu connaissance de l'existence de la plainte en matière de droits de la personne, ou de son contenu, avant le 11 mai 2004. Les mesures d'expulsion de la Bande ont toutes eu lieu avant cette date. La Bande a envoyé sa réponse ou sa [TRADUCTION] défense au sujet de la plainte à l'enquêteur de la Commission le 25 février 2005. Par conséquent, cette preuve ne soutient pas l'allégation selon laquelle les mesures de la Bande prises contre Darrell, manifestement en raison des activités excessives et indésirables qui avaient lieu à la maison de Corrine, étaient en fait un prétexte visant à punir Corrine parce qu'elle avait déposé une plainte. De plus, Corrine n'a jamais présenté de demande visant à modifier sa plainte afin d'y inclure une allégation de représailles au sens de l'article 14.1 de la Loi.

[59] Selon la prépondérance de la preuve, je conclus par conséquent que l'allégation de Corrine selon laquelle la Bande a agi de façon discriminatoire en tentant d'expulser Darrell n'a pas été justifiée .

C. Refus d'accorder des fonds pour l'éducation

[60] Dans sa plainte, Corrine a soutenu que la Bande lui a refusé des fonds pour une partie de ses études postsecondaires. En 1998, elle a commencé ses études au Saskatchewan Indian Institute of Technologies (SIIT) à Saskatoon. Ses frais de scolarité étaient payés par la Bande dans le cadre du Programme de soutien pour les étudiants de niveau postsecondaire. Malheureusement, elle a été impliquée dans un accident de voiture en juillet 1999, qui lui a laissé des blessures douloureuses qui l'ont temporairement empêchée de continuer ses études. Corrine a témoigné qu'elle a donc discuté avec Bev Morin (Bev), qui était la coordonnatrice de l'éducation de la Bande à l'époque, et lui a demandé si la Bande continuerait à payer ses frais de scolarité et une allocation de subsistance lorsqu'elle serait en état de reprendre ses études. D'après Corrine, Bev lui a dit que les fonds seraient toujours disponibles.

[61] Corrine a témoigné qu'elle ne s'est pas sentie capable de retourner à des classes régulières avant 2003. Elle a été acceptée dans un programme au Yellowhead Tribal College à Edmonton, pour l'année scolaire 2003 2004. Par conséquent, elle a communiqué avec Bev pour lui demander un soutien financier pour ses études. Bev l'a avisée par écrit, le 30 juillet 2003, que sa demande de financement pour les études postsecondaires avait été placée sur une [TRADUCTION] liste d'attente. Elle était la 12e personne sur la liste. Par conséquent, elle n'obtiendrait pas de fonds à ce moment.

[62] Corrine a témoigné qu'elle a alors présenté une demande d'inscription dans une autre institution scolaire nommée ATS (aussi connue sous le nom de Viatech Solutions). D'après Corrine, Bev l'a avisée qu'à ce moment là, elle ne recevrait aucune aide financière pour ses frais de scolarité parce que l'ATS était une institution [TRADUCTION] privée qui n'est pas [TRADUCTION] reconnue. Je note que le guide de la Bande au sujet de son Programme de soutien pour les étudiants de niveau postsecondaire, que Corrine a présenté en preuve pendant son contre interrogatoire d'un conseiller de la Bande, précise la priorité de rang pour le financement pour trois catégories de candidats aux études de niveau postsecondaire. Le groupe le moins prioritaire (c. à d. le dernier groupe qui sera examiné pour l'attribution de fonds) comprend les étudiants qui sont inscrits à des [TRADUCTION] institutions privées. Corrine a témoigné que Bev lui a suggéré de parler à M. Klein, vraisemblablement afin de porter cette décision de financement en appel. Corrine soutient qu'après avoir parlé à M. Klein, son dossier est passé entre de nombreuses mains, mais on lui a finalement dit qu'elle ne recevrait pas de fonds.

[63] En 2004, Corrine a été acceptée à l'Université de Regina comme étudiante. Elle a alors présenté une demande de bourse au Programme de soutien pour les étudiants de niveau postsecondaire (c. à d. une demande de financement). Le 16 novembre 2004, la coordonnatrice des études postsecondaires, Patsy Keenatch, a avisé Corrine par écrit que sa demande de financement n'avait pas été approuvée par la [TRADUCTION] Commission d'études postsecondaires de la Bande. La lettre soutenait que la Commission avait reçu 36 demandes de soutien financier, mais qu'il n'y avait suffisamment de fonds que pour deux [TRADUCTION] candidats. Par conséquent, tout le financement disponible avait été [TRADUCTION] complètement attribué pour le contingent de janvier 2005.

[64] Corrine a témoigné que, comme on lui avait à nouveau refusé du financement pour ses études, elle a simplement [TRADUCTION] cessé de présenter des demandes d'admission et elle a décidé de ne pas poursuivre d'études postsecondaires.

[65] Je ne suis pas persuadé que Corrine a établi une preuve prima facie de discrimination en ce qui a trait au financement de son éducation. Même si l'on croit sa preuve, tout ce qui a été démontré, c'est que, lorsqu'elle a demandé des fonds, soit on a mis son nom sur une liste d'attente, soit on lui a refusé le financement parce qu'il n'y avait pas suffisamment de fonds disponibles compte tenu du nombre de demandes, soit on lui a refusé le financement parce qu'elle tentait de s'inscrire dans une institution privée non reconnue. Aucune des preuves qui m'ont été présentées ne laissent entendre que sa situation de famille, à titre de McAdam, a été un facteur dans ces décisions.

[66] Corrine conteste particulièrement le fait qu'elle n'a pas reçu de financement, même si Bev lui avait assuré que l'aide financière serait toujours disponible pour elle lorsqu'elle se serait remise de ses blessures liées à l'accident de voiture de 1999. Cependant, je ne vois pas comment cette situation démontre qu'il y a eu discrimination fondée sur la situation de famille de Corrine. Comme je l'ai déclaré plus tôt dans cette décision, pour établir une preuve prima facie, un plaignant ne peut pas simplement présenter ses croyances abstraites ou ses soupçons selon lesquels il a été victime de discrimination, sans présenter de renseignements concrets ou d'observations à partir desquels on pourrait au moins supposer qu'il y a eu discrimination. Corrine n'a présenté au Tribunal aucun renseignement ou observation permettant de confirmer ses allégations.

[67] De plus, comme il ressort du témoignage de Corrine elle même, il semble que la Bande n'a pas réellement manqué à l'assurance qu'elle lui aurait faite au sujet de la poursuite du financement. Corrine n'a jamais tenté de réactiver le financement pour ses études au SIIT. En fait, elle a demandé des fonds pour fréquenter d'autres écoles. La Bande semble avoir traité ces demandes comme de nouvelles demandes de bourse. Corrine a expliqué dans son témoignage qu'elle ne pouvait pas retourner au SIIT en raison d'une altercation qu'elle avait eue avec un autre étudiant à cette école, qui avait entraîné des procédures judiciaires quelconques. De toute façon, on ne m'a présenté aucune preuve selon laquelle la Bande a refusé de réactiver les fonds attribués à Corrine pour ses études au SIIT.

[68] En outre, le Programme de soutien pour les étudiants de niveau postsecondaire de la Bande prévoit que tout étudiant a le droit de porter en appel une décision concernant le financement de ses études. Le processus d'appel complet est décrit dans le guide du programme qui a été distribué à tous les demandeurs. Corrine a reconnu qu'elle n'avait jamais porté en appel les décisions concernant le financement de ses études dont elle s'est plainte en l'espèce.

[69] Il est aussi important de tenir compte du témoignage de la sur de Corrine, Sylvia McAdam, que Corrine a appelée à témoigner à l'audience. Sylvia a témoigné qu'elle a fait des études postsecondaires plutôt poussées. Elle a obtenu un baccalauréat en justice (programme de quatre ans) et il lui manque quelques crédits pour terminer un programme de trois ans en faculté de droit. Elle a aussi participé à un programme d'un an en travail social. Elle a témoigné que toutes ses études ont été financées par le Programme de financement d'études postsecondaires de la Bande. L'aide financière a couvert les frais d'inscription, le logement ainsi que l'acquisition d'un ordinateur. Elle a reçu en tout plus de 29 000 $ en aide financière pour ses études. Le témoignage de Sylvia démontre qu'elle n'a pas été traitée différemment et qu'on ne lui a pas refusé de financement pour ses études en raison de sa situation de famille à titre de McAdam. Dans un même ordre d'idées, Nora McAdam (Nora), qui a épousé un membre de la famille McAdam (elle est l'épouse de l'oncle de Corrine), a témoigné que la Bande a donné à sa fille des fonds pour ses études postsecondaires afin qu'elle puisse terminer deux diplômes à l'université.

[70] En fait, dans la plainte même, Corrine semble reconnaître que la cause du prétendu refus de la Bande de lui donner des fonds pour ses études était la mauvaise gestion des finances de la Bande, et non sa situation de famille. Elle écrit : [TRADUCTION] Le chef et le Conseil on pris de l'argent dans le compte pour les études et l'ont utilisé pour renflouer leur compte administratif, qui était en déficit par leur faute. Elle continue en expliquant que c'est les membres de la Bande qui doivent [TRADUCTION] payer pour les [TRADUCTION] actions de la direction [de la Bande], ce qui fait que les membres de la Bande ne peuvent pas exercer leur [TRADUCTION] droit inhérent à l'éducation.

[71] Par conséquent, je conclus que Corrine n'a pas établi une preuve prima facie que les décisions de la Bande concernant le financement de ses études postsecondaires constituent un acte discriminatoire. De toute façon, si elle avait établi une preuve prima facie, les explications de la Bande (c. à d. que Corrine n'a pas pris les mesures nécessaires pour réactiver les fonds pour ses études au SIIT et qu'il n'y avait pas suffisamment de fonds lorsqu'elle a présenté ses autres demandes) sont raisonnables. Corrine n'a présenté aucune preuve permettant d'établir que ces explications n'étaient qu'un prétexte pour l'acte discriminatoire.

D. L'octroi par la Bande d'une allocation d'études complétées réduite

[72] La Bande donne aux membres de la Bande une allocation lorsqu'ils complètent des études. Corrine a fait valoir dans son témoignage que la Bande donne généralement 500 $ aux membres qui terminent leur 12e année ou qui obtiennent un équivalent. En avril 1997, Corrine a terminé le Programme préparatoire à l'entrée au collège et à l'université d'un an du Concordia University College de l'Alberta (qui semble constituer un équivalent à la 12e année). Elle a présenté une demande d'allocation, mais elle n'a reçu que 300 $ de la Bande. Elle a témoigné que Marcella Morin (Marcella), une étudiante qui était dans la même classe qu'elle, lui a dit qu'elle avait reçu 500 $. Corrine a témoigné qu'elle n'était pas [TRADUCTION] certaine si Marcella était l'une de ses parentes, mais elle n'était certainement pas parente de la famille immédiate. Pour l'objet de l'analyse, j'accepterai que Marcella n'est pas membre de la famille McAdam. Corrine n'a pas appelé Marcella à témoigner.

[73] Ce témoignage, si l'on y ajoute foi, est il suffisant pour établir une preuve prima facie de discrimination? Une question semblable a été soulevée dans la décision Filguiera, précitée, dans laquelle la Cour fédérale a maintenu la décision du Tribunal accordant à l'intimé une requête en non lieu visant le rejet de la plainte. D'après le Tribunal, la seule preuve présentée par le plaignant qui aurait pu entraîner une conclusion de discrimination venait du témoignage même du plaignant. Le plaignant avait témoigné qu'il avait entendu un autre employé dire qu'il gagnait un dollar de plus l'heure que le plaignant. Le Tribunal a conclu que ce témoignage n'établit pas que l'autre employé recevait réellement un salaire plus élevé que celui du plaignant. La Cour fédérale, au paragraphe 30, a souscrit à la conclusion du Tribunal selon laquelle la preuve du plaignant se situait bien au dessous de la norme requise pour faire droit à une réclamation qui serait fondée en droit.

[74] Comme dans la décision Filguiera, la seule preuve qui m'a été présentée au sujet des différences dans les allocations pour études complétées est le témoignage de Corrine au sujet de ce que Marcella lui aurait dit. Je conclus que cette preuve est, de façon semblable, bien au dessous de la norme requise pour faire droit à une réclamation qui serait fondée en droit. Corrine n'a pas présenté d'observations concrètes ou de renseignements indépendants pour appuyer ou confirmer ce qu'elle croit être les faits. Elle n'a donc pas établi de preuve prima facie.

[75] Cependant, même si elle avait établi une preuve prima facie, je conclus que la Bande a présenté une explication raisonnable. La Bande semble avoir demandé à Marcella de témoigner à l'audience, mais elle ne voulait vraiment pas s'y présenter. Une assignation à témoigner lui a été envoyée pour qu'elle se présente à l'audience, mais la Bande hésitait à prendre des mesures supplémentaires pour l'obliger à comparaître. En fait, la Bande a présenté une déclaration écrite établie sous serment par Marcella devant un commissaire à l'assermentation, dans laquelle elle déclare qu'elle n'a réellement reçu qu'une allocation de 300 $ de la Bande lorsqu'elle a terminé le programme. Elle a aussi déclaré qu'elle ne se souvenait pas d'avoir parlé à Corrine du montant qu'elle avait reçu.

[76] La Bande a aussi présenté au Tribunal l'annexe D du Programme de soutien pour les étudiants de niveau postsecondaire, qui contient un tableau précisant les montants des allocations pour études complétées. Ces allocations varient entre 200 $ et 1 000 $, en fonction du niveau du programme d'études que le membre a complété. Par exemple, un membre de la Bande qui obtient un certificat a droit à 200 $, alors qu'une personne qui termine un doctorat à droit à 1 000 $. Le tableau indique qu'une personne qui obtient un brevet a droit à 300 $. Corrine a reconnu en contre interrogatoire qu'elle a obtenu un brevet en 1997. Par conséquent, d'après le tableau, Marcella et Corrine avait droit à 300 $ et non 500 $.

[77] La Bande a aussi présenté, dans sa divulgation, des copies de ses dossiers informatisés de ses [TRADUCTION] paiements passés à Corrine et à Marcella pour la période en question. Le dossier démontre que Marcella et Corrine ont toutes deux reçu un chèque au montant de 300 $, respectivement en mars et en avril 1997. Rien ne donne à penser que Marcella a obtenu 500 $. Corrine a mis en doute l'intégralité de cette divulgation, puisque les dossiers ne montrent les paiements que d'un seul compte de la Bande. Curtis Bear, qui est le coordonnateur des études postsecondaires actuel, a témoigné que la Bande lui avait demandé de ne produire que les dossiers portant sur l'émission de chèques de 300 $ à Corrine et à Marcella. Il est possible que des dossiers pour des chèques émis d'autres montants n'aient pas été divulgués.

[78] En examinant l'explication de la Bande, je tiens compte du fait que la déclaration écrite sous serment de Marcella constitue une preuve par ouï dire. Cependant, en vertu du paragraphe 50(3) de la LCDP, le membre instructeur a le pouvoir de recevoir des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration écrite, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire. De plus, je note que la seule preuve que Corrine a présentée au sujet de la somme de 500 $ que Marcella Morin aurait reçue est elle même une preuve par ouï dire fondée sur ce que Marcella Morin aurait dit à Corrine en 1997.

[79] Compte tenu des preuves par ouï dire concurrentes, ainsi que de l'indication claire dans la politique de financement de la Bande selon laquelle les deux femmes n'auraient eu droit qu'à 300 $ et des dossiers de paiement de la Bande, qui démontrent qu'elles ont toutes les deux reçu 300 $ en l'espace de quelques semaines, je suis convaincu, selon la prépondérance de la preuve, que la Bande a présenté une explication raisonnable en réponse à la preuve prima facie. Rien ne donne à penser que cette explication sert de prétexte. L'allégation de Corrine au sujet de l'allocation pour études complétées n'a donc pas été justifiée.

[80] J'ajoute en passant que cette allégation n'a pas été mentionnée dans la plainte de Corrine ni dans son énoncé des précisions qu'elle a préparé conformément aux règles de procédure du Tribunal. La question de l'allocation pour études complétées remonte à 1997, environ sept ans avant le dépôt de la plainte.

E. Le défaut d'effectuer des rénovations adéquates dans la maison de Corrine

[81] Corrine a témoigné que, lorsqu'elle a emménagé dans la maison que la Bande lui avait attribuée en 2001 (l'unité no 4 des Teacherages), elle était en [TRADUCTION] état horrible. Elle a immédiatement écrit une lettre de plainte à la Bande dans laquelle elle a énuméré certains des problèmes qu'elle avait trouvés. Ces problèmes comprenaient des trous dans le passage d'entrée, des portes d'armoire manquantes, des luminaires manquants, du linoleum endommagé et de la peinture écaillée. De plus, il y avait une odeur fétide, des traces de vermine et des déchets qui étaient restés dans le sous sol. Sa famille, ses amis et elle ont passé beaucoup de jours à nettoyer la maison. Elle a demandé à la Bande de leur payer une indemnité pour leur temps et leurs efforts. La Bande ne l'a pas fait. Elle soutient que la Bande n'a jamais réparé les articles brisés dans la maison et qu'elle n'a jamais fait de rénovation.

[82] Certains des membres de la famille de Corrine se sont aussi plaints, dans leur témoignage, au sujet des problèmes de rénovation dans leurs propres maisons. Juliette a témoigné que dans les 30 ans qui se sont écoulés depuis qu'elle a reçu sa maison, qui était neuve à l'époque, les seules rénovations que la Bande a effectuées dans sa maison étaient le faux plancher dans le sous sol. Elle n'est pas satisfaite du travail de rénovation et elle soutient que le plancher est encore moisi. Elle s'est aussi plainte au sujet de la mauvaise qualité des réparations que la Bande a faites à son système de chauffage qui fonctionne mal.

[83] Le frère de Corrine, Dion McAdam (Dion), a témoigné au sujet de la maison dans laquelle il a habité jusqu'en 2007. Il a déclaré qu'elle était très moisie. En 2005, il a travaillé dans son sous sol à essayer de nettoyer et d'enlever la moisissure. Il était constamment malade et souffrait de symptômes semblables à la grippe. Il a été hospitalisé de nombreuses fois et a finalement reçu un diagnostic d'un type de polyarthrite rhumatoïde. Il a maintenant besoin d'une chaise roulante pour se déplacer. Dion soutient que son état a été causé par la moisissure noire dans sa maison, bien qu'aucune preuve d'expert n'ait été présentée pour confirmer cette allégation. Dion a aussi soutenu que la Bande n'a jamais effectué de travaux dans sa maison pour régler le problème de moisissure, avant qu'il tombe malade en 2005. En 2007, on lui a attribué une nouvelle maison et il a quitté son ancienne maison.

[84] Le frère aîné de Corrine, Anthony McAdam (Anthony), a témoigné que le plancher de cuisine de sa maison s'est gondolé, que les tuiles du plancher s'arrachent et qu'il y a de la moisissure. Son appareil de chauffage fonctionne mal et relâche des fumées nocives. Anthony soutient qu'il a rempli [TRADUCTION] des papiers avec la Bande pour obtenir des rénovations de nombreuses fois au cours des trois dernières années. On lui a toujours dit qu'il n'y avait pas suffisamment de fonds et que les rénovations ne pouvaient pas être faites.

[85] Nora (qui, comme je l'ai mentionné plus tôt, a épousé un membre de la famille McAdam) a témoigné qu'elle avait obtenu une maison en 1991. Environ dix ans plus tard, des problèmes sont apparus dans l'appareil de chauffage. Elle soutient qu'elle a communiqué avec le bureau de la Bande plusieurs fois pour faire réparer l'appareil de chauffage, sans succès. Son nom a simplement été ajouté à une liste de membres de la Bande qui se plaignaient de problèmes au sujet de leur maison. En octobre 2004, l'appareil de chauffage a eu des ratées et de la fumée noire a rempli la maison. D'après Nora, la Bande a envoyé plusieurs [TRADUCTION] stagiaires pour le réparer. Plusieurs jours plus tard, il y a censément eu un autre problème avec l'appareil de chauffage qui a, cette fois là, provoqué un incendie. La maison entière a brûlé. En 2007, la Bande lui a attribué une maison plus vieille pour remplacer celle qui avait brûlé (une ancienne unité de Teacherages qui avait été déplacée à un nouvel endroit). Elle s'est plainte que cette maison était en mauvais état (le toit coulait, il y avait des fissures dans les murs, des déchets étaient éparpillés partout et il y avait des problèmes de plomberie, ce qui a coupé l'eau courante à la maison pendant cinq mois et causé une inondation qui a rendu l'appareil de chauffage non fonctionnel pendant deux mois).

[86] Corrine a présenté en preuve un tableau énumérant les noms des membres de la Bande qui ont reçu des fonds pour des travaux de rénovation, ainsi que les montants qui ont été accordés, de 2000 à 2008. Bien qu'il y ait de nombreuses personnes du nom de McAdam et de Whitefish dans la liste, le nom de Corrine n'apparaît pas. Le nom de Juliette apparaît cinq fois, mais toujours pour des montants de moins de 1 000 $. Le tableau ne précise pas si ces montants de rénovation sont liés aux réparations du faux plancher du sous sol de Juliette, ou à quelque chose d'autre. Juliette a reçu en tout, sur huit ans, environ 1 800 $, Nora a reçu un total de 3 370 $ et Dion a reçu un total de 2 270 $.

[87] Les parties n'ont pas présenté d'analyse détaillée de ce tableau plutôt long, mais après avoir examiné le document, selon mon estimation, environ un quart des personnes ont reçu entre 1 000 $ et 4 000 $. Seules quelques personnes semblent avoir reçu plus de 10 000 $, mais ce groupe compte notamment le chef Morin, qui a reçu un montant de plus de 41 000 $, en trois paiements, et son fils, qui a reçu plus de 16 000 $ en un seul paiement. En comptant les montants plus petits que ces hommes ont aussi reçus entre 2000 et 2008, le chef Morin a reçu un total de 49 000 $, alors que son fils a reçu un total de 25 000 $.

[88] Les allégations de Corrine au sujet des rénovations de son logement ressemblent à ses autres allégations, en ce sens qu'elle ne fait que soupçonner que les maisons qui appartiennent à Juliette, Dion, Nora et elle même n'ont pas été rénovées adéquatement en raison de l'appartenance des occupants à la famille McAdam. J'ai déjà répété que le simple fait d'avoir des doutes en matière de discrimination, sans l'appui d'observations concrètes ou de renseignements à partir desquels on peut supposer la discrimination, ne sont pas suffisants pour établir une preuve prima facie. Cette fois ci, par contre, ses allégations sont appuyées par un tableau qui démontre qu'elle n'a reçu aucun montant pour rénover sa maison depuis qu'elle a emménagé au Teacherage no 4. Ses parents, Juliette, Nora et Dion ont reçu, en comparaison, des montants modestes, particulièrement par rapport au chef Morin et à son fils. Dans les circonstances, je suis convaincu que cette preuve, si l'on y ajoutait foi, serait suffisante pour établir une preuve prima facie.

[89] D'un autre côté, je conclus que la Bande a présenté une explication raisonnable permettant de réfuter la preuve prima facie. La Bande a présenté une preuve plus que suffisante qui démontrait que la situation que Corrine et sa famille a vécue en ce qui a trait aux rénovations des logements n'était pas du tout unique à la famille McAdam. Ces problèmes étaient répandus dans toute la collectivité. La Bande a présenté en preuve des données statistiques au sujet de la Première nation de Big River compilées par l'AINC et publiées sur le site Web du ministère. En 2001, il y avait 255 logements sur la réserve, dont 160 avaient été construits avant 1991. Des 255 logements, 80 avaient besoin uniquement de réparations mineures, alors que 145 logements avaient besoin de réparations majeures. L'AINC a noté qu'il croyait que les renseignements étaient justes, mais que l'exactitude ne pouvait pas être garantie. La sur de Corrine, Sylvia, a témoigné qu'en fait, elle croyait qu'encore plus de logements avaient besoin de réparations majeures. Anthony a déclaré dans son témoignage que des plaintes comme la sienne au sujet du mauvais état des logements sont choses communes dans la réserve. Il a visité des maisons dont l'état était pire que celui de la sienne. Juliette a noté qu'il y avait des problèmes de moisissure [TRADUCTION] partout dans la réserve. De plus, comme je l'ai mentionné plus tôt, Nora a témoigné que la Bande avait placé sa demande de rénovations sur une longue liste d'attente. Elle (à titre de McAdam) n'était pas la seule à recevoir un mauvais service de la Bande. Aucune preuve ne donne à penser que seuls les membres de la famille McAdam ont reçu un service insatisfaisant.

[90] Corrine a appelé Harvey Netmaker à témoigner à l'audience. M. Netmaker est un employé de la Bande qui effectue des travaux d'entretien sur ses immeubles. Il connaît donc bien les logements de la Bande dans la réserve. D'après lui, la maison de Corrine n'est ni la meilleure ni la pire de la réserve. Elle a de l'eau courante et de l'électricité, alors que d'autres maisons n'en n'ont pas (ils utilisent des citernes pour s'approvisionner en eau). Sa maison est chauffée au gaz naturel, alors que d'autres utilisent du mazout, qui est considéré comme un type de chauffage moins désirable. Il a témoigné que la plainte de Corrine au sujet de l'état de sa maison est semblable à d'autres plaintes que d'autres membres de la Bande ont faites à propos de leurs maisons.

[91] Leon McGilvery a témoigné que, lorsqu'il a emménagé dans sa maison dans les Teacherages, qui se trouve à côté de celle de Corrine, elle était aussi en désordre. Il n'a pas demandé à la Bande de la nettoyer. Il a entrepris de la nettoyer lui même, arrachant de vieux tapis, nettoyant les murs et lavant les planchers. Gerald Bear a témoigné au sujet de la maison dans laquelle il a emménagé, qui appartenait auparavant au père de Corrine, Francis. La maison avait besoin de rénovations importantes, qu'il a payées lui même, sans demander l'aide de la Bande.

[92] Derek Klein, le gestionnaire de la Bande, a témoigné qu'après avoir transféré les logements des Teacherages à la Bande en 1995, l'AINC n'a pas fourni d'autre financement pour les rénover. La Bande a donc été forcée de puiser dans ses fonds généraux pour payer toutes les rénovations ou les améliorations dont ces maisons avaient besoin, en plus des frais d'amélioration des autres maisons de la réserve.

[93] En somme, je suis convaincu que l'explication de la Bande est raisonnable et que rien ne donne à penser que l'explication n'est qu'un prétexte pour un acte qui, autrement, serait discriminatoire. Les maisons de la plupart des membres de la Bande (ce qui inclut beaucoup de membres qui ne sont pas des McAdam) avaient besoin de rénovations et d'entretien, que la Bande avait de la difficulté à leur donner. Il semble que le chef et son fils aient reçu un montant disproportionné pour le financement de leurs rénovations, par comparaison avec les autres membres, mais rien ne donne à penser que ce favoritisme (si l'on tient à le qualifier ainsi) visait seulement la famille McAdam. Tous les membres de la Bande ont été affectés par une distribution aussi inégale des fonds pour la rénovation, pas seulement la famille de Corrine. Il n'a donc pas été établi que la situation de famille de Corrine était un facteur dans le prétendu refus de ce service (financement pour la rénovation) de la part de la Bande.

F. Le refus d'accorder des fonds d'urgence

[94] Corrine soutient que la Bande lui a refusé les fonds d'urgence dont elle avait besoin pour prendre soin de son fils déficient, Francis. Il souffrait de paralysie cérébrale et était résident d'une unité pour les maladies chroniques à Saskatoon, jusqu'à son décès malheureux en 2005. Corrine a témoigné qu'elle s'est souvent trouvée dans des situations au cours desquelles elle avait besoin d'aide financière d'urgence pour se rendre à ses côtés à Saskatoon.

[95] La Bande avait pour usage d'aider les membres qui avaient besoin d'aide financière urgente en leur avançant des fonds, souvent à partir des profits de l'une des ses entreprises, le Miami Gas Bar. Shirley Mosquito, la gérante de la station service, a témoigné que généralement, dans de tels cas, le bureau de la Bande communiquait avec elle et lui fournissait un document pour qu'elle avance les fonds d'urgence au membre de la Bande qui en avait besoin. Elle n'a pas pu fournir de détails exacts au sujet du nombre de fois où elle a fait de telles avances, mais elle s'est souvenue que dans les trois semaines avant son témoignage, elle avait fait deux avances de fonds de ce genre.

[96] La Bande semble aussi fournir une aide financière semblable à partir de son compte pour les services médicaux.

[97] Corrine soutient que la Bande lui a à peine donné une telle aide d'urgence lorsqu'elle en a eu besoin. Une fois, elle a obtenu 200 $ en aide d'urgence à partir du fond médical pour l'aider à payer son déplacement pour se rendre auprès de son fils à Saskatoon. À d'autres moments, on lui a refusé l'aide. Par conséquent, elle a eu à chercher un transport pour se rendre à Saskatoon et en revenir, devant parfois faire de l'autostop par temps froid.

[98] À mon avis, cette preuve n'établit pas que Corrine a été victime d'une différence de traitement. Rien ne donne à penser qu'elle a reçu plus, ou moins, en aide financière qu'un quelconque autre membre de la Bande. De plus, rien ne démontre que, même si elle avait reçu moins que les autres, sa situation de famille ou la déficience de son fils avaient affecté le montant, comme elle le soutient.

[99] Corrine a soulevé le fait que la Bande ne lui a pas divulgué, avant le début de l'audience, les montants que d'autres personnes ont pu recevoir au cours des années en aide d'urgence. Cependant, la Bande a noté qu'elle n'organisait pas ses dossiers de telle manière à identifier qui recevait de l'aide d'urgence. La Bande pouvait générer des tableaux qui démontraient tous les montants reçus par un membre de la Bande, mais il était impossible d'isoler l'aide d'urgence comme article séparé. Les règles de procédure du Tribunal exigent la divulgation de documents qu'une partie a en sa possession qui sont pertinents en ce qui concerne un fait, une question ou une forme de réparation demandée en l'occurrence. De façon générale, les règles n'exigent pas que les parties produisent de nouveaux documents à partir des documents existants afin de satisfaire à leurs obligations en matière de divulgation.

[100] Cependant, j'ai conclu à l'audience que la Bande ne s'est pas montrée coopérative dans la divulgation de certains des documents existants à l'étape de l'enquête avant l'audience. Afin de réparer ce manquement, au cours de la première semaine d'audience, j'ai ordonné à la Bande de présenter à Corrine tous ses dossiers qui n'avaient pas été divulgués. Elle pouvait examiner ces documents au cours de la période de six semaines qui a séparé la première semaine d'audience de la deuxième. Pour aider Corrine à effectuer ses recherches, la Bande lui a offert 2 000 $ sans condition, afin de couvrir toute dépense liée à cette recherche, telle que l'achat d'articles de papeterie. La Bande a aussi entrepris de lui donner accès à son équipement de bureau, tels que les photocopieurs, ainsi que l'aide de son personnel de bureau. Cependant, Corrine n'a profité de l'occasion pour examiner les dossiers de la Bande que quelques jours avant la reprise de l'audience pour la troisième série de dates d'audience en avril 2008 (c. à d. plus de quatre mois après que j'ai rendu mon ordonnance). De plus, elle a refusé les fonds offerts par la Bande pour couvrir ses dépenses.

[101] Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu qu'une conclusion puisse être tirée contre la Bande au sujet de son prétendu défaut de divulguer complètement ses dossiers. À mon avis, Corrine a eu suffisamment de temps pour examiner les dossiers de la Bande et pour recueillir toute preuve possiblement pertinente à l'appui de sa demande. Elle n'a pas profité de cette occasion.

[102] Par conséquent, d'après les documents dont je suis saisi, je conclus qu'il n'y a pas suffisamment de preuves, même si l'on y ajoutait foi, pour établir une preuve prima facie de discrimination à ce sujet.

G. Le refus de financer des soins holistiques pour le fils de Corrine, Francis

[103] En juillet 2002, la santé de Francis s'est détériorée. Corrine souhaitait faire venir un guérisseur holistique de l'Alberta pour tenter de soigner Francis par des moyens traditionnels. Elle a donc rencontré le Conseil de bande pour demander du financement pour payer pour les services du guérisseur. D'après son témoignage, le Conseil de bande l'a avisée qu'il pourrait mettre à sa disposition 1 500 $. Cependant, elle soutient que la Bande n'a jamais effectué le paiement. Elle a discuté avec le chef et plusieurs conseillers, ainsi qu'avec M. Klein, et ils lui ont tous dit qu'aucun fond n'était disponible. Elle soutient qu'on lui a finalement refusé le financement en raison de sa situation de famille.

[104] Je conclus que Corrine n'a pas établi une preuve prima facie par rapport à cette allégation. Sauf pour ses propres croyances ou soupçons, quelle preuve a t elle présentée à l'appui de son allégation? Elle a reconnu dans son témoignage que le Conseil de bande lui avait expliqué que ce financement pouvait être obtenu par la Fondation de guérison. Corrine a mentionné que les états financiers de la Bande pour 2003 démontrent que la Fondation de guérison avait un surplus de fonds (23 196 $). Par conséquent, elle soutient qu'il y avait suffisamment de fonds pour couvrir le coût du guérisseur holistique qu'elle souhaitait embaucher.

[105] Cependant, bien que les états financiers mentionnent la Fondation de guérison, le témoignage d'un certain nombre de témoins, y compris Juliette, démontre que le financement de la Fondation de guérison était contrôlé par le Conseil tribal Agency Chiefs (ACTC). L'ACTC est une société qui appartient à parts égales à la Première nation de Big River et à deux autres Premières nations de la Saskatchewan. L'ACTC a son siège dans la ville de Spiritwood (c. à d. à l'extérieur de la réserve de la Première nation de Big River). L'ACTC gère et fournit un certain nombre de services aux collectivités des trois Premières nations à qui elle appartient, y compris des soins de santé et des services sociaux pour leurs membres, pour lesquels elle obtient du financement des gouvernements fédéral et provincial. L'ACTC dirige aussi un certain nombre d'autres sociétés qui gèrent la foresterie et les biens immobiliers des bandes.

[106] En contre interrogatoire, Corrine a déclaré que le Conseil de bande lui avait expliqué que la Fondation de guérison était une [TRADUCTION] option dont ils pouvaient se prévaloir pour obtenir les fonds dont elle avait besoin. Par conséquent, son propre témoignage laisse entendre que la décision finale au sujet des fonds ne revenait pas au Conseil de bande, mais plutôt à l'ACTC, qui gérait les fonds de la Fondation de guérison.

[107] De plus, Corrine a aussi reconnu en contre interrogatoire que, lorsqu'un membre de la Bande habite à l'extérieur de la réserve, il reçoit des soins de santé et des services sociaux de la province. Dans les circonstances, l'ACTC cesse d'être responsable de ces services. Son fils Francis habitait à l'extérieur de la réserve depuis les années 1980, ce qui signifiait qu'il n'avait simplement pas droit aux fonds pour les soins de santé ou les services sociaux de l'ACTC.

[108] Enfin, je note que Juliette a témoigné que son fils Dion (c. à d. le frère de Corrine) a obtenu des fonds pour payer les soins holistiques qu'il avait reçus pour sa maladie. Par conséquent, nous voyons qu'un McAdam (qui habitait dans la réserve) ne s'est pas vu refuser ce type de financement. Corrine a tenté de faire une distinction entre le cas de son frère et celui de son fils, mais je suis d'avis qu'il s'agit d'un effort fallacieux de sa part. En ce qui a trait aux autres allégations de discrimination, elle s'est empressée de mentionner des incidents liés à ses frères et surs et à ses parents comme preuve à l'appui de ses propres allégations.

[109] Par conséquent, je conclus que Corrine n'a pas établi une preuve prima facie que sa situation de famille a été un facteur dans le refus de la Bande de financer les soins holistiques pour Francis.

H. Le refus d'offrir un service de taxi à la fille de Corrine, Angela

[110] La plainte de Corrine vise un incident qui impliquait sa fille, Angela, qui est tombée malade en juillet 2001. Angela était enceinte à l'époque. Corrine a téléphoné à la clinique médicale située dans la réserve et a demandé à ce qu'un taxi médical soit envoyé pour amener Angela à la clinique. Il semble qu'un service régulier de taxi n'est pas disponible dans la réserve, alors la clinique offre les services d'un conducteur pour transporter des personnes à la clinique. Corrine soutient que le taxi n'est pas venu chercher Angela, alors elle a rappelé la clinique quelques jours plus tard et a demandé avec [TRADUCTION] plus de force qu'un taxi soit envoyé. Le taxi est alors arrivé et a amené Angela à la clinique, où un professionnel de la santé a déterminé qu'elle devait être transportée à l'hôpital à Prince Albert pour recevoir des traitements. Le taxi a amené Angela à l'hôpital et le lendemain, elle a reçu son congé.

[111] Corrine a donc de nouveau téléphoné à la clinique et a demandé à ce qu'un taxi soit envoyé à Prince Albert pour aller chercher Angela. Le taxi ne s'est jamais présenté. Corrine a dû prendre elle-même des mesures pour que quelqu'un d'autre ramène Angela à la maison. Entre temps, Angela a dû passer la journée à se promener dans Prince Albert en attendant qu'on vienne la chercher. Elle n'est revenue à la réserve qu'à 4 h 30 du matin.

[112] Corrine est convaincue qu'on a refusé d'envoyer le taxi les deux fois parce que sa fille est une McAdam. Malheureusement, comme c'est le cas pour bon nombre de ses autres allégations, ce point de vue est fondé sur ses doutes personnels. Elle n'a présenté aucune autre preuve à l'appui de cette opinion. Par conséquent, même si l'on y ajoutait foi, tout ce que la preuve de Corrine établit est que, pour une raison quelconque, le service de taxi n'a pas répondu à ses demandes. Rien ne donne à penser que la situation de Corrine ou d'Angela à titre de membres de la famille McAdam a été un facteur dans le mauvais service de taxi qu'elles ont reçu. Je note en passant qu'une bonne partie des employés en santé qui travaillent dans la communauté sont soit employés par l'ACTC ou par le gouvernement du Canada (Santé Canada, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits). Il est donc possible que Corrine n'a pas eu affaire à un employé de la Bande au sujet du service de taxi et il serait donc difficile d'imputer la responsabilité à la Bande à ce sujet. Corrine n'a certainement présenté aucune preuve qui établit qu'un employé de la Bande lui a réellement refusé ce service.

[113] De toute façon, je ne suis pas convaincu que Corrine a établi une preuve prima facie que sa situation de famille ou celle de sa fille a été un facteur dans cet incident. Par conséquent, cette allégation est sans fondement.

I. Le fait que Sylvia s'est vue retirer la garde de ses enfants

[114] Parmi les allégations que Corrine a énoncées dans sa plainte en matière de droits de la personne se trouve une référence à un incident que sa sur Sylvia a vécu en septembre 1999. Sylvia travaillait comme intervenante sociale à Saskatoon à l'époque. Elle avait laissé ses enfants dans la réserve, sous la garde physique de ses parents, Juliette et Francis.

[115] La Child and Family Services Act de la Saskatchewan est gérée dans la Première nation de Big River par une société créée par l'ACTC, connue sous le nom de Child and Family Services (ou CFS). La CFS a un conseil d'administration distinct de celui de l'ACTC et fonctionne sans lien de dépendance envers l'administration de l'ACTC et des bandes qu'elle représente. La CFS a son propre personnel, mais ses bureaux se trouvent dans l'immeuble de l'ACTC à Spiritwood en Saskatchewan.

[116] Sylvia a témoigné qu'alors qu'elle était à Saskatoon, elle a appris que ses enfants avaient été retirés de la garde de ses parents et placés sous la garde de leur père, avec qui elle n'avait plus de liens. Dans les documents qu'un agent de la CFS a déposés, il est allégué que les enfants ont été retirés d'où ils habitaient parce qu'ils avaient subi, ou qu'ils risquaient de subir, des torts ou une détérioration importante du fonctionnement psychologique ou émotionnel. Sylvia a contesté cette allégation et, trois semaines plus tard, on lui a rendu la garde de ses enfants après résolution du litige par la Cour du Banc de la Reine. La cour a exprimé des préoccupations au sujet du fait que les enfants avaient été retirés de la garde de leurs grands parents à la suite d'une plainte anonyme de violence physique et elle a trouvé qu'il était inquiétant que les enfants aient été retirés de la garde légale de leur mère, alors que les allégations de violence ne la visaient pas.

[117] Sylvia est d'avis que le Conseil de bande est responsable pour le retrait des enfants. Son père, Francis père, briguait le poste de chef à l'époque. Elle croit que cet incident a été un facteur dans sa défaite aux élections. Elle soutient qu'elle a demandé au chef à l'époque (Douglas Joseph) et au Conseil de l'aide pour contester le retrait de ses enfants, mais ils ont refusé.

[118] Cette allégation au sujet de Sylvia (l'incident a eu lieu il y a environ neuf ans, en 1999) n'est pas directement lié à Corrine. Cependant, Corrine a bien mentionné au haut de son formulaire de plainte en 2004 que sa [TRADUCTION] famille et elle même avaient été victimes de discrimination depuis de nombreuses années. Bien qu'elle ne soit pas la victime directe de la prétendue discrimination en ce qui a trait à la présente allégation, les paragraphes 40(1) et 40(2) de la LCDP permettent à une personne qui n'est pas nécessairement victime, mais qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un acte discriminatoire, de présenter une plainte en matière de droits de la personne. De plus, des preuves des faits allégués au sujet de sa sur pourraient possiblement constituer des preuves circonstancielles à l'appui des allégations de discrimination dont elle aurait elle même été victime.

[119] À mon avis, la preuve de Sylvia, même si l'on y ajoute foi, n'établit pas une preuve prima facie de discrimination fondée sur sa situation de famille à titre de McAdam. Ses conclusions au sujet de l'incident sont fondées sur des hypothèses et des doutes. Rien ne donne à penser que la plainte anonyme venait de l'administration de la Bande. Par conséquent, je ne peux pas tirer de conclusion contre la Bande ou le Conseil de bande.

[120] Cependant, même si je concluais qu'une preuve prima facie a été établie, la Bande a présenté une explication raisonnable qui n'est pas un prétexte. La CFS est une entité distincte de la Bande. La Bande n'a aucun contrôle sur l'administration de la CFS, encore moins sur ses employés. Sylvia n'est pas d'accord, elle a mentionné que certains membres de la Bande travaillent à la CFS. Elle fait valoir qu'une des personne qui travaillent à la CFS aujourd'hui est un parent du chef Morin. Cependant, la preuve ne démontre pas clairement si cette personne travaillait à la CFS en 1999. De plus, il convient de noter que le chef à l'époque n'était pas Bruce Morin (le chef actuel), mais bien Doug Joseph. Corrine a témoigné que le chef Joseph est son cousin, qu'elle appelle généralement son frère. Il semble peu probable que le chef aurait été impliqué dans des actes discriminatoires fondées sur la situation de famille contre des membres de sa propre famille. Il convient aussi de répéter que Corrine n'a présenté aucune preuve permettant de conclure qu'un agent, un représentant, un employé ou un conseiller de la Bande était l'auteur de la plainte à la CFS.

[121] Pour ces motifs, je conclus que cette allégation n'a pas été justifiée. De plus, je conclus que la preuve présentée à l'appui de cette allégation ne peut pas m'aider à conclure qu'il y a eu discrimination pour ce qui est des autres allégations de Corrine.

J. Le refus de rembourser les frais de funérailles de Francis

[122] Pendant l'audience, Corrine a témoigné qu'en janvier 2008, le salon funéraire qui a organisé les funérailles de son fils en octobre 2005 a communiqué avec elle. Le directeur de funérailles l'a avisée que les frais de funérailles n'avaient toujours pas été payés. Elle avait tenu pour acquis que la Bande s'était occupé du paiement de ces frais. Les frais étaient divisés en deux factures. La première facture visait le service de funérailles en général et elle était préparée au nom de l'ACTC, alors que la deuxième facture portait sur le surclassement du cercueil et était adressée à la Bande. Corrine a témoigné qu'avant les funérailles, elle avait entendu sa sur Sylvia discuter au téléphone avec un conseiller de la Bande et que Sylvia lui avait dit que le conseiller avait entrepris de s'organiser pour que la Bande paie pour le surclassement. Corrine ne savait pas qui était le conseiller et, bien qu'elle ait appelé Sylvia à témoigner à l'audience, Sylvia n'a pas témoigné au sujet de cette conversation. Bien que le Tribunal puisse recevoir n'importe quel élément de preuve, indépendamment de l'admissibilité de la preuve devant un tribunal judiciaire (alinéa 50(3)c)), je ne suis pas prêt à accepter l'affirmation de Corrine selon laquelle un conseiller de la Bande s'est engagé à payer pour le surclassement du cercueil. De plus, Corrine a eu l'occasion de faire témoigner Sylvia à ce sujet, mais elle ne l'a pas fait.

[123] Le refus de payer les frais des funérailles constitue t il un acte discriminatoire fondé sur la situation de famille de Corrine? Une fois de plus, il semble que ses allégations soient fondées sur ses croyances abstraites ou sur ses doutes. La preuve qui m'a été présentée, même si l'on y ajoute foi, ne permet pas d'établir que sa situation de famille a été un facteur dans le refus de payer les frais des funérailles.

[124] De toute façon, la Bande a présenté des explications raisonnables au sujet de ce qui s'est passé. Norma Johnstone, qui est employée par l'ACTC comme gestionnaire du développement social pour Big River, a témoigné que, bien que son département fournisse de l'aide sociale (y compris le paiement de frais de funérailles) aux membres de la Bande qui en ont besoin, cette aide n'est pas offerte aux membres de la Bande qui n'habitent pas dans la réserve, comme c'était le cas pour Francis, le fils de Corrine. Il s'agit là de la responsabilité du ministère des Services sociaux provincial. Elle a expliqué que bien que les factures du salon funéraire aient été envoyées à son bureau, par erreur, elle n'en a pas tenu compte. À l'audience, elle a pris la pleine responsabilité du fait qu'elle n'en avait pas tenu compte et a attribué une partie de l'erreur au fait qu'elle ne travaillait qu'à temps partiel lorsque les factures ont été livrées. En janvier 2008, elle a fait parvenir les factures aux autorités provinciales et la première facture (pour les frais généraux) a été payée en février 2008. Il semble que les autorités provinciales aient refusé de rembourser les frais du surclassement, mais Corrine a témoigné que le salon funéraire ne l'avait pas poursuivie pour ces frais additionnels.

K. Le refus de donner des coupons de lait à Angela

[125] Corrine soutient qu'en mars 2002, sa fille, Angela, a été victime d'une différence de traitement en ce qui a trait à l'obtention de coupons lui permettant d'acheter du lait, après la naissance de son enfant. Santé Canada fournit des fonds pour un programme de nutrition pré et postnatal pour les mères. Angela a reçu ces coupons pendant les six derniers mois de sa grossesse. Cependant, plusieurs mois après la naissance de son enfant, on l'a avisée qu'elle ne recevrait plus de coupons.

[126] Corrine a témoigné qu'elle s'est rendue à la clinique médicale avec sa fille pour découvrir pourquoi elle ne recevrait plus de coupons. Corrine a rencontré Irene Fine Day, qui était l'infirmière qui gérait le programme. D'après Corrine, Mme Fine Day s'est soudainement mise en colère et a confronté Corrine en lui demandant pourquoi elle était une telle [TRADUCTION] fautrice de troubles, ajoutant que [TRADUCTION] tout le monde au bureau de la Bande vous déteste. Corrine fait valoir que Mme Fine Day l'a accusée de prendre de la drogue et qu'elle a ensuite téléphoné à la police. Corrine se demande pourquoi sa fille n'avait plus droit aux coupons - est ce que les autres personnes étaient plus spéciales?

[127] À mon avis, la preuve de Corrine, même si l'on y ajoute foi, n'est pas suffisante pour établir une preuve prima facie qu'elle a été victime d'un acte discriminatoire. Elle a peut être des doutes, mais la preuve ne fait que démontrer qu'Angela ne recevrait plus de coupons. Rien ne donne à penser que la situation de famille de Corrine ou d'Angela a été un facteur. Au mieux, tout ce qui a été établi est que Mme Fine Day a fait preuve d'animosité envers Corrine.

[128] De plus, Mme Fine Day et l'une de ses collègues qui a été témoin de la discussion (Barbara Netmaker) ont toutes les deux témoigné et ont présenté une explication raisonnable pour ce qui s'était passé. Le programme du gouvernement fournit du lait aux femmes enceintes et aux mères qui allaitent leurs nouveau nés, pendant une période allant jusqu'à six mois après la naissance. Pour avoir droit à ce service, il faut se soumettre à deux évaluations distinctes (avant et après la naissance) et deux formulaires doivent être remplis et envoyés à un bureau à Regina. La clinique vérifie si les formulaires ont été remplis cinq mois après la naissance. Il semble qu'Angela n'a pas subi sa deuxième évaluation et son deuxième formulaire n'a jamais été rempli. Elle a donc été invitée à rencontrer Mme Fine Day pour subir l'évaluation et remplir le formulaire, afin de continuer à recevoir les coupons.

[129] D'après Mme Fine Day, au lieu de se présenter pour la deuxième évaluation, Angela est arrivée avec Corrine, qui s'est immédiatement mise à crier devant Mme Fine Day, empêchant cette dernière d'expliquer la situation. Après la rencontre, Mme Netmaker a préparé un rapport d'incident, qui a été présenté en preuve. Le rapport confirme les souvenirs de Mme Fine Day selon lesquels elle a tenté d'expliquer les circonstances calmement à Corrine, qui a refusé d'écouter les renseignements qu'on lui donnait et qui s'est plutôt mise à crier contre Mme Fine Day. Il est noté dans le rapport que Corrine s'est adressée au personnel de la clinique en utilisant des insultes vulgaires et en les menaçant tous de les amener en cour. Je note que Mme Netmaker a clairement précisé dans son témoignage qu'elle ne s'entend pas avec Mme Fine Day. Néanmoins, Mme Netmaker n'était pas prête à contredire son propre rapport d'incident, qu'elle avait préparé peu de temps après l'incident en 2002.

[130] Il convient aussi de noter que Mme Fine Day était une employée de Santé Canada et que le programme de coupons de lait est géré par l'ACTC. Mme Fine Day n'était pas une employée de la Bande. D'ailleurs, Mme Netmaker a décidé d'accorder à Angela les coupons de lait restants pour le dernier mois, malgré la confrontation qui avait eu lieu avec Mme Fine Day. Par conséquent, Angela ne s'est donc pas vue refuser l'attribution complète des coupons.

[131] Pour les motifs précédents, je conclus que cette allégation n'a pas été justifiée.

L. La saisie du salaire de Corrine pour le paiement du loyer du Teacherage no 4

[132] Corrine a travaillé comme vendeuse dans une des entreprises de la Bande (le Miami Gas Bar) entre octobre 2001 et août 2002. Dans son témoignage, Corrine s'est plainte du fait qu'une partie de son salaire avait été déduite pour payer le loyer de sa maison au Teacherage no 4. Elle a fait valoir que personne ne payait de loyer à l'époque. Cependant, en contre interrogatoire, elle a expliqué que, lorsqu'elle s'était plainte au Conseil de bande au sujet des saisies, on lui a dit que les personnes qui bénéficiaient de l'aide sociale n'avaient pas à payer de loyer aux Teacherages. Cependant, pendant la période au cours de laquelle elle avait un emploi rémunéré, elle devait payer son loyer.

[133] Depuis la fin de son emploi, Corrine n'a pas payé de loyer pour sa maison. Elle a travaillé à nouveau pendant un certain temps en 2007. Cependant, il semble que la Bande a cessé d'exiger que les occupants des Teacherages paient un loyer, peu importe les circonstances. M. McGilvery a témoigné que, lorsqu'il a déménagé dans sa maison, il payait un loyer (il ne recevait pas d'aide sociale), mais qu'à un moment donné, la Bande a cessé d'exiger le paiement d'un loyer. Avant cela, il se souvient de s'être plaint à la Bande au sujet du fait qu'il devait payer un loyer, alors que d'autres n'en payaient pas. Un autre témoin, Roy Morin, qui a aussi habité dans les Teacherages jusqu'à l'été 2007, a témoigné qu'il ne payait pas de loyer. M. Klein a confirmé dans son témoignage que la Bande n'exige un loyer que de la part de deux résidents des Teacherages, qui sont enseignants à l'école, mais qui ne sont pas membres de la Bande. Les membres de la Bande n'ont pas à payer de loyer.

[134] Par conséquent, il semble que le fait que Corrine ait dû payer un loyer en 2001 2002 n'est pas différent du fait que d'autres résidents qui n'obtenaient pas d'aide sociale (p. ex. M. McGilvery) payaient aussi un loyer. Ainsi, la preuve ne donne pas à penser que la situation de famille de Corrine a été un facteur dans la décision d'exiger qu'elle paie un loyer en déduisant ce loyer de son salaire. L'allégation n'est donc pas justifiée.

M. Le débranchement de l'approvisionnement en électricité de la maison de Corrine en octobre 2004

[135] En octobre 2004, l'approvisionnement en électricité de la maison de Corrine a été débranché sans préavis. Lorsqu'elle a communiqué avec la compagnie d'électricité, SaskPower, pour qu'on rebranche son électricité, on lui a dit que le service avait été débranché parce que des factures n'avaient pas été payées. Corrine ne comprenait pas comment cela avait pu se produire. Comme elle recevait de l'aide sociale, l'ACTC payait son électricité. Les factures étaient à son nom, mais elles étaient envoyées au bureau de l'ACTC à Spiritwood. SaskPower a dit à Corrine qu'en mai 2004, on l'avait avisée que les factures devaient maintenant être émises au nom de [TRADUCTION] Éducation de la Bande de Big River et que l'adresse devait être changée pour celle de la boîte postale de la Bande. Corrine a communiqué avec l'ACTC pour les aviser de ce qui s'était passé. L'ACTC a payé le montant en souffrance à SaskPower et l'électricité a été rebranchée, mais seulement après la longue fin de semaine de l'Action de grâces, pendant laquelle la maison de Corrine n'avait pas d'électricité. Corrine croit que cet incident démontre un effort de la Bande de lui refuser des services en raison de sa situation de famille.

[136] Cependant, les faits indiquent le contraire. Corrine a été incapable de savoir qui avait avisé SaskPower de changer le nom du client sur le compte. M. Klein a déclaré dans son témoignage qu'il n'avait aucune idée de qui aurait pu faire cela. Néanmoins, en fonction de la preuve circonstancielle, il semble probable que le changement a eu lieu à la suite des efforts visant à expulser Darrell, puisque les mesures d'expulsion ont été prises à la même époque, en mai 2004. Les factures précédentes de SaskPower démontraient que Darrell et Corrine étaient tous deux clients. Le 11 mai 2004, SaskPower a émis sa dernière facture pour ce compte, seulement quelques jours après l'envoi du deuxième avis d'expulsion. Il semble très probable que les employés de la Bande, conformément à l'avis d'expulsion, ont avisé SaskPower de changer ses dossiers en conséquence.

[137] Cependant, j'ai déjà conclu que la conduite de la Bande au sujet de l'expulsion n'était pas discriminatoire. Les faits portant sur le débranchement de l'électricité ne sont qu'une extension de la même question. Par conséquent, je conclus que cet incident ne prouve pas qu'il y a eu acte discriminatoire.

VI. Conclusion

[138] Pour tous les motifs précédents, je conclus que la plainte en matière de droits de la personne de Corrine McAdam n'est pas justifiée. La plainte est donc rejetée. Il est évident que Corrine a des doutes sérieux au sujet de la façon dont la Bande gère ses opérations et de la façon dont sa direction devrait être déterminée. Cependant, elle n'a pas établi qu'elle a été la victime d'une différence de traitement ou qu'on lui a refusé des services pour les motifs de distinction illicites qu'elle a soulevés dans sa plainte.

Signée par

Athanasios D. Hadjis

OTTAWA (Ontario)

Le 13 janvier 2009

PARTIES AU DOSSIER

Prince Albert (Saskatchewan)

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1128/1006

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Corrine McAdam v. Première nation de
Big River

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 3 au 7 décembre 2007
Les 21 au 25 janvier 2008
Les 14 au 18 avril 2008
Les 5, 6, 8 may 2008

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

le 13 janvier 2009

ONT COMPARU :

Corrine McAdam

Pour elle-même

(Aucune représentation)

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Roh Cherkewich

Pour l'intimée

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