Tribunal canadien des droits de la personne

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DT 4/ 87 Décision rendue le 20 février 1987

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE: Jean- Louis Pelletier Plaignant et Brazeau Transport Inc. Intimée

DEVANT: Me Claude D. Marleau Président

Comparution: Me Anne Trottier et Me René Duval Procureurs du Plaignant et de la Commission canadienne des droits de la personne.

Me Rolland Forget Procureur de l’intimée

> - 2 Décision 1) Constitution du tribunal

Le neuf( 9) juin 1986, le président du Comité du tribunal des droits de la personne constituait le présent tribunal afin d’examiner la plainte logée par M. Jean- Louis Pelletier le 18 février 1982.

La plainte porte sur des allégations de discrimination basées sur l’âge, le tout étant contraire aux dispositions des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (S. C. de 1976- 77 C. 33) et se lit comme suit:

"Suite à une annonce parue dans le Sudbury Star, j’ai postulé un emploi de répartiteur auprès de la compagnie Brazeau Transport Inc. de Sudbury. Le 19 janvier 1982, le gérant de cette succursale me convoqua par téléphone à une entrevue. Il m’avisa alors que j’avais de bonnes chances d’obtenir le poste susmentionné mais que je ne pourrais être admis au régime collectif d’assurance de la compagnie à cause de mon âge (56 ans). J’acceptais cette condition, mais le 27 janvier suivant, après une rencontre avec le gérant en question et son supérieur de Toronto, le gérant m’avisa que son patron refusait de m’embaucher en raison de mon âge, car selon ce dernier, mon âge engendrait trop de complications légales pour la compagnie. Conséquemment, je crois avoir

été défavorisé en vertu de mon âge, et ceci, en contravention aux articles 7 et 10 de la Loi canadienne des droits de la personne."

L’audition de la plainte a eu lieu à Sudbury, Ontario, le 30ième jour de septembre 1986 et l’acte de nomination du tribunal fut déposé sous la cote T- 1.

Au début de l’audition, le procureur de la Commission canadienne des droits de la personne, se désista de la partie de la plainte relative à l’article 10 avisant ainsi le tribunal qu’il n’y aurait aucune preuve de produite à cet égard.

.../ 3 > - 3 2) Les faits en litige: A. Preuve du plaignant

En janvier 1982, le plaignant Jean- Louis Pelletier, alors âgé de 56 ans, postula un emploi de répartiteur à la succursale de Sudbury de l’intimée.

M. Pelletier fit application suite à la parution d’une demande de service dans le journal Le Sudbury Star.

Il a fait part au tribunal, lors de son témoignage, de son expérience acquise pendant sept( 7) ans à titre de répartiteur chez Motorways Ontario Ltd. Toujours selon ses dires, Motorways Ontario Ltd aurait fermé les portes de son établissement de Sudbury en octobre 1980, mettant alors à pied M. Pelletier ainsi que l’ensemble du personnel.

Les responsabilités relevant du poste de M. Pelletier dans cet emploi consistaient en la répartition des chauffeurs, la facturation, l’affrètement ainsi qu’au travail de classement relié à son poste. Il devait aussi se servir d’ordinateurs afin d’accomplir ses fonctions.

M. Pelletier a par ailleurs expliqué au tribunal qu’il avait travaillé vingt- cinq( 25) ans dans le secteur minier, soit à titre de mineur d’uranium ou en tant que menuisier de mine.

M. Pelletier affirme avoir été convoqué à trois( 3) reprises par le gérant de l’intimée, M. Rajotte.

Il déclare que, lors d’un premier entretien avec le gérant de l’intimée, celui- ci lui aurait indiqué qu’il serait engagé à la condition qu’il fasse la preuve d’un bon état de santé et ce, en subissant un examen médical chez un médecin impartial. M. Pelletier s’expliqua de la façon suivante:

" Q. C’est lui qui vous a fait venir? R. Pardon? Q. C’est lui qui vous a fait venir?

.../ 4 >

- 4 R. Oui, il m’a convoqué à une interview puis après l’interview il

m’avait dit qu’en autant qu’il était concerné, que la position était la mienne.

Q. Et vous avez parlé d’un médical, c’est à condition de passer un médical si j’ai bien compris?

R. Oui, la seule condition c’était un médical et un délai... et il y a eu un peu de délai pour trouver un médecin qui passerait le médical parce qu’il ne voulait pas que ce soit passé par mon docteur de famille. Il voulait que ce soit un médecin impartial. Il n’y avait pas de médecin attitré puis j’ai trouvé le docteur Blais qui a consenti à me passer le médical.

J’ai passé au médical et quand je suis revenu avec le médical, il ne voulait pas du tout... bien, ses supérieur à Toronto avait dit que d à mon âge, il ne m’embaucherait pas." (notes sténographiques page 9 et 10)

Dans son témoignage M. Pelletier dit que lors d’une deuxième entrevue, M. Rajotte lui a remis un formulaire et demandé de trouver un médecin impartial pour subir un examen médical et que, si cet examen s’avérait bon, l’emploi lui reviendrait.

Suite à l’examen médical, M. Pelletier a été informé par M. Rajotte que le bureau de Toronto rejetait sa candidature.

Par la suite, M. Pelletier eut une autre rencontre avec M. Rajotte, cette fois pour lui demander de reconsidérer sa décision, ce qui fut fait en vain.

M. Pelletier a également rapporté que pendant la période qui suivit, il fit certains travaux de menuiserie et postula pour des emplois auprès de compagnies de transport ainsi que des hôtels. Il offrit aussi ses services par le biais d’annonces classées dans les journaux afin de trouver un travail en menuiserie à son compte.

Par la suite, il s’est vu offrir et ce, par l’entremise des enquêteurs de la Commission canadienne des droits de la personne, un emploi chez Brazeau Transport à titre de camionneur. Cette offre d’emploi était conditionnelle à ce qu’il réussisse l’examen du Ministère des Transports Ontarien ainsi qu’à la disponibilité du

.../ 5 > - 5 poste en question. Sur ce point, M. Pelletier rapporte qu’il ne parvint pas à réussir les examens du Ministère ce qui lui fit perdre ses chances d’obtenir l’emploi.

Le montant de ses revenus pour 1982- 83- 84- 85 fut mis en preuve par le témoignage de M. Pelletier et par le biais de ses rapports d’impôt qui furent déposés au soutien de la plainte.

Le procureur de l’intimée, en contre interrogatoire, a soulevé que le témoignage de M. Pelletier n’était pas constant avec la formulation de la plainte en ce que celle- ci ne mentionne pas qu’il aurait obtenu l’assurance d’avoir le poste suite à la réussite ce l’examen médical.

Le tribunal a eu l’occasion d’entendre M. Pelletier témoigner en contre interrogatoire, lequel a soulevé le fait que la déclaration avait été remplie par un préposé de la Commission Canadienne des droits de la personne et que la rédaction n’était pas la sienne:

"Cette chose là, il se peut qu’il ait amadoué ça. Ça a été écrit ça à Ottawa, j’ai signé ça... la rédaction n’est pas la mienne". (notes sténographiques, page 21, ligne 10)

Et un peu plus loin, M. Pelletier dit:

"Il aurait pu changer ça, peut- être que la position était la mienne si je passais le médical. C’était conditionnel à avoir le médical, la plainte était exacte." (notes sténographiques, page 26, ligne 5)

Le tribunal ayant écouté le témoignage de M. Pelletier, autant en preuve principale qu’en contre interrogatoire et, ayant été en mesure d’apprécier le témoin, ne voit aucune raison de douter dudit témoignage. M. Pelletier a été sans équivoque en ce qui concerne les rencontres et est resté sans équivoque tout au long du contre interrogatoire.

.../ 6 > - 6 B. Preuve de l’intimée

En défense, l’intimée a fait témoigner M. Dan Nancekivell qui a déclaré être à l’emploi de l’intimée depuis 1978.

Au début, il travaillait à temps partiel comme répartiteur C. S. D. à Pembrooke, Ontario, et par la suite a occupé un poste à temps plein et ce, toujours à Pembrooke pour deux( 2) autres années.

Suite à ceci, il fut transféré à Ottawa et travailla comme répartiteur dans une succursale ayant un plus gros débit. Il occupe ce poste jusqu’en février 1982, période au cours de laquelle il déménagea à Sudbury pour occuper le poste en litige. C’est donc par mutation interne que le poste fut comblé.

Il eut l’occasion de travailler avec M. Rajotte oui, à l’époque, était le gérant de l’intimée et ce, jusqu’au mois de juin 1982 époque au cours de laquelle, selon son témoignage, la compagnie se départit de ses services.

Plus tard en 1984, M. Nancekivell fut transféré à Toronto. Ce dernier a déclaré que son salaire de février 1982 à octobre 1984 était de trois cent vingt- cinq dollars (325.00$) par semaine.

Par la suite l’intimée fit témoigner M. Pierre Lefebvre, directeur des ressources humaines au Groupe Transport Brazeau.

M. Lefebvre a décrit l’entreprise Brazeau Transport comme ayant une quarantaine de succursales au Canada et environ deux milles (2000) employés.

Avec son siège social à Ville St- Laurent au Québec, le territoire de Brazeau est divisé en régions administratives, chacune chapeautée par un directeur régional.

Selon M. Lefebvre, le gérant de la succursale de Sudbury relève d’un directeur régional, en poste à Toronto, qui lui- même relève d’un vice- président à l’exploitation ayant ses bureaux au siècle social.

M. Lefebvre a longuement décrit la politique d’embauche de la compagnie intimée, celle- ci existant depuis deux ans à deux ans et demi. Cette même politique d’embauche, selon ses dires, était

.../ 7 > - 7 existante auparavant mais non structurée par le service des ressources humaines. Ainsi M. Lefebvre s’exprima de la façon suivante:

"Q. Au niveau des politiques, des politiques d’engagement, pouvez- vous nous dire comment ça fonctionne chez Brazeau?"

R. On a depuis deux ans et demi (2½ ans) mis sur pied une politique d’embauche, en fait une politique qui était existante avant mais oui était plutôt pratiquée, on n’avait pas de document écrit.

Donc, on retrouve depuis deux ans et demi (2½ ans) chez Brazeau une politique de dotation où l’on tente de favoriser la promotion interne et les mutations internes, c’est- à- dire que lors de l’ouverture d’une vacance, on va afficher à l’interne, on va contacter un certain nombre d’individus qui sont susceptibles d’être considérés ou oui ont déjà manifesté dans le passé un intérêt pour être transféré ou occuper d’autres fonctions. (notes sténographiques, page 71 et 72)

M. Lefebvre a également témoigné que la politique d’embauche de la compagnie est telle, qu’il existe plusieurs étapes à franchir à l’interne. M. Lefebvre s’exprima de la façon suivante:

"Q. Si je reviens maintenant, vous avez parlé qu’il y a du travail de fait au niveau des ressources humaines. Le processus au complet, pouvez- vous nous expliquer comment il fonctionne, et particulièrement au niveau du gérant local, quelle est son implication?

R. D’accord. Si on part avec un poste à combler, on va recevoir au siège social une demande de personnel, enfin un genre de réquisition d’emploi, et on procède à l’affichage interne et à l’ouverture du concours comme tel, soit par voies internes et dans certains cas, comme je le mentionnais précédemment, à des affichages externes dans les journaux, centres de main- d’oeuvre, tout dépendamment de la fonction et la région.

On va recevoir les demandes et mon service s’occupe du pré- tamisage des candidatures.

.../ 8

> - 8 Et à ce niveau là, les cadres hiérarchiques, c’est- à- dire soit le directeur de la succursale ou le chef de service, peu importe, le service demandeur comme tel, n’est pas encore impliqué. Il va être impliqué au niveau de la deuxième étape du processus de dotation, à savoir les... l’étape de présélection. Donc on va soumettre aux cadres hiérarchiques un certain nombre de candidats qui peuvent être internes ou externes, qui sont susceptible, qui répondent aux exigences de base." (notes sténographiques page 73 et 74)

M. Lefebvre a longuement témoigné quant au processus d’embauche et à l’implication du gérant de succursale pour dire qu’il n’est pas impliqué au début, soit dans les étapes de tamisage, etc. L’opinion du gérant de succursale ne sera considérée qu’au moment de la présentation du candidat présélectionné.

C’est par la suite qu’il mènera les entrevues avec ou non un représentant du service des ressources humaines.

M. Lefebvre termina son témoignage portant sur le processus d’embauche en disant que la décision finale d’embauche dans le cas d’un répartiteur revient au directeur régional avec considération pour l’opinion du gérant de la succursale.

M. Lefebvre poursuivit son témoignage en expliquant qu’avant 1984, date de son entrée à la compagnie intimée, il n’y avait aucune implication du service des ressources humaines puisque celui- ci n’existait pas. Il a cependant témoigné à l’effet qu’en 1982 la procédure était fondamentalement la même et que le directeur régional émettait la décision finale d’embauche. Le tribunal ne peut considérer cette preuve car M. Lefebvre n’était pas au service de la compagnie pour la période précédent 1984.

Par la suite l’intimée déposa un extrait du manuel des politiques et méthodes administratives concernant les mutations et ce, sous la cote R- 1.

En contre interrogatoire, M. Lefebvre a témoigné à l’effet que le répartiteur en place, suite au transfert de M. Nancekivell, et ce, en 1984, gagnait approximativement trois cent cinq dollars (305.00$) par semaine et avait eu des augmentations égales à cinq pour cent (5%) par année, gagnant ainsi en septembre 1986 trois cent quarante dollars (340.00$) par semaine.

.../ 9 > - 9 3) Le droit

Avant de discuter des argumentations des procureurs, il serait bon de citer le droit s’appliquant au présent litige.

L’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne dit:

"3.( 1) Pour l’application de la présente Loi, les motifs de

distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race,

l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’état matrimonial, la situation de la famille, l’état des personnes graciées ou la déficience."

L’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne dit:

"7. Constitue un acte discriminatoire le fait:

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu, ou

b) de défavoriser un employé dans le cadre de son emploi directement ou indirectement pour les motifs de distinction illicite."

L’article 14 (A) de la Loi canadienne sur les droits de la personne dit:

" 14. Ne constitue pas des actes discriminatoires

a) le refus, exclusion, expulsion, suspension, restriction, condition ou préférence de l’employeur qui démontrent qu’il en découle d’exigences professionnelles justifiées;"

Ce sont là les dispositions applicables aux parties dans le présent litige et sur lesquelles le tribunal doit se pencher pour déterminer s’il y a eu discrimination sur l’âge ou non.

En plaidoirie, le procureur de la Commission, se basant sur l’arrêt Borough of Etobicoke qui fut suivi de l’arrêt O’Malley, et Bhinder, plaide que le fardeau de la Commission est

.../ 10 > - 10 d’établir une preuve prima facie de discrimination et que si cette preuve prima facie apparaît, le fardeau est renversé et c’est alors a l’intimée que revient la tâche de démontrer qu’il en est autrement.

Le tribunal partage l’opinion du procureur de la Commission et, en regard de la preuve, décide que la Commission s’est déchargée de son fardeau premier en prouvant prima facie qu’il y a eu discrimination à cause d’âge.

Le tribunal est satisfait et ce, en considération de la balance des probalités, que:

  1. Un emploi à titre de répartiteur était disponible chez Brazeau Transport;
  2. M. Pelletier a fait une demande d’emploi chez Brazeau Transport à titre de répartiteur;
  3. M. Pelletier avait les qualifications requises pour l’emploi; d) M. Pelletier s’est vu refuser l’emploi à cause d’une distinction

illicite fondée sur l’âge. S’ensuit donc que le fardeau repose maintenant sur l’intimée et le

tribunal doit examiner à la lueur de la preuve offerte, si la défense de l’intimée a toutes les qualités nécessaires pour que l’intimée s’acquitte de son fardeau.

Le juge McIntyre J. dans la cause The Ontario Human Rights Commission and Bruce Dunlop and Harold E. Hall and Vincent Gray -vs- Borough of Etobicoke [1982] 1, S. C. R. 202, à la page 208, paragraphe b, disait:

"Lorsqu’un plaignant établit devant une commission d’enquête qu’il est, de prime abord, victime de discrimination, en l’espèce que la retraite obligatoire à soixante( 60) ans est une condition de travail, il a droit à un redressement en l’absence de justifications de la part de l’employeur. La seule justification que peut invoquer l’employeur en l’espèce est la preuve, dont le fardeau lui

.../ 11 > - 11 imcombe, que la retraite obligatoire est une exigence professionnelle

réelle de l’emploi en question. La preuve, a mon avis, doit être faite conformément a la règle normale de preuve en matière civile, c’est- à- dire la prépondérance des probabilités".

Le principe fut maintenu dans la cause Ontario Human Rights Commission and Theresa O’Malley (Vincent) - vs - Simpson Sears Ltd [1985] 2 S. C. R. 536 ainsi que dans la cause KS Bhinder and The Canadian Human Rights Commission - vs - Compagnie des chemins de fers nationaux du Canada, le procureur général du Canada et als [1985] 2 R. C. S. 561.

Donc le fardeau de l’intimée est de démontrer que le refus d’embauche de M. Pelletier découle d’exigences professionnelles justifiées.

Toujours dans la cause Etobicoke citée plus haut, le juge McIntyre à la page 203, paragraphe g, nous donne la définition d’une exigence professionnelle réelle:

" Pour constituer une exigence professionnelle réelle, une restriction comme la retraite obligatoire à un âge déterminer doit être imposée honnêtement, de bonne foi et avec la conviction sincère que cette restriction est imposée en rue d’assurer la bonne exécution du travail en question d’une manière raisonnablement diligente, s re et économique, et non pour des motifs inavoués ou étrangers qui visent des objectifs susceptibles d’aller à l’encontre de ceux du code."

Le tribunal ne peut accepter les arguments présentés par l’intimée comme entrant dans le cadre de l’article 14 (a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne car le fait de promouvoir ou de muter des employés à l’interne n’est certes pas une exigence professionnelle justifiée.

Le tribunal, après avoir analysé le témoignage de M. Nancekivell ainsi que celui de M. Lefebvre, ne peut venir à la conclusion que l’intimée a repoussé son fardeau. M. Lefebvre n’était pas à l’emploi de la compagnie au moment du refus d’embauche et la preuve de la politique de mutation ne meut être retenue que pour la période suivant 1984.

.../ 12

> - 12 De plus, l’intimée aurait eu le loisir de faire témoigner le gérant de la succursale M. Rajotte, et ou, le directeur régional de l’époque. Ne l’ayant pas faits il n’a pu éclairer le tribunal en ce qui concerne les rencontres d’embauche avec M. Pelletier, de même que les politiques d’embauche prévalant à cette époque.

Le tribunal ayant considéré la preuve, les prétentions des procureurs ainsi que la jurisprudence soumise à l’appui de leurs prétentions conclut que l’intimée Brazeau Transport a posé un acte discriminatoire à l’endroit du plaignant refusant de l’embaucher au motif de son âge, contrairement à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et que ladite discrimination ne découlait pas d’exigences professionnelles justifiées au sens de l’article 14 de la Loi.

Le tribunal, étant venu à la conclusion que le plaignant a été discriminé pour un motif illicite, doit se pencher sur la question de la compensation.

4) Dommages En plaidorie les procureurs ont tous deux fait des représentations en ce qui concerne les dommages à être accordés.

Le procureur de la Commission demande l’intégration du plaignant à la première occasion raisonnable, des dommages moraux substantiels ainsi que des dommages pour perte de revenus.

Par contre, le Procureur de l’intimée plaide que si les motifs de discrimination en raison d’âge sont retenus par le tribunal, compte tenu de la preuve soumise, suggère que le tribunal accorde entre cinq cents dollars (500.00$) et deux milles dollars (2 000.00$) à titre de dommages moraux.

Tout d’abord, le pouvoir du tribunal d’accorder des dommages se retrouve aux articles 41 et 42 de la Loi et lui donne une latitude très large afin de redresser les situations de discrimination et de compenser les personnes qui ont été victimes de discrimination.

Le procureur de l’intimée soumet que, en regard de la jurisprudence, l’intimée ne devrait pas être tenue responsable du salaire non perçu parce que nous n’avons aucune indication que M. Pelletier aurait réussi à garder l’emploi au- delà de la période d’essai.

.../ 13 > - 13 De plus, le procureur de l’intimée a déclaré au tribunal que M. Pelletier se devait de mitiger les dommages en faisant une recherche active de travail et soutient que, selon le témoignage rendu, M. Pelletier ne s’est pas acquitté de cette obligation.

Pour sa part, le procureur de la Commission a soumis et ce, jurisprudence à l’appui, qu’on ne devait pas prendre en considération le fait

que le plaignant pouvait ne pas avoir conserve l’emploi au- delà de la période d’essai.

Sur ce point, le tribunal fait siennes les prétentions du procureur de la Commission et ce, après avoir relu la jurisprudence pertinente dans Labelle et Denis Claveau - vs - Air Canada, Canadian Human Rights Reporter, volume 4, 266 ainsi que Via Rail Canada Inc. - vs - Marilyn Butterill, David J. Forman et I. Wolfman et la Commission canadienne des droits de la personne, [1982] 2, C. F. 830.

La preuve a révélé que le répartiteur qui a eu l’emploi objet de plainte gagnait trois cent vingt- cinq dollars (325.00$) par semaine, soit seize mille neufs cents dollars (16 900.00$) annuellement.

De plus, le représentant de l’intimée a témoigné à l’effet que l’entreprise, depuis 1934, accorde au répartiteur en place une augmentation annuelle de 5%.

Le tribunal retient que pour l’année 1984 le salaire de seize mille neuf cents dollars (16 900.00$) majoré de 5% serait de dix sept mille sept cent quarante- cinq dollars (17 745.00$), majoré d’un autre 5% en 1985, il serait de dix- huit mille six cent trente- deux dollars et vingt- cinq cents (18 632.25%), et majoré encore de 5% en 1986, il aurait été de dix- neuf mille cinq cent soixante et trois dollars et quatre- vingt- six cents (19 563.86$).

La preuve a également démontré que le plaignant a gagné respectivement pour les années concernées par la plainte les sommes suivantes:

1982= 1831.52$, 1983= aucun revenu 1984= 767.81$ 1085= 110.46$.

En ce oui concerne 1986, aucune preuve de revenus n’a été fournie. .../ 14 > - 14 Donc, le salaire total perdu serait de quatre- vingt- neuf mille sept cent quarante et un dollars et onze cents (39 741.11$) moins les sommes gagnées par M. Pelletier telles que mises en preuve, soit deux mille sept cent neuf dollars et quarante- neuf cents (2 709.49$), pour un total de quatre- vingt- sept mille trente et un dollars et trente- deux cents (87 031.32$).

Cependant le tribunal fait siennes les prétentions du procureur de l’intimée à l’effet quel le plaignant a le devoir de mitiger les dommages en démontrant une recherche active de travail.

Pour cette raison, en regard de la preuve soumise ainsi de toutes les circonstances entourant le présent litige, le tribunal croit qu’une diminution égale à un tiers (113) du montant ci- haut doit être effectuée ramenant ainsi la compensation pour salaire à cinquante- huit vingt dollars et quatre- vingt- huit cents (53 020.88$).

De plus, en renard de la preuve, de part et d’autre, le tribunal vient à la conclusion que le plaignant a souffert d’un préjudice moral par suite de

l’acte discriminatoire et accorde un montant de deux mille cinq cents dollars (2 500.00$) à titre de dommages moraux.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL: ORDONNE en vertu de l’article 41 (2) (c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne à l’intimée Brazeau Transport Inc. de payer au plaignant, M. Jean- Louis Pelletier, une somme de cinquante- huit mille vingt dollars et quatre- vingt- huit cents (58 020.88$) à titre de compensation.

ORDONNE en vertu de l’article 41 (3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne à l’intimée Brazeau Transport Inc. de payer au plaignant M. Jean- Louis Pelletier une somme de deux mille cinq cents dollars (2 500.00$) à titre de préjudice moral.

SIGNE A QUEBEC, CE 15ième JOUR DE JANVIER 1987. CLAUDE D. MARLEAU Président du tribunal

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