Tribunal canadien des droits de la personne

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DT 8/ 87 Décision rendue le 28 juillet 1987

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

JOHANNE MORISSETTE, Plaignante, -et LA COMMISSION DE L’EMPLOI ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA, Mise- en- cause,

DEVANT: Gilles Mercure, Président

COMPARUTIONS: Me René Duval Procureur de la plaignante et de la Commission canadienne des droits de la Personne Me Johanne Levasseur Procureur de la mise- en- cause

Version anglaise à suivre Enlgish version to follow

> Le présent Tribunal a été constitué le 13 ao t 1986 pour examiner la plainte de la plaignante, Johanne Morissette, logée le 18 décembre 1985.

Les dernières notes et autorités des parties ont été transmises au Tribunal le 9 février 1987.

I LES FAITS

La plaignante a obtenu, en 1980, son diplôme d’études secondaires du Ministère de l’Education du Québec, de niveau secondaire V, option secrétaire de service. Au cours de la même année, elle obtenait un diplôme de secrétaire médicale d’une institution privée reconnue par le Ministère.

En 1983, elle occupait un poste de secrétaire au sein de la firme Caloritech et y recevait un salaire brut de 300.00$ par semaine. En décembre 1983, elle est mise à pied à cause d’un manque de travail.

Le 12 décembre 1983, suite à la perte de son emploi, elle se rend au bureau de la mise en cause situé à Pierrefonds. Elle y remplit le formulaire usuel dont une partie est remise aux

>-

-2- préposés de l’Assurance- chômage et une autre partie est utilisée par ceux de l’Emploi. La plaignante n’a rencontré aucun conseiller en main- d’oeuvre ce jour- là.

Conséquemment à cette démarche, la plaignante a bientôt conmmencé à recevoir des prestations d’assurance- chômage, au montant de 180.00$ par semaine. Le 13 février 1984, elle est convoquée au bureau de la mise- en- cause. Elle y rencontre alors une conseillère en emploi, au service de la mise- en- cause, Mme Monique Gignac. La preuve révèle que cette entrevue a été de courte durée, entre 5 et 10 minutes. C’est au cours de cet entretien que la plaignante a mentionné qu’elle était enceinte de 3 à 4 mois. Comme question de faits, elle a accouché le 19 ao t 1984.

Durant cette période, la plaignante n’a reçu aucune communication de Mme Gignac ou d’un autre préposé de la mise- en- cause pour lui faire part d’offres d’emploi disponibles à titre de secrétaire médicale ou de secrétaire.

Le 8 juin 1984, la mise- en- cause a expédié un avis de refus à la plaignante, l’informant qu’elle ne serait plus admissible aux bénéfices de prestations d’assurance- chômage à compter du 24 juin 1984.

> -3- La mise- en- cause a produit à l’enquête un autre avis d’inadmissibilité expédié à la plaignante le 22 octobre 1984 (pièce R- 2) et un avis de nouvel examen daté du 6 novembre 1984 (pièce R- 3). La mise- en- cause a fait passer à la plaignante un test de dactylographie en octobre 1984.

Le 18 décembre 1984, la plaignante a déposé devant la Commission Canadienne des Droits de la Personne la plainte qui fait l’objet du présent litige et se lit comme suit:

"J’allègue avoir été victime de discrimination fondée sur le sexe (grossesse) en contravention à l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne lorsque le mis- en- cause a refusé par l’entremise d’une conseillère en main- d’oeuvre de me fournir des services reliés à la recherche d’emploi en raison de ma grossesse."

II LA DISCRIMINATION SELON LA PLAIGNANTE

La plaignante allègue donc avoir été victime d’actes discriminatoires, fondés sur le sexe, de la part de la mise- en- cause, dans la fourniture de services reliés à la recherche d’un emploi.

Elle en veut pour preuve les principaux faits suivants.

> -4- a) La rencontre du 13 février 1984 Cette entrevue, on le sait, n’a duré que quelques minutes. Selon le témoignage de la plaignante, le fait qu’elle ait alors déclaré à Mme Gignac qu’elle était enceinte a fait prendre à l’entretien une tournure assez inattendue. Voyons comment, au cours de son témoignage, elle résume pour le

Tribunal cette entrevue avec la conseillère en emploi: R. Je crois que c’est le 13 février 1984. Q. 13 février. Merci. Oui, alors, je vous écoute, madame. R. Okay. Je me suis présentée à neuf heures le matin. Puis là, quand je me suis rendue dans son ... dans son petit bureau, là, elle m’a demandé si j’avais commencé à faire des recherches d’emploi. Je lui ait dit que oui. Puis elle m’a demandé à quels endroits. Et puis je lui ai nommé, entre autres, le Centre Hospitalier Montreal Children’s. Elle m’a demandé qu’est- ce qui s’était passé. Bien, je lui ai dit que j’avais été refusée a cause ... à cause de ma grossesse. Fait que là, elle m’a dit: Vous êtes enceinte? Je lui ai dit; Oui. Elle m’a demandé de combien de mois. Puis là, je lui ai dit: Environ quatre mois. Alors, elle m’a dit: C’est très bien. Je mets votre dossier de côté, on ne vous dérangera pas plus longtemps. Puis moi, je lui ai demandé: Est- ce que je vais continuer à recevoir mes prestations pareil? Puis elle m’a dit: Oui, il n’y aura pas de problème. Puis ç’a été bonjour. Je suis repartie.

Puis, en contre interrogatoire, elle répète:

> -5-

"R. ... je vous dis ce qu’elle m’a dit. Elle m’a dit: Je mets votre dossier de côté. Puis elle l’a pris, puis elle l’a mis sur une petite filière à côté, une petite filière de deux tiroirs, puis ç’a été: Je ne vous dérangerai pas plus longtemps. Puis bonjour. Suivante."

Il ressort de l’ensemble du témoignage de la plaignante que, selon sa perception de la situation, à compter du moment où la conseillère en emploi a appris qu’elle était enceinte, la mise- en- cause n’était plus encline à l’aider à trouver un emploi. Toujours selon son interprétation, son dossier était mis de côté et tout ce qu’on lui promettait, c’est qu’elle continuerait à recevoir ses prestations d’assurance- chômage.

b) La fourniture de services par la mise- en- cause Il n’est peut- être pas inutile de rappeler, à ce stade- ci, que, tant dans sa plainte que dans son argumentation écrite, la plaignante reproche à la mise- en- cause d’avoir refusé de lui rendre des services au niveau de la recherche d’un emploi et non pas de lui avoir refusé, à cause de sa grossesse, des prestations d’assurance- chômage auxquelles elle prétendrait avoir eu droit. Il a été fait mention, au cours de l’enquête, du fait que la plaignante a été déclarée inadmissible aux bénéfices de toutes prestations d’assurance- chômage, à cause de sa grossesse, durant

> -6- une certaine période débutant le 24 juin 1984. Cependant, tout le présent débat, tel que circonscrit d’ailleurs par la plainte de la plaignante et l’argumentation écrite des parties, n’a pour objet que les services fournis par la mise- en- cause à la plaignante dans le seul cadre de la recherche d’un emploi.

La plaignante soumet, dans son témoignage, que son objectif, lorsqu’elle s’est rendue à une convocation pour rencontrer Mme Gignac,

c’était de se trouver un emploi. Elle dit en contre interrogatoire, Q. Ce qui vous intéressait, c’est de savoir si vous auriez des problèmes avec l’Assurance- Chômage ou pas. R. Après qu’elle m’ait dit na. Parce que le but que je suis allée là, c’était pour passer des tests pour un emploi.

Or, elle n’a pas, affirme- t- elle, reçu les services auxquels elle avait droit. Elle témoigne à l’effet qu’elle a indiqué à Mme Gignac, lors de l’entrevue du 13 février 1984, qu’elle était à la recherche d’un emploi comme secrétaire médicale, de préférence, ou, à défaut, comme secrétaire de service.

> -7- "Q. Est- ce qu’elle vous a demandé, elle, quel genre d’emploi que vous recherchiez? R. Oui, elle me l’a demandé. Q. Qu’est- ce que vous avez répondu, vous? R. Bien, elle m’a demandé de préférence, là ... Q. Oui. R. ... parce que c’est toujours en ordre de préférence. Alors, je lui ai dit secrétaire médicale de préférence, et de service."

Cette expression secrétaire de service n’est pas sans importance dans le présent litige, comme nous le verrons plus loin. Pour la plaignante, les termes secrétaire et secrétaire de service sont synonymes. En contre interrogatoire, elle explique:

"Q. Alors, vous avez mentionné que votre dernier emploi était... A la question de monsieur Duval ... de maître Duval, tantôt, vous avez ... lorsqu’il vous a demandé quel poste vous occupiez avant d’être sur l’Assurance- Chômage qu’est- ce que vous avez répondu? R. Secrétaire de service. Q. Où est- ce que vous avez indiqué secrétaire tout court sur votre formulaire d’inscription? R. Bien, secrétaire, c’est secrétaire de sevice. C’est ça, le vrai terme."

De fait, le formulaire C- 4, rempli par la plaignante au bureau de la mise- en- cause, lors de sa première visite, nous montre qu’à la question Quel genre d’emploi cherchez- vous? (par ordre de préférence) la plaignante a répondu: Secrétaire Médicale, Service. Enumérant ses diplômes, elle a écrit: Secrétaire

> -8- Médicale - Service. Puis, sous antécédents de travail, à la question Quel poste occupiez- vous?, elle a inscrit: Secrétaire.

Pourtant, reproche- t- elle à la mise- en- cause, cette dernière ne lui a communiqué aucune offre d’emploi disponible pour un poste de secrétaire médicale ou autre poste de secrétariat après l’entrevue du 13 février 1984. La preuve a révélé qu’il n’y a pas eu, au bureau de la mise- en- cause, durant cette période, d’offre d’emploi pour des postes de secrétaire médicale. Cependant, en ce qui concerne des postes de secrétaire, la plaignante a

référé le Tribunal à la pièce C- 6, soit une série d’inscriptions informatiques qui montrent que la mise- en- cause a reçu plusieurs offres d’emploi, au cours de cette même période, pour ce genre de travail.

De tous ces faits, la plaignante, par l’intermédiaire de son procureur, qui agit également pour la Commission, conclut que la mise- en- cause a refusé de lui rendre les services auxquels elle avait droit du fait de sa grossesse.

> -9- III LA REPONSE DE LA MISE- EN- CAUSE AUX ALLEGATIONS DE DISCRIMINATION

La mise- en- cause a fait entendre 2 témoins: Mme Monique Gignac, conseillère en emploi, qui s’est occupé du dossier de la plaignante, et M. Claude Brouillard, expert- conseil au bureau régional de la mise- en- cause.

Mme Gignac a donné sa version relative à l’entrevue du 13 février 1984 et est venue expliquer pourquoi aucune offre d’emploi n’a été communiquée à la plaignante.

a) L’entrevue du 13 février 1984 Elle a mentionné qu’au moment où la plaignante est venue la rencontrer à son bureau, elle avait déjà en main, comme le veut la pratique usuelle, la partie du formulaire C- 4 destinée à son service, qu’elle appelle la copie Emploi. Selon elle, la plaignante lui a dit seulement être à la recherche d’un emploi comme secrétaire médicale. Elle n’a pas souvenance qu’il ait été question, lors de cette entrevue, d’autres postes de secrétaire souhaités par la plaignante.

> -10- "Q. ... elle a été convoquée. Vous avez sa fiche qu’elle a complétée. Qu’est- ce qui se passe à ce moment- là? R. Bon. Elle, elle m’a dit qu’elle veut avoir du secrétariat médical. Elle a un cours avec une option en médical. Bon. C’était bilingue, il n’y a pas de problème. Elle a du dactylo, elle a de l’expérience. Donc, je prends sa demande, c’est tout. Je la considère pour de l’emploi éventuel. Q. Est- ce qu’elle a parlé de secrétaire de service? R. Pas à ma ... je ne me souviens pas de ça."

C’est à la fin de cette courte entrevue qu’elle apprend que la plaignante est enceinte. Après le départ de cette dernière, Mme Gignac rédige, à la main, ses notes personnelles relatives à l’entrevue, au verso du formulaire C- 4.

"Désire secrétaire médicale bilingue - présentement enceinte de 4 mois - salaire 300/ sem. - prête à travailler. désire Centre hospitalier. A référer poste temporaire."

Invitée par son procureur à commenter le témoignage de la plaignante à l’effet qu’elle aurait déclaré qu’elle mettait son a dossier de côté, lorsqu’elle a appris que cette dernière était enceinte de 3 ou 4 mois, elle s’exprime comme suit:

"Q. Madame Morissette a dit tantôt que vous lui auriez dit que vous

mettiez son dossier de côté. Est- ce que vous vous rappelez d’avoir tenu de tels propos? R. Non, je ne me souviens pas d’avoir dit ça."

> -11- b) Les services rendus à la plaignante

Mme Gignac affirme que le dossier de la plaignante n’a pas été fermé, suite à cette entrevue, qu’il est demeuré actif et qu’il a été classé avec les autres dans une filière régulière.

Elle admet n’avoir communiqué aucune offre d’emploi à la plaignante. Elle admet également avoir eu à son bureau, durant cette période, des offres d’emploi pour secrétaires ou, pour employer ses termes, pour secrétaire générale. Si elle n’a pas fait part de ces offres d’emploi à la plaignante, c’est qu’elle ignorait qu’un emploi de secrétaire eut pu intéresser cette dernière. Elle croyait, dit- elle, que la plaignante ne désirait obtenir de l’aide que pour se trouver un poste comme secrétaire médicale.

"Q. Mais vous avez répondu également que vous aviez eu des offres d’emploi pour des secrétaires ... R. Bien, oui ... Q. ... du... R. Générales. Q. 41, là ... R. 41- 11, c’est toujours la même chose. Q. Vous en avez eu pour... R. Dans le général, oui. Q. Mais vous n’avez pas communiqué avec madame... R. Non, parce que... Q. ... Morissette. R. ... j’aurais... j’attendais d’avoir du médical."

> -12- Si des postes de secrétaire médicale avaient été disponibles, elle n’aurait pas, dit- elle, hésité à en informer la plaignante. Elle affirme, en interrogatoire principal:

"Q. Mais si vous aviez eu un poste de secrétaire médicale permanent, est- ce que vous auriez référé madame? R. Je l’aurais appelée. Je lui aurais offert. C’est certain."

Mme Gignac, on l’a vu, n’a pas souvenance que la plaignante, lors de l’entretien du 13 février, ait mentionné qu’elle serait intéressée par un poste de secrétaire. A l’enquête , elle reconnaît qu’en remplissant le formulaire C- 4, la plaignante a inscrit à 2 endroits les mots secrétaire médicale - service. Elle ajoute cependant qu’elle ignorait le sens du terme secrétaire de service, que ces mots ne lui disaient rien.

"Q. Est- ce que ça vous a frappé qu’elle ait marqué: service? R. Non, à l’entrevue verbale, il a été question de secrétaire médicale, puis je suis restée avec cet avis- là. Q. Secrétaire de service, est- ce qu’à ce moment- là, ça signifiait quelque chose pour vous?

R. Non. "Puis un peu plus loin, au cours de son témoignage, elle ajoute:

> -13- "Q. ... les termes secrétaire de service ... R. Ca n’existe pas. Q. ... ça ne réfère à rien, ça. R. C’est pas dans notre... dans notre répertoire d’occupation. C’est pas une expression utilisée. Pour moi, ça ne voulait rien dire."

IV LE DROIT

L’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que:

5. Constitue un acte discriminatoire le fait pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public a) d’en priver, ou b) de défavoriser, à l’occasion de leur fourniture, un individu, pour un motif de distinction illicite.

L’article 3 de la Loi énumère les motifs de distinction illicite 3.( 1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’état matrimonial, la situation de la famille, l’état de personne graciée ou la déficience. 3.( 2) Une distinction fondée sur la grossesse ou l’accouchement est réputée être fondée sur le sexe.

Dans l’affaire Christine Morrell et La Commission de l’Emploi et de l’Immigration du Canada,( 6, CHRR, D/ 3021) le Tribunal des Droits de la Personne affirmait:

> -14- (Traduction)

"L’assurance- chômage est un service offert par le mis en cause. Non seulement ce service est- il destiné au public, mais la plupart des membre de la population qui détiennent un emploi sont tenus de par la loi d’y contribuer. (p. 4)"

Dans l’affaire Darlene Corlis et La Commission Canadienne de l’Emploi et de l’Immigration, (décision du Tribunal des Droits de la Personne, avril 1987), le Tribunal s’exprimait comme suit:

"J’estime que l’affaire Morrell constitue un précédent à l’appui d’une application de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droit de la personne dans le présent cas, à savoir que les prestatons d’assurance- chômage constituent des services, au sens de ce texte de loi;"( p. 8)

Dans le cas qui nous occupe, la preuve réfère, quant aux services, non

pas à des prestations d’assurance- chômage mais à l’aide que doit fournir la mise- en- cause aux travailleurs qui sont à la recherche d’un emploi. L’article 139( 1) de la Loi sur l’Assurance- chômage oblige la mise- en- cause à maintenir un service de placement pour aider les travailleurs à trouver un emploi convenable et les employeurs à trouver des travailleurs répondant à leurs besoins. Le Tribunal n’a pas d’hésitation à affirmer qu’il s’agit là d’un service, au sens de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droit de la personne.

> -15- La principale question en litige est donc de décider si la mise- en- cause, comme fournisseur de services, en a privé la plaignante ou l’a défavorisée, à l’occasion de leur fourniture, pour un motif de distinction illicite, au sens des dispositions législatives ci- haut mentionnées.

a) Le fardeau de la preuve La règle, dans notre Droit, c’est qu’il incombe à la partie qui invoque qu’un tiers lui a causé un tort de faire la preuve de ses allégations. Devant le Tribunal des Droits de la Personne, le même principe doit recevoir application et le fardeau de la preuve repose sur le plaignant.

La question qui s’est posée à maintes reprises est de savoir, dans ce genre de causes, quel degré ou quelle qualité de force probante on doit exiger de la preuve du plaignant.

Il a été décidé à plusieurs reprises que le plaignant doit, dans un premier temps, établir prima facie qu’il y a eu discrimination. Si le plaignant franchit avec succès cette première étape, il revient alors au mis- en- cause (ou intimé) de fournir une explication valable à sa conduite ou à l’ensemble des

> -16- faits impliquant sa conduite dans laquelle le plaignant avait démontré, prima facie, qu’il y avait discrimination visée par la Loi.

Ainsi, dans l’affaire Jean- Louis Pelletier et Brazeau Transport Inc. (décision du Tribunal des Droits de la Personne rendue en février 1987) le Tribunal s’exprimait comme suit:

"En plaidoirie, le procureur de la Commission, se basant sur l’arrêt Borough of Etobicoke qui fut suivi de l’arrêt O’Malley et Bhinder, plaide que le fardeau de la Commission est d’établir une preuve prima facie de discrimination et que si cette preuve prima facie et, le fardeau est renversé et c’est alors apparaît a l’intimée que revient la tâche de démontrer qu’il en est autrement. Le tribunal partage l’opinion du procureur de la Commission et, en regard de la preuve, décide que la Commission s’est déchargée de son fardeau premier en prouvant prima facie qu’il y a eu discrimination à cause d’âge."

Dans la cause Julius Israeli v. Canadian Human Rights Commission, CHRR, vol. 4, par. 13852 à 13895, le Tribunal résumait ainsi le jeu du transfert du fardeau de la preuve:

"13858 The burden of proof in discrimination cases is important, as is the order of presentation of the evidence. Cases of refusal of employment on discriminatory grounds before boards of inquiry in Canada, whether at the federal or provincial level all seem to employ the same burden and order of proof. The complainant must first establish a prima facie case of

> -17- discrimination. Once this is done, the burden of proof shifts to the employer to provide a reasonable explanation for the otherwise discriminatory behaviour. Finally, the burden shifts back to the complainant to prove that this explanation was merely a pretext and that the true motivation behind the employés actions was in fact discriminatory."

Dans la décision rendue par le Tribunal, dans l’affaire Darlene Corlis, précitée, on peut lire:

"Le cas O’Malley, fait autorité en ce qui concerne le fardeau de prouver qu’il y a eu discrimination. Celui- ci revient d’abord au plaignant, qui doit établir qu’il semble y avoir eu discrimination.

"Il incombe ensuite à l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures qu’il lui était, possible de prendre pour faciliter les choses à l’employé sans bouleverser ind ment ses affaires."

Il m’apparaît par ailleurs inutile de soutenir ici l’idée que l’intention n’entre pas en ligne de compte."

Ces décisions, bien qu’elles s’appliquent à des cas d’espèce, énoncent bien, nous semble- t- il, les principes devant guider le Tribunal en ce qui concerne le fardeau de la preuve, dans l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Dans le cas sous étude, il apparaît au présent Tribunal que la plaignante a établi, prima facie, ou jusqu’à preuve du contraire, les faits suivants:

  1. > -18 elle a d ment rempli la formule C- 4 dans le double but d’obtenir des prestations d’assurance- chômage et de l’aide pour trouver un emploi;
  2. elle était enceinte de 3 ou 4 mois au moment de l’entrevue du 13 février 1984 et l’a déclaré à Mme Gignac;
  3. Mme Monique Gignac, préposé de la mise- en- cause, lui aurait alors déclaré qu’elle mettait son dossier de côté, qu’elle ne la dérangerait pas plus longtemps et que la plaignante continuerait à recevoir ses prestations d’assurance- chômage;
  4. lors de cette entrevue avec Mme Gignac, la plaignante avait demandé de l’aide pour trouver un emploi comme secrétaire médicale (de préférence), ou comme secrétaire de service;
  5. des offres d’emploi, durant la période pertinente au présent débat, ont été acheminées au Bureau de la mise- en- cause pour des postes de secrétaire;
  6. la mise- en- cause, durant la période pertinente, n’a apporté aucune aide à la plaignante dans sa recherche d’un emploi et ne lui a communiqué aucune offre d’emploi pour un poste de secrétaire qu’elle avait à son Bureau de Pierrefonds.

> -19- Après étude de toute cette preuve, le Tribunal conclut sans difficulté que la plaignante s’est déchargée du fardeau de prouver, prima facie, i. e. jusqu’à preuve du contraire, qu’elle a été victime de discrimination fondée sur le sexe au sens de la Loi Canadienne sur les droits de la personne.

Bien s r, il était permis à la mise- en- cause, si elle le pouvait, de contredire la preuve offerte par la plaignante et de convaincre le Tribunal que, malgré les apparences à première vue, toute cette affaire n’était aucunement empreinte de discrimination à l’égard de la plaignante.

V EXPLICATIONS DE LA MISE- EN- CAUSE

Le seul témoin entendu qui était en mesure de contredire la preuve faite par la plaignante était Mme Monique Gignac. C’est elle qui s’est occupé du dossier de la plaignante et elle se trouvait seule avec cette dernière lors de l’entrevue dont nous avons examiné les détails plus haut. Il y a au moins deux éléments très importants du témoignage de la plaignante qu’elle n’a pu contredire tout à fait.

Il y a d’abord la déclaration assez troublante qu’elle aurait faite à la plaignante, au moment où elle a appris qu’elle

> -20- était enceinte, à l’effet qu’elle mettait son dossier de côté. La plaignante on l’a vu, a rendu sur ce point un témoignage positif, clair et catégorique. Elle a répété, presque mot à mot, en contre interrogatoire, le récit de l’entrevue qu’elle avait fait en examen principal. Elle a insisté à chaque reprise sur les paroles prononcées par Mme Gignac:

"Je mets votre dossier de côté, on ne vous dérangera pas plus longtemps."

Mme Gignac a assisté au témoignage de la plaignante. Entendue elle- même comme témoin, elle ne va pas plus loin que de déclarer ne pas se souvenir avoir dit cela.

Il en va ainsi en ce qui concerne le témoignage positif et catégorique de la plaignante à l’effet qu’elle avait indiqué à Mme Gignac qu’elle désirait trouver un emploi comme secrétaire médicale ou comme secrétaire de service, selon son ordre de préférences; témoignage d’ailleurs corroboré par la pièce C- 4. Encore là, Mme Gignac se contente d’informer le Tribunal quelque n’a pas souvenance que la plaignante ait parlé de poste de secrétaire de service devant elle.

Entre le témoignage positif de la plaignante et celui plus hésitant et

beaucoup moins catégorique de Mme Gignac, le Tribunal se croit justifié de préférer le premier sur ces deux questions importantes.

> -21- Le procureur de la mise- en- cause a habilement argumenté par écrit que la plainte de la plaignante devait être rejetée pour plusieurs motifs dont deux ont principalement retenu l’attention du Tribunal. Nous croyons que les autres motifs invoqués par le procureur de la mise- en- cause et militant en faveur du rejet de la plainte sont discutés globalement dans les autres parties de la présente décision.

Ces deux arguments auxquels nous référons sont les suivants: premièrement, la preuve révèle que le reproche qu’adresse la plaignante à la mise- en- cause n’est aucunement de ne pas lui avoir fourni d’aide pour se trouver un emploi mais seulement de lui avoir refusé des prestations d’assurance- chômage durant cette période débutant le 24 juin 1984; en somme, argumente la mise- en- cause, la preuve ne porte pas sur l’objet de la plainte.

Deuxième argument: s’il y a eu refus de la part de la mise- en- cause d’aider la plaignante à chercher un emploi ou si la plaignante a été défavorisée à l’occasion de la fourniture de ce service, ce n’est pas à cause de discrimination à l’égard de la plaignante mais à cause d’un simple malentendu qui ne saurait, être sanctionné par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

> -22- En ce qui concerne le premier argument de la mise- en- cause, le Tribunal ne peut accepter cette assertion. Il est certain qu’au moment où la plaignante a rempli le formulaire C- 4, lors de sa première visite au bureau de la mise- en- cause, elle désirait, comme c’était son droit, recevoir des prestations d’assurance- chômage. Mais la preuve est à l’effet qu’elle souhaitait également qu’on l’aide à trouver un emploi.

Le témoignage de la plaignante n’est nullement contredit à l’effet qu’elle avait elle- même postulé des emplois avant la rencontre du 13 février, entre autres, au Centre Hospitalier Montreal Children’s. La preuve de la plaignante n’est pas davantage contredite à l’effet que, postérieurement à cette entrevue, elle ait continué de faire des démarches pour se trouver elle- même un travail; elle s’est adressée à des agences privées: Quantum, Optimum. Elle a contacté des employeurs potentiels: Christina Canada, Tangerine et d’autres.

Le Tribunal est conscient que le fait qu’on l’ait, jugée inadmissible à recevoir des prestations d’assurance- chômage à compter du 24 juin 1984 n’est peut- être pas étranger à sa décision de porter la plainte qui fait l’objet du présent litige. Il se peut également que la plaignante se soit trompée dans l’interprétation de la Loi sur l’Assurance- Chômage et ait

> -23- cru, à tort, que si elle avait obtenu un emploi entre le 13 février et le 24 juin 1984, elle aurait obtenu des prestations de maternité. Il est possible

de spéculer également que si la plaignante avait été indépendante de fortune, elle n’aurait pas déposé cette plainte devant la Commission.

Cependant, le Tribunal croit que son rôle n’est pas d’examiner les raisons secondes qui ont poussé un plaignant à porter plainte ou l’occasion qui a donné lieu au dépôt de la plainte, mais plutôt de décider si la plainte, telle que portée, est bien fondée, compte tenu de la preuve versée au dossier.

Dans le présent cas, le Tribunal croit que la preuve offerte par la plaignante a bien porté sur ce qui faisait l’objet de la plainte.

Le second argument précité de la mise- en- cause ne résiste pas davantage à l’examen. Le Tribunal ne peut retenir comme explication valable de la part de la mise- en- cause l’affirmation de Mme Gignac à l’effet que si, postérieurement à l’entrevue du 13 février, elle n’a transmis à la plaignante aucune offre d’emploi pour un poste de secrétaire, c’est parce qu’elle ne savait pas que ce genre de travail aurait intéressé la plaignante.

> -24- Mme Gignac était conseillère en emploi. Elle décrit elle- même ses fonctions comme suit:

"R. Oui, conseiller en emploi, c’est- à- dire recevoir des clients à la recherche d’emploi, vérifier leurs qualifications, vérifier leur demande et essayer de ... de répondre à leur demande. Q. Est- ce que vous aviez un groupe d’individus pour lesquels vous étiez particulièrement responsable? R. Les secrétaires et tout le personnel clérical, plus les commis à l’expédition, je pense."

M. Claude Brouillard, expert- conseil au niveau régional pour la mise- en- cause, définit ainsi le rôle du conseiller en emploi

"Mais le conseiller a un rôle un peu plus complexe. C’est que le conseiller a comme rôle de vérifier, dans un premier temps, si on veut, les critères. Mais lorsque les gens ont de la difficulté à trouver un emploi, lorsque les gens sont plus ou moins prêts à occuper un emploi, alors, à ce moment- là, ils vont entreprendre avec la personne en question un processus de counseling. Et c’est pourquoi on l’appelle le conseiller en emploi, c’est que il doit entrer dans une relation d’aide avec le client."

Mme Gignac, on l’a vu, ne nie pas catégoriquement que la plaignante lui ait dit qu’elle était à la recherche d’un emploi comme secrétaire. Elle avait en main le formulaire C- 4 sur lequel la plaignante avait mentionné à deux reprises qu’elle recherchait, comme deuxième choix, un travail de secrétaire de service. Elle savait, par la pièce C- 4, que la plaignante avait

> -25- occupé, comme dernier emploi, un poste de secrétaire, pour un employeur, Caloritech, dont elle affirme savoir qu’il n’embauche pas normalement des secrétaires médicales.

Mme Gignac affirme que l’expression secrétaire de service ne signifiait rien pour elle, à l’époque. Telle affirmation, de la part d’un conseiller en emploi, devant remplir les fonctions ci- haut décrites par Mme Gignac elle- même et par M. Brouillard, n’est pas sans laisser perplexe. Le Tribunal n’a pas de difficulté à croire, comme l’a expliqué M. Brouillard, que ces termes ne se retrouvent pas dans la Classification canadienne des professions. De là à nous convaincre que Mme Gignac n’avait aucune idée de ce que la plaignante voulait signifier par ces mots, il y a un grand pas à franchir. Si elle ne savait pas ce que voulaient dire ces mots, n’était- ce pas précisément son rôle, tel que ci- haut décrit, d’aider la plaignante à définir le genre d’emploi qu’elle recherchait?

De toute manière, le Tribunal croit que même s’il acceptait cette assertion, elle ne suffirait pas à expliquer pourquoi la mise- en- cause n’a aucunement communiqué à la plaignante les offres d’emploi de secrétaires qui ont été acheminées à son bureau. Il ressort du témoignage de M. Brouillard que même si la plaignante avait exposé qu’elle était à

> -26- la recherche d’un emploi comme secrétaire médicale, sans même indiquer qu’elle accepterait, comme second choix, un poste de secrétaire, il eut été normal, suivant la pratique usuelle au sein de la mise- en- cause, que les offres d’emploi de secrétaire soient portées à la connaissance de la plaignante.

"Q. ... légale. Selon votre expérience, si une personne se présente chez vous et déclare se chercher un emploi comme secrétaire légale, supposons... R. Um- hum. Q. ... si il ne présente pas un seul offre d’emploi dans un bureau... une étude légale, là... R. Um- hum. Q. ... mais qu’il y a des postes de secrétaire qui pourraient être intéressants, est- ce qu’on communique avec ces personnes- là habituellement? R. Oui, oui, habituellement, oui. Oui. Oui. On leur offre le poste de secrétaire. Maintenant, si la personne veut vraiment travailler comme secrétaire légale et qu’elle préfère attendre, bien, le conseiller peut lui dire: Ecoute, présentement, j’ai un emploi pour secrétaire légale, si ça t’intéresse, tu peux y aller, sinon tu peux peut- être attendre. Ca dépend de chacune des personnes. Des fois, il y a certaines gens qui disent: Moi, je préfère attendre ou oui, je le veux, je le prends tout de suite. Alors... mais habituellement, parce que le code... le code occupationnel est le même, c’est que... l’idée, c’est que c’est le même code et donc, les dossiers sont classés sous un même code. Alors, quand une offre d’emploi arrive et qui porte ce code- là, à ce moment- là, le conseiller n’a qu’à vérifier les... les codes dans lequel se retrouvent toutes les secrétaires."

Pour tous ces motifs, après examen de toute la preuve versée au dossier, le Tribunal arrive à la conclusion que la mise- en- cause n’a pas fourni d’explications valables en réponse à

> -27-

la preuve jugée suffisante de la plaignante à l’effet que la mise- en- cause a commis envers elle un acte discriminatoire pour un motif de distinction illicite, à savoir le sexe.

VI REDRESSEMENT

Ce sont les articles 41 et 42 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui établissent la juridiction du Tribunal pour émettre diverses ordonnances lorsqu’il juge une plainte bien fondée.

Le deuxième paragraphe de l’article 41 se lit comme suit: ( 2) A l’issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, sous réserve du paragraphe (4) et de l’article 42, ordonner selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire a) de mettre fin à l’acte et de prendre des mesures destinées à prévenir les actes semblables, notamment

(i) d’adopter les programmes, plans ou arrangements spéciaux visés au paragraphe 15( 1), ou (ii) de présenter une demande d’approbation et de mettre en oeuvre un programme prévus a l’article 15.1, ces mesures doivent être prises après consultation de la Commission sur leurs objectifs généraux; b) d’accorder à la victime, à la première occasion raisonnable, les droits, chances ou avantages dont, de l’avis du tribunal, l’acte l’a privée; c) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu’il juge indiquée, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte; et

> -28- d) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu’il fixe des frais supplémentaires causés, pour recourir à d’autres biens, services, installations ou moyens d’hébergement, et des dépenses entraînées par l’acte.

Compte tenu de l’ensemble des faits de la cause, le Tribunal ne croit pas que l’alinéa a) doive ici recevoir application. Il en va de même de l’alinéa b), compte tenu de la preuve faite et du fait que la plaignante s’est finalement trouvé un emploi.

Reste les alinéas c) et d). Le procureur de la plaignante et de la Commission a suggéré, dans son argumentation écrite, que le Tribunal ordonne à la mise- en- cause de payer à la plaignante la différence entre le montant des prestations d’assurance- chômage qu’elle a reçues (180.00$ par semaine) et le salaire qu’elle aurait présumément gagné (300.00$ par semaine) si elle avait occupé un emploi depuis le 13 février 1984 jusqu’à la date de l’accouchement, le 19 ao t 1984.

Le Tribunal ne croit pas pouvoir accorder telle demande. Lorsque la preuve révèle qu’un employeur a refusé d’embaucher une personne ou l’a mise à pied pour un motif de distinction illicite, le Tribunal peut ordonner que la victime soit payée de la totalité ou de fraction des salaires qu’elle n’a

>-

-29- pas reçus et qu’elle aurait effectivement gagnés n’eut été de l’acte discriminatoire. Il a été décidé, dans de tels cas, que la partie qui a posé l’acte discriminatoire ne saurait exiger que le plaignant fasse la preuve qu’il aurait su conserver son emploi s’il avait été embauché ou s’il n’avait pas été mis à pied. Dans le cas qui nous est soumis, il n’est pas question de privation d’un emploi à un salaire pré établi ou de refus de payer des prestations d’un montant révélé par la preuve.

Le service que devait rendre la mise- en- cause était de l’aide à trouver un emploi. La preuve, telle que présentée, ne permet aucunement d’évaluer, avec un minimum de précision et sans tomber dans l’arbitraire, les dommages pécuniers directs réellement subis par la victime à cause de l’acte discriminatoire de la mise- en- cause et visés par l’alinéa c) dudit paragraphe 2.

Quant à l’alinéa d) du paragraphe 2 de l’article 41 de la Loi, il n’y a aucune preuve à ce chapitre.

Le Tribunal croit cependant devoir rendre une ordonnance visée par l’article 41( 3) de la même Loi.

> -30 La preuve a révélé que la plaignante était réellement à la recherche d’un emploi entre le 12 décembre 1983 et l’été 1984. S’il est vrai qu’elle a été frustrée, d’une part, comme le souligne le procureur de la mise- en- cause, lorsque ses prestations d’assurance- chômage ont été interrompues, le Tribunal ne doute pas, ayant écouté, relu et apprécié son témoignage, qu’elle a subi de la frustration également et de la désillusion et un préjudice moral à cause du traitement qu’on lui a infligé dans le cadre de sa demande d’aide pour trouver un emploi.

S’il est toujours pénible pour toute personne d’être victime de discrimination, le fait d’être enceinte, comme le souligne la plaignante elle- même, n’est certes pas de nature à adoucir la tension, la frustration et le préjudice moral causé par l’acte discriminatoire.

Vu l’ensemble de la preuve, le Tribunal croit justifié de fixer à 1,500.00$ l’indemnité à être versée à la plaignante pour préjucice moral en vertu de l’article 41( 3) de la Loi.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL: JUGE fondée la plainte de la plaignante datée du 18 décembre 1984;

> -31-

ORDONNE à la mise- en- cause, la Commission de l’Emploi et de l’Immigration du Canada, à payer à la plaignante la somme de 1,500.00$ à titre d’indemnité suivant l’article 41( 3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

COWANSVILLE, ce 10 juillet 1987.

Gilles Mercure, Président du Tribunal

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