Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CANADIAN HERITAGE ALLIANCE

- et -

MELISSA GUILLE

les intimées

DÉCISION SUR REQUÊTE

2006 TCDP 12
2006/03/13

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen A. Jensen

[TRADUCTION]

[1] L'intimée, Melissa Guille, a présenté au Tribunal une requête par laquelle elle demande que la plainte déposée contre l'organisme Canadian Heritage Alliance soit rejetée.

[2] Les parties ont des points de vue très différents à l'égard de ce qui est nécessaire pour qu'il s'agisse d'une personne ou d'un groupe de personnes agissant d'un commun accord suivant le paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette disposition de la Loi prévoit que constitue un acte discriminatoire le fait pour une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord d'utiliser une entreprise de télécommunication pour communiquer des messages susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes identifiables sur la base des motifs de distinction.

[3] Mme Guille prétend que l'organisme Canadian Heritage Alliance, pour être correctement désigné à titre d'intimé, doit être un être humain vivant ou une société. Toutefois, selon Mme Guille, l'organisme Canadian Heritage Alliance n'est l'un ni l'autre. Cet organisme n'est rien d'autre qu'un site Web que Mme Guille exploite, par elle-même, en tant qu'un service à des auteurs dissidents.

[4] Le plaignant et la Commission prétendent que, selon la jurisprudence sur cette question, il n'est pas nécessaire qu'un organisme soit incorporé pour être correctement visé à titre de partie dans une plainte en vertu de l'article 13. Il existe plutôt d'autres indices qui sont utilisés pour identifier un groupe de personnes agissant d'un commun accord aux fins de l'article 13, par exemple : un nom de groupe, un symbole, du papier à en-tête et la question de savoir si le groupe a des administrateurs ou des dirigeants. Le plaignant et la Commission prétendent qu'il existe des éléments de preuve démontrant que l'organisme Canadian Heritage Alliance est plus qu'une simple présence sur Internet. Ils prétendent qu'il existe des éléments de preuve démontrant que l'organisme Canadian Heritage Alliance satisfait à la plupart des critères pour être un groupe de personnes agissant d'un commun accord suivant le paragraphe 13(1).

[5] Le plaignant a déposé un affidavit au soutien de sa réponse à la requête. Mme Guille a également déposé un affidavit en réponse à l'affidavit du plaignant. Il y a des différences fondamentales entre les deux affidavits. Aucun des deux déposants n'a subi un contre-interrogatoire.

[6] Indépendamment de ce que peut être la définition de l'expression un groupe de personnes agissant d'un commun accord, la jurisprudence établit clairement que les décisions portant sur cette question doivent être rendues au cas par cas et doivent être appuyées sur des éléments de preuve appropriés.

[7] À mon avis, la question de savoir si l'organisme Canadian Heritage Alliance est un groupe de personnes agissant d'un commun accord pour communiquer les messages contestés sera traitée plus adéquatement lorsque l'audience à l'égard du bien-fondé de la plainte aura été tenue. À ce moment, le Tribunal aura l'avantage d'avoir à sa disposition un dossier de preuve complet sur lequel il pourra fonder sa décision.

[8] En outre, il faut noter que la question soulevée dans la présente requête n'est pas seulement celle de savoir si l'organisme Canadian Heritage Alliance était un groupe de personnes agissant d'un commun accord, mais plutôt celle de savoir si cet organisme était un groupe de personnes agissant d'un commun accord pour communiquer les messages contestés. Par conséquent, une instruction portant sur la question de savoir si l'organisme Canadian Heritage Alliance est correctement désigné à titre d'intimé dans la présente plainte comprendra probablement un examen d'autres aspects de la plainte, par exemple la communication des messages contestés qui sera traitée au cours de l'audience à l'égard du bien-fondé de la plainte.

[9] Lors de l'audience, il incombera au plaignant d'établir une preuve prima facie à l'égard de tous les éléments constitutifs d'une violation du paragraphe 13(1) de la Loi, notamment la question de savoir si un groupe de personnes agissant sous le nom de Canadian Heritage Alliance ont agi d'un commun accord pour communiquer les messages contestés. Mme Guille aura ensuite la possibilité de contester la preuve à cet égard et de contester la définition de l'expression un groupe de personnes agissant d'un commun accord pour communiquer.

[10] Pour les motifs énoncés, j'ai conclu que la question de savoir si l'organisme Canadian Heritage Alliance est correctement désigné à titre d'intimé dans la présente affaire devrait être décidée après qu'aura été tenue une audience complète à l'égard du bien-fondé de la plainte.

[11] La requête présentée par Mme Guille est rejetée sans qu'il soit porté atteinte à son droit de soulever de nouveau la question lors de l'audience à l'égard du bien-fondé de la plainte.

Karen A. Jensen

Ottawa (Ontario)
Le 13 mars 2006

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T1089/7005 et T1090/7105
INTITULÉ DE LA CAUSE : Richard Warman c. Canadian Heritage Alliance et Melissa Guille
DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 13 mars 2006
ONT COMPARU :
Richard Warman Pour lui-même
Giacomo Vigna / Ikram Warsame Pour la Commission canadienne des droits de la personne
Melissa Guille Pour elle-même et pour l'intimée
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