Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

ALEXAN KULBASHIAN,
JAMES SCOTT RICHARDSON, TRI-CITY SKINS.COM,
CANADIAN ETHNIC CLEANSING TEAM,
ET AFFORDABLE SPACE.COM

les intimés

DÉCISION

2006 TCDP 11
2006/03/10

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

I. LA PLAINTE

II. LES CIRCONSTANCES QUI ONT DONNÉ LIEU À LA PRÉSENTE PLAINTE

III. LES QUESTIONS QUI DOIVENT ÊTRE TRAITÉES DANS LA PRÉSENTE AFFAIRE

A. Première question - La documentation transmise sur Internet est-elle une communication au sens de l'article 13 de la Loi?

B. La deuxième question - Quelle est la documentation figurant sur Internet qui, selon ce qui est allégué, contrevient à l'article 13 de la Loi?

(i) La documentation figurant sur le site Web tri-cityskins.com

(ii) La documentation figurant sur le site Web wpcect.com

a) La page Links (liens)

b) La page Thoughts (réflexions)

c) Le bulletin d'information - Vinland Voice

C. Troisième question - La documentation est-elle susceptible d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?

(i) La documentation figurant sur le site tri-cityskins.com

(ii) La documentation figurant sur le site wpcect.com

(iii) Le témoignage de Mme Frances Henry

D. Quatrième question - M. Kulbashian ou M. Richardson, agissant seul ou agissant d'un commun accord l'un avec l'autre ou avec d'autres personnes, ont-ils de façon répétée communiqué ou fait communiquer les messages de haine?

(i) La preuve recueillie par M. Warman

(ii) La preuve recueillie par le service de police de London

(iii) Le lien entre M. Richardson et M. Kulbashian

(iv) Des articles sur M. Richardson et M. Kulbashian dans la presse écrite

(v) Les conclusions du Tribunal à l'endroit de M. Richardson et de M. Kulbashian

E. Cinquième question - La plainte est-elle fondée contre les autres intimés nommés (Affordable Space.com, Canadian Ethnic Cleansing Team (CECT) et Tri-City Skins.com)?

(i) Affordable Space.com

(ii) Le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team

(iii) Tri-city Skins.com

IV. LES REDRESSEMENTS

A. Une ordonnance prévoyant qu'il soit mis fin à l'acte discriminatoire (alinéa 54(1) a))

B. Une ordonnance prévoyant une indemnité spéciale (alinéa 54(1)b))

C. Des intérêts

D. Une sanction pécuniaire

(i) M. Kulbashian

(ii) M. Richardson

(iii) Le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team

(iv) Affordable Space.com

I. LA PLAINTE

[1] Le plaignant, Richard Warman, a déposé une plainte dans laquelle il allègue que, en 2001 et 2002, les intimés, Alexan Kulbashian et James Scott Richardson, ont communiqué sur Internet des messages susceptibles d'exposer des individus qui ne sont pas des chrétiens, qui ne sont pas de race blanche ou qui sont des individus d'autres origines nationales ethniques, à la haine ou au mépris, en contravention de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans son formulaire de plainte, M. Warman a nommé trois autres intimés, à savoir : Tri-City Skins.com, Canadian Ethnic Cleansing Team (CECT) et Affordable Space.com.

[2] La Commission canadienne des droits de la personne (Commission) a participé pleinement à l'audience tenue à l'égard de la plainte et elle était représentée par une avocate. Ni M. Warman ni les intimés n'étaient représentés par un avocat, bien qu'il faille noter que M. Warman est avocat. M. Kulbashian et M. Richardson étaient présents lors de l'audience, mais ni l'un ni l'autre n'a choisi de témoigner ou d'appeler des témoins après que la Commission et le plaignant eurent terminé la présentation de leur preuve. M. Kulbashian et M. Richardson ont présenté en preuve certains documents au cours de leurs contre-interrogatoires des témoins de la Commission.

[3] Les trois autres intimés nommés n'ont pas comparu officiellement lors de l'audience, même si M. Warman et la Commission prétendent que M. Kulbashian et M. Richardson sont étroitement liés à ces intimés. Je traiterai de cette question en temps utile, plus loin dans la décision.

II. LES CIRCONSTANCES QUI ONT DONNÉ LIEU À LA PRÉSENTE PLAINTE

[4] M. Warman est un résident d'Ottawa. Il a manifesté un intérêt pour les questions se rapportant aux droits de la personne au cours des 15 dernières années et il joue un rôle actif au sein de groupes contre le racisme. Il a pendant un certain temps travaillé pour la Commission. Plus récemment, il a concentré son attention sur la propagande haineuse diffusée sur Internet en surveillant les activités qu'ont sur Internet des groupes qu'il décrit comme des groupes extrémistes de droite et des groupes néonazis.

[5] En 2001, M. Warman a commencé à surveiller les sites Web de deux groupes, le groupe Tri-City Skins et le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, lesquels étaient soi-disant tous deux situés dans le sud-ouest de l'Ontario. Selon M. Warman, les sites Web de ces groupes étaient respectivement le Tri-cityskins.com et le wpcect.com (une abréviation pour White Power - Canadian Ethnic Cleansing Team). Après avoir effectué certaines recherches, M. Warman a de plus établi que ces deux sites Web étaient accessibles sur Internet par l'intermédiaire de services d'hébergement Web fournis par la société intimée, Affordable Space.com.. Il croyait de plus que M. Kulbashian et M. Richardson participaient tous deux à l'exploitation des sites Tri-cityskins.com, wpcect.com et Affordable Space.com. Selon M. Warman, la documentation figurant sur les sites Web contrevenait à l'article 13 de la Loi. Il a donc déposé la présente plainte le 5 février 2002.

[6] Les sites Web en cause n'étaient plus accessibles sur Internet au moment de l'audience tenue à l'égard de la plainte.

III. LES QUESTIONS QUI DOIVENT ÊTRE TRAITÉES DANS LA PRÉSENTE AFFAIRE

[7] Dans la présente affaire, je dois traiter des questions suivantes :

  1. La documentation transmise sur Internet est-elle une communication au sens de l'article 13 de la Loi?
  2. Quelle était la documentation figurant sur Internet qui, selon ce qu'allègue M. Warman, contrevient à l'article 13 de la Loi?
  3. Cette documentation était-elle susceptible d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?
  4. M. Kulbashian ou M. Richardson, agissant seul ou agissant d'un commun accord l'un avec l'autre ou avec d'autres personnes, ont-ils communiqué ou fait communiquer cette documentation de façon répétée?
  5. La plainte est-elle fondée contre les autres intimés nommés (Tri-City Skins.com, Canadian Ethnic Cleansing Team (CECT) et Affordable Space.com)?

[8] Comme je l'explique dans la présente décision, j'estime que la documentation en cause constitue de la propagande haineuse au sens de l'article 13 de la Loi et que M. Richardson de même que M. Kulbashian et sa société, Affordable Space.com, ont participé de diverses manières à la communication de cette propagande. J'estime en outre que le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team est un groupe de personnes agissant d'un commun accord qui était responsable de la transmission d'une certaine partie de cette propagande, contrevenant ainsi également à l'article 13. Par contre, il n'existe aucun élément de preuve démontrant que tri-cityskins.com était autre chose qu'un nom de site Web. Ce n'est pas une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord au sens de l'article 13. Par conséquent, je conclus que la plainte contre l'intimé connu sous le nom de Tri-City Skins.com n'est pas fondée.

A. Première question - La documentation transmise sur Internet est-elle une communication au sens de l'article 13 de la Loi?

[9] L'article 13 a initialement été adopté bien avant l'envahissante croissance mondiale d'Internet, et la disposition elle-même ne mentionnait aucunement Internet. En 2001, cependant, le paragraphe 13(2) a été modifié par l'article 88 de la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41, afin de prévoir qu'il demeure entendu, que l'acte discriminatoire interdit s'étendait à l'utilisation d'un ordinateur, d'un ensemble d'ordinateurs connectés ou reliés les uns aux autres, notamment d'Internet. Cette modification est entrée en vigueur le 23 décembre 2001 (C.P. 2001-2425, TR/2002-16, Gazette du Canada, Partie II, vol. 136, no 1).

[10] M. Warman a vu sur Internet la documentation qui fait l'objet de sa plainte, en 2001 et 2002, avant et après l'entrée en vigueur de la modification de l'article 13. Cependant, comme le Tribunal a mentionné dans la décision Warman c. Kyburz, 2003 TCDP 18, 43 C.H.R.R D/425 (T.C.D.P.), au paragraphe 15, (Kyburz), il n'importe pas en fin de compte de savoir si les messages ont été diffusés avant que la Loi soit modifiée. Le Tribunal a conclu que la version antérieure de l'article 13 s'appliquait aux communications Internet tant dans la décision Citron c. Zündel (2002), 41 C.H.R.R. D/274 (T.C.D.P.), que dans la décision Schnell c. Machiavelli and Associates Meprizer Inc. et al. (2002), 43 C.H.R.R. D/453 (T.C.D.P.). À mon avis, la question est maintenant réglée. L'article 13 de la Loi s'applique à l'utilisation d'Internet, que ce soit avant ou après les modifications.

B. La deuxième question - Quelle est la documentation figurant sur Internet qui, selon ce qui est allégué, contrevient à l'article 13 de la Loi?

(i) La documentation figurant sur le site Web tri-cityskins.com

[11] La Commission a fourni des copies de pages Web tri-cityskins.com que M. Warman a témoigné avoir vues entre octobre 2001 et février 2002. L'adresse Internet de la page d'accueil était www.tri-cityskins.com. Une copie de la page d'accueil, imprimée le 2 février 2002, a été déposée en preuve.

[12] Dans le haut de la page, il y a un message d'accueil qui énonce ce qui suit : [traduction] Le site Web de Tri-City Skins est DE RETOUR. Il y a ensuite l'avertissement suivant : [traduction] Il y a dans ces pages des points de vue que de nombreuses personnes trouveront offensants. ON S'EN FOUT!!!. M. Warman a témoigné qu'en cliquant sur le mot enter au bas de la page il a été redirigé à la page principale. Un message dans le haut de la page principale disait ce qui suit : [traduction] Tri-City Skins - Bienvenue sur notre site Web officiel. Entre deux drapeaux canadiens, le mot Skinheads apparaît, près du haut. Sur le côté gauche de la page il y a une colonne d'icônes (ou liens) qui dirigent le visiteur vers d'autres parties du site Web après qu'il a cliqué sur l'un de ces liens. L'un de ces liens amenait dans une partie du site Web qui fournissait elle-même des liens à des Good Sites, qui incluaient les sites du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, des Skinheads de Toronto, d'Heritage Front et de la White Aryan Resistance. Il y a également un lien à un site nommé www.whitesonly.net. L'icône qui dirigeait vers ce site consistait en une corde avec un nud coulant à chaque extrémité avec la phrase : [traduction] Apportez votre nègre... Nous avons la corde.

[13] Une autre page sur le site Web tri-cityskins.com, qui était accessible en cliquant sur un lien sur la page principale, est intitulée [traduction] [...] du mois. Cette page liée présente les chansons, les citations, les sites, les blagues et les photographies en vedette au cours du mois. La blague du mois en décembre 2001 était la suivante :

[traduction]

Comment appelle-t-on 6 nègres qui pendent d'un arbre?

Un carillon d'Alabama.

[14] La photographie du mois consistait en deux photographies : une photographie d'un homme portant une sorte de turban, accompagnée de la description suivante : [traduction] C'est un sikh, et une autre photographie, cette fois celle d'un homme portant une barbe transportant un animal de la ferme, qui portait également une coiffure similaire, avec la description suivante : [traduction] C'est un musulman. Les deux photographies étaient suivies de la légende suivante :

[traduction]

Veuillez battre en conséquence.

Présenté par la fondation Ne battez pas un sikh.

[15] Le site Web tri-cityskins.com contenait plusieurs pages consacrées à des blagues, intitulées [traduction] Blagues de nègres, Blagues de Juifs et Autres blagues ethniques. Toutes ces blagues étaient accessibles en cliquant sur le lien Joke Page à partir de la page principale. La Commission a déposé des copies de pages qui avaient été vues et imprimées par M. Warman le 13 octobre 2001. On trouve de nombreux éléments affichés sur ces pages. Les blagues qui suivent sont seulement quelques exemples des blagues qu'on trouve sur la page [traduction] Blagues de nègres :

Traduction]

Q : Qu'est-ce qui a quatre pattes poilues et un bras noir?

R. : Un pit-bull heureux.

Q : Pourquoi les yeux d'un nègre sont-ils rouges après une relation sexuelle?

R : À cause du gaz incapacitant.

Q : Qu'est-ce qui manque dans la file de sans emploi à Harlem?

R : Cent pieds de chaîne et un encanteur.

La page de [traduction] Blagues de Juifs contient à peu près 25 éléments affichés dont les premiers sont les suivants :

[traduction]

Q : Quelle est la meilleure chose qui est sortie d'Auschwitz?

R : Un train vide.

Q : Qu'est-ce que l'enfant allemand recevait pour Noël?

R : Un G.I. Jew et un four easy bake.

Q : Comment fait-on entrer 100 Juifs dans une Volkswagen?

R : Deux à l'avant, trois à l'arrière et 95 dans le cendrier.

Q : Quelle est la différence entre un Juif et une tarte aux pommes?

R : Une tarte aux pommes ne crie pas quand tu la mets dans le four.

La page [traduction] Autres blagues ethniques se rapporte à des personnes de diverses ethnies. Les blagues suivantes sont un exemple :

[traduction]

Q : Quel est le jour le plus mêlant sur une réserve indienne?

R : Le jour de la fête des pères.

Q : Pourquoi le Mexique n'a-t-il pas une bonne équipe olympique?

R : Quiconque peut courir, sauter ou nager est déjà aux É.-U.

Q : Pourquoi les Pakistanais puent-ils?

R : Pour que les aveugles les haïssent également.

[16] Il y avait sur le site Web tri-cityskins.com une autre page qui était utilisée pour annoncer des White Power, Racist, and Skinhead Shirts (chemises du White Power, des chemises à messages racistes et des chemises Skinhead). Il y avait des instructions quant à la manière selon laquelle ces chemises pouvaient être commandées et les grandeurs disponibles étaient indiquées. Les chemises montrées portaient à l'avant des inscriptions dont : Aryan (Aryen), ACAB - ALL COPS ARE BASTARDS (tous les policiers sont des salauds), SKINHEADS et Aryan Women Unite (les femmes aryennes s'unissent).

[17] On trouvait aussi sur le site Web tri-cityskins.com une page intitulée HEROES AND WARRIORS OF OUR MOVEMENT (Héros et guerriers de notre mouvement). Une copie de cette page imprimée le 8 décembre 2001 contient, entre autres, des photographies d'Adolf Hitler, de Rudolf Hess et d'Ernst Zündel. Dans les marges latérales, il y a le symbole nazi SS et une croix de fer avec un svastika au centre.

[18] Il y a sur la page principale du site Web tri-cityskins.com un lien intitulé Weekly A.D.V. Broadcast - updated (mise à jour de la diffusion hebdomadaire A.D.V.). M. Warman a témoigné qu'en cliquant sur l'icône, on obtenait une page du site Web tri-cityskins.com sur laquelle figurait le texte de la diffusion hebdomadaire American Dissident Voices. Il a fourni des copies imprimées des pages de cinq parutions de cette diffusion qui étaient affichées sur la page Web, entre août 2001 et février 2002. Chaque diffusion consistait en un article passablement long (8 à 13 pages) soi-disant rédigé par William Pierce qui, selon M. Warman, dirigeait la National Alliance, le plus grand groupe néonazi aux États-Unis à ce moment.

[19] Dans une diffusion, M. Pierce informe les citoyens blancs d'Afrique du Sud que la [traduction] seule solution viable à long terme pour [eux] consiste à se débarrasser de tous les Noirs et de tous ceux qui ne sont pas de race blanche. Ils devraient [traduction] les forcer à partir, les stériliser, les tuer - sinon [ils] perdront [leur] pays. Il affirme ensuite ce qui suit dans cet article :

[traduction]

Si nous voulons que notre race survive sur cette planète plus longtemps qu'une génération ou deux, alors nous devons remettre nos idées en place et effacer de nos esprits la superstition chrétienne et la propagande juive et faire face aux faits sans être délicats. Un fait est que nous devons avoir la possession exclusive de ces portions de cette planète qui constituent un habitat convenable pour nous. Un autre fait est que pour obtenir et maintenir cette possession exclusive, nous devons être prêts à tuer et à annihiler tous les compétiteurs. Un troisième fait est que le racisme est le cadeau de Dieu à toute race qui veut survivre. Le racisme est sain et naturel et essentiel, et il serait beaucoup mieux que nous effacions de nos esprits le mensonge judéo-chrétien voulant que le racisme soit répréhensible et méchant et vilain et primaire.

[Non souligné dans l'original.]

[20] Dans une autre diffusion, que M. Warman a vue et imprimée le 13 octobre 2001, M. Pierce décrit l'administration Clinton comme [traduction] le gouvernement le plus juif que l'Amérique ait jamais eu, qu'il compare ensuite de la façon suivante avec l'administration de George W. Bush :

[traduction]

Les gens que le public voit sont des Gentils - d'une certaine sorte : un secrétaire d'État mulâtre, un secrétaire de la Défense gentil blanc, une Noire comme conseiller de la sécurité nationale, un secrétaire du Trésor gentil blanc - et, sauf pour le président de la Réserve fédérale Alan Greenspan, ne sont pas des Juifs en vue. C'est-à-dire qu'il y a peu de Juifs en première ligne, où on peut les voir. Mais les Juifs sont là, tout comme dans le gouvernement Clinton, et ils travaillent dans les coulisses.

[21] Dans une diffusion subséquente que M. Warman a vue le 22 janvier 2002, intitulée The Culture of Lies, M. Pierce rejette ce qu'il dit être [traduction] le soi-disant Holocauste, et le [traduction] mythe central de six millions de Juifs innocents et sans reproche tués dans des fours à gaz par les méchants nazis. Il termine l'article en écrivant sur la question du contrôle des médias par les Juifs en Amérique qui permet que [traduction] l'habitude de mentir prédomine.

[22] Une autre diffusion, dont M. Warman a pris connaissance le 2 février 2002, mentionnait le professeur de droit de l'Université Harvard, Alan Dershowitz. M. Pierce a écrit ce qui suit :

[traduction]

Fondamentalement, il n'est pas un avocat ou un libertaire civil; il n'est pas un Américain; il n'est même pas un être humain semblable. Alan Dershowitz est un Juif et cela dit tout.

[23] L'article se poursuit en critiquant la position de M. Dershowitz, qui serait soi-disant pour l'utilisation de la torture par le gouvernement américain pour obtenir des confessions à la suite des attaques du 11 septembre, en déclarant ce qui suit :

[Traduction]

Mais je vous assure qu'en fin de compte, ce ne sont pas seulement les musulmans que Dershowitz et sa tribu ont en tête lorsqu'ils préconisent la torture; c'est vous et moi; c'est quiconque se met en travers du chemin de la suprématie totale de la tribu.

(ii) La documentation figurant sur le site Web wpcect.com

a) La page Links (liens)

[24] La Commission a déposé auprès du Tribunal certains extraits du site Web wpcect.com, notamment une copie de la page Links, qui a été imprimée le 18 janvier 2002. Le message qui apparaît d'un côté à l'autre de la page Links est : C.E.C.T., un acronyme pour le nom Canadian Ethnic Cleansing Team. À la gauche de cette page, il y a un logo qui consiste en une moitié de feuille d'érable et une moitié de croix celtique. Sur le côté droit de la page, il y a un autre logo, qui n'est que partiellement visible sur la copie imprimée, mais qui ressemble à une feuille d'érable en surimpression sur un svastika.

[25] Sur le côté gauche de la page, il y a une colonne contenant les mots suivants : Start, News, Articles, Thoughts, Info, Flyers, Webhosting, Chapters, Newsletter, Contact et Links. M. Warman a témoigné que cette colonne se trouvait sur toutes les pages du site wpcect.com. En cliquant sur les mots, une page correspondante s'ouvrait. Par exemple, en cliquant sur le mot Links à partir de n'importe quelle page sur le site Web, on arrivait à la page Links qui a été déposée en preuve.

[26] Plus bas au centre de cette page Links, il y a une série d'icônes qui, lorsqu'on clique dessus, vous amènent à leurs sites Web. Ces sites liés incluent le site tri-cityskins.com, le site de la White Aryan Resistance, de l'American Nazi Party, du National Skinhead Front (whitevictory.com) et le site hatecore88.com. M. Warman a témoigné que le numéro 88 est souvent utilisé par des groupes néonazis. La lettre H est la 8e lettre de l'alphabet et le numéro 88 (signifiant HH) renvoie aux premières lettres des mots de la phrase Heil Hitler. Au-dessus de tous les icônes, il y a un titre qui explique que ces sites Web liés sont des [traduction] Domaines que nous hébergeons sans frais.

b) La page Thoughts (réflexions)

[27] M. Warman a fourni une copie imprimée d'un article intitulé Intro to Racial Woes. Il avait antérieurement vu cet article en cliquant sur la légende identifiée par le mot Thoughts qui se trouvait sur la colonne de gauche du site Web wpcect.com. Sur la copie imprimée qui a été déposée lors de l'audience, la moitié de la date avait été coupée, mais M. Warman a témoigné qu'il avait vu et imprimé le texte le 13 octobre 2001. Le texte contient le passage suivant, qui se rapporte aux politiques en matière d'immigration au Canada :

[traduction]

Plus de 35 pour 100 des étrangers illégaux sont des individus qui ont été déclarés coupables d'actes criminels ou qui sont recherchés pour de tels actes. Vous voyez, maintenant au Canada nous ne faisons pas de vérifications quant aux antécédents de nos éventuels citoyens qui pourraient être admis. Pour une certaine raison étrange, nous les laissons simplement entrer au pays suivant le système fondé sur l'honneur. Nous leur donnons toutes les possibilités du monde et nous ne faisons simplement rien en espérant qu'aucun de ces rejets du tiers-monde ne commettra de crimes violents comme des viols, des meurtres et même des actes de terrorisme. Non seulement les Noirs et les Asiatiques polluent-ils nos villes avec des gangs et de la drogue, mais de plus ils couchent avec nos femmes et font tout ce qu'ils peuvent pour s'assurer, au moyen de la procréation interraciale, que la race blanche n'existe pas. Ils sont suivis par des adolescents blancs qui à cause des médias pensent que c'est génial d'être un Noir. Ces wiggers (des jeunes blancs qui veulent être noirs), que je nomme des traîtres à notre race, ne savent aucunement qu'ils font simplement partie du plan qui a pour seul but d'exterminer la race blanche.

Les médias juifs, qui contrôlent tout ce que nous voyons et entendons à la télévision et à la radio, dirigent cette guerre contre nous. Quand, en tant que race unie, apprendrons-nous notre leçon? En raison des récents événements quant aux problèmes terroristes du millénaire, je ne pense pas que j'ai besoin de dire quoi que ce soit à l'égard des ressortissants des Indes orientales. Ils sont dégoûtants et sont seulement mauvais pour un jeune pays comme le nôtre. Si nous continuons à laisser tous ces étrangers entrer au Canada, ne soyez pas surpris si un jour le Canada n'est pas connu pour sa grande qualité de vie et sa beauté, mais si plutôt il est connu comme un pays qui aide et assiste des criminels, et un endroit où les violeurs et les meurtriers peuvent se soustraire aux lois de leur propre pays. Attendez un instant. C'est ce qui se passe déjà.

[Non souligné dans l'original.]

L'article se termine par la déclaration suivante :

[traduction]

[...] Qu'êtes-vous prêts à faire pour votre pays et la fière race blanche? Moi, personnellement, je suis disposé à aller à fond et à faire tout ce qui est nécessaire que je fasse pour m'assurer que la race blanche domine, comme je suis certain que nous dominerons.

Le texte est signé comme suit :

White Pride Worldwide 14/88

-WHITE POWER CANADA: THE REICH WAY!

c) Le bulletin d'information - Vinland Voice

[28] Un autre des mots qu'on retrouve sur la colonne gauche du site Web wpcect.com est le mot Newsletter (bulletin d'information). M. Warman a témoigné que lorsqu'il a cliqué sur ce mot, il a été redirigé sur un site Web appelé le vinlandvoice.com. La première page de ce site Web accueille le visiteur à la page d'accueil du Vinland Voice, qui est décrit comme un bulletin d'information qui vise à [traduction] atteindre les Canadiens blancs et à les informer des questions en litige dans leur collectivité. Le texte continue en remerciant les partisans du Vinland Voice, puis se termine par l'expression RAHOWA. M. Warman a déclaré dans son témoignage que ce terme est utilisé par les membres de groupes de suprématie blanche pour se saluer entre eux. Il s'agit d'un acronyme pour l'expression Racial Holy War (guerre sainte raciale).

[29] M. Warman a témoigné que lorsqu'il a continué sa consultation du site Web vinlandvoice.com, il a trouvé des bulletins d'information comportant plusieurs pages qui étaient apparemment publiés hebdomadairement. La parution la plus ancienne du bulletin d'information Vinland Voice était datée du 30 août 2001.

[30] M. Warman a expliqué que lorsqu'il a découvert le site du Vinland Voice, il s'est inscrit en tant qu'abonné sous un pseudonyme, et il a commencé à recevoir par courrier électronique (courriel), hebdomadairement, les bulletins d'information. Il a adopté deux méthodes pour compiler les documents qui, selon lui, contrevenaient à l'article 13 de la Loi. Dans certains cas, il a coupé le contenu des bulletins de l'endroit où ils se trouvaient sur le site Web vinlandvoice.com et il l'a collé dans un fichier de traitement de texte. Dans d'autres cas, il a simplement imprimé les messages contenant les bulletins d'information qui lui avaient été envoyés par courriel. Les exemplaires du bulletin d'information Vinland Voice qui ont été déposés lors de l'audience étaient sous l'une ou l'autre de ces formes.

[31] Je ne dispose d'aucun élément de preuve donnant à penser que ces exemplaires étaient une représentation inexacte des véritables bulletins d'information qui étaient communiqués sur Internet. Comme j'en traite plus loin dans la présente décision, Terry Wilson, un enquêteur du service de police de London, en Ontario, a également témoigné avoir vu ces bulletins d'information sur Internet et les avoir reçus par courriel. Je suis convaincu que ces pièces sont une représentation exacte des véritables bulletins d'information qui étaient affichés sur le site Web vinlandvoice.com.

[32] Chaque parution du Vinland Voice déposée en preuve contenait sur la première page l'invitation suivante : [traduction] Allez consulter nos circulaires du CECT. Les bulletins d'information se terminaient tous avec lien au www.wpcect.com, c'est-à-dire au site Web du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team. Dans certaines parutions, il y avait à côté du lien le logo du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, soit la croix celtique combinée avec la feuille d'érable.

[33] Les bulletins d'information étaient souvent un des articles d'autres sources, auxquels étaient ajoutés certains commentaires éditoriaux. Par exemple, le bulletin d'information no 3, daté du 30 août 2001, reproduisait ce qui semble être un article d'un service de transmission se rapportant à l'arrestation à Toronto d'un individu qu'on croyait être un membre d'un [traduction] groupe terroriste islamique ayant participé aux attentats à la bombe d'ambassades américaines. L'extrait était précédé du titre [traduction] Surprise, surprise, c'est pourquoi l'immigration DOIT cesser!

[34] De plus, les bulletins d'information comportaient souvent des lettres et des commentaires exprimant du dédain à l'endroit des membres de l'Anti-Racist Action (ARA). M. Warman a témoigné qu'il s'agit d'un groupe qui lutte contre le racisme, et qui a des sections locales partout en Amérique du Nord, dont l'objet est de combattre les groupes néonazis et les groupes racistes.

[35] Les rédacteurs du Vinland Voice ont écrit occasionnellement des articles se rapportant à certaines de leurs expériences personnelles. Par exemple, il y a dans le bulletin d'information no 3 un article non signé qui décrit ce qui s'est produit lors d'une fête d'anniversaire de [traduction] l'un des gars du TCS [Tri-City Skins], qui a semble-t-il eu lieu dans un bar à Kitchener, en Ontario. Plusieurs paragraphes après le début de l'article, l'auteur écrit ce qui suit :

[traduction]

[...] mon ami et moi étions à l'extérieur avec quelques skinbyrds en train de parler et de fumer lorsqu'un nègre imbécile avec une face de singe est venu au bar avec un bâton. C'est à rire aux éclats : 1 nègre et 1 bâton contre 15 skins, c'est pour cela, et pour aucune autre raison que ce nègre était particulièrement stupide. Tout le reste des ordures des villes a choisi de rester de l'autre côté de la rue. Juste comme nous étions sur le point de nous approcher du nègre pour lui montrer ce qu'il pouvait faire avec le bâton, le propriétaire de ce respectable établissement s'en est mêlé et l'a désarmé, en nous avertissant que les policiers arrivaient par les escaliers. Il y en avait partout.

[36] M. Warman a choisi de mettre en évidence le bulletin d'information no 5 dans son témoignage. Ce bulletin, daté du 14 septembre 2001, traitait longuement des attaques terroristes qui avaient eu lieu aux É.-U. trois jours plus tôt. Le titre de l'article d'ouverture était Editor's Voice. Le nom de l'auteur, à la fin du texte, était WPCanada. Comme il en sera traité plus loin dans la présente décision, M. Warman prétend que WPCanada signifie White Power Canada, et qu'il s'agit en fait d'un pseudonyme utilisé par M. Richardson. L'article est rédigé comme suit :

[traduction]

Hum! Où commencer? J'en ai tellement à dire et le bulletin d'information est déjà si volumineux. Alors, je vais essayer d'être bref. Comme je l'ai mentionné précédemment, vous verrez des opinions exprimées par de nombreuses différentes personnes et je ne dis pas d'un ton de défi que mon opinion est la bonne opinion, mais c'est la mienne et vous êtes maintenant pris pour la lire.

S'il y a déjà eu un temps pour se tenir debout et vous faire entendre, ce temps est maintenant. La guerre est ouverte et les gants sont jetés. J'ai eu différentes opinions depuis la tragédie survenue aux États-Unis. Mais, même si ma colère et mes opinions sont passées d'un extrême à l'autre, je continue à mettre l'accent sur une chose. De nombreux Blancs sont décédés tragiquement et, comme toujours, les Juifs y sont mêlés. Je n'aime pas que des Blancs innocents meurent pour rien et en particulier à cause de ces sales Juifs.

Et oui, je tiens également TOUS les musulmans personnellement responsables. Même le gouvernement américain, pour avoir amené cette guerre sur le sol américain en fournissant aux Juifs des armes pour détruire les musulmans. C'est maintenant le temps de reprendre nos rues. Je déclare mon propre acte de guerre. J'encourage tous les racistes et en particulier tous les membres du C.E.C.T. à faire de même. Il y a plusieurs cibles sur le sol canadien comme les bureaux de B'nai Brith, les temples du Mossad et quant à moi tous les temples, édifices, maisons et même les véhicules juifs et arabes. Il n'y a pas de Juifs innocents en particulier en temps de guerre. Je vous demande de pleurer la perte de nombreux des nôtres qui ont péri à New York et Washington et je veux que vous orientiez cette colère et que vous l'utilisiez pour lutter contre nos ennemis.

Le monde comme nous le connaissons a changé; à partir de maintenant tout ce que nous connaissons sera différent. De nombreux autres Blancs mourront en combattant les musulmans et les Juifs. Peut-être que ce sera la dernière guerre? Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que nous ne devons jamais laisser cela nous arriver de nouveau. Nous devons faire appel à nos gouvernements et arrêter toute l'immigration en Amérique du Nord. Nous devons expulser tous les Juifs, les musulmans, les Arabes et tous les autres groupes terroristes ou religieux connus. En leur permettant de vivre dans notre pays et de demander l'asile, nous leur permettons d'utiliser nos propres ressources (c'est-à-dire notre aide sociale ou nos dossiers publics, etc.) contre nous. Ce sont nos rues, c'est notre terre et le temps de combattre est MAINTENANT. C'est en fait notre RAHOWA! Unis nous vaincrons.

WPCanada

En avant vers la victoire!

[Non souligné dans l'original.]

[37] Plusieurs pages plus loin dans cette parution du bulletin d'information, un communiqué de presse de B'nai Brith Canada, daté du 11 septembre 2001, était reproduit. Le communiqué de presse condamnait les attaques du 11 septembre, de même que les danses subséquentes des Palestiniens qui avaient prétendument eu lieu dans les rues de Cisjordanie. Le commentaire éditorial suivant a été ajouté au-dessous de la reproduction du communiqué de presse :

[traduction]

Visiblement, les Juifs essaient de refiler la responsabilité et de diriger l'attention ailleurs. Bien, qu'ils aillent tous se faire foutre. Nous savons qui est responsable et ils VONT payer au nom de nos frères américains. J'incite avec insistance tous les Canadiens qui sont le moindrement préoccupés à prendre des mesures contre B'nai Brith et toutes les autres organisations juives. Certains cocktails sont très peu coûteux. MORT AU ZOG!

M. Warman a témoigné que ZOG signifie Zionist Occupational Government. Quelques paragraphes plus loin le bulletin d'information énonce ce qui suit : [traduction] AVERTISSEMENT DU DIRECTEUR DE LA SANTÉ PUBLIQUE : Les Juifs sont dangereux pour les autres espèces.

[38] Le bulletin d'information no 6, daté du 21 septembre 2001, poursuit sur le même thème des attaques du 11 septembre. Sur la première page, il y a un article présenté sous le titre Editor's Voice [traduction] (la voix de l'éditeur). L'auteur est apparemment WPCanada, dont le nom est imprimé à la fin de l'article. L'auteur énonce la façon selon laquelle il aurait écrit le discours du président George W. Bush au congrès américain à la suite des attaques :

[traduction]

[...] Aux responsables de la tragédie américaine, je dis ce qui suit : Vous foutez-vous complètement de moi? Vos turbans enveloppent-ils de façon trop étroite vos têtes? Avez-vous passé trop de temps sans vous laver? Ne savez-vous pas à qui vous vous attaquez? [...]

Avez-vous oublié l'histoire? Qu'est-il arrivé aux derniers qui ont commencé à se foutre de nous? Rappelez-vous les petits salauds jaunes au Japon? Nous les avons giflés partout dans le Pacifique et nous en avons fait rôtir 2 millions sur leur propre terrain. C'est ce que nous en Amérique nous appelons un barbecue de grande envergure. Avez-vous déjà vu le Texas sur une carte? Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi c'est si gros? C'est parce que nous le voulions ainsi. Les Mexicains ont commencé à nous agacer avec l'Alamo et maintenant ils coupent nos gazons.

[Non souligné dans l'original.]

[39] La parution no 7 du Vinland Voice est datée du 28 septembre 2001. Le bulletin d'information commence par quatre courtes phrases, à savoir :

[traduction]

  1. Les Juifs sont responsables des politiques en matière d'immigration qui laissent les bombardiers arabes entrer au pays.
  2. Les Juifs sont responsables des politiques étrangères qui font que les Arabes veulent nous attaquer.
  3. Les Juifs sont responsables de la dissimulation de ces faits dans leurs médias.
  4. En mettant fin au ZOG, on met fin au terrorisme.

Ce passage est suivi d'une phrase dans la même forme que le serment d'allégeance américain, à savoir :

[traduction]

Je jure fidélité au mélange des races, des États-Juifs-Unis d'Amérique, et au nouvel ordre mondial que ce pays représente; un conglomérat, sous le sionisme, avec la tyrannie et l'oppression pour tous.

[40] Le bulletin d'information no 12, daté du 10 décembre 2001, contient un article de l'Editor's Voice qui critique les politiques d'Israël au Moyen-Orient. Mais, en traitant de la question, le rédacteur en chef mentionne les Juifs en tant que des [traduction] conspirateurs de Rome et [traduction] traîtres envers le Christ. Il poursuit en écrivant qu'il appuie les attaques suicide contre les Israéliens et avance l'idée que [traduction] l'Angleterre aimerait peut-être attribuer une portion de son propre territoire à la peste sioniste. Il ajoute que lui, personnellement, [traduction] les mettrait dans des eaux chaudes, quelque part dans le Pacifique tropical.

[41] Dans la même parution du bulletin d'information, le rédacteur écrit qu'il envoie un [traduction] gros bonjour à M. Warman parce qu'il a déposé une plainte en matière de droits de la personne contre le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team. Le rédacteur s'identifie à la fin des commentaires sous le nom de Totenkopf. Il renvoie apparemment à une plainte initiale déposée par M. Warman auprès de la Commission en 2001, avant la présente plainte qui a été déposée en février 2002. L'article dans le bulletin d'information contient l'adresse de la résidence de M. Warman. Le rédacteur déclare de plus ce qui suit : [traduction] nous remercions cet avocat juif et [traduction] nous donnons [à M. Warman] 300 000 véritables raisons - et 5,7 millions de raisons inventées - pour appuyer le [Canadian Ethnic Cleansing Team]! Ce sera marrant! (It will be a gas!). Le message se termine par une dernière note adressée directement à M. Warman :

[traduction]

Richard, nous t'avons ajouté à notre liste de cartes de Noël de cette année. Qui sait, nous pourrions même t'envoyer une indemnité de vacances pour l'indemnité que ta famille n'a pas reçue pour son travail à Auschwitz.

C. Troisième question - La documentation est-elle susceptible d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?

[42] Il faut, pour traiter de cette question, examiner la signification des mots expose (exposer), hatred (haine) et contempt (mépris). Le Tribunal canadien des droits de la personne, de même que la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale et la Cour suprême du Canada, ont déjà eu la possibilité d'examiner le sens de ces termes dans des décisions. Le Tribunal, dans la décision Schnell, précitée, aux paragraphes 85 à 89, a fourni le résumé suivant quant à leurs conclusions :

Dans une première affaire relative au paragraphe 13(1) de la Loi, Taylor et le Western Guard Party c. la Commission canadienne des droits de la personne et le Procureur général du Canada, (1979), D.T. 1/79, le Tribunal canadien des droits de la personne a utilisé le Oxford Dictionary comme source, définissant le mot hatred (haine) comme suit :

active dislike, detestation, enmity, ill will, malevolence (aversion active, détestation, inimitié, malice, malveillance).

et contempt (mépris) comme :

the condition of being condemned or despised; dishonour or disgrace. (Le fait d'être méprisé ou dédaigné; déshonneur, disgrâce).

Le terme expose (exposer) est beaucoup plus passif que le terme incite (inciter) et démontre que la personne qui transmet le message n'a pas l'intention de susciter une réaction violente chez la personne qui le reçoit. Plutôt, le terme exposer signifie laisser une personne sans protection; soumettre au ridicule, à la censure ou au danger, créer des conditions propices à la haine ou au mépris, laissant le groupe identifiable exposé à la rancune ou à l'hostilité ou le rendant susceptible d'être haï.

Le Tribunal canadien des droits de la personne dans l'affaire Nealy c. Johnston (1989), 10 C.H.R.R. D/6450, lorsqu'il a dû traiter une plainte en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi, a accepté ces définitions et s'est penché sur le sens des termes haine et mépris. Selon le Tribunal, la haine connote des sentiments comportant une malice extrême envers une autre personne ou un autre groupe de personnes. Quand on dit qu'on hait quelqu'un, c'est que l'on ne trouve aucune qualité qui rachète ses défauts. Le terme contempt (mépris) suggère que l'on regarde quelqu'un de haut ou qu'on le traite comme s'il était inférieur. Cela reflète la définition du dictionnaire de despise (dédaigner), dishonour (déshonneur) ou disgrace (disgrâce). Toutefois, la haine n'est pas directement liée au mépris. La haine dans certains cas peut être le résultat de l'envie de qualités supérieures comme l'intelligence, la richesse et le pouvoir, ce que le mépris ne peut être par définition.

Le Tribunal dans l'affaire Nealy a aussi mentionné que l'utilisation du terme likely (susceptible) dans le paragraphe 13(1) signifie qu'il n'est pas nécessaire de prouver que l'effet sera que les personnes qui entendent le message dirigeront leur haine ou leur mépris contre d'autres. Il n'est pas non plus nécessaire de prouver que, en fait, une personne a ainsi été victime.

L'affaire Taylor a fait l'objet d'un appel auprès de la Cour suprême du Canada, [1990] 3 R.C.S. 892, la question principale étant la constitutionnalité du paragraphe 13(1) de la Loi relativement à l'alinéa 2b) de la Charte. La Cour suprême, lorsqu'elle a conclu que le paragraphe 13(1) n'allait pas à l'encontre de la Charte, a approuvé les définitions des termes haine et mépris utilisés dans les affaires Taylor et Nealy. La Cour a conclu que le paragraphe 13(1) fait référence à des émotions extrêmement fortes et profondes de détestation, de calomnie et de diffamation.

(i) La documentation figurant sur le site tri-cityskins.com

[43] J'estime que la documentation figurant sur le site Web tri-cityskins.com est susceptible d'exposer à la haine ou au mépris des personnes qui ne sont pas des chrétiens ou qui ne sont pas de race blanche. Les personnes de race noire et les personnes de religion juive peuvent particulièrement faire l'objet de ridicule, de malice ou d'hostilité, créant les conditions requises pour que sévisse contre eux la haine ou le mépris.

[44] Le prétendu humour qu'on retrouve dans les pages Jokes (blagues) et [...] Of the Month (du mois) expose sans l'ombre d'un doute ces groupes à la haine et au mépris. L'utilisation du terme [traduction] nègre (nigger) dans ces [traduction] blagues, avec ses connotations quant à l'esclavage, la ségrégation et le racisme, démontre en soi de la haine et du mépris à l'égard des personnes de race noire. Des remarques qui présentent les Noirs comme des violeurs, des esclaves et de la nourriture pour des chiens méchants dénotent des sentiments d'extrême malice contre eux. Ces blagues traitent manifestement les personnes de race noire avec dédain et comme êtres inférieurs. L'humour rabaisse la souffrance des Noirs et donne à penser qu'ils n'ont aucune qualité rachetant leurs défauts.

[45] Les devinettes qui traitent cruellement à la légère du génocide des Juifs dans les camps de concentration nazis sont de la même façon humiliantes et empreintes de dédain. D'autres groupes raciaux, religieux ou ethniques (les peuples autochtones, les latino-américains, les habitants de l'Asie du Sud, les musulmans) ne sont pas non plus épargnés du dénigrement. Ces déclarations servent toutes à déshumaniser des personnes appartenant à ces divers groupes.

[46] Je dois mentionner que je n'ai extrait qu'une poignée des blagues figurant sur le site Web. Les autres suivent toutes les mêmes thèmes et sont remplies de haine et de mépris envers les groupes identifiés.

[47] L'extrême malice et l'extrême malveillance envers les personnes de race noire sont également répandues dans d'autres portions du site Web tri-cityskins.com. Dans ses articles, M. Pierce encourage les Sud-Africains à [traduction] se débarrasser de tous les Noirs et de tous ceux qui ne sont pas de race blanche et à [traduction] les forcer à partir, les stériliser ou les tuer. Ses articles incitent ceux à qui il s'adresse à être [traduction] prêts à tuer et à annihiler tous les compétiteurs. De telles déclarations (qui exhortent à la mort, à la stérilisation ou à l'expulsion de ceux qui ne sont pas de race blanche) dénotent une extrême malice et de la haine à l'endroit des personnes qui ne sont pas de race blanche et donnent à penser que les victimes de cette violence n'ont aucune qualité rachetant leurs défauts, ce qui par conséquent les déshumanise.

[48] Les tentatives de M. Pierce visant à représenter les Juifs comme des ennemis de l'État, [traduction] qui travaillent dans les coulisses et qui contrôlent les médias, servent à nourrir et encourager à leur endroit l'envie, la méfiance ou le ressentiment, ce qui en retour engendre la haine contre eux. Ces messages haineux sont combinés à des signes de mépris : [traduction] [Dershowitz] n'est même pas un être humain. [Il] est un Juif et cela dit tout. M. Pierce renforce son mépris à l'endroit des Juifs et exhorte de plus à la haine contre eux, en affirmant que Dershowitz et [traduction] sa tribu préconisent que la torture soit répandue pour tous les non-Juifs qui résistent à la suprématie juive.

[49] Le site Web fait en sorte d'encourager le visiteur à ressentir du mépris envers ces groupes même au moyen de ses liens vers d'autres sites Web. Il invite les visiteurs à se rendre, en cliquant une seule fois sur la souris, sur le site du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team (l'équipe canadienne de purification ethnique). En prenant en compte les opinions exprimées dans les articles de M. Pierce, il est assez facile de faire le lien entre le nom de ce groupe et un appel à l'exclusion vigoureuse de la société canadienne des personnes qui ne sont pas de race blanche. Un autre des sites Web liés est le site whitesonly.net, qui a un logo qui revient sans honte sur le lynchage des personnes de race noire.

[50] Je conclus, par conséquent, que le site Web tri-cityskins.com contient des messages qui sont susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris, du fait de leur race, de leur couleur, de leur religion ou de leur origine nationale ou ethnique, des personnes qui ne sont pas des chrétiens (à savoir des personnes de religion juive ou musulmane) ou qui ne sont pas des personnes de race blanche.

(ii) La documentation figurant sur le site wpcect.com

[51] J'ai tiré la même conclusion à l'égard des messages figurant sur le site Web du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, le site wpcect.com, notamment dans les bulletins d'information Vinland Voice.

[52] M. Kulbashian prétend que le contenu du Vinland Voice ne devrait pas être considéré comme faisant partie du site du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team étant donné qu'il se trouvait sur un site Web séparé, le site vinlandvoice.com. Je ne partage pas cette opinion. Il importe peu que le contenu se trouve sur un site Web dont le site ne comporte pas l'abréviation CECT. Il reste que lorsqu'ils cliquent sur l'icône newsletter sur les pages Web du site wpcect.com, les visiteurs arrivent directement sur la page du Vinland Voice. Une fois sur cette page, on leur dit simplement qu'ils sont sur un site qui est exploité par le groupe CECT. Le deuxième paragraphe de nombreux bulletins d'information invite les visiteurs à ce qui suit : [traduction] Allez consulter nos circulaires du CECT, et [traduction] Visitez le magasin du CECT. Sur la dernière page de chaque parution, le lien au site wpcect.com est affiché bien en vue. Je suis convaincu que la documentation figurant sur le site vinlandvoice.com fait partie intégrante de la documentation Internet du site wpcect.com.

[53] L'article intitulé Intro to Racial Woes sur la page Thoughts du site wpcect.com est truffé de déclarations d'extrême malice envers divers groupes ethniques, raciaux et religieux. On y accuse les Noirs et les Asiatiques de [traduction] polluer nos villes avec des gangs et de la drogue et de [traduction] coucher avec nos femmes. On y traite les ressortissants des Indes orientales de [traduction] dégoûtants et d'indésirables. On y représente une fois de plus les Juifs comme des ennemis de la société qui [traduction] contrôlent tout ce qu'on voit et entend et qui mènent une guerre contre [traduction] nous, c'est-à-dire la [traduction] race blanche. Ainsi, l'article a pour effet d'inspirer une crainte et un ressentiment extrême envers ces groupes, ce qui est susceptible de les exposer à la haine et au mépris.

[54] Les mêmes thèmes font leur chemin dans les bulletins d'information. Le récit fait dans la parution no 3, par un individu non nommé, de ses exploits se rapportant à un Noir qui l'a affronté dans un bar, est rempli d'épithètes comme [traduction] nègre imbécile avec une face de singe, stupide, et ordure, qui montrent un mépris extrême envers les personnes de race noire.

[55] Cependant, l'éditorial de l'Editor's Voice du 14 septembre 2001 ne limitait pas sa cible à ses attaques haineuses contre les personnes de race noire. À peu près tous les groupes dont les individus ne sont pas de race blanche et ne sont pas chrétiens devenaient des victimes. Les [traduction] sales Juifs et les musulmans sont responsables de la mort, le 11 septembre 2001, de milliers d'[traduction] individus blancs, qui inspirera vraisemblablement de la haine contre ces groupes. L'article fait ensuite appel de façon irresponsable aux [traduction] racistes et aux membres du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team à se livrer à des actes violents contre non seulement les édifices et les institutions des collectivités juives et arabes au Canada, mais aussi contre des individus, étant donné qu'il n'y a [traduction] pas de Juifs innocents. Ces commentaires exposent de façon incontestable les membres de ces groupes à de la haine, du mépris et à un réel danger physique en donnant à penser que toutes les manifestations des collectivités juives et arabes sont des cibles légitimes de violence punitive aveugle. Les commentaires transmettent également un message selon lequel ces groupes n'ont aucune qualité rachetant leurs défauts. L'auteur expose de plus les Juifs, les musulmans et les Arabes à du mépris en établissant une correspondance entre eux et les terroristes responsables des attaques du 11 septembre. Son appel à l'expulsion de ces groupes laisse entendre qu'ils n'ont aucune qualité rachetant leurs défauts et qu'ils sont inaptes à vivre dans [traduction] notre pays.

[56] L'incitation à la violence n'était pas limitée à l'éditorial de l'Editor's Voice. Plus loin dans la même parution, il y a un commentaire éditorial qui encourage de façon évidente des attaques au Cocktail Molotov contre des organisations juives. La collectivité juive au Canada est une fois de plus exposée à un danger en raison de ces commentaires haineux, qui sont plus loin dans le même bulletin d'information renforcés par la remarque narquoise selon laquelle [traduction] les Juifs sont dangereux pour les autres espèces, une déclaration déshumanisante et méprisante qui inspire de la haine contre eux.

[57] On a choisi, dans la parution du 21 septembre 2001, de se moquer de la coiffure religieuse des musulmans, de banaliser la mort de millions de Japonais au cours de la Seconde Guerre mondiale et d'exacerber cette insulte en y ajoutant une épithète raciste malveillante ([traduction] salauds jaunes). Ces remarques irrespectueuses servent à déshumaniser ces groupes et les exposent ainsi au mépris.

[58] La parution suivante du bulletin d'information (du 28 septembre 2001) poursuivait sur le thème consistant à rejeter la responsabilité des actes terroristes récents sur le contrôle que les Juifs exercent prétendument sur les États-Unis, que le bulletin décrivait comme les Jew-nited States of America (les États-Juifs-Unis d'Amérique). Ces commentaires servent une fois de plus à exposer des Juifs à la haine et au mépris en tentant de diriger vers eux l'horreur et la crainte ressenties par de nombreuses personnes à la suite du 11 septembre.

[59] M. Kulbashian a prétendu que ces remarques et d'autres remarques similaires faites dans le Vinland Voice constituaient un discours politique et n'étaient pas destinées à exposer des groupes désignés à la haine ou au mépris. L'intention d'exercer de la discrimination, cependant, n'est pas une condition préalable à une conclusion de discrimination (Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, aux pages 549 et 550; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, aux pages 931 à 934). En outre, le langage utilisé à l'article 13 est clair; ce sont les effets de la propagande qui ont retenu l'attention du législateur. La question à poser n'est pas celle de savoir si celui qui transmet le message a l'intention de communiquer de la haine ou du mépris, mais celle de savoir si le message lui-même est susceptible d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable. Si effectivement le contenu du bulletin d'information était destiné à exprimer une prétendue opinion politique, le message aurait pu être communiqué sans recourir au langage extrémiste et dénigrant qui était répandu dans les diverses publications du bulletin d'information qui avaient été présentées en preuve (voir Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1992] 3 C.F. 155, au paragraphe 57 (C.F. 1re inst.)).

[60] On peut dire la même chose de la critique faite par le rédacteur en chef du Vinland Voice à l'égard des politiques d'Israël exposée dans le bulletin d'information no 12. Le rédacteur a recours à un langage dénigrant contre les Juifs, les décrivant de [traduction] peste sioniste. Cette description, tout comme la description selon laquelle ils sont des [traduction] traîtres envers le Christ, pourrait vraisemblablement inciter des chrétiens et d'autres personnes à ressentir de la haine et du mépris à l'endroit des Juifs. Cette inférence peut facilement être tirée lorsqu'on examine le contexte de cet article. Cet article avait été précédé, dans le même bulletin d'information, d'une attaque contre M. Warman dans laquelle les victimes de l'Holocauste étaient cruellement ridiculisées :

[traduction]

- Une indemnité de vacances... pour son travail à Auschwitz;

- Ce sera marrant (It will be a gas) - ce que j'interprète comme une référence aux chambres à gaz utilisées dans les camps de la mort nazis;

- 300 000 véritables raisons et 5,7 millions de raisons inventées - ce qui sert à laisser entendre que l'Holocauste n'a pas eu lieu ou que le bilan des décès a été nettement exagéré.

À mon avis, ces remarques ont pour effet d'exposer des Juifs à des sentiments de dédain et de mépris.

[61] Pour tous les motifs précédemment énoncés, je conclus que les messages figurant sur le site Web du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, sur le site wpcect.com et sur le site vinlandvoice.com, sont susceptibles d'exposer à la haine et au mépris, du fait de leur couleur, de leur religion ou de leur origine nationale ou ethnique, des personnes qui ne sont pas des chrétiens et qui ne sont pas de race blanche. À partir de maintenant, dans la présente décision, j'utiliserai l'expression messages de haine pour parler de la documentation de même que des messages figurant sur le site Web tri-cityskins.com dont j'ai traité précédemment.

[62] Selon le paragraphe 13(1) de la Loi, la communication de propagande haineuse doit être faite de façon répétée pour qu'il s'agisse d'un acte discriminatoire. Je souligne que dans la présente affaire, M. Warman et M. Wilson n'ont eu aucune difficulté à naviguer sur les sites Web en question, et à recevoir régulièrement sur leur ordinateur des tranches successives de messages de haine au cours d'une période de plusieurs mois. À mon avis, étant donné que toute personne qui utilisait Internet pouvait prendre connaissance de la propagande haineuse à tout moment, cette propagande était effectivement faite de façon répétée.

(iii) Le témoignage de Mme Frances Henry

[63] Lors de l'audience, la Commission a fait témoigner Mme Frances Henry en tant qu'experte des questions de racisme et de propagande haineuse. À mon avis, son rapport et son témoignage consistaient essentiellement en son opinion sur la question ultime qui était soumise au Tribunal. Elle n'a fourni au Tribunal aucun point de vue significatif quant aux aspects stéréotypés ou raciaux des messages de haine et quant à la façon selon laquelle ces aspects pourraient exposer des personnes à la haine ou au mépris, du moins certainement pas plus que ce que le Tribunal peut évaluer lui-même ou peut recueillir dans l'ensemble de la jurisprudence se rapportant à l'article 13 de la Loi. De plus, au cours de son contre-interrogatoire, elle a reconnu que ses études portaient sur le racisme et sur la façon selon laquelle il se manifestait, et non particulièrement sur le domaine de la propagande haineuse en cause dans la présente affaire.

[64] Le témoignage de Mme Henry n'a par conséquent pas de portée sur ma décision définitive dans la présente affaire.

D. Quatrième question - M. Kulbashian ou M. Richardson, agissant seul ou agissant d'un commun accord l'un avec l'autre ou avec d'autres personnes, ont-ils de façon répétée communiqué ou fait communiquer les messages de haine?

(i) La preuve recueillie par M. Warman

[65] M. Warman et la Commission prétendent que M. Kulbashian et M. Richardson ont communiqué de diverses façons les messages de haine sur Internet. Cette prétention s'appuie sur la preuve recueillie par M. Warman, de même que sur celle recueillie par le service de police de London. M. Warman prétend que M. Kulbashian, pour éviter d'être identifié, a utilisé les pseudonymes Alex Krause et Totenkopf dans ses activités, et que M. Richardson utilisait les noms James Scott et WPCanada (une abréviation pour White Power Canada).

[66] Au cours de la surveillance des sites Web sur lesquels figurait les messages de haine, M. Warman a essayé de connaître l'identité de la personne ou des personnes qui exploitaient ces sites. Les sites Web étaient identifiés par le nom de domaine (c'est-à-dire tri-cityskins.com, wpcect.com, vinlandvoice.com). Les noms de domaine doivent être enregistrés auprès d'un service d'enregistrement de nom de domaine. Selon M. Warman, l'un des plus importants de ces services est exploité par une entreprise connue sous le nom de register.com. Cette entreprise offre également un service en ligne, nommé une recherche Who-is, qui permet à une personne de soumettre un nom de domaine d'un site Web et d'obtenir les noms de ses personnes-ressources. M. Warman a fait une telle recherche en octobre 2001, et a obtenu les résultats suivants :

Tri-cityskins.com :

Le dossier se rapportant à son nom de domaine a été créé le 6 mars 2001. Le titulaire de cet enregistrement était inscrit comme Tri-City Skinheads, et l'adresse déclarée était le 14 Eighty-Eighth Avenue, Kitchener (Ontario) 5M4RTIES. Le nom donné à titre de personne-ressource pour les questions techniques du site Web était Skinheads, Tri-City. M. Warman croit que ces renseignements sont clairement fictifs. Le nom de la rue est une référence au numéro 88, qui, comme cela a été mentionné précédemment, signifie prétendument Heil Hitler. Le code postal imite le mot smarties. Le nom fourni à titre de personne-ressource pour les questions d'administration du site Web est Public/Press Relations - CECT, Totenkopf. M. Warman a témoigné que le mot Totenkopf signifie [traduction] tête de mort en allemand, et est symbolisé par une tête de mort. C'était le logo utilisé par les divisions blindées Panzers des Nazis SS durant la Seconde Guerre mondiale. L'adresse de la personne-ressource pour les questions d'administration est P.O. Box 1061, 31 Adelaide Street East, Toronto, Ontario. Le serveur du domaine mentionné est Affordable-Space.com.

Wpcect.com :

Le dossier se rapportant à ce nom de domaine de site Web a été créé le 7 février 2001, et venait juste d'être mis à jour le 3 octobre 2001 lorsque M. Warman a fait sa recherche Who-is. Le titulaire de l'enregistrement qui apparaît est C.E.C.T., et son adresse inscrite est P.O. Box 1061, 31 Adelaide Street East, Toronto, qui est une adresse identique à celle précédemment mentionnée comme adresse de la personne-ressource pour les questions d'administration pour le site tri-cityskins.com, à savoir Totenkopf. La personne-ressource qui est inscrite pour les questions d'administration, pour les questions techniques et pour la facturation pour le site Wpcect.com est la même personne, à savoir WPCANADA, Totenkopf, avec comme adresse la même case postale précédemment mentionnée. Le serveur du domaine du site Web qui est mentionné est également Affordable-Space.com.

[67] M. Warman a déposé en preuve une copie papier d'une page du site Web wpcect.com, sur laquelle on déclare que le [traduction] C.E.C.T. a enfin une case postale. Cette déclaration est signée Totenkopf, et l'adresse de la case postale est identique à celle trouvée lors des recherches Who-is précédemment mentionnées. Dans la section [traduction] Personnes-ressources du site Web wpcect.com, il y a un tableau indiquant qu'on doit envoyer un message par courrier électronique à Totenkopf@wpcect.com pour [traduction] les relations publiques et les relations avec la presse, pour des renseignements sur l'organisation ou pour soumettre des conseils qui pourraient nous aider dans notre mission. Les courriels se rapportant [traduction] aux affaires internes et pour devenir membre si vous n'êtes pas déjà membre d'une organisation militant pour la race blanche devraient être envoyés à WPCanada@wpcect.com. Les renseignements se rapportant à la case postale du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team apparaissent également de nouveau sur cette page.

[68] M. Warman a témoigné qu'il avait également fait une recherche Who-is à l'égard du site Web Affordable Space.com. L'adresse de la personne-ressource pour les questions d'administration était la même que celle pour les sites tri-cityskins.com et wpcect.com, à savoir P.O. Box 1061, 31 Adelaide Street East, Toronto.

[69] La recherche faite par M. Warman l'a de plus amené à un site Web d'un festival de film étudiant qui avait eu lieu en mai 2001. Sur leur site Web, les organisateurs du festival [traduction] remerciaient spécialement le [traduction] serveur d'hébergement du site, Alexan Kulbashian. M. Warman a alors fait une recherche Who-is à l'égard du site Web du festival, qui a révélé que le serveur du domaine du site était affordable-space.com.

[70] M. Warman a témoigné qu'à sa connaissance, les serveurs de domaines sont utilisés à un niveau intermédiaire. Ils donnent la possibilité aux sites Web des titulaires de noms de domaines d'être accessibles au public sur Internet. M. Warman ne semblait pas être totalement sûr de cette explication et, sauf quant à sa connaissance de base d'Internet en tant qu'utilisateur fréquent, il ne prétendait pas être un expert dans ce domaine et il n'a pas non plus fait un témoignage en ce sens. Cependant, les intimés n'ont présenté aucune preuve pour contredire M. Warman. De plus, il ressort de façon évidente des documents présentés par M. Warman qu'un serveur de domaine a un rôle important à jouer dans l'exploitation d'un site Web, à un point tel que l'identification du serveur de domaine justifie qu'il soit mentionné sur le registre Who-is. Il importe de mentionner que dans le cas de tri-cityskins.com et dans celui de wpcect.com, Affordable Space.com était leur serveur de domaine.

[71] La recherche de M. Warman l'a également amené à entrer le nom Alexan Kulbashian sur le moteur de recherche Google d'Internet, qui a balayé Internet pour trouver tous les sites contenant ces mots clés. Les résultats de la recherche incluaient un site sur lequel était affiché un curriculum vitæ d'une personne nommée Alexan Kulbashian. Les détails apparaissant dans ce curriculum vitæ sont compatibles avec les autres détails personnels se rapportant à l'intimé, M. Kulbashian, qui ont été présentés en preuve. Je suis convaincu qu'il s'agit de son curriculum vitæ.

[72] La recherche de M. Warman a été faite en décembre 2002, mais le curriculum vitæ lui-même ne porte aucune date. Le curriculum vitæ expose, sous le titre [traduction] Expérience, la participation de M. Kulbashian, à partir de 1999, à Affordable Space.com, qui est décrit comme une entreprise qui héberge, crée et fournit du soutien technique à des sites Web. Le curriculum vitæ énonce qu'Affordable Space.com a débuté à titre de projet privé qui s'est ensuite transformé en une entreprise qui héberge plus de mille comptes et l'auteur ajoute ce qui suit : [traduction] en ce moment je travaille à la préparation d'un service de soutien technique 24 heures par jour et 7 jours par semaine pour l'entreprise.

[73] En se fondant sur tous les renseignements qu'il a recueillis et assemblés, M. Warman croit que M. Kulbashian participait à la fourniture de services d'hébergement de sites Web, au moyen d'une entreprise connue sous le nom d'Affordable Space.com, et que wpcect.com de même que tri-cityskins.com faisaient partie des sites Web hébergés par M. Kulbashian. M. Warman prétend que ces éléments sont suffisants pour établir un lien entre M. Kulbashian et les messages de haine.

(ii) La preuve recueillie par le service de police de London

[74] La Commission s'appuie sur des éléments de preuve recueillis au cours d'une enquête criminelle pour établir un autre lien entre M. Kulbashian et les messages de haine. Ces éléments, selon ce qui est allégué, établissent de plus le lien avec M. Richardson. La Commission a appelé comme témoin Terry Wilson, qui travaillait en tant qu'enquêteur pour le service de police de London (Ontario), durant la même période au cours de laquelle M. Warman avait pris connaissance des messages de haine sur Internet. M. Wilson travaillait au sein de l'unité des crimes motivés par la haine et ses enquêtes incluaient la surveillance des sites Web et des services d'échanges en ligne (aussi connus comme la messagerie instantanée), où les gens communiquent directement en ligne les uns avec les autres au moyen d'Internet. Il était au courant que certains des sites Web qu'il surveillait appartenaient à des organisations situées dans la région de London-Kitchener-Waterloo.

[75] M. Wilson a adopté un pseudonyme et il a commencé à participer à certains des dialogues en ligne qu'il surveillait. Un des participants au service de dialogue en ligne exploité par le site Web tri-cityskins.com utilisait le nom de coxswain24wpcanada. M. Wilson a engagé des échanges par courriel avec cet individu, qui l'a informé qu'il se trouvait à London, en Ontario, et qu'il faisait partie d'une organisation, le Canadian Ethnic Cleansing Team, qui avait plusieurs membres à London. M. Wilson a écrit que lui aussi voulait devenir membre. Le 22 août 2001, M. Wilson a reçu par courriel une réponse l'informant qu'il y aurait une réunion le même soir. L'expéditeur du courriel lui a donné son numéro de téléphone à London et a signé le message du nom de James.

[76] En vérifiant où se trouvait l'endroit associé au numéro de téléphone, M. Wilson a remarqué que l'adresse correspondait à celle d'un ensemble d'habitations où un gérant de l'édifice avait déjà déposé une plainte auprès de la police en alléguant que quelqu'un avait maquillé les corridors et les ascenseurs de l'édifice avec des autocollants portant des messages racistes. M. Wilson a rencontré le gérant de l'édifice qui a fourni le bail des lieux où le numéro de téléphone avait été assigné. Le bail mentionnait deux colocataires : James S. Richardson et une femme, dont l'identité n'a pas besoin d'être révélée dans la présente décision. Le gérant de l'édifice a dit qu'ils résidaient à cet endroit depuis novembre 2000.

[77] Un peu après avoir commencé ses échanges par courriel avec l'individu nommé James, l'adresse de courriel de M. Wilson a d'une manière ou d'une autre été ajoutée à la liste d'envoi du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, qui a commencé à lui envoyer les bulletins d'information Vinland Voice par courriel. Lorsque M. Wilson a pris connaissance de la parution du 14 septembre 2001 de ce bulletin d'information (qui comme je l'ai déjà établi contient une partie des messages de haine en cause dans la présente affaire), il a entrepris une enquête criminelle distincte quant à ce qu'il percevait être des menaces de mort qui y étaient contenues.

[78] M. Wilson a obtenu un mandat de perquisition pour l'appartement en question et il a exécuté ce mandat le 28 septembre 2001. M. Richardson était dans l'appartement lorsque les policiers sont entrés et il a été arrêté. Il a été accusé d'avoir proféré des menaces contre la propriété et les personnes et d'avoir conseillé de participer à des actes criminels de meurtre ou de dommages à la propriété.

[79] M. Wilson a témoigné avoir trouvé sur les lieux un grand drapeau avec l'emblème du svastika nazi. Il y avait également un blouson de style aviateur avec pièce rapportée étiquetée Tri-City Skins sur un côté. Sur l'autre côté du blouson, il y avait une pièce rapportée avec le logo consistant en une moitié de croix celtique et une moitié de feuille d'érable, qui était associé au groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, comme cela était montré sur le site wpcect.com. M. Wilson a également trouvé des feuilles perforées qui sont utilisées pour imprimer des cartes professionnelles à l'aide d'une imprimante d'ordinateur. Les cartes avaient déjà été imprimées. Au centre de chaque carte il y avait inscrit : Canadian Ethnic Cleansing Team! In partnership with the National Skinhead Front. Dans le coin inférieur, le nom WPCanada apparaissait, suivi des mots Recruiting Director. Les cartes n'avaient pas encore été détachées le long de leurs perforations, donnant à penser que peut-être elles avaient été imprimées sur les lieux.

[80] Un policier, analyste en matière criminelle, spécialisé en preuve électronique a participé à la fouille. Il a saisi un ordinateur trouvé dans l'appartement, et une fois de retour au poste de police, il a fait une copie exacte du disque dur de l'ordinateur et en a examiné le contenu. Parmi les répertoires trouvés sur le disque dur, il y avait un répertoire qui contenait les journaux des sessions d'échanges en ligne auxquelles avait participé l'utilisateur de l'ordinateur. Ces journaux étaient organisés en dossiers qui portaient le nom du participant qui avait entamé une session particulière de dialogue en ligne. Les journaux sont faits d'une manière similaire à celle d'un scénario d'une pièce. Lorsque les participants dialoguent en ligne, leur nom apparaît en premier suivi de la déclaration qu'ils ont écrite. Toutes les personnes qui prennent part à la discussion en ligne peuvent voir les commentaires de chaque participant.

[81] L'un des journaux contenus sur l'ordinateur saisi était au nom de #wpcanada. Parmi les participants à la discussion dans ce journal, il y a un individu qui utilise le nom WPCanada. Au cours d'une session qui a eu lieu à 2 h, le 4 septembre 2001, WPCanada dit qu'il met fin à la communication et qu'il va se coucher. Une des autres participantes, nommée DeadGrl, répond qu'elle [traduction] fait un signe de la main à James et dit bye bye. Dans une autre session, le nom de Sheila Copps, qui est une ancienne députée d'Hamilton, est mentionné. WPCanada ajoute ensuite qu'[traduction] elle est de ma ville. M. Wilson a témoigné avoir vu le permis de conduire de M. Richardson au moment de l'arrestation. L'adresse apparaissant sur le permis est à Hamilton. Les documents se rapportant à la mise en liberté de M. Richardson après l'arrestation montrent qu'il était tenu de résider à la même adresse à Hamilton que celle indiquée sur son permis de conduire.

[82] Au cours d'une autre session de dialogue en ligne, le journal montre que WPCanada écrit le mot away, qui est utilisé lors des discussions en ligne pour indiquer qu'une personne s'est absentée de la session. Environ une heure plus tard, un individu utilisant le nom Totenkopf joint la session et écrit : [traduction] James, réveille-toi. Personne ne répond, alors Totenkopf écrit ensuite : [traduction] D'accord... alors va dormir. Au cours d'un autre échange, un participant appelé TankTCS informe WPCanada qu'il a [traduction] une chemise nazie pour toi James. WPCanada répond OK. La même conversation continue plus tard. TankTCS demande : [traduction] James, lesquelles [chemises] veux-tu?. WPCanada répond : [traduction] Je les veux noires.

[83] Le 13 septembre 2001, TankTCS entre dans la session en écrivant : [traduction] James... comment vas-tu? WPCanada répond en écrivant qu'il se dispute avec sa femme et mentionne le même prénom que celui de la femme dont le prénom est mentionné comme colocataire de l'appartement de London où M. Richardson a été arrêté. WPCanada écrit ensuite qu'il est [traduction] juste en train de finir le Voice, et il ajoute que c'est un gros (biggie). La Commission souligne que l'article du Vinland Voice qui a mené à l'arrestation de M. Richardson était sur Internet le lendemain, le 14 septembre 2001. Cet article de l'Editor's Voice était signé WPCanada.

[84] Il y a plusieurs autres messages affichés sur les journaux des dialogues en ligne où des participants mentionnent le nom de James lorsqu'ils renvoient à WPCanada.

[85] Dans une autre session, WPCanada discute avec un individu qui utilise le nom de Bones2001, du bulletin d'information du site wpcect.com. WPCanada lui dit qu'il devrait [traduction] écrire un article pour nous, et suggère que s'il veut recevoir le bulletin d'information par courriel, il devrait envoyer un message à cect@wpcect.com, et il lui dit : [traduction] je vais te mettre en contact.

[86] Un des autres journaux de dialogues en ligne porte le nom Ihatejews (je hais les juifs). La Commission a déposé un extrait d'une session qui a eu lieu vers 1 h 30, le 14 septembre 2001. Un participant à cette session explique qu'il vient juste de lire le bulletin d'information du CECT que [traduction] tu as publié quelques jours avant et qu'il l'a vraiment aimé. WPCanada répond à ce commentaire en disant : [traduction] Attends de voir demain [...] une déclaration de guerre par le CECT contre B'nai Brith, les Juifs, les musulmans. M. Warman souligne que cela reflète le contenu actuel de l'article du Vinland Voice qui a été affiché le 14 septembre 2001. Étant donné que ce dialogue en ligne a effectivement eu lieu la nuit avant la publication du bulletin d'information, M. Warman croit que le fait que WPCanada connaissait d'avance son contenu démontre qu'il a dû en être l'auteur.

[87] Chose intéressante, parmi les divers dossiers trouvés dans l'ordinateur saisi dans l'appartement de London, il y avait un fichier de traitement de texte intitulé vv5. Une copie du fichier a été produite lors de l'audience. Il s'agissait du texte complet de la parution du 14 septembre 2001 du Vinland Voice (bulletin d'information no 5) que M. Warman et M. Wilson avaient reçu par courriel et avait vu sur le site Web du Vinland Voice. Les dossiers de l'ordinateur démontraient que ce fichier avait été modifié la dernière fois le 14 septembre 2001, à 3 h 45. Ce fait appuie l'inférence selon laquelle M. Richardson avait été en possession de cette parution du bulletin d'information avant sa distribution, et qu'il avait participé directement à sa communication subséquente sur Internet.

[88] Les divers journaux des dialogues en ligne comprennent de nombreux messages affichés par WPCanada qui montrent clairement sa participation active à la production du bulletin d'information Vinland Voice :

[traduction]

- Nous avons un bulletin d'information hebdomadaire appelé le Vinland Voice;

- J'étais en train de finir le Vinland Voice;

- [...] finissais la page Web pour le Vinland Voice, un journal hebdomadaire de suprématie blanche que je fais;

- J'étais juste en train de finir la page d'accueil du Vinland Voice.

[89] En examinant les journaux, M. Wilson a remarqué que lorsque des personnes se joignaient à un dialogue en ligne sur Internet, un code était inscrit sur le journal, un code qui contenait le nom du fournisseur de service Internet (FSI) au moyen duquel ces personnes étaient capables d'accéder à Internet. Le FSI de WPCanada était une entreprise nommée Execulink. M. Wilson a obtenu un mandat et a saisi les dossiers d'Execulink qui se rapportaient à ces échanges en ligne. Lorsque WPCanada a joint une session de dialogue en ligne au cours de la soirée du 13 septembre 2001, un code d'Execulink a été enregistré sur le journal des dialogues en ligne de #wpcanada. Execulink a confirmé à M. Wilson que ce code se rapportait à une adresse de protocole Internet qui avait été assignée à un de ses clients dont le nom d'utilisateur était Cox88. Les dossiers d'Execulink montraient de plus que le nom réel de ce client était James Richardson. Les coordonnées qu'il avait fournies à Execulink montraient que son adresse était l'appartement à London où M. Wilson avait trouvé et arrêté l'intimé, M. Richardson, le 28 septembre 2001.

[90] En prenant en compte toutes ces circonstances, selon la prépondérance des probabilités, je suis convaincu que la personne utilisant le pseudonyme WPCanada était en fait l'intimé, James Richardson, et que M. Richardson participait activement à la rédaction et la production du bulletin d'information Vinland Voice. Je suis en outre convaincu que, avant son arrestation, M. Richardson était l'individu à l'origine des articles, des commentaires éditoriaux et des autres messages qui étaient affichés sur le site Web du Vinland Voice sous le pseudonyme WPCanada ou de façon générale en tant que rédacteur en chef du bulletin d'information. En particulier, je suis convaincu que M. Richardson, en tant que rédacteur en chef du Vinland Voice, a affiché sur le site Web le récit de la fête du Tri-City Skins qui a eu lieu à Kitchener. Je suis également convaincu qu'il a écrit l'article du 14 septembre 2001 se rapportant aux attaques terroristes américaines, l'appel à l'utilisation de certains cocktails contre des organisations juives et l'avertissement du directeur de la santé publique à l'égard des Juifs.

[91] Chose intéressante, dans la première parution du Vinland Voice à la suite de l'arrestation de M. Richardson (la parution datée du 6 octobre 2001), WPCanada n'apparaît plus comme rédacteur en chef du Vinland Voice. Dans cette parution et dans les diverses autres parutions de décembre 2001 à janvier 2002 qui ont été présentées en preuve, les articles du rédacteur en chef sont signés Totenkopf ou à l'occasion Alex Krause. Comme je l'explique ci-après, je suis convaincu que ces noms sont en fait des pseudonymes utilisés par M. Kulbashian. À mon avis, le changement de paternité putative qui est survenu après l'arrestation de M. Richardson le 28 septembre 2001 établit plus solidement la participation de ce dernier à la production du bulletin d'information jusqu'à ce moment.

(iii) Le lien entre M. Richardson et M. Kulbashian

[92] Durant l'arrestation de M. Richardson dans l'appartement de London, il a demandé à parler à son avocat par téléphone. Il avait déjà les menottes aux mains, mais il a dit à M. Wilson que le numéro de l'avocat était en mémoire sur la composition abrégée du téléphone. M. Wilson a pressé le bouton indiqué sur le téléphone et il a placé le combiné sur l'oreille de M. Richardson. Dès que l'interlocuteur a répondu, M. Richardson a crié dans le combiné : [traduction] Débarrasse-toi de toute la merde. M. Wilson, constatant que M. Richardson l'avait trompé en lui faisant appeler quelqu'un d'autre que son avocat, a immédiatement reposé le combiné. Un peu plus tard, le téléphone a sonné. M. Wilson a répondu. L'interlocuteur a demandé à M. Wilson qui était à l'appareil, et ensuite, après avoir utilisé un langage grossier, a raccroché.

[93] M. Wilson a témoigné que lorsqu'il est retourné à son bureau plus tard ce jour-là, il a reçu un appel d'un individu qui a dit être Alex Krause. L'interlocuteur a dit que c'était lui qui avait téléphoné plus tôt à l'appartement de London. Il a affirmé qu'il était un membre du Canadian Ethnic Cleansing Team et du Tri-City Skins, et il a dit avec insistance que la cause criminelle contre M. Richardson était sans fondement.

[94] L'arrestation de M. Richardson est devenue un sujet principal dans la parution du 6 octobre 2001 du bulletin d'information Vinland Voice. Dans l'article Editor's Voice, dont l'auteur mentionné est Totenkopf, le numéro de téléphone de M. Wilson était indiqué et on incitait [traduction] tout partisan à lui téléphoner et à exprimer son dégoût quant à l'arrestation de M. Richardson. Il y avait dans l'article une autre remarque visant personnellement M. Wilson et qui faisait mention de sa famille.

[95] Croyant manifestement que la personne à qui M. Richardson avait téléphoné au cours de son arrestation avait un lien avec l'article en question, un collègue de M. Wilson du service de police de London a appelé au même numéro de téléphone pour se plaindre de l'article. Un individu nommé Alex a répondu et s'est engagé, après certaines discussions avec le policier, à retirer l'article du bulletin d'information. M. Wilson a témoigné que plus tard le même jour, la portion de l'article se rapportant à lui avait effectivement été supprimée du bulletin d'information.

[96] Après avoir approfondi l'enquête, M. Wilson a appris que le numéro de téléphone que M. Richardson avait appelé au cours de l'arrestation était inscrit au nom de M. Kulbashian, avec une adresse à North York dans la région de Toronto. Des recherches quant aux antécédents de M. Kulbashian ont mené à de l'information démontrant qu'il avait déjà été arrêté pour une accusation de voies de fait liée au racisme. M. Wilson a communiqué avec la police de Toronto et il a obtenu la photographie d'identification prise lors de l'arrestation. Elle démontrait qu'à cette époque, M. Kulbashian portait au bras un tatouage d'un svastika entouré des mots White Power, de même qu'un tatouage d'une tête de mort, que M. Wilson a reconnu comme une tête de mort de l'époque nazie.

[97] L'enquête de M. Wilson l'a amené en fin de compte à conclure que Totenkopf et Alex Krause étaient des pseudonymes pour M. Kulbashian, et qu'il avait participé à la publication des articles parus dans le Vinland Voice le 14 septembre 2001. M. Wilson a par la suite demandé et obtenu des mandats pour l'arrestation de M. Kulbashian (pour des accusations similaires à celles portées contre M. Richardson) et pour la fouille de sa résidence à la maison de ses parents à North York. Les mandats ont été exécutés le 30 janvier 2002. Au cours de la fouille, des t-shirts avec des logos mentionnant le mouvement skinhead ont été trouvés dans sa chambre, de même que plusieurs cartes professionnelles. Une des cartes indiquait CECT, Totenkopf, Public/Press Relations. On a également trouvé un carnet de notes contenant de nombreux griffonnages de svastikas, de noeuds coulants avec les mots [traduction] pendez-les haut, de même que Heil Hitler, niggers, et Aryan Power. Le prénom de M. Kulbashian, Alexan, avait également été écrit, mais la lettre X avait une forme qui ressemblait à un svastika légèrement mal formé.

[98] M. Kulbashian a été conduit au bureau principal du service de police de London, où il a été interrogé par M. Wilson. L'entrevue a été enregistrée sur vidéocassette et une transcription de l'entrevue a par la suite été préparée par le personnel de secrétariat de la division criminelle du service de police de London. Des extraits de la transcription ont été présentés en preuve lors de l'audience. M. Wilson a témoigné que la transcription reflétait exactement les déclarations enregistrées sur vidéocassette. Aucune preuve n'a été présentée pour mettre en doute l'exactitude de la transcription. Comme je l'ai déjà mentionné, après que le plaignant et la Commission ont présenté leur preuve, les intimés ont choisi de ne pas déposer de preuve.

[99] Au cours de l'entrevue avec les policiers, M. Kulbashian a expliqué qu'Affordable Space.com était son serveur et qu'il avait commencé à exploiter cette entreprise deux ans avant son arrestation. Il a décrit la façon selon laquelle il a fourni de l'espace sur son serveur au groupe Tri-City Skins et à d'autres groupes, notamment au National Skinhead Front et au Canadian National Skinhead Front. Ces groupes utilisaient l'espace pour exploiter leur domaine Web en échange de frais mensuels de 10 $. Il a ajouté qu'étant donné qu'il était membre du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, il avait décidé d'offrir sans frais de l'espace pour le domaine Web de ce groupe. Le site Web du Vinland Voice était également hébergé sur son serveur.

[100] M. Kulbashian a dit à M. Wilson que parmi les 80 sites Web qu'il hébergeait sur son serveur environ 20 étaient des sites racistes. M. Kulbashian a souligné qu'il ne visitait pas et ne regardait pas tous les sites qui avaient choisi d'utiliser son serveur et qu'Affordable Space.com n'était pas organisé de façon à servir seulement des sites racistes. Cette entreprise visait à offrir de l'espace Web à un prix abordable. Cependant, il a également reconnu qu'il ne vendrait jamais de l'espace à des groupes affiliés au groupe Anti-Racist Action. S'il avait appris qu'une telle organisation avait loué de l'espace sur son serveur, il aurait exercé son pouvoir de la retirer de son serveur et il aurait remboursé les frais payés.

[101] Chose intéressante, dans un dialogue en ligne qui a eu lieu le 6 septembre 2001, qui a été enregistré sur le journal au nom de fdajews trouvé sur l'ordinateur saisi dans l'appartement de London, un participant nommé fdajews demande à wpcanada (M. Richardson) pourquoi Alex donnait à [traduction] tous ces gens de l'espace Web, des cases postales et ainsi de suite. M. Richardson répond qu'il [traduction] dépense beaucoup de son propre argent à donner de l'espace Web, ajoutant que : [traduction] nous sommes le meilleur site d'hébergement Web de notre mouvement et que c'est au moyen de donations et de dévouement que le service est fourni.

[102] M. Kulbashian a dit à M. Wilson, au cours de l'entrevue avec les policiers, qu'il exploitait ses services d'hébergement Web par un serveur qui était physiquement situé aux États-Unis. Il faisait cela en partie parce que c'était moins coûteux et plus avantageux d'un point de vue technique, mais également parce que c'était un moyen d'éviter d'être soumis à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il a expliqué qu'il était au courant d'une décision du Tribunal qui avait entraîné la fermeture d'un serveur canadien. Il a par conséquent [traduction] estimé qu'en [traduction] branchant le serveur aux États, il n'aurait pas à [traduction] suivre la loi canadienne quant à ce que je fais avec mon serveur.

[103] M. Kulbashian a également expliqué au cours de son entrevue avec les policiers qu'il avait conçu le modèle du site Web du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team (wpcect.com). Pour cette raison, on pouvait voir son logo, qui consistait en une tête de mort avec au-dessous le mot Totenkopf, sur le côté gauche des pages du site Web. Quant aux documents qui étaient affichés sur le site et le bulletin d'information Vinland Voice, il a reconnu qu'il était l'auteur de tous les documents signés Alex Krause, et d'au moins une portion de ce qui avait été signé Totenkopf. Tous les messages envoyés par courrier électronique à l'adresse totenkopf @wpcect.com étaient redirigés vers lui.

[104] Il importe de souligner que sur la page d'accueil du site vinlandvoice.com, le site Web où on peut voir les bulletins d'information, il y a un message remerciant [traduction] Totenkopf, notre administrateur de site entre autres, pour [traduction] son aide et pour son [traduction] soutien continu.

[105] En fin de compte, le procureur de la Couronne a apparemment décidé de retirer les accusations criminelles contre M. Richardson et M. Kulbashian avant le procès. Selon M. Wilson, la Couronne a conclu qu'on ne s'attendait raisonnablement pas à obtenir des déclarations de culpabilité quant aux accusations portées contre eux.

(iv) Des articles sur M. Richardson et M. Kulbashian dans la presse écrite

[106] Des articles de plusieurs journaux et magazines du sud-ouest de l'Ontario ont été déposés en preuve. L'un d'eux a été publié le 20 septembre 2001, par The Kitchener-Waterloo Record, et a été écrit par le journaliste Brian Caldwell. Il rapportait son entrevue avec deux [traduction] tenants de la suprématie blanche nommés James Scott, âgé de 27 ans, et Alex Krause, âgé de 20 ans. Par comparaison, au moment de la publication de l'article, M. Richardson était âgé de 27 ans et M. Kulbashian devait atteindre l'âge de 20 ans deux mois plus tard, selon les dates de naissance qui apparaissaient sur les pièces se rapportant à leurs arrestations.

[107] Le 3 octobre 2001, le même journaliste a écrit dans The Record un article exposant les détails de l'arrestation de M. Richardson. Le journaliste a de plus fait un compte rendu de son entrevue avec Alex Krause, de Toronto, qui prétendait que lui et M. Richardson étaient les seuls membres officiels du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, qu'ils ont créé pour avoir un [traduction] réseau d'information pour les tenants de la suprématie blanche au pays.

[108] L'entrevue du 20 septembre 2001 avec Brian Caldwell est devenue un sujet de discussion sur les journaux des dialogues en ligne trouvés dans l'ordinateur saisi à l'appartement de London. On peut voir sur le journal au nom de #wpcanada que M. Richardson (également connu sous le nom de WPCanada) dit à un autre participant que Brian Caldwell avait téléphoné à la maison de sa mère pour faire une entrevue avec lui. Il écrit par la suite qu'Alex et lui ont eu une entrevue de 45 minutes avec le journaliste.

[109] Dans un autre article, publié le 29 novembre 2001, dans le Now Magazine de Toronto, il y avait une entrevue avec un individu utilisant le nom Alex Krause. L'article était intitulé Skinheads on the March - Attacks in Kitchener have Anti-racists Worried (les Skinheads en Marche - Des attaques à Kitchener inquiètent les anti-racistes). Dans le récit, Krause était décrit comme un membre qui [traduction] exploite le serveur que [traduction] Tri-City Skins et d'autres utilisent pour exploiter leurs sites Web.

[110] Bien que je sois conscient que les rapports que font les journalistes quant aux déclarations faites par d'autres personnes doivent être traités avec beaucoup de circonspection, je suis également conscient du pouvoir qu'a le Tribunal suivant le paragraphe 50(3) d'accepter des éléments de preuve, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire. C'est un principe qui s'appliquerait également, d'ailleurs, aux admissions et déclarations contre intérêt faites par M. Kulbashian dans la transcription de l'entrevue avec les policiers. Le lien entre les renseignements contenus dans des récits de la presse d'une part et les journaux des dialogues en ligne d'autre part appuie davantage la prétention selon laquelle M. Richardson et M. Kulbashian avaient des liens étroits avec les sites Web sur lesquels les messages de haine ont été communiqués.

(v) Les conclusions du Tribunal à l'endroit de M. Richardson et de M. Kulbashian

[111] En prenant en compte toute la preuve, j'ai tiré les conclusions suivantes à l'endroit de M. Richardson et de M. Kulbashian et du degré de leur participation à la communication de messages de haine :

  • M. Richardson et M. Kulbashian étaient membres du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team.
  • M. Kulbashian exploitait une entreprise, sous le nom d'Affordable Space.com, qui fournissait des services d'hébergement Web à des sites Web qui incluaient les sites tri-cityskins.com, wpcect.com et vinlandvoice.com.
  • M. Richardson et M. Kulbashian contribuaient au contenu affiché sur le site Web du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, soit le bulletin d'information Vinland Voice, sous les pseudonymes WPCanada et James Scott (M. Richardson), de même que sous ceux de Totenkopf et Alex Krause (M. Kulbashian).
  • M. Richardson était l'auteur de l'article du 14 septembre 2001, un article se rapportant aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, qui, selon ce que j'ai conclu, est l'une des communications comportant des messages de haine. Il ressort de façon évidente des journaux des dialogues en ligne qu'il a rédigé le texte de l'article et qu'il l'a affiché sur le site Web.
  • M. Richardson, en tant que rédacteur en chef du Vinland Voice jusqu'à son arrestation le 28 septembre 2001, a affiché les commentaires éditoriaux contenus dans le bulletin d'information qui, selon ce que j'ai conclu, faisaient partie des messages de haine en cause dans la présente affaire.
  • qui, selon ce que j'ai conclu, font partie des messages de haine en cause dans la présente affaire.
  • Il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve permettant de démontrer que l'un ou l'autre de M. Richardson ou de M. Kulbashian a participé à la rédaction ou a autrement collaboré à la documentation affichée sur le site Web tri-cityskins.com.
  • Toutefois, M. Kulbashian était au courant que des personnes ou des groupes de personnes agissant d'un commun accord utilisaient ses services Web pour faire de la propagande contrevenant à l'article 13 de la Loi, qui incluait des documents affichés sur le site Web tri-cityskins.com. Un quart des sites Web hébergés par M. Kulbashian sur son serveur étaient, comme il l'a reconnu, de nature [traduction] raciste. M. Kulbashian a admis au cours de l'entrevue enregistrée par les policiers qu'il avait de façon intentionnelle utilisé un serveur situé physiquement aux États-Unis dans un effort délibéré visant à éviter d'être soumis à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  • de la Loi, un propriétaire ou un exploitant d'une entreprise de télécommunication utilisée pour faire de la propagande haineuse ne contrevient pas à la Loi du seul fait que des tiers ont utilisé ses installations pour communiquer les documents. M. Kulbashian ne peut pas bénéficier de cette exception. En plus du fait que j'ai conclu qu'il participait activement à la préparation du contenu affiché sur Internet dans le bulletin d'information du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, la preuve démontre qu'il encourageait d'autres groupes, qu'il décrivait lui-même de groupes [traduction] racistes, à utiliser ses services. Je suis convaincu qu'il savait exactement quel type de documents ces organisations afficheraient sur Internet, notamment les portions de messages de haine contenues sur le site Web tri-cityskins.com hébergé par son entreprise, Affordable Space.com. Il appert qu'il a même permis à ces sites Web de partager la case postale d'Affordable Space.com. M. Kulbashian ne peut par conséquent pas prétendre que les messages de haine étaient communiqués sur son serveur du seul fait qu'il se trouvait à en être le propriétaire. Au contraire, il a favorisé et encouragé l'utilisation de son serveur pour la communication des messages de haine par ces groupes.

[112] Je conclus par conséquent que M. Kulbashian et M. Richardson, individuellement et agissant d'un commun accord, ont utilisé ou fait utiliser de façon répétée Internet pour aborder des questions susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base de leur religion, de leur race ou de leur origine nationale ou ethnique. La plainte suivant l'article 13, déposée par M. Warman contre M. Kulbashian et M. Richardson, est fondée.

[113] Lors de leurs contre-interrogatoires des témoins de la Commission, M. Kulbashian et M. Richardson ont avancé de temps à autre qu'ils avaient été accusés à tort et que, en fait, d'autres individus avaient participé à la construction de ces sites Web et au maintien de ces sites. Ni l'un ni l'autre, cependant, n'a choisi de présenter des éléments de preuve au soutien de ce qu'il avançait.

[114] De façon évidente, il appartient en fin de compte au plaignant et à la Commission de démontrer le bien-fondé de leur plainte, selon la prépondérance des probabilités. Mais, une fois que la preuve a été établie prima facie, il appartient à l'intimé de fournir une explication raisonnable pour démontrer que la discrimination alléguée n'a pas eu lieu comme elle a été alléguée ou que le comportement était d'une manière ou d'une autre exempt de discrimination.

[115] Il ressort clairement de l'analyse que j'ai effectuée précédemment à l'égard de la preuve, qu'une preuve prima facie a été établie contre M. Kulbashian et M. Richardson. Ont-ils fourni une explication raisonnable? Les deux hommes ont mentionné au début de l'audience qu'ils avaient hâte de présenter leurs versions des faits au moment où ils auraient la possibilité de le faire. Toutefois, lorsque cette possibilité est finalement arrivée, ils ont choisi de ne pas présenter d'éléments de preuve. Le Tribunal ne peut pas faire le point sur de simples suggestions ou insinuations qui ont pu être lancées au moyen de questions suggestives formulées au cours de leurs contre-interrogatoires des témoins de la Commission, s'il n'y a pas en fin de compte d'éléments de preuve qui sont présentés pour soutenir ces affirmations. Ce n'est pas une explication raisonnable.

E. Cinquième question - La plainte est-elle fondée contre les autres intimés nommés (Affordable Space.com, Canadian Ethnic Cleansing Team (CECT) et Tri-City Skins.com)?

(i) Affordable Space.com

[116] J'ai déjà conclu que M. Kulbashian exploitait, sous le nom d'Affordable Space.com, une entreprise qui offre des services d'hébergement de sites Web dont les sites tri-cityskins.com, wpcect.com, et vinlandvoice.com. La preuve n'établit pas clairement si M. Kulbashian exploitait cette entreprise à titre de propriétaire unique, sous la forme d'une société ou sous une autre forme, mais il y avait une certaine indication montrant qu'après son arrestation, M. Kulbashian a transféré l'exploitation d'Affordable Space.com à une tierce partie. Toutefois, indépendamment de la forme juridique précise de l'entreprise, je suis disposé à conclure qu'il s'agissait d'une personne au sens de l'article 13 de la Loi, capable de se livrer à un comportement discriminatoire visé à cet article.

[117] Affordable Space.com n'a pas comparu officiellement lors de l'audience, mais a-t-elle eu un avis suffisant relativement à la présente instance? La preuve, qui va du curriculum vitæ de M. Kulbashian et de sa déclaration lors de son entrevue avec les policiers à sa participation au site Web du festival du film, établit de façon évidente qu'il était l'exploitant principal - voire le seul - d'Affordable Space.com. M. Kulbashian n'a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que son rôle au sein de l'entreprise était d'une manière ou d'une autre différent du portrait brossé par la Commission et le plaignant. M. Kulbashian était au courant de la plainte déposée contre Affordable Space.com, et compte tenu de son rôle clé dans cette entreprise, je suis convaincu qu'Affordable Space.com a eu un avis suffisant relativement à la présente instance.

[118] Étant donné qu'Affordable Space.com fournissait les services Web qui permettaient la diffusion de messages de haine sur Internet, je conclus qu'Affordable Space.com a fait en sorte que les messages de haine soient communiqués au sens de l'article 13 de la Loi.

[119] De plus, je ne crois pas qu'Affordable Space.com exploitait une entreprise de communication qui pourrait profiter de l'exception prévue par le paragraphe 13(3). Compte tenu du rôle majeur que jouait M. Kulbashian dans l'exploitation d'Affordable Space.com, et de la façon selon laquelle il s'adonnait à la communication de messages de haine et l'encourageait au moyen de son serveur, Affordable Space.com ne peut pas prétendre que la propagande était faite du seul fait que des tiers ont utilisé ses installations. La plainte contre Affordable Space.com est fondée.

(ii) Le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team

[120] Je suis convaincu selon la preuve présentée qu'une organisation appelée Canadian Ethnic Cleansing Team existait au moment où M. Warman a déposé sa plainte. Des pages des sites Web wpcect.com et vinlandvoice.com faisaient allusion à l'existence du groupe. M. Kulbashian a reconnu au cours de son entrevue avec les policiers qu'il était mêlé au groupe, comme l'a fait M. Richardson dans les journaux des dialogues en ligne.

[121] Tout comme dans le cas d'Affordable Space.com, le Tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve démontrant que ce groupe de personnes ait quelque existence légale officielle. Toutefois, comme le Tribunal a souligné dans la décision Nealy, précitée, ce fait change peu les choses. Un groupe de personnes qui acceptent un programme politique et social commun et qui considèrent qu'elles font partie d'une institution ou d'un mouvement peut constituer un groupe de personnes agissant d'un commun accord aux fins de l'article 13. J'estime que cette définition est applicable au groupe Canadian Ethnic Cleansing Team.

[122] Le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, même s'il n'a pas officiellement comparu lors de l'audience, a-t-il eu un avis suffisant relativement à la présente instance? M. Kulbashian et M. Richardson étaient des membres principaux du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, comme le confirment l'entrevue avec les policiers, les discussions notées sur le journal des dialogues en ligne et les cartes professionnelles saisies lors de leurs arrestations.

[123] En tant que cointimés dans la plainte, M. Kulbashian et M. Richardson étaient évidemment personnellement au courant de la plainte contre le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team. Je suis par conséquent convaincu que le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team a eu un avis suffisant quant à la présente instance.

[124] Une partie importante des messages de haine était affichée sur les sites Web du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team (wpcect.com et vinlandvoice.com). Par conséquent, je conclus que le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team s'est livré à des actes discriminatoires en utilisant ou en faisant utiliser Internet pour communiquer ces messages de façon répétée. La plainte contre le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team est fondée.

(iii) Tri-city Skins.com

[125] Le Tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve démontrant que Tri-city Skins.com - ou plus exactement tri-cityskins.com - était autre chose qu'un nom de domaine d'un site Web. Ce site était soi-disant utilisé par le groupe Tri-City Skins, qui selon M. Warman et M. Wilson, était un groupe de personnes situées dans le sud de l'Ontario. Cependant, le groupe Tri-City Skins n'était pas nommé à titre d'intimé et je ne dispose d'aucune preuve à l'égard de sa structure.

[126] La situation à l'égard de tri-cityskins.com est différente de celle d'Affordable Space.com. Malgré la présence de la terminaison .com dans son nom, la preuve démontre qu'Affordable Space.com est un nom d'une entreprise exploitée par M. Kulbashian. En revanche, selon la preuve dont je dispose, tri-cityskins.com n'est qu'un nom de site Web.

[127] Dans ses observations finales, la Commission semblait prétendre qu'étant donné que le nom du site Web est suffisamment similaire à celui du groupe, le Tribunal devrait rendre une décision contre le groupe Tri-City Skins. Je ne partage pas cette opinion. Il serait injuste et inapproprié que le Tribunal rende des décisions défavorables contre des groupes ou des personnes qui ne sont pas nommés à titre d'intimés dans une plainte. Un domaine Web a été nommé à titre d'intimé. Seulement une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord peut faire l'objet d'une décision déclarant qu'il y a eu de la discrimination suivant l'article 13. À mon avis, un domaine Web n'est pas une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord, au sens de cette disposition.

[128] Même si j'acceptais la proposition de la Commission selon laquelle la désignation dans la plainte de Tri-CitySkins.com me permet de rendre une décision contre le groupe Tri-City Skins, cela ne changerait rien à ma décision. Rien n'indique que le groupe Tri-City Skins ait déjà reçu un avis de la présente instance même sous le couvert de Tri-City Skins.com. Selon les renseignements fournis par la Commission, le Tribunal a envoyé à M. Richardson et à M. Kulbashian de la correspondance pour Tri-City Skins.com, notamment les avis d'audience. Le bureau de poste a retourné les avis. Dans le cas de M. Richardson, il était simplement mentionné sur l'enveloppe qu'elle n'avait pas été réclamée. L'enveloppe de M. Kulbashian est revenue avec une mention disant qu'elle avait été refusée et qu'elle devait être renvoyée à l'expéditeur. Ni l'un ni l'autre n'a accepté de recevoir une signification au nom du groupe et ils n'ont pas reconnu être en mesure de le faire.

[129] M. Richardson a admis être membre du groupe Tri-City Skins au cours de ses observations finales lors de l'audience, mais je n'ai aucune preuve qu'il ait eu une participation autre à ce groupe, notamment à l'égard du site Web tri-cityskins.com. Les seuls éléments de preuve liant M. Kulbashian au groupe sont un article de journal et ce dont M. Wilson a témoigné se rappeler quant à un commentaire fait par M. Kulbashian au cours d'une conversation téléphonique initiale, avant son arrestation. Bien qu'il soit vrai que l'adresse postale de Tri-Cityskins.com soit la même que celle de l'entreprise de M. Kulbashian, Affordable Space.com, la preuve provenant des journaux des dialogues en ligne et de l'entrevue avec les policiers démontre que M. Kulbashian permettait à ses autres clients racistes d'utiliser également sa case postale.

[130] J'estime que ces éléments de preuve ne sont pas suffisants pour établir entre M. Kulbashian et le groupe Tri-City Skins un lien autre que celui de simple membre comme M. Richardson, au mieux. Dans de telles circonstances, je ne pense pas que l'avis envoyé à de simples membres d'un groupe peut être interprété comme un avis officiel au groupe. Par conséquent, bien que la présence de M. Richardson et de M. Kulbashian lors des conférences préparatoires de gestion de cas préalables à l'audience et lors des audiences elles-mêmes établit clairement qu'ils ont eu un avis suffisant quant à l'instance contre eux personnellement, je ne peux pas inclure leur connaissance à cet égard dans celle du groupe Tri-City Skins.

[131] Si j'acceptais la proposition de la Commission, cela signifierait que Tri-City Skins serait désigné à titre de partie à la plainte aux étapes finales de l'instruction, après que toute la preuve ait été fournie. Cela serait injuste et constituerait un manquement à la justice naturelle.

[132] Pour tous les motifs énoncés, la plainte contre l'intimé Tri-city Skins.com n'est pas fondée.

IV. LES REDRESSEMENTS

[133] La Commission et M. Warman demandent que le Tribunal rende plusieurs ordonnances suivant le paragraphe 54(1) de la Loi.

A. Une ordonnance prévoyant qu'il soit mis fin à l'acte discriminatoire (alinéa 54(1)a))

[134] L'alinéa 54(1)a) donne au Tribunal le pouvoir d'ordonner à un intimé de mettre fin à l'acte discriminatoire et de prendre, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, des mesures de redressement ou des mesures destinées à prévenir des actes semblables.

[135] Par conséquent, j'ordonne à M. Kulbashian et à M. Richardson, ainsi qu'à Affordable Space.com et qu'au groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, de cesser d'utiliser ou de faire utiliser un moyen décrit à l'article 13 de la Loi, à savoir Internet, pour aborder des questions du type de celles contenues dans les messages de haine susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des motifs de distinction illicite.

B. Une ordonnance prévoyant une indemnité spéciale (alinéa 54(1)b))

[136] L'alinéa 54(1)b) prévoit que lorsqu'une victime est identifiée dans la communication constituant l'acte discriminatoire, le Tribunal peut ordonner le paiement d'une indemnité spéciale, d'un montant maximal de 20 000 $, si le Tribunal en vient à la conclusion que l'acte posé par l'intimé est un acte discriminatoire qui est délibéré ou inconsidéré. Le plaignant demande cette indemnité spéciale de 10 000 $, de M. Kulbashian et du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team.

[137] Le plaignant était expressément nommé dans le bulletin d'information no 12 du Vinland Voice du 10 décembre 2001. J'ai déjà conclu que l'auteur de l'article en question était M. Kulbashian. L'article affichait l'adresse de la résidence de M. Warman et remerciait [traduction] cet avocat juif. M. Warman n'est apparemment pas juif, mais de façon évidente l'auteur le percevait ainsi. L'article continuait en faisant des commentaires cruels sur les victimes de l'Holocauste, notamment sur celles qui, selon ce que supposait l'auteur, étaient des parents de M. Warman.

[138] L'attaque était très personnelle et M. Warman a témoigné qu'elle le préoccupait un peu étant donné la référence aux meurtres de victimes de l'Holocauste et l'affichage de son adresse résidentielle dans le bulletin d'information. Il interprétait l'allusion à la mort de Juifs dans le passé comme une menace directe à sa propre sécurité. À mon avis, et conformément à mes conclusions antérieures à l'égard du bulletin d'information no 12 du Vinland Voice, cette attaque était susceptible de l'exposer à la haine ou au mépris en tant que personne identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite. Il n'importe pas de savoir si M. Warman est en fait un Juif. Une personne perçue comme ayant les caractéristiques de quelqu'un qui est visé par l'un des motifs de distinction illicite peut faire l'objet de discrimination même si elle n'a pas dans les faits ces caractéristiques (School District No. 44 (North Vancouver) c. Jubran, 2005 BCCA 201, au paragraphe 41, autorisation d'appel à la C.S.C. refusée; voir également Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665). Dans ce contexte, M. Warman est à mon avis une victime des messages de haine constituant l'acte discriminatoire.

[139] Ces déclarations étaient incontestablement des attaques délibérées contre M. Warman, mais je remarque que c'est la seule occasion où il a été expressément identifié dans les messages de haine. Compte tenu de toutes les circonstances, j'ordonne à M. Kulbashian de payer à M. Warman une indemnité spéciale de 5 000 $ suivant l'alinéa 54(1)b) de la Loi.

[140] Quant au redressement demandé contre le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team, j'ai déjà conclu que ce groupe était responsable de la publication du bulletin d'information Vinland Voice, dans lequel figurait l'attaque contre M. Warman. Toutefois, dans l'Exposé des précisions conjoint déposé par la Commission et le plaignant avant l'audience, il n'y avait pas d'indemnité spéciale suivant l'alinéa 54(1)b) incluse dans la liste des redressements demandés contre le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team. Cette demande de redressement a été présentée pour la première fois au cours des observations finales. À mon avis, compte tenu du manque d'empressement à présenter cette demande, il serait inapproprié de rendre une ordonnance prévoyant le paiement d'une indemnité spéciale par cet intimé.

C. Des intérêts

[141] J'ordonne à M. Kulbashian de payer de l'intérêt simple sur l'indemnité spéciale calculé sur une base annuelle au taux bancaire (série mensuelle) établi par la Banque du Canada. L'intérêt devra courir à compter de la date de la plainte jusqu'à la date du paiement.

D. Une sanction pécuniaire

[142] Le Tribunal peut imposer à un intimé qui s'est livré à un acte discriminatoire énoncé à l'article 13 une sanction pécuniaire pouvant atteindre 10 000 $ suivant l'alinéa 54(1)c). Le paragraphe 54(1.1) énonce plusieurs facteurs dont le Tribunal doit tenir compte avant de rendre une ordonnance à cet égard. Il doit tenir compte :

  • de la nature et de la gravité de l'acte discriminatoire ainsi que des circonstances l'entourant;
  • de la nature délibérée de l'acte, des antécédents discriminatoires de l'intimé et de sa capacité de payer.
  • La Commission a demandé que la sanction pécuniaire maximale soit imposée à chacun des intimés.

(i) M. Kulbashian

[143] La Commission et M. Warman n'ont pas établi que M. Kulbashian participait à la rédaction ou au montage de la propagande haineuse figurant sur le site Web tri-cityskins.com. En fait, il n'a pas été démontré qu'il avait contribué à quelque partie des messages de haine figurant sur le site Web wpcect.com ou dans le bulletin d'information Vinland Voice, avant l'arrestation de M. Richardson. Cependant, j'ai conclu que M. Kulbashian a contribué par la suite au contenu du bulletin d'information en rédigeant plusieurs messages, notamment le message visant directement M. Warman personnellement.

[144] D'autre part, tous les messages de haine (notamment ceux sur le site Web tri-cityskins.com étaient communiqués sur Internet par la participation directe de M. Kulbashian, en tant que fournisseur d'un hébergement Web et de services techniques y reliés. Même si sa participation n'incluait pas la rédaction de la majorité des messages de haine, je suis convaincu qu'il a fait communiquer tous les messages de haine, et qu'il l'a fait de façon délibérée.

[145] M. Kulbashian a prétendu que sa sanction pécuniaire devrait être réduite compte tenu du comportement qu'il a adopté après qu'il eut été informé de la nature de la documentation affichée. Ainsi, lorsque le collègue policier de M. Wilson a téléphoné à M. Kulbashian pour se plaindre de l'article paru dans le bulletin d'information qui nommait personnellement M.Wilson, M. Kulbashian a fait enlever du site Web la mention dans les heures qui ont suivi. De façon générale, M. Kulbashian conteste le fait que M. Wilson, M. Warman et la Commission ne l'ont pas informé, avant de déposer des accusations criminelles contre lui ou de déposer une plainte en matière des droits de la personne le cas échéant, qu'il y avait de la documentation répréhensible figurant sur le site Web. M. Kulbashian prétend qu'il était trop occupé pour vérifier la documentation affichée sur Internet par l'intermédiaire de son serveur Web. Il prétend que si on l'avait avisé à l'égard d'une plainte concernant les messages de haine, il aurait fait retirer la documentation affichée sur Internet aussi rapidement qu'il l'a fait pour l'article du Vinland Voice sur M. Wilson.

[146] Cependant, cette prétention suppose une fausse naïveté de la part de M. Kulbashian. Il savait qu'un bon nombre de ses clients étaient racistes. Ils partageaient la même case postale que son entreprise, Affordable Space.com. Il était un membre clé du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team. Il a reconnu avoir conçu le modèle de son site Web wpcect.com. De plus, M. Kulbashian a écrit des articles et des commentaires dans son bulletin d'information, le Vinland Voice. À lui seul, le nom de ce groupe aurait dû éveiller son attention sur la possibilité que les messages affichés sur le site Web puissent contrevenir à la Loi. De plus, en tant que membre en règle du groupe Tri-City Skins, il était vraisemblablement familier avec le site Web de l'organisation. En fait, il était si conscient de la probabilité que ses clients affichent de la propagande haineuse que l'une des raisons pour lesquelles il a choisi d'utiliser un serveur à l'extérieur du Canada était de se soustraire à l'article 13 de la Loi.

[147] Par conséquent, c'est de la naïveté pour M. Kulbashian de se présenter aujourd'hui devant le Tribunal et de feindre l'ignorance quant à la nature des documents qui étaient communiqués au moyen des services d'hébergement Web qu'il offrait. Ce qui précède démontre au contraire qu'il était au courant du contenu des documents, et qu'il a consciemment et délibérément donné le moyen de les diffuser. Il s'agit d'un comportement délibéré au sens de la Loi.

[148] À l'égard de l'existence d'antécédents discriminatoires, même s'il y avait une certaine mention dans la preuve qu'il avait déjà été arrêté pour des voies de fait qui avaient soi-disant un lien avec la haine, je n'ai pas suffisamment de renseignements me permettant de tirer quelque conclusion à cet égard.

[149] La Commission n'a présenté aucun élément de preuve à l'égard de la capacité de payer de M. Kulbashian. Dans la décision Warman c. Kyburz, précitée, le Tribunal a semblé accepter la proposition selon laquelle il peut appartenir à l'intimé de démontrer sa capacité de payer la sanction pécuniaire. Cependant, dans cette affaire, le Tribunal a pris en compte des éléments de preuve qui n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration sous serment ni d'un contre-interrogatoire. Effectivement, le paragraphe 50(3) de la Loi autorise le Tribunal à accepter des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration sous serment ou par tout autre moyen, selon ce qu'il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire. Dans la présente affaire, même si M. Kulbashian n'a pas témoigné, il est ressorti, au cours de l'audience, qu'il est un étudiant collégial dans la mi-vingtaine qui vit chez ses parents. Il élève seul un jeune enfant. Bien que les renseignements disponibles ne soient pas concluants, je crois que les ressources financières de M. Kulbashian sont passablement limitées et que sa capacité de payer est par conséquent restreinte.

[150] En prenant tous ces facteurs en compte, j'impose à M. Kulbashian une sanction pécuniaire de 1 000 $. Le paiement de la sanction pécuniaire devra être effectué au moyen d'un chèque certifié ou d'un mandat payable au Receveur général du Canada, et doit être reçu au Tribunal dans les 120 jours suivant la notification de la présente décision à M. Kulbashian.

(ii) M. Richardson

[151] Il n'y a aucun élément de preuve démontrant que M. Richardson avait un lien avec le site Web tri-cityskins.com. Cependant, j'ai conclu que, jusqu'à son arrestation, il participait directement à la rédaction, au montage et à l'affichage des messages de haine dans le bulletin d'information du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team. La communication de ces messages de haine était de façon évidente délibérée. Je ne dispose d'aucun élément de preuve démontrant qu'il a des antécédents discriminatoires.

[152] Aucun élément de preuve n'a été fourni officiellement à l'égard de la capacité de M. Richardson d'effectuer le paiement d'une sanction pécuniaire, mais compte tenu des renseignements glanés au cours de l'audience, je suis convaincu qu'il a des ressources financières très modestes. Il a mentionné qu'il a un [traduction] revenu fixe en raison d'une incapacité non dévoilée. Lorsque le Tribunal a examiné la possibilité de tenir une portion de l'audience à Ottawa, M. Richardson a établi clairement qu'il n'avait pas les ressources lui permettant de payer les dépenses de voyage et de logement. Il avait besoin de l'aide d'un parent pour son transport de la maison familiale à Hamilton au lieu de l'audience à Oakville. Compte tenu de toutes les circonstances, j'impose à M. Richardson une sanction pécuniaire de 1 000 $. Le paiement de la sanction pécuniaire devra être fait par chèque certifié ou mandat payable au Receveur général du Canada, et doit être reçu par le Tribunal dans les 120 jours suivant la notification de la présente décision à M. Richardson.

(iii) Le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team

[153] À mon avis, bien que les messages de haine affichés sur les sites Web du groupe Canadian Ethnic Cleansing Team était passablement moins grave que celle figurant sur le site tri-cityskins.com, ces messages exposaient tout de même des personnes à la haine ou au mépris. Ces messages étaient affichés délibérément sur Internet, une méthode permettant qu'elle soit diffusée au plus grand nombre possible de destinataires.

[154] Je n'ai pas de preuve à l'égard de la question de savoir si le groupe connu sous le nom de Canadian Ethnic Cleansing Team s'est déjà livré dans le passé à des actes discriminatoires. Je n'ai pas non plus d'éléments de preuve à l'égard de sa capacité de payer. Dans toutes les circonstances, j'impose au groupe Canadian Ethnic Cleansing Team le paiement d'une sanction pécuniaire de 3 000 $. Le paiement de la sanction pécuniaire devra être fait par chèque certifié ou un mandat payable au Receveur général du Canada. Le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team n'a pas officiellement comparu lors de l'audience, bien que j'aie conclu que M. Kulbashian et M. Richardson étaient des membres clés de ce groupe. J'ordonne par conséquent que le paiement de la sanction pécuniaire soit fait au Tribunal dans les 120 jours suivant la date de réception par l'un ou l'autre de M. Kulbashian ou de M. Richardson de la présente décision, selon la première date de réception.

(iv) Affordable Space.com

[155] Étant donné qu'Affordable Space.com était l'entreprise par laquelle M. Kulbashian fournissait ses services d'hébergement Web aux sites Web qui diffusaient les messages de haine, cette entreprise contrevient à la Loi dans la même mesure que le fait M. Kulbashian. Par conséquent, je suis disposé à imputer le caractère délibéré du comportement de M. Kulbashian à celui de l'entreprise qu'il exploitait. Je ne connais pas la capacité que peut avoir l'entreprise Affordable Space.com de payer une sanction pécuniaire et je ne sais pas non plus si elle a des antécédents discriminatoires.

[156] Compte tenu de toutes ces circonstances, j'impose à Affordable Space.com une sanction pécuniaire de 3 000 $. Le paiement de la sanction pécuniaire sera effectué par chèque certifié ou par mandat payable au Receveur général du Canada. J'ordonne que le paiement de la sanction pécuniaire soit effectué au Tribunal dans les 120 jours suivant la date à laquelle M. Kulbashian recevra la présente décision.

Athanasios D. Hadjis

Ottawa (Ontario)
Le 10 mars 2006

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T869/11903
INTITULÉ DE LA CAUSE : Richard Warman c. Alexan Kulbashian, James Scott Richardson, Tri-City Skins.com, Canadian Ethnic Cleansing Team and Affordable Space.com
DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Le 31 août, les 1, 2 et 3 septembre 2004
Les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2004
Les 15, 16 et 17 novembre 2004
Les 23, 24 et 25 février 2005
Oakville (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 10 mars 2006
ONT COMPARU :
Richard Warman Pour lui-même
Monette Maillet/ Valerie Phillips Pour la Commission canadienne des droits de la personne
Alexan Kulbashian Vahe Kulbashian Pour lui-même
Pour l'intimé, Alexan Kulbashian
James Scott Richardson Pour lui-même
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