Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

GLENN BAHR

- et -

WESTERN CANADA FOR US

les intimés

DÉCISION SUR REQUÊTE

2006 TCDP 15
2006/03/22

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen A. Jensen

[TRADUCTION]

[1] Dans une plainte datée du 8 juin 2004, M. Richard Warman a prétendu que les intimés M. Glenn Bahr et Western Canada for Us, ont violé l'alinéa 12a) et le paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP) en transmettant et en publiant des messages haineux. L'audience de cette cause a été fixée au 23 mai 2006.

[2] M Bahr a déposé une requête demandant que l'audience de cette cause soit ajournée jusqu'à ce qu'une décision soit rendue dans Warman c. Marc Lemire (T1073/5405). Dans cette dernière cause, laquelle a également trait à de présumées violations du paragraphe 13(1) de la LCDP, l'intimé a contesté la constitutionalité des articles 13 et 54 de la LCDP.

[3] Le 19 décembre 2005, il a été mentionné dans Warman c. Lemire que la contestation constitutionnelle sera traitée au cours de l'audience de la plainte et qu'elle ne sera pas traitée comme une question préliminaire. Le 23 février 2006, le Tribunal a accordé le statut de personne intéressée à un certain nombre d'organismes afin de permettre à ceux-ci de faire part de leurs observations sur la question constitutionnelle (Warman c. Lemire, Décision 2006 TCDP 8). Les dates d'audience dans cette cause n'ont pas encore été fixées.

[4] M. Bahr a déclaré qu'il entendait également contester la constitutionalité du paragraphe 13(1) et de l'article 54 de la LCDP. Toutefois, il n'a pas encore signifié d'avis de question constitutionnelle comme l'exige les Règles de procédure du Tribunal.

[5] M. Bahr prétend qu'attendre que la contestation constitutionnelle soulevée dans Lemire soit d'abord réglée constituerait une meilleure utilisation des ressources. En outre, il prétend que les questions soulevées dans sa plainte sont maintenant sans objet. Le site Web de Western Canada For Us a vraisemblablement été retiré en mai 2004 et n'a pas été réactivé. Dans le cadre de ses conditions de liberté sous caution découlant d'une accusation portée en vertu de l'article 319 du Code criminel, il est interdit à M. Bahr d'utiliser l'Internet de quelque façon que ce soit. Par conséquent, l'intimé prétend que, non seulement le matériel prétendument offensant n'est plus accessible au public, mais qu'il y a très peu de risque pour que du nouveau matériel soit affiché dans l'avenir.

[6] Le plaignant et la Commission canadienne des droits de la personne s'opposent fermement à la requête. Ils prétendent que le paragraphe 48.9(1) de la LCDP exige que le Tribunal instruise les plaintes de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. Ils prétendent de plus que le Tribunal doit tenir une instruction en présumant que la loi est valide, et ce, jusqu'à ce qu'un tribunal conclue le contraire.

[7] Dans Léger c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, Décision sur requête, 26 novembre 1999 (TCDP); demande de sursis rejetée [2000] A.C.F. 243 (1re inst.), ce Tribunal a jugé que l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'accorder un ajournement est régi par les règles de l'équité procédurale et de la justice naturelle ainsi que par l'économie de la LCDP, laquelle loi privilégie la résolution rapide des plaintes de discrimination. La Cour fédérale du Canada a clairement déclaré que le public a un intérêt considérable à ce que le Tribunal canadien des droits de la personne statue de façon expéditive (Bell Canada c. Syndicat canadien des communications de l'énergie et du papier (1997), 127 F.T.R. 44, au paragraphe 44).

[8] Les arguments de M. Bahr concernant l'équité procédurale et la justice naturelle semblent être que les coûts entraînés par une contestation constitutionnelle dans la présente cause seraient prohibitifs. M. Bahr prétend qu'il sera très désavantagé s'il doit rassembler les ressources pour débattre cette question compte tenu de ce qui l'attend dans les cours criminelles. M. Bahr prétend, par conséquent, qu'on devrait lui permettre d'attendre qu'une décision soit rendue dans Warman c. Lemire avant qu'il ne fasse entendre sa cause.

[9] Je comprends la situation de M. Bahr. Toutefois, sa requête, telle qu'elle est actuellement formulée, pose un certain nombre de problèmes. Premièrement, à proprement parlé, la décision que rendra le Tribunal dans la cause Lemire ne liera pas le Tribunal dans la présente cause (Donald Lange, The Doctrine of Res Judicata in Canada, 2ième édition, Toronto : 2004, p. 423). Par conséquent, à moins que la question constitutionnelle soumise dans Warman c. Lemire ne se rende jusqu'en Cour fédérale ou jusque devant une cour de juridiction plus élevée, le membre du Tribunal dans la présente cause doit entendre et décider sur le fond les questions en litige, notamment la question constitutionnelle. Par conséquent, l'ajournement de la cause jusqu'à ce que le Tribunal rende une décision dans Warman c. Lemire ne procure aucune économie particulière.

[10] Il s'ensuit qu'il n'existe aucune garantie que la décision que rendra le Tribunal dans Warman c. Lemire procurera à M. Bahr ce dont il recherche. Ce n'est seulement que si une décision est rendue par la Cour fédérale ou par la Cour suprême quant à la question constitutionnelle que le Tribunal sera lié par le résultat et que d'autres contestations de la loi devant le Tribunal seront sans objet. Selon moi, l'ajournement de la présente cause jusqu'à ce que la cause Warman c. Lemire ait été tranchée de façon définitive retarderait la tenue de l'audience au-delà de ce qui est acceptable en vertu de la Loi.

[11] Pour ces motifs, la requête de M. Bahr demandant que l'audience de la présente cause soit ajournée jusqu'à ce qu'une décision soit rendue dans Warman c. Marc Lemire est rejetée.

Karen A. Jensen

Ottawa (Ontario)
Le 22 mars 2006

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1087/6805 et T1088/6905

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Richard Warman c. Glenn Bahr et Western Canada for Us

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 22 mars 2006

ONT COMPARU :

Richard Warman

Pour lui-même

Giacomo Vigna/
Ikram Warsame

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Paul Fromm

Pour l'intimé, Glenn Bahr

Western Canada for Us

(Aucun représentant)

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