Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

PETER KOUBA

l'intimé

MOTIFS DE DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen A. Jensen

2006 TCDP 50

2006/11/22

[TRADUCTION]

Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal canadien
des droits de la personne

I. À QUEL SUJET LA PLAINTE A-T-ELLE ÉTÉ DÉPOSÉE?

II. QUELLES SONT LES CIRCONSTANCES QUI ONT MENÉ AU DÉPÔT DE LA PLAINTE?

III. QUI A COMPARU À L'AUDIENCE?

IV. QUELLES SONT LES QUESTIONS QUE NOUS DEVONS TRANCHER EN L'ESPÈCE?

A. Question no 1 - Le Tribunal peut-il examiner des documents qui ont été affichés après le dépôt de la plainte? 5

B. Question no 2 - Les documents en litige sont-ils susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris les membres du groupe identifiable? 6

(i) Les thèmes distinctifs des messages haineux 7

(ii) La conclusion tirée par le Tribunal à propos des messages en litige 26

C. Question no 3 - L'intimé Peter Kouba a-t-il diffusé les messages haineux? 26

(i) Le témoignage du sergent Stephen Camp 27

(ii) Le témoignage présenté par le plaignant et la Commission 31

(iii) Les explications de l'intimé 35

(iv) La conclusion du Tribunal concernant l'identité du diffuseur des messages haineux 40

V. LE REDRESSEMENT 41

I. À QUEL SUJET LA PLAINTE A-T-ELLE ÉTÉ DÉPOSÉE?

[1] La présente plainte porte sur la question de savoir si Peter Kouba, sous les pseudonymes proud18 et WhiteEuroCanadian, a diffusé des messages haineux sur Internet, et ce, en contravention du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi).

[2] Le 8 juin 2004, Richard Warman a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) alléguant que, entre le 7 octobre 2003 et juin 2004, ainsi que par la suite, Peter Kouba a diffusé des documents sur deux sites Internet - www.stormfront.org (stormfront.org) et www.westerncanadaforus.com - qui exposaient les gais, les lesbiennes, les Musulmans, les Hindous, les Juifs, les Premières nations, les personnes d'Asie de l'Est, les Pakistanais, les Roms (mieux connus sous le nom de gitans) et d'autres non-Blancs, à la haine ou au mépris.

[3] L'intimé a nié avoir diffusé les messages en litige. Il a prétendu qu'on a fait passer les messages litigieux comme étant les siens. Il prétend également qu'il n'est pas le genre de personne à diffuser des documents qui exposeraient des personnes à la haine ou au mépris.

[4] En plus de présenter des éléments de preuve en rapport avec les messages haineux, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) et le plaignant ont présenté des éléments de preuve en rapport avec l'identité de la personne qui a diffusé ces messages.

[5] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les documents présentés au cours de l'audience de la présente plainte violent l'article 13 de la Loi. Je conclus également que c'est l'intimé, Peter Kouba, sous les pseudonymes proud18 et WhiteEuroCanadian qui a diffusé les documents en litige sur Internet.

II. QUELLES SONT LES CIRCONSTANCES QUI ONT MENÉ AU DÉPÔT DE LA PLAINTE?

[6] Le plaignant a affirmé dans son témoignage que, depuis la fin des années 90, il s'intéresse à la question des droits de la personne, particulièrement en ce qui a trait à la diffusion de messages haineux par les personnes qui souscrivent aux thèses des néonazis et des tenants de la suprématie blanche. Cet intérêt l'a amené à parcourir Internet afin de voir s'il n'y figurait pas des documents qui, selon lui, constituent de la propagande haineuse.

[7] En parcourant Internet en 2003, le plaignant a découvert, par hasard, des documents, sur un site Web se trouvant à l'adresse www.stormfront.org, qui semblaient avoir été diffusés par une personne qui vivait à Edmonton (Alberta). Cette personne se servait du pseudonyme proud18.

[8] Le plaignant a affirmé dans son témoignage que stormfront.org est un site Web international américain. Il comprend des groupes de discussion, lesquels sont des sites Internet où des personnes de partout dans le monde peuvent échanger en direct sur des questions qui ont trait à la suprématie blanche et à l'idéologie néonazie. Certains groupes de discussion figurant dans stormfront.org sont consacrés à un pays en particulier. Les documents diffusés par proud18 figuraient dans le groupe de discussion canadien de stormfront.org.

[9] Dans un groupe de discussion on trouve des sujets de discussion appelés fils de discussion. Les fils de discussion sont classés par ordre chronologique et c'est le fil de discussion dans lequel se trouve le message le plus récent, connu également sous le nom d'article de discussion, qui figure au haut de la liste. Le plaignant a affirmé dans son témoignage que les membres du public pouvaient lire les articles affichés dans les fils de discussion figurant dans le groupe de discussion canadien de stormfront.org.

[10] Le plaignant a déclaré que, à l'été et à l'automne 2003, pour un certain nombre de raisons, il a commencé à être préoccupé par les documents qui étaient affichés par proud18 dans le groupe de discussion canadien de stormfront.org. Premièrement, les propos tenus par cet individu sur les Canadiens d'origine autochtone, la communauté juive, les homosexuels et les autres groupes minoritaires, étaient très négatifs et très menaçants. Dans les réponses aux messages affichés par proud18 dans le groupe de discussion, on appelait au génocide de certains groupes, comme les homosexuels et les personnes ayant une déficience mentale. De plus, les messages affichés par proud18 portaient à croire que leur auteur faisait partie d'un groupe connu sous le nom de Western Canada For Us (WCFU), lequel groupe projetait de tenir, en Alberta, des évènements à thème néonazi et à thème suprématie blanche.

[11] Le plaignant a affirmé dans son témoignage que, en février 2004, il est devenu évident que WCFU était en train de créer un site Web. En mars 2004, le plaignant a consulté pour la première fois sur Internet le site Web de WCFU. Dans une page de la section Groupe de discussion de ce site Web, le plaignant a vu ce qui était, selon lui, des messages haineux dirigés contre les homosexuels et les lesbiennes. Ces documents avaient été affichés par une personne se servant du pseudonyme WhiteEuroCanadian et celle-ci faisait office de modérateur. Selon le plaignant, WhiteEuroCanadian était la même personne qui se faisait appeler proud18 sur le site Web stormfront.org. Toujours selon le plaignant, cette personne était l'intimé, Peter Kouba. Le plaignant a affirmé dans son témoignage que les messages affichés dans le groupe de discussion de WCFU pouvaient être consultés par n'importe qui, qu'il soit membre ou non de Western Canada For Us.

[12] Le plaignant a fait part de ses inquiétudes à propos des messages affichés sur les sites Web stormfront.org et WCFU à l'unité des crimes haineux du service de police d'Edmonton, puis, en juin 2004, il a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.

III. QUI A COMPARU À L'AUDIENCE?

[13] La Commission a pleinement participé à l'audition de la plainte et elle était représentée par un avocat. Le plaignant a également participé mais il n'était représenté par aucun avocat. On se doit cependant de souligner qu'il est avocat par profession.

[14] L'intimé n'était pas présent lors de la première journée d'audience. Dès le début de l'audience, on a déposé un affidavit de signification mentionnant qu'on avait signifié personnellement à l'intimé le 9 juin 2006 un avis de conférence de cas afin de discuter de l'audience qui aurait lieu, un avis du lieu de l'audience mentionnant le lieu précis et les dates de l'audience ainsi qu'une lettre du Tribunal soulignant la procédure à suivre lors de l'audience. Pour ce motif, je suis convaincu que, comme l'exige l'article 50 de la Loi, l'intimé a été amplement avisé de la tenue de l'instruction sur la plainte. La première journée d'audience s'est donc déroulée en l'absence de l'intimé.

[15] L'intimé a comparu lors de la deuxième journée d'audience. Il n'était représenté par aucun avocat, ni par aucun représentant. L'intimé a contre-interrogé le plaignant et a formulé des observations dans son plaidoyer final. Il a toutefois choisi de ne pas témoigner et de ne faire entendre aucun témoin.

IV. QUELLES SONT LES QUESTIONS QUE NOUS DEVONS TRANCHER EN L'ESPÈCE?

[16] Les trois questions suivantes doivent être tranchées en l'espèce :

  1. Le Tribunal peut-il examiner des documents qui ont été affichés après le dépôt de la plainte?
  2. Les documents en litige sont-ils susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable pour un motif de distinction illicite?
  3. L'intimé, Peter Kouba, a-t-il diffusé les documents en litige?

A. Question no 1 - Le Tribunal peut-il examiner des documents qui ont été affichés après le dépôt de la plainte?

[17] Le plaignant a affirmé dans son témoignage que, entre le 9 octobre 2003 et le 30 mars 2006, il a examiné les documents figurant dans les sites Web stormfront.org et WCFU. Des documents qui ont été affichés après le dépôt de la plainte en juin 2004 ont été déposés en preuve de la violation continue de l'article 13 alléguée dans le formulaire de plainte. L'intimé a su, grâce au formulaire de plainte, que des documents qui ont été diffusés après la date du dépôt de la plainte seraient présentés en preuve.

[18] Avant la première journée d'audience, la Commission a tenté de transmettre par courrier électronique à l'intimé les documents diffusés après le dépôt de la plainte mais elle a reçu un message l'avisant que le système de courrier électronique de l'intimé était incapable de recevoir les documents. Les documents ont par la suite été envoyés à l'intimé par la poste et il a reçu une copie de ceux-ci lorsqu'il s'est présenté à l'audience le deuxième jour.

[19] Bien que l'intimé ait nié avoir diffusé les documents qui ont été affichés après le dépôt de la plainte, il ne s'est pas opposé à leur production au motif qu'il aurait reçu un avis insuffisant de la production de ces documents. Par conséquent, compte tenu que la preuve a trait à la nature continue des prétendues violations de la Loi et compte tenu du fait que l'intimé a été informé grâce au formulaire de plainte et à la divulgation des documents que des documents supplémentaires seraient présentés durant l'audience, je conclus que le Tribunal peut tenir compte des éléments de preuve qui ont été diffusés après le dépôt de la plainte.

B. Question no 2 - Les documents en litige sont-ils susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris les membres du groupe identifiable?

[20] L'article 13 de la Loi prévoit que constitue un acte discriminatoire le fait, pour une personne, de diffuser au moyen d'Internet des documents susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable pour un motif de distinction illicite.

[21] Le mot haine a été défini comme étant une malice extrême, une émotion qui n'admet chez la personne visée aucune qualité qui rachète ses défauts. Le mot mépris suggère le processus mental consistant à regarder quelqu'un de haut ou à le traiter comme inférieur (Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, paragraphes 60 et 61). Des documents sont susceptibles d'exposer les membres d'un groupe identifiable à la haine ou au mépris si, selon toute vraisemblance, leur diffusion rend les membres du groupe identifiable susceptibles d'être soumis à une malice extrême ou si elle crée un climat propice à la fomentation de la haine et du mépris (Citron c. Zundel, (No 4) (2002), 41 C.H.R.R. D/274, paragraphe 134).

[22] Une analyse des décisions de plus en plus nombreuses portant sur l'article 13 révèle qu'il existe un certain nombre de documents comportant certains thèmes distinctifs qui, selon toute vraisemblance, sont susceptibles d'exposer les membres d'un groupe identifiable à la haine ou au mépris. Il serait utile, à ce stade-ci, de fournir une liste de ces thèmes distinctifs ainsi que certains exemples tirés de la jurisprudence afin d'illustrer chaque point. La liste est loin d'être complète. Elle peut, cependant, fournir un contexte utile pour la présente décision juridique.

[23] Après chacune des mentions des thèmes distinctifs, une description et une analyse des documents en l'espèce qui présentent les mêmes caractéristiques sont fournies. Il convient de souligner qu'un nombre important des messages qui ont été affichés ont été déposés en preuve au cours de l'audience. Plusieurs d'entre eux étaient trop longs pour être reproduits dans la présente décision. Par conséquent, j'ai fourni dans mon analyse des descriptions ainsi que de courts extraits des messages affichés par proud18 et WhiteEuroCanadian. Des détails additionnels ainsi que le contenu des messages figurent à l'annexe A de la présente décision.

(i) Les thèmes distinctifs des messages haineux

a) Le groupe identifiable est décrit comme constituant une puissante menace qui prend le contrôle des principales institutions de la société et qui prive les autres de leur gagne-pain, de leur sécurité, de leur liberté de parole et de leur bien-être général.

[24] Le thème de la puissante menace est un thème qui se dégage dans les causes où les Juifs ont été la cible de messages haineux. Par exemple, dans la décision Citron c. Zundel, précitée, on expliquait dans les messages en litige la théorie selon laquelle les Juifs conspirent en secret en vue d'extorquer de l'argent, d'acquérir un immense pouvoir et d'exercer un contrôle à l'échelle internationale. Dans cette décision, on affirmait que les Juifs avaient inventé l'histoire de l'Holocauste perpétré par les Nazis, et ce, afin d'extorquer des milliards de dollars aux différents pays à titre de réparation. Les Juifs ont été qualifiés de menteurs, d'escrocs, de combinards et d'extorqueurs. Le Tribunal a conclu que ces messages créaient un climat propice à la fomentation de la haine et du mépris envers les Juifs car ils encourageaient les gens à les considérer comme étant des menteurs, des tricheurs, des criminels et des escrocs (Zundel, précitée, paragraphe 140).

[25] La qualification du groupe identifiable comme constituant une puissante menace figure également dans la décision Schnell c. Machiavelli and Associates Emprize Inc. (2002), 43 C.H.R.R. D/453 dans laquelle les messages en litige prévenaient les lecteurs que les homosexuels ont des intentions. Ces intentions consistaient à légaliser la pédophilie (Schnell, précitée, paragraphe 36). Une fois de plus, on laissait entendre que sans qu'il ne s'en rende compte, le public canadien avait été amené par la ruse à permettre que ses enfants deviennent des victimes. Le Tribunal a conclu que cela créait un climat propice à la fomentation de la haine et du mépris.

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème de la puissante menace?

[26] Les messages affichés par proud18 sur stormfront.org à propos des Canadiens d'origine autochtone véhiculent le thème de la puissante menace. Ils accusent les membres de ce groupe d'extorquer des milliards de dollars aux contribuables canadiens et de revendiquer des titres sur des terres qui ne leur ont jamais appartenu. Ils préviennent les lecteurs de pas tomber dans le piège du sentiment de culpabilité que leur ont tendu les Canadiens d'origine autochtone. Par exemple, dans un message affiché le 7 octobre 2003 dans un fil de discussion intitulé [traduction] Si vous aimez les Sauvages, alors ne lisez pas ceci proud18 déclare ce qui suit :

[traduction]

Maintenant, si vous aimez les autochtones des bandes dessinées alors ne lisez pas ce qui suit. Vous apprendrez jusqu'à quel point ces Sauvages sont primitifs. Le Sauvage Phil Fontaine demande près de 2 milliards de dollars de plus par année pour 600 Premières nations [600? C'est le chiffre avancé par Ottawa. Une chose qui m'intrigue à propos de ce chiffre, c'est que, il y a 150 ans, il n'y avait même pas la moitié de ce chiffre]. Ces Sauvages se séparent de leurs tribus pour en former d'autres. Puis, ils obtiennent un montant minimum de 100 millions de dollars et ainsi de suite[...]. Pourquoi devrions-nous financer ces nouvelles tribus détachées?

En plus du montant approchant les 8 milliards de dollars par année qu'ils reçoivent déjà afin, comme ils l'affirment, de le consacrer à des programmes autochtones dans le but de s'acquitter de leurs obligations découlant des traités et de la Constitution.

Quelles obligations?

Au fil des ans, nous leur avons donné des centaines de MILLIARDS de dollars, des terres de premier ordre, des royautés, des exemptions d'impôt, des prestations d'aide sociale à vie en plus des sommes versées à leurs réserves.

Et malgré cela, ils vivent comme des sauvages. Peut-être qu'il y en a quelques uns qui sont décents [...] PEUT-ÊTRE.

Et un autre de ces Sauvages n'arrête pas de parler de combien d'argent de plus ils veulent.

Des milliards de dollars gaspillés. Donnez à dix personnes BLANCHES instruites un milliard de dollars et regardez les empires se créer. Et ces Sauvages continuent de se plaindre du prix élevé du LYSOL.

[27] Dans un message daté du 23 novembre 2003, proud18 prétend que l'extorsion d'argent faite par les Canadiens d'origine autochtone aux Canadiens de race blanche a entraîné l'effondrement des systèmes de santé et d'éducation au Canada.

[28] De même, les messages affichés par proud18 à propos des Juifs reflètent le thème de la puissante menace qui est véhiculé dans d'autres messages haineux. Les Juifs contrôleraient censément les médias, le système d'éducation ainsi que nos gouvernements, exposant ainsi la population non juive à de graves dangers. Le contrôle exercé par les Juifs sur ces institutions serait censément la raison pour laquelle les droits individuels sont brimés. Par exemple, dans un message affiché le 23 novembre 2003 dans un fil de discussion intitulé [traduction] Que faudra-t-il pour que nous agissions?, proud18 écrit ce qui suit :

[traduction]

Nous avons tous nos petites histoires quant à savoir comment les choses se sont détériorées dans notre voisinage. Nous avons de moins en moins de droits. Merde, nous sommes une espèce en voie de disparition. Les Blancs, en terme de population, sont la minorité la plus importante au monde. Les Juifs se sont emparés de notre système d'éducation, de nos médias, de nos gouvernements, etc.

[29] Comme d'autres messages véhiculant ce thème, les messages de proud18 à propos des Canadiens d'origine autochtone et des Juifs tentent de susciter des sentiments d'indignation parce que l'on se fait voler et duper par un sinistre groupe de personnes. De cette façon, les messages véhiculant ce thème créent un climat propice à la fomentation de la haine et du mépris contre les membres des groupes susmentionnés.

b) Dans les messages en litige on utilise des faits authentiques, des informations de presse, des photos et des propos provenant de sources censément dignes de confiance pour faire des généralisations négatives à propos du groupe identifiable.

[30] Les messages dans lesquels on utilise des faits censément authentiques, des informations de presse, des photos et des propos provenant de sources censément dignes de confiance dans le but de donner une apparence d'objectivité et de véracité à la description très négative du groupe identifiable ont été jugés comme étant susceptibles d'exposer les membres du groupe identifiable à la haine et au mépris. Ils encouragent les lecteurs à accepter, telles quelles, les généralisations grossières et les stéréotypes présentés à propos du groupe identifiable.

[31] Par exemple, dans Warman c.Winnicki 2006 TCDP 20, l'intimé s'était servi d'images photographiques montrant des corps brûlés et démembrés d'Africains pour transmettre son message que lorsqu'un Africain vient vivre au Canada, il amène inévitablement la violence et la mort. Le Tribunal a conclu que cela augmentait la probabilité que des membres de la communauté africaine soient exposés à la haine ou au mépris car les images montrées suscitaient un fort sentiment de dégoût (Warman c. Winnicki, précitée, paragraphe 90).

[32] Dans cette même affaire, l'intimé a cité des extraits de bulletins de nouvelles en direct qui avaient trait à des crimes et à des événements impliquant des membres des groupes identifiables. Le Tribunal a conclu que l'utilisation par l'intimé d'articles de journaux comme élément de preuve étayant ses déclarations conférait un certain air de légitimité à ses messages. Selon le Tribunal, cela rendait les messages plus convaincants et augmentait la possibilité que ceux-ci exposent les membres du groupe identifiable à la haine et au mépris (Warman c. Winnicki, précité, paragraphe 82).

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème des faits authentiques?

[33] Proud18 tente d'utiliser des faits authentiques ainsi que des informations de presse pour justifier la généralisation raciste sans fondement que, au Canada, la majorité des crimes sont commis par des Autochtones. Par exemple, dans un message daté du 11 février 2004, proud18 fait état d'un fait censément authentique rapporté dans les médias à propos d'un Autochtone dont la peine pour meurtre aurait été réduite en appel. Proud18 conclut ce qui suit : [traduction] [...] si vous êtes un Sauvage, vous pouvez commettre un meurtre impunément tout simplement parce que vous êtes un Sauvage. Il n'est pas étonnant que les Sauvages commettent la majorité des crimes au Canada. Ils jouissent de l'appui des tribunaux et ils en profitent. Le Canada a besoin d'être sauvé le plus tôt possible.

[34] Dans un autre message affiché sur stormfront.org le 30 novembre 2003, proud18 a lancé un fil de discussion intitulé [traduction] Indiens recherchés pour le meurtre d'une femme âgée de 70 ans. Le message fait état d'un reportage censément authentique sur le cas d'une femme âgée de 70 ans qui aurait été assassinée dans sa maison. Proud18 déclare ce qui suit :

[traduction]

La police est à la recherche de deux Sauvages [ce n'est rien de nouveau] qui ont été vus en train de courir dans la ruelle près de sa maison. Les médecins ont peur de dire à la mère âgée de 90 ans de la victime que sa fille a été assassinée parce qu'ils craignent que celle-ci meure de chagrin. Elle n'avait que sa fille pour toute compagne.

[35] Proud18 tire les conclusions suivantes :

[traduction]

Cela s'est passé à Edmonton, le Sauvage des Prairies, selon moi, est plus du genre tueur et violeur que le Sauvage de l'Ontario. Mais, en fin de compte, ils sont tous des Sauvages.

[36] Proud18 se sert également de reportages censément authentiques pour transmettre un message négatif concernant les Noirs. Par exemple, dans un message affiché le 30 novembre 2003 dans un fil de discussion intitulé [traduction] Deux Noirs violent des femmes blanches en série, proud18 relate de la façon suivante un fait qui a censément été rapporté dans les médias : [traduction] deux nègres aux crânes rasés ont violé des femmes dans le quartier Clearview. Cela amène proud18 à se poser la question suivante : [traduction] Comment les députés fédéraux peuvent-ils affirmer que la majorité des tueurs en série sont des Blancs et que l'on ne peut même pas affirmer publiquement que, au Canada, plus de 50 p. 100 des viols sont commis par des Noirs?.

[37] Dans un message affiché le 4 janvier 2004 sur stormfront.org, proud18 décrit un reportage concernant les blessures graves qui auraient été infligées et les décès qui auraient eu lieu au cours d'une lutte de gangs à laquelle auraient participé des Hindous. Selon le message affiché, le reportage mentionnait qu'une femme blanche faisait partie de l'un des gangs et qu'elle a été tuée. Dans un autre message affiché sur stormfront.org le 2 mai 2004, proud18 formule des observations quant à une nouvelle parue dans les médias selon laquelle un Hindou aurait apparemment transmis le VIH/sida à trois femmes. Proud18 se sert de ces actualités pour faire valoir que les femmes blanches qui fréquentent des Hindous trahissent notre race et méritent la mort.

[38] L'utilisation par proud18 de présumés faits authentiques afin de justifier des conclusions très négatives concernant les membres des groupes identifiables constitue un moyen puissant d'exposer ceux-ci à la haine parce que certains lecteurs croiront que les conclusions sont justifiées compte tenu des éléments de preuve fournis par les récits et les reportages. Les récits sont souvent anecdotiques et ne font état d'aucun détail quant au contexte ou quant à l'historique qui pourrait atténuer les incidences ou affaiblir les conclusions que l'on cherche à tirer.

[39] Dans de nombreux messages, proud18 encourage les lecteurs à partager avec lui dans le groupe de discussion leurs récits et leurs expériences négatives concernant les Autochtones de telle sorte que les nationalistes blancs qui pouvaient avoir des sentiments favorables envers les Autochtones perdent ces sentiments. Il semble donc que le but visé par ces messages est d'exposer les membres du groupe identifiable à la haine ou au mépris.

c) Le groupe identifiable est décrit comme un groupe qui s'en prend aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes vulnérable, etc.

[40] Dans Schnell, précitée, les messages faisaient état que les homosexuels et les lesbiennes tentaient d'attitrer les enfants afin d'abuser d'eux. De même, dans Payzant et al. c. McAleer and Canadian Liberty Net, 26 C.H.R.R. D/271, conf. par. 26 C.H.R.R. D/280 (C.F. 1re inst.), les messages en litige étaient présentés de manière à ce que l'on associe pédophilie et homosexualité. Cela a donné lieu à l'affichage d'un message dans lequel on demandait l'exécution des homosexuels. Le Tribunal a conclu que l'association entre pédophilie et homosexualité provoquait chez la personne qui recevait les messages un sentiment de dégoût envers les homosexuels, augmentant ainsi la possibilité que les personnes qui recevaient les messages estiment que l'exécution des homosexuels n'était pas une mauvaise idée (Payzant et al, précitée, paragraphe 38).

[41] Dans Warman c. Kyburz, 2003 TCDP 18, ont décrivait de façon détaillée dans les messages en litige des tournages de films pornographiques comportant des scènes d'infliction de sévices sexuels et de viols d'enfants, puis on prétendait que bien que les consommateurs de pornographie juvénile ne sont pas tous Juifs, les Juifs sont en nombre disproportionné parmi eux (Warman c. Kyburz, précitée, paragraphes 25 et 26). Le Tribunal a conclu que ces messages ne pouvaient servir qu'à fomenter la haine contre les Juifs.

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème du prédateur?

[42] Certains des documents en l'espèce véhiculent le thème du prédateur. Dans un message daté du 1er décembre 2003, proud18 décrit les Noirs comme étant des cannibales et des chasseurs de tête qui ont des relations sexuelles avec des animaux; et que, lorsqu'ils ne peuvent s'adonner à cette activité, violent des Blanches. Proud18 déclare de façon sinistre à la fin de ce message que [traduction] ce [Noir] déménage à côté de chez vous.

[43] Les documents affichés par WhiteEuroCanadian sur le site Web WCFU à propos des homosexuels et des lesbiennes véhiculent également le thème du prédateur. Dans un message affiché sur ce site Web le 9 mars 2004, WhiteEuroCanadian déclare que les homosexuels [traduction] ne sont pas des êtres humains, ils sont des pervers sexuels du même genre que les pédophiles, les personnes qui s'adonnent à la bestialité, les sadomasochistes, etc.. C'est en raison de leur présumée tendance à s'attaquer aux enfants que WhiteEuroCanadian déclare qu'il s'oppose à ce que les homosexuels occupent des postes de [traduction] travailleur en garderie, de gardien d'enfants, d'enseignant, de patron, etc..

[44] Tout comme les documents qui véhiculent le thème susmentionné dans d'autres cas de messages haineux, les documents en l'espèce qui qualifient les groupes identifiables de prédateurs sexuels exploitent la vive crainte qu'ont les gens que les enfants, les femmes et les personnes vulnérables deviennent victimes des impulsions sexuelles violentes et criminelles des groupes identifiables. Cela rend les membres des groupes identifiables très susceptibles d'être exposés à de profonds sentiments de haine.

d) Le groupe identifiable est tenu responsable des problèmes actuels de la société et du monde

[45] Dans Warman c. Alexan Kulbashian et autres, 2006 TCDP 11, on fait mention d'un certain nombre de messages dans lesquels ont tient les Juifs et les musulmans responsables de la mort, le 11 septembre 2001, de milliers d'individus blancs au World Trade Center à New York. Dans ces messages, on encourage les racistes à se livrer à des actes violents contre les membres des groupes susmentionnés. Le Tribunal a conclu que, comme on associait dans les messages en litige les Juifs et les musulmans aux terroristes responsables des attentats du 11 septembre, ceux-ci exposaient incontestablement les membres des groupes susmentionnés à la haine, au mépris et à un réel danger physique en donnant à penser que tous les membres de ces collectivités constituaient des cibles légitimes de violence punitive aveugle (Warman c. Kulbashian, précitée, par. 55). Ces messages avaient également été conçus pour tirer profit des sentiments préexistants de colère et de crainte ressentis au Canada après les attentats.

[46] Dans certains des messages en litige dans Taylor et le Western Guard Party c. la Commission canadienne des droits de la personne et le Procureur général du Canada, (1979), D.T. 1/79, on faisait un lien entre l'intégration des personnes de couleur dans la société canadienne et le déclin de la qualité des services de santé. Le Tribunal a souligné que l'effet persuasif de ces messages était engendré par le fait qu'ils établissaient un lien entre le problème racial et un problème particulier au pays, ce qui pouvait avoir un effet néfaste sur les personnes qui recevaient les messages en question. De même, dans cette affaire, on suscitait la haine ou le mépris envers les Juifs en les tenant responsables du chômage, de l'inflation et de la menace croissante d'une troisième guerre mondiale, trois des problèmes de notre monde qui étaient considérés à l'époque comme étant des plus urgents.

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème de la cause des problèmes de la société?

[47] Dans les messages affichés par proud18 sur stormfront.org, on affirme que si les Autochtones cessaient de pomper l'économie canadienne de dizaines de milliards de dollars, les systèmes de santé et d'éducation au Canada se porteraient mieux. Dans ces messages, proud18 accusent également les Juifs de priver les Canadiens, grâce à leur présumé contrôle du système d'éducation, des médias et du gouvernement, de leur droit fondamental à la liberté de parole. De même, dans un message affiché sur stormfront.org le 30 novembre 2003 et intitulé [Traduction] Les musulmanes transgressent nos lois proud18 affirme que, comme on permet aux musulmanes de se voiler en public, celles-ci peuvent commettre des actes de terrorisme anonyme comme, par exemple, tirer des grenades. Dans ce message, proud18 déplore le fait que le gouvernement canadien tolère la menace terroriste déguisée au Canada.

[48] Dans ces messages, on fournit aux lecteurs des boucs émissaires pour les problèmes du monde; on fournit un exutoire à de fortes émotions négatives; on puise dans ces émotions et on les projette vers les groupes identifiables. De cette façon, on suscite et on légitime la haine envers les membres des groupes identifiables.

e) Le groupe identifiable est décrit comme étant foncièrement dangereux ou violent

[49] Dans la décision Warman c. Winnicki, précitée, l'intimé a utilisé des images photographiques saisissantes montrant des Africains brûlés et éventrés pour transmettre son message que lorsqu'un Africain vient vivre au Canada, il apporte inévitablement la violence et la mort. Le Tribunal a conclu que les images en question augmentaient la probabilité que les membres de la communauté africaine soit exposés à la haine ou au mépris car elles suscitaient un profond sentiment de dégoût (Warman c. Winnicki, précitée, par. 90).

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème du foncièrement dangereux ou violent?

[50] Tous les groupes identifiables visés par les documents en l'espèce sont décrits, d'une façon ou d'une autre, comme étant foncièrement dangereux ou violents. Les Autochtones commettraient la majorité des crimes au Canada alors que les Noirs commettraient 50 p. 100 de l'ensemble des viols (l'autre 50 p. 100 des viols seraient commis par les Autochtones). Les Asiatiques sont décrits comme étant des membres de gangs meurtriers, les musulmans sont décrits comme étant des terroristes et les Juifs contrôleraient la société canadienne. Pour ces motifs, proud18 estime qu'il est justifié de prendre des mesures contre ces groupes. De même, WhiteEuroCanadian décrit les homosexuels comme étant des pédophiles et prétend que les autres personnes ne devraient pas être exposées à des [traduction] pervertis sexuels comme les homosexuels.

f) Les messages transmettent l'idée que les membres des groupes identifiables n'ont aucune qualité qui rachète leurs défauts et qu'ils sont foncièrement mauvais.

[51] Dans la décision Warman c. Kyburz, précitée, au paragraphe 34, dans l'un des messages en litige, on décrivait les Juifs sionistes comme n'ayant aucune qualité qui rachète leurs défauts et on les décrivait comme suit : des escrocs, des criminels, des bellicistes, des pédophiles, des gens qui sont contre la vie et pleins de haine [...] Voilà leur vraie nature. Ils ne peuvent changer et ne changeront pas. Le Tribunal a conclu que, lorsqu'on les lisait dans leur contexte, les messages indiquaient au lecteur que les Juifs sont foncièrement retors et perfides et qu'ils ont un instinct meurtrier. Non seulement veulent-ils enlever, corrompre et tuer des enfants de race blanche, mais leur but ultime est de conquérir le monde (Warman c. Kyburz, précitée, par. 48). Le Tribunal a conclu que de tels messages ne peuvent que contribuer à fomenter la haine contre le peuple juif.

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème de aucune qualité qui rachète les défauts?

[52] Tous les messages en l'espèce véhiculent le thème susmentionné parce qu'ils décrivent les groupes identifiables en termes très négatifs et donnent à penser que leurs membres ne possèdent aucune qualité qui rachète leurs défauts.

[53] Les messages affichés par proud18 à propos des Canadiens d'origine autochtone sont particulièrement durs à cet égard. Dans un message affiché le 18 novembre 2003 dans un fil de discussion intitulé [traduction] Les Autochtones nous arnaquent, proud18 déclare ce qui suit : [traduction] Tôt ou tard, ces Indiens enfreignent tous la loi, c'est dans leurs gênes de mal se conduire. Dans un autre message, proud18 demande pour la forme à [traduction] ceux qui aiment ces Sauvages de donner [traduction] UN seul exemple, le plus petit soit-il, d'avantage qu'ils procurent à la société. Proud18 répond à la question de la manière suivante : [traduction] Juste un seul exemple qu'un Sauvage est bon, [...] je suis capable d'entendre une épinglette tomber dans la forêt avec ce silence pesant.

[54] Dans un autre message affiché le 11 octobre 2003 dans un fil de discussion intitulé [traduction] Si vous aimez les Sauvages, alors ne lisez pas ceci. Proud18 a écrit ce qui suit :

[traduction]

Alors, vous qui aimez les Sauvages, ne lisez pas ce fil de discussion parce que vous verrez que vos soi-disant fiers Autochtones ne sont rien d'autre qu'une perte de temps et un fardeau pour le reste de la population. Merde, donnez leur une province toute entière et ces fainéants crèveront en moins de deux générations si nous ne les aidons pas financièrement.

[55] Les messages affichés par proud18 à propos des Roms mentionnent que les Roms sont [traduction] un sale groupe d'Hindous. Selon proud18, ce sont [traduction] des voleurs, des meurtriers, des proxénètes et des agresseurs qui sont partis de la République tchèque et qui ont été envoyés au Canada sur la promesse qu'ils jouiraient d'un système de santé et d'un système d'éducation gratuits.

[56] Les messages en l'espèce renforcent l'idée que les membres des groupes identifiables sont à ce point dénués de qualités qui rachètent leurs défauts qu'il est justifié de les haïr et de les mépriser intensément. De plus, ils véhiculent l'idée qu'il est inutile de s'attendre à ce que les groupes identifiables se conduisent de façon civilisée, qu'ils respectent les lois ou qu'ils soient productifs et ils tournent en dérision les lecteurs qui pourraient faire preuve d'une certaine ouverture d'esprit envers les membres de ces groupes.

g) Les messages véhiculent l'idée que seuls le bannissement, la ségrégation ou l'éradication du groupe de personnes en question épargneront aux autres les préjudices causés par ce groupe

[57] Dans Nealy c. Johnston, (1989), 10 C.H.R.R. D/6450, on prétendait dans les messages en litige que les immigrants de couleur constituaient une sous-humanité et qu'ils étaient entrés au Canada grâce à la conspiration juive afin de commettre le génocide racial légalisé contre la race blanche. On affirmait dans ces messages que la seule solution était que l'on expulse les immigrants de couleur par la force ou que, à tout le moins, on les sépare de la population blanche. Le Tribunal a conclu que ces messages prônaient le recours à la violence comme moyen proactif de défense contre quiconque est considéré comme un ennemi de la pureté raciale (Nealy c. Johnston, précitée, par. 45668).

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème du bannissement, de la ségrégation ou de l'éradication du groupe identifiable?

[58] Dans un message affiché sur stormfront.org le 27 février 2004, proud18 propose que l'on donne aux Canadiens d'origine autochtone un aller simple pour l'Asie [traduction] ainsi qu'une caisse de Lysol ou de colle et ils ne sauront même pas où ils s'en vont. Proud18 conclut comme suit : [traduction] Alors on pourrait retrouver la place qui nous revient en tant que premier peuple européen à être arrivé sur ce continent.

[59] Dans un autre message, proud18 affirme que les Autochtones [traduction] ne devraient pas être cantonnés dans des réserves mais devraient plutôt être incarcérés dans des ZOOS. Dans un autre message, proud18 affirme ce qui suit : [traduction] [c]es Sauvages ne savent rien sauf qu'ils sont des bêtes sauvages qui ne devraient pas vivre parmi la civilisation.

[60] De même, dans le message qu'il a affiché à propos des Noirs, proud18 affirme que [traduction] [les Noirs] devraient vivre dans la jungle et non pas parmi la civilisation.

[61] Ces messages véhiculent l'idée que les Noirs et les Autochtones sont tellement répugnants que les Canadiens de race blanche ne devraient pas les fréquenter. Ces messages créent un climat propice à la prolifération de la haine et du mépris.

h) On déshumanise le groupe identifiable en comparant ses membres à des animaux, à de la vermine, à des excréments et à d'autres substances nocives.

[62] Dans Warman c.Winnicki, précitée, les Noirs ont été décrits comme étant des êtres dotés de quotients intellectuels inférieurs. Ils y sont également traités de coquerelles et de cons de nègres - singes. Le Tribunal a conclu que des descriptions de ce genre sont déshumanisantes, dégradantes et très susceptibles d'exposer à la haine et au mépris les Noirs ainsi que les autres personnes qui n'appartiennent pas à la race blanche (Warman c. Winnicki, précitée, par. 80).

[63] De même, dans Warman c. Kyburz, précitée, au paragraphe 49, le Tribunal a déclaré que l'utilisation de termes tels que sous-hommes et vermines pour décrire les juifs risque très certainement d'amener certains lecteurs à percevoir les Juifs comme étant des êtres inférieurs et à les mépriser en tant que peuple.

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème du sous-homme?

[64] Dans ses messages à propos des Canadiens d'origine autochtone, proud18 décrit ceux-ci comme étant des [traduction] Sauvages primitifs, des [traduction] sous-hommes [traduction] qui n'ont même pas, collectivement, un quotient intellectuel de un et qui ont plus de valeur comme [traduction] engrais que comme êtres humains vivants. Il décrit les immigrants de couleur comme étant des [traduction] déchets de couleur qui se faufilent jusqu'ici à partir de pays infestés de déchets et il décrit d'une manière générale les personnes de couleur comme étant des déchets. Il traite les Juifs de [traduction] Juifs puants et les Roms de [traduction] sale groupe d'Hindous appelés gitans qui ont souillé les rues de l'Europe et qui font maintenant la même chose au Canada.

[65] WhiteEuroCanadian déclare que les homosexuels [traduction] ne sont pas des êtres humains, ils sont des pervers sexuels.

[66] Ces descriptions peuvent amener les lecteurs à associer les membres des groupes identifiables aux déchets, à la sous-humanité et à la dépravation. En niant tout caractère humain des membres du groupe identifiable, elles créent un climat propice à la fomentation du mépris.

i) Un langage incendiaire et méprisant est utilisé dans les messages afin de créer un climat de haine et de mépris extrême

[67] On a estimé que l'utilisation dans les messages d'épithètes comme nègre, déchet, sale Juif, paki etc., contribuait à la possibilité que les groupes identifiables soient exposés à la haine ou au mépris (Warman c. Winnicki, précitée, par. 80). Dans Warman c. Kulbashian, précitée, aux paragraphes 44 et 45, le Tribunal a conclu que l'utilisation du mot nègre, lequel fait penser à l'esclavage, à la ségrégation et au racisme, est en soi un signe de haine et de mépris à l'égard des personnes de race noire.

[68] Les messages mentionnés dans Warman c. Winnicki, précitée, étaient truffés de jurons et étaient marqués par une colère hystérique. Par exemple, dans l'un de ces messages, l'intimé a écrit ce qui suit :

[traduction]

LES NÈGRES ET LES INDIENS [ressortissants des Indes Orientales] SONT DES MERDEUX!!!! FOUTEZ LE CAMP DE NOTRE CIVILISATION, BANDE DE DÉCHETS!!!!

[69] Le degré de violence et de vulgarité du langage utilisé a contribué à la conclusion du Tribunal que les messages en litige dans cette affaire étaient susceptibles d'exposer les membres des groupes identifiables à la haine ou au mépris.

Le langage utilisé dans les documents en l'espèce crée-t-il un climat de haine et de mépris extrême?

[70] Les messages de proud18 sont truffés d'épithètes comme nègre, paki, sauvage. Dans l'un de ses messages, proud18 déclare que, dans un restaurant, il avait appelé des Autochtones Sauvages et que ceux-ci lui avaient dit que cela était insultant. Proud18 aurait répondu que tant qu'Ottawa donnerait de l'argent des Canadiens de race blanche aux Autochtones, il continuerait de les appeler Sauvages.

[71] Le climat créé par un tel langage et par de tels messages en est un de profond mépris pour l'estime de soi des membres des groupes identifiables. Le mot Sauvage nous ramène à l'époque coloniale de l'Amérique du Nord alors que les Autochtones étaient considérés par la majorité des Européens comme étant tout au plus des êtres humains primitifs. L'utilisation de ce mot profondément insultant alors que l'on sait qu'il est insultant démontre jusqu'à quel point proud18 désire exposer les Autochtones à la haine ou au mépris.

j) Les messages banalisent ou glorifient les persécutions ou les tragédies dont ont été victimes les membres du groupe identifiable dans le passé

[72] Dans Warman c. Kulbashian, précitée, les intimés posaient des devinettes et faisaient des blagues à propos de l'Holocauste. Le Tribunal a conclu que ces devinettes et ces blagues traitaient cruellement à la légère la question du génocide des Juifs dans les camps de concentration nazis. Ceci avait pour effet de déshumaniser les membres du groupe identifiable et de créer un climat de dénigrement qui favorisait la fomentation de la haine et du mépris.

Les documents en l'espèce véhiculent-ils le thème de la banalisation ou de la glorification des tragédies du passé?

[73] Proud18 nie l'existence ou banalise la tragédie de l'Holocauste en le qualifiant de canular, de mensonge perpétué par les Juifs dans le but d'extorquer de l'argent aux non-Juifs. Les messages affichés par proud18 à propos des Asiatiques glorifient les décès qui se seraient produits ainsi que les blessures graves qui auraient été infligées lors d'une lutte de gangs à laquelle auraient participé des Hindous. Le message daté du 4 janvier 2004 intitulé [traduction] Deux morts, quatre blessés, Youppie, décrit les décès et les blessures subis par des Hindous comme étant un résultat heureux. Dans un autre message, proud18 fait des commentaires sur un article paru dans les médias selon lequel un Hindou aurait apparemment transmis le VIH/sida à trois femmes. Proud18 a répondu ceci à propos de cette nouvelle : [traduction] Ça leur apprendra de baiser avec un Hindou. J'espère qu'elles vont l'attraper et rapidement en plus.

[74] En ce qui concerne les Canadiens d'origine autochtone, voici ce que proud18 a écrit : [traduction] Personnellement, je commence à être fatigué de lire qu'une tribu de Sauvages a battu à mort un jeune Blanc parce qu'ils ont perdu leurs terres au profit de nos ancêtres.

[75] La banalisation et la glorification de tragédies passées dans les messages de proud18 créent un climat de dérision et de mépris qui rend les membres des groupes identifiables susceptibles d'être exposés à ces sentiments.

k) Les appels à la violence contre le groupe identifiable

[76] Dans Taylor, précité, à la page 38, le Tribunal a souligné que les messages comportaient des sous-entendus agressifs et qu'ils faisaient de plus en plus appel à la violence contre les minorités canadiennes. Ces appels à la violence étaient fondés sur des messages antérieurs qui tentaient de convaincre les personnes qui les recevaient que les Canadiens de race blanche étaient menacés par des groupes minoritaires et qu'ils devaient se défendre sinon ils couraient le risque d'être victimes d'un génocide racial.

[77] Dans Warman c. Winnicki, précitée, au paragraphe 101, le Tribunal a conclu que les appels à la violence contre les groupes identifiables mentionnés dans cette affaire étaient non seulement susceptibles d'exposer les membres de ces groupes à la haine et au mépris, mais pire encore, ils cherchaient à justifier, à inciter et à légitimer la violence contre les membres des groupes identifiables.

Les messages en l'espèce véhiculent-ils le thème de l'appel à l'action que l'on retrouve souvent dans les messages haineux?

[78] Dans les messages qu'il a diffusés sur stormfront.org, proud18 demande aux lecteurs de relater les expériences négatives qu'ils ont eues avec les Autochtones. L'objectif consiste à persuader les lecteurs de n'éprouver aucune [traduction] sympathie pour ces diables rouges et de passer à l'action. Bien que proud18 ne précise pas ce qu'il veut dire par passer à l'action, le message suivant donne à penser qu'il ne s'agit peut-être pas d'actions de nature pacifique qu'il veut que les lecteurs accomplissent :

[traduction]

Les actes de violence commis par ces sales Sauvages contre des personnes innocentes de race blanche prennent des proportions alarmantes. Nous devons agir sans tarder en vue d'empêcher toute nouvelle agression contre notre race.

[79] L'appel à la violence résonne à nouveau dans un autre message affiché par proud18 :

[traduction]

Les personnes de couleur qui font des enfants dans le seul but d'obtenir des montants d'argent plus importants en prestation d'aide sociale sont celles qui devraient être castrées [...]

[80] Proud18 pose les questions suivantes aux lecteurs de stormfront.org, vraisemblablement dans le but de les motiver à agir :

[traduction]

Ce que j'aimerais demander à ceux qui ne sont pas encore certains de ce qu'ils veulent faire ou ce que les 14 mots d'ordre sont pour eux. Que faudrait-il pour que vous franchissiez la barrière et deveniez un véritable patriote blanc?

Qu'un Noir viole votre épouse ou votre enfant?

Qu'une tribu d'Indiens vous passe à tabac?

Qu'est-ce que ça prendrait? Le bon sens à lui seul ne suffit-il pas pour que vous vous rendiez compte que votre race a besoin que tout le monde se porte à son secours?

J'aimerais également demander à ce moment-ci à ceux qui ont déjà constaté cette réalité et qui ont décidé qu'il valait la peine de se battre pour la race blanche de nous faire partager vos expériences. Si le cur vous en dit.

[81] L'appel à l'action figure en fait dans tous les messages affichés par proud18, notamment dans des déclarations comme la suivante : [traduction] LEVEZ-VOUS ET FAITES QUELQUE CHOSE AFIN DE RÉGLER CE PROBLÈME. J'estime que les messages en l'espèce, lesquels véhiculent le thème de l'appel à l'action, sont très incendiaires et très provocateurs. Non seulement ils sont susceptibles d'exposer les membres des groupes identifiables à la haine et au mépris mais également à des actes de violence. Même si l'appel à l'action qui figure dans les messages affichés par proud18 et WhiteEuroCanadian n'est pas toujours explicitement un appel à l'action violente, il ressort clairement qu'il s'agit d'un appel à une certaine forme de confrontation, de résistance ou d'opposition. Le caractère urgent de ces messages inhibe le jugement et l'ouverture d'esprit. Il diabolise les groupes identifiables, les exposant ainsi à la haine ou au mépris.

(ii) La conclusion tirée par le Tribunal à propos des messages en litige

[82] Les thèmes véhiculés dans les messages haineux sont ce qui les différencient de l'expression légitime, laquelle n'est pas sanctionnée par l'article 13 de la Loi. Tous ces thèmes comportent une attaque contre l'estime de soi et la dignité intrinsèques des membres des groupes identifiables. Pour paraphraser les mots du juge Muldoon de la Cour fédérale, les documents qui véhiculent les thèmes distinctifs figurant dans les messages haineux raillent ou ridiculisent autrui simplement parce qu'il respire, parce qu'il est en vie (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1992] 3 C.F. 155, par. 56).

[83] Les messages en l'espèce véhiculent plusieurs des thèmes distinctifs qui caractérisent les messages haineux. Ils utilisent des histoires prétendument vraies pour justifier la description des membres du groupe identifiable comme étant des êtres inférieurs dangereux et violents qui ne méritent rien de plus que le plus grand dégoût et le plus grand mépris. Ils utilisent des épithètes et des injures racistes dans le but de créer un climat de profond dénigrement et de profond mépris. Ils préconisent l'exile ou la ségrégation des membres des groupes identifiables et exhortent les lecteurs à passer à l'action pour contrer la terrible menace créée par ces personnes.

[84] Pour ces motifs, je conclus que les documents tirés des sites Web stormfront.org et WCFU qui ont été présentés durant l'instruction sur la présente affaire sont susceptibles d'exposer les membres des groupes identifiables à la haine ou au mépris sur la base d'un motif de distinction illicite. Par conséquent, les messages susmentionnés seront ci-après appelés les messages haineux.

C. Question no 3 - L'intimé Peter Kouba a-t-il diffusé les messages haineux?

[85] Le plaignant et la Commission ont affirmé que des éléments de preuve non contredits présentés durant l'audience ont établi que l'intimé Peter Kouba a diffusé les messages haineux présentés durant la présente instruction. La preuve présentée par la Commission était composée du témoignage du sergent Stephen Camp du service de police d'Edmonton, d'un formulaire de déclaration de témoin rempli et signé par l'intimé et d'un témoignage fourni par le plaignant Richard Warman.

(i) Le témoignage du sergent Stephen Camp

[86] Le sergent Stephen Camp a affirmé dans son témoignage qu'il faisait partie de l'unité des crimes haineux du service de police d'Edmonton lorsqu'il a commencé, en 2003, à surveiller le groupe de discussion canadien de stormfront.org, un site Web qu'il a décrit comme étant l'un des principaux sites de propagande haineuse. Il a remarqué qu'un certain nombre de participants du groupe de discussion semblaient habiter à Edmonton ainsi que dans d'autres parties de l'Alberta. Il a donc commencé à surveiller plus attentivement les activités et les discussions de ces personnes. Le sergent Camp a été particulièrement frappé par la fréquence des messages affichés par une personne qui utilisait le pseudonyme proud18 et qui prétendait habiter à Edmonton. Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage qu'il était préoccupé par le caractère extrême de la haine que cette personne éprouvait envers les minorités et les Autochtones d'Edmonton.

[87] Le sergent Camp s'est aperçu que proud18 ainsi que d'autres membres du groupe de discussion canadien de stormfront.org collaboraient en ligne à créer en Alberta un organisme appelé Western Canada for Us qui structurerait à Edmonton les actions politiques des tenants de la suprématie blanche. Le sergent Camp a déclaré que l'unité des crimes haineux du service de police d'Edmonton a donc commencé à craindre que proud18 et d'autres membres du WCFU commettent des actes de violence contre les minorités et les Autochtones de l'Alberta. Pour ce motif, la police d'Edmonton a déclaré personnes à surveiller proud18 ainsi qu'un certain nombre d'autres personnes associées au WCFU. D'intenses travaux d'enquête ont été effectués afin de découvrir les identités de ces personnes.

[88] Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage qu'un certain nombre de techniques d'enquête ont été utilisées afin de découvrir l'identité de proud18. Premièrement, les messages affichés par proud18 ont révélé qu'il vivait à Edmonton, qu'il organisait des rassemblements à Edmonton et discutait de la création en Alberta d'une collectivité pour Blancs qui s'appellerait Whiteville. On a surveillé les rassemblements et les réunions à l'organisation desquels proud18 avait participé. Un de ces rassemblements a eu lieu, en février 2004, à l'auberge Sandman d'Edmonton. À cet endroit, une personne portant le nom de Peter Kouba a parlé de Whiteville et de la stratégie qui serait utilisée afin de commencer à créer Whiteville. Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage que les déclarations faites par Peter Kouba lors du rassemblement concordaient avec les déclarations que proud18 avait faites dans le groupe de discussion de stormfront.org.

[89] Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage que la police a effectué des vérifications informatisées dans le registre des véhicules automobiles et a utilisé d'autres sources de renseignements comme le système de données du CIPC (Centre d'information de la police canadienne) afin de découvrir l'identité de proud18. Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage que grâce au registre des véhicules automobiles, la Police a pu trouver une photo qui correspondait au nom de Peter Kouba. Elle a également pu confirmer que Peter Kouba était l'une des personnes présentes lors des rassemblements et des réunions des tenants de la suprématie blanche organisés par proud18 et d'autres participants au groupe de discussion canadien de stormfront.org.

[90] Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage qu'il a continué à surveiller à tous les jours le site Web stormfront.org afin de savoir si proud18 était en fait Peter Kouba. Le sergent Camp a de plus affirmé dans son témoignage que pendant qu'il surveillait ce qui se passait dans Internet, il a appris que proud18 ainsi qu'une autre personne utilisant le pseudonyme SS-88 collaboraient à la création d'un site Web pour WCFU. Les enquêtes policières ont révélé que SS-88 avait assumé la direction de WCFU ainsi que la direction de l'élaboration principale du site Web. L'enquête a également amené la police d'Edmonton à soupçonner fortement que SS-88 était une personne du nom de Glenn Bahr.

[91] Au début de mars 2004, le sergent Camp a examiné pour la première fois le site Web de WCFU sur Internet. L'un des modérateurs du groupe de discussion de WCFU était une personne utilisant le pseudonyme WhiteEuroCanadian.

[92] Il a déclaré que deux semaines après avoir commencé à surveiller les messages affichés dans les sites Web stormfront.org et WCFU, il lui est apparu évident qu'un désaccord était apparu entre proud18 et les autres membres de WCFU à propos de l'image projetée auprès du public par le site Web de WCFU. Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage qu'il avait lu des messages affichés dans stormfront.org dans lesquels il y avait manifestement désaccord entre proud18 et les autres membres du groupe de discussion à propos de l'utilisation dans le site Web de WCFU de slogans et d'expressions tirés du jargon néonazi. Contrairement à l'opinion de SS-88 et de celui des autres membres du groupe de discussion, proud18 croyait que l'adhésion explicite affichée dans le site Web de WCFU aux valeurs néonazies aurait pour conséquence de désintéresser le citoyen ordinaire de la cause du nationalisme blanc.

[93] Vers la mi-mars 2004, les messages affichés par proud18 ont révélé que celui-ci avait été expulsé du site Web de WCFU parce qu'il n'adhérait pas aux valeurs néonazies partagées par SS-88 et les autres membres de WCFU.

[94] Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage qu'il avait par la suite lu, dans le site Web de WCFU, un message affiché par SS-88, le chef de WCFU, qui était ainsi libellé : [traduction] En raison de désaccords entre WCFU et WhiteEuroCanadian, celui-ci nous a quittés. Ne croyez pas les messages qu'il transmet. Cela a amené le sergent Camp à croire que WhiteEuroCanadian et proud18 étaient la seule et même personne et qu'il s'agissait de pseudonymes utilisés par Peter Kouba.

[95] Suite à ces soupçons, le sergent Camp a décidé, en mars 2004, d'appeler M. Kouba au téléphone pour lui demander de le rencontrer afin de discuter de WCFU et de Glenn Bahr. Le sergent Camp a déclaré que la police d'Edmonton ne voulait plus intenter de poursuites judiciaires contre M. Kouba car elle avait décidé de concentrer ses efforts sur l'obtention d'une déclaration de culpabilité contre Glenn Bahr, lequel, selon la police, était le cerveau de WCFU. Par conséquent, le but visé par le sergent Camp en rencontrant M. Kouba était tout simplement d'obtenir de lui des éléments de preuve contre Glenn Bahr. Compte tenu du désaccord manifeste que le sergent Camp a vu naître entre SS-88 et proud18 dans les sites Web Stormfront et WCFU, il a estimé qu'il était probable que Peter Kouba, lequel était, selon lui, proud18 et WhiteEuroCanadian, consentirait à fournir des renseignements sur Glenn Bahr, lequel, selon lui, était SS-88.

[96] Le sergent Camp a rencontré Peter Kouba le 29 mars 2005. Ils ont eu une conversation simple, de portée large. Le sergent Camp a déclaré qu'il avait confronté M. Kouba avec le fait que, dans stormfront.org, en tant que proud18, il avait tenu des propos très haineux et très méprisants à l'égard des Juifs, des Autochtones et d'autres groupes minoritaires. Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage que M. Kouba avait répondu par l'affirmative, puis qu'il avait ajouté qu'il avait affiché les messages, non pas pour fomenter la haine, mais pour promouvoir le nationalisme blanc. Le sergent Camp a déclaré que, au cours de la rencontre, M. Kouba avait discuté de sa participation au groupe de discussion de stormfront.org sous le pseudonyme proud18.

[97] Au cours de cette même conversation du 29 mars 2005, le sergent Camp a discuté de la participation de M. Kouba, sous le pseudonyme WhiteEuroCanadian, comme modérateur du groupe de discussion de WCFU. Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage que M. Kouba n'a pas nié qu'il avait utilisé le pseudonyme WhiteEuroCanadian sur le site Web de WCFU. De plus, M. Kouba a donné des explications sur sa théorie quant à la manière de diriger WCFU et a expliqué pourquoi les nationalistes blancs ne devraient pas utiliser des slogans et de la propagande néonazis. Il a expliqué que lui et M. Bahr avaient eu des désaccords idéologiques en rapport avec l'adhésion de ce dernier au idéaux néonazis et en rapport avec le fait que M. Kouba ne voulait pas que le nationalisme blanc soit associé par le public aux idéaux néonazis. Il a affirmé au sergent Camp que c'était la raison pour laquelle WhiteEuroCanadian avait été expulsé de WCFU ainsi que de son site Web.

[98] Lors de la réunion du 29 mars 2005, Peter Kouba a rempli et signé un formulaire de déclaration de témoin. Cette déclaration, laquelle était un compte rendu du témoignage que M. Kouba pourrait rendre dans un procès criminel intenté contre Glenn Bahr, a été déposée en preuve le premier jour de l'audience de la présente instance. Dans cette déclaration, Peter Kouba a écrit ce qui suit :

  1. Je n'entretiens aucune relation avec Glenn Bahr, ni avec WCFU.
  2. Lorsque WCFU est apparu sur Internet, G.B. m'a expulsé et j'ai été banni en raison d'importants désaccords sur le plan idéologique. G.B. m'a écarté du site de WCFU.
  3. Je n'exerçais aucune influence quant au contenu du site de WCFU. G.B. exerçait un contrôle complet sur le site.
  4. J'ai quitté en même temps que j'ai été expulsé de WCFU en raison de l'idéologie nazie de G.B. et de son intention de faire du site de WCFU un site haineux.

[99] Lors de l'audience, l'intimé a affirmé au Tribunal qu'il était l'auteur de cette déclaration de témoin.

(ii) Le témoignage présenté par le plaignant et la Commission

[100] Par le biais du témoignage du plaignant, la Commission a soumis des éléments de preuve consistant en des copies de messages qui auraient été affichés par l'intimé Peter Kouba ainsi que par d'autres participants au groupe de discussion de WCFU et au groupe de discussion canadien de stormfront.org. On a fait valoir que le contenu de ces messages concordait avec les déclarations faites par l'intimé dans son formulaire de déclaration de témoin et qu'il confirmait le témoignage du sergent Camp que Peter Kouba, sous les pseudonymes proud18 et WhiteEuroCanadian, était l'auteur des messages haineux en litige dans la présente plainte.

[101] Les messages suivants sont classés sous les allégations de fait qu'ils sont censés étayer.

a) Proud18 vit à Edmonton.

[102] Dans un message affiché sur stormfront.org le 19 octobre 2003, proud18 déclare ce qui suit : [traduction] j'ai vécu à cowtown pendant un certain nombre d'années mais je vis maintenant à Edmonchuck.

[103] Un message affiché le 24 novembre 2003 dans stormfront.org indique que proud18 vit à Edmonton.

b) Proud18 et SS-88 ont travaillé ensemble à la création d'un site Web et d'un organisme voués à la création de Whiteville et à l'appui du nationalisme blanc.

[104] Dans un message affiché sur stormfront.org le 9 février 2004, proud18 déclare ce qui suit :

[traduction]

Nous devons disposer de 130 $CAN si nous voulons créer le site de Whiteville et le rendre opérationnel le plus tôt possible. [...] Je ne vais pas demander l'aumône ici [je ne sais pas si vous en êtes capables] mais si vous pouvez nous aider de quelque façon que ce soit, veuillez communiquer avec moi ou avec SS-88. Merci.

[105] Dans un autre message affiché dans stormfront.org le 2 mars 2004, proud18, en transmettant à SS-88 une proposition concernant la création du site Web de WCFU, déclare ce qui suit : [traduction] SS-88, occupe-toi de cela, tu connais mieux l'informatique que moi.

[106] Le 4 mars 2004, proud18 a affiché le message suivant sur stormfront.org : [traduction] [...] Nous devons compléter la création de ce site le plus tôt possible. Mettez la main sur SS-88 pour obtenir les renseignements quant à savoir comment travailler sur le site. Merci bien.

c) Proud18 adhère à une philosophie du nationalisme blanc qui va à l'encontre de celle des autres membres de WCFU.

[107] Dans un message affiché sur stormfront.org le 30 janvier 2004, proud18 écrit ce qui suit :

[traduction]

Un membre m'a même dit ici que les Blancs ne peuvent être fiers d'être blancs qu'À CONDITION qu'ils acceptent une partie de la philosophie et des idéaux nazis. Ce commentaire à lui seul suffit à faire fuir des milliers de membres éventuels.

Il y en a plusieurs ici que je connais personnellement et qui ont des parents, des amis, des conjoints, des collègues de travail etc. qui sont contre l'immigration, qui sont contre les homosexuels, qui veulent vivre parmi les leurs et aider leur collectivité à prospérer, mais qui hésitent à se joindre à nous ici parce qu'ils veulent être fiers de leur race, parce qu'ils veulent assurer un bel avenir à nos enfants.

Nous convenons tous [je l'espère] que nous partageons également bon nombre, sinon la totalité, de ces idéaux. Nous convenons également que nous serions heureux que ces Blancs se joignent à nous.

Alors, pourquoi les effrayons nous en les accueillant avec un grand salut nazi.

d) Proud18 est expulsé du groupe de discussion de stormfront.org et WhiteEuroCanadian est expulsé de WCFU par SS-88.

[108] Dans un message affiché sur stormfront.org le 19 mars 2004, proud18 déclare ce qui suit :

[traduction]

Après m'être efforcé pendant plus d'un an et demi à convaincre nos amis blancs qu'ils doivent mettre de côté leurs différends et travailler ensemble, j'ai fait venir SS-88 ici pour qu'il nous aide.

Comme il nous a aidés.

Il m'a poignardé dans le dos et, avec l'aide d'une bande de néonazis en herbe, il a manigancé une prise de contrôle hostile de wcfu ainsi que du projet Whiteville.

Je me saigne pour ma race et voilà ce que je reçois en retour.

Je quitte donc wcfu car ce groupe a perdu de vue son objectif premier et est devenu un lieu de fraye néonazi.

[109] Le vendredi 19 mars 2004, SS-88 a affiché le message suivant sur le site Web de WCFU, sous le fil de discussion intitulé WhiteEuroCanadian nous a quittés :

[traduction]

En raison de désaccords avec WCFU, WhiteEuroCanadian nous a quittés. Ne croyez pas les mensonges qu'il transmet.

[110] Un message affiché par proud18 le 2 mai 2004 dans le groupe de discussion de stormfront.org est ainsi libellé :

[traduction]

Par chance que je paye sf à tous les mois. Parce que le groupe wcfu a maintenant lancé un fil de discussion dans lequel il affirme que je suis un animateur de radio. Et maintenant, wcfu a lancé un fil de discussion d'expulsion et le groupe de wcfu a reçu l'ordre de m'expulser de stormfront.

J'ai ennuyé un groupe et maintenant il veut se débarrasser de moi une fois de plus.

Je vis pour ma race blanche et c'est comme ça. Bon sang, ce groupe m'a volé mon site et il ne sera pas content tant que je ne serai pas parti. [...]

[111] Dans la marge gauche du message affiché sur stormfront.org, sous le pseudonyme proud18, on peut lire ce qui suit : Compte fermé.

e) SS-88 est Glenn Bahr

[112] Dans un message affiché en mai 2004 dans le groupe de discussion canadien de stormfront.org, un membre du groupe de discussion, utilisant le pseudonyme TemplarDan, déclare ce qui suit :

[traduction]

Vive le chef suprême!

VIVE BAHR!

[113] SS-88 répond à ce message en déclarant ce qui suit :

AHAH Dan! Arrête ça! WCFU est un groupe! NOUS participons tous! J'ai tout simplement pris l'initiative de le créer. [...]

[114] Le plaignant et la Commission ont affirmé que les messages susmentionnés confirment que Peter Kouba était proud18 ainsi que WhiteEuroCanadian.

(iii) Les explications de l'intimé

[115] Dans son exposé des précisions et sa plaidoirie, l'intimé a nié avoir diffusé les messages haineux en litige sur stormfront.org. Il a prétendu que les messages qu'il a affichés sur stormfront.org ont été modifiés. Il a déclaré que le plaignant a choisi parmi les messages affichés sur les sites Web et n'a présenté que ceux qui avaient été modifiés. Le plaignant n'a pas tenu compte des nombreux messages dans lesquels l'intimé demandait pourquoi ses messages et ses propos étaient modifiés par les administrateurs du site Web.

[116] Dans son exposé des précisions, l'intimé a déclaré qu'il apporterait avec lui à l'audience des copies de ses messages comme moyen de défense. L'intimé n'a pas tenu parole. De plus, il n'a présenté aucun témoignage, ni présenté aucun élément de preuve à l'appui de son allégation que les messages contestés avaient été modifiés ou altérés de quelque façon que ce soit. Comme le Tribunal l'a souligné dans Warman c. Kulbashian, précitée, au paragraphe 115, il ne suffit pas que l'intimé, en présentant une défense de cette nature, fasse de simples suggestions ou de simples insinuations au cours de l'audience. S'il prétend avoir été piégé ou qu'on a modifié ses messages, alors il incombe à M. Kouba de présenter une preuve à l'appui de ces allégations.

[117] M. Kouba a affirmé qu'il ne disposait d'aucun moyen de prouver qu'il n'a pas diffusé les messages parce que les messages qu'il a affichés sur les deux sites Web ont été retirés après qu'il fut exclu de ces sites. On ne peut pas savoir si cela est vrai ou non car aucune preuve n'a été présentée quant à la question du retrait des messages. Toutefois, il existe d'autres moyens grâce auxquels M. Kouba aurait pu prouver qu'il n'a pas rédigé les messages. Par exemple, il aurait pu témoigner sous serment qu'il n'a pas rédigé les messages ou expliquer comment il a appris que les messages avaient été modifiés et expliquer ce qu'il a fait à ce sujet. Il aurait pu également appeler d'autres membres du groupe de discussion canadien de stormfront.org ou de WCFU à témoigner qu'ils avaient remarqué que ses messages avaient été modifiés. La prétention de M. Kouba selon laquelle il était incapable de se défendre contre la plainte sonne faux compte tenu des solutions de rechange qui s'offraient à lui.

[118] Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage que, au cours de la conversation qu'il a eue avec M. Kouba le 29 mars 2005, celui-ci n'a jamais mentionné que quelqu'un avait modifié ou altéré l'un ou l'autre des messages qu'il avait affichés dans le groupe de discussion de stormfront.org ou sur le site Web de WCFU. Le sergent Camp a de plus affirmé dans son témoignage que l'enquête menée par la police d'Edmonton sur les membres de WCFU n'avait permis de découvrir aucune preuve que M. Kouba s'était plaint à l'un ou l'autre des membres de WCFU que ses messages avaient été modifiés.

[119] Compte tenu du fait que l'intimé n'a présenté aucune preuve concernant l'allégation que les messages qu'il a affichés sur le site Web de stormfront.org ont été modifiés et compte tenu du témoignage fourni par le sergent Camp que l'intimé ne s'est pas plaint plus tôt que l'on avait modifié ses messages, je conclus que cette allégation n'est pas fondée.

[120] L'intimé a de plus prétendu, dans ses observations finales, qu'il n'y avait aucune preuve directe qu'il était le diffuseur des messages haineux en litige. Une preuve directe comporterait le témoignage d'un témoin qui a vraiment vu l'intimé diffuser les messages ou un document qui établit directement que l'intimé a diffusé les messages. En contre-interrogatoire, le plaignant a admis qu'il n'a eu aucune connaissance directe quant à savoir si l'intimé avait diffusé les documents contestés. Le plaignant a déclaré que sa conviction que c'était l'intimé qui avait diffusé les messages reposait sur les éléments de preuve circonstanciels qu'il a recueillis au fil du temps.

[121] Il n'existe en droit aucune exigence que les faits en litige soient prouvés par une preuve directe. Dans plusieurs cas, les faits ne peuvent être établis que par la preuve d'autres faits (Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1999), p. 38). C'est ce qu'on appelle la preuve circonstancielle.

[122] Comme il a souvent été souligné dans la jurisprudence en matière de droits de la personne, la discrimination n'est pas une pratique que l'on manifeste ouvertement (voir par exemple : Morin c. Canada (Procureur général) 2005 TCDP 41, par. 191). En fait, il existe très peu de cas où l'on peut prouver directement que la discrimination est pratiquée. Par conséquent, le Tribunal doit souvent tenir compte de l'ensemble des circonstances pour établir s'il y a eu discrimination. Une conclusion de discrimination peut être tirée lorsque les éléments de preuve offerts à l'appui rendent cette conclusion plus probable que les autres conclusions ou hypothèses possibles.

[123] Comme dans de nombreux cas de discrimination, il n'existe aucune preuve directe en l'espèce que l'intimé a diffusé les messages haineux. Par conséquent, pour statuer sur l'identité de proud18 et de WhiteEuroCanadian, le Tribunal doit apprécier les éléments de preuve circonstancielle qui ont été présentés.

[124] Durant l'audience, l'intimé s'est opposé à la présentation d'un certain nombre d'éléments de preuve au motif qu'ils n'étaient pas pertinents et qu'ils constituaient du ouï-dire. Il a également prétendu, à la fin de l'audience, que l'ensemble des éléments de preuve concernant l'identité du diffuseur des messages haineux constituaient du ouï-dire et que, par conséquent, on ne devrait leur accorder que très peu d'importance. À l'audience, j'ai décidé que les éléments de preuve concernant l'identité de l'intimé étaient pertinents et que l'alinéa 50(3)c) de la Loi autorisait le Tribunal à accepter la preuve par ouï-dire. La preuve a été admise pour ce motif.

[125] Le Tribunal est toutefois conscient des faiblesses potentielles de la preuve par ouï-dire. L'une de ces faiblesses potentielles est que la personne qui est censée avoir fait les déclarations constituant du ouï-dire ne soit pas présente à l'audience et que, par conséquent, ses déclarations ne peuvent pas être vérifiées. Un autre problème avec la preuve par ouï-dire est qu'il se peut que sa fiabilité et sa véracité soient douteuses. Le problème des faiblesses de la preuve par ouï-dire peut toutefois être réglé par l'importance que lui accorde le Tribunal lorsqu'il prend sa décision. L'importance qui est accordée à la preuve dépend également, dans une large mesure, de sa valeur probante ou de la mesure dans laquelle elle tend à établir les faits à l'appui desquels elle est présentée.

[126] Une certaine partie de la preuve présentée par la Commission en rapport avec l'identité de l'intimé n'était pas particulièrement fiable ou probante et, par conséquent, je lui ai accordé très peu d'importance. Par exemple, la Commission a produit des copies de messages qui ont été affichés sur stormfront.org concernant la prétendue participation de l'intimé à une tribune radiophonique. Il a été allégué que, dans l'un de ces messages, l'intimé, sous le pseudonyme proud18 a répondu aux déclarations faites par un autre membre du groupe de discussion de stormfront.org que proud18 était Peter Kuda et qu'il avait participé à l'émission radiophonique. Dans le message en question, proud18 a admis ne pas être Peter Kuda et ne pas avoir participé à l'émission radiophonique. Par conséquent, je conclus que la valeur probante de cette preuve est faible et je lui ai accordé peu d'importance.

[127] Toutefois, le témoignage du sergent Camp, le formulaire de déclaration de témoin et les messages affichés sur les sites Web stormfront.org et WCFU présentés dans la section précédente sont très probants et très fiables. Par conséquent, pour les raisons suivantes, j'ai accordé beaucoup d'importance à ces éléments de preuve.

[128] Le sergent Camp a rendu un témoignage crédible quant au fondement de sa conclusion selon laquelle proud18 et WhiteEuroCanadian étaient les pseudonymes utilisés par l'intimé. J'estime que le témoignage du sergent Camp concernant la réunion du 29 mars 2005 est particulièrement pertinent. Au cours de cette réunion, le sergent Camp a évoqué les messages affichés par proud18 sur stormfront.org ainsi que les messages affichés par WhiteEuroCanadian sur le site Web de WCFU. Le sergent Camp a affirmé dans son témoignage que M. Kouba n'a pas nié avoir rédigé ces messages et, que, en effet, il a tenté d'en prouver le bien-fondé en affirmant qu'il les avait rédigés non pas dans le but de fomenter la haine mais dans le but de faire campagne en faveur du nationalisme blanc et de la fierté blanche.

[129] M. Kouba a eu la possibilité de contester le témoignage du sergent Camp en contre-interrogatoire. Il ne l'a pas fait et, en fait, il n'était pas présent le jour où le sergent Camp a témoigné. De plus, il a choisi de ne pas témoigner afin de donner sa version des faits. M. Kouba peut donc difficilement affirmer, au terme de l'audience, que la véracité des propos tenus par le sergent Camp quant à la réunion du 29 mars 2005 n'a pas été vérifiée et que, par conséquent, on devrait leur accorder peu d'importance. Je conclus donc que, selon la prépondérance des probabilités, M. Kouba a fait les déclarations relatées par le sergent Camp dans son témoignage.

[130] Au cours de l'audience, l'intimé a admis avoir rempli le formulaire de déclaration de témoin. Par conséquent, le caractère authentique de cette déclaration est établi. L'intimé a toutefois prétendu que le formulaire de déclaration de témoin ne comprenait aucune admission de sa part qu'il était proud18 ou WhiteEuroCanadian. Je prends note du point soulevé par l'intimé. Toutefois, la valeur probante du formulaire de déclaration de témoin repose sur le fait qu'il établit que Glenn Bahr a expulsé Peter Kouba de WCFU en raison de désaccords de nature idéologique en rapport avec l'adhésion de Bahr à la philosophie néonazie.

[131] Lorsque la teneur du formulaire de déclaration de témoin est comparé aux messages affichés par proud18 sur le site Web stormfront.org, aux messages affichés par SS-88 sur le site Web WCFU, aux déclarations faites par Peter Kouba lors de la rencontre qu'il a eue avec le sergent Camp le 27 mars 2005, il y a de fortes raisons de conclure que Peter Kouba est la personne qui utilisait les pseudonymes proud18 et WhiteEuroCanadian pour transmettre les messages haineux en litige.

[132] Les messages indiquent que proud18 vivait à Edmonton et que lui et SS-88 ont fondé un groupe portant le nom de Western Canada for Us. Peu de temps après que WCFU eut créé son site Web dans Internet, SS-88 a expulsé WhiteEuroCanadian de ce dernier en raison de désaccords de nature idéologique. Proud18 s'est plaint, dans le groupe de discussion de Stormfront, de son expulsion du site Web de WCFU. Cela concorde avec les déclarations faites par l'intimé Peter Kouba dans son formulaire de déclaration de témoin.

[133] Par conséquent, je conclus que les messages qui se rapportent à l'identité de proud18 et de WhiteEuroCanadian sont corroborés par le formulaire de déclaration de témoin. Je leur ai donc accordé beaucoup d'importance.

[134] J'ai également accordé beaucoup d'importance au témoignage du sergent Camp. Celui-ci a rendu son témoignage d'une façon claire, convaincante et directe. Le témoignage du sergent Camp était cohérent et conforme aux autres éléments de preuve présentés en l'espèce.

(iv) La conclusion du Tribunal concernant l'identité du diffuseur des messages haineux

[135] La Commission canadienne des droits de la personne a présenté une preuve crédible qui étaye son allégation que l'intimé, sous les pseudonymes proud18 et WhiteEuroCanadian a diffusé les messages haineux en litige sur Internet. L'intimé n'a pas réussi à fournir une défense probatoire à l'encontre de la preuve faite par la Commission. Donc, pour les motifs susmentionnés, je conclus que la preuve présentée en l'espèce suffit à établir, selon la prépondérance des probabilités, que l'intimé Peter Kouba a diffusé les messages haineux en litige.

V. LE REDRESSEMENT

[136] Le paragraphe 53(2) de la Loi mentionne que si le Tribunal conclut que la plainte est fondée, il peut, sous réserve de l'article 54, rendre une ordonnance contre la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire. Le paragraphe 54(1) énumère les ordonnances qui peuvent être rendues en rapport avec la propagande haineuse. Il englobe, par renvoi, certaines ordonnances qui peuvent être rendues en vertu de l'article 53 dans d'autres cas de discrimination.

[137] La Commission et le plaignant ont demandé ce qui suit :

  1. L'émission d'une ordonnance portant que l'intimé cesse de diffuser des messages comme ceux qui ont fait l'objet de la plainte;
  2. L'émission d'une ordonnance portant que l'intimé paye une pénalité au montant de 7 500 $.

(1) Une ordonnance portant que l'intimé mette fin à la pratique discriminatoire

[138] Le Tribunal ordonne que l'intimé, M. Peter Kouba, mette fin à la pratique discriminatoire qui consiste à diffuser sur Internet, des documents du type de ceux qui ont été jugés en l'instance comme violant le paragraphe 13(1) ou tout autre document essentiellement semblable qui est susceptible d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable pour un motif de distinction illicite.

(2) La sanction

[139] L'alinéa 54(1)c) de la Loi permet au Tribunal d'ordonner à l'intimé dans une instance relative à une plainte tombant sous le coup de l'article 13 dans laquelle la plainte a été jugée fondée de payer une sanction pécuniaire d'au plus 10 000 $. La Commission a demandé que l'on ordonne à l'intimé de payer une sanction pécuniaire de 7 500 $.

[140] En décidant s'il y a lieu d'ordonner à l'intimé de payer une sanction, le Tribunal doit tenir compte des facteurs suivants que le législateur a édictés au paragraphe 54(1.1) :

  1. La nature et de la gravité de l'acte discriminatoire ainsi que des circonstances l'entourant;
  2. La nature délibérée de l'acte;
  3. Les antécédents discriminatoires de son auteur;
  4. La capacité de payer de son auteur.

[141] Je conclus que les nombreux messages haineux en litige qui ont été diffusés au cours d'une période de près de trois ans étaient très méprisants et très préjudiciables. Ils décrivaient les membres des groupes identifiables comme étant infâmes et foncièrement criminels. Ce qui est le plus inquiétant avec les messages de l'intimé, c'est que non seulement ils étaient profondément fanatiques mais ils exhortaient également sciemment et intentionnellement les lecteurs à partager les expériences négatives qu'ils avaient eues avec les membres des groupes identifiables avec les autres lecteurs du groupe de discussion. Ce faisant, l'intimé encourageait les lecteurs à participer à une campagne visant à convaincre le monde blanc que les membres des groupes identifiables ne méritaient rien de plus que la plus grande haine et le plus grand mépris. Cette fomentation active de la haine et du mépris envers les membres des groupes identifiables est fondamentalement incompatible avec l'objet de la Loi canadienne sur les droits de la personne, lequel consiste à favoriser l'existence d'une société dans laquelle personne n'est victime de discrimination et dans laquelle tous jouissent d'une chance égale, et ce, nonobstant ses caractéristiques personnelles comme la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur et l'orientation sexuelle.

[142] Toutefois, rien n'indiquait que l'intimé avait commis dans le passé des actes discriminatoires.

[143] Néanmoins, compte tenu de la nature, des circonstances, de la gravité et du caractère intentionnel de la diffusion en l'espèce, la sanction envisagée de 7 500 $ semble appropriée. L'intimé n'a fourni aucun renseignement au Tribunal quant à sa capacité de payer la sanction envisagée de 7 500 $. Par conséquent, comme l'intimé n'a pas fourni ce renseignement, je conclus qu'il n'y a aucune raison de réduire le montant de la sanction.

[144] Compte tenu de l'ensemble de ces facteurs, j'ordonne à l'intimé de payer une sanction pécuniaire de 7 500 $. Le paiement de la sanction devra être effectué par chèque certifié ou mandat poste à l'ordre du receveur général du Canada et devra être reçu par le Tribunal dans les 120 jours après que l'intimé aura été avisé de la présente décision.

Karen A. Jensen

OTTAWA (Ontario)
Le 22 novembre 2006

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1071/5205

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Richard Warman c. Peter Kouba

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 10 et 11 juillet 2006
Edmonton (Alberta)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 22 novembre 2006

ONT COMPARU :

Richard Warman

Pour lui-même

Giacomo Vigna / Ikram Warsame

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Peter Kouba

Pour lui-même

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.