Tribunal canadien des droits de la personne

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JUGEMENT RENDU LE 6 MAI 1981 DT- 5- 81

DANS L’AFFAIRE DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE S. C. 1976- 77, c 33 tel que modifié Et dans l’affaire d’une audition devant un tribunal des droits de la personne constitué en vertu de l’article 35 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

ENTRE: George E. Richards Plaignant, - et

Le Conseil des ports nationaux Mis en cause

ENTENDU DEVANT: Susan Mackasey Ashley Tribunal

ONT COMPARU:

Richard Murtha Procureur du plaignant et de John Feehan la Commission canadienne des droits de la personne
Douglas Campbell Procureur du mis en cause Fred Crooks Michael Glynn Agent du tribunal

(Traduction- original en anglais) >

Plainte:

La présente audition porte sur une plainte déposée en vertu de l’article 7a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, à savoir, que le Conseil des ports nationaux a exercé de la discrimination à l’endroit de George Richards en refusant de l’employer ou de continuer de l’employer au motif d’un handicap physique.

Certains des faits de la cause sont contestés. La plainte déposée par M. Richards et datée du 6 novembre 1979, se lit comme suit:

Au terme de mon congé de maladie, j’ai été renvoyé de mon emploi à mon insu. Ma lettre indiquant que je faisais une demande de prestations d’incapacité a été interprétée comme un avis de prise de retraite, mais non reconnue comme tel avant le 17 août 1979.

La plainte n’ayant pas été satisfaite au cours de l’étape de conciliation, j’ai été nommée en qualité de tribunal en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne en octobre 1980. L’audition a eu lieu les 19 et 20 février, et les 5 et 6 mars 1981.

FAITS: Les procureurs du plaignant et du mis en cause interprètent respectivement les faits de façon assez différente, bien que certains ne soient pas contestés.

Le 9 août 1978, George Richards, le plaignant, était victime d’une crise cardiaque, plus spécificquement diagnostiquée comme ischémie myocardiaque aiguë. Il était sous les soins du Dr Banks qui agissait à la place du Dr Fraser, le médecin de famille régulier.

> - 2 M. Richards était admis à l’hôpital le 9 août, et y est demeuré environ une semaine. Au moment de sa crise cardiaque, M. Richards occupait le poste d’agent financier du port pour le Conseil des ports nationaux à Halifax. Il était au service du Conseil des ports nationaux depuis 1970, et avait occupé le poste d’agent financier du port depuis 1973. Depuis le début de septembre 1978, M. Richards visitait le Dr Fraser régulièrement. Au cours de son témoignage, le Dr Fraser indiquait qu’il traitait M. Richards depuis quelque temps pour des problèmes cardiaques. Il l’avait également traité pour difficultés oculaires, et l’avait référé à des spécialistes. En janvier 1979, l’on avait pratiqué un cathétérisme cardiaque sur M. Richards à l’hôpital général Victoria de Halifax. Il s’agit d’une méthode de diagnostic qui consiste à injecter un liquide teinté dans les veines. Il était admis à l’hôpital le 16 janvier 1979.

Le 19 janvier 1979, alors que le cathétérisme cardiaque était complété, le Dr Fraser remplissait un formulaire intitulé Déclaration d’incapacité du médecin traitant. Sous la rubrique diagnostic, il avait indiqué que les résultats n’étaient pas encore connus, que l’on venait tout juste de pratiquer un cathétérisme cardiaque sur le patient et que celui- ci était sous traitement pour une condition oculaire. En outre, l’on énumérait sous ladite rubrique: 1) maladie de l’artère coronarienne avec ischémie et angine, et 2) dégénérescence maculeuse.

> - 3 Le formulaire indiquait que le progrès du patient avait régressé. Dans la partie visant l’ampleur de l’incapacité, le Dr Fraser avait indiqué que le patient était maintenant totalement incapable de toute occupation, y compris l’incapacité totale d’effectuer son travail régulier. A la question Quand croyez- vous que le patient pourra recommencer à travailler?, il répondait probablement jamais, et ajoutait qu’il n’était pas un candidat approprié pour un programme de réhabilitation. Il indiquait que le patient avait une capacité fonctionnelle de catégorie 3, ce qui signifie une restriction marquée.

Le 24 janvier 1979, M. Richards écrivait au Conseil des ports nationaux, par l’entremise de M. Ray Beck, Directeur du port de Halifax, indiquant que son médecin de famille l’avait avisé de discontinuer le travail pour cause de santé. Il soulignait qu’il venait tout juste de sortir de l’hôpital et qu’il était encore sous traitement et qu’il ... n’avait d’autre alternative que d’accepter l’avis du Dr Fraser, et ajoutait, ... c’est avec regret que je dois vous aviser que je fais une demande de prestations d’incapacité. Il joignait le formulaire de demande de prestations d’incapacité, la déclaration médicale du Dr Fraser et certaines autres formules. Dans sa lettre, il fait référence à des crédits pour congé de maladie et à un paiement de séparation, faisant à l’égard de ce dernier les commentaires suivants: ... en ce qui concerne le paiement de séparation, j’envisage en placer un montant dans un fonds de retraite (RRSP). Je vous aviserai du nom de la compagnie d’ici une semaine.

> - 4 Il avise également M. Beck qu’il continuera à contribuer au plan de la Croix bleue, et qu’il enverra des chèques postdatés couvrant la contribution au bureau de la paie. Les clés de l’édifice des bureaux principaux et de son propre bureau accompagnent la lettre. A la fin de celle- ci, M. Richards remercie M. Beck de sa ... patience, compréhension et (votre) précieuse coopération lorsque j’occupais le poste d’agent financier du port, sans lesquelles mon travail aurait été des plus difficiles.

La réponse du Conseil à cette lettre est significative. Jusqu’au 17 août 1979, aucune des communications du Conseil au plaignant n’indique que ce dernier aurait démissionné. Bien que toutes ses actions n’aient pas été conformes, aux fins des opérations internes le Conseil semble avoir interprété la lettre comme une démission dès le 29 janvier 1979. J’expose maintenant les détails des réponses du Conseil.

Le 26 janvier 1979, M. Beck écrivait à M. Richards. Le premier paragraphe de cette lettre se lisait comme suit:

Je vous remercie de votre lettre du 24 janvier. Il va sans dire que je comprends très bien que la décision que vous avez dû prendre en était une bien pénible. Je regrette d’apprendre que votre état de santé ne s’est pas amélioré au point où vous puissiez reprendre vos fonctions en qualité d’agent financier du port. Il est à espérer que l’expertise médicale maintenant disponible vous permettra éventuellement de recouvrer votre santé.

> - 5 - Puis la lettre traite des questions soulevées dans celle de M. Richards, c’est- à- dire le paiement en trop relié au congé de maladie, les bénéfices en vertu d’une assurance- vie, le paiement de séparation, et la Croix bleue. Dans le paragraphe de fermeture, M. Beck souligne la contribution de M. Richards aux activités du port au cours des années, et lui offre l’aide dont il est capable pour l’avenir.

Il est à remarquer qu’entre le mois d’août 1978, alors que M. Richards était victime d’une crise cardiaque, et le moment de l’échange de correspondance du mois de janvier 1979, M. David Bellefontaine avait été nomme agent financier intérimaire du port, avec une augmentation salariale correspondante. C’est le 2 octobre 1978, qu’il avait été désigné comme agent intérimaire, prenant effet le 1 août 1978.

Le 29 janvier 1979, M. Beck soumettait un mémo à l’approbation de M. Gerald E. Simmons, gestionnaire exécutif en chef et président de l’administration portuaire du Conseil des ports nationaux à Halifax, visant la nomination d’un remplaçant permanent de M. Richards. Ce mémo recommandait l’approbation de la nomination de David Bellefontaine au poste; une approbation que M. Simmons et un autre membre du comité exécutif donnaient par écrit le 30 janvier 1979. L’on faisait alors circuler un mémo dans le bureau à l’effet que David Bellefontaine était le nouvel agent financier (permanent) du port.

> - 6 D’après la déposition du mis en cause, la lettre de M. Richards datée du 24 janvier était une lettre de démission et M. Beck du Conseil des ports nationaux l’avait interprétée comme telle. Des mesures étaient prises immédiatement pour remplir le poste sur une base permanente, ce qui était réalisé le 30 janvier 1979. M. Richards soutient qu’il n’avait pas l’intention de démissionner et qu’il n’avait pas, en fait, démissionné, et que le Conseil des ports nationaux n’avait pas le droit d’affecter quelqu’un d’autre à son poste sur une base permanente lorsqu’il était évident qu’il n’avait pas démissionné. D’après M. Richards, jusqu’à ce qu’il reçoive une lettre de M. Beck, datée du 17 août 1979, il n’avait pas été avisé qu’il n’avait plus d’emploi.

Deux lettres de M. Beck, datées des 29 janvier et 5 février, au ministère des Approvisionnements et Services, division des prestations de retraite à Ottawa, compliquent davantage la situation. Diverses formules concernant la demande de prestations d’incapacité à long terme dûes à la prise de retraite pour raisons de santé, à compter du 7 février 1979 de M. Richards étaient jointes à la lettre datée du 29 janvier. Néanmoins, le gestionnaire administratif qui signait pour le compte de M. Beck, indiquait dans les termes ci- après dans une lettre datée du 5 février, que M. Richards était en congé sans solde:

L’un de nos employés qui appartient au groupe de la direction, est en congé de maladie approuvé, dû à une condition cardiaque et d’autres problèmes de santé, depuis le 10 août 1978. Ses crédits pour congé de maladie seront épuisés à compter du 6 février 1979, or, à compter du 7 février 1979, nous considérerons cet employé en congé sans solde.

> - 7 Cette lettre se continue en disant que: ... il n’a pas fait de demande de documents en ce qui concerne ses prestations de retraite, et lorsqu’il fut interrogé sur cette question, il refusa de faire part de ses intentions au sujet de la retraite. D’après le rapport de son médecin lors de sa demande de prestations d’incapacité à long terme, son incapacité serait permanente et l’empêcherait de ne jamais pouvoir résumer un travail quelconque.

La lettre continue traitant de questions spécifiques reliées aux pensions et autres sujets. La preuve contenait quelqu’indication à l’effet que cette lettre avait été rédigée par M. D. M. White, adjoint au personnel.

Au moins deux autres pièces internes du Conseil des ports nationaux qui n’ont pas été expédiées à M. Richards, indiquaient que M. Richards n’avait ni pris sa retraite ni démissionné. Dans une formule datée du 30 janvier 1979, et signée par D. M. White, adjoint au personnel, dans l’espace réservé aux remarques il est indiqué que:

Tous les crédits de congé dus à M. Richards seront épuisés à compter de la fermeture des affaires le mardi, 6 février 1979; or, pour la période de paie du 28 janvier au 10 février 197( 8), il aura droit à sept (7) jours de paie seulement. A compter du 7 février 1979, M. Richards sera considéré comme étant en congé sans solde, et ce, jusqu’à nouvel ordre.

Ce genre de note a pour but d’indiquer tout changement dans la qualité du poste de l’employé.

> - 8 Une autre formule datée du 5 février 1979, et signée par M. White, qui est apparemment une pièce soumise à la Commission d’assurance chômage, indique que M. Richards avait arrêté de travailler dû à maladie ou blessure. (D’autres cases qui auraient pu être cochées incluaient retraite, démission ou autre.) La formule indique que la date de retour au travail anticipée est inconnue. La case indiquant ne retournera pas n’était pas cochée. Toutefois, tel que le soulignait M. Réjean Gagnon dans son témoignage, aux pages 500- 501 des transcriptions, il arrive souvent que la raison de l’arrêt de travail soit donnée comme étant la maladie, plutôt que d’indiquer qu’il s’agit d’une démission ou d’une prise de retraite, afin que l’employé puisse bénéficier pleinement de l’assurance chômage.

La preuve démontre nettement que M. White n’a pas l’autorité pour prendre des décisions sur l’embauchage et le congédiement, ou pour accorder un congé sans solde. Jusqu’au niveau de chef de département, c’est à M. Beck que ces décisions incombent. A partir du niveau de chef de département en montant, ces décisions sont prises en dernier ressort par le comité exécutif, dont M. Simmons est président. Il est à remarquer que M. Richards, en sa qualité d’agent financier du port, était désigné comme chef de département. Il semble néanmoins que si M. Richards avait simplement repris le travail après un congé de maladie, un congé sans solde, ou un congé d’incapacité à long terme, M. Beck aurait pu s’occuper de la question lui- même, bien qu’aucune preuve à cet effet n’ait été soumise.

> - 9 Au début de mai, M. Richards était avisé que sa demande d’incapacité à long terme avait été refusée. Le 16 ou 17 mai, il appelait M. Beck et fixait un rendez- vous avec lui. Les témoignages de Messieurs Richards et Beck indiquaient tous les deux que M. Richards avait dit à M. Beck que son incapacité à long terme avait été refusée et qu’il désirait rentrer au travail. Ils s’étaient mis d’accord sur le retour au travail de M. Richards le mardi, 22 mai. Lorsque M. Richards avait demandé qui aviserait M. Bellefontaine, M. Beck avait répondu que M. Richards pourrait le faire. Celui- ci se rendit alors auprès de David Bellefontaine et lui fit part de son retour. Apparemment la nouvelle le bouleversa. M. Richards lui dit qu’un arrangement serait fait afin qu’il ne perde pas son augmentation de salaire, et mentionna la possibilité de créer le poste d’agent financier adjoint du port.

Le fait que le ou vers le 18 mai 1979, M. Beck ait téléphoné à M. Richards lui demandant s’il pourrait retarder son retour de quelques semaines afin que les choses puissent être mises en ordre, n’était pas non plus contesté.

Le 22 mai, M. Beck écrivait à M. Richards demandant qu’une autre formule médicale soit complétée pour indiquer qu’il était capable de résumer ses fonctions auprès du Conseil des ports nationaux. Cette formule était remise au Dr Fraser, puis expédiée à M. Beck. Le Dr Fraser avait signé la formule (pièce R- 5), et avait indiqué que M. Richards était capable de retourner au travail le 4 juin 1979, mais il n’avait fourni aucun autre renseignement dans l’espace réservé aux remarques du médecin.

> - 10 Sur réception du rapport du Dr Fraser, M. Beck avait appelé M. Richards et lui avait dit que la formule médicale soumise par le Dr Fraser était incomplète. Elle indiquait simplement qu’il serait en état de retourner au travail le 4 juin, mais ne contenait aucun commentaire sur son incapacité antérieure ou actuelle. Le ou vers le 4 juin, Messieurs Beck et Richards étaient d’accord que ce dernier voie le médecin du ministère de la Santé et du Bien- être à Halifax. D’après M. Richards (à la page 79): L’entente était à l’effet que si le médecin de la Santé et du Bien- être en venait à la conclusion qu’il était incapable de travailler, il accepterait alors de faire une demande de prise de retraite, par contre, si le médecin en venait à la conclusion qu’il pouvait s’acquitter de ses fonctions, il retournerait au travail immédiatement. M. Richards visitait le Dr Glynn de la Santé et du Bien- être à Halifax le 21 juin, mais dû aux vacances d’été, son rapport (signé par le Dr Sinclair) n’était complété que le 1er août, et M. Beck le recevait peu après. Cette formule indiquait que M. Richards était en état de travailler. N’ayant reçu aucune communication du Conseil des ports nationaux depuis le mois de juin, M. Richards écrivait à M. Beck le 10 aôut 1979 (pièce C- 4), énumérant les événements par ordre chronologique, et lui demandant de clarifier sa position.

> - 11 M. Beck répondait à M. Richards par lettre datée du 17 août. Une partie de cette lettre se lisait comme suit:

Je regrette que la présente question ait pris autant de temps, mais nous n’avions aucun autre choix que de demander des renseignements sur votre état physique actuel. Notre inquiétude était en partie fondée sur les renseignements contenus dans la formule no 424 que votre médecin, F. Murray Fraser, a complétée le 24 janvier 1979, et qui indiquait une incapacité totale de remplir les fonctions de votre poste régulier...

Etant donné que votre propre médecin avait refusé de changer l’évaluation antérieure de votre état, nous n’avions d’autre alternative que de demander une révision du ministère de la Santé et du Bien- être.

Toutes ces démarches se sont avérées très longues. Ce n’est que le 3 août 1979, que nous avons reçu le rapport de l’examen médical général, copie duquel est incluse à votre intention.

J’ai la certitude que vous comprenez pourquoi nous avons accepté votre lettre du 24 janvier 1979, comme un avis d’abandon de travail définitif dû à votre état de santé. Le poste d’agent financier du port étant très important, afin d’assurer l’efficacité continue et le bon fonctionnement du port les tâches essentielles reliées aux finances doivent être effectuées sans interruption sérieuse. C’est pourquoi nous avons rempli le poste immédiatement sur une base permanente, de sorte qu’il n’existe aucun poste vacant au département des finances.

... c’est avec regret que nous devons vous aviser que nous n’avons aucun poste disponible qui vous serait convenable présentement. Toutefois, si un poste devait se libérer, c’est à vous qu’il sera offert...

Dans son témoignage M. Richards affirmait que c’était la première et seule indication que sa lettre du 24 janvier avait été interprétée comme étant une démission, et qu’il était, en fait, sans emploi. C’est à ce moment qu’il obtenait des conseils juridiques et communiquait avec la Commission canadienne des droits de la personne, en alléguant qu’il avait été victime de discrimination fondée sur le handicap physique, c’est- à- dire sa maladie.

> - 12 Il est à remarquer que M. Beck a admis franchement au cours de son témoignage qu’il avait fait erreur lorsqu’il avait dit à M. Richards lors de leur rencontre du mois de mai qu’il pouvait réintégrer le travail le mardi (à la page 252). Seulement M. Simmons, le gestionnaire exécutif en chef du port, et président du comité exécutif, avait l’autorité d’embaucher et de congédier au niveau de chef de département. Immédiatement après la rencontre avec M. Richards, M. Beck avait téléphoné à M. Simmons lui faisant part de ce qui s’était passé. M. Simmons avait avisé M. Beck que le poste avait été comblé sur une base permanente, et avait dit à M. Beck d’informer M. Richards que la date de son retour devait être retardée jusqu’en juin afin d’étudier la situation. En contre- interrogatoire (à la page 322) M. Beck a admis que ... durant cette période nous ne savions pas trop où donner de la tête. M. Simmons témoignait que suite à sa conversation avec M. Beck, il avait appelé le chef du personnel et des relations industrielles du Conseil des ports nationaux à Ottawa, M. Réjean Gagnon, et lui avait demandé des directives dans cette situation. Après avoir pris connaissance de la lettre de M. Richards datée du 24 janvier, M. Gagnon avait avisé M. Simmons que M. Richards avait démissionné et qu’il n’y avait aucun problème (à la page 521). Cette conversation eut lieu le ou vers le 24 juin 1979.

> - 13 Motions

Avant de passer aux points substantifs, nous devons discuter des deux motions qui étaient présentées au tribunal au cours de l’audition. Le 19 février 1981, au début de l’audition, le procureur du mis en cause faisait une motion sur la question de juridiction, alléguant que la formule de plainte signée par M. Richards ne décrivait pas de façon adéquate le fondement de la plainte. Sur cette formule, M. Richards indiquait que la plainte était fondée sur les points suivants:

Au terme de mon congé de maladie, j’ai été renvoyé de mon emploi à mon insu. Ma lettre indiquant que je faisais demande de prestations d’incapacité a été interprétée comme un avis de prise de retraite, mais non reconnue comme telle avant le 17 août 1979.

Le procureur du mis en cause soutenait que la formule de plainte ne contenait pas les détails de l’infraction présumée commise en vertu de la loi. Il était d’avis que le procureur du plaignant avait au moins le devoir de souligner le fondement de la plainte du début de l’audition. En réponse, le procureur du plaignant faisait remarquer que la plainte existait depuis deux ans, qu’il y avait eu plusieurs communications entre le procureur du mis en cause, celui de l’appelant, et la Commission, et que le procureur ne pouvait plus alléguer qu’il ne connaissait pas la nature de la plainte. Il clarifiait le point que la plainte était appuyée sur l’article 7a) de la Loi, en ce que le mis en cause refusait de continuer d’employer M. Richards dû à son handicap physique (à la page 9).

> - 14 Le procureur du mis en cause acceptait cette clarification et se disait satisfait quant à sa motion concernant la juridiction. Je crois que la question a été réglée à cette étape de l’audition.

Suite aux dépositions des témoins du plaignant, le procureur du mis en cause faisait une autre motion visant le renvoi sommaire de la plainte. Il alléguait que la cause du plaignant ne contenait aucune indication de discrimination fondée sur le handicap physique, et qu’elle devrait être renvoyée. D’après M. Campbell, la preuve soumise par le plaignant indiquait clairement qu’il s’agissait d’une lettre de démission. Si le tribunal l’acceptait comme telle, la question était vidée puisqu’il ne pouvait plus y avoir de refus de continuer à employer. M. Murtha, procureur du plaignant plaidait contre la motion au motif que M. Richards n’avait pas envoyé la lettre dans l’intention de démissionner, mais simplement dans le but d’aviser son employeur qu’il ferait une demande d’incapacité à long terme. Il était également d’avis que, dans l’intérêt de la justice naturelle, l’affaire devrait être entendue en entier une fois pour toutes, étant donné qu’elle était devant la Commission depuis déjà si longtemps.

A l’audition, le tribunal refusait d’accorder la motion de renvoi au motif que certaines parties de la preuve indiquaient que la lettre ne constituait pas une démission. Les témoignages des témoins du plaignant, Dr Fraser et M. Richards, ont soulevé certaines questions, mais l’on ne saurait soutenir que le procureur du plaignant n’a présenté

> - 15 aucune preuve qui justifie la plainte. Dans l’intérêt de la justice naturelle et d’une audition équitable, la motion de renvoi était rejetée.

Autorités Les dispositions pertinentes de la Loi canadienne sur les droits de la personne se lisent comme suit:

Art. 7 Constitue un acte discriminatoire le fait a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu, ou b) de défavoriser un employé, directement ou indirectement, pour un motif de distinction illicite. L’article 3 de la Loi énumère les motifs illicites de discrimination:

Art. 3 Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, la situation de famille ou l’état de personne graciée et, en matière d’emploi, sur un handicap physique.

L’article 20 définit le handicap physique: Art 20... handicap physique désigne toute infirmité congénitale ou accidentelle, y compris l’épilepsie, la paralysie, l’état d’amputé, l’atonie, les troubles de la vue, de l’ouïe ou de la parole, et s’entend de la nécessité d’avoir recours à des prothèses ou, notamment, à un fauteuil roulant ou à un chien d’aveugle;

Le procureur ne conteste pas le fait que la maladie de M. Richards entrerait dans la définition de handicap physique de l’article 20.

> - 16 L’article 14 qui traite de la défense à une accusation de discrimination d’emploi, est un autre article pertinent à la présente plainte:

Art. 14 Ne constituent pas des actes discriminatoires a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils sont fondés sur des exigences professionnelles normales;

Il existe diverses méthodes d’interprétation des lois qui ont prévalu à un moment ou un autre, y compris la règle du dommage, l’approche littérale et la soi- disant règle d’or. Toutefois, la méthode la plus généralement acceptée présentement en usage dans les cours canadiennes est celle qu’indiquait M. Elmer Driedger dans The Construction of Statues (Butterworths, 1974, à la page 67):

Il n’existe aujourd’hui qu’un seul principe ou une seule approche, nommément, les mots d’une loi doivent se lire dans leur contexte entier d’après leur sens grammatical et ordinaire, en harmonie avec l’essence de la loi, son objet, et l’intention du Parlement.

L’objet de la Loi canadienne sur les droits de la personne est décrit expressément à l’article 2, qui établit que ... tous ont droit, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur... leurs handicaps physiques;...

>- - 17 La Loi stipule qu’il existe certaines situations dans lesquelles un traitement discriminatoire des individus est acceptable, par exemple, lorsqu’une exigence bona fide est rattachée à un poste. Je suis d’accord avec le tribunal des droits de la personne dans la décision Foreman et al. v. VIA Rail Canada Inc. (1980), 1 C. H. R. R. D97, à l’effet qu’il existe une différence entre les pratiques discriminatoires illicites énumérées dans la Loi et la distinction acceptable entre les individus. Le tribunal disait:

... en lisant la Loi dans son ensemble... nous nous rendons compte qu’elle n’a pas pour objet de créer une présomption qu’un traitement différent constitue en lui- même une discrimination... La Loi ne vise pas à forcer les employeurs à traiter toutes les demandes d’emploi ou les employés de façon identique. (Elle) cherche à assurer une égalité d’emploi fondamentale de concert avec d’autres buts, tels que l’élimination de l’incompétence, du danger, de l’inefficacité et de la frustration dans le travail... (La) Loi envisage la nature spéciale d’un marché de travail et est structurée de façon à en tenir compte. (aux paragraphes 999- 1000)

En ce qui concerne le fardeau de la preuve, il est évident qu’il incombe au plaignant de démontrer par prépondérance de preuve, que la Loi a été enfreinte. Toutefois, ne constituent pas des actes discriminatoires des conditions de l’employeur qui démontre qu’elles sont fondées sur des exigences professionnelles normales. L’article 14 exige que la preuve en soit faite.

La signification d’une exigence professionnelle bona fide était discutée dans Re Ontario Human Rights Commission and City of North Bay (1977) 17 O. R. (2è) 712, à la page 715, et j’accepte cet énoncé de principes:

> - 18 Bona fide est l’expression clé. Des dictionnaires réputés... définissent de façon constante l’expression par un ou plusieurs des termes suivants: honnêtement, de bonne foi, sincère, sans fraude ou duperie, vrai, sans simulation ou prétexte, véridique. Ces termes sous- tendent un motif et une norme subjective. Or, une personne peut croire honnêtement que quelque chose est correct ou juste même si objectivement sa croyance n’est pas du tout fondée et est déraisonnable... Cependant, la question n’est pas vidée pour autant, ni qu’il s’agisse de la seule signification attribuable à l’expression bona fide, car autrement ses normes seraient trop éphémères et varieraient selon l’opinion de chaque employeur (y compris ses préjugés), pourvu qu’il soit honnête en ce qui concerne les exigences d’un emploi, quelque déraisonnable ou insupportable que cette opinion puisse être. Or, un transporteur aérien pourrait croire sincèrement que ses hôtesses de l’air ne devraient pas être plus âgées que 25 ans. Néanmoins, si une telle limitation constituait une exigence d’emploi ou de continuation d’emploi d’une personne, j’ai la certitude qu’elle ne pourrait pas être qualifiée de bona fide... Pourquoi? Parce qu’à mon avis une telle restriction n’a aucun fondement objectif dans la réalité ou dans les faits. En autres mots, quoi qu’il soit essentiel qu’une restriction soit ordonnée ou imposée honnêtement ou avec des intentions sincères, elle doit en plus être supportable en faits et en raison, fondée sur la réalité pratique du monde du travail et de la vie...

Le mis en cause a mentionné qu’il existait dans le présent cas une exigence professionnelle bona fide, à savoir, l’exigence d’une bonne santé, et il a allégué que M. Richards ne répondait pas à cette exigence avant le mois d’août 1979, tel que l’indiquait le rapport du Dr Sinclair. Toutefois, le mis en cause n’invoque pas cette défense au soutien de son cas puisqu’il allègue l’absence totale de discrimination du fait qu’il n’y a eu aucun refus de continuer d’employer (à la page 597). Il soulevait l’existence d’une exigence professionnelle bona fide seulement en tant qu’argument alternatif, et cet argument ne sera discuté que s’il est établi qu’il y a eu, en fait, discrimination.

> - 19 D’après des causes récentes sur les droits de la personne, il semble établi qu’il n’est plus nécessaire de prouver l’intention de discriminer. La discrimination est maintenant évaluée en fonction de ses effets, plutôt qu’en fonction de l’intention ou de la motivation de la violation alléguée. Dans un court commentaire intitulé De l’intention à l’effet: nouvelles normes dans les droits de la personne (From Intent to Effect: New Standards in Human Rights) (1980) 1 C. H. R. R. C/ 1, le professeur William Black expose le déplacement graduel de l’emphase de l’intention du violateur à l’effet de sa conduite sur la personne qui dépose la plainte. Il semble que même si le Conseil des ports nationaux ne voulait pas les conséquences de ses actions, ou peut- être qu’il n’avait pas prévu que sa conduite aurait un effet discriminatoire, s’il est établi qu’un motif illicite de discrimination a défavorisé un individu ou un groupe d’individus, il serait coupable d’avoir violé la Loi canadienne sur les droits de la personne.

En outre, il n’est pas nécessaire de prouver que le motif illicite était le seul facteur déterminant dans la décision qui fait l’objet de la plainte, en autant qu’il constituait l’un des facteurs. (Goyetche v. French Pastry shop Ltd, (1980), 1 C. H. R. R. D/ 124). Dans un article intitulé La législation sur les droits de la personne au Canada: ses origines, évolution et interprétation (Human Rights Legislation in Canada: Its Origins, Development and Interpretation) (1976), 15 U. W. O. Law Rev. 21, I. A. Hunter stipule à la page 32 que:

Les commissions d’enquête canadiennes ont soutenu de façon constante qu’il suffisait que le motif illicite de discrimination soit présent dans l’esprit du mis en cause, sans égard à l’infime rôle qu’il puisse avoir joué dans la décision éventuelle.

> - 20 - Il serait toutefois impossible de soutenir que la simple connaissance d’un handicap ou d’une caractéristique, telle qu’une crise cardiaque dans le présent cas, ou la race ou le sexe dans d’autres cas, constitue de la discrimination. L’on doit prouver que le plaignant a été défavorisé dû au handicap ou à la caractéristique; une défaveur dont il n’aurait pas été victime en l’absence du handicap ou de la caractéristique. Dans la décision Payne v. Calgary Sheraton Hotel (Alberta Board of Inquiry, 1975), le point était exprimé comme suit:

Pour déterminer si une personne a discriminé ou non au détriment d’une autre personne, l’on doit regarder si la personne qui faisait l’action a, de quelque façon que ce soit, volontairement ou involontairement, porté atteinte à la dignité de la personne avec laquelle il traitait.

Preuve Dans le présent cas, afin d’établir si le Conseil des ports nationaux a discriminé à l’endroit de M. Richards, je m’en reporte d’abord à la question de savoir s’il y a eu un refus de continuer à employer, et si M. Richards avait ou non l’intention de démissionner lorsqu’il a fait parvenir sa lettre datée du 24 janvier 1979 à M. Ray Beck, gestionnaire général du port d’Halifax. Le procureur du mis en cause a tenté de convaincre le tribunal qu’il existait plusieurs faits qui, d’après lui, indiquaient qu’il s’agissait d’une lettre de démission. (Voir la déclaration de M. Campbell aux pages 604- 616). Plusieurs de ces facteurs sont des conclusions qu’il a tirées des témoignages qui sont forcément sujets aux constations quant à la crédibilité des divers témoins.

> - 21 Il allègue le fait que M. Richards se préoccupait de la possibilité que M. Noddin, son voisin immédiate et compagnon de travail au Conseil, fasse part à M. Beck de sa démission imminente avant que celui- ci ne reçoive sa lettre, ce qui indiquait que la lettre avait pour but d’annoncer sa démission. Je ne crois pas qu’une telle conclusion doive forcément s’ensuivre. Dans son témoignage M. Richards disait qu’il voulait que l’affaire suive le cours normal, et qu’il croyait qu’il devait transmettre la nouvelle lui- même directement à M. Beck. A mon avis, c’est une explication logique et M. Richards me semble crédible sur ce point. Je n’accepte pas non plus la prétention que le fait que M. Richards ait fait mention de la lettre du 24 janvier comme étant ma lettre d’avis de retraite (pièce R- 7), quelque dix mois après l’avoir écrite, soit concluant. Au cours de l’audition, les mots retraite, congé d’absence, et démission ont été utilisés avec très peu de précision tout au long des témoignages, et je crois qu’il serait injuste d’en conclure que parce que M. Richards a utilisé le mot retraite dans une lettre qui n’était pas destinée à son employeur et qu’il avait écrite plusieurs mois après l’événement, qu’il s’agit d’une preuve qu’il avait bien l’intention de démissionner.

An autre facteur sur lequel le procureur du mise en cause a appuyé est le témoignage de Mme Bellefontaine, épouse de David Bellefontaine, qui aurait entendu M. Richards, à l’occasion d’un dîner de groupe tenu au début de janvier 1979, dire à son mari qu’il entendait quitter le Conseil. En interrogatoire principal, elle témoignait comme suit (à la page 200):

> - 22 Q: Pourriez- vous me dire ce qu’il a dit, s’il a dit quelque chose, en ce qui concerne son emploi auprès du Conseil des ports nationaux?

R: Bien, M. Richards et David se tenaient près du bar en bas dans la salle Rumpus, et Mme Richards aussi, et je me souviens que celui- ci a dit à David de ne pas se préoccuper, que le poste était à lui.

Q: Oui, et à quel poste d’après vous référait- il? R: Le poste de M. Richards. En contre- interrogatoire, Mme Bellefontaine admettait qu’elle était à environ douze pieds de son mari et de M. Richards lorsqu’elle a entendu la présumée conversation et qu’il y avait de la musique. (M. Bellefontaine croyait que la distance qui séparait le sofa où son épouse et Mme Richards étaient assises, et le bar où la supposée conversation aurait eu lieu, était plus près de vingt pieds - à la page 431). En outre, il était manifeste à l’audition que M. Bellefontaine est un homme au parler doux. Bien que je me garde de mettre en doute la crédibilité du témoignage de Mme Bellefontaine, tous ces facteurs, ainsi que le fait que deux années se sont écoulées depuis cette conversation, me portent à accorder peu de poids à ce témoignage.

M. Campbell soutient que le fait que M. Richards admettait qu’il prépare habituellement des brouillons pour ses lettres et que celle du 24 janvier avait fait l’objet de deux brouillons, qu’elle avait été pénible à écrire et qu’il l’avait rédigée avec soin, porte à croire que la lettre avait pour but sa démission. Autrement, de dire M. Campbell,

> - 23 ... s’il c’était agi de faire demande de prestations d’incapacité et rien de plus... (il) ne s’en serait pas trop préoccupé. Je ne suis pas d’avis que c’est là la seule conclusion raisonnable qui puisse en être tirée. M. Richards ferait probablement deux brouillons même pour une lettre dont le seul but est d’aviser qu’il entend faire demande de prestations d’incapacité; il témoignait que c’était pratique courante pour lui de ce faire (à la page 105). Le fait qu’il ait trouvé la lettre pénible à écrire est compréhensible puisqu’il s’agissait d’une demande visant une incapacité à long terme, ce qui signifie une absence prolongée de son emploi; quelque chose qu’il ne ferait que lorsqu’il n’y a que peu, ou aucune, autres options ouvertes.

M. Campbell souligne également que M. Richards connaissait le diagnostic du Dr Fraser lorsqu’il a écrit la lettre, c’est- à- dire qu’il savait qu’il était hors d’état et incapable de travailler. Je ne vois pas pourquoi ceci pourrait servir tant soit peu à établir que la lettre avait pour but une démission, étant donné que M. Richards explicite dans sa lettre qu’il suit le conseil de son médecin de laisser son emploi et de demander un congé d’incapacité à long terme.

M. Campbell soutient que le fait que les crédits de congé de maladie de M. Richards étaient expirés et que celui- ci devait clarifier sa position vis- à- vis le Conseil, indiquent que M. Richards s’étant rendu compte qu’il n’avait aucune autre option, avait décidé de démissionner. Son interprétation de la situation est à l’effet que M. Richards n’a jamais

> - 24 mentionné qu’il demandait un congé sans solde, et que c’est M. Beck qui aurait pu accorder un tel congé, or la lettre de démission s’ensuit. Je soumets respectueusement qu’une autre option était ouverte, à savoir: une demande de congé d’incapacité à long terme tel que l’indique la lettre de M. Richards à sa face même.

M. Campbell allègue que le témoignage de David Bellefontaine à l’effet que M. Richards lui avait fait des remarques encourageantes sur son poste au dîner de groupe, et à une autre occasion alors que M. Bellefontaine discutait de la possibilité d’accepter un poste à Ottawa, appuie l’intention de la lettre. Je ne vois toutefois pas que ces commentaires contredisent l’intention de faire une demande de prestations d’incapacité à long terme. Si telle était son intention, M. Richards aurait su qu’il serait absent du travail pendant quelque temps, peut- être même une année ou plus. Il savait également que David Bellefontaine avait été nommé agent financier intérimaire du port, à compter du 1er août 1978. Il n’aurait eu aucune raison de ne pas encourager David Bellefontaine à demeurer à l’emploi du Conseil à Halifax, puisque sa position en qualité d’agent financier intérimaire du port aurait été assurée dû au fait que M. Richards serait en congé d’incapacité.

Mme Jessie Noddin, épouse de John Noddin, un compagnon de travail et voisin des Richards, a témoigné. M. Noddin est décédé au mois d’octobre 1980. Elle témoignait en partie comme suit (à la page 354):

> - 25 Q: Saviez- vous, en fait, que M. Richards se préparait à écrire une lettre à son employeur au mois de janvier 1979?

R: Non, je ne l’ai appris que plus tard. Q: Quand l’avez- vous appris? R: Mon mari me l’a dit. Q: Lorsque vous discutiez avec votre époux, quelle était votre impression quant à l’intention de cette lettre? R: Bien, en autant que je sache, je croyais qu’il prenait sa retraite. Et plus loin, à la page 359,

Q: Qu’est ce que M. Richards vous a dit, s’il vous a dit quelque chose, au sujet de la demande de David concernant un poste à Ottawa?

R: Il m’a dit, ou plutôt il nous a dit à tous les deux, que l’on avait offert à David un certain poste à Ottawa. Il le ferait, vous savez, il était en train de démissionner ou quitter, je ne sais trop. Je ne pouvais pas voir pourquoi il ne prendrait pas son poste puisqu’il lui faudrait déraciner sa famille et qu’il lui serait tout aussi avantageux d’assumer son poste que d’aller à Ottawa.

Q: Avez- vous eu l’impression que M. Richards conseillait à David de prendre le poste d’Halifax plutôt que celui d’Ottawa?

R: Oui, c’est ce qu’il faisait. D’après le témoignage de Mme Noddin, les rapports entre les deux familles, c’est- à- dire les Richards et les Noddin, n’étaient pas bons quoi qu’il soit difficile d’extrapoler quand et pourquoi les rapports auraient commencé à refroidir. Les deux extraits de témoignages cités indiquent qu’il y aurait eu une présomption ou une impression que M. Richards avait démissionné, plutôt qu’un fait acquis directement de

> - 26 M. Richards à l’effet que c’était, en fait, ce qu’il faisait. L’on ne doit pas accorder trop de crédibilité à des présomptions de la part d’un voisin qui a admis ses mauvais sentiments à l’endroit de M. et Mme Richards.

La preuve est contradictoire en ce qui concerne la question de savoir si M. Richards a ou non demandé à M. Bellefontaine de sortir ses effets personnels (ceux de M. Richards) de son bureau et de les lui amener chez- lui. M. Bellefontaine allègue que la demande lui en aurait été faite à l’occasion du dîner de janvier (à la page 401). Il indique en outre que M. Richards lui avait demandé de le faire discrètement (à la page 433). Son épouse a corroboré son témoignage. Mme Noddin déclarait également qu’elle avait visité les Richards un soir, et que M. Richards lui avait dit que les tableaux qu’elle admirait venaient de son bureau et que c’était M. Bellefontaine qui les lui avait apportés. M. Richards nie avoir demandé à M. Bellefontaine d’enlever ses effets personnels de son bureau, et continue en disant: J’étais très étonné lorsqu’ils furent amenés chez- moi (à la page 125). Que l’on choisisse de croire l’un ou l’autre des témoignages sur cette question, il est douteux qu’il faille en conclure qu’il indique l’existence d’une intention de démissionner. Tel que je l’ai déjà souligné, s’il faisait une demande de prestations d’incapacité à long terme, il aurait prévu une absence prolongée de son travail. Il savait que David Bellefontaine occupait son poste en qualité intérimaire. Le fait de vouloir sortir ses effets de son bureau n’est pas contraire à son intention de demander des prestations d’incapacité plutôt que sa retraite.

> - 27 La dernière preuve selon M. Campbell qui porte à croire à l’existence d’une intention de démissionner, est la lettre du 24 janvier elle- même. Elle stipule que son médecin de famille l’a avisé ... de discontinuer le travail dû à (mon) état de santé. L’utilisation des mots discontinuer le travail est à mon avis significative. M. Richards admettait faire des brouillons de ses lettres et avoir apporté un soin particulier à celle- ci. Il n’a pas utilisé le mot retraite ou abandon, non plus qu’il a fait demande d’un congé d’absence. J’opine qu’il a évité d’utiliser ces mots parce qu’il ne voulait pas que la lettre soit interprétée comme étant une lettre de démission, mais comme une lettre avisant son employeur qu’il demandait des prestations d’incapacité à long terme.

Il dit qu’il ... n’avait d’autre alternative que d’accepter l’avis du Dr F. Murray Fraser et que, par conséquent, c’est avec regret que je dois vous aviser que je fais une demande de prestations d’incapacité en vertu des dispositions du programme de la direction de la Fonction publique. L’intention de cette phrase est sans équivoque et, à moins de la déformer, elle ne peut être interprétée comme signifiant autre chose qu’une demande de prestations d’incapacité à long terme.

Il y joint certaines pièces reliées à sa réclamation, et fait mention du fait que ses crédits de congé de maladie sont expirés et qu’il pourrait être admissible à un paiement de séparation quelconque. Il indique qu’il entend investir les fonds de séparation dans un régime de retraite

> - 28 ( RRSP), et qu’il informerait du nom de la compagnie qui administrera le plan. Il n’a jamais avisé le Conseil du nom de la compagnie. Le fait qu’un paiement de séparation soit habituellement disponible seulement lorsque l’employé cesse de travailler, n’a pas été contesté. Toutefois, M. Richards a témoigné qu’il y avait eu une occasion au port d’Halifax, lors d’une mise à pied de certains débardeurs, où l’Alliance de la Fonction publique leur avait permis d’opter pour le paiement de séparation, même s’ils n’avaient pas abandonné leur emploi. M. Beck ne l’a pas nié, mais a souligné que M. Richards n’était pas membre de l’Alliance de la Fonction publique. Cependant, en contre- interrogatoire, M. Beck parlait comme suit (à la page 286):

Q: Croyez- vous qu’il est possible que M. Richards ait pensé qu’il serait capable de percevoir un paiement de séparation?

R: Pour être juste à son endroit, oui. Bien qu’il s’agisse d’une situation inhabituelle admise, il n’est pas illogique que M. Richards ait pu croire qu’il lui serait permissible d’opter pour un paiement en séparation alors qu’il demandait un congé d’incapacité à long terme. Il a indiqué qu’il était sous l’impression qu’une telle option lui était ouverte, et j’accepte son témoignage sur ce point. Dans la lettre, il mentionnait l’assurance- vie du Conseil ainsi que la Croix bleue. Il voulait continuer à participer à la Croix bleue, étant donné le besoin inévitable de médicaments sur ordonnances dont il aurait besoin dans l’avenir et disait: ... je ferai parvenir douze chèques postdatés chaque année au bureau de la paie couvrant le coût total de participation au plan et le Conseil n’aura rien à payer.

> - 29 Ceci ne me semble pas forcément incompatible avec un avis d’une demande envisagée pour prestations d’incapacité à long terme.

Il joignait deux clés, dont celle de l’édifice principal du Conseil des ports nationaux, et celle du bureau de l’agent financier du port. Au cours de son témoignage, M. Richards indiquait qu’au moment où il écrivait la lettre, il était en congé de maladie depuis déjà plusieurs mois, soit depuis le mois d’août 1978, et qu’il croyait être absent encore pendant longtemps. Il n’en aurait pas besoin durant son conge d’incapacité. Il ne s’est pas contredit sur cette question en contre- interrogatoire.

Dans le dernier paragraphe de la lettre, M. Richards remercie M. Beck de sa patience et compréhension dans le passé alors qu’il occupait le poste d’agent financier du port, en ajoutant: ... sans lesquelles mon travail aurait été des plus difficiles. Le procureur de l’intimé souligne que l’utilisation du temps passé implique que M. Richards ne retournerait pas au travail, et qu’il démissionnerait. M. Richards explique l’utilisation du temps passé, à la page 60:

Q: ... Pourquoi utilisiez- vous le temps passé si vous croyiez faire demande d’assurance d’incapacité?

R: Dans ce contexte j’utilisais le temps passé parce que je n’avais pas occupé le poste, en tout cas je ne l’avais pas occupé physiquement, d’agent financier du port depuis plusieurs mois, à partir du mois d’août jusqu’au mois de janvier, et j’avais l’habitude, bien ce n’est pas une habitude, mais je référais à mon poste avant ma maladie. Je ne pouvais relier ceci à rien d’autre.

> - 30 J’accepte le témoignage de M. Richards sur cette question, et je ne crois pas que l’utilisation du temps passé soit une indication de son intention de démissionner.

Par conséquent, j’en viens à la conclusion que la lettre de M. Richards, datée du 24 janvier 1979, adressée à M. Beck, n’avait pas été écrite dans l’intention de démissionner. Je me demande s’il est nécessaire que ce tribunal aborde la question de savoir si l’employeur avait des motifs raisonnables de traiter cette lettre comme une démission volontaire, sans égard à l’intention avec laquelle elle aurait été écrite. M. Campbell a exhorté le tribunal à considérer le fait que l’employeur serait placé dans une position des plus désavantageuses et injustes s’il ne pouvait pas interpréter une telle lettre comme étant une démission, à la lumière de la formulation de la lettre et des circonstances existantes. Il cite la cause Re Government of British Columbia et British Columbia Government Employees’ Union (1977), 17 L. A. C. (2è) 42, dans laquelle l’arbitre référant à la signification d’une expression comme étant une intention de démissionner, en vient à la conclusion suivante:

Je suis d’avis qu’un employeur serait placé dans une situation complètement désavantageuse et injuste si un employé pouvait donner et retirer sa démission à volonté. Le harcèlement possible dont la direction pourrait être victime serait énorme.

> - 31 Le présent tribunal n’a pas à se pencher sur la question d’établir si l’interprétation de la lettre par le Conseil comme étant une démission volontaire était raisonnable ou non, en autant qu’il puisse établir qu’il ne l’a pas fait de façon discriminatoire. Cette question incombe, soit aux tribunaux civils, soit à un tribunal des relations de travail plus généralement. La juridiction de ce tribunal n’embrasse que les matières de discrimination.

Mise à part l’intention de cette lettre, je me sens contrainte d’en conclure que les fonctionnaires du Conseil des ports nationaux l’ont interprétée, à tort ou à raison, comme une lettre de démission. Plusieurs facteurs me portent à en conclure ainsi. Bien que la lettre d’acceptation de M. Beck, datée du 26 janvier, ne fasse aucune référence spécifique à la retraite, l’ abandon de travail, le congé d’absence, ou l’ incapacité à long terme, et soit de formulation plutôt nébuleuse, certaines actions étaient prises suite à la réception de la lettre de M. Richards et à la lettre en réponse de M. Beck.

L’action la plus importante était peut- être la conversation entre M. Beck et David Bellefontaine qui eut lieu immédiatement, (elle semble avoir eu lieu le même jour que M. Beck écrivait à M. Richards) sur la possibilité que M. Bellefontaine occupe le poste d’agent financier du port sur une base permanente. M. Bellefontaine acceptait l’offre d’emploi, et M. Simmons, président du comité exécutif, approuvait le remplacement permanent de M. Richards le 30 janvier 1979. De plus, le

> - 32 - gestionnaire général faisait parvenir à tous les chefs de département le mémo suivant, daté du 2 février 1979:

La présente a pour but de vous aviser que M. David Bellefontaine a été promu au poste d’agent financier du port à compter du 1er février 1979. Nous comptons sur votre coopération habituelle avec le département des finances et nous vous en remercions.

Après l’échange de correspondance de janvier, il y eut d’autres indices à l’effet que M. Richards n’était plus regardé comme un employé du Conseil. Le courrier adressé à l’agent financier du port n’était plus dirigé à M. Richards chez- lui, et c’est à peu près à cette époque que le Conseil a cessé de diriger ses demandes de renseignements ou conseils à M. Richards. Messieurs Richards, Beck et Bellefontaine l’ont confirmé dans leur témoignage.

Une formule intitulée Changements généraux dans le personnel, soumise en preuve sous la cote R- 12, est un autre facteur. D’après le témoignage de M. Bellefontaine, la formule a pour but de garder le fichier central à jour en ce qui concerne les changements dans la position d’un employé aux fins de la rémunération. Cette formule indique qu’aux fins internes du Conseil, M. Richards n’était plus un employé.

Constatations Sans aucune hésitation, j’en conclus que la lettre de M. Richards, bien qu’elle visait à aviser qu’une demande d’incapacité à long terme serait faite, était interprétée par le Conseil des ports comme étant une

> - 33 démission. Messieurs Beck, Simmons et Bellefontaine l’ont reconnu dans leur témoignage, et corroboré par leurs actions. Etant donné qu’il ne s’agissait pas d’une lettre de démission mais que celle- ci était interprétée comme telle, il s’ensuit que M. Richards s’est vu refusé une continuation d’emploi. Il ne semble certes pas déraisonnable que M. Richards ait assumé, durant la période entre le mois de janvier et le mois d’aout 1979, qu’il était toujours un employé puisque le Conseil ne lui a donné aucun avis contraire avant le 17 août.

Toutefois, le plaignant doit faire une preuve prépondérante à l’effet que le Conseil des ports a non seulement refusé de continuer de l’employer, mais a également discriminé à son endroit au motif de handicap physique. Afin d’en arriver à la constatation de l’existence de discrimination, il n’est pas nécessaire d’établir qu’il y avait intention de discriminer. Il est à remarquer qu’aucune preuve d’une telle intention discriminatoire de la part du Conseil n’a jamais été constatée; en fait, jusqu’au mois d’août 1979, les rapports entre l’employeur et M. Richards semblent avoir été assez cordiaux, et M. Beck a indiqué dans son témoignage que M. Richards était un employé précieux auprès du Conseil.

Dans le présent cas, le fardeau du plaignant n’est pas de prouver que le Conseil a renvoyé M. Richards injustement, ou qu’il l’a traité de façon inéquitable, ou que, suite à une mésentente, il a été défavorisé dans sa qualité d’employé. Il doit prouver qu’il a été victime de discrimination au motif de son handicap physique.

> - 34 D’après la preuve, je ne puis en conclure que le plaignant s’est acquitté de son fardeau, et que la Loi canadienne sur les droits de la personne a été violée. Bien qu’une mésentente soit survenue entre M. Richards et le Conseil des ports nationaux en ce qui touche sa qualité d’employé, il n’existe aucune preuve que le handicap physique a joué un rôle quelconque dans la survenance de la mésentente, ou que le comportement du Conseil a causé une discrimination. Aucune preuve concluante à l’effet que la crise cardiaque de M. Richards en elle- même a entraîné un traitement injuste de la part de son employeur, ou que le Conseil a refusé de continuer de l’employer à cause de la crise cardiaque, nonobstant les difficultés administratives internes, n’a été présentée. (Nous pourrions conjecturer que des événements autres que la maladie auraient pu précipiter une telle mésentente, par exemple, lorsqu’un employé a l’intention de demander un congé sans solde et que l’employeur interprète cette demande comme une démission.) J’en viens à la conclusion que le refus du Conseil de continuer à employer M. Richards était le résultat de facteurs non reliés à la discrimination au motif de handicap physique. Il ne fait aucun doute que les conséquences étaient défavorables, mais je suis incapable d’établir que ces conséquences découlaient d’une violation d’un droit humain, fondée sur un motif stipulé dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. En étant venue à la conclusion qu’aucune discrimination n’a eu lieu, il n’est pas nécessaire de me pencher sur l’existence d’une exigence professionnelle bona fide en vertu de l’article 14.

> - 35 Fondé sur la preuve et sur les raisons discutées aux présentes, je constate que le Conseil des ports nationaux n’a pas discriminé à l’endroit de M. George Richards au motif d’un handicap physique. La plainte est par conséquent rejetée.

J’aimerais faire quelques commentaires en ce qui concerne le traitement des affaires reliées au personnel à l’intérieur du Conseil des ports nationaux à Halifax. Au moment de la plainte, le poste de Directeur du personnel n’existait pas au bureau de Halifax.

Il y avait un poste d’ adjoint du personnel qui était rempli par M. D. M. White. Divers mémos signés par M. White et soumis en preuve, indiquaient que M. Richards était en congé d’absence. Ils incluaient la pièce C- 7, datée du 30 janvier 1979, qui semble être une formule de paie signée par M. White, indiquant que ... A compter du 7 février 1979, M. Richards sera considéré comme étant en congé sans solde, et ce, jusqu’à nouvel ordre, et la pièce C- 8, datée du 5 février 1979, qui est une lettre à l’intention de la signature de M. Beck, mais signée par M. Merrigan, l’agent administratif, et apparemment rédigée par M. White, avisant le ministère des Approvisionnements et Services que ... à compter du 7 février 1979, nous considérerons cet employé en congé sans solde. Il est à remarquer que M. White n’avait pas l’autorité d’embaucher ou de congédier ou d’accorder un congé sans solde, et personne n’a jamais fait allusion à la possibilité qu’il ait pu avoir une telle autorité. Bien que ces deux formules n’étaient utilisées

> - 36 qu’à des fins internes, elles indiquent soit que M. White était incompétent, soit qu’il n’avait pas été avisé de la décision prise à l’endroit de M. Richards.

M. Beck admettait qu’il avait fait erreur lorsqu’il avait avisé M. Richards au cours de leur réunion de mai que celui- ci pourrait reprendre le travail le mardi. Sa franchise devant le tribunal est digne d’éloges, mais je me permets de souligner qu’une personne dans sa position, étant investie de l’autorité de prendre des décisions assez importantes en ce qui touche les employés sous sa juridiction, ne devrait pas avoir induit M. Richards à croire que sa position était encore disponible auprès du Conseil lorsqu’elle avait été offerte sur une base permanente à quelqu’un d’autre au moins quatre mois plus tôt.

L’interprétation de M. Campbell des événements entourant la rencontre de mai se retrouve à la fin de son argumentation (à la page 648), et doit être relevée:

M. Beck, tout humanitaire qu’il est, et toujours désireux d’aider, et particulièrement après que M. Richards lui eût dit vous voyez, je n’ai besoin que d’une couple d’années parce que lorsque j’aurai cinquante ans je pourrai obtenir des prestations de retraite d’incapacité ou des prestations de retraite régulières. A la lumière de ces faits, M. Beck lui disait, Eh bien, je verrai ce que je peux faire. Il dit, Je suis prêt à reprendre le travail. M. Beck dit, Bien, pensons à mardi. C’est une situation dans laquelle M. Beck, étant le gentilhomme qu’il est, ne peut tout simplement pas regarder un homme dans les yeux et lui dire, Il vous faudra aller sur le bien- être. Il ne peut pas le regarder dans les yeux et lui dire cela. Il fait erreur.

> - 37 Dans sa tète il se dit, Nous allons créer un poste pour lui. C’est une organisation d’envergure. Nous allons créer un poste d’adjoint ou quelque chose. Puis il court chez l’agent exécutif en chef pour essayer de lui vendre l’idée de créer un poste, le tout du fond de son coeur. M. Simmons refuse en disant, Non, notre budget ne nous le permet pas. Nous ne pouvons pas le faire, vous feriez mieux d’aviser cet homme que nous ne pouvons pas le faire. Mais M. Beck n’a tout simplement pas le coeur de retourner à lui et de lui dire qu’il est définitivement laissé pour compte... L’on passe alors les prochaines semaines à tenter de contourner les dossiers médicaux. le Dr Fraser fait obstacle, le Dr Glynn fait obstacle, le Dr Sinclair fait obstacle. Finalement, le 1er août, arrive une indication qu’il est en état de travailler. A ce moment- là, M. Beck est tenu de le regarder dans les yeux et de lui dire, J’aimerais réellement vous aider, mais il n’y a tout simplement pas de poste disponible pour vous. En dedans de moi- même j’espère que quelque chose va se libérer ou va être créé, ou peut- être que le budget pourrait être étiré...

Bien que cette déclaration des faits entourant l’événement soit quelque peu exagérée en parties, elle apporte une explication possible au comportement de M. Beck à ce moment. Je n’ai aucun doute que, lors de la rencontre de mai, M. Beck savait qu’il n’y avait pas de poste pour George Richards. Non seulement M. Richards n’en a- t- il pas été avisé, on lui a dit qu’il pouvait reprendre le travail dans quelques jours. Même après son entretien avec M. Simmons sur la question (lequel en avait discuté à son tour avec M. Gagnon à Ottawa), M. Beck n’a pas dit à M. Richards qu’il n’y avait pas de poste pour lui. Il l’a plutôt induit à croire que le seul obstacle à son retour au travail était la clarification de son dossier médical. A cette fin, l’on demandait à M. Richards de visiter le médecin du ministère de la Santé et du Bien- être à Halifax. L’entière procédure ne semble avoir été qu’une tactique de M. Beck pour

> - 38 repousser le jour où il aurait à dire à M. Richards qu’il n’y avait pas de poste pour lui. Ce qui fut finalement fait par lettre datée du 17 août. Ce délai était déraisonnable et extrêmement injuste à l’endroit de M. Richards; l’on pourrait s’attendre à un comportement plus conforme à la conduite des affaires d’une personne dans la position de M. Beck.

Bien que je sois d’avis que le Conseil des ports nationaux aurait dû traiter les questions personnelles reliées à ces événements de façon bien différente, le cas ne tombe pas dans les attributions du présent tribunal.

Je tiens à remercier M. Michael Glynn, l’agent du tribunal, de ses efforts, et féliciter également les avocats impliqués dans la présente audition qui ont présenté des argumentations valables et persuasives.

Daté à Halifax, Nouvelle- Écosse, ce 30è jour d’avril 1981. Susan MacKasey Ashley Tribunal

Appendice ci- joint

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