Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Elizabeth Cannon, Rhoda Godin et Carol Knowles

les plaignantes

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Ressources humaines et développement des compétences Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Edward P. Lustig

Date : Le 31 mars 2011

Référence : 2011 TCDP 7


[1]               Il s’agit d’une ordonnance concernant la requête des demandeurs présentée le 1er février 2011 et modifiée le 8 avril 2011, demandant la communication des documents suivants :

a)   Les registres des congés et des présences d’Attridge, Chase, Chen, Coultis, Fleury, Godin, Knowles, Noah, Noyle et Rodgers de 2005 à ce jour;

b)   Les registres d’heures supplémentaires  pour les plaignants susmentionnés pour la même période;

c)   Les heures supplémentaires disponibles à travailler pour la même période;

d)   Les graphiques de structure hiérarchique à jour pour les enquêteurs, le service à la clientèle, les agents, les conseillers en expertise opérationnelle, les employés de la rémunération et des avantages sociaux, les employés des finances, les employés du centre d’appel;

e)   Une copie non expurgée du courriel de Bill Woods à Tania Maidment du 3 janvier 2010.

[2]               Le 24 mai 2006, Elizabeth Cannon a déposé des plaintes à la Commission, au nom d’un groupe d’employés de l’intimé, dans lesquelles les plaignants soutenaient que l’intimé ne les avait pas accommodés, quant à leurs ententes de travail, en raison de leur situation de famille, de leur sexe et de leur déficience, qui sont des motifs de distinction illicites au sens de l’article 3 de la  Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), lorsqu’il a annulé, entre septembre 2005 et janvier 2006, un programme qui permettait à ces employés soit de travailler à la maison (le télétravail) ou à partir d’un bureau du gouvernement autre que leur bureau attitré (le bureau à la carte). Les plaignants soutiennent qu’ils ont demandé des accommodements parce qu’ils sont des personnes principalement responsables de personnes à charge et que leur situation est telle que le temps de déplacement pour se rendre au travail à tous les jours est, selon leurs allégations, nuisible à leur vie de famille.

[3]               La Commission a renvoyé les plaintes au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) pour instruction le 31 juillet 2009, en application de l’alinéa 44(3)a) de la LCDP.

[4]               Après avoir communiqué par écrit avec les parties le 25 janvier 2011 et après une conférence téléphonique avec les parties, l’intimé a accepté de communiquer aux parties les documents mentionnés aux alinéas 1a), b) et c) de la présente ordonnance, dans la mesure où ces documents existent et que l’intimé les a en sa possession ou contrôle, sous réserve de toute revendication de privilège que l’intimé puisse avoir au sujet de ces documents.

[5]               Compte tenu de ce qui précède, l’intimé a déclaré au paragraphe 20 de ses observations du 15 février 2011 que les seuls documents au sujet desquels le Tribunal doit rendre une ordonnance pour la communication sont ceux demandés aux alinéas 1d) et e) de la présente ordonnance.

[6]               Pour plus de certitude, le Tribunal ordonne à l’intimé de communiquer aux parties les documents demandés par les demandeurs dans la présente requête, soit les documents identifiés aux alinéas 1a), b) et c) de la présente ordonnancem, sans délai.

[7]               Chaque partie a présenté des observations au sujet de la requête en communication en l’espèce.

[8]               Pour l’essentiel, les observations des demandeurs au sujet de la communication par l’intimé des documents précisés aux alinéas 1d) et e) de la présente ordonnance sont les suivantes :

[Traduction] En ce qui a trait à notre demande de graphiques de structure hiérarchique à jour, ces renseignements sont essentiels pour notre cause parce que l’intimé a déclaré dans toutes ses lettres aux plaignants que toute permission de télétravail et de bureau à la carte avait été retirée en 2005. Il est évident que ce n’est pas le cas. Nous demandons ces documents pour prouver que l’intimé a fourni de tels accommodements en milieu de travail à d’autres groupes d’employés; pourtant, il n’accorde pas cet accommodement lorsqu’il est demandé pour des raisons de situation de famille.

En ce qui a trait à notre demande d’une copie non expurgée du courriel entre Bill Woods et Tania Maidment du 3 janvier 2010, nous soutenons :

a)         que dernièrement, l’intimé a soutenu que ce courriel est protégé par le privilège des communications entre client et avocat; cependant, il convient de noter que l’intimé a amplement eu l’occasion de donner ce renseignement précis à l’avocat de la CCDP et des plaignants et au Tribunal lorsque le document a d’abord été demandé en avril 2010.

b)         le document en question n’a pas été préparé par un avocat et, par conséquent, ne peut pas être protégé par le privilège des communications entre client et avocat. Il est particulièrement important de noter que ce document n’a pas été créé pour l’objectif principal de recevoir un avis juridique ou de servir d’appui dans le déroulement d’une instance et que, par conséquent, il devrait faire partie du processus de communication.

[9]               Pour l’essentiel, les observations de l’intimé au sujet de la requête en communication des documents précisés aux alinéas 1d) et e) sont les suivantes :

Les documents précisés à l’alinéa 1d) visent d’autres sections de bureaux au sein de RHDCC et ne comprennent pas de renseignements au sujet du télétravail et du bureau à la carte. Les documents ne sont donc pas pertinents quant à la question de savoir si RHDCC a agi de façon discriminatoire envers les plaignants en raison de leur situation de famille. Même si les documents évoquaient le recours au télétravail et au bureau à la carte dans d’autres sections ou bureaux de RHDCC, ils ne seraient toujours pas pertinents quant à l’affaire en l’espèce et, en particulier, quant à la question de savoir si la situation personnelle des plaignantes donne lieu à  une allégation légitime de discrimination fondée sur le motif de distinction illicite de la situation de famille.

Le document mentionné à l’alinéa 1e) en l’espèce constitue une communication à un avocat par l’agent de RHDCC chargé de répondre aux demandes d’accommodement des plaignantes. La communication a eu lieu pendant la période au cours de laquelle RHDCC évaluait la façon de répondre à ces demandes, dans le contexte d’une instance pendante devant le Tribunal. RHDCC a soutenu avec raison qu’il existait un privilège des communications entre client et avocat au sujet de ce document.

L’intimé a cité divers éléments de la jurisprudence à l’appui de ses arguments au sujet du privilège des communications entre client et avocat. Le 20 mars 2011, l’intimé a déposé des documents révisés au sujet du courriel mentionné à l’alinéa 1e) en l’espèce, qui clarifiaient le fait que ce courriel a été envoyé à l’avocat de l’intimé dans le cadre de la présente instance.

[10]           Pour l’essentiel, les observations de la Commission au sujet de la requête en communication des documents précisés aux alinéas 1d) et e) de l’espèce sont les suivantes :

L’alinéa 6(1)e) des Règles de procédures du TCDP est pertinent quant à la question de la communication :

e)         les divers documents qu’elle a en sa possession – pour lesquels un privilège de non-divulgation est invoqué – et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties en vertu de cette règle;

Dans l’ordonnance au sujet de la communication dans l’affaire Connie Bushey c. Arvind Sharma, 2003 TCDP 5, le Tribunal a établi le principe directeur quant à la communication :

« (4) L’intimé a contesté le fait qu’on ne lui ait communiqué aucune copie du compte rendu du règlement conclu avec les syndicats. Bien que l’intimé ne soit pas représenté par avocat et agisse en son propre nom, je crois comprendre qu’il soutient avoir droit à ce que ce document lui soit communiqué, conformément au paragraphe 6(3) des Règles de procédure provisoires du Tribunal. Ce paragraphe, s’il est lu de concert avec l’alinéa 6(1)d), oblige une partie à fournir aux autres parties une copie de tous les documents en sa possession qui sont pertinents à toute question en cause et pour lesquels aucun privilège de non-divulgation n’est invoqué. Le critère qui s’applique à cet égard consiste en fait à déterminer si les documents en question sont “potentiellement pertinents” à l’égard de l’audience(1) »

En d’autres mots, si l’on peut prétendre que les documents demandés sont pertinents quant aux faits en l’espèce, à la question de la responsabilité ou à la question des dommages‑intérêts, les documents devraient être communiqués.

Les plaignants contestent aussi la qualification d’un document à titre de document protégé par le privilège des communications entre client et avocat.

La Commission n’a pas donné d’opinion au sujet du document qui a été qualifié comme étant protégé par le privilège des communications entre client et avocat.

[11]           Bien que les documents mentionnés à l’alinéa 1d) ne semblent pas, selon leur description, être plus que des graphiques de type organisationnel, le fait que les demandeurs en ont demandé la communication me porte à croire qu’ils pourraient aussi contenir des renseignements qui sont pertinents à la cause. Par conséquent, je souscris aux observations de la Commission et des demandeurs, susmentionnées, qu’il peut être soutenu que les documents sont pertinents et, par conséquent, j’ordonne à l’intimé de communiquer ces documents aux parties sans délai.

[12]           Compte tenu des renseignements supplémentaires que l’intimé a fournis le 15 mars au sujet du document mentionné à l’alinéa 1e), il est clair que ce document a été envoyé à l’avocat de l’intimé et que l’intimé souhaitait l’utiliser dans le présent litige. Par conséquent, j’accepte les observations de l’intimé au sujet de ce document et j’ordonne qu’il n’a pas à être communiqué.

Signée par

Edward P. Lustig

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 31 mars 2011

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1432/5809

Intitulé de la cause : Cannon et autre c. Ressources humaines et développement des compétences Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 31 mars 2011

Comparutions :

Elizabeth Cannon, pour les plaignantes

Giacomo Vigna, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Patrick Bendin, pour l'intimée

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