Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Paul Marchand

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Le Ministère de la Défense nationale

l'intimé

Décision

Membre : Athanasios D. Hadjis

Date : Le 8 février 2011

Référence : 2011 TCDP 3



I.                   Introduction

[1]               Le plaignant, Paul Marchand, est un ancien membre des Forces canadiennes (les FC). En 2007, il a présenté sa candidature à l’intimé, le ministère de la Défense nationale (le MDN), pour l’un des quelques postes à temps plein dotés soit pour une période déterminée, soit pour une période indéterminée de nettoyeurs à la base des Forces canadiennes de Shilo (Manitoba) (la BFC Shilo). Plusieurs femmes ont finalement obtenu les postes et il n’a pas été embauché. M. Marchand soutient que le MDN a refusé de l’employer parce qu’il est un homme. Il soutient qu’en agissant ainsi, le MDN a agi de façon discriminatoire à son endroit au sens de l’alinéa 7a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP).

[2]               Dans la décision qui suit, je conclus que, si je m’en tiens exclusivement à l’interprétation et à la présentation des faits par M. Marchand au sujet des nominations, il a établi une preuve prima facie selon laquelle le défaut du MDN de l’embaucher était discriminatoire. Cependant, après avoir tenu compte de toute la preuve au sujet des nominations, je conclus que le MDN a fourni une explication raisonnable qui n’était pas un prétexte. En particulier, la preuve révèle que les nominations temporaires ont été faites après que M. Marchand eut été éliminé à la présélection en raison de son défaut de démontrer dans sa demande qu’il possédait les qualifications essentielles pour les postes. En ce qui a trait au poste permanent, la preuve démontre que la personne qui a été nommée était la meilleure candidate (ou la « bonne personne ») pour le poste. Le sexe de M. Marchand n’a pas été un facteur dans la décision de ne pas le nommer pour ce poste.

II.                La preuve de M. Marchand

[3]               M. Marchand n’était pas représenté par un avocat et il a été le seul à témoigner pour la partie plaignante à l’audience.

A.                Les antécédents de travail de M. Marchand

[4]               M. Marchand s’est enrôlé dans les FC en 1981 et a été posté à la BFC Shilo pendant la majorité de sa carrière. Il aimait sa carrière militaire, mais il a malheureusement dû prendre sa retraite en 1990 en raison d’un accident de travail. À ce moment, il se considérait chez lui à Shilo et il s’est cherché du travail à la base après son départ des FC.

[5]               Dès qu’il a pris sa retraite, il a travaillé comme nettoyeur à la base pendant environ cinq ans en tout, soit de façon occasionnelle, soit pendant la durée d’un certain nombre de contrats. Son employeur à l’époque était le Centre d’entraînement de l’armée allemande (Shilo) (GATES), un centre qui était géré par l’armée allemande qui utilisait les établissements du MDN à Shilo. Pendant la même période, M. Marchand avait présenté sa candidature à plusieurs postes permanents au sein du MDN à la BFC Shilo, mais il n’avait jamais été nommé. Il croit qu’il y a eu du favoritisme dans ces processus de nomination et il a finalement cessé de présenter sa candidature pour travailler à cette base.

[6]               Après sa première période d’emploi à la base militaire, M. Marchand a commencé à travailler ailleurs dans la région de Shilo et de Brandon, où il a occupé divers emplois. Vers 2005, cependant, il a recommencé à travailler à temps plein comme nettoyeur à la BFC Shilo. Il était employé par une compagnie de nettoyage qui avait des contrats avec le MDN. La compagnie appartenait à Cindy Brown, qui était aussi une employée du MDN à titre de chef des installations de la base à la BFC Shilo. C’est Mme Brown qui a siégé à titre d’expert technique et de gestionnaire au comité d’évaluation qui a effectué les nominations contestées dans la présente plainte.

[7]               Lorsqu’une autre compagnie de nettoyage a repris le contrat de nettoyage en 2006, la compagnie a embauché M. Marchand. En date de l’audience, M. Marchand travaillait toujours pour cette compagnie à titre de superviseur des activités de nettoyage à la BFC Shilo.

B.                 La demande d’emploi de M. Marchand

[8]               En mars 2007, M. Marchand a vu une annonce sur un tableau d’affichage à la BFC Shilo pour trois postes de nettoyeurs à temps plein dotés pour une période déterminée pour le MDN, qui portaient la classification GS‑BUS‑02. L’annonce précisait qu’une personne qui habitait ou qui était employée à Shilo (Manitoba) ou dans un rayon de 100 km de la ville, pouvait présenter sa candidature. Le processus était donc externe et n’était pas limité aux employés travaillant déjà pour le MDN.

[9]               Selon l’annonce, les personnes qui souhaitaient présenter leur candidature devaient le faire de façon informatisée en ligne. Les candidatures présentées sur papier, par télécopieur ou par courrier, n’étaient pas acceptées. M. Marchand a présenté sa candidature en utilisant un ordinateur auquel il a eu accès sur la base. Il a témoigné qu’il avait été incapable de remplir correctement la demande d’emploi parce qu’il ne savait pas utiliser un ordinateur. Il a expliqué que la saisie de renseignements était si compliquée que même les personnes qui savaient utiliser un ordinateur avaient eu de la difficulté à remplir le formulaire en ligne. Il croit que seulement certaines parties de sa demande ont été transmises.

[10]           Les employés des ressources humaines du MDN ont utilisé un tableau généré à partir des renseignements fournis en ligne par les candidats pour déterminer quels candidats seraient retenus à la présélection. M. Marchand a noté que le tableau montre au sujet de sa demande qu’il ne satisfaisait pas aux critères de mérite essentiels de l’expérience dans le nettoyage commercial et dans l’utilisation de divers équipements de nettoyage commercial. Il a témoigné que cette information était clairement fausse, parce qu’au moment où il avait présenté sa candidature, il avait travaillé à la base comme nettoyeur, tant comme employé occasionnel que comme employé d’un entrepreneur, pendant presque deux décennies. M. Marchand a soutenu que cette erreur est une preuve du fait qu’il avait été incapable de remplir sa demande correctement en ligne.

[11]           Après avoir rempli sa demande, comme il se doutait qu’elle était incomplète, M. Marchand s’est rendu au bureau des ressources humaines du MDN pour tenter de présenter une copie papier de son curriculum vitae. Il a rencontré l’agente des ressources humaines Shannon Barnes‑Girouard, qui l’a informé qu’il ne pouvait pas le faire. Il pouvait seulement présenter son curriculum vitae en ligne.

[12]           M. Marchand a été si bouleversé par la réponse du MDN qu’il s’est plaint de cette politique à son député. Plusieurs jours plus tard, Mme Barnes‑Girouard a communiqué avec M. Marchand pour lui expliquer que le système informatique était défectueux et que le MDN acceptait maintenant son curriculum vitae sur papier. M. Marchand croit que le MDN a changé d’avis en raison d’une intervention de son député.

[13]           M. Marchand a donc présenté son curriculum vitae sur papier. Il a ensuite été invité à une entrevue, qui a été menée par Mme Brown, Mme Barnes‑Girouard et une troisième personne, qui n’était pas employée par le MDN, mais plutôt par le Programme de soutien du personnel des Forces canadiennes. M. Marchand a témoigné qu’il avait répondu à plusieurs questions au sujet du nettoyage commercial. Il était d’avis que l’entrevue s’était bien passée. À ce qu’il sache, il avait été le seul candidat dont l’entrevue avait été menée par trois personnes plutôt que deux. Il se demande pourquoi il a ainsi été traité différemment.

[14]           Après l’entrevue, M. Marchand a été informé par certains des nettoyeurs au travail qu’une femme (Dawn Cyr) avait déjà été nommée à un poste permanent de nettoyeur avant même qu’il subisse son entrevue. Il soutient qu’il a toujours soupçonné que Mme Cyr serait embauchée. Il a témoigné que, lorsqu’il a su qu’elle avait été nommée, il s’est rendu au bureau des ressources humaines et a demandé pourquoi il n’avait pas été avisé de l’issue du processus. La preuve montre que cette rencontre a eu lieu le 29 août 2007. Une adjointe aux ressources humaines, Rebecca Moorehead, l’a informé que, bien que l’employeur ne fût pas obligé de l’aviser personnellement de la nomination de Mme Cyr, une lettre au sujet du processus de nomination lui avait en effet été envoyée par courrier plus de deux mois plus tôt, le 6 juin 2007.

[15]           Plusieurs jours après la rencontre, il a reçu une copie de cette lettre, qui l’avisait qu’il s’était qualifié dans le processus de sélection, que son nom avait été placé dans un bassin de candidats qualifiés et qu’on pourrait communiquer avec lui ultérieurement si d’autres postes devenaient vacants. La lettre était accompagnée d’une lettre de présentation signée par Mme Moorehead et datée du 29 août 2007, dans laquelle elle expliquait que son bureau avait, par erreur, interverti les chiffres de la case postale de M. Marchand lorsqu’elle avait envoyé la lettre du 6 juin. Cependant, la lettre n’avait pas été renvoyée au MDN et, par conséquent, personne ne savait qu’il ne l’avait jamais reçue. Les deux lettres ont été déposées en preuve et M. Marchand a confirmé dans son témoignage que l’adresse avait été mal écrite sur la lettre du 6 juin.

[16]           M. Marchand a témoigné que, malgré le fait qu’il fît partie d’un bassin de candidats qualifiés, on n’avait jamais communiqué avec lui pour doter un poste. Cependant, il sait que deux femmes (Amanda Pero et Vicki Carriere) ont été choisies dans le bassin pour travailler de temps à autre de façon temporaire. Il se demande pourquoi Mme Carriere a été choisie, compte tenu du fait qu’elle n’a pas de permis de conduire, ce qui à son avis était une qualification essentielle pour le poste de nettoyeur à la base.

[17]           À sa connaissance, neuf des dix nettoyeurs employés de façon permanente au MDN sont des femmes, et le seul homme prendra sa retraite bientôt. Les seuls autres hommes que M. Marchand a vus au cours des années travaillaient pour GATES, pas pour le MDN. Il a déclaré que, depuis que Mme Brown a commencé à gérer les services de nettoyage pour le MDN à la BFC Shilo, seules des femmes ont été embauchées de façon permanente. Il a reconnu dans son témoignage qu’il ne savait pas combien d’hommes, le cas échéant, avaient présenté leur candidature lors du processus de nomination de 2007 auquel il avait participé, mais il soutient que les hommes, en général, ne se donnent pas la peine de présenter une demande parce qu’ils savent que Mme Brown ne les embauchera pas.

III.             Analyse

A.                Quel est l'état du droit concernant la plainte de discrimination de M. Marchand?

[18]           Constitue un acte discriminatoire, aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), le fait de refuser d’employer un individu en raison de son sexe (article 3 et alinéa 7a)). La partie plaignante doit d’abord établir une preuve prima facie (qui signifie littéralement « à première vue ») de discrimination (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28). En l’espèce, une preuve prima facie doit appuyer les allégations qui ont été formulées et, si on ajoute foi à ces allégations, la preuve doit être complète et suffisante pour justifier qu’un jugement soit rendu en faveur du plaignant en l’absence de réponse de l’intimé. Une fois la preuve prima facie établie, il appartient alors à l’intimé de réfuter les allégations ou de fournir des explications raisonnables.

[19]           Il n’est pas nécessaire que la discrimination soit le seul motif derrière le comportement en question pour que la plainte soit justifiée. Il suffit que la discrimination soit l’un des facteurs qui aient compté dans la décision de l’employeur (Holden c. Compagnie nationale de chemins de fer (1991), 14 C.H.R.R. D/12, au paragraphe 7 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Uzoaba [1995] 2 C.F. 569 (C.F. 1re inst.)).

[20]           Dans Basi c. Compagnie de chemins de fer du Canada (1988), 9 C.H.R.R. D/5029, à la ligne 38481 (TCDP), le Tribunal a déclaré que la discrimination n’est pas une pratique que l’on s’attend à voir ouvertement. Tout tribunal devrait donc tenir compte de l’ensemble des circonstances en vue d’établir s’il se dégage de « subtiles odeurs de discrimination ».

[21]           Les conclusions tirées dans plusieurs décisions illustrent le type de preuve qui est nécessaire pour l’établissement d’une preuve prima facie de discrimination en fonction des circonstances de l'affaire. Dans le cas de plaintes où le plaignant allègue que l'employeur a refusé de lui donner un emploi, la Commission d'enquête de l'Ontario a conclu, dans Shakes c. Rex Pak Ltd., (1981), 3 C.H.R.R. D/1001, à la ligne 8918, qu’une preuve prima facie est établie s’il est démontré :

                     que le plaignant était qualifié pour remplir le poste particulier ;

                     que le plaignant n'a pas été embauché ;

                     qu'une personne qui n'était pas plus qualifiée, mais qui ne possédait pas la caractéristique de distinction, qui est à la base de la plainte en matière de droits de la personne, a obtenu le poste.

B.                 M. Marchand a-t-il établi une preuve prima facie selon laquelle le MDN a commis un acte discriminatoire au sens de l’alinéa 7a) de la LCDP en refusant de l’employer ?

[22]           Je suis convaincu que M. Marchand a établi une preuve prima facie que le refus du MDN de l’employer comme nettoyeur dans le cadre des processus de nomination tenus en 2007 constituait une pratique discriminatoire au sens de l’alinéa 7a) de la LCDP. La preuve qu'il a produite à l'appui de ses allégations, si on y ajoute foi, est complète et suffisante pour qu'un jugement soit rendu en sa faveur en l'absence de réponse du MDN.

[23]           Comme le plaignant a témoigné qu’il avait présenté sa candidature à un poste au MDN, mais qu’il n’a pas été embauché, il est approprié d’appliquer le critère Shakes à l’espèce. En ce qui a trait au premier volet du critère, il existe une preuve convaincante au sujet du fait que M. Marchand est qualifié pour le poste de nettoyeur. Il a témoigné qu’il a travaillé comme nettoyeur dans les installations de la BFC Shilo pendant au moins 15 ans. De plus, le MDN même a confirmé dans sa lettre à M. Marchand qu’il s’était qualifié dans le processus de nomination et que son nom avait été placé dans un bassin de candidats qualifiés à partir duquel on pourrait communiquer avec lui ultérieurement si un poste devenait vacant. Dans ses observations finales, le MDN n’a pas contesté que M. Marchand était qualifié. Je conclus par conséquent que M. Marchand était qualifié pour le poste de nettoyeur.

[24]           En ce qui a trait au deuxième volet du critère Shakes, M. Marchand a témoigné que le MDN ne l’avait pas choisi pour occuper un des postes à temps plein pour une période déterminée ou indéterminée pour lesquels il avait présenté sa candidature.

[25]           En ce qui a trait au troisième volet du critère Shakes, selon la preuve présentée par M. Marchand, la personne qui a été embauchée pour le poste permanent (Mme Cyr) et les autres personnes qui ont été embauchées pour les postes dotés pour une période déterminée sont des femmes. En effet, selon M. Marchand, au cours des 20 dernières années au moins, le MDN n’a embauché que des femmes pour occuper des postes permanents à temps plein de nettoyeur à la BFC Shilo, de sorte que neuf des dix nettoyeurs employés dans ces postes sont des femmes.

[26]           Cependant, M. Marchand doit aussi établir que les femmes qui ont été nommées dans le processus auquel il a participé n’étaient pas plus qualifiées que lui. Les annonces des postes comprenaient un énoncé des critères de mérite essentiels auxquels les candidats devaient satisfaire afin de se qualifier pour le poste. Le comité d’évaluation a conclu que M. Marchand satisfaisait à ces exigences, et son nom a été ajouté au bassin de candidats qualifiés, présumément avec celui de Mme Cyr et ceux des autres femmes qui ont été choisies. Par conséquent, il était au moins aussi qualifié que ces femmes ou, pour paraphraser la décision Shakes, les femmes qui ont été embauchées n’étaient pas plus qualifiées que lui. Je suis convaincu qu’il a été satisfait au troisième critère.

[27]           Par conséquent, je conclus que la preuve présentée par M. Marchand est complète et suffisante pour justifier une décision en sa faveur en l’absence d’une réponse de l’intimé.

C.                Le MDN a-t-il fourni une explication raisonnable justifiant sa décision de ne pas embaucher M. Marchand ?

[28]           Le MDN reconnaît que M. Marchand s’est qualifié dans le bassin pour les postes de nettoyeurs à la BFC Shilo, et qu’il est toujours qualifié, mais qu’il n’a pas encore été nommé. Il reconnaît aussi que les femmes qui ont été embauchées à l’issue des processus de nomination auxquels M. Marchand a participé n’étaient pas plus qualifiées que lui. Cependant, le MDN soutient que le sexe de M. Marchand n’était pas un facteur dans la décision de ne pas lui offrir d’emploi. Le MDN soutient plutôt que ces femmes ont été nommées parce que chacune était la « bonne personne » pour le ministère à l’époque, suivant les règles de dotation applicables dans la fonction publique.

[29]           Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C., 2003, ch. 22, ss. 12, 13 (la LEFP), prévoit que les nominations – internes ou externes – à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique. Comme le Tribunal de la dotation de la fonction publique l’a noté dans sa décision Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au paragraphe 63, la LEFP donne aux gestionnaires un large pouvoir discrétionnaire de choisir, pour la nomination, la personne qui non seulement satisfait aux qualifications essentielles du poste, mais qui est la « bonne personne » en raison des qualifications qui constituent un atout, des besoins actuels ou à venir et des exigences opérationnelles (voir aussi Visca c. Sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, au paragraphe 42).

[30]           Le MDN a déposé en preuve de nombreux documents au sujet des nominations contestées et a appelé plusieurs témoins qui ont participé aux processus de dotation. M. Marchand n’était probablement pas au courant de cette preuve et des subtilités de la dotation de la fonction publique lorsqu’il a déposé sa plainte. Cependant, la preuve soutient l’explication de l’intimé pour le fait qu’il n’a pas embauché M. Marchand et elle montre que l’explication est raisonnable et ne constitue pas un prétexte.

(i)                 Le premier processus de dotation – les postes à temps plein dotés pour une période déterminée

[31]           Au début de l’année 2007, Mme Brown a estimé que plusieurs nettoyeurs supplémentaires devaient être embauchés à la base pour une période déterminée. Mme Barnes‑Girouard, l’agente des ressources humaines, et elle ont lancé un processus de dotation à la suite duquel l’annonce d’emploi que M. Marchand a vue sur le tableau d’affichage a été préparée. Le comité d’évaluation était composé de Mme Brown et de Mme Barnes‑Girouard. Mme Brown a témoigné que le résultat prévu du processus était l’établissement d’un bassin de candidats qualifiés à partir duquel des postes pourraient être dotés.

[32]           L’annonce précisait que trois postes vacants à temps plein d’une durée déterminée devaient être dotés. Les candidats devaient présenter leur candidature au plus tard le 6 mars 2007. L’annonce a été modifiée deux semaines plus tard et l’exigence de posséder un permis de conduire de classe 5 à titre de qualification essentielle pour le poste a été retirée. Par conséquent, les candidats avaient désormais jusqu’au 19 mars 2007 pour présenter leur candidature. Toute personne qui avait répondu à la première annonce était automatiquement incluse dans le processus modifié.

[33]           Un total de 45 demandes ont été reçues, 32 femmes et 13 hommes. Quatorze de ces candidats ont été retenus à la présélection du processus (12 femmes et deux hommes). Le 27 et le 28 mars 2007, le comité a reçu ces candidats en entrevue. Avec l’aide du personnel des ressources humaines, Mme Brown avait élaboré les questions qui ont été posées à tous les candidats. Après les entrevues, le comité a consulté et a vérifié les références des candidats.

[34]           En l’espace d’une semaine, le comité a terminé son évaluation des candidats et, le 4 avril 2007, il a envoyé des lettres à 11 des candidats retenus (neuf femmes et deux hommes), y compris Mme Cyr, Mme Pero et Mme Carriere, les avisant qu’ils satisfaisaient aux qualifications essentielles précisées pour le processus de sélection et que leurs noms avaient, par conséquent, été placés dans le bassin de candidats qualifiés. Ils ont aussi été avisés qu’on pourrait communiquer avec eux s’il y avait des postes à doter.

[35]           Le 12 avril 2007, Mme Barnes‑Girouard a envoyé une lettre à Mme Cyr pour lui offrir le premier des postes que le comité dotait dans le cadre du processus de dotation, pour une période se terminant le 1er février 2008. Les notes d’entrevue du comité ont été déposées en preuve. Les évaluations de Mme Barnes‑Girouard et de Mme Brown au sujet des réponses de Mme Cyr pendant l’entrevue se situaient entre très bon et excellent (les deux classements les plus élevés). Mme Brown a produit les notes des vérifications de référence qui ont suivi l’entrevue et qu’elle a effectuées au sujet de Mme Cyr. Elle a décrit les références comme suit : [Traduction] « elles étaient toutes excellentes ». Mme Barnes‑Girouard a témoigné que Mme Cyr avait démontré à l’entrevue qu’elle était entièrement prête et elle a donné des réponses [Traduction] « solides ».

[36]           Des lettres semblables ont aussi été envoyées le 12 avril 2007 à Mme Pero et à Mme Carriere pour leur offrir une nomination à des postes de nettoyeurs pour une période se terminant respectivement le 14 septembre 2007 et le 1er février 2008. Les notes du comité d’évaluation au sujet de l’entrevue de Mme Pero montrent que ses réponses se situaient entre bon et très bon. Les évaluations des références étaient très bonnes. Les notes d’évaluation au sujet de l’entrevue de Mme Carriere montrent que ses réponses se situaient entre très bon et excellent et ses références étaient aussi très bonnes.

[37]           Mme Brown a témoigné qu’après avoir évalué ces femmes, elle avait conclu qu’elles seraient la bonne personne pour chaque poste. Elle avait été particulièrement impressionnée par leur attitude à l’égard du travail et leur esprit d’initiative, qualités qui avaient été soulevées dans chacune des vérifications de référence. Mme Brown a noté que, pour les postes de nettoyeurs à doter, les employés travaillaient sans supervision, donc le sens de l’initiative d’un candidat était un atout important.

(ii)               La candidature de M. Marchand

[38]           Mme Barnes‑Girouard a témoigné qu’avant la date de fermeture du dépôt des demandes d’emploi, M. Marchand lui avait téléphoné pour lui demander de confirmer que sa demande leur avait bien été transmise. Elle l’a informé qu’il pouvait ouvrir une session sur le site Web de la Commission de la fonction publique (la CFP) et voir l’état de sa demande. S’il avait de la difficulté à trouver les renseignements, il pouvait la rappeler. Elle n’a plus entendu parler de lui avant le 22 mars 2007, trois jours après la date limite de présentation des demandes, lorsqu’il lui a téléphoné pour se plaindre du fait qu’il avait dû présenter sa demande en ligne. Pendant la conversation, elle a vérifié l’état de sa demande en ligne et l’a avisé qu’il n’avait pas été retenu.

[39]           Mme Barnes‑Girouard a expliqué dans son témoignage que comme la demande en ligne de M. Marchand ne décrivait aucune de ses expériences d’emploi, les employés des ressources humaines avaient rejeté sa demande parce qu’elle ne satisfaisait pas aux qualifications d’emploi essentielles pour le poste. Tout ce qu’il avait fourni dans sa demande était une liste de ses employeurs précédents, sans aucune description de ses tâches ou de son expérience de travail.

[40]           Il était évident que M. Marchand était mécontent lorsqu’il a appris qu’il avait été éliminé du processus. Il a dit à Mme Barnes‑Girouard que le processus était injuste et inacceptable et il a ajouté qu’il aviserait son député de la situation.

[41]           Compte tenu de la réaction de M. Marchand, Mme Barnes‑Girouard en a parlé à son superviseur. Comme M. Marchand s’était déjà plaint au sujet du processus en ligne avant la date de fermeture du processus de sélection, le superviseur a décidé de lui permettre de présenter sa demande et son curriculum vitae sur papier. Mme Barnes‑Girouard a communiqué avec M. Marchand pour l’aviser de la décision de son superviseur.

[42]           Mme Barnes‑Girouard a témoigné qu’il n’y avait aucun lien entre la décision du superviseur et une intervention quelconque du député, comme M. Marchand l’avait laissé entendre dans son témoignage. Elle s’est rappelée avoir reçu un appel d’un « ombudsman », à qui un député avait demandé d’examiner le dossier de M. Marchand. Cependant, elle a ajouté que cet appel avait eu lieu bien après que son bureau eut déjà accepté la demande papier de M. Marchand. L’intervention de l’ombudsman n’avait eu aucun effet sur la décision de permettre à M. Marchand de déposer sa demande sur papier.

[43]           Après réception de la copie papier de la demande de M. Marchand, sa candidature a été réévaluée pour la présélection. Le guide de présélection utilisé par le comité d’évaluation mentionne que M. Marchand avait de nouveau négligé de décrire son expérience de travail en détail dans la demande ou de préciser s’il satisfaisait aux exigences essentielles quant à l’expérience de l’utilisation de divers équipements de nettoyage commercial. Mme Barnes‑Girouard a témoigné que Mme Brown avait néanmoins intercédé à ce moment et avait fourni au comité d’évaluation sa connaissance personnelle selon laquelle M. Marchand possédait cette expérience. Le comité avait donc retenu la candidature de M. Marchand.

[44]           Comme M. Marchand était maintenant présélectionné dans le processus de nomination, le comité d’évaluation l’a invité à une entrevue, qui a eu lieu le 24 mai 2007. À ce moment, le MDN avait déjà envoyé à Mme Cyr, Mme Pero et Mme Carriere des lettres leur offrant un emploi.

[45]           Mme Brown a témoigné que, bien que les autres candidats qui avaient participé au processus eussent été interviewés par elle‑même et par Mme Barnes‑Girouard, elle avait demandé à une troisième personne de participer aussi à l’entrevue de M. Marchand et de contribuer à son évaluation. Selon Mme Brown, comme la demande de M. Marchand avait d’abord été rejetée par manque de renseignements et qu’il semblait avoir des préoccupations au sujet de l’intégrité du processus de nomination, elle croyait qu’il se sentirait [Traduction] « plus à l’aise » si une troisième personne était ajoutée au comité d’évaluation. Mme Barnes‑Girouard a ajouté dans son témoignage qu’en raison de ses interactions précédentes avec M. Marchand, lors desquelles il s’était plaint au sujet de la façon dont le processus de nomination se déroulait, et afin de le rassurer quant à la transparence du processus et à l’absence de manigances, il avait été décidé d’ajouter une autre personne au comité d’évaluation pour son entrevue. Mme Moorehead a confirmé à quel point M. Marchand était mécontent du processus d’embauche et a décrit son attitude générale à ce sujet. Elle a témoigné qu’il avait souvent eu une attitude [Traduction] « belliqueuse » lorsqu’il s’était rendu au bureau des ressources humaines et qu’il n’avait pas semblé vouloir écouter les renseignements qu’elle lui avait donnés. Par conséquent, elle ne se sentait pas à l’aise en sa présence et elle a témoigné que lorsqu’il se présentait à son bureau, elle s’assurait que deux de ses collègues gardent leur porte de bureau ouverte afin de surveiller sa rencontre avec lui.

[46]           Les notes que les trois membres du comité d’évaluation ont écrites sur les questionnaires qu’ils ont utilisés pendant l’entrevue de M. Marchand ont été présentées en preuve. Chacun des interviewers a écrit que M. Marchand satisfaisait à toutes les qualifications évaluées par les questions. Cependant, les notes de son entrevue diffèrent grandement de celles écrites par Mme Brown et Mme Barnes‑Girouard au sujet de Mme Cyr, de Mme Pero et de Mme Carriere. Les deux intervieweuses avaient écrit [Traduction] « très bon » et [Traduction] « excellent » dans la marge pour la majorité des réponses de ces trois personnes aux questions. Un tableau de notation qui accompagnait le questionnaire montre que seule une personne qui obtient une note de bon à excellent est considérée avoir satisfait à la qualification requise.

[47]           Mme Brown a témoigné qu’elle ajoutait des notes dans la marge lorsqu’elle considérait qu’un candidat s’était démarqué et avait fourni une très bonne ou une excellente réponse. Dans un même ordre d’idées, comme on peut le voir sur les questionnaires, déposés en preuve, d’une candidate pour laquelle le comité d’évaluation a estimé qu’elle n’était pas qualifiée, Mme Brown avait écrit [Traduction] « faible » à côté des questions pour lesquelles la candidate n’avait pas démontré qu’elle possédait la qualification requise.

[48]           Après l’entrevue de M. Marchand, le comité d’évaluation a effectué la vérification des références. Il avait annexé deux lettres de référence à son curriculum vitae, dont l’une avait été signée par Mme Brown en 1994 au sujet de son travail à cette époque comme nettoyeur à la BFC Shilo. La deuxième lettre provenait d’un ancien employeur dans une industrie qui n’était pas liée à l’entretien des immeubles et elle était datée de 2004. La personne qui avait signé la lettre ne travaillait plus pour cet employeur et le comité avait donc été incapable de la retrouver pour obtenir des renseignements supplémentaires au sujet de M. Marchand.

[49]           Mme Brown et Mme Barnes‑Girouard avaient partagé la tâche de communiquer avec les personnes données en référence pour tous les candidats, en fonction de leur disponibilité respective. Pour cette vérification, le membre du comité d’évaluation posait la série des questions prévues et écrivait les réponses sur le formulaire. Mme Barnes‑Girouard a communiqué avec les trois autres références dont M. Marchand avait donné le nom et a informé le comité d’évaluation des renseignements qu’elle avait recueillis. Elle a témoigné que toutes les références étaient positives et que les commentaires de son gestionnaire actuel étaient particulièrement [Traduction] « forts ». Cependant, l’une des références était liée à un emploi que M. Marchand avait anciennement occupé, 12 ans plus tôt. La troisième référence était une personne qui n’avait pas personnellement supervisé le travail de M. Marchand. Toutes les personnes avec qui Mme Barnes‑Girouard avait communiqué avaient répondu que les compétences de M. Marchand étaient bonnes ou très bonnes en réponse à toutes les questions qu’elle leur avait posées.

[50]           Mme Brown a cependant précisé dans son témoignage que pendant que M. Marchand travaillait pour sa compagnie de nettoyage entre 2005 et 2006, un officier militaire supérieur responsable de l’administration de certaines des installations de la base l’avait avisée qu’un des employés avait déposé des allégations de harcèlement contre M. Marchand. L’incident se serait produit alors qu’il nettoyait la cuisine de la base. À la demande de l’officier, Mme Brown avait affecté M. Marchand à un autre lieu de travail sur la base pendant que l’enquête sur l’incident se déroulait et elle lui avait offert la possibilité de suivre une séance de sensibilisation, aux frais de sa compagnie. M. Marchand avait refusé la formation. Bien que M. Marchand eût reconnu dans son témoignage qu’une plainte de harcèlement avait été présentée contre lui et qu’il avait refusé la formation, il a nié le bien‑fondé des allégations de harcèlement, soutenant qu’il avait simplement été impliqué dans une dispute entre son épouse (qui était une des employées à la cuisine) et les autres [Traduction] « filles » qui y travaillaient. Aucune preuve n’a été présentée au sujet de l’issue de l’enquête.

[51]           En ce qui a trait aux références de Mme Cyr, de Mme Pero et de Mme Carriere, les entrevues ont été effectuées par Mme Brown. Les personnes avec qui elle a communiqué pour les trois femmes ont déclaré que leurs compétences se situaient entre très bonnes et excellentes. Tous les renseignements fournis étaient récents. Ces évaluations se démarquaient de celles de tous les autres candidats, y compris M. Marchand.

[52]           Après avoir terminé l’évaluation de M. Marchand, le comité a estimé qu’il satisfaisait aux qualifications essentielles du processus de nomination. Mme Barnes‑Girouard a envoyé une lettre le 6 juin 2007 pour l’aviser de cette conclusion et du fait que son nom serait placé dans un bassin de candidats qualifiés à partir duquel il pourrait être appelé si des postes devaient être dotés. Il s’agit de la lettre dans laquelle le numéro de case postale de M. Marchand avait été mal écrit (les deux derniers chiffres avaient été intervertis). Comme je l’ai mentionné, Mme Moorehead a témoigné que les employés des ressources humaines n’avaient seulement remarqué l’erreur que lorsque M. Marchand leur avait rendu visite en août pour faire le point sur son dossier, et que c’est alors qu’une copie de la lettre initiale du comité lui a été envoyée.

[53]           Le nom de M. Marchand est toujours dans le bassin des candidats qui se sont qualifiés lors de ce processus de nomination pour des postes temporaires à temps plein et il pourrait toujours être embauché pour doter un poste.

(iii)             Le deuxième processus de nomination – un seul poste permanent à temps plein

[54]           Selon Mme Brown et Mme Barnes‑Girouard, quelques mois après le début du premier processus de nomination, la direction a décidé de combler un poste permanent de nettoyeur, poste qui était occupé par une personne qui allait prendre sa retraite. Comme l’annonce du premier processus de nomination ne mentionnait que des postes à temps plein dotés pour une durée déterminée, il a été décidé de lancer et d’annoncer un processus de nomination distinct pour le poste permanent. Les candidatures pour le deuxième processus devaient être envoyées au plus tard le 20 juin 2007.

[55]           Cependant, la direction a aussi décidé que toutes les personnes qui s’étaient qualifiées pour le premier processus seraient automatiquement présélectionnées pour le deuxième processus. Elles n’auraient pas à présenter leur candidature à nouveau. Mme Barnes‑Girouard a témoigné que ses employés ont communiqué avec les candidats qui étaient déjà dans le bassin, y compris M. Marchand, et leur ont demandé si elles étaient intéressées à participer à l’établissement du deuxième bassin de candidats qualifiés, à partir duquel une nomination à un poste permanent serait effectuée. Mme Barnes‑Girouard a témoigné qu’elle a parlé à M. Marchand et qu’il a souhaité que sa candidature soit incluse dans le deuxième processus. Des douze personnes qui s’étaient qualifiées dans le premier processus, neuf (sept femmes et deux hommes) ont accepté de participer au deuxième processus. Neuf nouvelles candidatures ont été reçues en réponse à l’annonce du deuxième processus (sept femmes et deux hommes), desquelles sept ont été considérées qualifiées (cinq femmes et deux hommes). Par conséquent, un bassin a été établi avec un total de 19 candidats (14 femmes et cinq hommes), y compris M. Marchand, qui étaient qualifiés pour une nomination à des postes de nettoyeurs quel que soit le statut (c.‑à‑d. les postes permanents et les postes dotés pour une période déterminée).

[56]           Le 17 août 2007, après l’établissement définitif du bassin élargi de candidats qualifiés, Mme Brown a écrit un courriel à Mme Barnes‑Girouard et à Mme Moorehead pour confirmer que Mme Cyr serait nommée au poste permanent. Dans ce courriel, Mme Brown exposait le raisonnement suivi pour la nomination. Elle déclarait que la décision était fondée sur les références et sur ses propres [Traduction] « interactions » avec Mme Cyr et que cette dernière serait la [Traduction] « meilleure personne » pour le poste, une référence évidente au principe de la « bonne personne » mentionné dans la jurisprudence au sujet de la dotation dans la fonction publique. Mme Brown a ajouté que la décision était grandement fondée sur l’entregent excellent de Mme Cyr et le fait qu’elle travaillait très bien avec tous les autres nettoyeurs et ses pairs ainsi qu’avec les membres des FC qui résidaient à la base. Mme Brown a aussi noté que l’attitude de Mme Cyr à l’égard du travail était excellent, qu’elle faisait preuve d’une grande initiative, qu’elle avait de bonnes compétences organisationnelles et qu’elle était capable de prioriser. Mme Brown a ajouté qu’elle était très fiable, coopérative et extrêmement consciencieuse. Elle a conclu en déclarant que la candidate était [Traduction] « assurément un atout ».

[57]           Par conséquent, le 23 août 2007, Mme Barnes‑Girouard a envoyé une lettre à Mme Cyr pour lui offrir le poste permanent à temps plein de nettoyeur à la BFC Shilo.

[58]           En résumé, les explications du MDN de ce qui s’est passé lors de la dotation des postes de nettoyeurs à la BFC Shilo en 2007, objet de la plainte de M. Marchand, sont les suivantes :

a)                  M. Marchand a mal rempli sa demande en ligne pour le premier processus de dotation, omettant d’inscrire des renseignements au sujet de son expérience de travail. Par conséquent, il n’a pas démontré qu’il satisfaisait aux qualifications essentielles du poste et il a été éliminé du processus.

b)                  M. Marchand a exprimé son mécontentement quant à l’issue du processus et a soutenu qu’on aurait dû lui permettre de présenter une copie papier de sa demande.

c)                  Le MDN a changé d’avis et a accepté de permettre que M. Marchand réintègre le processus en lui permettant de présenter une copie papier de son curriculum vitae

d)                 À ce moment, le premier processus d’emploi avait suivi son cours normal, les autres candidats avaient été évalués et plusieurs nominations à des postes dotés pour une période déterminée avaient été effectuées.

e)                  Lorsque l’évaluation de M. Marchand a été terminée, il a été retenu dans le bassin de candidats qualifiés, à partir duquel il pouvait toujours être nommé si de nouveaux postes devaient être dotés.

f)                   Lorsque le deuxième processus de nomination a été lancé, pour le poste permanent, M. Marchand a automatiquement été placé dans le bassin de candidats qualifiés, avec tous les autres candidats qui s’étaient déjà qualifiés (des hommes et des femmes).

g)                  Mme Cyr a finalement été choisie pour le poste permanent parce que les résultats de son évaluation étaient exceptionnels et que le comité d’évaluation a conclu qu’elle serait la bonne personne pour le poste, suivant les principes applicables de la dotation dans la fonction publique.

h)                  Alors que les évaluations de Mme Cyr et des autres personnes nommées variaient de bon à excellent, l’évaluation de M. Marchand montrait simplement qu’il satisfaisait aux critères.

i)                    Le sexe de M. Marchand n’était pas un facteur dans les nominations qui font l’objet de sa plainte. En ce qui a trait aux nominations d’avril 2007 aux postes dotés pour une période déterminée, il n’était même pas un candidat en raison de sa demande incomplète. En ce qui a trait à la nomination permanente, Mme Cyr était clairement la meilleure candidate et la bonne personne pour le poste.

[59]           Je conclus que cette explication est raisonnable et qu’elle est entièrement étayée par la preuve. Les impressions de M. Marchand au sujet de la façon dont la dotation des postes dotés pour une période déterminée et du poste permanent s’est déroulée en 2007 étaient évidemment erronées. Les documents qui ont été déposés à l’audience montrent que le MDN a lancé deux processus de nomination distincts. La candidature de M. Marchand n’a pas été retenue pour la première série de nominations parce qu’il avait été éliminé en raison des renseignements inadéquats qu’il avait fournis sur sa demande en ligne. M. Marchand avait des préoccupations véritables et légitimes au sujet du fait qu’il devait présenter une demande en ligne. La CFP semble avoir changé sa politique depuis. Lyle Borden, un agent supérieur de la politique de dotation du MDN, a témoigné que les candidats peuvent maintenant présenter leurs demandes en ligne ou sur papier. Cependant, nonobstant les obstacles créés par la procédure de demande en ligne, il reste que l’exclusion initiale de M. Marchand du processus de nomination n’était pas liée à son sexe, mais plutôt à son défaut de fournir des renseignements essentiels dans sa demande.

[60]           En fait, il a même omis de fournir ces renseignements sur son curriculum vitae sur papier, qu’il a pu présenter plus tard de façon exceptionnelle. La seule raison pour laquelle il a pu être réintégré dans le processus était que Mme Brown avait intercédé en sa faveur et avait personnellement confirmé qu’il satisfaisait aux qualifications essentielles de l’expérience.

[61]           Lorsque le temps est venu de nommer une personne au poste permanent, M. Marchand a automatiquement été placé dans le nouveau bassin de candidats, avec son consentement. La personne qui a été sélectionnée, Mme Cyr, était une candidate exceptionnelle en comparaison avec les autres candidats du bassin, qui était composé tant de femmes que d’hommes. Il convient de noter qu’il a été conclu que Mme Cyr avait un excellent entregent, ce qui a contribué au fait qu’elle était la bonne personne pour le poste. Mme Brown a témoigné qu’il s’agissait d’un point important pour le poste, parce que les employés interagissent souvent avec les personnes qui habitent sur la base et avec les autres employés. À ce sujet, l’impression que Mme Brown avait de Mme Cyr contrastait avec celle qu’elle avait de M. Marchand. Mme Brown était au courant de l’allégation de harcèlement qui avait été déposée contre M. Marchand par le passé et le comité d’évaluation, ainsi que les employés du bureau des ressources humaines, savaient aussi qu’il avait utilisé un ton plutôt agressif lorsqu’il avait exprimé son mécontentement quant à la façon dont le processus de nomination se déroulait. Dans les circonstances, il était plus que raisonnable de conclure que Mme Cyr était la [Traduction] « bonne personne », plus que l’aurait été M. Marchand, en particulier en ce qui a trait à l’entregent.

[62]           M. Marchand a soulevé un certain nombre d’éléments dans la preuve pour soutenir que les explications du MDN ne sont qu’un prétexte pour les actes discriminatoires qui ont été commis contre lui. Par exemple, il s’interroge sur la raison pour laquelle il était le seul candidat pour lequel une troisième personne a participé à l’entrevue. Cependant, les explications fournies tant par Mme Brown que Mme Barnes‑Girouard étaient entièrement raisonnables dans les circonstances. M. Marchand avait soulevé des objections importantes contre l’exigence de présenter sa demande en ligne, exigence au sujet de laquelle il soutenait qu’elle avait des répercussions injustes sur les personnes comme lui dont les aptitudes informatiques étaient limitées. Il s’est interrogé sur le caractère légitime du processus de nomination et a exprimé ouvertement son mécontentement. Il a menacé de téléphoner à son député et il a parlé dans un ton qui a forcé Mme Moorehead à prendre certaines mesures de sécurité lorsqu’il se rendait à son bureau. Compte tenu de ces faits, il était compréhensible que le comité d’évaluation choisisse d’ajouter une troisième personne pour donner à M. Marchand plus de confiance envers la transparence du processus.

[63]           De plus, M. Marchand a laissé entendre que Mme Brown avait nommé Mme Cyr et les autres femmes parce qu’elles étaient ses amies. Pourtant, il a mentionné qu’il se considérait comme l’un des amis de Mme Brown lui aussi. Il faut s’attendre à ce que, dans ce qui semble être un effectif de taille modeste de nettoyeurs à la base, une certaine amitié se développe. Néanmoins, même si Mme Brown avait fait preuve de favoritisme personnel envers Mme Cyr ou l’une des autres candidates choisies, cela ne contribue pas à la conclusion selon laquelle le sexe était un des facteurs menant aux nominations.

[64]           M. Marchand a aussi soulevé dans son témoignage des doutes quant à l’embauche de Mme Carriere, alors qu’elle ne possède pas de permis de conduire. Cependant, il est possible qu’il n’ait pas été au courant du fait que l’énoncé de critère de mérite pour les postes dotés pour une période déterminée avait été modifié deux semaines après la première annonce d’emploi. Mme Barnes‑Girouard a témoigné que la détention d’un permis de conduire avait été convertie d’une condition essentielle d’emploi à un besoin opérationnel, ce qui signifiait que la nécessité de posséder un permis dépendait des besoins du poste particulier à doter. Mme Barnes‑Girouard a témoigné que ce changement n’a pas été effectué en vue de favoriser une personne en particulier. La gestion l’avait avisé que les postes de nettoyeurs à la base ne nécessitaient pas tous la détention d’un permis de conduire. Mme Brown a confirmé dans son témoignage que dans les dernières années, les nettoyeurs avaient été affectés à du travail à moins d’endroits sur la base. Par conséquent, la capacité de conduire d’un lieu à un autre n’était plus nécessaire pour effectuer le travail. Mme Barnes‑Girouard a déclaré que l’exigence a donc été retirée des qualifications essentielles parce qu’en la maintenant, des candidats possibles qui n’avaient pas de permis se seraient [Traduction] « éliminés » eux‑mêmes du processus et auraient décidé de ne pas présenter leur candidature. Elle a ajouté que la modification à des annonces pour ce type de raison n’est pas inhabituelle dans un processus de dotation, un point que M. Borden a répété dans son témoignage. Par conséquent, comme la possession d’un permis de conduire n’était plus une qualification essentielle, Mme Carriere pouvait se qualifier pour le poste.

[65]           Enfin, il convient aussi de mentionner que M. Marchand a soulevé des questions au sujet des obligations du MDN de promouvoir l’équité en matière d’emploi dans son effectif. Les annonces pour les postes de nettoyeurs mentionnaient que les nominations pouvaient se limiter à la sélection de membres de groupes désignés d’équité en matière d’emploi (les Autochtones, les membres de groupes de minorité visible, les personnes handicapées et les femmes). Dans la copie papier de sa demande, M. Marchand s’est auto‑identifié comme membre d’un groupe désigné (les personnes handicapées). Cependant, il n’a pas allégué dans sa plainte en matière de droits de la personne avoir été victime de discrimination fondée sur la déficience.

[66]           M. Borden a témoigné que toutes les annonces du MDN comprennent une clause semblable sur l’équité en matière d’emploi et que, comme c’était le cas en l’espèce, elle n’est généralement pas comprise dans les critères de mérite essentiels pour le processus de nomination. Par conséquent, le gestionnaire qui embauche a entièrement le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de ce facteur lorsqu’il choisit la personne qui sera nommée. Les gestionnaires tiennent généralement compte des plans de l’organisation en matière de ressources humaines, d’activités et d’équité en matière d’emploi, et de l’existence de toute lacune entre la proportion des personnes d’un groupe désigné qui sont employées dans un effectif en particulier et de la proportion correspondante de personnes qualifiées du groupe qui se trouvent sur le marché du travail à l’extérieur de la fonction publique fédérale. En 2007, les quatre groupes désignés susmentionnés étaient sous‑représentés dans la catégorie GS‑BUS‑2 au MDN pour la région du Manitoba (à l’exclusion de Winnipeg). En 2009, les données montraient que les personnes handicapées n’étaient plus sous‑représentées et, qu’en fait, elles étaient surreprésentées. Cependant, M. Borden a noté que même lorsqu’il existe une lacune, un gestionnaire peut donner plus d’importance aux compétences que l’organisation recherche, afin de garantir que la [Traduction] « bonne personne » est sélectionnée, qu’aux considérations d’équité en matière d’emploi.

[67]           Le MDN n’était donc pas tenu d’appliquer les critères d’équité en matière d’emploi lorsqu’il a décidé qui serait la bonne personne pour les nominations. De toute façon, même s’il l’avait fait, il est fortement conjectural de présumer que M. Marchand aurait été nommé, puisque les quatre groupes désignés (et non pas seulement les personnes handicapées) étaient sous‑représentés en 2007, et qu’il restait toujours la question de son entregent par rapport à celui des autres candidats, comme Mme Cyr. De plus, il n’a pas démontré de quelle façon la décision de ne pas limiter la dotation des postes à des membres de groupes désignés de l’équité en matière d’emploi constituerait une preuve de discrimination envers lui fondée sur le motif du sexe, qui est le fondement de sa plainte.

IV.             Conclusion

[68]           Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus que le sexe de M. Marchand n’a pas été un facteur dans la décision du MDN de ne pas le nommer à l’un des postes dotés pour une période déterminée ou au poste permanent. Le MDN a fourni une explication complète et raisonnable des circonstances qui ont entraîné la nomination des femmes aux postes de nettoyeurs et M. Marchand n’a pas établi que l’explication n’était qu’un prétexte pour une pratique qui aurait été autrement discriminatoire.

[69]           La plainte n'est donc pas fondée et elle est rejetée.

Signée par

Athanasios D. Hadjis

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 8 février 2011

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1413/3909

Intitulé de la cause : Paul Marchand c. Le Ministère de la Défense nationale

Date de la décision du tribunal : Le 8 février 2011

Date et lieu de l’audience : Le 14 au 16 décembre 2009

Brandon (Manitoba)

Comparutions :

Paul Marchand, pour lui même

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Kirsty Elgert, pour l'intimé

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