Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Linda Marshall

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Cerescorp Company

l'intimée

Décision sur requête

Membre:  Edward P. Lustig

Date:  Le 16 mars 2011

Référence:  2011 TCDP 5

 


[1]               Il s’agit d’une décision concernant la requête que l’intimé a présentée le 19 janvier 2011 visant l’ajournement de la procédure en l’espèce en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire, que l’intimé a déposée devant la Cour fédérale, de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) par laquelle la Commission demandait au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) d’instruire la plainte.

[2]               La plaignante a déposé sa plainte le 11 septembre 2006. Elle soutient qu’entre juin 2006 et le 25 août 2006, l’intimé a fait preuve à son égard de discrimination fondée sur le sexe dans le cadre de son emploi en ne l’embauchant pas au poste de contremaître, malgré le fait qu’elle possédait les mêmes compétences que les hommes qui avaient été embauchés et qu’elle avait plus d’expérience qu’eux dans le domaine. La plaignante est une débardeuse qui travaille pour l’intimé, chargeant et déchargeant des bateaux de croisière au port de Vancouver.

[3]               Le 29 juillet 2010, en application de l’alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), la Commission a demandé au Tribunal d’instruire la plaine.

[4]               Le 30 août 2010, l’intimé a déposé son avis de demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale (dossier T-1388-10).

[5]               Le 10 janvier 2011, l’intimé a aussi déposé devant la Cour fédérale une requête par laquelle il demandait une ordonnance prévoyant l’instruction accélérée du contrôle judiciaire.

[6]               Le 27 janvier 2011, la Cour fédérale a rendu une ordonnance rejetant la requête en instruction accélérée et établissant l’audition de la demande de contrôle judiciaire au mardi 15 mars 2011 et au mercredi 16 mars 2011. Dans sa décision, la Cour fédérale a déclaré :

[traduction]

La demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que les circonstances en l’espèce sont si exceptionnelles qu’elles justifient une instruction accélérée. De plus, la requête est aussi devenue inutile en raison de l’ordonnance rendue le 14 janvier 2011 qui donnait à la demanderesse l’autorisation de demander immédiatement l’établissement d’une date d’audience. Néanmoins, je conclus que les dates de l’audience devraient être fixées immédiatement afin de permettre à la demanderesse de demander l’ajournement de la procédure devant le Tribunal, si elle le juge opportun, compte tenu de l’audience qui sera tenue de façon imminente par la Cour.

[7]               Le 16 décembre 2010, le Tribunal avait demandé aux parties de préciser si elles souhaitaient participer à une médiation évaluative. Toutes les parties avaient déclaré être intéressées à participer à un tel processus. L’intimé avait accepté la médiation évaluative à condition que le Tribunal émette aux parties une opinion non contraignante. Aucune date n’a été prévue pour la médiation ni pour la présentation des plaidoiries, la communication de la preuve ou l’audition de la plainte.     

[8]               Les parties ont présenté au Tribunal leurs observations au sujet de la requête de l’intimé en ajournement.

[9]               L’argument invoqué par l’intimé à l’appui de sa requête est essentiellement qu’il est déraisonnable de poursuivre la procédure du Tribunal alors que la demande de contrôle judiciaire sera bientôt tranchée. Sans un ajournement, si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, il y aura une dépense inutile de ressources publiques et privées causée par deux instances concomitantes. Si la demande de contrôle judiciaire est rejetée, le temps qui se sera probablement écoulé lors de l’ajournement sera relativement court et ne causera pas de préjudice aux parties.

[10]           L’argument présenté tant par la plaignante que par la Commission contre la requête en ajournement est essentiellement qu’il n’y a rien à ajourner pour l’instant. De plus, même si les dates sont établies pour l’audition de la demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, le déroulement et l’issue de cette procédure sont inconnus. Par conséquent, la requête de l’intimé n’est pas justifiée en fonction des décisions rendues par le Tribunal dans des situations semblables. Il n’y aurait pas de manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle et les parties ne se verraient pas enlever la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter des éléments de preuve si l’ajournement n’était pas accordé.

[11]           Conformément au paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, l’instruction des plaintes par le Tribunal doit se faire sans formalisme et, élément particulièrement pertinent quant à la présente requête, de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. Cependant, comme le Tribunal est maître de ses propres procédures, il peut néanmoins ajourner une instance lorsqu’il juge approprié d’exercer son pouvoir discrétionnaire (voir Léger c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [1999] D.C.D.P. no 6 (TCDP), au paragraphe 4; Baltruweit c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2004 TCDP 14, au paragraphe 15). Le Tribunal doit exercer ce pouvoir discrétionnaire en respectant les principes de justice naturelle (Baltruweit, au paragraphe 17). Le Tribunal peut devoir tenir compte de questions de justice naturelle telles que la non-accessibilité de la preuve, la nécessité d’ajourner pour trouver un avocat ou la communication tardive de la partie adverse.

[12]           Malgré le fait que des dates soient établies pour l’audition de la demande de contrôle judiciaire, il n’existe aucune certitude quant au déroulement de l’audience ou à l’issue du processus. Pour que l’intimé obtienne un ajournement, il doit établir qu’il subirait un déni de justice naturelle si l’instruction devant le Tribunal poursuivait son cours normal. L’intimé ne m’a pas convaincu qu’il subirait nécessairement un tel préjudice si je n’accordais pas l’ajournement.

[13]           Par conséquent, la requête de l’intimé est rejetée.

 

Signée par

Edward P. Lustig

Membre du tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 16 mars 2011

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal: T1491/3710

Intitulé de la cause: Linda Marshall c. Cerescorp Company

Date de la décision sur requête du tribunal: Le 16 mars 2011

 

Comparutions:

Scott Brearley, pour la plaignante

Brian Smith, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Marino Sveinson et Ryan Copeland, pour l'intimée

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