Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

James Louie

- et –

Joyce Beattie

les plaignants

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Affaires indiennes et du Nord Canada

l'intimé

Décision

Membre : Wallace G. Craig

Date : Le 26 janvier 2011

Référence : 2011 TCDP 2



I.                   Introduction

[1]               Au cours de la période du 19 au 22 juillet 2010, j’ai mené l’instruction des allégations présentées par les plaignants, James Louie et Joyce Beattie, selon lesquelles des agents d’Affaires indiennes et du Nord Canada (le MAINC ou l’intimé) avaient agi de façon discriminatoire dans leur traitement des demandes de bail des plaignants présentées en application du paragraphe 58(3) de la Loi sur les Indiens (la Loi).

[2]               L’article 58(3) de la Loi se lit comme suit :

Le ministre peut louer au profit de tout Indien, à la demande de celui-ci, la terre dont ce dernier est en possession légitime sans que celle-ci soit désignée.

[3]               L’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit :

Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

d’en priver un individu;

de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

[4]               L’article 2 de la LCDP est rédigé ainsi :

La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.

II.                Les faits

[5]               À la veille de l’instruction, les parties se sont entendues afin de présenter un cahier conjoint de 178 documents. Pendant l’instruction, 82 de ces documents ont été reçus en preuve sur entente ou sur identification par les témoins. Je suis convaincu que cette preuve documentaire représente toutes les interactions et les communications pertinentes entre les plaignants et les agents du MAINC.

[6]               Deux personnes ont témoigné : Bruce Beattie, le mari de la plaignante Mme Beattie, qui a reconnu être l’auteur ou le réviseur de pratiquement tous les éléments de preuve portant les signatures des plaignants, et Sheila Craig, directrice associée intérimaire, Terres et développement économique, du MAINC. Ils ont tous les deux fournis une preuve convaincante expliquant la façon dont les demandes des plaignants pour un bail d’un titulaire d’un billet de location ont été traitées et pourquoi elles n’ont pas été accordées par le ministre du MAINC.

[7]               Mme Craig a témoigné qu’il est de pratique générale, sur réception d’une demande présentée en application du paragraphe 58(3), d’envoyer au demandeur un formulaire d’information – qu’elle a qualifié de liste rigoureuse d’exigences – avant que le MAINC commence à préparer un bail approprié. Elle a témoigné que ces exigences sont fondées sur des directives contenues dans le Guide de la gestion des terres du MAINC, un manuel qui reflète les expériences passées et la jurisprudence, ce qui permet aux agents du MAINC d’uniformiser le processus afin de s’assurer qu’ils n’oublient rien dans la création d’un bail qui produira le revenu de location le plus élevé possible pour les propriétaires fonciers autochtones.

[8]               M. Louie est un Indien au sens de la Loi. M. Louie est membre de la bande indienne Okanagan qui réside dans la réserve no 1 Okanagan sur des terres qui lui ont été accordées par le conseil de bande avec l’approbation du ministre du MAINC. Des certificats de possession émis en vertu de l’article 20 de la Loi prouvent le droit de possession légitime de M. Louie.

[9]               Le 27 juin 2007, M. Louie a signé un accord de coentreprise avec Mme Beattie, qui est aussi une Indienne au sens de la Loi. Ils se sont entendus pour former [traduction] « une association d’entreprise afin de préparer et de présenter respectivement une Demande d’utilisation de terres dans une réserve indienne […] conformément au paragraphe 58(3) de la Loi pour un bail résidentiel prépayé à long terme de (certaines) terres au développeur (Mme Beattie). » Le bail proposé devait durer 49 ans et avoir un loyer nominal de 1 $. Selon l’accord de coentreprise, Mme Beattie devait payer tous les frais de la construction d’une maison sur la terre louée, puis défrayer tous les coûts subséquents de mise en marché et d’attribution du bail, dont les profits résiduels devaient être divisés entre M. Louie et Mme Beattie selon une proportion de 2/3 et 1/3 respectivement. Il est important de préciser que l’entente stipulait que Mme Beattie ne pouvait pas mettre en marché ou attribuer le bail à une autre personne si ce n’était pas à un prix et selon des modalités acceptables pour M. Louie. (Pièce A-1.8)

[10]           Dans une lettre datée du 29 juin 2007, M. Louie a présenté une demande à la Région de la Colombie-Britannique du MAINC pour un bail d’un titulaire d’un billet de location en application du paragraphe 58(3) de la Loi et a présenté :

a)                  une Demande d’utilisation de terres dans une réserve indienne, signée par Mme Beattie ;

b)                  sa propre demande de bail d’un titulaire d’un billet de location d’une terre;

c)                  une résolution du conseil de bande datée du 26 juin 2007 accordant la permission pour un arpentage et pour des plans d’arpentage à venir. L’utilisation déclarée de la terre louée était la construction d’une résidence unifamiliale, qui ne devait pas mesurer plus de 500 m². M. Louie a demandé que sa demande soit terminée au plus tard le 1er septembre 2007 et il a terminé sa lettre en déclarant que certaines choses n’étaient pas négociables.

[traduction]

Comme vous le remarquerez dans les documents en annexe, le loyer total payable pour toute la durée du bail proposé est un montant nominal prépayé de 1 $. Veuillez noter que le loyer à payer en vertu du bail proposé n’est pas une question qui est négociable ni pour la locataire, ni pour moi, et nous n’avons ni l’un ni l’autre l’intention de permettre à vos agents d’intervenir à ce sujet. Pour cette raison, il serait déraisonnable et tout à fait inutile que vous exigiez une évaluation et je vous fournirai plutôt toute décharge de responsabilité au sujet de l’établissement du loyer dont vous puissiez avoir besoin. (Pièce A-1.9)

[11]           Presque toutes les communications orales et écrites subséquentes entre les plaignants et les agents du MAINC ont été effectués pour les plaignants par le mari de Mme Beattie, Bruce Beattie.

[12]           En date du 12 juillet 2007, les demandes des plaignants avaient été attribuées à Daryl Adam, un agent de la gestion foncière du MAINC. Le 14 août 2007, M. Adam a envoyé un courriel à M. Beattie lui expliquant qu’il était [traduction] « en attente d’une réponse de l’avocat au sujet de la décharge de responsabilité liée au loyer nominal […] » (Pièce A-1.20)

[13]           Le 17 août 2007, M. Beattie a envoyé une ébauche de décharge à M. Adam.  (Pièce A‑1.23)

[14]           Le 19 septembre 2007, M. Louie a envoyé par la poste à M. Adam une décharge validée dans laquelle il déclarait son intention de prendre soin de ses affaires à titre d’entrepreneur indépendant et autonome :

[traduction]

J’ai décidé de déterminer de façon indépendante le montant du loyer qui sera à payer selon le bail, en fonction de ce qui, à mon avis, est un bon critère en affaires, et sans tenir compte d’un loyer fictif selon le marché qui serait dérivé d’une estimation ou de toute autre évaluation arbitraire des terres que les agents du ministre peuvent préférer ou me recommander. (Pièce A-1.26)

[15]           Le 21 septembre 2007, M. Adam a envoyé une réponse par courriel :

[traduction]

Afin de pouvoir accorder le bail d’un titulaire d’un billet de location proposé, nous avons besoin de renseignements détaillés en ce qui a trait aux objectifs et aux parties concernées, puisqu’on demande un loyer nominal. […]

Comme nous l’avons déjà expliqué à M. Beattie, certaines étapes doivent être suivies lors de l’émission d’un bail d’un titulaire d’un billet de location sur une réserve, telles que : obtenir une résolution du conseil de bande, faire effectuer une évaluation afin de déterminer la valeur marchande de la terre et fournir tous les renseignements pertinents liés à la transaction. (Pièce A-1.30)

[16]           Le 24 septembre 2007, la superviseure de M. Adam, Tamara Davidson, gestionnaire adjointe des Services fonciers et fiduciaires en Colombie-Britannique du MAINC, a envoyé un courriel à M. Louie dans lequel elle expliquait :

[traduction]

Notre directive précise que toute déviation à la juste valeur locative doit être justifiée par le locataire proposé, approuvée par écrit par l’occupant et recommandée pour approbation par l’agent des Terres. L’occupant doit aussi demander un avis légal ou financier indépendant avant d’accepter un montant plus bas que la juste valeur locative pour le loyer. En l’espèce, le loyer proposé est beaucoup plus bas que celui du marché et il ne semble y avoir aucun avantage découlant du bail pour l’occupant. Daryl a demandé plus de renseignements au sujet de cette entente avant qu’une décision puisse être rendue au sujet de l’établissement du loyer. […]

Nous fournissons un service aux Premières nations en Colombie-Britannique et nous souhaitons plus que tout suivre le processus de façon collaborative et respectueuse. (Pièce A-1.32)

[17]           M. Louie a répondu le 24 septembre 2007, rejetant la réponse de Mme Davidson :

[traduction]

[…] il est évident que vous ne voulez pas ou ne pouvez pas comprendre le point essentiel des questions que j’ai soulevées dans mon message. Comme je l’ai déjà mentionné, je vous demande de me fournir, avant la fin de la journée, des excuses et une confirmation que vous et vos agents, à partir de maintenant, respecterez mon droit de déterminer mes propres intérêts, sans votre soi-disante « protection », qui est tout à fait intéressée et qui est un affront cruel à ma dignité humaine. (Pièce A-1. 34)

[18]           Le 25 septembre 2007, M. Beattie a écrit à Ken McDonald, directeur par intérim, Services fonciers et fiduciaires de la région de la Colombie-Britannique :

[traduction]

[…] Le bail d’un titulaire d’un billet de location qui fait l’objet de la présente demande n’est qu’un élément mineur dans une coentreprise privée dans laquelle l’occupant, le locataire et moi-même sommes associés en affaires depuis plusieurs années. Les modalités de base du bail proposé (en particulier le loyer) ont été déterminées dans le contexte d’un plan d’affaires général et n’ont jamais été négociables ou modifiables une fois que la demande de bail a été présentée au MAINC.

[…] Malheureusement, (nous) avons appris vendredi dernier que des gestionnaires dans votre bureau n’ont plus l’intention d’honorer une condition principale sur laquelle nous nous fondions et, par conséquent, le bail ne peut pas être complété. La question en litige est que la condition principale du bail proposé était le loyer nominal non négociable prépayé qui était accompagné d’une décharge de responsabilité acceptable de la part de l’occupant en faveur de la Couronne en ce qui a trait à l’établissement du loyer. (Pièce A-1.35)

[19]           Le 1er octobre 2007, M. Beattie a envoyé un courriel à la sous ministre adjointe Caroline Davis, lui disant qu’il n’avait toujours pas reçu de réponse à la lettre du 25 septembre 2007 qu’il avait envoyée à M. McDonald :

[traduction]

[…] À mon avis la principale question en litige n’est pas particulièrement compliquée. L’administration du MAINC respecte, ou ne respecte pas, le droit fondamental d’un Indien d’être reconnu comme un être humain compétent qui est en mesure de déterminer son propre intérêt économique en ce qui a trait à son intérêt personnel quant à une terre sur la réserve. Une réponse favorable, qui est probablement la seule réponse raisonnable pour cette question, devrait être suffisante pour résoudre tous les problèmes dans ce dossier. (Pièce A‑1.37)

[20]           M. McDonald a répondu le 11 octobre 2007. Après avoir reconnu qu’il était conscient que le loyer nominal était lié à une coentreprise entre M. Louie et les Beattie, M. McDonald a rejeté la décharge fourni par M. Louie et a expliqué que certaines étapes devaient être respectées par les plaignants :

[traduction]

-Nous avons besoin de renseignements supplémentaires expliquant pourquoi il y a un loyer nominal pour le projet proposé.

-Une évaluation des terres doit aussi être effectuée, comme le prévoit la directive 7-3, clause 2.6.2 du Guide de la gestion des terres :

[traduction] « parmi les modalités qui doivent être négociées très tôt : le loyer proposé en fonction d’une évaluation indépendante fournie par le locataire proposé et approuvée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. »

-Nous avons aussi besoin d’un certificat d’avis juridique de la part de l’occupant afin de garantir qu’il accepte les modalités du bail et qu’il comprend ses droits.

[21]           M. McDonald a déclaré que le MAINC continuerait de travailler avec les plaignants de façon respectueuse s’il était satisfait à toutes ces exigences. Il a ensuite fait un commentaire gratuit :

[traduction]

Malheureusement, la Loi sur les Indiens ne dit pas que le ministre doit louer des terres selon les modalités et les directives de l’occupant. En l’espèce, nous n’avons pas imposé d’exigence supplémentaires à l’occupant ou au locataire, nous vous avons simplement informé tous les deux des exigences pour la location de terres sur une réserve.  (Pièce A‑1.45)

[22]           Dans une lettre datée du 17 octobre 2007, M. Louie a envoyé un document d’une page intitulé [traduction] « Déclaration d’avantages », daté de la même journée et signé en présence d’un avocat, dans lequel M. Louie déclare qu’il a obtenu des avis juridiques et financiers indépendants au sujet des modalités du bail d’un titulaire d’un billet de location proposé, qu’il en comprend les modalités et les conséquences et que [traduction] « je suis entièrement convaincu que les modalités du bail, telles qu’elles sont précisées dans ma demande de bail d’un titulaire d’un billet de location de terres datée du 28 juin 2007, sont à mon avantage au sens du terme « avantages » tel qu’il est employé au paragraphe 58(3) de la Loi sur les Indiens. » (Pièce A‑1. 46)

[23]           Le 18 octobre 2007, M. Beattie a continué son débat avec M. McDonald :

[traduction]

[…] De toute évidence, tout bail pour l’intérêt possessaire de M. Louie quant au lot 170-1, qui est la seule chose visée par la demande, n’aura absolument aucun effet sur le droit sous‑jacent de la Couronne quant à la terre. À notre avis, le rôle du ministère dans le cadre d’une demande présentée en application du paragraphe 58(3) se limite à une interprétation raisonnable du libellé de cette disposition. Cette disposition ne comprend pas, de façon expresse ou par inclusion nécessaire, la majorité des étapes administratives qui, à votre avis, constituent des « exigences ». La politique et la pratique ministérielles ne sont pas la loi et n’imposent aucune « exigence » à M. Louie, sauf dans la mesure où il peut être prouvé qu’elles s’harmonisent avec l’intention de la loi et qu’elles sont raisonnablement nécessaires pour atteindre l’objectif légal. (Pièce A-1.47)

[24]           Dans une lettre datée du 22 octobre 2007, M. McDonald a déclaré [traduction] « […] Certaines mesures doivent être prises afin que nous puissions procéder à l’établissement du bail d’un titulaire d’un billet de location à loyer nominal proposé. Ces mesures ne sont pas des exigences légales comme telles, mais sont des exigences de la politique découlant de l’interprétation de la loi. » (Pièce A-1.48)

[25]           Au cours des mois suivants, M. Beattie a continué de traiter avec M. Adam et M. McDonald. Le 16 janvier 2008, M. Beattie a envoyé un courriel à M. McDonald, se plaignant du défaut des conseillers juridiques du MAINC de terminer l’ébauche du bail d’un titulaire d’un billet de location qui tiendrait compte du droit de M. Louie de déterminer son propre intérêt économique :

[traduction]

Nous avons aussi su que la préparation d’une ébauche du bail, dont quelqu’un, apparemment le même conseiller juridique, nous a assuré pendant au moins les cinq derniers mois qu’elle était presque terminée, n’a même pas commencé et ne commencera probablement pas avant que nous ayons satisfait à quelque nouvelle exigence que le conseiller puisse maintenant vouloir nous imposer. (Pièce A-1.67)

[26]           Dans une lettre datée du 16 janvier 2008, M. McDonald a avisé M. Beattie qu’une ébauche du bail était en préparation et qu’elle serait envoyée à M. Louie pour qu’il l’examine. Il l’a aussi avisé qu’un certificat d’avis financier indépendant était toujours requis afin de [traduction] « garantir que le Canada s’est déchargé de son obligation de faire preuve de la diligence habituelle en ce qui a trait à la transaction. » (Pièce A-1.71)

[27]           Le 31 janvier 2008, M. Adam a envoyé une lettre au chef et au conseil de la bande indienne Okanagan, les avisant de la demande de M. Louie pour un bail d’un titulaire de billet de location pour le lot 170-1, bloc quatre à la réserve indienne no 1 Okanagan, bail qui serait au nom de Mme Beattie pour une période de 49 ans et pour un loyer nominal prépayé de 1 $ :

[traduction]

Conformément à la politique du MAINC, le chef et le conseil de bande ont la possibilité d’exprimer leur avis au sujet de cette transaction foncière et d’exprimer leur avis quant à la question de savoir si la transaction est conforme aux politiques d’utilisation des terres de la bande indienne Okanagan, aux règlements de zonage et aux plans d’aménagement. (Pièce ‑1.72)

[28]           Le 5 février 2008, M. Beattie a envoyé un courriel à M. Adam, s’opposant à la divulgation à la bande et au conseil du montant nominal du loyer qui devait être payé en fonction du bail proposé. (Pièce A-1.73)

[29]           Le 8 février 2008, M. McDonald a envoyé un courriel à M. Beattie et a envoyé des copies à Mme Craig, à M. Adam et à plusieurs autres dirigeants du MAINC. (Pièce A-1.81)

[traduction]

J’ai examiné le dossier ce matin. Premièrement, je dois m’excuser du fait qu’un résumé de notre conversation téléphonique, y compris les échéanciers pour les activités de location proposées, ne vous a pas été envoyé tel que nous l’avions convenu lors de l’appel.

Mon souvenir de cet appel, fondé sur les notes de Daryl Adam, est le suivant :

Nous avons brièvement discuté de la nature de la transaction et de ce qui était une question émergente. Les occupants cherchent de plus en plus à trouver des façons d’utiliser leurs terres attribuées par certificat de possession afin d’obtenir du financement pour des projets de logement. Nous avons aussi discuté du fait que cela est « tout nouveau » et que, par conséquent, nous nous efforcerons de travailler avec vous afin de trouver un modèle de bail qui répond aux besoins de M. Louie et qui satisfait aussi aux exigences du MAINC.

[…] Le ton de confrontation dans vos communications avec mes employés et moi-même rend ce partenariat avec vous très difficile. Votre ton et votre attitude mettent immédiatement tout le monde sur la défensive. Cela n’est pas propice à l’approche de gestion du risque que je souhaite suivre.

[30]           Le 13 février 2008, M. Beattie a envoyé un courriel à Caroline Davis, sous ministre adjointe, Affaires indiennes et du Nord, Services fonciers et fiduciaires, pour se plaindre du fait que certains des agents de M. McDonald :

[traduction]

[…] ont agi de façon répétée comme si leur seule fonction était de faire obstacle et d’étouffer tout avancement économique que les occupants puissent viser. Le fait que de tels agents ont recours de façon répétée à des demandes totalement arbitraires et désobligeantes quant à la race rend leurs activités d’obstruction encore plus répréhensibles.

Veuillez nous aviser le plus rapidement possible si vous êtes en mesure d’intervenir afin que cette affaire soit finalement résolue de façon appropriée. Clairement, si la résolution est une fois de plus laissée entièrement à la discrétion de la région de la Colombie-Britannique, comme ce fut le cas en octobre, nous craignons qu’aucun progrès ne sera réalisé. (Pièce A‑1.84)

[31]           Mme Davis a répondu par lettre datée du 5 mars 2008. Elle a avisé M. Beattie que, suivant la diligence administrative dont il doit faire preuve, le MAINC doit s’assurer que le bail d’un titulaire d’un billet de location proposé respecte les règlements de la bande, que les accès et les services sont disponibles, qu’aucune situation environnementale ne sera créée et qu’une assurance adéquate est en place. Mme Davis a ensuite expliqué comment le paragraphe 58(3) devait s’appliquer :

[traduction]

Le Canada a une relation spéciale avec les Premières nations et leurs membres. Par conséquent, ces instruments créent une responsabilité de confiance lorsqu’ils sont exécutés. Nous devons donc nous assurer du consentement avisé de l’occupant avant de conclure une transaction qui pose un risque au bénéficiaire, M. James Louie. Pour garantir qu’il y a eu consentement avisé, nous devons insister afin de vérifier que M. Louie comprenne ce qu’il abandonne lorsqu’il consent à un bail prépayé de 49 ans de 1$. (Pièce A‑1.97)

[32]           Dans une lettre qu’elle a écrite à M. Beattie le 6 mars 2008, Mme Craig a répété les explications de Mme Davis et à rajouté un fondement pour la poursuite du processus de bail :

[traduction]

Cela dit, je comprends que la valeur équitable du marché peut être écartée en l’espèce si M. Louie reçoit des conseils indépendants financiers et juridiques lorsque le bail sera terminé et que les conditions auront été établies.

Nous avons préparé une ébauche de bail pour que M. Louie l’examine et nous n’en finaliserons pas les conditions avant de l’avoir rencontré au préalable. Si vous souhaitez vous joindre à nous, vous serez le bienvenu. (Pièce A-1. 100)

[33]           Le 19 mars 2008, M. Louie a envoyé une lettre de trois pages au ministre du MAINC, Chuck Strahl :

[traduction]

Je vous écris parce que vous êtes le ministre des Affaires indiennes, mais aussi parce que vous avez la réputation d’être une personne de grande intégrité et d’ouverture d’esprit envers le peuple autochtone. J’espère que vous ferez jouer ces qualités dans le cadre d’un cas sérieux de traitement déshonorable et abusif dont j’ai été victime dans mes interactions avec certains agents des Terres du MAINC qui agissent en votre nom.

Je suis un membre de la bande indienne Okanagan et j’ai été employé par l’administration de la bande pendant plus de 25 ans. Au cours des dernières années, je me suis aussi lancé dans certaines entreprises privées, j’ai d’ailleurs occupé un poste de fonctionnaire électoral et j’ai géré des baux fonciers sur mesure. Compte tenu de cette expérience, je me considère entièrement en mesure de gérer de façon indépendante mes propres affaires privées et financières, et je prends l’entière responsabilité personnelle de mes propres décisions en ce qui a trait à mon intérêt privé quant aux terres sur la réserve. Au cours des 10 dernières années, j’ai acquis plusieurs parcelles de terre non développées dans la réserve indienne Okanagan no 1 près de Vernon (Colombie-Britannique), en vertu de certificats de possession (CP) décernés en application de la Loi sur les Indiens. Mon objectif à long terme est que ces parcelles de terre soient développées pour mon intérêt économique et celui de la collectivité de la bande Okanagan.

Afin que je puisse utiliser mes terres décernées en vertu de CP, la Loi sur les Indiens m’oblige à présenter une demande de bail ministériel au sens du paragraphe 58(3). Un tel bail vise clairement à offrir des avenues de développement économique et des avantages pour les détenteurs de CP, mais selon mon expérience, le processus de demande de bail d’un titulaire d’un billet de location, tel qu’il est présentement géré dans la région de la Colombie‑Britannique, est devenu tellement inefficace et offensif du point de vue de la race qu’il est plus probable qu’il bloque, plutôt que facilite, le développement économique. Il m’est tout à fait évident que la majorité des aspects négatifs du processus de demande de bail existant découlent d’une attitude archaïque et raciste ancrée selon laquelle tous les Indiens sont incompétents et ne peuvent déterminer leur propre intérêt économique et que, par conséquent, ils ont assurément besoin du paternalisme dégradant que les agents du MAINC appellent de façon euphémique une « relation spéciale ». Bien que je reconnaisse que cette perception existe chez les agents du MAINC et qu’elle est incorporée dans les politiques et les pratiques administratives du MAINC, je n’accepte pas qu’il s’agisse d’une justification factuelle ou légale. Par conséquent, je n’accepte pas qu’elle ait un effet contraignant pour moi ou pour la façon dont je choisis d’utiliser mes propres terres.

Au cours de la dernière année, j’ai présenté deux demandes distinctes en application du paragraphe 58(3) pour des baux résidentiels très simples. Le format de ces demandes a été prévu de façon délibérée afin d’éviter qu’une « relation spéciale » ne se développe entre moi et le MAINC. Les deux demandes ont été présentées sous condition que le MAINC ne prenne aucune responsabilité pour l’établissement des modalités du bail principal, en particulier le loyer. Pour atteindre ce résultat, chaque demande nécessitait précisément que le MAINC reconnaisse et respecte mon droit d’établir de façon indépendante un loyer non négociable qui ne visait pas à refléter la valeur du marché. En plus des exigences habituelles pour ces demandes, chaque demande comprenait une décharge de responsabilité officielle et une déclaration d’avantages afin de protéger la Couronne de toute responsabilité légale ou fiduciaire en ce qui a trait à l’établissement du loyer. Afin de confirmer mon engagement à m’assurer que ces transactions foncières ne présenteraient aucun risque pour la Couronne, je me suis engagé à fournir toute décharge supplémentaire que les agents du MAINC pourraient me demander à tout moment dans le processus de demande. Les agents du MAINC ont été avisés qu’il s’agissait du fondement sur lequel chacune de mes demandes en application du paragraphe 58(3) ont été présentées pour qu’elles soient reçues et traitées.

En octobre 2007, lorsque l’arpentage de subdivision pour les lots résidentiels a été terminé et que le processus pour la première demande a atteint l’étape où une ébauche de bail devait m’être remise, j’ai plutôt été avisé qu’un gestionnaire anonyme de la région de la Colombie‑Britannique avait essentiellement décidé que le fait de permettre à un demandeur de bail d’un titulaire d’un billet de location d’établir son propre loyer, sans la supervision et le contrôle paternalistes du MAINC, ne coïncidait pas avec la politique établie et les pratiques conventionnelles et que ce ne serait donc pas permis. Cela représentait un renversement évident de la position du MAINC par rapport à sa position lorsque la demande a été acceptée pour traitement et pendant les quatre mois ou moi-même et les agents du MAINC nous sommes fondés sur cette acceptation du MAINC.

Ce renversement de mauvaise foi de la position du MAINC aussi tard dans le processus était, semble-t-il, une tentative de transformer un processus administratif, qui devait depuis le début être sans risque pour la Couronne, en un processus où la gestion du MAINC insiste pour que la Couronne soit soumise à tous les risques et à toutes les responsabilités possibles qui lui seraient imposées si je n’avais pris aucune responsabilité personnelle pour l’établissement du loyer et si je n’avais fourni aucune décharge ou déclaration visant à protéger la Couronne. Tout cela, sans autre raison que de justifier l’imposition d’exigences procédurales additionnelles et offensantes qui n’ont clairement aucun autre objet que d’atténuer les risques possibles de la « relation spéciale » qui est créée lorsque le MAINC se réserve le pouvoir exclusif d’établir le loyer au nom de l’occupant.

La position clairement absurde qu’ont pris ces gestionnaires nous a mené à une impasse dans le processus de demande, qui n’a été résolue que lorsque le directeur des Services fonciers et fiduciaire de la région de la Colombie-Britannique est intervenu personnellement. En acceptant simplement de respecter, à titre de droit de la personne fondamental, ma liberté personnelle de choisir de ne pas participer à une « relation spéciale » abusive et inutile du point de vue légal avec la Couronne, le directeur a été en mesure de proposer une avenue qui convient aux deux parties et qui, une fois suivie, m’assurerait que le bail, tel qu’il a été présenté à l’origine, serait terminé. Me fiant à l’assurance absolument claire du directeur selon laquelle il avait le pouvoir de s’engager, au nom du MAINC, à terminer le bail conformément à notre entente, j’ai satisfait de façon diligente à ma partie de l’entente à la mi-novembre. Depuis cette date, les agents des terres m’ont assuré de nombreuses fois que l’ébauche du bail promise était soit presque terminée, soit terminée, et que je pouvais m’attendre à recevoir une copie dans les plus brefs délais.

Quatre mois se sont écoulés depuis et je n’ai toujours rien vu de l’ébauche de bail promise. Il est aussi de plus en plus évident que des gestionnaires bloquent une fois de plus le processus de demande afin d’empêcher le directeur d’honorer l’engagement qu’il a pris en octobre de compléter le bail. La deuxième demande de bail résidentiel a été acceptée par le directeur et a été attribuée à des agents des terres pour qu’elle soit traitée il y a presque deux mois, mais elle en est arrivée au même résultat que la première. Les deux demandes sont maintenant retenues en raison d’une obstruction injustifiée de la part de gestionnaires qui ne démontrent aucun engagement en ce qui concerne la raison, la justice ou l’intégrité.

Je crois que cette suite d’événements démontre clairement un niveau de dysfonction administrative au bureau des terres de la région de la Colombie-Britannique qui ne peut que se refléter de façon négative sur tout engagement que vous et votre ministère avez en ce qui concerne l’intégrité et le traitement honorable des particuliers indiens propriétaires fonciers. La situation n’est certainement pas propice au développement économique des terres sur les réserves, en particulier puisque la propriété de terres décernées en vertu de CP est bien établie et est la seule occasion de développement économique viable et durable.

J’espère que vous demanderez à l’un de vos employés d’enquêter au sujet des questions sérieuses que j’ai tenté de décrire de la façon la plus juste possible. Je m’attends à ce qu’une enquête appropriée démontre qu’il ne fait aucun doute que des engagements ont été pris en votre nom et que ces engagements devaient être honorés. On ne saurait nier que ces engagements n’ont pas encore été honorés et qu’il n’existe aucune justification raisonnable pour le retard qui se poursuit. La seule question importante qu’il reste à régler est celle de savoir si votre ministère a suffisamment d’intégrité administrative pour honorer les promesses et les engagements pris sous votre autorité et en votre nom.

Ce que j’ai décrit dans la présente est bien documenté et il me fera plaisir de fournir des copies de mes dossiers ou toute autre information dont un enquêteur pourrait avoir besoin. Je vous remercie de vous pencher sur la question.

James Louie (Pièce A-1.109)

[34]           Le 15 mai 2008, le ministre Chuck Strahl a répondu à M. Louie :

[traduction]

La présente porte sur votre lettre du 19 mars 2007 et sur votre demande de bail d’un titulaire d’un billet de location sur la réserve indienne Okanagan no 1.

En droit, il existe une relation spéciale entre un détenteur d’un certificat de possession et le Canada. Le droit sous-jacent aux terres d’une réserve appartient à la Couronne fédérale, alors que les avantages de ces terres et le droit de les posséder appartiennent au détenteur du certificat de possession. Ce n’est pas le cas habituellement pour un propriétaire foncier privé. Il s’agit de circonstances spéciales, entraînant une « relation spéciale ». Un rapport fiduciaire est créé entre le détenteur du certificat de possession et le Canada lorsque le Canada contracte des baux de certificats de possession. Cela est fondé sur le pouvoir discrétionnaire unilatéral du Canada sur l’intérêt du détenteur indien du certificat de possession. Seule une réforme législative peut annuler ou modifier cette relation.

Par conséquent, comme le Canada est la première partie dans tout instrument accordant un intérêt pour les terres des réserves, un examen attentif des détails du bail doit être entrepris afin que les modalités appropriées soient établies dans le bail.

En vertu de la Loi sur les Indiens, le pouvoir d’établir le loyer revient au Canada et ne peut pas être annulé de quelque façon que ce soit, sauf par modification de la loi. Ce pouvoir s’étend au-delà de l’établissement du loyer et une décharge ne modifiera pas le pouvoir unilatéral du Canada d’établir les modalités du bail, qui comprennent aussi, sans s’y limiter, des dispositions quant à l’environnement.

Le processus de bail pour les terres des réserves est le même partout au Canada et il découle de politiques et de procédures qui sont actuellement en place. Certaines exigences doivent être respectées avant que le droit de tenure à bail soit accordé à une autre partie sur les terres des réserves.

Les Premières nations peuvent choisir de se retirer de la Loi sur les Indiens pour la gestion des terres grâce à la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, à l’autonomie gouvernementale et à des traités. Le ministère encourage les membres des Premières nations et les conseils de bande à établir des régimes à long terme qui satisfont aux besoins de leur collectivité.

Le 31 mars 2008, une ébauche de bail vous a été envoyée pour examen. Je vous demande de travailler avec le bureau régional de la Colombie-Britannique afin que les agents puissent vous aider à satisfaire aux exigences pour l’obtention d’un bail d’un titulaire d’un billet de location sur une terre de réserve. J’encouragerai mes agents à vous consulter pour l’établissement d’un loyer qui sera rentable.

Chuck Strahl (pièce A-1.125)

[35]           Le processus de demande s’est poursuivi jusqu’à la fin de 2008, et il y a eu d’autres échanges non productifs entre les plaignants et le MAINC. Il convient de noter un échange interne au MAINC entre M. McDonald et Mme Craig au sujet de M. Beattie. Mme Craig a avisé M. McDonald par courriel le 7 novembre 2008 d’une longue conversation téléphonique qu’elle avait eue avec M. Beattie, au cours de laquelle elle avait rejeté sa demande d’octroi immédiat de bail selon les conditions qu’il avait posées. Le troisième paragraphe du courriel est important :

[traduction]

Il (M. Beattie) a déclaré que les baux qu’il nous avait envoyés étaient essentiellement les mêmes que les nôtres, sauf qu’il avait effacé un certain nombre de choses qui, à son avis, ne nous concernaient pas. Il a déclaré que M. Louie voulait utiliser un bail pour lui-même et l’autre pour payer sa maison. Il a soutenu que la propriété ne valait que 10 000 $. Je lui ai demandé ce qu’elle vaudrait à son avis s’il s’agissait d’une propriété en fief simple ; il a répondu qu’elle vaudrait plus de 300 000 $. Je lui ai alors expliqué que c’était la raison pour laquelle nous devions nous assurer que l’intérêt de M. Louie était sauvegardé avant qu’il loue la propriété pour plus de 49 ans et qu’il la perde ensuite pour inexécution. M. Beattie semblait penser que le CP serait rendu à M. Louie s’il y avait inexécution; je ne sais pas qui accorderait une hypothèque selon ces modalités.

[36]           Mme Craig a conseillé à M. McDonald de [traduction] « tout lui retourner et de lui suggérer une date de rencontre, puis de fermer le dossier s’il y a toujours impasse […] » (Pièce A-1.164)

[37]           Le 11 novembre 2008, M. McDonald a envoyé un courriel à Mme Craig :

[traduction]

Ça me semble bon Sheila. En passant, à l’époque où je communiquais avec lui, je lui ai dit de rester discret et que je ferais ce que je pourrais. Vous vous souviendrez des deux décharges, etc. Lorsqu’il a commencé à écrire toutes ces lettres, nous lui avons dit que nous n’avions aucune autre option que de suivre les règles. (Pièce A-1. 167) [Non souligné dans l’original.]

[38]           Les parties se sont retrouvées dans une impasse. M. Louie insistait sur son droit à titre d’Indien entrepreneur et de citoyen canadien, propriétaire des terres visées par les certificats de possession, de mettre à profit une partie de ces terres dans le cadre d’un accord de coentreprise avec Mme Beattie, et les agents du MAINC soutenaient résolument et répétitivement qu’ils avaient un droit absolu d’établir tous les aspects du bail proposé, y compris le loyer périodique fondé sur une évaluation de la terre visée.

[39]           Je suis convaincu que les agents du MAINC ont mal compris l’accord de coentreprise des plaignants ou qu’ils ne l’ont jamais examiné de façon appropriée. Il s’agit d’un accord de trois pages simplement écrit dans lequel il est précisé que M. Louie et Mme Beattie ont formé une association d’entreprise dans le but de présenter une demande en application du paragraphe 58(3) [traduction] « […] pour un bail d’habitation à long terme et prépayé […] dans l’intention d’éventuellement mettre le bail en marché et de l’attribuer à une tierce partie. » Plusieurs clauses de l’accord de coentreprise sont pertinentes et auraient dû guider les agents du MAINC dans le traitement des demandes de bail d’un titulaire d’un billet de location des plaignants :

[traduction]

2. La durée proposée du bail de la Couronne sera de quarante-neuf (49) ans, ou toute autre période plus longue sur laquelle les parties s’entendent mutuellement […]

3. Les terres seront louées pour une résidence unifamiliale, y compris toute amélioration et utilisation qui est nécessairement ou raisonnablement liée à cet objectif.

4. Le promoteur (Mme Beattie) fera un paiement unique d’un dollar (1 $) à titre de paiement complet et final de tout loyer dû et payable en vertu des modalités du bail de la Couronne.

5. Sous réserve du paragraphe 6 ci-dessous, le développeur paiera tous les frais encourus pour la préparation de la demande d’utilisation de terres dans une réserve indienne, y compris des plans, les arpentages, les évaluations, les études d’impact sur l’environnement et l’enregistrement du bail de la Couronne nécessaires ainsi que tous les frais quant à l’affichage sur le marché et à l’attribution du bail de la Couronne.

6. Le développeur pourra être remboursé pour tous les frais mentionnés au paragraphe 5 ci‑dessus et aura la priorité pour l’obtention des produits de toute attribution du bail de la Couronne, les produits résiduels devant être divisés entre les parties selon un taux de deux tiers (2/3) à l’occupant et un tiers (1/3) au développeur.

7. Le développeur ne mettra pas en marché et n’attribuera pas le bail de la Couronne à une tierce partie, sauf à un prix et selon des modalités qui sont acceptables pour l’occupant.

[40]           Un agent du MAINC a reconnu pour la première fois l’accord de coentreprise dans une lettre datée du 11 octobre 2007 que M. McDonald a envoyée à M. Beattie en réponse à la lettre de ce dernier du 25 septembre 2007 : [traduction] « vous avez précisé dans votre lettre qu’il y a une proposition pour un loyer nominal pour ce bail particulier d’un titulaire d’un billet de location. De plus, vous avez précisé que le loyer nominal était lié à un accord de coentreprise entre vous‑même, l’occupant et le locataire. » M. McDonald a ensuite énoncé plusieurs exigences à satisfaire avant que le MAINC accepte le loyer nominal, notamment la présentation [traduction] « de renseignements supplémentaires sur la raison pour laquelle il y aurait un loyer nominal pour ce projet proposé ». J’en déduis que M. McDonald n’avait pas lu l’accord de coentreprise. S’il l’avait lu, il aurait immédiatement remarqué que le loyer nominal de 1 $ ne visait pas à produire un avantage direct pour M. Louie. Plutôt, le loyer de 1 $ pour 49 ans visait à accomplir deux choses : premièrement, il s’agissait de la contribution de M. Louie à l’entreprise et, deuxièmement, lorsque Mme Beattie aurait construit une maison unifamiliale sur la terre et l’aurait mise en marché, la vente aurait été conclue par l’attribution du droit du locataire de Mme Beattie à l’acheteur et M. Louie aurait reçu l’avantage du 2/3 du produit net de la vente.

[41]           Les préoccupations que Mme Craig a exprimées dans son courriel du 7 novembre 2008 au sujet de la perte possible de l’intérêt de M. Louie quant au CP s’il y a inexécution n’ont aucun sens dans le contexte de la coentreprise.

III.             L’objet de la LCDP

[42]           La Cour suprême du Canada a toujours soutenu que les lois en matière de droits de la personne ont un caractère fondamental et quasi constitutionnel et que, par conséquent, elles doivent être interprétées d’une manière large et libérale qui invoque les considérations de politique générale sous-jacentes :

Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons Sears Ltd. (O’Malley), [1985] 2 R.C.S. 536., aux pages 546 et 547

(Au sujet du préambule du Code ontarien des droits de la personne)

Nous y trouvons un énoncé de la politique générale du Code et c’est cette politique qui doit s’appliquer. Ce n’est pas, à mon avis, une bonne solution que d’affirmer que, selon les règles d’interprétation bien établies, on ne peut prêter au Code un sens plus large que le sens le plus étroit que peuvent avoir les termes qui y sont employés. Les règles d’interprétation acceptées sont suffisamment souples pour permettre à la Cour de reconnaître, en interprétant un code des droits de la personne, la nature et l’objet spéciaux de ce texte législatif (voir le juge Lamer dans Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink, [1982] 2 R.C.S. 145, aux pp. 157 et 158), et de lui donner une interprétation qui permettra de promouvoir ses fins générales. Une loi de ce genre est d’une nature spéciale. Elle n’est pas vraiment de nature constitutionnelle, mais elle est certainement d’une nature qui sort de l’ordinaire. Il appartient aux tribunaux d’en rechercher l’objet et de le mettre en application. Le Code vise la suppression de la discrimination. C’est là l’évidence. Toutefois, sa façon principale de procéder consiste non pas à punir l’auteur de la discrimination, mais plutôt à offrir une voie de recours aux victimes de la discrimination. C’est le résultat ou l’effet de la mesure dont on se plaint qui importe. Si elle crée effectivement de la discrimination, si elle a pour effet d’imposer à une personne ou à un groupe de personnes des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres membres de la société, elle est discriminatoire.

[43]           C.N.R. c. Canada (Commission des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, au paragraphe 24 (Action Travail)

24 La législation sur les droits de la personne vise notamment à favoriser l’essor des droits individuels d’importance vitale, lesquels sont susceptibles d’être mis à exécution, en dernière analyse, devant une cour de justice. Je reconnais qu’en interprétant la Loi, les termes qu’elle utilise doivent recevoir leur sens ordinaire, mais il est tout aussi important de reconnaître et de donner effet pleinement aux droits qui y sont énoncés. On ne devrait pas chercher par toutes sortes de façons à les minimiser ou à diminuer leur effet. Bien que cela puisse sembler banal, il peut être sage de se rappeler ce guide qu’offre la Loi d’interprétation fédérale lorsqu’elle précise que les textes de loi sont censés être réparateurs et doivent ainsi s’interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de leurs objets.

IV.             Le MAINC fournit-il des « services » au sens de l’article 5 de la LCDP?

[44]           Des extraits de deux décisions sont pertinents quant à la question de savoir si toutes les actions gouvernementales sont des « services » au sens de l’article 5 de la LCDP.

[45]           Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Watkin, [2008] A.C.F. no 710 (C.A.), à la page 9, la Cour a fait l’observation suivante :

Sur ce point, je suis d’accord pour dire que, comme les mesures du gouvernement sont généralement prises au profit du public, l’exigence prévue à l’article 5, suivant laquelle elles doivent être « destinées au public » est habituellement satisfaite dans les affaires mettant en cause une discrimination attribuable à des mesures prises par le gouvernement (voir, par exemple, les décisions Rosin, précitée, au paragraphe 11, et Saskatchewan Human Rights Commission c. Saskatchewan (Department of Social Services) , (1988), 52 D.L.R. (4th) 253, aux p. 266-268). Toutefois, la première étape à franchir lorsqu’on applique l’article 5 consiste à déterminer si les actes reprochés constituent des « services » (Gould, précité, le juge La Forest, au paragraphe 60).

[46]           Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Rosin, 1 C.F. 391 (paragraphes 8 et 11), la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’un service n’a pas à être offert à tous les membres du grand public pour qu’il soit considéré « destiné au public » :

Pour qu’un service ou une installation soit destiné au public, il n’est pas nécessaire que tous les citoyens y aient accès. Il suffit qu’un segment de la population soit en mesure de se prévaloir du service ou de l’installation. Le fait de prescrire que certaines exigences ou que certaines conditions soient remplies n’élimine pas le caractère public d’une activité. La jurisprudence a montré que le terme « public » signifie « qui n’est pas privé », ce qui laisse, en vérité, très peu d’activités hors de la portée de la législation.

Il est difficile d’imaginer un gouvernement ou un secteur du gouvernement qui prétendrait qu’un service qu’il offrait était un service privé, non destiné au public. En fait, il serait permis de dire que pratiquement tout ce que fait le gouvernement, il le fait pour le public, est destiné au public, et le public peut s’en prévaloir.

[47]           Le MAINC est un ministère gouvernemental qui offre de nombreux services aux Indiens inscrits en vertu de la Loi. Dans son témoignage au sujet de baux d’un titulaire d’un billet de location en application du paragraphe 58(3), Mme Craig a appelé les plaignants des « clients » et a expliqué les nombreuses façons dont le MAINC intercède pour les occupants lorsqu’il prend des ententes de location avec des locataires possibles.

[48]           Le fait que le paragraphe 58(3) comprenne des dispositions quant à la fourniture de services à une certaine partie du public est reconnu par les Services fonciers et fiduciaires du MAINC, comme le prouve le courriel de Mme Davidson envoyé à M. Louie le 24 septembre 2007 :

[traduction]

Je peux vous garantir que les Services fonciers et fiduciaires sont prêts à travailler avec vous dans le processus de bail. Nous fournissons un service aux Premières nations en Colombie‑Britannique et nous souhaitons plus que tout suivre le processus de façon collaborative et respectueuse.

[49]           Je conclus que le MAINC fournit des services qui sont « destinés au public », c’est-à-dire les membres du public qui sont des Indiens inscrits, et qu’il s’agit de services importants qui sont « destinés » et « offerts » au public.

V.                Interprétation du paragraphe 58(3) de la Loi

[50]           Je suis convaincu que l’interprétation que la Cour d’appel fédérale a faite du paragraphe 58(3) dans l’arrêt Boyer c. R. [1986] 2 C.F. 393, s’applique aux faits en l’espèce :

15 […] Ce droit que possède un membre de la bande sur la parcelle de terrain qui lui est attribuée et qui se trouve en sa possession légitime, même s’il est, en principe, irrévocable, demeure soumis a un grand nombre de restrictions formelles. Le membre n’a pas le droit de céder son droit à la possession ou de louer son terrain à une personne qui n’est pas membre (article 28) ; il ne peut non plus l’hypothéquer, puisque les terres en question ne sont assujetties à aucune saisie sous le régime d’un acte judiciaire (article 29); il peut également se voir forcé d’en disposer s’il cesse d’avoir droit de résider sur la réserve (article 25). Il ne fait aucun doute que chacune de ces restrictions a pour effet de rendre le droit d’un Indien en possession légitime très différent de celui d’un propriétaire possédant la propriété absolue selon la common law. Il doit cependant être noté que toutes ces restrictions n’ont qu’un seul but : empêcher que la fin poursuivie par la mise de côté du terrain, c’est-à-dire l’utilisation de celui-ci par la bande et ses membres, soit contrecarrée. Aucune de ces restrictions concerne l’usage pouvant être fait du terrain ou le profit pouvant en être tiré. Le terrain faisant partie de la réserve, son usage est, naturellement, toujours assujetti aux lois provinciales d’application générale et aux règlements de zonage édictés par le conseil de bande, comme c’est le cas pour tout terrain situé dans une municipalité à l’intérieur de laquelle des règlements de zonage sont en vigueur; cependant, outre cela, je ne vois ni comment ni pourquoi l’Indien en possession légitime d’un terrain situé à l’intérieur d’une réserve pourrait être empêché de l’exploiter à sa guise. Rien dans la Loi ne pourrait être considéré comme [traduction] « assujettissant » son droit à un autre droit du même type appartenant simultanément au conseil de bande. Selon moi, par l’"attribution" d’une parcelle de terrain faisant partie d’une réserve, le droit à l’usage de ce terrain et au profit qu’il peut procurer, de collectif qu’il était, devient le droit individuel et personnel du locataire. L’intérêt de la bande, entendu dans son sens technique et juridique, a disparu ou, à tout le moins, a été suspendu. […]

17 […] Quoi qu’il en soit, je ne crois tout simplement pas que la Couronne soit soumise à des obligations de fiduciaire lorsqu’elle exerce le pouvoir conféré par le paragraphe 58(3). Dans l’affaire Guerin, il était question de terrains non attribués faisant partie d’une réserve, terrains qui avaient été cédés à la Couronne afin qu’elle consente à leur sujet un bail à long terme ou vende ces terrains à des conditions favorables à la bande. Selon mon interprétation du jugement, c’est à cause de toutes ces circonstances qu’il a pu être dit qu’une obligation de caractère fiduciaire était née : en effet, l’intérêt même de la bande avait été confié au Ministre lors de la cession des terrains et était en jeu au moment de leur aliénation. Lorsqu’un bail est consenti en vertu du paragraphe 58(3), les circonstances sont entièrement différentes : aucune aliénation n’est envisagée et le droit qui sera transféré temporairement est le droit à l’usage d’un terrain, droit qui appartient individuellement à l’Indien qui en a possession [...]

18 La conclusion me semble évidente. Considérant la structure de la Loi sur les Indiens et la clarté du libellé de son paragraphe 58(3), il n’existe aucun motif de croire que le Ministre est obligé d’obtenir le consentement de la bande ou de son conseil avant de consentir un bail comme celui dont il est question en l’espèce. Il semble que cette Loi, dont l’esprit paternaliste a fait l’objet de tant de critiques, ait néanmoins jugé bon d’accorder à chaque membre de la bande une certaine autonomie, et une indépendance relative à l’égard des dicta de son conseil de bande dans l’exercice de son esprit d’entreprise et la mise en valeur de son terrain.

VI.             Plainte de discrimination - conclusions

[51]           Les plaignants soutiennent que le MAINC a contrevenu à l’article 5 de la LCDP en les privant d’un service ou en les défavorisant à l’occasion de la fourniture d’un service en raison de leur origine nationale ou ethnique.

[52]           Dans le traitement de la demande des plaignants pour un bail d’un titulaire d’un billet de location, le MAINC s’est fondé sur des critères et des procédures établies dans son Guide de la gestion des terres afin de tenter de déterminer si la transaction proposée par M. Louie était viable et à son avantage. Dans le cadre de ce processus, le MAINC a demandé une évaluation indépendante afin de déterminer la juste valeur marchande, sans tenir compte de l’accord de coentreprise des plaignants et, en novembre 2008, le MAINC a demandé à M. Louie d’établir, à la satisfaction du ministère, une preuve de [traduction] « sa capacité et sa compétence à conclure la transaction proposée ». (Pièce A-1.167)

[53]           Le MAINC a tenté d’imposer un pouvoir unilatéral sur tous les aspects de la proposition de bail d’un titulaire d’un billet de location des plaignants. Pendant le traitement de la demande de M. Louie, les agents du MAINC étaient d’avis qu’il était de leur « devoir » d’intervenir afin de protéger les intérêts de M. Louie à titre d’Indien inscrit et de dicter la nature et les modalités du bail demandé. Ce faisant, ils ont démontré la façon dont la Loi est devenue un anachronisme qui est contraire à la liberté et aux droits de la personne individuels garantis auxquels tous les Canadiens ont droit.

[54]           L’attitude paternaliste du MAINC envers M. Louie a été avalisée et soutenue sans équivoque par le ministre Chuck Strahl dans sa lettre à M. Louie le 15 mai 2008. Le ministre a carrément déclaré que M. Louie ne pouvait pas dicter les modalités du bail d’un titulaire d’un billet de location qu’il demandait, et il a soutenu qu’[traduction] « un rapport fiduciaire est créé […] lorsque le Canada contracte des baux de certificats de possession. […] En vertu de la Loi sur les Indiens, le pouvoir d’établir le loyer revient au Canada et ne peut pas être annulé de quelque façon que ce soit, sauf par modification de la loi. Ce pouvoir s’étend au-delà de l’établissement du loyer et une décharge ne modifiera pas le pouvoir unilatéral du Canada d’établir les modalités du bail, qui comprennent aussi, sans s’y limiter, des dispositions quant à l’environnement. » [Non souligné dans l’original.]

[55]           Le ministre avait tort. Il n’existe aucune obligation fiduciaire dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre prévu au paragraphe 58(3). De plus, l’exercice unilatéral du pouvoir discrétionnaire ne serait pas judicieux et annulerait l’objet du paragraphe 58(3), qui vise à faciliter la location de terres par des propriétaires fonciers individuels indiens qui y voient un avantage (voir Boyer, précité).

[56]           La demande de bail ministériel des plaignants était fondée sur un accord de coentreprise en vertu duquel Mme Beattie construirait une maison unifamiliale sur la terre louée et la vendrait ensuite à un prix et selon des modalités qui étaient acceptables pour M. Louie, et le produit net de la vente serait divisé entre M. Louie et Mme Beattie. Le loyer de 1 $ n’était pas fondé sur la valeur réelle de la terre et il ne s’agissait pas de l’avantage que M. Louie cherchait à obtenir dans le cadre de la coentreprise. Les avantages que M. Louie et Mme Beattie souhaitaient obtenir étaient la construction d’une maison unifamiliale sur la propriété louée et sa vente éventuelle. Plutôt que de se concentrer sur la demande de bail dans le contexte plus large de l’accord de coentreprise, et des avantages qui en découlaient pour M. Louie, les agents du MAINC ont insisté pour préparer un bail conformément aux exigences applicables du Guide de la gestion des terres, y compris des recettes de location avantageuses sur une période de 49 ans établies en fonction d’une évaluation de la terre dans son état amélioré prospectif.

[57]           Le refus du MAINC d’accepter le fait que M. Louie avait le droit de déterminer les avantages dont il pourrait bénéficier de son association d’affaires avec Mme Beattie a immobilisé le processus de demande. En pratique, la demande des plaignants pour un bail ministériel selon les modalités sur lesquelles ils s’étaient entendus a été rejetée par le ministre dans sa lettre du 15 mai 2008 à M. Louie. La lettre du ministre a exacerbé le traitement discriminatoire dont le MAINC a fait preuve envers les plaignants.

[58]           Bien que la question n’ait pas été soulevée dans la preuve qui m’a été présentée, il convient de noter que le 18 juin 2008, un peu plus d’un mois après avoir écrit à M. Louie, le ministre a annoncé que la loi assurant la protection des droits de la personne à toutes les collectivités des Premières nations avait reçu la sanction royale. « L’adoption du projet de loi C21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, constitue un point tournant dans la relation entre les Premières nations et le gouvernement du Canada », a déclaré le ministre Strahl. « Elle souligne l’engagement solide pris par notre gouvernement en vue de protéger les droits de la personne pour tous les Canadiens. » Cependant, cette annonce n’a apparemment pas eu d’effet sur les demandes des plaignants. Rien n’a changé, et la plainte qui m’est présentée en est le résultat.

[59]           Comme la Loi est maintenant assujettie à la LCDP, je conclus que le processus de demande prévu au paragraphe 58(3) doit devenir une fonction administrative habilitante qui reconnaît et qui accepte que les Indiens inscrits (sauf ceux qui sont mineurs ou frappés d’incapacité mentale) sont des Canadiens responsables qui sont capables d’évaluer eux-mêmes les avantages qui découleraient de la location de leur terre et que le pouvoir discrétionnaire ministériel ne doit pas être exercé de façon unilatérale.

VII.          Décision

[60]           Les plaignants ont étayé l’allégation selon laquelle ils avaient été victimes d’une pratique discriminatoire, soit qu’ils ont été privés d’un service, au sens de l’article 5 de la LCDP. Ils ont établi une preuve prima facie qu’à titre d’Indiens inscrits, ils s’étaient vus refuser par les agents du MAINC, y compris par le ministre Strahl, l’accès aux services auxquels ils devaient avoir accès en application du paragraphe 58(3) de la Loi.

[61]           Les plaignants ont droit à des mesures de redressement en l’absence d’une justification de la part du MAINC.

[62]           L’alinéa 15(1)g) et le paragraphe 15(2) de la LCDP prévoient qu’il n’y a pas de pratique discriminatoire s’il existe un motif justifiable pour le refus d’offrir un service. Pour qu’il existe un motif justifiable, le MAINC doit établir que l’accommodement des besoins des plaignants lui imposerait une contrainte excessive.

[63]           Le MAINC n’a pas établi un motif justifiable au sens de l’alinéa 15 (1)g) et du paragraphe 15(2).

VIII.       Les mesures de redressement

[64]           Conformément à l’alinéa 53(2)a) de la LCDP, l’intimé doit se conformer aux ordonnances suivantes :

1)                  L’intimé examinera de nouveau les demandes de bail d’un titulaire d’un billet de location des plaignants conformément à la décision et à l’ordonnance du Tribunal;

2)                  L’intimé modifiera son Guide de gestion des terres et prendra des mesures, en collaboration avec la Commission canadienne des droits de la personne, afin de rajuster ses pratiques ou d’éviter que des pratiques semblables soient utilisées;

3)                  L’intimé devra modifier son Guide de gestion des terres et toute autre politique afin de prévoir que lorsque des occupants individuels (sauf ceux qui sont frappés d’incapacité mentale ou qui sont mineurs) ont déterminé par eux-mêmes qu’une transaction sera à leur avantage, le MAINC acceptera ce choix et procédera au traitement du bail demandé en fonction de ce choix;

4)                  L’intimé se conformera aux ordonnances ci-jointes dans les six mois suivant la date de la décision du Tribunal en l’espèce;

5)                  Le Tribunal conservera sa compétence et restera saisi de l’affaire pendant neuf mois après la date de la décision en l’espèce, afin de recevoir des preuves supplémentaires, d’entendre d’autres arguments ou de rendre des ordonnances supplémentaires si les parties ne s’entendent pas au sujet de l’interprétation ou de l’application des mesures de redressement ordonnées.

Signée par

Wallace G. Craig

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 26 janvier 2011

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1441/6709

Intitulé de la cause : Joyce Beattie et James Louie c. Affaires indiennes et du Nord Canada

Date de la décision du tribunal : Le 26 janvier 2011

Date et lieu de l’audience : Du 19 au 22 juillet 2010

Kelowna, (Colombie-Britannique)

Comparutions :

Bruce Beattie, pour les plaignants

Brian Smith, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Fiona H. McFarlane, pour l'intimé

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