Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

RUTH WALDEN ET AL

les plaignantes

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA,
CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA ET
AGENCE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

les intimés

DÉCISION SUR REQUÊTE

2008 TCDP 21
2008/06/06

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen A. Jensen

2008 TCDP
2008/12/18

MEMBRE INSTRUCTEUR :

[1] Le 13 décembre 2007, le Tribunal a rendu une décision dans laquelle il a conclu que les intimés avaient commis un acte discriminatoire à l'endroit des plaignants en les traitant différemment du groupe, composé majoritairement d'hommes, des conseillers médicaux travaillant pour le programme de prestations d'invalidité du RPC, qui effectuaient un travail sensiblement équivalent à celui des plaignants. En particulier, le Tribunal a conclu que le refus des intimés, depuis mars 1978, de reconnaître la nature professionnelle du travail effectué par les évaluateurs médicaux proportionnellement à la reconnaissance professionnelle accordée au travail des conseillers médicaux était discriminatoire. À la demande des parties, le Tribunal a refusé d'ordonner une mesure de redressement pour l'acte discriminatoire. Il a accordé du temps aux parties pour négocier une mesure de redressement, faute de quoi le Tribunal rendrait une décision définitive après avoir fourni aux parties l'occasion de présenter une preuve si nécessaire ainsi que des observations. Les parties ne sont pas parvenues à une entente. Par conséquent, une audience a été prévue pour la semaine du 28 juillet au 1er août 2008.

[2] Les intimés ont déposé une requête demandant l'autorisation de produire une preuve concernant les mesures de redressement qu'ils proposent pour mettre fin à l'acte discriminatoire. Ils voudraient également produire une preuve sur la question de savoir si l'acte discriminatoire a entraîné des pertes de salaire pour les plaignants et, le cas échéant, comment calculer ces pertes.

La preuve concernant les mesures de redressement proposées pour mettre fin à l'acte discriminatoire

[3] À titre de mesure de redressement visant à mettre fin à l'acte discriminatoire établi dans la décision du 13 décembre 2007 rendue par le Tribunal, les intimés proposent qu'une nouvelle classification de Sciences infirmières (NU) soit créée au sein du groupe Services de santé (SH), lequel inclurait les évaluateurs médicaux. Il existe à l'heure actuelle deux sous-groupes au sein de la classification NU : les infirmiers d'hôpital (HOC) et les infirmiers en santé communautaire (CHN). Selon la proposition, un troisième sous-groupe serait ajouté à la classification NU.

[4] Les intimés soutiennent que le Tribunal doit entendre les explications de Patricia Power, conseillère principale du vice-président du secteur Infrastructure stratégique, organisation et classification, Agence de la fonction publique du Canada, et de Charles Tardiff, coordonnateur de projet et chercheur principal, Division de l'analyse des dépenses et de la planification de la rémunération, Secrétariat du Conseil du Trésor, pour comprendre pourquoi la meilleure façon de mettre fin à l'acte discriminatoire est de créer un troisième sous-groupe NU pour les évaluateurs médicaux.

[5] Tant les avocats de certains des plaignants et que ceux de la Commission canadienne des droits de la personne sont en désaccord avec la position des intimés. Ils soutiennent que la création d'une nouvelle catégorie dans le groupe NU n'est pas la solution qui convient. Les évaluateurs médicaux et les conseillers médicaux devraient plutôt faire partie de la même norme de classification, bien qu'ils puissent être séparés par différents niveaux au sein de cette classification. Les deux parties soutiennent que cette mesure de redressement se trouve implicitement dans la décision rendue le 13 décembre 2007 par le Tribunal. Ils soutiennent qu'il ne faut rien de plus qu'une ordonnance du Tribunal obligeant à la création d'une nouvelle norme de classification qui engloberait tant le travail des évaluateurs que celui des conseillers. Le Conseil du Trésor devra ensuite exercer son pouvoir exclusif de classifier les postes au sein de la fonction publique fédérale pour créer cette norme de classification. Selon les plaignants et la Commission, il n'est pas nécessaire de produire d'autres preuves à cet égard.

[6] Je conviens avec les intimés qu'ils devraient être autorisés à produire une preuve concernant les mesures de redressement qu'ils proposent pour mettre fin à l'acte discriminatoire. Au paragraphe 138 de la décision rendue en décembre 2007, j'ai fourni des exemples de mesures que le Conseil du Trésor aurait pu prendre pour répondre aux questions qui avaient été soulevées au fil des ans par les évaluateurs au sujet de la classification de leur poste. Cependant, les exemples contenus dans ce paragraphe n'avaient pas été fournis à titre de mesures possibles de redressement visant à mettre fin à l'acte discriminatoire auquel la décision de décembre 2007 avait conclu. En effet, j'ai laissé les parties libres de négocier une solution, mais, si elles n'y parvenaient pas, le Tribunal rendrait une décision définitive après avoir donné aux parties la chance de produire une preuve additionnelle (au besoin) et de formuler des observations.

[7] Les intimés ont proposé les mesures de redressement qu'ils jugent les plus appropriées dans les circonstances. Mme Power et M. Tardiff témoigneront à l'appui de ces mesures proposées. Les plaignants sont libres de contester la preuve et les mesures proposées de même que de soutenir que leur position vaut mieux que celle des intimés. Les plaignants sont tout à fait libres de produire eux-mêmes la preuve qu'ils jugent indiquée. Cependant, il serait tout à fait injuste que le Tribunal prive les intimés de la chance de produire une preuve et de formuler des observations au sujet de leur proposition, étant donné que la décision de décembre 2007 ne fournissait aucune indication quant aux mesures de redressement appropriées et laissait bel et bien ouverte la possibilité de produire une preuve et des arguments à ce sujet.

La preuve concernant l'existence de pertes de salaire résultant de l'acte discriminatoire et leur indemnisation

[8] Afin de calculer l'indemnité pour pertes de salaire qui pourraient avoir résulté de l'acte discriminatoire des intimés, la rémunération des évaluateurs doit être comparée à celle d'un groupe de comparaison approprié. Les intimés soutiennent que le groupe de comparaison approprié est le poste NU-CHN-02 ou NU-CHN-03, et non le groupe des conseillers médicaux, auquel le Tribunal a comparé le travail des évaluateurs dans la décision de décembre 2007. Ils fondent cette affirmation sur le fait que, dans la décision de décembre 2007, le Tribunal a conclu que le travail des évaluateurs et des conseillers était suffisamment différent pour justifier un niveau de classification différent ainsi qu'un salaire et des avantages différents. Par conséquent, selon les intimés, le poste de conseiller médical ne constitue pas un point de comparaison approprié. Les intimés soutiennent que leur position est également étayée par la décision du Tribunal de changer le cours de l'audience et par le fait que les évaluateurs médicaux essayaient, jusqu'à tout récemment, de se faire reconnaître en tant qu'infirmiers.

[9] À mon avis, il est aussi justifié que nécessaire de procéder à une comparaison de la rémunération et du travail des conseillers et des évaluateurs afin de déterminer si l'acte discriminatoire a entraîné une perte de salaire. L'alinéa 53(2)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne confère au Tribunal le pouvoir d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction, des pertes de salaire entraînées par l'acte discriminatoire. L'acte discriminatoire constaté par le Tribunal dans sa décision de décembre 2007 n'était pas le refus des intimés de classifier les évaluateurs en tant qu'infirmiers. Le Tribunal a plutôt conclu que les intimés ont commis un acte discriminatoire en traitant les évaluateurs et les conseillers comme s'ils effectuaient un travail différent alors qu'ils effectuaient un travail sensiblement équivalent et en les classant en conséquence (Walden et al. c. Développement social Canada et al., 2007 TCDP 56, aux paragraphes 11, 95 et 143). La mesure de redressement doit découler du traitement différent qu'ont subi les évaluateurs par rapport aux conseillers. Pour ce faire, il faut comparer la valeur du travail effectué par les évaluateurs par rapport à celui des conseillers.

[10] Cependant, déterminer la valeur du travail effectué par les évaluateurs par rapport aux conseillers n'empêche pas de comparer la valeur du travail des évaluateurs à celle du travail effectué dans d'autres postes comme les postes NU-CHN-02 et NU-CHN-03. Il se peut que la comparaison entre les évaluateurs et les conseillers révèle que la valeur du travail des évaluateurs est équivalente à celle du travail aux postes NU-CHN-02 ou NU-CHN-03. Dans ce cas, les intimés pourraient soutenir que les pertes de salaire des évaluateurs devraient être établies à partir d'une comparaison avec le salaire des employés aux postes CHN au moment pertinent. Les plaignants et la Commission sont de toute évidence libres de produire une preuve différente et de soutenir que les pertes de salaire doivent être calculées différemment.

[11] La tâche du Tribunal serait facilitée s'il entendait le témoignage d'un expert en évaluation des postes au sujet des divers moyens d'établir la valeur du travail des évaluateurs par rapport à celle du travail des conseillers. Par conséquent, le Tribunal accueille la requête des intimés visant à rouvrir l'audience pour produire la preuve d'un expert en évaluation des postes, étant entendu qu'il faut se pencher sur la question de savoir s'il convient d'utiliser le poste de conseiller médical à titre de groupe de comparaison.

Le préjudice moral

[12] Dans sa décision rendue en décembre 2007, le Tribunal a conclu que les plaignants devraient être indemnisés dans une certaine mesure en vertu de l'alinéa 53(2)e) de la Loi pour le préjudice moral qu'ils ont subi à la suite de l'acte discriminatoire. Le Tribunal a laissé les parties négocier le montant de cette indemnité et s'est réservé le droit de le déterminer lui-même si les parties ne parvenaient pas à une entente. Les parties ont été incapables de s'accorder sur le montant de l'indemnité et, par conséquent, cette question sera tranchée à la suite de l'audience sur les mesures de redressement.

[13] Le Tribunal convient avec les parties qu'il n'est pas nécessaire de produire des preuves additionnelles à ce sujet. Cependant, pour faciliter l'établissement du montant, il serait utile de disposer d'une liste complète des plaignants (tant ceux qui sont représentés par un avocat que ceux qui ne le sont pas) avec la date du début et de la fin (au cas où ils n'y travailleraient plus) de leur emploi du programme des prestations d'invalidité du RPC.

Karen A. Jensen

OTTAWA (Ontario)
Le 6 juin 2008

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1111/9205, T1112/9305 et T1113/9405

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Ruth Walden et al c. Développement social Canada, Conseil du Trésor du Canada et Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada

DATE DE LA DÉCISION SUR
REQUÊTE DU TRIBUNAL :

Le 6 juin 2008

ONT COMPARU :

Lawrence Armstrong

Pour les plaignantes

Ikram Warsame

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Patrick Bending/Claudine

Pour les intimés

Patry
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