Tribunal canadien des droits de la personne

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D. T. 10/ 84

Décision rendue le 22 août 1984

CANADA

DECISION DU TRIBUNAL EN VERTU DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

ACTION TRAVAIL DES FEMMES, Partie plaignante;

VS/

CANADIEN NATIONAL, Partie intimée;

ET/

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, Partie intervenante.

Dates: 7- 9 décembre 1981, 15- 17 février 1982, 17- 20 mai 1982, 7- 9 juin 1982, 21- 23 juin 1982, 12- 14 juillet 1982, 20- 21 septembre 1982, 15- 16 novembre 1982, 17- 18 janvier 1983, 7- 9 février 1983 et 2- 6 mai 1983.

Place: Montréal

Devant: Denis Lemieux, Nicole Duval, Hesler Joan Wallace.

Comparutions: Me Hélène Lebel et Carole Wallace, pour la partie plaignante;

Mes Rolland Boudreau et Alphonse Giard, pour la partie intimée;

Me Yvon Tarte, pour la partie intervenante.

...

Le Tribunal a été constitué en juillet 1981, conformément à l’article 39 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, pour étudier la plainte logée par la partie plaignante, ACTION TRAVAIL DES FEMMES, à l’endroit de la partie intimée, CANADIEN NATIONAL. Cette plainte était libellée comme suit:

"A. T. F. has reasonable grounds to believe that CN in the St. Lawrence Region has established or pursued a policy or practice that deprives or tends to deprive a class of individuals of employment opportunities because they are female."

Bien que cette plainte fut signée par Mme Carole L. Wallace, présidente du mouvement ACTION TRAVAIL DES FEMMES, il s’agit, non pas d’une plainte ou d’une série de plaintes individuelles, mais plutôt d’une plainte de discrimination systémique.

Avant même le début de l’instance, CANADIEN NATIONAL présenta au tribunal une requête en vue d’ajourner sine die l’audition de la cause, alléguant que des négociations étaient en cours avec la Commission canadienne des droits de la personne en vue d’un règlement de la plainte. Cette requête fut appuyée par le procureur de la Commission. Le tribunal décida de rejeter cette requête, étant donné que la partie plaignante ACTION TRAVAIL DES FEMMES était en désaccord avec cette demande d’ajournement et qu’au surplus une longue période de temps, au cours de laquelle les procédures d’enquête et de conciliation avaient eu lieu, s’était écoulée entre le dépôt de la plainte le 6 novembre 1979 et la constitution du tribunal en juillet 1981. Le premier jour de l’audition, soit le 7 décembre 1981, cette demande d’ajournement fut répétée et ce tribunal confirma sa décision antérieure.

Nous jugeons utile d’expliquer les longs délais qui ont été encourus en cette cause où les parties ont fait entendre plus d’une cinquantaine de témoins et déposé au- delà de 130 exhibits, certains d’entre eux étant des documents de plusieurs centaines de pages.

L’audition s’est échelonnée de décembre 1981 à mai 1983 en raison des problèmes de disponibilité de divers témoins, dont plusieurs étaient de l’étranger, des procureurs et des membres du tribunal.

Le tribunal tient à souligner l’excellente coopération des procureurs du Canadien National, d’Action Travail des Femmes et de la Commission canadienne des droits de la personne pendant toute la durée de cette instance.

La présente décision sera divisée en six parties, incluant l’ordonnance finale:

I. Le Canadien National et l’emploi des femmes;

II. Les relations entre le Canadien National et Action Travail des Femmes;

III. Statistiques relatives à la place des femmes au C. N.;

IV. La légalité des pratiques d’embauche du Canadien National;

V. Les programmes d’action positive en général;

VI. L’ordonnance concernant l’établissement d’un programme d’action positive au C. N. et autres conclusions.

I. LE CANADIEN NATIONAL ET L’EMPLOI DES FEMMES

Sommaire des plaintes des discrimination sexuelle à l’endroit du CN

Le premier témoin entendu, Mme Claude Bernier, le fut en qualité de directrice du Service des plaintes et de la mise en oeuvre à la Commission des droits de la personne. (Notes sténographiques, page 15). Elle apporta des informations relativement au nombre de plaintes de discrimination sexuelle en matière d’embauche qui avaient été déposées à l’endroit du CN dans la région du St- Laurent depuis la création de la Commission canadienne des droits de la personne en mars 1978.

Selon Mme Bernier:

"A notre bureau de Montréal, qui est la région du Québec et qui correspond à la région du St- Laurent ou à peu près pour le Canadien National, on a reçu 18 plaintes de discrimination dans le refus d’embauche dans les postes qu’on appelle non- traditionnels, la dix- huitième plainte étant la plainte d’Action Travail des Femmes pour laquelle on est ici.

Il y a eu 17 plaintes individuelles qui ont été portées."

Mme Bernier témoigna également relativement aux plaintes qui avaient été réglées:

"De ces plaintes- là, un certain nombre ont été réglées... Douze plaintes ont été réglées après enquête; une plainte a été rejetée sous l’article 33 parce qu’elle était hors temps, elle se référait à une situation qui s’était passée plus d’un an avant que la plainte soit déposée, et cinq plaintes sont encore en cours d’enquête présentement ...

Les plaintes qui ont été réglées, les règlements ont inclus l’embauche des plaignants comme apprentis à condition que ces personnes- là passent les ... rencontrent les conditions de formation et une compensation monétaire pour perte de salaire pendant la période entre le moment où elles s’étaient vues refuser l’emploi et le moment où elles ont commencé à travailler.

Il y a deux plaintes qui sont présentement à l’enquête où l’allégation est un petit peu différente en ce que les personnes se réfèrent au test que la compagnie fait passer pour être embauché, mais dans l’ensemble les autres plaintes ont trait à des applications pour des postes de nettoyeur de wagon et le refus de les embaucher." (N. s., pp. 26- 27).

Mme Bernier a précisé que les deux dernières plaintes concernaient l’usage par le CN dans son processus d’embauche de deux tests d’aptitude mécanique, le Bennett et le Revised Minnesota (N. s. p. 28).

Mme Bernier témoigna aussi relativement aux critères d’embauche adoptés par le CN qui ont conduit à ces plaintes:

"Dans l’ensemble des dossiers que j’ai révisés, les personnes qui sont embauchées pour faire du travail de nettoyeur de wagon doivent avoir des connaissances de façon à pouvoir accéder à d’autres postes comme trainman/ yardman. Ca veut donc dire que les personnes doivent avoir soit de l’expérience ou des connaissances d’un métier et je me souviens, par exemple, d’une plainte où la personne ne se qualifiait pas parce qu’elle n’avait pas de connaissance du welding, de la soudure." (N. s. p. 29).

Mme Bernier témoigna que la Commission avait également reçu une plainte datée du 24 avril 1981 en ce qui a trait à la discrimination sexuelle qu’aurait manifestée le CN dans ses critères d’embauche pour les postes de col bleu:

"The complainant alleges that in hiring people at the labouring and trade levels and for the apprenticeship program, CN demands higher qualifications for women than for men." (N. s. p. 32).

Elle témoigna à l’effet que cinq plaintes de discrimination sexuelle dans l’embauche par le CN étaient présentement sous enquête dans la région du St- Laurent (N. s. p. 33).

Le Canadien National L’un des premiers témoins présentés par le CN fut M. Yvon Masse, vice- président de la région du St- Laurent du CN. M. Masse exposa les grandes lignes du fonctionnement du Canadien National. Il témoigna quant à la fonction de CN Rail, ses trois principaux départements, le rôle de la structure organisationnelle et le partage des responsabilités en matière de gestion (N. s. p. 2181- 2184).

M. Masse décrit le rôle du Canadien National comme suit:

"D’une façon générale, la fonction du CN au pays, si on s’en reporte à sa loi constituante, c’est d’offrir au public canadien un service de transport intégré et aux industries canadiennes évidemment, sur une base de gestion commerciale." (N. s. p. 2182).

M. Masse décrit ensuite la structure de CN Rail: ... ... pour parler du CN dans son ensemble, au point de vue structure là, on peut parler d’un niveau corporatif qui chapeaute trois principales divisions d’exploitation.

Vous avez CN Rail qui a des recettes de trois milliards cinq cent quarante- cinq millions (3 545 000 000 $), c’était son budget en 1982, ce qui compte 53 500 employés et ça demeure, ayant défini la mission principale tantôt, ça demeure la grande division d’activités du CN.

Nous avons aussi les Entreprises CN qui s’occupent du camionnage, des immeubles, des messageries, de faire le transport, les Explorations CN, ça c’est dans le domaine du pétrole; les hôtels, dont les recettes prévues, c’est- à- dire budgetées en 1982, étaient de l’ordre de huit cent quarante- sept millions (847 000 000 $) et comprenant 12 197 employés, et la troisième division principale, c’est notre Grand Tronc Western Corporation qui est un holding chargé de l’administration des filiales ferroviaires américaines dont on peut, en commençant à l’est, par la Central Vermont Railway, le DT& I and Harrington Railway dans la région de Détroit, le Grand Tronc Western qui fait Détroit- Chicago et DWP qui relie Duluth à Winnipeg avec quatre cent quatre- vingt- cinq millions (485 000 000 $) et 6 500 personnes. (N. s. pp. 2183- 2184).

M. Masse a par ailleurs précisé que le CN Rail emploie approximativement 75 000 personnes (N. s. p. 2184). Il a ensuite décrit comme suit la région du St- Laurent:

"Dans le cas de la région du St- Laurent, il s’agit d’une région qui compte 8 700 personnes présentement et qui sont actives dans les domaines marketing. On peut parler des recettes, au niveau de la région du St- Laurent, qui compte pour quatre cent trente millions de dollars (430 000 000 $) en 1982 et les services d’exploitation, on en a parlé assez longuement durant les audiences, qui comprennent le transport, l’ingénierie, le matériel roulant, les services intermodaux, avec un budget de trois cent quarante- deux millions (342 000 000 $).

La région du St- Laurent, si on parle de son territoire, en principe ça comprend la province de Québec et ça exclut la péninsule Gaspésienne à l’est de Mont- Joli, ça comprend la ville d’Ottawa et deux embranchements qui s’étendent jusqu’à 200 milles au nord- ouest d’Ottawa.

On parle de 5 000 kilomètres de voie ferrée à l’étendue de la province. On compte trois triages importants dont un des plus grands du Canada ici, le triage Taschereau, qui se situe sur l’île de Montréal. Nous en avons un à Senneterre et un à Joffre et cinq centres de triage secondaires.

Nous desservons environ 8 000 clients du chemin de fer et nous assurons la desserte d’à peu près tous les principaux parcs industriels du Québec.

En moyenne la région du St- Laurent investit au Québec trente- six millions de dollars (36 000 000 $) et si on parle des activités de l’ensemble du service, des services du CN au Québec, incluant le siège social, on parle de 16 765 employés, avec une masse salariale de trois cent quarante- sept millions de dollars (347 000 000 $)." (N. s. pp. 2185- 2187, et pièce R- 33).

M. Masse a décomposé comme suit les effectifs du CN au Québec:

"Alors on parle souvent du nombre d’employés du Canadien National au Québec. Le document, l’organigramme qui a été déposé auparavant, parle de 16 000 personnes. (Pièce R- 34).

Au niveau du siège social au 31 septembre 1981, vous aviez 3 583 aux ateliers généraux de Pointe St- Charles, au 2 mars 1982, 2 750.

L’exploitation des messageries au Québec qui est un centre de profits, 797 personnes. Les immeubles au Québec, 88 personnes. La région du St- Laurent 8 297 et là on vous donne l’information relative des divers services, 2 800 en transport, 2 724 au matériel roulant, 1 898 en ingénierie, 401 à intermodal, 143 au marketing et 331 postes à caractère administratif.

Nous avions, lorsque ce document- là a été préparé, 840 personnes qui étaient susceptibles d’être rappelées après avoir été mises à pied. Alors au mois de mars 1982, il y avait 840 personnes qui étaient susceptibles d’être rappelées." (N. s. pp. 2192- 2193).

M. Masse a par la suite décrit la structure et le fonctionnement du bureau d’embauche de la région du St- Laurent:

"A ma connaissance, depuis que je suis entré au CN en 1961, le bureau d’embauche a toujours relevé directement du siège social.

Vous avez évidemment Montréal le siège social, le siège national de la compagnie. Vous avez le siège social de la région du St- Laurent et je pense que c’est une question d’efficacité administrative, une question d’économie d’échelle d’avoir à Montréal un seul bureau d’embauche.

Maintenant, depuis quelques années, la compagnie a entrepris une réorganisation de ses activités alors qu’autrefois tout était englobé sous l’édifice de Canadian National Railway Corporation Company. On a organisé des centres de profits et plus récemment, la deuxième étape de cette restructuration s’oriente vers la décentralisation du plus grand nombre de services corporatifs possibles au sein de la division, de telle sorte que le bureau d’embauche à partie de la fin de juin de cette année relèvera de la région du St- Laurent.

... Maintenant, on va continuer d’avoir qu’un seul bureau d’embauche et à ce moment- là c’est la région du St- Laurent qui aura la responsabilité de faire l’embauche pour le siège social et l’embauche pour les activités comme les ateliers généraux de Pointe St- Charles qui relèvent de l’autorité du siège social." (N. s. pp. 2189- 2190).

M. Masse a également décrit le fonctionnement des ateliers du CN responsables de la réparation des locomotives:

"Dans le domaine des grosses réparations pour les locomotives et le matériel remorqué, le Canadien National dispose de trois ateliers principaux dont un est situé à Winnipeg que l’on appelle l’atelier TRANSCONA, à Montréal, Pointe St- Charles et un autre à Moncton.

Ces ateliers ont la responsabilité des programmes de réparations du matériel roulant dont l’utilisation éventuelle va se faire sur l’ensemble du réseau et je pense que c’est vers 1965 ou 1966, alors que la région du St- Laurent à ce moment- là avait la responsabilité de la planification budgétaire ou autrement, de la supervision des ateliers principaux, qu’il a été décidé que compte tenu justement de cette responsabilité nationale pour les programmes, que ça devait relever du siège social qui avait, si vous voulez, une meilleure appréciation des besoins de l’ensemble du réseau dans ce domaine- là.

Maintenant, on doit ajouter que à l’intérieur du périmètre de ce qu’on appelle les ateliers de la Pointe St- Charles, il y a l’atelier diesel- électrique et le parc à voitures qui, lui, relève directement de la région du St- Laurent compte tenu du fait qu’il est responsable pour l’entretien des voitures Voyageur et des locomotives électriques, les trains de banlieue par exemple, et qui sont exploités au niveau de la région. Ca, ce sont des réparations courantes." (N. s. pp. 2191- 2192).

M. Masse a par la suite témoigné au sujet du rapport Boyle/ Kirkman (pièce A- 2). Ce rapport est intitulé Canadian National Action Programs Women:

"Ca fait quand même sept ou huit ans que cette étude- là a été faite et en autant que je me souvienne elle avait été commandée par notre président du temps, M. Robert Bandeen, qui voulait avoir une appréciation de la situation de la main- d’oeuvre féminine au CN et le résultat que ça avait donné, évidemment on a découvert qu’on avait très peu de femmes, environ 4% de toute la main- d’oeuvre, et l’étude elle- même avait permis à la direction de prendre conscience des attitudes." (N. s. p. 2195).

Le sommaire du rapport Boyle/ Kirkman précise les motifs pour lesquels cette étude avait été entreprise, la méthodologie utilisée par les auteurs. On y identifie également les problèmes qui ont été découverts à l’occasion de cette étude et également les recommandations qui sont apportées aux problèmes soulevés dans trois domaines spécifiques:

"1. Lack of Definitive Executive Management Commitment Top management’s interest on the issue of women has not been communicated effectively nor have direct actions demonstrated their concern. The majority of managers are understandably perplexed regarding the current and future role of women within CN. CN managers across the system await a definitive policy statement with specific action programs. Executive management must commit themselves to begin to encourage their subordinates to change the environment to one which truly provides equal opportunity. They must convince both men and women that a special emphasis program is needed to utilize the talents of CN women. These actions must begin now in order to assure CN of a new, qualified management resource in the future.

2. Traditional beliefs by managers and women in the many negative myths and stereotypes about working women

Our interviews revealed a disturbing degree of negative attitudes resulting in obvious discriminatory behavior. For example, the majority of women seeking employment are channeled into secretarial positions, whereas, men are guided toward clerical positions which most often lead to promotions to higher level clerical jobs and/ or middle management positions. In job bidding situations, women are frequently strongly discouraged from bidding on traditional men’s job. Until the negative environment that these attitudes create is improved, equal opportunity for women will never occur.

3. Current personnel policies and procedures

These policies are limited and ineffective as they relate to the majority of women at CN."

(Pièce A- 2, pp. 1- 2). Le rapport inclut également les points marquants d’une analyse statistique concernant le nombre et l’emploi occupé par les employés féminins au CN:

"Women workers comprise 1/ 3 of the total labor force in Canada (2,356,000). They hold 14.3% of managerial positions, 41.2% of professional and technical positions and 72% of all clerical jobs nationwide. These indications of occupational segregation result in part from the social mores and the traditional inherent physical nature of the work. As these influences diminish, however, few people can justify the exclusion of women from any area of the workforce.

In contrast to national employment statistics, women constitute only 4% of the total CN workforce and less than 1/ 2 of 1% of the Senior Management jobs which indicates a drastic underutilization of the women resource. A brief profile of the 3312 CN women highlights a low turnover rate and amazing longevity record despite the fact that the majority of them are clustered in the lowest level, lowest paying positions.

1. 31% of the schedule and 44% of the non- schedule women have 11 or more years of service.

2. 36% of the women hold non- schedule jobs and 41.5% of them earn over $10,000 per year; only 2.5% earn over $15,000 per year.

3. 64% of the women hold schedule positions but only 9.5% of them earn over $10,000 per year.

4. Women represented 9% of the terminations in 1973 and 5% in the first 7 months of 1974.

... All statistics were provided by the Personnel and Labor Relations Department and are as of July 25, 1974." (Pièce A- 2, p. 4).

L’attitude du personnel masculin du CN envers les femmes est également décrite dans ce rapport:

"One of the major reasons why women are not in positions of major responsibility within CN today is due to the unconscious, as well as the conscious, beliefs of male- dominated management in the many myths and stereotypes that exist about women as a group.

During our Environment Study, we kept notes on direct statements made by men and women indicating their attitudes on women in business. Representative statements are on the following pages.

We wish to emphasize that the majority of the statements included represent thoughts which were expressed by more than one CN employee.

These statements represent perceptions which, in some cases, statistics and direct experience do not bear out. They are no less important, however, valid or not, as they still affect behavior and, thus, represent real problems that any effective program must address." (Pièce A- 2, p. 16).

Certains exemples de commentaires, rangés par catégories par les auteurs du rapport Boyle/ Kirkman, sont reproduits ci- après:

"1. WOMEN - STEREOTYPES 1. Women are generally disruptive to the workforce. 2. Women aren’t tough enough to handle supervisory jobs. They

fail miserably under pressure. 10. The best jobs for women are coach cleaners - That’s second nature to them." (Pièce A- 2, p. 18).

2. WOMEN - MORALLY DISRUPTIVE AND PHYSICALLY INCAPABLE 1. One big problem adding women to train crews would be policing

the morals in the cabooses. 6. Work in the yards is too physically demanding. The weather is too harsh. 8. Women cannot do the physical aspects of a CN conductor’s job.

There’s too much handling of drunks, transients and undesirables."

(Pièce A- 2, p. 19).

3. WOMEN - CAREER MINDED

1. Women have no drive, no ambition, no initiative. 3. A woman can’t combine a career and family responsibilities. 10. The ’old boy network’ for promotions is very strong at CN.

This naturally inhibits women’s advancement. (Pièce A- 2. p. 20).

4. WOMEN - UNWANTED 1. My department is all male - they don’t want a woman snooping around. 5. Railroading is a man’s sport - there’s no room for women.

7. Unless I’m forced, I won’t take a woman." (Pièce A- 2, p. 21).

On inclut aussi certains commentaires favorables envers les femmes dans l’étude:

"MEN’S COMMENTS - FAVOURABLE TOWARD EQUAL OPPORTUNITY 1. Women are a vast, untapped resource we have overlooked until

now. 3. Women are the same as men - as long as they do the job, they should get hired, developed and promoted. 12. We are guilty of unconscious discrimination against women by never identifying and developing their talents." (Pièce A- 2, p. 23).

Les commentaires d’employés féminins montrent que les femmes sont très conscientes de l’attitude négative de leurs supérieurs masculins:

"WOMEN’S COMMENTS

2. We always hear - ’You’re taking a job from a man. ’ 14. We’re at the mercy of the individual supervisor. If he’s against women, we’re sunk. 17. When my Supervisor heard that he had to take two women, you should have heard the uproar he made in front of us. Le rapport Boyle/ Kirkman suggère également certaines politiques qui pourraient être mises de l’avant pour améliorer la situation de la femme au Canadien National:

"The majority of CN managers have established their priorities in the order in which they feel their performance will ultimately be measured, i. e. a reflection of their interpretation of top management’s concerns. Allotting time and energy from their busy schedules to manage their people properly and to provide special attention to eliminate discrimination against women have not been viewed as integral components of their jobs and, therefore, do not receive the necessary attention.

The Executive management of CN is committed to equal opportunity for all people. The commitment alone, however, is not sufficient to accomplish significant results in the area of women.

Our interviews at all levels of management reveal that the majority of managers with rare exceptions are not motivated to change their traditional behavior. Many of them see no need because they do not perceive the women as disadvantaged. But more important, CN managers are unaware of executive management’s interest and concern on the women’s issue. Clearly, top management must recognize that the motivation to change must be created through executive directive.

... Specifically, CN executive management needs to:

1. Get involved in demonstrating their commitment and in measuring their managers on progress against pre- set goals. 2. Require that each major department define their own specific problems; develop detailed programs for solving them; and set concrete targets for line managers to achieve."

(Pièce A- 2, p. 35). Le rapport Boyle/ Kirkman énonce que:

"Three action steps must be implemented in order to convince CN managers that executive management is seriously backing equal opportunity for women. Specifically, CN executive management must:

a. Communicate their intent to utilize women more effectively. ...

b. Demonstrate their personal commitment. ...

c. Make good people management with special attention toward women a factor in performance appraisal for managers." (Pièce A- 2, p. 36).

Le rapport Boyle/ Kirkman souligne l’importance de déterminer des objectifs et des buts:

"Setting specific (name and number) targets is essential, as without these goals, day- to- day priorities will take precedence over the more intangible employee development efforts. Good faith, persuasion and the morality and justice ethic are simply not powerful enough incentives to motivate managers to create and engender an environment of change reflecting better utilization of women workers. The majority of managers are familiar with numerical objectives and measurement, 50 applying these standards to the women’s program will merely be a variation on the normal business theme. Considering the system as it now operates, it is always more expedient to put a man in a job. There has to be such serious commitment from executive management that managers get the message that to continue the current status quo would be unwise.

Based on CN’s tradition of development and promotion from within, long- range targets are imperative. Women must get into the pipeline and gain the experience they need to qualify for the more responsible positions.

Short- range goals are also necessary in order to demonstrate management commitment, establish credibility and provide role models for both managers and women. Traditional attitudes will break down only when people have exposure to women performing capably in responsible positions and when they can appreciate good decisions and gain respect for someone’s ability regardless of sex." (Pièce A- 2, pp. 37- 38).

Le rapport Boyle/ Kirkman recommanda fortement que des programmes de sensibilisation soient établis à l’usage des gestionnaires et des employés féminins du CN:

"An overwhelming majority of the managers we interviewed during the Environment Study freely expressed strong negative feelings toward women in CN. Their opinions were often generalizations based on one experience with an individual woman or on hearsay derived from peer discussions. Their perceptions of potential problems associated with a fuller utilization of women were largely a result of assumptions with no factuals basis whatsoever. This has had to play a significant role in the current status of women within CN and unless addressed, will act as an overwhelming obstacle in the future.

Consequently, a Management Awareness Program needs to be developed and implemented which addresses general awareness of attitudes and behaviors toward women and focuses on techniques for understanding, managing and motivating women more effectively."

(Pièce A- 2, pp. 40- 41). Le rapport justifie comme suit sa recommandation:

"Many people believe that all women need in business is equal opportunity, which has, for the most part, been denied to them and they will learn to deal successfully in the business environment. The solution is not that simple. It is not enough to filter women into management training programs, place them on important committees and promote them to higher management positions. Full acceptance fo women as peers or superiors requires relearning by both sexes to dispel previously learned male- female role expectations.

Because of our traditional cultural conditioning, most women are not prepared to compete for responsible positions. They lack self- confidence; they see a conflict between the executive and the feminine roles; they have a deflated self- image; or lacking female role models, they fear being first."

(Pièce A- 2, p. 42).

Le rapport Boyle/ Kirkman recommandait également que le CN entreprenne immédiatement une révision complète de sa structure administrative (Pièce A- 2, p. 60).

Le rapport énonçait que cette révision de tous les emplois au CN serait salutaire pour les fins suivantes:

"Internal Equity There are a number of professional growth situations in which an employee can progress from an entry- level position up through several levels to a Senior or Supervisory position. Updated job descriptions and standardized job specifications resulting from the job review establish and document quantifiable measurements to differentiate between the levels of a growth- type job. The establishment and documentation of these measurements eliminates the dependence upon the manager to serve as sole judge as to an employee’s readiness for elevation to the next level. Currently, standards are often applied more liberally to male employees and more strictly to female employees.

(Pièce A- 2, p. 60).

Standardized Job Specifications

... During the Environment Study interviews, we ascertained that one set of job specifications are normally quoted as minimal for adequate job performance. Often, recently hired or transferred male candidates do not possess these basic qualifications, yet the managers state that they have potential and fairly good track records. Women candidates are rarely given this type of consideration for an opportunity to utilize their on- the- job experience or to take advantage of the job training available in most departments for non- management exempt positions."

(Pièce A- 2, p. 61). Le rapport Boyle/ Kirkman faisait également des recommandations concernant le recrutement des femmes:

"CN needs to adopt a well- planned, aggressive program for the recruitment of women.

The following are some suggested actions which could be included in the recruitment program:

A. Establish numeric objectives by level for the recruitment of women.

B. Train all the personnel recruiters about how to interview women effectively.

C. Develop new avenues for locating women: (1) Advertise in women’s periodicals (2) Work with women’s search agencies

(3) Specify women candidates wanted from all search agencies (4) Encourage women referrals from employees (5) Identify an individual within Personnel who could provide immediate follow- up on resumes and other leads regarding potential women candidates. Be prepared to act fast."

(Pièce A- 2, p. 69). Le rapport Boyle/ Kirkman concluait en énonçant que:

"A comprehensive total emphasis program is necessary. A fragmented approach produces minimal - often negative - results. ... Managers know the reward system. They will go through the motions but won’t take risks and accomplish any real results unless they know their superiors are sincerely interested and involved and that they themselves are being measured against established goals and objectives."

M. Masse a témoigné à l’effet que le CN a adopté les recommandations du rapport Boyle/ Kirkman concernant les séminaires de sensibilisation:

"A la suite de cette étude, en autant que je me souvienne, en 1975, 1976 et 1977 on a commence par donner des séminaires qui ont été donnés par Boyle/ Kirkman, la firme elle- même, et par la suite on a formé nos personnes pour donner les mêmes séminaires à nos cadres, et le principal message que j’ai pu retenir de ce séminaire c’est que, évidemment, la population, et c’était un message simple, c’est peut- être ce qui demeure le plus, c’est que la population canadienne est formée de deux bassins, d’hommes et de femmes, et que chaque bassin a son profil statistique de talents, vous avez des gens qui sont dans la haute échelle des talents, des gens qui ont des talents moyens et d’autres ont des talents plus faibles, et tant et aussi longtemps que le CN continuera de faire accès à un seul bassin de population, compte tenu de son très grand nombre d’employés, il devra éventuellement, pour les employés de métiers ou les employés cadres, faire appel à des gens qui ont moins de talents que d’autres pourraient en avoir.

Donc, à long terme, le message c’était que le CN ne s’aidait pas en continuant cette pratique- là." (N. s. pp. 2195- 2196).

M. Masse a également affirmé que le président du CN d’alors, M. Robert A. Bandeen, envoya une lettre datée du 23 janvier 1975 à tous les vice- présidents et chefs de département du Canadien National dans laquelle il demandait qu’une action soit entreprise en vue de rectifier la situation dévoilée par le rapport Boyle/ Kirkman:

"Each one of us must act to overcome these deficiencies within our jurisdiction. We must set goals in respect of recruitment, both into traditionally male- oriented job categories and in respect of promoting female employees into supervisory and management positions. There is much that can be done as well to increase the scope of the contribution of female employees in secretarial or administrative work, which will improve administrative support while furthering their development.

A meeting has been called by Mr. Cameron with Employee Relations representatives for early February, to improve personnel systems and procedures in support of the actions which will be undertaken by you towards your goals. Mr. Cameron will also arrange for awareness seminars for both managers and female employees to help overcome the problem of unconscious bias among managers and misconceptions on both sides among managers and female employees about the capabilities of the latter. He will be in touch with you about arrangements for these seminars.

Women constitute a rather meagre 4% of our workforce and there is no doubt that goals must be set and actions taken towards achieving a substantial increase in this proportion. A report of progress will be tabled for the Vice- Presidents’ meeting planned for April 30 - May 1." (N. s. pp. 2196- 2198, pièce R- 35, pp. 1- 2).

Un discours de M. Bandeen, auquel réfère la revue The Canadian Business Review, numéro de l’été 1975, précise les moyens mis en oeuvre par le CN durant la première partie de l’année 1975:

"We have initiated a series of awareness sessions for our managers at System Headquarters during which traditional prejudices against women are analyzed through case histories and role- playing. As soon as a major portion of our managers - including women managers have attended these, we will be launching awareness sessions for female employees at all levels. At these sessions the women will also examine the fallacies behind prejudices and stereotypes so that they will be better prepared to play their full role in the company.

We have appointed a full- time co- ordinator of female resource development to ensure that the subject is given the attention it deserves in the company. Among other steps being taken to destroy typical stereotype roles has been a policy by our employee newspapers to feature pictures of women in CN performing jobs normally thought of as being for men only. We have female lawyers, freight sales people, truck drivers and track workers in the company, but few people know they exist.

The process of changing the percentage of women in management and non- management ranks in CN to something closer to that of the general workforce will be a slow one. There is general agreement that a crash program would result only in tokenism. The promotion of women to jobs for which they were not qualified would only defeat the long term objectives of ensuring that women are given the same opportunities for promotion on the base of merit that men enjoy." (Pièce A- 13, p. 10).

M. Allan Deegan a également témoigné à titre de vice- président pour les Services centraux au siège social du CN. M. Deegan était vice- président adjoint du personnel de 1977 à 1979 et vice- président du personnel de 1979 à 1981 (N. s. pp. 2481- 2483).

M. Deegan a précisé les modalités de mise en oeuvre des séminaires de sensibilisation à l’usage des gestionnaires du CN. Il a indiqué que la motivation et le sérieux des administrateurs du CN en ce qui a trait à une question donnée ... gets translated into the most important and serious thing an executive can do, and that is to allocate resources within a corporation. Il a déclaré que le CN avait alloué environ un million et demi de dollars (incluant le temps des participants) aux séminaires de sensibilisation (N. s. p. 2533). Il a indiqué qu’environ 250 gestionnaires de la région du St- Laurent ont participé aux séminaires sur une période de deux ans (N. s. p. 2492).

M. Deegan a précisé que les employés syndiqués n’ont pas participé aux séminaires de sensibilisation parce que:

"... with our unionized employees, any change to the existing contract has to be discussed, and, in effect, either agreed on mutually, or further negotiated with the union ... Certainly there was no great clamour from the representatives or our organized labour who wanted to have seminars put on for their membership." (N. s. pp. 2561- 2562).

M. Deegan a également témoigné qu’en plus des séminaires de sensibilisation, le CN avait déjà mis en place ou mis en oeuvre beaucoup des autres recommandations du rapport Boyle/ Kirkman telles les recommandations touchant la révision des emplois, les descriptions de ces emplois, l’uniformisation des exigences d’embauche, l’égalité de salaire, l’évaluation des systèmes et du rendement (N. s. pp. 2496- 2500).

M. Deegan a indiqué que lorsque les séminaires de sensibilisation ont été complétés, Mme Heather Pratt, qui avait été responsable de ces programmes, fut mutée à son ancien emploi au siège social du CN (N. s. p. 2510). Ses responsabilités en ce qui a trait aux employés féminins au CN furent transférées aux vice- présidents régionaux et par sous- délégation, aux responsables régionaux du personnel (N. s. p. 2511).

M. Deegan nous a précisé qu’il n’existait pas de budget spécifique alloué pour les problèmes liés à l’emploi des femmes dans la compagnie et que toute cette activité avait été intégrée dans les ressources des Services du personnel (N. s. p. 2534).

M. Deegan a témoigné à l’effet que le CN n’était pas d’accord avec la recommandation du rapport Boyle/ Kirkman selon laquelle:

"Setting specific name and number targets is essential ..."

(N. s. p. 2250), car so many of the factors are beyond our control and beyond our knowledge (N. s. p. 2552). Il a expliqué que le nombre de femmes qui sont candidates pour un emploi au CN, leurs qualifications, ainsi que le nombre d’emplois disponibles au CN sont tous des facteurs qui ne sont pas connus (N. s. pp. 2552- 2553).

Le témoin a également expliqué la relation qui existe entre le siège social du CN et les unités régionales. Il a indiqué que la compagnie était structurée en départements. Le président de chaque département relève directement du président de la compagnie (N. s. p. 2486):

"I could cite the example, if I may, of Mr. Conrad Marcoux who is the regional manager of employee relations on our St. Lawrence Region charged with carrying out, on Mr. Masse’s behalf, all the personnel related activities on that region.

The relationship of Mr. Marcoux as regional manager of employer relations to the vice- president of personnel is one of a cooperative relationship wherein the corporate personnel unit provides advice, support and coordination to the activities of Mr. Marcoux and his colleagues in the other different regions of the company.

So, it is not a direct line authority type of relationship, but rather a relationship of functional guidance of cooperative direction." (N. s. p. 2487).

Selon M. Deegan, la politique de recrutement du CN implique que l’on recrute par les propres bureaux d’embauche du CN et que les promotions sont faites de l’intérieur. Ceci a pour résultat que le recrutement extérieur du CN, autre que pour les postes d’entrée, demeure plutôt marginal (N. s. p. 2504).

II. LES RELATIONS ENTRE ACTION TRAVAIL DES FEMMES ET LE C. N.

Action Travail des Femmes

Mme Christine Gordon, bien que vivant maintenant à Vancouver, a été l’une des fondatrices de Action Travail des Femmes (ATF). Mme Gordon a témoigné que cet organisme a débuté comme une extension d’un projet financé par le ministère de la Main- d’oeuvre (maintenant ministère de la Main- d’oeuvre et de l’Immigration). L’objectif d’ATF était de susciter la création d’emplois pour une clientèle formée de femmes que le ministère de la Main- d’oeuvre aurait trouvé très difficile à servir dans le passé (N. s. p. 2705).

Dominique Leclercq, permanente d’ATF, a indiqué que la clientèle d’ATF incluait des femmes chef de famille, des femmes de plus de 40 ans ainsi que de jeunes femmes sans expérience de travail (N. s. p. 96).

Mme Carole Wallace a pour sa part affirmé qu’elle avait été associée à ATF depuis sa fondation en octobre 1976 (N. s. p. 364). A cette époque, elle était membre du conseil d’administration d’ATF. En mars 1978, elle devint une permanente rémunérée de ce mouvement (N. s. p. 274).

Mme Wallace a expliqué qu’environ un mois après, soit en avril 1978, les liens entre ATF et le ministère de Main- d’oeuvre du Canada furent coupés parce qu’ATF avait fait pression sur le ministère de la Main- d’oeuvre pour que les femmes soient admises dans certains cours de formation. ATF fut alors restructurée de façon à pouvoir opérer comme un groupe de pression (N. s. pp. 365- 366). L’organisme fut incorporé en juin 1978 (N. s. p. 275).

Mme Gordon a indiqué qu’ATF fut enregistrée sous deux noms: Action Travail des Femmes et Womanpower parce qu’elle visait à servir à la fois la communauté anglophone et francophone (N. s. p. 2706).

Mme Leclercq a précisé dans son témoignage qu’ATF changea graduellement son optique pour en venir à chercher des emplois non- traditionnels pour les femmes, c’est- à- dire des emplois dans des secteurs où les femmes étaient alors absentes. Elle a expliqué pourquoi ATF a mis l’accent sur les emplois dits non- traditionnels:

"Alors, c’est justement que parce que, vu la situation actuelle, mais déjà depuis plusieurs années, les possibilités d’emploi rétrécissent, en particulier pour les femmes, et les emplois traditionnellement féminins. Par contre, les femmes veulent de plus en plus avoir des emplois, des emplois stables, des emplois bien rémunérés et des emplois qui leur offrent des chances d’avancement. Alors, où est- ce que sont ces emplois? Justement, dans les métiers non- traditionnels, c’est- à- dire dans des secteurs en développement au niveau de l’emploi, dans des secteurs où sont créés des emplois dans le moment et ce sont donc des emplois qui étaient jusqu’à maintenant traditionnellement réservés aux hommes. Donc, c’est la seule chance des femmes de trouver un emploi décent. C’est d’aller vers ces secteurs- là à l’heure actuelle." (N. s. pp. 92- 93).

Mme Leclercq a expliqué qu’ATF a même un budget d’environ 50 000,00 $ par an. Ceci couvre les dépenses de bureau et les salaires de quatre employés permanents, tous à temps partiel (N. s. p. 93).

Mme Wallace a décrit ainsi le fonctionnement des permanents d’ATF:

"Les fonctions d’une permanente d’Action Travail des femmes sont assez variées, je vous avoue. Principalement, c’est d’aider les femmes qui cherchent un emploi puis comment on les aide ça peut être de toutes sortes de façons. ... Alors, ça serait de recevoir les femmes qui se cherchent un emploi, de faire état de leurs possibilités d’emploi puis de les soutenir dans leurs démarches pour se trouver un emploi. Alors, quelquefois ça pouvait être ... parce qu’il faut comprendre que l’organisme a évolué dans le temps. Alors, au début, en 1977, on a fonctionné beaucoup plus comme une agence de placement, pas agence de placement dans le sens que c’était une agence à but lucratif, mais plutôt une agence dans le sens qu’on cherchait à faire des contacts avec les employeurs afin de placer les femmes. Depuis, on ne fonctionne plus de cette façon- là, mais au début c’était beaucoup plus une question de faire des démarches auprès des employeurs puis d’essayer de référer des femmes à des employeurs spécifiquement." (N. s. pp. 275- 276).

Mme Wallace a indiqué qu’ATF recherchait des emplois disponibles dans différentes compagnies dont le CN. Elle a décrit une rencontre qu’ATF avait organisée et à laquelle ont participé plusieurs des grandes entreprises de Montréal:

"... en janvier de ’78 Action Travail des Femmes avait organisé une table ronde où ont participé beaucoup de grands employeurs de Montréal, dont Bell Téléphone, le CTCUM, des grands employeurs comme ça, puis l’objectif de cette table ronde était de sensibiliser les employeurs.

Il y avait effectivement cette journée- là une représentante du Canadien National, Mme Colette Beauchamp, qui a participé puis qui avait parlé aux autres employeurs au sujet des femmes que le CN avait embauchées récemment dans des postes de nettoyeuses de wagon. Alors, on a aussi contacté d’autres employeurs, c’est sûr." (N. s. p. 277).

Mme Leclercq a témoigné à l’effet que la clientèle d’ATF était recrutée grâce à certaines organisations communautaires, incluant des agences de services sociaux, les journaux et des conseillers en emplois (N. s. pp. 98- 99).

Rapports ATF / CN de 1977 à l’été 1978 M. Yvon Masse, vice- président de la région du St- Laurent du CN, a donné un aperçu des efforts du CN en vue d’intégrer les femmes dans les postes non- traditionnels:

"... au point de vue historique, si on parle mettons ... avant l’époque de juillet 1978 où la politique a été promulguée comme une politique régionale, j’avais l’occasion de discuter de temps à autres avec mon directeur du personnel, M. Marcoux, qui m’informait d’une façon générale de la progression du comité qui était chargé de préparer cette politique- là et c’est lors d’un comité de gestion élargi où on m’avait demandé à ce moment- là d’assister ou d’accepter à l’agenda qu’on me présente sur des formules ... sur des feuilles détachées, une présentation qui décrivait les moyens que la région du St- Laurent devait prendre d’une façon générale pour pouvoir atteindre les objectifs d’embauche féminine, non seulement dans les postes non- traditionnels, mais dans les autres domaines aussi.

Alors c’est une politique que personnellement j’ai acceptée d’emblée parce que à mon avis elle correspondait premièrement à la lettre du docteur Bandeen que l’on vient de voir. ...

Ca coincidait aussi avec la mise en effet du Bill C- 25 qui a pris effet, en autant que je sache, au mois de mars 1978 et trois mois après on est arrive avec un programme qui s’orientait pour augmenter le nombre de femmes dans la région du St- Laurent; ..." (N. s. pp. 2199- 2200).

Ce témoignage a été complété par celui de M. Normand Toutant qui est depuis décembre 1979 le directeur du personnel de la région du St- Laurent du CN Rail. Avant cette date, soit d’avril 1977 à décembre 1979, M. Toutant était directeur du Service d’embauche pour le bureau de Montréal (N. s. pp. 1501- 1502).

M. Toutant a déclaré qu’on lui avait mentionné la politique du CN en ce qui a trait à l’embauche des femmes à l’époque où il passa une entrevue avant d’être engagé en 1977:

"... d’abord lorsque j’avais été interviewé pour le poste de directeur des services d’embauche, on m’avait fait part que le prochain directeur, une des priorités disons qu’il aurait à s’occuper dès le départ, ça serait de mettre de l’emphase sur l’embauche des femmes dans les postes non- traditionnels, ce que je m’étais empressé de faire parce que disons dès le mois de mai 77 à Montréal nous avons commencé à embaucher des femmes dans des postes non- traditionnels." (N. s. pp. 1509- 1510).

M. Toutant décrit ainsi ses premiers contacts avec ATF:

"La première expérience remonte environ à la mi- octobre 77 alors que j’avait reçu ... un pamphlet par le courrier venant de Mlle Jocelyne Chicoine qui était comme agent de liaison auprès des employeurs pour le ministère de la Main- d’oeuvre et de l’Immigration pour un organisme qui s’appelait à l’époque WOMANPOWER.

Alors, Mlle Chicoine, accompagnée de Mlle Christine Gordon, était venue me rencontrer vers la mi- octobre au bureau d’embauche afin de m’expliquer dans les grandes lignes le but de l’organisme qui était subventionné par le ministère de la Main- d’oeuvre, comme je vous l’ai dit auparavant." (N. s. pp. 1502- 1503).

... Alors, lors de la rencontre avec Mlles Chicoine et Gardon, elles m’avaient décrit brièvement qu’est- ce qu’elles entendaient faire, et d’un commun accord, on s’était fixé une rencontre ...

C’était plutôt dans les derniers jours d’octobre, afin qu’on puisse approfondir un peu quelles étaient les possibilités que l’on puisse travailler conjointement. (N. s. pp. 1503- 1504).

Alors, lors de la deuxième rencontre, j’ai expliqué à Mlles Chicoine et Wallace quel était l’éventail des postes que le Canadien National avait à pourvoir à chaque année, mais il faut dire aussi que ce n était pas uniquement des postes non- traditionnels que l’on connaît, je veux dire avec des efforts physiques et soutenus. ... Alors, à ce moment- là, j’avais fait l’inventaire des postes à Mlles Chicoine et Wallace.

Entre autres, je leur avais parlé des postes d’entrée qui étaient assez souvent, le plus souvent disponibles, à savoir je leur avais parlé comme manutentionnaire dans la division des messageries, de même que camionneur qui arrive assez fréquemment et qu’il y avait des postes de journaliers ou journalières, si vous préférez ...

Dans les postes de journaliers ou journalières, c’était dans CN Rail, dans n’importe quelle division qu’il pouvait y avoir au Canadien National.

Je leur avais parlé également des postes de serre- freins et naturellement des postes de nettoyeurs de voitures, de même que différents cours d’apprentissage, postes d’apprentissage dans différents métiers.

Alors, à chacun des postes qui avaient été mentionnés, naturellement on donnait des prérequis, de même que les temps d’embauche, parce qu’il faut dire que dans tous les postes que j’avais nommés on n’embauche pas continuellement. On avait à ce moment- là peut- être dix à douze ouvertures par mois qui se créaient dans différents postes. (N. s. pp. 1504- 1506).

M. Toutant a décrit dans les termes suivants un séminaire organisé par le CN et tenu à Montréal le 10 ou 11 novembre 1977, à la même époque environ que ses premiers contacts avec ATF, et où on discuta de l’emploi des femmes dans des postes non- traditionnels:

on devait rencontrer des personnes qui devaient venir nous parler afin qu’on leur mette beaucoup plus d’emphase sur l’embauche de femmes dans des postes non- traditionnels. ... Alors, ces personnes- là nous avaient expliqué que l’importance que chacun de nous devait mettre et l’emphase que nous devions mettre à chacun de nos bureaux afin d’augmenter sensiblement la proportion de femmes dans les postes non- traditionnels.

A cet effet, à la fin du séminaire, on nous avait également demandé, étant donné que c’était vers la mi- novembre lorsque ça s’est terminé, mi- novembre 77, on nous avait demandé que pour le début de l’année 78 que chacun de nous fasse parvenir à M. Stupen un rapport et un mémo, si vous voulez, dans lequel nous indiquerions la stratégie que chacun des bureaux projetait mettre en branle pour les années à venir afin de promouvoir l’accès aux femmes dans les postes non- traditionnels. (N. s. pp. 1507- 1508).

M. Toutant a indiqué qu’il a transmis un mémo à son supérieur, M. Ron Stuppen, le 11 janvier 1978. Dans ce mémo, il expliquait sa stratégie en vue de recruter plus de femmes dans les emplois non- traditionnels:

"Strategy for the recruitment of Females in non- traditional roles 1. We feel it is better to present this subject to female candidates by their female counterparts; namely, the employment clerks, Colette and Lise. To this end, special training has been given to these clerks and greater attention is directed towards both those candidates who apply for non- traditional roles and those who apply for traditional roles, but are not aware that CN is a progressive Company in this area. Thus, at the counter, we are reaching out as much as possible to attract a greater number of females.

2. Another source of recruitment is WOMANPOWER, a division established by the Federal Government to promote the hiring of women in non- traditional roles. They have supplied us with various candidates, two of whom have started as coach cleaners. We also have a waiting list for women who have been tested and interviewed for the apprenticeship program. Weekly contact is usually kept up with this agency.

3. Endeavours are being make to exhibit various photos in the outer waiting room to visually portray opportunities for females to apply on non- traditional roles." (N. s. p. 1508, pièce R- 5).

Les premiers rapports entre le CN et ATF sont également décrits par Christine Gordon et Carol Wallace, toutes deux d’ATF. Christine Gordon a indiqué que le premier contact d’ATF avec CN Rail avait été établi par l’intermédiaire de Dominique Perez, l’une des permanentes d’ATF dont la mission était de contacter les employeurs afin de discuter d’une collaboration possible pour les fins d’embaucher des femmes. Mlle Gordon a indiqué que Mlle Perez rencontra un responsable du Service du personnel au CN et plus tard, M. Normand Toutant. Celui- ci lui affirma qu’il serait capable d’établir une collaboration entre le CN et ATF.

Mlle Gordon a indiqué que quelques semaines plus tard, M. Toutant lui annonça lors d’une conversation téléphonique que le CN était très intéressé à trouver des femmes pour remplir certains des emplois de col bleu spécialisé au CN. Il lui a alors précisé que la progression se ferait grâce à la promotion de la position de nettoyeur de wagon à des emplois plus spécialisés (N. s. pp. 2706- 2707).

Mme Wallace a témoigné que M. Toutant lui avait dit que:

"... ces femmes commenceraient comme nettoyeuses de wagon, mais que, comme la compagnie donnait la formation pour plus tard, ces femmes commenceraient comme nettoyeuses, mais qu’elles deviendraient ensuite apprentis wagonniers, elles apprendraient la soudure puis tout le métier de wagonnier." (N. s. p. 280).

Selon Mlle Gordon, les seules exigences des emplois que M. Toutant avait mentionnées alors concernaient la hauteur des candidates. Celles- ci devaient mesurer au moins cinq pieds cinq pouces, avoir le poids requis, une bonne santé, et l’aptitude à passer avec succès un test d’aptitudes mécaniques. Elle a indiqué qu’il n’était pas alors mention d’une exigence relative à la soudure (N. s. pp. 2707- 2708).

Presqu’immédiatement après, ATF aurait commencé à référer des clientes au CN, et ce de manière constante dans les mois qui suivirent. Les deux premières femmes qui furent référées par ATF passèrent avec succès les tests d’aptitude et furent engagées environ trois mois après l’entrevue initiale. Mme Gordon a témoigné à l’effet qu’aucune de ces femmes n’avait une quelconque expérience en soudure ou dans une autre spécialité (N. s. pp. 2708- 2709).

Selon Mme Wallace, après que ces deux femmes eurent été engagées, le CN a communiqué avec ATF pour dire que:

"Ces deux candidates avaient beaucoup d’allure et qu’elles seraient effectivement embauchées comme nettoyeuses de wagon" (N. s. p. 281).

Mme Wallace décrit ainsi les rapports qui existaient entre ATF et le CN vers la fin de l’année 1977 et le début de l’année 1978:

"C’est important aussi de voir l’arrangement qu’on avait avec le bureau d’embauche du Canadien National dans ce temps- là parce que c’était un arrangement que nous on trouvait très, très encourageant dans le sens que quand on avait une candidate que nous on jugeait apte à accomplir le poste en question, on appelait tout de suite au bureau d’embauche où il y avait une personne on avait quasiment l’impression que c’était une personne qui s’occupait de nous; on savait qu’elle avait d’autres tâches, mais on a toujours été capable de la rejoindre, elle a toujours été très chaleureuse avec nous. Il s’agissait d’abord d’une femme qui s’appelait Colette Beauchamp puis ensuite d’une femme qui s’appelait Lise Bourque. C’était des femmes très ouvertes que même quand elles elles avaient des possibilités d’emploi à combler, elles communiquaient avec nous. Elles n’attendaient pas nécessairement que nous on les appelle; elles nous appelaient." (N. s. p. 282).

On retrouve les mots the very positive relationship with CN dans le témoignage de Christine Gordon (N. s. pp. 2709- 2710). Selon ce témoin, It was an opportunity to training which we were trying so hard to find with so many companies (N. s. p. 2717).

Selon Mlle Gordon, ATF a référé environ 20 à 25 femmes au CN sur une période de huit mois. La plupart des candidates à une ou deux exceptions près, n’avaient pas subi d’entraînement préalable (N. s. p. 2714).

Mme Wallace a indiqué que l’une de ces exceptions était Mme Mary Booth Kaye qui avait subi déjà un entraînement comme machiniste. Mme Wallace a précisé que Mme Booth a passé avec succès tous les tests au CN et en moins de cinq à six semaines, fut engagée comme apprentie- machiniste. Elle devint la première femme machiniste employée au CN à Montréal avant d’être transférée à Toronto (N. s. p. 284).

Mlle Leclercq a fourni des chiffres concernant le nombre de femmes référées par ATF au CN en comparaison du nombre de femmes qui cherchaient conseil auprès d’ATF:

Total Référées conseillées Année au CN par ATF

1978 12 150 1979 26 170 1980 0 200 1981 70 345

(N. s. p. 94). M. Masse a témoigné qu’en juillet 1978, il a transmis une lettre à tous les gestionnaires de premier et second niveaux, soit 21 personnes en tout, en vue d’informer leur personnel et superviseurs que c’était maintenant la politique de la région du St- Laurent (N. s. pp. 2201- 2202). Cette lettre référait effectivement à un document intitulé Programme possibilités égales ou l’utilisation optimale de la main- d’oeuvre féminine à la région du St- Laurent. La lettre contenait également un exemplaire de la nouvelle Loi canadienne sur les droits de la personne qui avait été mise en vigueur en mars 1978 (Pièce R- 36 et N. s. pp. 2201- 2202).

Le document Programme possibilités égales énumérait trois objectifs généraux quant à la participation des femmes au CN:

"1. hausser le nombre total de femmes à l’emploi du CN; 2. hausser le nombre de femmes cadres; 3. hausser le nombre de femmes dans des emplois traditionnellement réservés aux hommes. Nous tenons ici à préciser que nous n’avons aucunement l’intention d’imposer des quotas à qui que ce soit mais plutôt de nous organiser pour utiliser rationnellement la main- d’oeuvre masculine et féminine qui se présente au bureau d’embauche pour solliciter du travail chez nous." (Pièce R- 36, p. 1).

M. Masse a indiqué qu’il était opposé à l’imposition de quotas:

"Quant à moi, comme gestionnaire responsable de la région du St- Laurent, en ce qui a trait aux quotas, je ne suis pas en faveur de ça. Je suis en faveur d’ouvrir des postes de plus en plus nombreux à des candidates féminines mais, d’autre part, pour une compagnie qui a des activités commerciales, je trouverais quand même malheureux qu’on doive se priver de personnel complètement qualifié en supposant qu’un homme de métier a sa carte de compétence, arrive au bureau d’embauche avec 10 années d’expérience et qui a été mis à pied ailleurs et qui correspond exactement à nos besoins, je trouverais malheureux quand même qu’on dise tu ne peux pas venir travailler chez- nous parce qu’on a pas rempli notre quota dans le domaine de l’embauche féminine." (N. s. pp. 2203- 2204).

Le document Programme possibilités égales commentait ainsi le succès des séminaires de sensibilisation:

"Sur le plan de l’attitude générale envers les femmes, les cadres de notre région se disent d’accord en principe avec l’embauche des femmes dans des postes jusqu’ici réservés aux hommes bien qu’ils doutent que de vraies femmes acceptent de travailler dans des conditions difficiles (ex: travail de nuit, pas toujours propre, expose aux intempéries, longues heures, éloigné du domicile, etc.)." (Pièce R- 36, p. 2).

Le document proposait une ligne d’action pour l’avenir:

"Nous croyons que l’heure est venue de faire un pas de plus et de passer des paroles à l’action, des attitudes aux gestes concrets pour permettre l’intégration de la main- d’oeuvre féminine partout où les femmes voudront bien aller travailler au CN à condition qu’elles aient les qualités requises pour le faire.

Compte tenu de l’adoption du Bill C- 25* en juin 1977, nous préconisons le recours à des mesures transitoires bien définies afin d’enrayer progressivement d’une part toute trace de discrimination dans notre région et d’autre part, de minimiser l’impact de l’arrivée éventuelle de femmes, dans une équipe de travail exclusivement composée d’hommes.

A mesure que nous atteindrons notre but ultime de POSSIBILITES EGALES, les mesures transitoires proposées dans ce document pourront disparaître ayant comme résultat des pratiques de Personnel plus justes et mieux adaptées au contexte socio- économique actuel.

La Région du St- Laurent se propose d’orienter ses efforts vers cinq OBJECTIFS- ACTION que nous pourrions poursuivre ensemble, chaque service s’y engageant dans les faits à son rythme à mesure que la main- d’oeuvre féminine qualifiée sera disponible et consentante à se joindre à un groupe de travail masculin prêt à l’accueillir." (Pièce R- 36, p. 3).

Le document se terminait par un programme d’action en cinq points, dont les objectifs étaient les suivants:

  1. Engager du personnel féminin;
  2. Approfondir notre attitude réceptive envers les femmes au travail au CN;
  3. Supporter les femmes à l’emploi du CN dans leur adaptation et efforts de progrès;
  4. Donner à la société l’image d’une entreprise favorable à l’embauche des femmes;
  5. Analyser périodiquement l’évolution de la main- d’oeuvre féminine au CN. (Pièce R- 36, pp. 3 à 6).

Rapports entre le CN et ATF de l’été 1978 à décembre 1979

Mme Wallace a indiqué dans son témoignage que vers la fin de l’année 1978, les relations entre le CN et ATF commencèrent à changer. Mme Wallace indique qu’elle avait maintenu contact avec les deux premières femmes engagées au CN et que l’une des deux, Rachelle, lui relata des incidents de harcèlement sexuel et certains commentaires des hommes avec qui elle travaillait:

"... pourquoi vous voulez venir travailler ici; après tout, votre place c’est dans une manufacture, vous devriez être dans une manufacture puis opérer une machine à coudre." (N. s. p. 286).

Mme Wallace a également indiqué qu’au début de l’été de 1978, ATF avait référé trois femmes au CN mais qu’une seule des trois avait passé avec succès le test d’aptitude mécanique (N. s. pp. 287- 289). A l’été 1978, une autre femme échoua le test d’aptitude mécanique mais fut engagée comme journalière (N. s. pp. 289- 290).

C’est à ce moment que, selon son témoignage, Mme Wallace commença à réaliser que le test d’aptitude mécanique avait l’effet d’empêcher les femmes d’accéder aux emplois au CN. Elle obtint de passer le test elle- même et le réussit. Cependant, elle attribua ce succès au fait qu’elle avait étudié la physique et les sciences à l’école secondaire (N. s. pp. 290- 292).

Poursuivant son témoignage, Mme Wallace a indiqué que la candidate suivante envoyée au CN avait une certaine expérience en soudure mais échoua tout de même le test d’aptitude mécanique (N. s. p. 293). La candidate suivante, Carla Nemeroff, fut référée au CN le 13 octobre 1978. Elle passa les tests avec succès (N. s. p. 294) et le 8 décembre 1978, fut engagée comme journalière (N. s. p. 317). Selon Mme Wallace:

"J’ai aussi dit qu’on était un peu surprise à l’effet qu’elle soit embauchée comme journalière vu qu’elle avait déjà eu une formation spécialisée en mécanique d’une année. C’était un cours donné par la Main- d’oeuvre du Canada." (N. s. p. 317).

Selon Mme Wallace, une autre femme, Kathy Curten, réussit tous les tests mais ne fut pas engagée. Mme Wallace téléphona au bureau d’embauche du CN pour se renseigner sur ce qui s’était passé. Elle découvrit que la personne avec laquelle elle était habituellement en contact au bureau d’embauche, Lise Bourque, ait été mutée à un autre emploi. On référa Mme Wallace à Mme Serfati qui accepta de la rencontrer afin de clarifier les critères d’embauche (N. s. p. 294).

Mme Wallace décrit comme suit cette rencontre:

"J’étais très surprise rendue là quand Mme Serfati m’a dit mais, écoutez, nous avons changé nos critères puis maintenant il faut que les femmes, pour être embauchées comme nettoyeuses de wagon, aient une expérience en soudure. Je me suis objectée à ça. J’ai dit écoutez, les femmes, vous le savez fort bien, n’ont pas d’expérience en soudure, n’ont pas de formation en soudure, on n’a jamais eu la possibilité d’en acquérir et si vous mettez une telle exigence ça va vouloir dire que d’autres femmes au Canadien National n’en auront pas.

Alors, Mme Serfati n’avait pas du tout l’air de comprendre cet argument- là et elle a dit de toute façon, on le fait parce que le syndicat nous le demande puis on ne peut rien faire, c’est le syndicat qui nous oblige de faire ça. Elle a ajouté que, de toute façon, pour être juste, la compagnie ne pouvait pas embaucher des femmes à moins que ces femmes aient au moins la compétence et l’expérience et la formation égales à celles des hommes. Autrement dit, elle a dit pour nous, la possibilité égale ça veut dire qu’on embauche la personne la plus qualifiée et si on ne fait pas ça, on va être accusé de discrimination; les hommes à l’intérieur de la compagnie vont se plaindre avec raison; alors, c’est pour ça qu’on ne peut plus faire des exceptions pour les femmes.

J’ai essayé d’argumenter, mais vraiment c’était une position très claire et, à la fin de notre rencontre, M. Toutant est venu affirmer cette position, M. Toutant qui était dans le temps le directeur au bureau d’embauche.

Je me suis dit au moins, tant qu’à être ici, je vais essayer d’aller chercher le maximum de renseignements. Alors, j’ai dit pourriez- vous me dire, d’après vos nouvelles exigences ou les exigences en vigueur actuellement, quels sont les critères d’embauche pour chacune des ’entry level positions’, des postes d’entrée pour qu’on puisse savoir quoi dire aux femmes; si vous les avez changés, on veut bien savoir de quoi il s’agit. Alors, elle m’a donné les renseignements suivants.

Elle m’a dit que pour nettoyeur de wagon il fallait avoir au moins 18 ans; il fallait réussir le test d’aptitude mécanique, mais elle n’a jamais spécifié qu’est- ce que ça voulait dire réussir le test d’aptitude mécanique, ce n’était jamais expliqué; il fallait être disponible pour travailler des shifts et que la compagnie allait donner la formation aux personnes qui avaient une expérience et une formation en soudure. Ca c’était pour nettoyeur de wagon.

Ensuite, pour les programmes d’apprentissage, on m’avait parlé des programmes d’apprentissage en électricité, les programmes pour les ferblantiers, pour former des ferblantiers, des machinistes, des tuyauteurs et des wagonniers. On m’avait dit que ces apprentis devaient être ou doivent être entre 17 et 30 ans; ils doivent avoir un secondaire V, plus une année de formation spécialisée; ils doivent avoir 2 000 heures de métier puis ils doivent réussir les examens. Je ne savais pas de quels examens ..." (N. s. pp. 298- 300).

En janvier 1979, le CN publia une étude intitulée Women in CN Status Report. Ce rapport était signé par Mme Heather E. Pratt, System Coordinator, Female Resource Development (Pièce A- 1). M. Deegan a indiqué dans son témoignage que cette étude était the most formalized report in a series of information that were conveyed to the president en réponse à la lettre de M. Bandeen datée de décembre 1975 (N. s. pp. 2520- 2521).

Il est opportun de citer certains extraits de cette étude:

"COMMENTS BY SYSTEM COORDINATOR, FEMALE RESOURCE DEVELOPMENT

Conclusion On a System basis progress is poor and, in fact, hardly merits being called progress. The numbers do not tell the whole story, but they certainly indicate insufficient return on the heavy investment in the initial awareness programm. Improvement requires committed and planned action on a much more widespread basis than at present.

Limited Progress at all Levels In spite of the decrease in the number of men in our work force, the number of women as a percentage of the work force has only increased by 1.61% since 1974. Between 1974 and 1978, therefore, the number of women in the work force has increased by 960. In middle management, with a population of over 8 000, there are 189 more women than there were four years ago.

(Pièce A- 1, p. 1). ...

Lingering Belief that Men Have First Claim to Jobs Another concern frequently expressed and often given as the reason for lack of action, or overly cautious progress in improving the status of women, is the need to avoid backlash. (Presumably backlash means resentment and/ or complaint on the part of male employees). There could be only two reasons for such backlash. One, the belief that men have first claim to consideration for any position and, two, the token appointment of women who are not qualified.

In view of the extreme caution with which women are screened before any appointment to other than traditionally female jobs, there can be no accusation of tokenism. Therefore, it can only be assumed that the slow rate of progress is attributable to the still lingering belief on the part of some influential officers that men are entitled to first consideration for most opportunities.

Women Being Accepted into Wider Range of Non- Traditional Jobs Under these circumstances it is, therefore, a source of satisfaction that more women are being accepted into a wider range of the traditionally male non- clerical entry level occupations. Credit must go to the commitment and goodwill of employment office staffs, and to the willingness of some line managers to make a difficult re- adjustment in their thinking.

The entry of women into the yards, shops, warehouses, ships, etc. is important for two reasons. One, it puts women on career ladders in junctions that largely follow a practice of promotion from within. Two, it gives women access to more highly paid occupations than the traditionally female ones. A very few of these women are starting to move up; for example, as E. S. B. ’s in CN Rail and pursers and a quartermaster in CN Marine.

(Pièce A- 1, p. 2). ...

A Regional Example of a Policy, Objectives and Action Plans An excellent example of a system with objectives and action plans designed to address all the problems and needs of an equality of opportunity program for women, is contained in the report by St. Lawrence region. Their policy and action plans were published in August 1978 and are contained in this report with an up- date on actions during the last months of the year.

To quote from their statement:

"... When we talk of discrimination against women and equal employment opportunities for women, everyone now knows the answers by heart. The time has come to take one step further: To go from talking to doing; from attitudes to concrete actions ..."

(Pièce A- 1, p. 3). ...

STATISTICAL HIGHLIGHTS - Women as a percentage of the total CN population increased by .69% in the past year - Since 1974, women in CN have increased by 1.6% ... - In the non- clerical occupations (which are, in general, non- traditional for women), 62 women and 4420 men were hired through employment offices into permanent positions. 277 women and 2581 men were hired into non- clerical temporary positions.

(Pièce A- 1, p. 4).

A la même époque, soit en janvier 1979, Mme Wallace nous indique que trois femmes, Margaret Manwaring, Sylvie Charbin et Colleen Levis, se rendirent au bureau d’ATF pour être référées au CN (N. s. pp. 317- 318). ATF tenta de prendre contact avec le bureau d’embauche du CN pour que ces candidates obtiennent une entrevue et soient admises à passer les tests d’aptitude. Cette tentative étant demeurée vaine, on téléphona à M. Yves Noël qui était à l’époque coordinateur du Programme opportunités égales. Celui- ci arrangea une rencontre pour le 8 février 1979.

Selon Mme Wallace, les représentants du CN à cette rencontre lui dirent que la compagnie entendait par possibilités égales que les femmes devaient avoir des qualifications égales à celles des hommes pour être embauchées (N. s. p. 325). Suite à cette rencontre, les trois candidates obtinrent de pouvoir passer les tests d’aptitude mécanique qu’elles réussirent toutes les trois (N. s. p. 326).

Mme Wallace a par ailleurs indiqué qu’une autre femme. Kathy Curten, qui avait rempli auparavant un formulaire d’embauche au CN, fut appelée à rencontrer un contremaître dans la cour de triage du CN. Celui- ci lui aurait déclaré d’emblée qu’il s’agissait là d’un emploi sale et difficile et que ce n’était pas un emploi pour une femme. Il lui demanda par la suite de lever un brakeshoe d’une seule main et comme elle était incapable de le faire, il lui dit: Ecoute, t’es même pas capable de soulever ça, tu ne seras pas capable de faire la job. Mme Wallace a témoigné que lorsque Kathy Curten s’adressa plus tard à une employée du CN, celle- ci lui dit qu’il n’était pas nécessaire de soulever cet objet d’une main (N. s. p. 336). Selon Mme Wallace, Mlle Curten passa un test médical au CN le 10 ou 11 mars 1979.

Selon Mme Wallace, le 23 mars 1979, Mlle Curten assista à une réunion électorale où elle critiqua publiquement l’honorable Marc Lalonde pour son inaction face à la cause des femmes et elle lui mentionna les difficultés qu’elle avait rencontrées avec un contremaîte au Canadien National. Le 3 avril, Mlle Curten était embauchée par le Canadien National comme nettoyeuse de wagon (N. s. pp. 336- 337). Elle n’avait aucune expérience en soudure (N. s. p. 339).

Le 10 mars 1979, selon Mme Wallace:

"Les trois autres femmes ont été convoquées au CN pour les entrevues avec des contremaîtres et elles m’ont raconté après qu’elles ont eu surtout des entrevues avec M. Gagnon et M. Roy et que, finalement, elles ont toutes été refusées sous pretexte qu’elles n’avaient pas assez de soudure. Il y en avait deux parmi elles qui avaient quand même travaillé une couple de mois comme opératrices de machine à soudure et dans leur cas le contremaître apparemment a dit vous voyez, on a quand même des hommes qui ont fait des demandes qui ont des cartes en soudure, alors comment voulez- vous que je vous prenne quand il y a un homme qui a déjà sa carte. Elles ont toutes été refusees. (N. s. p. 338).

Mme Wallace a témoigné à l’effet que le 12 mars 1979, ATF aménagea une rencontre avec les représentants du syndicat des employés au CN, soit la Fraternité des wagonniers de chemins de fer des Etats- Unis et du Canada. Selon elle, ATF croyait que les syndicats représentant les employés à Pointe St- Charles appuyaient l’intégration des femmes dans les emplois non- traditionnels. Les représentantes d’ATF rencontrèrent M. Richard Grenier, président du syndicat, et M. André Leblanc, vice- président (N. s. pp. 442- 443).

Mme Wallace décrit ainsi cette rencontre:

"On a essayé de leur expliquer notre problème. Ils n’avaient pas l’air trop, trop de comprendre notre affaire. Ils nous ont fait des remarques comme qu’est- ce que vous voulez, une femme ce n’est pas fait pour ça, ma femme je ne la laisserais pas travailler au CN, voyons donc, ce n’est pas une ’job’ pour une femme, une série de remarques comme ça, de telle sorte qu’on a été plutôt déçu puis on s’est dit on a peut- être pas un allié dans ce sens- là, on ne peut pas s’appuyer sur le syndicat pour avoir de l’aide dans cette question- là." (N. s. p. 443).

Mme Wallace indiqua que les représentants syndicaux lui confirmèrent que l’exigence de la soudure était une nouvelle exigence et qu’aucun des deux n’avaient eu d’expérience en soudure lorsqu’ils furent embauchés au CN. Ils lui dirent qu’auparavant, des hommes dépourvus d’expérience en soudure avaient été embauchés et que la compagnie avait mis sur pied des cours de soudure qui étaient donnés les samedis matins (N. s. pp. 444- 445).

Selon Mme Wallace, trois femmes, Mmes Manwaring, Levis et Charbin, furent convoquées pour une entrevue avec un contremaître durant la semaine du 10 mai 1979. Après cette entrevue, Mme Wallace dit qu’elle parla à M. Noel qui semblait contrarié. Sa dernière communication avec lui fut une conversation téléphonique aux alentours du 24 mai:

"Je me rappelle assez bien de la conversation qui a été assez brève et la phrase dont je me rappelle le mieux c’était quand M. Noël m’a dit:

Ecoutez, il n’y a rien à faire; à moins de pressions très fortes de l’extérieur, le CN n’embauchera pas d’autres femmes." (N. s. p. 340).

Dans son témoignage, M. Masse décrit ainsi les problèmes que le CN rencontrait quant à la mise en oeuvre de son programme d’opportunités égales pour les femmes:

"Q. Maintenant, vous nous avez parlé de votre programme. Je voudrais savoir si tout de même avec ce programme- là vous avez eu des difficultés sur le plan interne dans son application?

R. Oui, en effet. J’ai parlé tantôt des incidents de parcours.

On a eu des problèmes, je pense qu’on ne pourrait pas dire que les problèmes ont été causés par ATF. On a commencé par avoir des problèmes chez- nous. C’est pourquoi en fait, compte tenu des attitudes qu’on avait décelées aux séminaires, qu’on avait nommé un coordonnateur et c’est M. Noel qui dans mon esprit à ce moment- là devait agir un peu comme ombudsman.

Mme Gagnon vous a mentionné qu’elle ne voyait pas son rôle comme étant un rôle exécutif et de s’assurer que les gens suivaient la politique d’une façon adéquate mais, quant à moi, j’aimerais vous dire que dans tout l’échafaudage qu’on a mis en place pour réaliser notre politique, en rétrospective c’est une erreur à mon avis de ne pas avoir donné au coordonnateur assez d’autorité pour régler les problèmes au fur et à mesure qu’ils survenaient, au fur et à mesure qu ils étaient identifiés.

... Le genre de problèmes qu’on a eus sont des problèmes de comportement de certains cadres supérieurs. On peut aussi penser facilement qu’on aurait eu les mêmes problèmes au niveau des superviseurs et il n’y a aucun doute que il y a eu des remarques désobligeantes de la part de certains individus, on a fait passer certains tests exceptionnels à des candidates féminines, pour dire le moins, et Mme Gagnon a mentionné notre perception ou la perception de certaines personnes en ce qui a trait au lieu de travail qui était salissant.

... Alors, je pense qu’à certaines occasions, parmi les erreurs de comportement à ce moment- là de certains superviseurs de premier niveau, si M. Noël avait eu l’autorité ou si ça avait été rapporté à quelqu’un d’autre en autorité, il y a peut- être certains des cas, six, sept cas qui auraient pu être réglés plus facilement. Ca, c’est mon avis en rétrospective.

Et depuis quelques mois, en fait, M. Noel qui continue dans son rôle, a une directive que si il y a des situations qui sont découvertes et qui à son avis ne sont pas raisonnables, qui doivent être réglées, il doit en faire rapport au directeur régional de l’exploitation qui est le numéro deux dans la région du St- Laurent en terme d’autorité." (N. s. pp. 2236- 2238).

Sur l’évaluation des candidates féminines par les contremaîtres, M. Masse apporte les précisions suivantes:

"Je pense aussi que ... on m’a informé, c’est- à- dire que certains superviseurs sont peut- être un peu traumatisés par ce qui s’est passé par la directive qui a été donnée par les plaintes que nous avons eues, par le Tribunal devant lequel nous sommes présents et n’évaluent pas peut- être les candidates féminines avec la justesse objective qu’ils ont l’habitude d’imputer, si vous voulez, à l’évaluation des employés masculins.

Il semblerait qu’il y a certains passe- droits qui sont faits. On peut donner les travaux un peu plus légers et ça peut, ç’a déjà amené, à ce qu’on me dit, certaines plaintes, pas formelles, mais certaines plaintes auprès des superviseurs de la part des employés masculins, à savoir que certaines des femmes sont peut- être traitées différemment." (N. s. pp. 2283- 2284).

Le 8 juin 1979, ATF écrivait une lettre à M. Bandeen, le président de CN Rail proposant une rencontre pour discuter du problème (Pièce A- 10). Cette réunion fut fixée au 13 juin (N. s. pp. 340- 342) et se tint au bureau de M. Marcoux, directeur général du personnel pour la région du St- Laurent.

Selon Mme Wallace, ils nous expliquent leur nouvelle politique qui était possibilité égale ... pour eux, ça voulait dire on donne le poste à la personne avec le plus de qualifications (N. s. pp. 347- 348).

Mme Wallace a indiqué qu’ATF aurait essayé d’obtenir une clarification des exigences pour le poste de nettoyeur de wagon mais le CN aurait refusé de préciser ces exigences (N. s. p. 349). Mme Wallace indique que les permanentes d’ATF quittèrent cette réunion très frustrées.

Le lendemain, soit le 14 juin 1979, des représentantes d’ATF accompagnèrent les trois femmes, Mmes Charbin, Levis et Manwaring, au bureau de la Commission canadienne des droits de la personne où les trois femmes déposèrent des plaintes individuelles. ATF déposa également sa première plainte de discrimination systémique à l’endroit du CN. Cette plainte fut plus tard remplacée par une plainte rédigée différemment. C’est cette seconde plainte qui détermine le mandat du présent tribunal (N. s. pp. 358- 360).

La première plainte de discrimination systémique se lisait comme suit:

"Le refus systématique de la compagnie d’engager du personnel féminin pour des emplois non- traditionnels, pour des emplois traditionnellement réservés aux hommes, empêche l’organisme plaignant de poursuivre son objectif majeur, soit l’intégration des femmes aux emplois non- traditionnels." (N. s. pp. 360- 361).

Mme Wallace a indiqué qu’elle- même et Rachel Vinet d’ATF assistèrent à une seconde rencontre avec le CN le 16 juillet 1979. Cette rencontre débuta par un exposé de Mme Heather Pratt relatif au programme spécial du CN pour les femmes. Selon Mme Wallace, Mme Pratt aurait déclaré que:

"There were a lot of individuals in the company who were not comfortable with the integration of women and that the company had to cope with this, that it was a problem for them" (N. s. p. 371).

Un autre représentant du CN, M. Morris, aurait déclaré lors de cette réunion que:

"We have nothing except persuasion, we have no other tool but persuasion, and we cannot unilaterally change the situation which exists".

M. Morris aurait déclaré que le problème était que you can be dealing with 10 000 employees and still have 2 000 orangutans amongst them, and there is nothing you can do about those people. Et il réitéra que our option is persuasion, education, and training. Selon Mme Wallace, M. Morris aurait indiqué que le Québec constituait un problème majeur pour le CN à cause des différences culturelles fondamentales entre le Québec et le reste du pays. Ceci aurait comme conséquence qu’il était beaucoup plus difficile d’intégrer des femmes dans des emplois non- traditionnels au Québec (N. s. p. 373).

Lors de cette même rencontre, M. Toutant aurait expliqué que:

"... The technical criteria for a given job were determined by the supervisors and that that was why the job criteria seemed to be very floating. He explained that the employment office could refer women for jobs, but they could not control the kind of criteria that the supervisor was applying." (N. s. pp. 374- 375).

Mme Wallace cite également M. Morris qui aurait déclaré en outre que:

"As a result of this meeting, we have put into effect a study to find out what the real qualifications are for these jobs ... the objective for the work ... was a program to make selection more objective, more job related, less discriminatory." (N. s. pp. 377- 378).

Mme Wallace a déclaré que M. Morris aurait mis fin à la rencontre en disant que where there are individual cases, we will address them (N. s. pp. 376- 377).

Le 6 septembre 1979, une autre candidate, Ghislaine Desrochers, fut référée par ATF au CN. Elle présenta sa candidature pour un poste de nettoyeuse de wagon mais on lui répondit au bureau d’embauche qu’il n’y avait pas de poste actuellement ouvert de nettoyeuse de wagon (N. s. pp. 437- 438). Mme Wallace décrit ainsi cet incident:

"La dame en question est devenue impatiente parce que Ghislaine soi- disant a insisté un peu et la madame a expliqué que la politique du Canadien National était de donner la préférence aux gens qui avaient déjà un métier, soit de soudure ou soit d’électricien. Elle avait suggéré à Ghislaine de faire une autre demande d’emploi pour le travail de bureau." (N. s. p. 438).

Mme Wallace a témoigné à l’effet que le 10 septembre 1979, elle avait eu une conversation téléphonique avec M. Stuppen en vue d’obtenir des renseignements relatifs aux candidatures de trois femmes. M. Stuppen lui aurait répondu que ces trois femmes qui avaient logé des plaintes individuelles à la Commission canadienne des droits de la personne, s’étaient vues offrir depuis des emplois dans la division du camionnage du CN à Lachine (N. s. pp. 385- 387). Mme Wallace dit que notre conversation s’est terminée sur la note que M. Stuppen m’a dit le mot d’ordre au bureau d’embauche c’est d’encourager les femmes quand elles viennent faire des demandes d’emploi dans les métiers non- traditionnels (N. s. p. 387).

Selon son témoignage, Mme Wallace aurait parlé à nouveau à M. Stuppen le 12 septembre 1979:

"Il m’a aussi dit our definition of success is not to integrate women in great numbers; it is to get the line managers to accept women in principle. Il a dit we cannot encourage women to make job applications in the regions if the managers are not ready to accept them. He further said the chief of transportation, unlike Mr. Pasteris, is really a tough nut, and we don’t have to teIl you publicly in any case what our criteria are; we have undertaken a study to establish criteria for all jobs, and I can assure you that things are moving; we will call you back." (N. s. pp. 439- 440).

Le 18 septembre 1979, une autre candidate référée par le CN, Mme Desrochers, déposa une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (N. s. p. 469).

En novembre 1979, ATF logea sa seconde plainte (Pièce C- 2) pour le motif qu’une préposée de la Commission, Mme Judy Wouk qui enquêtait sur la plainte, lui dit que la Commission croyait que la première plainte n’était pas admissible. On demanda à ATF de rédiger différemment la plainte de manière à alléguer une pratique discriminatoire envers les femmes en général et non envers ATF elle- même (N. s. pp. 453- 454). Cette plainte qui est devant nous se lit comme suit:

"ATF has reasonable grounds to believe that CN in the St. Lawrence region has established or pursued a policy or practice that deprives or tends to deprive a class of individuals of employment opportunity because they are female."

(Pièce C- 2). Le groupe du travail du CN sur les droits de la personne M. Deegan a témoigné à l’effet qu’en 1979, avant que les plaintes d’ATF soient déposées (N. s. p. 2543), il fut fut chargé de créer et de présider un groupe de travail en matière de droits de la personne. Les autres membres de ce groupe de travail incluaient des représentants de la direction du personnel, des relations de travail, de la région du St- Laurent et les autres régions et départements (N. s. pp. 2522- 2523).

M. Deegan explique comme suit les raisons pour lesquelles ce groupe de travail fut établi:

"The task force came about because clearly recognizing the environment was changing as quickly as a number of social issues, and in particular the employment of women in the company was becoming a heated issue, that we had a much diverse opinion of most our employees on it, that the Human Rights legislation had been enacted, there was now a Human Rights Commission in place, that we were starting to encounter complaints through the Human Rights Commission. Then the task force was set up to try to get a broad internal multifunctional, multidisciplinary outlook approach in this whole area." (N. s. p. 2543).

Le rôle du groupe de travail a été précisé comme suit par M. Deegan:

"... to interpret and to seek clarification of the Human Rights Act ...

... to monitor the application of the Human Rights Act in the company; ... to monitor the compliance done by the line managers.

... to perform a watching brief on the various complains under the legislation that were starting to be filed with our company ...

... to make recommendations to executive management in this whole field." (N. s. p. 2523).

M. Deegan a indiqué que le groupe de travail a préparé un inventaire des plaintes logées à ce jour contre le CN:

"We had determined to prepare an inventory of all the individual cases of which the Commission is well aware of but to categorize and classify that in terms of type of complaints, in terms of type of geographic area that it occurred in, in terms of the type of management practice that was affected and from this particular analysis of the Human Rights, complaints we were able to start to zero in, to start to allocate our resources to those areas where we seemed to be in non- compliance or alleged to be non- compliance with the legislation."

(N. s. p. 2524). Selon un inventaire de plaintes daté du 18 février 1982 (Pièce R- 55), 155 plaintes auraient été déposées à l’endroit du CN à cette date. 66 de ces plaintes n’étaient pas alors réglées alors que 89 plaintes auraient été réglées dans un sens ou dans l’autre. M. Deegan a indiqué que lorsque ces plaintes sont divisées par type de discrimination, on voit que 38% d’entre elles référaient à un handicap physique, 26% à la discrimination sexuelle et 23%, à la discrimination raciale. En ce qui a trait aux secteurs concernés, 31% des plaintes visent les critères d’embauche, 16% la procédure d’embauche elle- même et 17% concernent la supervision des employés (N. s. pp. 2525- 2526).

M. Deegan a indiqué dans son témoignage que l’analyse des cas relatifs aux critères d’embauche eut comme conséquence que la compagnie décida d’accélérer ses efforts en vue d’établir des exigences scientifiques en ce qui a trait aux postes d’entrée au Canadien National (N. s. p. 2526).

La principale recommandation émanant du groupe de travail fut le document de politique intitulé Programme d’opportunités égales que le CN publia en mars 1981 (N. s. p. 2523).

Rapports entre le CN et ATF - 1980 à 1981 Dans son témoignage, Mme Wallace a indiqué qu’ATF avait sensibilisé de nombreux groupes féministes au sujet de leurs plaintes de discrimination systémique. Comme conséquence, la Commission canadienne sur les droits de la personne aurait reçu un grand nombre de lettres incitant la Commission à tenir une enquête. Le 8 juillet 1980, ATF recevait une lettre de la Commission l’informant qu’un conciliateur avait été nommé (N. s. pp. 448- 449).

Cette conciliation a abouti au règlement des plaintes individuelles mais ce fut l’impasse en ce qui a trait à la plainte de discrimination systémique d’ATF.

La politique d’opportunités égales du CN Selon le témoignage de M. Deegan, le CN adopta officiellement le document de politique d’opportunités égales le 2 mars 1981. Il s’agit du document émanant du groupe de travail sur les droits de la personne. Ce document circula dans les différents départements et services de la compagnie et fut publié dans l’édition de mai 1981 du journal Au fil du rail ( Keeping Track) (Pièce A- 9):

"Policy and authority on equal employment opportunity It is the policy of Canadian National to provide safe, modern and efficient transportation and other services. Consistent with this policy is Canadian National’s active support for the principle of equal employment opportunity.

It is, therefore, an integral part of this policy to provide equal employment opportunity for all persons. That is, CN will recruit, hire, establish working conditions, compensate (including benefits and privileges of employment), train and develop, promote, transfer, and terminate employment (including layoffs and recalls) on a non- discriminatory basis, subject to employment contractuel obligations. Employment will be undertaken without discrimination because of: race, calour, religion, physical handicap, sex, age, national or ethnic origin, marital status, and conviction for an offence for which a pardon has been granted.

Accordingly, it is policy, in providing safe, modern and efficient transportation and other services:

1. To ensure that other Company policies are consistent with the principles of equal employment opportunity.

2. To ensure that recruitment practices do not discriminate.

3. To ensure that selection standards and practices are based on bona fide job requirements.

4. To ensure that working conditions are not a barrier to employment where the Company can make reasonable accommodation to eliminate these obstacles.

5. To ensure that compensation practices are consistent with the principles of equal employment opportunity.

6. To train, develop and provide career opportunities in accordance with equal employment opportunity principles.

7. To promote and transfer in accordance with equal employment opportunity principles.

8. To ensure that there is no discrimination in terminations of employment as well as in demotions, layoffs, and recalls.

9. To negotiate labour agreements and employment contracts that are consistent with the principle of equal employment opportunity.

Authority 1. Vice- Presidents, Division Heads, and Heads of Departments are responsible for the application of equal employment opportunity in accordance with the provisions of the foregoing policy.

2. The Corporate Vice- President (Administration) is responsible for over- all coordination and monitoring of this policy." (Pièce R- 54).

Selon M. Deegan:

"This policy follows and confirms practice that is now prevalent in our company, policy guides and statements do not forecast practice or values. They follow them. Hence, we look up on this statement as a confirmation of the values which we have adopted and the practices which we now follow.

(N. s. p. 2512). ...

This statement places that equal employment opportunity is a basic value in the company and that those charged with carrying out this policy must ensure that all other policies to the extent effective must take into account the principle of equal employment opportunity that is cited in detail in this policy statement.

So, it then becomes part of the day- to- day responsibility of every manager in authority in our company to ensure that the principles of equal employment opportunity as stated are followed.

The other employment offices were instructed to review their practices, their procedures, to ensure that there was not discrimination in their practices and procedures.

They all attempted to follow the practice in the St. Lawrence region and headquarters employment office by clearing the way to accept applications from women applicants, to encourage women applicants coming into the company." (N. s. pp. 2514- 2515).

M. Deegan indiqua au tribunal que pour mettre en oeuvre le troisième volet de la politique, en ce qui a trait aux critères et pratiques d’embauche, le CN révise présentement tout ce qui concerne l’embauche à des postes d’entrée.

M. Deegan a également indiqué qu’en ce qui a trait au neuvième point, à savoir négocier des conventions collectives et des contrats de travail qui sont en accord avec le principe de l’égalité des chances (Pièce R- 54):

"... this has been discussed with the labour organization ... that as new contracts come up and are negotiated ... that we will ensure that the principles of equal employment opportunity have been followed in all such contracts ..." (N. s. pp. 2518- 2519).

M. Deegan a également décrit ses responsabilités pour la mise en oeuvre de cette nouvelle politique:

"My responsibilities personally under the direction of the corporate vice- president were to carry out the necessary coordination and monitoring of the policy. The compliance with the policy is cited in part one as being the responsibility of vice- presidents, department heads, etc.." (N. s. pp. 2519- 2520).

Nomination du tribunal et plaintes de 1981 Mme Wallace nous a indiqué qu’à la fin de mars 1981 et durant le mois d’avril de la même année, le CN a engagé six femmes comme nettoyeuses de wagon:

"A un moment donné, il y a quelqu’un de la Commission qui nous a suggéré que le CN voulait montrer sa bonne foi, mais nous on était plutôt sceptique parce qu’on voyait qu’il s’agissait quand même des postes de nettoyeurs de wagon et on ne voudrait pas que les femmes soient reghettoisées à l’intérieur de la compagnie parce qu’il nous semblait que la compagnie avait l’air de vouloir en embaucher des femmes comme nettoyeuses de wagon, mais en même temps les femmes qui allaient faire des demandes pour les programmes d’apprentissage étaient refusées. On se demandait qu est- ce que ça voulait dire puis on était sceptique quant à la bonne foi du Canadien National, d’autant plus que le 21 avril, finalement, Ginette Brunelle, Francine Beauchamp et une autre femme, Murielle L’Africain, ont porté plainte contre le Canadien National parce qu’on n’avait pas voulu qu’elles fassent des demandes d’emploi dans les programmes d’apprentissage." (N. s. pp. 490- 491).

Le 12 mai 1981, selon le témoignage de Mme Wallace, ATF fut informée que la Commission canadienne des droits de la personne avait décidé de référer leurs plaintes à un tribunal (N. s. p. 479 et pièce C- 1).

Selon ce témoin, le 20 mai 1981, une autre candidate, Martine Légaré, logea une plainte à la Commission pour le motif qu’on lui avait refusé un emploi au CN à l’automne de 1978. Les motifs invoqués pour le rejet de sa candidature était qu’elle n’avait pas d’expérience en soudure. Sa plainte fut éventuellement rejetée par la Commission pour le motif que les événements qui y avaient donné naissance avaient eu lieu plus d’un an auparavant (N. s. pp. 491- 493).

Mme Wallace a affirmé que plusieurs des femmes qui avaient logé des plaintes contre le CN furent subséquemment engagées par le CN:

"On avait nous une jeune femme qui avait été embauchée en juin, à la fin juin, comme apprenti serre- freins. Je n’ai pas la date de son embauche. Il y avait aussi, le 29 juin, Ginette Brunelle qui était embauchée comme apprenti électricien. On avait aussi offert des emplois à Murielle L’Africain puis à Francine Beauchamp qui avaient fait des plaintes.

Q. Les offres d’emploi ont été faites avant ou après les plaintes déposées par ces personnes?

R. Dans le cas des nettoyeuses de wagon, il n’y avait aucune plainte de faite, ni dans la cause de notre apprenti serre- freins. Les autres femmes qui ont été embauchées comme apprenties l’étaient suite à des plaintes." (N. s. p. 494).

Selon Mme Wallace, les plaintes de Jocelyne et Micheline Chamberland avaient été réglées le 27 août 1981:

"Q. Est- ce qu’elles étaient embauchées, par exemple, après avoir fait une plainte à la Commission suite à un règlement formel?

R. Non, il n’y avait aucun règlement formel. Je pense que ce qui s’est produit - mais c’est le Canadien National qui va vous dire ça plus que moi - c’est que dès qu’ils avaient connaissance qu’il y a une plainte, ils se sont dépêchés pour limiter les dégâts. J’ai l’impression que c’est un peu comme ça que ça fonctionne." (N. s. p. 495).

Mme Wallace a également expliqué pourquoi ATF a logé sa plainte de discrimination systémique et pourquoi ATF avait insisté pour que la plainte soit référée à un tribunal:

"C’est parce que nous ce qu’on veut c’est de dépasser l’étape des femmes alibis, des token women.

Il faut voir ça que c’est tellement une situation structurelle puis une situation systémique que je ne sais quasiment pas par quel bout commencer, mais ce qu’on a vécu c’est que d’abord ce n’était pas vivable pour les femmes qui étaient toutes seules et ça ne l’est toujours pas vivable. Vous allez entendre d’autres témoignages qui vont être beaucoup plus élégants que le mien à cet effet- là.

On a vu que c’était nécessaire de dépasser l’étape des token women, mais on voyait que la politique d’embauche de CN semblait, depuis un certain temps - puis on dirait par le document qu’on a vu ce matin que c’est toujours le cas - être une politique qui disait que les femmes pouvaient être prises dans les programmes d’apprentissage, pouvaient avoir accès aux postes seulement quand elles avaient les mêmes ou plus de qualifications que les messieurs, et ceci même si ces qualifications n’étaient pas essentielles pour combler le poste en question.

... Alors, on a essayé de penser comment ça pourrait se faire sans que nous en tant que groupe ou sans que la Commission essaie de gérer cette compagnie. Nous on ne veut pas se mêler des politiques de la compagnie. On veut juste que vous ajustiez vos politiques pour que vous ne fassiez plus de la discrimination et pour que les femmes soient embauchées chez vous dans le même pourcentage qu’elles sont présentes sur le marché du travail." (N. s. pp. 495- 497).

Témoignages de femmes Treize femmes vinrent témoigner de leur expérience comme candidates ou employées au CN. Leurs noms sont:

Témoin Notes Noms pour: sténographiques

BEAUCHAMP, Francine ATF 559- 614 BRUNELLE, Ginette ATF 510- 559 CHAMBERLAND, Jocelyne ATF 132- 170 CHAMBERLAND, Micheline ATF 170- 187 COLLOT, Nadia ATF 4020- 4042 KAYE, Mary Booth CN 2253- 2269 LAMARCHE, Réjeanne CN 3588- 3610 LEBOEUF, Laurette CN 3535- 3588 LECLERCQ, Francine ATF 4130- 4190 MOSSA, Gracia ATF 114- 121 NEMEROFF, Carla ATF 187- 232 SKLIVAS, Julie ATF 4190- 4205 WILHEMY, Anita ATF 618- 653

Les principaux points de leur témoignage sont indiqués sur un tableau qui figure à la page suivante. On y voit que quatre de ces treize femmes avaient posé leur candidature à la fois pour un emploi non- traditionnel et pour un entraînement d’apprenti, que quatre autres désiraient seulement un emploi non- traditionnel et enfin, les cinq dernières n’avaient posé leur candidature que pour un programme d’apprentissage. Sur onze femmes qui ont passé avec succès les tests d’aptitude, sept furent engagées même si deux d’entre elles le furent seulement après qu’elles eurent déposé des plaintes à la Commission. Quatre furent engagées dans des emplois non- traditionnels et trois comme apprentis. Deux des trois qui furent engagées comme apprentis avaient logé des plaintes à la Commission avant d’être engagées.

TABLEAU RELATIF AUX TEMOIGNAGES DES FEMMES Candidate pour un X X X X X X X X 8 emploi non- traditionnel

Candidate pour un programme X X X X X X X X X 9 d’apprentissage

Découragée de poser sa X X X X 4 candidature pour un emploi non- traditionnel

Encouragée à être candidate X X 2 pour un emploi de bureau

Offert un emploi de bureau X X 2 Refusée (pas de compétence X 1 dans un métier ou pas de soudure)

Refusée X 1 Test d’aptitude X X X X X X X X X X X 11 mécanique réussi

Test d’aptitude 0 mécanique échoué

Non engagée après X X X 3 avoir réussi les tests

Engagée dans un emploi X X X X 4 non- traditionnel

Engagée apprenti X 1 Plainte à la Commission X X X X X X X 7 the Commission

Engagée après avoir X X 2 posé une plainte

Harcèlement sexuel X X X 3 Refusée à un programme X 1 d’apprentissage après avoir été engagée

Sept des femmes logèrent des plaintes à la Commission. Six de ces plaintes le furent pour le motif qu’on leur avait refusé un emploi et une autre parce qu’on lui avait refusé un programme d’apprentissage après qu’elle eut travaillé au CN comme journalière pendant deux ans.

Plusieurs des femmes qui ont été engagées ont décrit le genre de travail qu’elles ont effectué au CN.

Carla Nemeroff a témoigné à l’effet qu’elle avait été engagée comme journalière le 4 décembre 1978 et envoyée au travail dans un atelier de réparation à la cour de triage de Pointe St- Charles:

"... in the car shop there were welded cars, I swept up boards they had cut with the oxyacetylene torch on the floor and then dust from electronic arc welding, rods, and plus all this kind of electronic arc welding rods, under the freight cars which were up on jacks. So, I would have to crouch and sweep it up into this shovel, and then plus in the tracks you would have a special wire broom to sweep up all the stuff that got in the tracks. So, you would be underneath and your head would be knocking into brake cylinders and stuff. I was really lucky I am short.

... Then, you would stick it on the wheelbarrow, cart the wheelbarrow and then shovel from the wheelbarrow to a box.

... Then, when I went into the other shop, I was washing pistons and liners with varsol and an airgun and sandblasting. I was also sweeping the floor, the men would have sandwiches and throw it on the floor, so I would sweep that up. Scrap lumber, piling up scrap lumber." (N. s. pp. 195- 196).

Mme Nemeroff a indiqué qu’en décembre 1979, elle avait reçu un entraînement comme helper hostler et plus tard, devint une hostler. Elle décrit ainsi le travail de helper hostler job:

"The other thing I wanted was at the diesel shop, it is a running shop, and around the shop are yards where the locomotives come in from Central Station, and I eventually did do this, working with the engines at a job called helper hostler, signalling, turning switches, coupling, coupling trains, lining them up to go out to Central Station again, and bringing them in and out of the shop, et caetera." (N. s. p. 204).

Mme Nemeroff a également indiqué certains des problèmes auxquels elle a fait face comme étant la seule femme dans ce lieu de travail:

"They told me they did not want me there. How did they behave? Well, they tried to confuse me. Instead of telling me things like two or three moves at a time, which is all you have to do, they would tell me about 15 moves in a row, like talking really quickly, using the numbers, like this take a locomotive, put it there, go here, go there, you know, like really - so that I would get confused, or they would tell me to jump off the train at a switch, I would get off at the switch, and they would leave me at the switch, and they would not tell me what they were doing, they would leave me there, or they would just go off on break, and they would not tell me they were going on break. Sometimes they would leave me at a switch, or at en engine. They would say go release the brakes on that engine and wait for my signal; I would never hear the signal, they would go off and eat lunch and leave me there. They used to do that all the time." (N. s. p. 215).

Francine Leclercq a témoigné à l’effet qu’elle a travaillé comme serre- freins dans la cour de triage du CN à Montréal de juin 1980 jusqu’au 27 avril 1982 quand elle fut mise à pied (N. s. pp. 4130- 4131).

Elle a décrit une journée normale dans une cour de triage. Elle a indiqué que les instructions en vue de déplacer les wagons sont données par le contremaître. Les serre- freins suivent donc les ordres du contremaître (N. s. pp. 4157- 4158). Elle indiqua qu’elle n’avait jamais eu à changer un knuckle (N. s. p. 4165) ni à ouvrir ou à fermer des portes de wagon (N. s. p. 4166) et que la force physique requise pour cet emploi est minime. Elle a indiqué que s’il y a des difficultés à faire bouger une switch, on demande de l’aide à des coéquipiers. De toute façon, il y a toujours deux personnes qui travaillent ensemble. Elle a ajouté que même le contremaître lui- même demande souvent qu’on l’aide:

"Ils ne veulent pas qu’on se craque un dos ou qu’on se casse une jambe ou quoi que ce soit pour avoir forcé très fort" (N. s. p. 4169).

Mme Laurette LeBoeuf a témoigné pour sa part qu’elle a commencé à travailler au CN comme journalière le 22 juillet 1981 (N. s. p. 3538). Elle a décrit ainsi son travail:

"Ca consistait à faire le nettoyage, soit de nettoyer l’engine room, la chambre des moteurs, si vous voulez, et en avant là, où les ingénieurs conduisent les trains, et ensuite il y avait un autre ouvrage qui consistait à laver les vitres de ces engins- là.

(N. s. p. 3540).

C’était pas difficile. C’était très facile." (N. s. p. 3541).

Trois des sept femmes qui ont été engagées ont témoigné à l’effet qu’elles ont fait l’expérience d’un certain harcèlement sexuel sur les lieux de travail. Carla Nemeroff qui a travaillé dans des emplois non- traditionnels au CN pendant deux ans, soit du 4 décembre 1978 au 3 décembre 1980, a fourni des détails quant au genre de harcèlement sexuel dont elle a eu l’expérience comme étant la seule femme dans un milieu totalement masculin:

"All the men in the shop, machinists, everything, they all lined up, they quit their work, they lined up just to watch me do this, and they did this a couple of times, like they were really fascinated. (N. s. p. 198). ... ... basically to them I was new entertainment, ... something new to talk about, they used to make fun of me, they used to harass me the way that they would get in a group and ask me questions which were supposed to embarrass me and then laugh at whatever I answered. ... they would ask me a lot of questions about sex, my own personal sex life, about my body, about women’s bodies, things like that.

Q. How did these kinds of questions make you feel? A. Angry, hurt, upset. Because I was alone, because after a while I started thinking they were right, you know, and that there was something wrong with me, because of the pressure of being with all these people who have a completely different point of view ...

... ... but that was not the worst. The worst was when they asked me sexually related questions.

Q. How often did you get this kind of comment?

A. About 50 times a day, every day, every day for two years, every day, and they also touched me, they also tried grabbing me, and stuff like that all the time.

Q. What did they say to you that indicated how they felt about the idea of a woman being there working in CN? Were there any comments on that issue?

A. Yes. Some of them said it is not the place for a woman, I would never let my wife or daughter work here. Some of them were threatened, they would say now there is one, there is going to be 50. They were all kinds of rumors that many women were going to come, that women were stealing men’s jobs, that that is why the economy was bad, because before in the old days the men worked and the women stayed at home, and the woman has her job in the home taking care of the family, et caetera, and the man brings in the money. Now, women want to be independent, they don’t have kids, they come out in the work force, they take the jobs from the men, the men are unemployed, it screws up the nuclear family where the woman is at home. They were really upset by that.

Q. Did you really get comments of that sort? A. Oh, yes, discussions. We used to have big discussions all the time, all the time. I would say 99 per cent of the male population there had those kinds of opinions.

...

Another time, a few guys - we were on break sort of hanging around outside because it was warm out; a few guys jumped me and pretended they were going to rape me. I found that quite offensive. Then, another time, I was bringing a train into the shop - you see, I was not a cleaner any more; I was signalling, and I was bringing a train into the shop. The boss yelled out something obscene to distract me from my work, and it was very dangerous. Nothing happened, but I could have had an accident. I could have really hurt myself.

(N. s. pp. 199- 202).

Mme Ginette Brunelle donne des détails sur des expériences similaires de harcèlement sexuel (N. s. pp. 518- 519). Réjeanne Lamarche a également indiqué qu’on lui avait fait des avances le premier jour où elle a commencé à travailler mais qu’ayant dit non, elle ne fit plus l’objet de telles propositions (N. s. p. 3594). Par contre, quatre des sept femmes engagées ont témoigné qu’elles n’avaient jamais eu de problème avec leurs compagnons de travail.

III. STATISTIQUES RELATIVES A LA PLACE DES FEMMES AU CN

Ainsi que nous l’avons déjà vu, le rapport Boyle/ Kirkman faisait état en 1974 d’un piètre état de choses au CN, où les femmes ne constituaient que 4% de la main- d’oeuvre totale. Voyons donc comment les statistiques ont évolué depuis 1974.

Heather Pratt, du département du personnel et relations syndicales du CN, qui s’était vue confier la tâche de coordinatrice au niveau du développement des ressources féminines, a répondu pour le CN en 1976 au questionnaire destiné aux corporations de la Couronne préparé par le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme. Il s’agit de la pièce A- 16. On constate par les réponses à certaines questions qu’il demeurait des obstacles à l’embauche et à l’avancement de la femme au CN. Ainsi, la Corporation n’avait pas encore révisé ses formulaires d’embauche pour en éliminer, par exemple, les questions relatives au statut matrimonial. Mme Pratt n’était pas en mesure d’indiquer combien d’employés féminins avaient profité d’un programme de formation au cours de l’année précédente, due to staff shortage. A tout événement, les statistiques jointes à ce questionnaire indiquaient qu’en octobre 1976, les femmes ne représentaient que 5.94% de la main- d’oeuvre du CN.

L’année suivante, Louise Dulude, témoin entendu devant nous, prépare, pour le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme, un document intitulé La situation de la femme dans les sociétés fédérales de la Couronne (Pièce A- 15). La conclusion est sombre:

"... Il semble évident que la directive de 1974 du Cabinet fédéral concernant la situation de la femme dans les sociétés de la Couronne a eu très peu d’effets. Les sociétés qui s’étaient déjà engagées à améliorer la situation de leurs employés féminins ont continué à le faire à leur propre rythme, et les autres ont continué à ne rien faire ..."

Les prochaines données statistiques pertinentes se retrouvent au document A- 1 (rapport Pratt), lequel contient des statistiques comparatives pour les années 1974 à 1978. En décembre 1978, tel que mentionné précédemment, les femmes constituent 6.37% de la main- d’oeuvre totale du CN, soit une augmentation de 1.61% depuis décembre 1974.

Au niveau des statistiques d’embauche proprement dites, les choses ne sont guère plus reluisantes. Le rapport no 13 de la région du St- Laurent sur l’embauche dans les postes non- traditionnels (R- 38) indique un ratio d’embauche femmes- hommes de 9% du 15 avril 1981 au 26 mai 1982. On peut douter dans plusieurs cas qu’il s’agisse véritablement d’emplois non- traditionnels. Par exemple, à la pièce A- 7, on voit pour la région du St- Laurent et le siège social que sous la rubrique Hiring of women in non- traditional occupations, de 1977 à 1981, on a inclus comme affectées à des postes non- traditionnels les femmes de ménage, concierges, serveuses de tables, assistantes cuisinières et stewardess. Bien qu’il y ait une certaine progression dans les chiffres, on peut donc voir que les chiffres en eux- mêmes ne donnent pas nécessairement une image exacte de la situation.

Le procureur d’ATF s’est livré au cours de l’argumentation à une extrapolation de certaines données à partir des pièces produites. Le CN n’a pas contesté la justesse de ces extrapolations. Le nombre de femmes dans la région du St- Laurent, dans les postes dits cols bleus, a été calculé à partir de la pièce R- 13. Les serveuses de tables et constables n’ont pas été comptées, non plus que Mmes Carole Charland, Rachèle Desrochers et Carla Nemeroff, toutes ayant quitté le CN. Pour les autres régions, la pièce utilisée pour ce calcul fut A- 7. Quant au total de toute la main- d’oeuvre col bleu du CN, féminine et masculine, il a été obtenu en utilisant les programmes d’ordinateurs du CN portant les numéros 01698- 372- S- A1A (p. 4), 01698- 372- A2A (p. 4), 01698- 372- A3A (p. 4) et 01698- 372- A3B (p. 4). A la fin de l’année 1981, selon ces données, il y avait 57 femmes dans des postes cols bleus dans la région du St- Laurent, soit un pourcentage de .7% et 276 dans toutes les régions où oeuvre le CN, soit encore une fois ce même pourcentage de .7%.

Pour faire contraste, les femmes représentaient, en 1981, 40.7% de la main- d’oeuvre canadienne totale (Pièce C- 9). Selon la pièce R- 3, les femmes au CN ne constituaient que 6.11% de la main- d’oeuvre totale de la corporation à cette même époque. Par contre, elles occupaient un imposant 58% des postes cléricaux.

Selon la pièce C- 6, les femmes occupent au Canada 13% des postes dits cols bleus. Pourtant, au CN, les femmes n’ont posé leur candidature à de tels postes que dans une proportion de 5% (pièce R- 15) pour la période de janvier à mai 1982. La disparité entre l’occupation de postes cols bleus par les femmes au CN et l’occupation de tels postes par les femmes à travers le Canada est de 12.3%. Les candidatures elles- mêmes, au CN, comme on vient de le constater, sont bien en- deçà de cette moyenne nationale de 13%. Il faut y voir selon nous un signe du chilling effect qui résulte souvent des pratiques d’embauche d’un employeur et que la jurisprudence a reconnu à maintes reprises. Nous y reviendrons plus loin.

Le procureur d’ATF s’est livré à des calculs, encore une fois non contestés par le CN quant à leur exactitude, à partir des pièces R- 13, A- 7 et des programmes d’ordinateurs du CN 01698- 374 - S. A1/ A2/ A3/ B1/ B2/ B3.

Les femmes constituaient les pourcentages suivants des serre- freins et des trainmen nouvellement embauchés, dans la région du StLaurent:

  1. en 1979: 0% - En 1980: 2% - En 1981: 2.6% Dans les postes de bridges and building labourers, extra- gang / sectionmen / track maintainers / signal helpers / signal- maintainers (Engineering Department), elles représentaient, toujours dans la région du St- Laurent, les pourcentages suivants des nouveaux embauchages:
  2. En 1979: 0% - En 1980: 0% - En 1981: .29% Le total de toutes les régions vis- a- vis ces postes n’atteint que .9%, ce qui représente une embauche d’une femme par 1 114 postes.
  3. Dans les postes d’apprentis, les femmes représentaient: ... 78 > - 78 - En 1979, 0% des nouvelles embauches;
  4. En 1980, 1.4 % des nouvelles embauches; - En 1981, 13% des nouvelles embauches.

Mais il faut noter que ce dernier chiffre de 13% inclut, sur dix femmes embauchées, huit qui l’ont été après qu’elles aient porté plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.

Dans les manoeuvres, les femmes représentaient: - En 1979, 0% des nouveaux embauchés; - En 1980, 0% des nouveaux embauchés; - En 1981, 18.5% des nouveaux embauchés. Il faut souligner que ce dernier pourcentage est composé de cinq femmes embauchées comme nettoyeurs de wagon en juillet 1981 après que ce tribunal ait été constitué.

Les femmes ont fait des gains appréciables dans la région du St- Laurent comme nettoyeurs de wagon et pointeurs de wagon, passant, dans le premier cas, de 1.3% et 0% en 1979 et 1980, à 20% en 1981, et, dans le second, de 0% en 1979 à 17% en 1980 et à 29% en 1981. Toutefois, elles n’ont guère eu de succès comme agents, ayant représenté 0% de l’embauche en 1979, 1980 et en 1981, toujours dans la région du St- Laurent. Il faut noter que les postes de nettoyeurs de wagon et pointeurs de wagon constituent 50% de toutes les femmes embauchées dans des postes non- traditionnels dans la région du St- Laurent par le CN. A ce rythme, force est de constater que l’intégration des femmes dans les postes non- traditionnels au CN n’est pas pour demain, à moins d’efforts accrus de façon marquée.

Il est étonnant de constater que le CN ne peut, pour solutionner le problème de l’intégration féminine dans sa main- d’oeuvre, rencontrer les succès qu’il a pourtant remportés en très peu d’années au niveau de l’intégration d’un autre groupe, les francophones. La pièce R- 39 fait état de la répartition des employés du CN selon la langue maternelle à la région du St- Laurent au 30 septembre 1981 et l’on constate que cette répartition correspond à peu près au pourcentage de francophones et d’anglophones et autres non- francophones qui se retrouve dans la population, alors qu’à une époque rapprochée, la situation était tout à fait différente. Si la même ardeur y était consacrée, ne peut- on penser que le pourcentage des femmes dans les postes cols bleus au CN devrait, depuis 1974, avoir atteint 13% et correspondre à la moyenne nationale de femmes dans de tels postes? La réalité, au contraire, nous fait voir qu’à .7%, nous ne sommes pas loin de ce que la jurisprudence a appelé the inexorable zero. Pourtant, à l’échelle canadienne, le pourcentage de la main- d’oeuvre atteignait déjà en décembre 1979, soit vers l’époque de la plainte, 38.3% (voir la pièce A- 5, page 36). La pièce C- 6 (Tableau 3) laisse bien voir que la situation est sensiblement la même au Québec que pour l’ensemble du Canada, puisque l’on y indique que le pourcentage de la main- d’oeuvre féminine y atteignait 39.0% en 1981.

Quelle importance accorder à ces statistiques? Il ne faut pas oublier que nous sommes ici en présence d’une plainte pour discrimination systémique. Les statistiques sont donc appelées à jouer un rôle important. Il peut être utile de citer le passage suivant de Commonwealth vs. Flaherty, 11 F. E. P. Cases 993 (1975):

"THE DISCRIMINATORY EFFECT OF THE SELECTION PROCESS: The marked difference between the population ratios, the labor force ratios, and the applicant ratios as divided between white and black applicants, and the make- up of the Pittsburgh Bureau of Police as similarly divided demonstrates a racially disproportionate impact of the method of selection

La portée de la preuve par statistiques a également été étudiée dans l’affaire Floyd W. Williams, Jr. et al vs. Owens- Illinois Inc., 9th U. S. Court of Appeals no 79- 4410 (11 janvier 1982):

"( 20) Appellants’ statistical studies indicated that although women comprised more than 30% of the Oakland plant work force, they were systematically excluded from many job categories. No women were employed as machine repairers, mold repairers or teamsters. Women were concentrated in three departments: janitorial, accounting and finished products. Women comprised only 4% of the officials and managers and 4% of the craft workers but were 48% of the operatives and 67% of the office and clerical workers. These statistics were demonstrably disproportionate when compared with the relevant labor market ...

... Of the new hires between 1971 and 1976, 37.2% were women. No women were hired, however, as journeymen, teamsters or lehr attendants. Appellants also introduced evidence showing that as late as 1974 some departments were still designating by gender their request for applicants and that particular individuals were denied promotions and harrassed because of their sex ..."

Un autre exemple de l’usage de statistiques par les tribunaux se retrouve dans Schaefer vs. Tannian, Eastern District of Michigan U. S. District Court, no. 39943 (22 mai 1974):

"... (1) women make up only 2.15 percent of department’s police officers, as contrasted with 39.7 percent of area work force, and (2) it has not been shown that these discriminatory practices are or have been necessary to safe and efficient operation of department ...

... Administrative convenience is not acceptable justification for sex discrimination, and unsupported suggestion that discrimination is or was for safety of women does not show any rational relation between any discriminatory hiring or assignment practices and legitimate state objective ..."

Voir également Contreras vs. The City of Los Angeles, Ninth U. S. Court of Appeals, no 78- 2060, 656 F. 2d 1267 (1981), EEOC vs. Local 14, International Union of Operating Engineers, 553 F. 2d 251 (1977), International Brotherhood of Teamsters vs. United States et al, 431 U. S. 324, EEOC vs. Mead Foods, Incorporated, 466 F. Supp. 1 (1977), Castaneda, Sheriff vs. Partida, 430 U. S. 482, U. S. vs. County of Fairfax, Va., 25 F. E. P. Cases 662.

IV. LA LEGALITE DES PRATIQUES D’EMBAUCHE DU CANADIEN NATIONAL

Les paramètres de la plainte La plainte d’Action Travail des femmes vise essentiellement l’ensemble du processus d’embauche du Canadien National en regard des postes décrits comme non- qualifiés tel qu’il a été effectué dans la région du St- Laurent à l’époque où cette plainte a été portée.

Durant l’instance, Action Travail des Femmes, appuyée par la Commission canadienne des droits de la personne, a demandé à ce que notre tribunal juge des pratiques d’embauche effectuées non seulement dans la région du St- Laurent mais aussi dans les autres régions du Canada. Le tribunal a décidé qu’il était incompétent pour augmenter lui- même son mandat, étant donné que celui- ci est décrit par la plainte dont il est saisi.

A la lumière de la preuve qui a été apportée lors de l’instance, on peut établir que le siège social du Canadien National établit une politique générale d’embauche mais celle- ci est par ailleurs appliquée avec certaines différences dans les différentes régions du Canada. Cependant, le témoignage de certains cadres et professionnels du Canadien National, tendrait à montrer qu’à l’avenir, la politique sera de plus en plus uniforme pour l’ensemble des régions.

Nous croyons que le jugement que nous rendons dans la présente espèce, même s’il doit se limiter à la région du St- Laurent, devrait inspirer le Canadien National à en appliquer les dispositions dans les autres régions du pays, sous peine de voir d’autres plaignantes déposer des plaintes similaires à celles d’A. T. F. dans les autres régions du pays.

En ce qui a trait à la période de la plainte, le tribunal est d’avis que pour les fins de déterminer si le processus d’embauche du C. N. était ou non légal compte tenu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on doit s’en tenir essentiellement à la période décrite par la plainte. Cependant, la période antérieure à celle de la plainte est pertinente pour montrer l’évolution survenue et mieux saisir le processus d’embauche applicable à cette époque. Enfin, les changements qui ont pu survenir depuis le dépôt de la plainte sont également pertinents, non pas pour déterminer si le processus d’embauche était alors légal ou non, mais pour les fins de déterminer s’il y a lieu de conclure à l’adoption d’un programme d’action positive, et si oui, d’en déterminer les éléments essentiels.

Aucune des parties à l’instance n’a été en mesure de décrire de façon exhaustive l’ensemble des postes visés par la plainte.

Il apparaît qu’il existe trois catégories de postes d’entrée de cols bleus au Canadien National. La première catégorie vise les postes de métier tels que ferblantiers, wagonniers, électriciens, etc... pour lesquels un cours de métier est prérequis. Ces postes requièrent pour leur détenteur une carte de compétence ou encore de pouvoir démontrer par écrit un minimum de quatre (4) ans d’expérience dans un métier, ainsi que l’atteste la pièce R- 6.

Si la plaignante excepte expressément cette première catégorie de sa plainte, il n’en va pas de même pour les postes d’apprentis pour lesquels on exige également un cours de métier.

Enfin, la plainte porte sur les postes ne nécessitant aucune qualification particulière. Ces postes se retrouvent dans différents départements du Canadien National. Ainsi, au département du transport, on retrouve les postes de serre- freins, de pointeurs de wagons ou checkers. Au département d’ingénierie, on retrouve les bridges and building labourers, les track maintainers, les signal helpers et signal maintainers. Au département du matériel roulant, on trouve les postes de nettoyeurs de wagons ainsi que les différents postes d’apprentis. Sous la classification générale de labourers, on retrouve des nettoyeurs d’engin et d’autres sortes d’emplois qui ne sont pas assortis de qualification spéciale.

Parmi les principaux postes qui ont fait l’objet de témoignages et de preuve au cours de l’instance, on retrouve d’abord le poste de serre- freins.

Le serre- freins travaille à bord des trains et aide le mécanicien de locomotive et le conducteur. Il aide plus particulièrement au fonctionnement des trains soit dans les cours de triage ou sur les lignes principales. Le serre- freins lit les signaux, calcule la vitesse pour freiner. On peut dire que c’est un assistant dont la première tâche est de s’occuper des freins.

Le poste de serre- freins est un poste d’entrée qui mène normalement vers le poste de conducteur et celui de mécanicien de locomotive.

Les serre- freins ont à monter sur les wagons pour mettre les freins et ont à remplacer les sabots de freins en cas d’urgence.

Les postes de brakeman et de yardman constituent le même emploi sauf que l’un travaille dans la cour de triage et l’autre sur le train lui- même.

Le poste de nettoyeur de wagons a trait au nettoyage des wagons tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ce travail est fait avec une brosse et à bout de bras. Il s’agit essentiellement d’un poste qui n’exige pas de qualification particulière. Il mène normalement vers le poste d’aide- wagonnier et celui de wagonnier stagiaire et wagonnier.

Le pointeur de wagons ou checkers travaille dans la cour de triage. Il a à former et à démanteler les trains à l’aide de cartes perforées. Il doit se promener à travers les voies ferrées pour aller noter les numéros des wagons.

On peut ajouter à ces postes ceux de journaliers tels que pelleteur de neige, engine cleaners et nettoyeur de locomotive ainsi que les postes de janitor ou concierge.

Ce sont là essentiellement les postes d’entrée au Canadien National en ce qui a trait aux cols bleus.

Le droit

La plainte d’Action Travail des Femmes se fonde sur l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cet article dispose que:

"Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur ou l’association d’employés

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite, ou b) de conclure des ententes, touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel pour un motif de distinction illicite, d’une manière susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individu."

Cet article requiert pour le plaignant qu’il fasse une preuve prima facie que les pratiques d’embauche attaquées sont susceptibles d’empêcher une catégorie protégée d’avoir les mêmes chances d’emploi que l’ensemble des candidats à ces emplois.

Nous avons vu dans la partie précédente que les statistiques tendraient à établir cette preuve prima facie dans la mesure où le taux d’embauche des femmes au Canadien National dans les postes visés par la plainte est sensiblement inférieur à ceux de la moyenne des employeurs oeuvrant dans des secteurs analogues.

En plus de cette preuve prima facie, il faut que le plaignant démontre également que les pratiques d’embauche contestées ont été mises cie l’avant dans le but de nuire aux chances d’emploi d’une catégorie protégée.

L’article 10 de notre Loi canadienne sur les droits de la personne est fortement inspiré pour ne pas dire calqué sur l’article 7.03 du Title VII du Civil Rights Act de 1964 des Etats- Unis.

Selon une jurisprudence américaine qui semble constante, l’article 7.03, très similaire dans sa rédaction à l’article 10, ne nécessite pas l’exigence d’un caractère intentionnel de l’atteinte aux droits. On peut voir à cet effet les arrêts suivants:

Albemarle Paper Company c. Moody, 422 U. S. 405 (1975); Griggs c. Duke Power, 401 U. S. 424 (1971); U. S. c. Georgia Power, 24 F. E. P. Cases 1398 (1981); James c. Stockham Valves & Fittings, 559 F. 2d. 310 1977 Cependant, dans l’arrêt C. N. c. Binder et Commission canadienne des droits de la personne rendu le 13 avril 1983, la Cour d’appel fédérale jugeait majoritairement, le juge Le Dain étant dissident, que l’article 10 impliquait l’intention de faire preuve de discrimination dans une pratique d’embauche comme condition essentielle pour l’application de cet article.

Avec respect, nous croyons que cet arrêt, dont la permission d’en appeler a été accueillie par la Cour suprême du Canada, est erronée et que la distinction qu’on tente d’y faire entre l’article 10 et l’article 7.03 du Title VII ne repose sur aucune assise solide.

Cependant, il ne sera pas nécessaire pour nous de distinguer cet arrêt puisque nous estimons qu’en l’espèce, le Canadien National a établi ses pratiques d’embauche en sachant les conséquences de ces pratiques. Nous avons déjà montré en effet au début de ce jugement que le Canadien National connaissait depuis déjà plusieurs années avant le dépôt de la plainte que ses pratiques d’embauche avaient un effet négatif sur l’emploi des femmes et que celles- ci n’avaient pas, au Canadien National, la place qui leur revenait normalement. Le Canadien National a néanmoins perpétué ses pratiques d’embauche en en connaissant les conséquences. L’entrée en vigueur de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui n’a pas pris le Canadien National par surprise comme en font foi les témoignages entendus lors de l’instance, n’a pas entraîné de changements marquants dans ses pratiques d’embauche.

Aussi, nous croyons que le Canadien National meant what he did (Robinson c. Lorillard Corporation, 444 F. 2d. 791 - 1971). On ne peut certainement pas dire que les pratiques d’embauche qui sont contestées par Action Travail des Femmes étaient purement accidentelles.

Nous estimons par ailleurs que le caractère intentionnel de pratiques d’embauche discriminatoires est un facteur pertinent pour que le tribunal exerce le pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît la Loi d’imposer ou non un programme d’action positive. On peut référer à cet égard à l’article 7.06g) du Title VII.

La seule preuve statistique concernant l’effet négatif d’un processus d’embauche ne suffit pas pour conclure que ce processus est illégal au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En effet, l’article 14 de cette Loi dispose que:

"Ne constituent pas des actes discriminatoires a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils sont fondés sur des exigences professionnelles normales."

Cet article 14 semble lui aussi inspiré de l’article 7.03 du Title VII qui reconnaît qu’un processus d’embauche négatif pour une catégorie protégée peut être justifié par a business necessity.

Il faudra donc considérer le processus d’embauche du Canadien National pour déterminer si les pratiques qu’il contient peuvent ou non justifier le nombre infime de femmes dans les postes de cols bleus au Canadien National.

En ce faisant, le tribunal considère qu’il faut examiner l’ensemble du processus et non prendre un élément isolément. C’est de l’ensemble que l’on pourra se faire un portrait global du système de filtrage des demandes d’emploi au Canadien National.

La jurisprudence américaine considère également que c’est la situation d’ensemble qui importe. Voir à cet effet Friend c. Leidinger, 588 F. 2d. 61 (1978).

Des pratiques neutres en apparence pourront être considérées illégales si elles ont pour effet de perpétuer une discrimination passée. (Nance c. Union Carbide, 397 F. Supp. 436; Robinson c. Lorillard Corporation, 444 F. 2d. 791 - 1971; James c. Stockham Valves & Fittings Company, 559 F. 2d. 310 - 1977).

Enfin, comme nous l’indiquions plus tôt, le fait que des pratiques d’embauche illégales aient été corrigées depuis le dépôt de la plainte constituera un facteur pertinent pour déterminer s’il y a lieu d’ordonner un programme d’action positive et si oui, pour déterminer son contenu. Voir U. S. c. County of Fairfax, 25 F. E. P. Cases 662 (1981); Nance c. Union Carbide Corporation, 397 F. Supp. 436 (1975); Albemarle Paper Company c. Moody, 422 U. S. 405 (1975); James c. Stockham Valves & Fittings, 559 F. 2d. 310 (1977).

Le processus d’embauche au Canadien National Le processus d’embauche au C. N. peut se décomposer comme suit. Dans une première phase, on peut regrouper toutes les pratiques relatives à l’information et à la publicité concernant les postes ouverts au C. N. Une seconde phase concerne l’accueil proprement dit au bureau d’embauche. Dans un troisième temps, nous vérifierons les différents critères d’embauche comme tels. Enfin, une quatrième phase traitera de l’accueil au milieu de travail.

1. Information, publicité, recrutement

A l’époque de la plainte d’A. T. F., le Canadien National savait déjà qu’il n’était pas reconnu comme étant un employeur embauchant des femmes. On peut voir à cet égard le témoignage de Mme Gagnon (N. s. p. 2098). Cette situation se reflète également dans les témoignages des femmes ayant postulé au Canadien National et qui ignoraient, avant d’être sensibilisées par A. T. F. ou par le bureau d’embauche, que le Canadien National embauchait des femmes pour des postes non- traditionnels. Voir particulièrement le témoignage de Mme Wilhemy (N. s. p. 620), et celui de Mme Nemeroff (N. s. p. 191).

Malgré cet état de choses, le Canadien National n’a pas fait d’effort réel afin de solliciter des futures candidates pour des postes non- traditionnels.

Ainsi le Canadien National envoyait des représentants pour visiter les écoles de métiers au Québec afin de faire connaître les possibilités d’emploi. Toutefois, on savait qu’il n’y avait pas de femme dans ces écoles de métiers. Voir le témoignage de M. butant (N. s. p. 1549), et celui de M. Ménard (N. s. p. 1773).

On n’a pas cherché à sensibiliser les niveaux inférieurs dans le système éducatif pour sensibiliser les filles pour le motif que le Canadien National n’avait pas à orienter les enfants dans leur carrière. Voir témoignage de M. Toutant (N. s. p. 1721).

Cependant, M. Yvon Masse émet le voeu pieux de sensibiliser les orientateurs. Cela n’a pas encore été fait selon lui. Voir le témoignage de M. Masse (N. s. p. 2208).

Le Canadien National invoque la publicité qui a été faite dans sa publication Au fil du rail qui s’adresse aux employés et aux pensionnés du Canadien National. Dans cette publication, l’on vante effectivement les mérites de femmes réussissant dans des postes non- traditionnels et l’on a incité à certaines reprises les femmes à poser leur candidature pour des postes non- traditionnels. Mais ce journal n’est distribué qu’à l’intérieur du réseau du C. N. et ne peut donc jouir d’une large publicité.

Il n’y a pas eu non plus, semble- t- il, de contact clairement établi avec le Centre de main- d’oeuvre pour ces postes non- traditionnels afin d’obtenir davantage des candidatures féminines, comme en fait foi le témoignage de M. Toutant (N. s. p. 1719).

Le Canadien National admet avoir déjà passé une annonce dans un journal (témoignage de M. Toutant N. s. p. 1749) mais on n’a pas persévéré car de l’avis du C. N., cette annonce n’avait pas eu de résultat concluant puisque beaucoup de postulantes n’étaient pas des candidates qualifiées selon le C. N.

Enfin, le Canadien National s’est adressé à A. T. F. pour avoir des candidates avec les résultats que l’on sait.

Ce qui résulte de la preuve, c’est que la majorité des candidatures pour les postes non- traditionnels résultent de walk- in applications et sont dues au word- of- mouth. On n’a pas cherché à savoir lorsque quelqu’un se présentait pour ces postes par quel moyen elle avait été mise au courant, ce qui aurait pu aider à faire un recrutement plus efficace. Voir le témoignage de M. Toutant (N. s. pp. 1749 à 1751).

Ce phénomène du word- of- mouth où l’on fait appel aux contacts que les employés peuvent avoir à l’intérieur de leur famille ou de leur réseau d’amis n’est pas en lui- même illégal à moins qu’il n’engendre un adverse impact qui lui est illégal. Il est certain que des employés vont aviser les personnes de leur sexe, de leur race, de l’existence d’emplois disponibles. A plusieurs reprises, on a fait état que les employés du Canadien National ne favorisaient pas l’emploi des femmes dans des postes non- traditionnels et décourageaient même les membres de leur famille à appliquer pour ces postes.

La jurisprudence américaine reconnaît que la pratique du word- of- mouth qui entraîne les walk- in applications peut être illégale lorsque l’on est dans une situation où un groupe protégé par la loi est déjà dans une situation de sous- représentation. Voir E. E. O. C. c. New York Times Broadcasting Service, 13 F. E. P. Cases 813 (1976); Kohne c. Imco Container Company, 21 F. E. P. Cases 535 (1979); Rowe c. General Motors Company, 457 F. (2d) 348.

Compte tenu de la situation défavorable des femmes au Canadien National, l’employeur aurait dû faire des efforts particuliers pour changer la situation. En pratique, il n’y a pas eu d’effort réel pour informer les femmes en général de la possibilité de combler les postes non- traditionnels.

2. L’accueil au bureau d’embauche Il est indéniable que certains efforts ont été faits par le bureau d’embauche du Canadien National afin de faciliter le recrutement de femmes dans les postes non- traditionnels.

Par exemple, on a affiché aux murs du bureau des photos de femmes exerçant un emploi non- traditionnel. De même, deux commis au bureau d’embauche ont été formés pour accueillir tout spécialement les femmes comme en témoigne la pièce R- 5 de même que le témoignage de M. Toutant, aux pages 1508 et suivantes.

Il est à noter que le bureau d’embauche ne procède pas à l’engagement formel des candidats. Il ne fait que les référer au contremaître qui, lui, détient le véritable pouvoir de décider s’il engage ou non la personne sélectionnée. Voir le témoignage de M. Toutant (N. s. p. 1603), ainsi que celui de M. Noel (N. s. p. 3980).

Il ressort des différents témoignages que l’on n’offre pas nécessairement les postes non- traditionnels aux femmes qui se présentent au bureau d’embauche. On semblerait insister pour leur offrir plutôt des emplois de secrétaires. Voir le témoignage de Jocelyne Chamberland (N. s. p. 136).

Mme Brunelle prétend pour sa part dans son témoignage que l’accueil est moins sympathique pour les femmes que pour les hommes (N. s. p. 541). Lorsque M. Ménard tente d’expliquer cet incident, il dit qu’il est possible que lorsque deux personnes se présentent pour un travail et que l’une des deux est plus qualifiée que l’autre, on ait plus d’égard pour la personne qui est la plus qualifiée. Voir le témoignage de M. Ménard (N. s. p. 1765).

On ne fait pas non plus d’effort pour présenter les postes non- traditionnels; voir le témoignage de Mme Lamarche, (N. s. p. 3598) et celui de Mme Leboeuf (N. s. p. 3555). Lorsque quelqu’un postule pour un poste non- traditionnel et qu’il n’y a pas d’ouverture immédiate, on ne fait pas non plus d’effort particulier pour lui en trouver un. Voir le témoignage de Mme Mossa (N. s. p. 119).

Selon les témoignages de certaines femmes, voir par exemple celui de Mme Jocelyne Chamberland (N. s. p. 135), on tente plutôt de décourager les femmes. On leur représente qu’elles ne sont pas qualifiées pour ces emplois non- traditionnels sans cependant leur dire exactement ce qui leur manque.

On ne dit pas clairement aux personnes quelles sont les qualifications nécessaires pour les postes offerts. Voir le témoignage de Mme Beauchamp (N. s. p. 565) et celui de Mme Carole Wallace (N. s. p. 349).

Pourtant, selon la directive de M. Pasteris, surintendant de la division du matériel roulant, faite verbalement au bureau d’embauche afin d’embaucher des femmes pour les postes d’apprentis, il était bien spécifié que l’exigence d’un métier ne tenait plus. Du moment que les femmes passaient les tests d’aptitude d’apprenti, dont le test Bennett, et qu’elles étaient consentantes à travailler de nuit, elles étaient éligibles à postuler leur candidature comme en fait foi le témoignage de Mme McLachlan (N. s. p. 1815). Pourtant, il apparaît que l’exigence d’une expérience de métier revient à plusieurs reprises dans la bouche des préposés du bureau d’embauche. En conclusion, il apparaît que malgré les efforts effectués par le C. N. pour former des commis de bureau et pour rendre le bureau d’embauche plus sympathique aux candidates féminines, l’information donnée aux candidates féminines demeure incomplète, insuffisante, voire contradictoire et n’était pas de nature à les encourager malgré certains efforts épisodiques de recrutement agressif, efforts qui sont quand même postérieurs à la plainte et qui ne semblent pas non plus avoir eu d’effet permanent.

Le fait de ne pas expliquer suffisamment les exigences des emplois non- traditionnels et de ne pas accueillir avec sympathie les candidatures provenant d’un groupe qui faisait déjà l’objet d’une discrimination prima facie, peut être considéré comme une pratique non pas neutre mais discriminatoire en elle- même. Voir Kohne c. Imco Container Company, 21 F. E. P. Cases 535.

3. Les critères d’embauche comme tels

a) Les qualifications réelles nécessaires pour remplir les postes visés par la plainte

Des différentes descriptions des emplois telles qu’établies par le Canadien National et relatées par différents témoins, ressortent différentes qualités assez semblables d’un poste à un autre.

Au nombre de ces qualités, on retrouve le sens des responsabilités; voir à cet égard le témoignage de Mme McLachlan (N. s. p. 1827) et celui de Mme Collot (N. s. p. 4026).

On peut aussi noter une certaine résistance physique afin de pouvoir travailler au besoin dans la poussière ou sous la pluie ou dans la neige ou encore, dans le froid (témoignage de Mme Nemeroff, N. s. p. 214, et celui de Mme Leclercq (N. s. p. 4172).

Une autre des exigences pour ces emplois est celle de vouloir travailler les soirs, la nuit, le jour, les fins de semaine, sans avoir d’horaire normal. A ce chapitre, il semble bien que l’on ait voulu effrayer les candidates au bureau d’embauche. Ainsi, selon le témoignage de Mme Leclercq, lorsqu’on lui a fait la description du poste de serre- freins, on lui a laissé entendre qu’elle pouvait être appelée à toute heure de la nuit sans avis. Selon ce témoin, cette description est exagérée car il y a une espèce de rotation. Les gens connaissent leur position sur les listes et savent dans une grande mesure à quel moment ils seront appelés (N. s. p. 4171).

On peut ajouter à ces exigences la facilité à travailler en équipe et la capacité de travailler sous supervision.

Au chapitre des exigences physiques, il ressort clairement que lorsque les objets à manipuler sont trop lourds, il y a de l’entraide entre les travailleurs. Les gens n’aiment pas compromettre leur santé pour transporter quelque chose et le Canadien National lui- même comme employeur cherche à éviter les accidents de travail. Voir en particulier le témoignage de Mme Leclercq (N. s. p. 4169) et celui de Mme Nemeroff (N. s. p. 195).

En somme, ces postes n’exigent pas de qualification particulière. On peut apprendre sur place les choses plus difficiles tel qu’en témoigne Mme Leclercq (N. s. p. 4171).

Il ne s’agit pas d’emplois qui nécessitent une capacité intellectuelle supérieure à celle d’un niveau d’enseignement secondaire.

b) L’argument de la promotion forcée Peut- on exiger pour un poste d’entrée des exigences requises pour des postes supérieurs dans le cadre d’une promotion forcée?

Dans son témoignage (N. s. pp. 3432- 3435), le docteur Lawshee, psychologue industrielle, affirme que les directives du E. E. O. C. permettent de vérifier à l’entrée l’aptitude du candidat à exercer des postes plus élevés dans la hiérarchie lorsque ces postes peuvent être obtenus dans un délai raisonnable. Sinon, le docteur Lawshee estime qu’un employeur peut se retrouver avec des travailleurs qui sont incapables de progresser au sein de l’entreprise.

Selon le Canadien National, il y a eu vers 1977 une progression très rapide des nettoyeurs de wagons vers les postes de wagonniers stagiaires et de wagonniers. On avait très vite besoin de soudeurs. Voir le témoignage de M. Toutant (N. s. p. 1520) et celui de M. Ménard (N. s. p. 1778).

Il existe deux façons d’accéder au poste de wagonnier. La première méthode est par la formule de l’apprentissage. La seconde voie est à partir du poste de nettoyeur de wagons. Cependant, selon le témoignage de M. Raynald Masse (N. s. p. 1940), il ne sera plus possible désormais d’accéder au poste de wagonnier par la voie du poste de nettoyeur de wagons. Seulement ceux qui auront suivi des cours à l’extérieur, c’est- à- dire les apprentis, pourront accéder au poste de wagonnier.

Cette nouvelle approche est motivée par la nouvelle technologie et l’impératif d’avoir des gens plus qualifiés au départ.

Ainsi donc, l’argument de la promotion forcée, s’il a pu exister à l’origine, semble être écarté pour l’avenir.

Même à l’époque de la plainte, comme nous le montrerons ci- après, les employés non- qualifiés du Canadien National avaient différentes possibilités d’acquérir des compétences et attitudes nécessaires pour postuler des emplois supérieurs même dans des délais très courts. Ainsi, la soudure pouvait être enseignée sur place par d’autres employés du C. N.

Il existerait aussi une promotion forcée du poste de serre- freins au poste de locomotive engineer et celui de conductor si l’on considère le témoignage de Mme Piché (N. s. pp. 1429 et 2908).

Cependant, il n’est pas clair que les aptitudes requises pour ces postes ne pourraient pas être acquises dans le cadre du travail de serre- freins ou par des cours suivis soit au Canadien National ou à l’extérieur pour accéder à ces postes.

La jurisprudence américaine considère pour sa part que l’argument de la promotion forcée n’est pas acceptable si, en pratique, cette volonté d’évaluer les candidats pour des postes plus élevés que ceux postulés perpétue une discrimination passée. Voir en particulier Albemarle Paper Company c. Moody, 422 U. S. 405 (1975) et Robinson c. Lorillard Corporation, 444 F. (2d) 791 (1971).

Le fait d’augmenter les exigences requises pour un poste qui n’exige pas au départ des qualifications particulières est invalide si celles- ci ne sont pas véritablement nécessaires et qu’elles ont pour effet d’empêcher de remédier à une discrimination passée. Cette politique ne sera légale que si l’avancement ne pourrait pas être obtenu autrement. Voir Griggs c. Duke Power, 401 U. S. 424 (1971). En ce qui a trait au Canadien National, la preuve démontre que les travailleurs du Canadien National ont toujours pu profiter des politiques de la compagnie visant à leur permettre de suivre des cours et stages destinés à leur permettre de progresser dans la compagnie.

c) Le dossier académique et/ ou l’expérience dans un métier Pour le poste de nettoyeur de wagons, le Canadien National exigeait que les candidats aient accompli leur secondaire III ou 9ième année.

Pour les postes de journaliers, la seule exigence était qu’ils possèdent une intelligence moyenne.

L’exigence académique véritable survient plutôt pour les postes d’apprentis où il fallait que ceux- ci aient étudié dans une école de métiers et aient travaillé un certain nombre d’heures dans le métier choisi.

Cependant, en ce qui concerne ces postes d’apprentis, il semble que le bureau d’embauche ait eu comme directive à partir de 1981 d’embaucher des femmes dans les programmes d’apprentissage sans qu’elles aient nécessairement les prérequis. On exigeait alors qu’elles aient passé une série de tests dont le test Bennett ainsi que d’autres tests d’habileté mentale tels le Wonderlic, le Revised Minnesota et le test Morgan. Voir à ce sujet le témoignage de Mme McLachlan, à la page 1815.

Il apparaît que les exigences académiques requises pour entrer dans les postes non- traditionnels non- qualifiés au C. N. aient été des plus réduites. En ce qui concerne les postes d’apprentis, on peut se demander s’il s’agit vraiment de postes non- qualifiés dans la mesure où l’apprenti doit normalement posséder déjà une formation de base dans le métier qu’il a choisi.

En revanche, nous croyons moins justifiée une exigence particulière au poste de nettoyeur de wagons à savoir celle d’avoir déjà fait de la soudure.

Afin de considérer ce point, on doit se référer à une lettre envoyée par M. Pasteris, le surintendant du matériel roulant à M. Toutant, superviseur au bureau d’embauche. Il s’agit de la pièce R- 7.

Cette lettre se lit comme suit:

"Vous vous souviendrez qu’en mars 1978, nous avons demandé d’informer les candidats postulant des postes de nettoyeurs de voitures, pour éventuellement être promus wagonniers stagiaires, qu’ils seraient appelés à subir des tests de soudeur au début de leur stage comme wagonnier stagiaire et qu’advenant leur échec à ces examens, ils seraient démis de leurs fonctions.

J’apprécierais que vous fassiez tout ce qui vous sera possible pour embaucher comme nettoyeurs de wagons des gens qui ont de l’expérience en soudure électrique ou qui éventuellement suivront des cours appropriés pour satisfaire à nos normes lorsqu’ils deviendront wagonniers stagiaires."

Le poste de nettoyeur de wagons mène vers les postes d’aide- wagonnier, de wagonnier stagiaire et de wagonnier comme le montre la pièce R- 25. On n’exigeait qu’une 9ième année avec une expérience ou des études dans un métier pour ce poste de nettoyeur de wagons; voir pièce R- 25.

Selon le Canadien National, l’exigence spécifique de la soudure à partir de 1978 était liée à un projet d’envergure visant la réfection des wagons. Ce travail de réfection consistait à poser des plaques de métal et à refaire le châssis. Donc, selon le Canadien National, cette exigence de soudure était en fonction de ce projet à réaliser. Voir le témoignage de M. Toutant, page 1535. On ajoute également que puisque la promotion se faisait de façon très rapide, on voulait des personnes qui pouvaient devenir opérationnelles dans un court laps de temps. Voir le témoignage de M. Toutant, page 1537.

Le Canadien National a établi que pour le poste de wagonnier, on exigeait une expérience dans différents métiers reliés à la wagonnerie tels le rembourrage, la réfrigération, la peinture, la menuiserie, afin de rencontrer les exigences d’un poste assez polyvalent. Voir le témoignage de M. Masse, page 1953. Les gens que l’on engageait avaient surtout de l’expérience en soudure si on se réfère à la pièce R- 27 ainsi qu’au témoignage de M. Masse (N. s. p. 1953).

Au sujet des cours auxquels réfère la lettre de M. Pasteris citée précédemment, M. Toutant affirme que ces cours ne s’adressaient pas aux débutants, qu’il s’agissait de cours de perfectionnement s’adressant à des personnes ayant déjà une bonne expérience en soudure et qui seraient offerts le samedi. Voir le témoignage de M. Toutant (N. s. pp. 1536 à 1539).

Mme Beauchamp engagée suite à une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne en 1981 comme apprentie wagonnière, n’avait pas de soudure contrairement à ses compagnons de travail; voir son témoignage à la page 581. Elle a appris la soudure à l’école du CN en deux semaines (N. s. pp. 579 à 553).

L’exigence de la soudure que l’on opposait aux candidates à l’époque de la plainte nous apparaît contraire à la lettre de M. Pasteris qui précisait que cette expérience pouvait être acquise soit préalablement à l’entrée au CN ou éventuellement à l’aide de cours donnés par le CN.

En pratique, cette exigence de la soudure a contribué à écarter un bon nombre de femmes intéressées à venir travailler au Canadien National d’autant plus qu’à l’époque de la plainte, les postes de nettoyeurs de wagon constituaient un secteur particulièrement actif au bureau d’embauche.

Etant donné que peu de femmes avaient déjà une expérience dans la soudure alors que les hommes avaient presque tous cette expérience acquise dans une école de métiers, cette exigence qui n’était pas indispensable pour le poste d’entrée comme nettoyeur de wagon a eu un adverse impact et constitue dès lors une pratique discriminatoire et contraire à l’article 10.

On peut référer à la jurisprudence américaine qui considère que le fait de poser une exigence trop élevée par rapport aux nécessités de l’emploi postulé peut constituer une pratique discriminatoire lorsqu’elle entraîne un adverse impact pour un groupe protégé. Voir James c. Stockham Valves and Fittings Company, 559 F. (2d) 310 (1977), U. S. c. Georgia Power, 24 F. E. P. Cases 1398 (1981) et, Griggs c. Duke Power, 401 U. S. 424 (1971).

d) L’entrevue au bureau d’embauche

Les entrevues effectuées au bureau d’embauche sont faites par deux personnes. Ces personnes se fient surtout à leur flair, disant être habituées à faire des entrevues. L’entrevue n’est pas trop structurée, il s’agit plutôt d’une impression générale qu’on se forme du candidat ou de la candidate. Si c’est le sens des responsabilités qu’on veut tenter de déterminer, on se fie au flair mais on n’a pas de critère, de norme très précise comme le témoigne Mme McLachlan (N. s. p. 1877 et suivantes).

Il est sans doute légitime de s’assurer d’une certaine motivation chez les candidats et candidates et pour ce, on doit décrire l’emploi avec non seulement ses avantages mais aussi ses inconvénients. Cependant, il semble bien que l’on ait voulu décourager certaines femmes en faisant une description par trop décourageante des postes. Voir le témoignage de Jocelyne Chamberland, page 135. Ainsi, on exagérera parfois sur les difficultés de l’horaire afin de décourager une candidate. Voir le témoignage de Mme Leclercq (N. s. p. 4170). On profite aussi parfois de l’entrevue pour encourager une candidate à postuler plutôt un poste de secrétaire. Voir le témoignage de Micheline Chamberland, page 179. Ceci ressort également de l’entrevue qu’a eue Mme Nadia Collot avec un jury d’entrevue pour un poste de serre- freins. On lui a décrit les horaires difficiles qui risquent d’entraîner la rupture d’un couple (N. s. pp. 4026- 4027). Il est à signaler que cette entrevue qu’a eue Mme Collot pour le poste de serre- freins aurait duré une heure tandis que pour les candidats masculins qui passaient la même entrevue, celle- ci ne durait qu’une vingtaine de minutes (N. s. p. 4029).

On peut conclure de ce qui précède que l’entrevue effectuée au C. N. pour les postes d’emplois non- qualifiés était des plus sommaires et pouvait difficilement constituer un critère objectif pour la détermination des candidatures.

Les témoignages des femmes qui ont passé cette entrevue concordent à peu près sur le point principal, à savoir que cette entrevue n’était guère encourageante pour les candidates qui s’y prêtaient. Dans plusieurs cas, cette entrevue avait un chilling effect de nature à désorienter la candidate et à l’encourager à postuler un emploi plus traditionnel.

Il apparaît du témoignage de Mme Piché que le Canadien National songe maintenant à mieux structurer l’entrevue, du moins pour le poste de serre- freins. Cependant, il ne s’agit là que d’un projet et non d’une réalisation.

e) Le test Bennett et les nouveaux tests Selon le témoignage de M. Toutant, le test Bennett devait être passé par les candidats pour les postes d’entrée suivants:

Dans le département de l’ingénierie, pour le poste de signal helper. Dans la division de l’équipement, pour tous les postes d’apprentis ainsi que pour les postes de carman helper et de mechanic helper ainsi que pour les nettoyeurs de wagons. Enfin, dans la division du transport, le test Bennett était passé aux candidats au poste de serre- freins. M. Toutant mentionne également le poste de hosler mais celui- ci n’est pas un poste d’entrée. Le poste d’entrée qui mène vers celui de hosler est le poste de labourer ou engine cleaner selon les témoignages de Mme Nemeroff et de Mme Lamarche.

Entre 1958 et 1962, les divers critères d’embauche pour les postes d’entrée de cols bleus furent révisés au siège social du Canadien National. A partir de 1962, des nouvelles procédures ont été appliquées et c’est à partir de ce moment qu’a été utilisé le test de compréhension mécanique, forme AA- F établi par M. G. K. Bennett.

Ce test a pour objectif de vérifier l’aptitude d’une personne à reconnaître et comprendre les phénomènes physiques ou mécaniques mis en cause dans des situations quotidiennes.

Ce test comprend soixante questions. A titre d’exemple, en voici deux. Premièrement, sont illustrées deux ampoules de trente watts et une autre de soixante watts. La question est la suivante: quelle ampoule utilise le plus de courant? Voici un second exemple. Vous avez un dessin représentant deux hommes transportant une longue planche au milieu de laquelle on a suspendu un poids. Un des hommes supporte la planche sur son épaule en se plaçant à l’extrémité de la planche tandis que l’autre homme s’est placé à égale distance entre ce poids suspendu et l’extrémité de la planche. On demande quel est l’homme qui supporte la plus grande pesanteur? Voir pièce A- 8. Les soixante questions sont bâties de la même façon. Un dessin et une question concise.

Ce test est reconnu comme étant un excellent outil afin de mesurer l’aptitude mécanique et il est apparemment couramment utilisé en milieu industriel nord- américain. La très grande majorité des études américaines consacrées à l’évaluation de l’aptitude mécanique se réfère au test Bennett. Voir les témoignages du docteur Lawshee (N. s. p. 3416) et celui de Mme Piché, docteur en psychologie industrielle et responsable au niveau corporatif du CN des politiques et pratiques d’emploi (N. s. p. 1349).

Certains témoignages, en particulier ceux du docteur Bordeleau, également docteur en psychologie industrielle (N. s. p. 3650) et celui de Me Picker (N. s. p. 813), font état d’un certain abandon de ce test aux Etats- Unis. Ceci serait dû aux décisions défavorables à des employeurs ayant utilisé le Bennett alors que sa pertinence par rapport à l’emploi pour lequel on l’utilisait n’avait pas été démontrée.

Par ailleurs, dans la mesure où l’emploi nécessite des attitudes mécaniques, ce test possède un coefficient de fiabilité très appréciable de 0.6 sur une échelle de 0 à 1. Cela signifie que plus le candidat obtient un résultat élevé au test, plus il est susceptible de mieux s’acquitter de sa tâche. Mais cette fiabilité varie d’une tâche à une autre; voir à ce sujet le témoignage du docteur Bordeleau (N. s. pp. 3643 et 3652) et celui du docteur Lawshee (N. s. pp. 3488, 3520 et suivantes).

Finalement, on peut ajouter que le test Bennett détient le monopole en ce qui concerne l’évaluation des aptitudes mécaniques. A défaut d’y recourir pour quelque raison, l’employeur se voit forcé d’utiliser un sous- produit de qualité inférieure ou encore fabriquer le sien. Cette supériorité du test Bennett serait attribuable à plusieurs facteurs. Par exemple, il a été rigoureusement testé au point de vue de ce que les spécialistes appellent l’ internal consistency (voir Mme Piché, N. s. p. 1349, docteur Lawshee, p. 3419). L’ internal consistency signifie que chacune des soixante questions vise à mesurer la même chose soit l’aptitude mécanique. Un autre avantage considérable est que la dimension verbale est réduite au minimum. Cela permet d’éviter qu’une personne possédant de bonnes aptitudes mécaniques soit éliminée en raison d’une mauvaise compréhension de la question.

Finalement, le test Bennett posséderait le grand avantage de vieillir très bien. Ce test serait encore bien actuel car il met en présence des principes qui ne changent pas au fil des ans tels que ceux qui sont reliés aux trois classes de levier ou encore la gravité. Voir le témoignage du docteur Lawshee (N. s. p. 3423). Cependant, Mme Mishara, docteur en psychologie clinique, prétend que ce test, élaboré il y a quarante ans, est démodé (N. s. p. 79).

Il existerait une forme du Bennett spécialement conçue pour les femmes: la forme W1. Cependant, aucun expert ne semble en savoir plus long sur cette forme de test qui ne semble jamais avoir été utilisée au Canadien National et est peut- être même abandonnée (voir Mme Mishara, N. s. p. 77, docteur Lawshee, p. 3470). C’est donc la forme AA que l’on utilise pour les hommes comme pour les femmes. C’était le cas au Canadien National.

Il est reconnu dans la littérature scientifique que les femmes réussissent moins bien que les hommes à ce test d’aptitudes mécaniques. Mme Piché l’admet volontiers (N. s. p. 1355).

Les différents experts ont évoqué plusieurs raisons pouvant expliquer l’écart entre les résultats obtenus par les femmes et ceux obtenus par les hommes.

Selon Mme Mishara, cela s’expliquerait par le fait que l’environnement et les expériences des femmes n’ont pas rendu ces dernières familières avec le contenu des tests. Elle prétend également que culturellement, la femme, n’étant pas versée dans les problèmes mécaniques, devient angoissée devant ce type de questions ainsi que devant les situations présentées et son rendement en est alors affecté.

Toujours selon Mme Mishara, l’auteur du test a tort lorsqu’il prétend que des meilleures connaissances en physique n’affecteraient pas le résultat. Selon elle, une session intensive de cours de physique améliore nécessairement le résultat à ce genre de tests (voir N. s. pp. 84 à 87).

Pour le docteur Bordeleau (N. s. pp. 3666 à 3679), il est important de vérifier si les groupes sont comparables. Il affirme qu’il serait injustifié de comparer des techniciens sortant de l’école technique avec un groupe d’employés cléricaux féminins. Il évoque d’autres motifs tels l’éducation, l’expérience, la formation, les préférences personnelles. Evidemment, l’aspect culturel implique que les femmes sont moins instruites que les hommes dans ce domaine.

Finalement, il y a une controverse au sujet du facteur sexe pris isolément. Pour le docteur Lawshee (N. s. p. 3476), aucune étude ne démontre qu’un homme et une femme ayant des aptitudes mécaniques égales, obtiendraient des résultats différents.

Tandis que pour Mme Mishara (N. s. p. 86), tant qu’il n’y a pas de preuve que le sexe n’intervient pas, le sexe joue un rôle. Le docteur Lawshee répond pour sa part que la compréhension mécanique ne s’apprend pas comme une table de multiplication. Il s’agit de la combinaison d’un intérêt personnel et de l’exposition culturelle. Cette compréhension mécanique est selon lui profondément ancrée et difficile à modifier avec le vieillissement d’une personne (voir N. s. pp. 3483- 3484).

Comme nous l’avons souligné précédemment, il est reconnu que les femmes réussissent moins bien à ce test.

Au Canadien National, on exigeait des candidats qu’ils obtiennent la note 45 de rang centile. Cette norme était la même pour les hommes comme pour les femmes. Le manuel du test Bennett (pièce A- 21) fixe des normes différentes pour les hommes et les femmes.

Selon Mme Piché, il était justifié d’utiliser les mêmes normes pour les hommes et pour les femmes. Car le test est reconnu pour mesurer avec efficacité ce qu’il a à mesurer et que si l’on applique des normes différentes, le Canadien National aurait obtenu des employés détenant des aptitudes inégales. Voir le témoignage du docteur Piché, N. s. pp. 1439 à 1441.

Selon le docteur Lawshee, une telle pratique est justifiée; l’utilisateur d’un test n’a pas à observer aveuglément les normes d’un manuel, celles- ci n’étant qu’indicatives (voir N. s. p. 3480).

Au sujet de l’établissement d’une note de passage, il est considéré comme essentiel d’établir des notes différentes pour certains groupes. Voir pièce A- 29, page 70:

"In norm- reference interpretations, a test user should interpret an obtained score with reference to sets of norms appropriate for the individual tested and for the intended use. Comment: the reverse is also a standard of competent use: the test user ordinarily should not interpret an obtained score with reference to a set of norms that is inappropriate for the individual or for the purpose of the testing. Alors que le C. N. exigeait 45 de rang centile, le manuel du Bennett indique pour sa part que pour obtenir un tel rang, il faut obtenir un score de 33 sur 60. Selon les normes établies pour les femmes (pièce A- 21), ce résultat ne serait atteint que par quinze pour cent des college freshmen de sexe féminin.

Quant aux résultats au test Bennett obtenus par les candidats, Mme Piché dit n’avoir aucune statistique disponible sur ces résultats obtenus au test Bennett avant 1981 (voir N. s. p. 3014).

Pour les résultats aux tests Bennett passés de janvier 1981 à novembre 1981 au C. N., il y eut 109 candidats masculins engagés sur un total de 272 candidats. De ce nombre, 131 échouèrent le test Bennett alors que 32 furent refusés après entrevue. Pour ce qui est des femmes, le CN engagea 12 femmes sur un total de 36 candidates. 17 femmes échouèrent le test Bennett et 7 furent refusées à la suite de l’entrevue.

En pourcentage au Bennett, cela donne 51.8% pour les hommes et 52.8% pour les femmes. Cependant, il faut ajouter qu’à cette époque, il y avait eu une fuite du solutionnaire au test Bennett qui ne fut découvert au Canadien National qu’en décembre 1981. Aussi, ces résultats nous apparaissent sans valeur.

A la pièce R- 14, les résultats obtenus pour le poste d’apprenti pour l’ensemble des tests démontrent que 22 femmes sur 46 échouèrent le test Bennett tandis que 132 hommes sur 479 échouaient le même test (voir Mme Piché, N. s. p. 3016).

Pour l’ensemble de ces tests, il y eut 27.6% d’échecs chez les hommes et 48% pour les femmes. On peut donc dire que l’ensemble des tests sont entachés d’ adverse impact pour les femmes.

Cependant, il faut aussi tenir compte que les groupes de femmes qui ont passé le test Bennett n’étaient pas très élevés. Ce facteur est important car lorsque le groupe est petit, ce que les statistiques indiquent est moins sûr. Plus l’échantillonnage est grand, plus il est valable. Voir à ce sujet le témoignage du docteur Bordeleau (N. s. p. 3467), celui du docteur Barrett, autre éminent spécialiste en psychologie industrielle (N. s. p. 3690) et celui du docteur Lawshee (N. s. p. 3426).

Les experts ont émis différentes théories sur les motifs qui expliqueraient la moins bonne performance des femmes au test Bennett.

Cela est indépendant de la valeur du test pour mesurer l’aptitude mécanique qui n’est pas mise en doute. Ce test a néanmoins un adverse impact défavorable aux femmes ce qui est d’ailleurs admis par Mme Piché (N. s. p. 1457).

Dans l’arrêt Griggs c. Duke Power, 401 U. S. 424 (1971), la Cour suprême des Etats- Unis a insisté sur le fait qu’une procédure de sélection pouvait se justifier lorsque l’employeur pouvait démontrer la job relatedness. Les juges de la Cour suprême se sont également référés à l’expression business necessity qui figure au Title VII du Civil Rights Act de 1964. Voir à ce sujet les témoignages du docteur Barrett, page 4252 et de Mme Picker (N. s. p. 808). Voir aussi Nance c. Union Carbide Corporation, 397 F. Supp. 436 (1975) où l’on a reconnu que les hommes réussissaient mieux que les femmes au test Bennett. Voir aussi plus généralement Contreras c. Los Angeles, 656 F. (2d) 1267 (1981); Guardians Association of New York City c. Civil Service, 630 F. (2d) 79 (1980); Firefighters Institute c. City of St- Louis, 14 F. E. P. Cases 1486. Cependant, ceci ne signifie pas que le test Bennett ne soit jamais approprié. Voir, outre les références précédentes, Cormier c. P. P. G. Industries Inc., 519 F. Supp. 211 (1981). Or, il apparaît que le test Bennett mesure des aptitudes qui sont ou bien supérieures à ce que les postes d’entrée non- qualifiés au Canadien National exigent ou encore des connaissances qui peuvent être acquises sur le terrain. Les tâches accomplies n’ont jamais été clairement définies dans le passé et ainsi le test Bennett n’a pu être validé.

La méthode indiquée par les experts pour valider ce test est le criterion related validity, c’est- à- dire vérifier dans quelle mesure le résultat obtenu est lié à la performance de l’employé, une fois que celui- ci est habitué à son travail. Voir le témoignage du docteur Barrett (N. s. p. 4259) et celui de Mme Mishara (N. s. p. 80).

Le CN n’a jamais validé son test ainsi que l’admet son procureur Me Giard (N. s. p. 4928). Il est nécessaire d’avoir préalablement fait un job analysis afin de dire si le test Bennett est valable pour un travail en particulier (docteur Lawshee, N. s. p. 3456).

L’habileté du test Bennett à prévoir la performance pour un emploi varie d’un emploi à un autre. Par exemple, il semble que ce soit un bon instrument pour prédire la performance d’un job setter. Tandis que pour un engine tester, cet instrument ne serait guère probant.

Ainsi, le test Bennett ne devrait pas être utilisé efin d’éliminer des candidats pour plusieurs types d’emplois sans s’assurer que chaque emploi requiert ce genre d’aptitude. Voir Mme Mishara, N. s. p. 80- 81).

En conclusion, nous croyons que l’utilisation du test Bennett pour les postes d’entrée n’exigeant pas de qualification particulière est discriminatoire prima facie et ne peut se justifier par les exigences des emplois postulés.

Pour ce qui est des postes d’apprentis, le test Bennett n’est qu’un des tests passés par les candidats et candidates. Pour les autres tests, la preuve est moins claire sur leur caractère discriminatoire. Il y a d’ailleurs une incertitude en ce qui concerne le Revised Minnesota Paper Form et on n’est pas sûr s’il est encore utilisé au Canadien National. Ce test vise à mesurer la perception spatiale. On l’utilise pour des emplois nécessitant une visualisation spatiale tels que les design engineers, les architectes. Il semble que les femmes réussissent moins bien également à ce test; voir le témoignage du docteur Barrett, page 4334 ainsi que celui du docteur Bordeleau, à la page 3695. On peut aussi se référer aux résultats pour l’ensemble des tests passés par les apprentis.

Néanmoins, nous ne pouvons conclure selon la preuve faite qu’est discriminatoire l’ensemble des tests utilisés pour les postes d’apprentis étant donné que les aptitudes requises pour ces postes d’apprentis semblent différentes de celles des autres postes d’entrée dits non- traditionnels.

Si l’utilisation du test Bennett a été abandonnée au Canadien National, en revanche il apparaît du témoignage de Mme Piché que l’on travaille depuis 1979 à réviser les pratiques d’embauche pour tous les postes d’entrée de cols bleus, ce qui inclut les tests d’aptitude.

Ce groupe de travail est dirigé par Mme Louise Piché qui est responsable depuis 1979 au niveau corporatif des politiques et pratiques de recrutement, d’embauche, de transfert, de promotion et de placement. Mme Piché est docteur en psychologie industrielle de l’Université de Montréal. Voir pièce R- 1 et N. s. p. 1347.

Mme Piché est assistée dans son travail par trois personnes dont l’une détient un doctorat en psychométrie, une autre est docteur en psychologie industrielle et une dernière est finissante en psychologie industrielle (N. s. pp. 1347- 1348).

Les raisons invoquées pour justifier cette révision en profondeur des pratiques d’embauche sont premièrement le manque d’uniformité des pratiques d’embauche dans les différentes régions du Canadien National ainsi que la négociation avec les syndicats du Three People Crew qui ferait passer de deux à un le nombre de serre- freins sur un train, ce qui implique une meilleure sélection pour ces postes. Voir pages 2907 à 2909.

Dans son témoignage, Mme Piché a montré comment le C. N. a procédé afin d’en arriver à établir une nouvelle procédure pour sélectionner les serre- freins. Il s’agit là du premier emploi visé par la procédure de révision. Mme Piché affirme que la démarche utilisée pour le poste de serre- freins est celle qui sera utilisée pour chaque poste d’entrée au C, N.

L’élaboration de la nouvelle procédure s’est effectuée en cinq phases:

  1. la sélection d’instruments afin de faire l’inventaire des tâches d’un serre- freins;
  2. le rassemblement des informations à l’aide des outils élaborés en phase 1;
  3. les moyens pris pour évaluer les différentes exigences de l’emploi;
  4. la mise en oeuvre; 5. le contrôle ou monitoring.

(Voir N. s. p. 2911 et pièce R- 57). Pour la phase 1, on a choisi quatre outils:

  1. Le Physical demand and environmental conditions questionnaire créé par le docteur Lawshee. Celui- ci établit les différentes exigences physiques (exemple: tirer, marcher, transporter, soulever) ainsi que les conditions environnementales (telles l’humidité, la vibration, la poussière) propres à certains emplois de chemins de fer. On a ainsi identifié quarante facteurs dont vingt- quatre facteurs physiques et seize facteurs environnementaux. Voir page 2913.
  2. Un inventaire des tâches dressé en se référant à la littérature sur le sujet, en se rendant sur les lieux du travail pour en observer les conditions. Voir Mme Piché, page 2915.
  3. Un Occupationnal skill questionnaire développé par le groupe de travail comprenant un éventail de cent trente- trois skills subdivisés en vingt- quatre catégories telles l’arithmétique, la mémoire, etc... regroupant KSAP knowledge, skill, aptitude, personal characteristics.
  4. Un formulaire sur les conditions de travail ( the Working condition form) afin d’établir un willingness criteria. Voir page 2924.

Pour la deuxième phase, on a d’abord créé différents panels régionaux composés de deux serre- freins, deux superviseurs ainsi que d’un modérateur dont le rôle est d’agir en tant que coordonnateur et modérateur. Ce dernier ne s’implique pas dans le contenu. Il ne fait que s’assurer que le processus se déroule bien. Voir page 2926.

Le travail des panels régionaux consiste à passer en revue les quarante facteurs physiques et environnementaux.

Les données obtenues dans chaque panel régional sont transmises au siège social qui établit un working document où sont colligés les différents résultats.

On a ensuite créé un system panel composé de dix personnes, représentant les différentes régions. Ce panel est formé de cinq serre- freins, de cinq superviseurs et finalement, s’y ajoute un psychologue qui joue le rôle de modérateur.

Ce panel fait d’abord une revue des quarante facteurs. Il passe en revue l’inventaire des tâches. On indique pour chacune des tâches si elle est effectuée, si oui, à quelle fréquence, quel est son niveau de difficulté c’est- à- dire si elle est facile ou difficile à réaliser et finalement, si cette tâche peut s’apprendre par une simple démonstration ou par un entraînement plus poussé.

Le pannel passe ensuite en revue l ’occupational skill questionnaire.

Par la suite, le panel établit un formal linkage dans les deux sens, c’est- à- dire que pour chaque aptitude, on indique pour quelle tâche on en a besoin et par la suite, pour chaque tâche, on doit énumérer les aptitudes nécessaires. Pour Mme Piché, cette étape constitue la base de la validation du contenu du processus de sélection. Voir page 2939.

Le panel travaille ensuite sur le working conditions questionnaire.

Enfin, on doit établir quel est le pourcentage de couverture de l’emploi qu’ils ont ainsi réalisé. Voir page 2944.

La troisième phase s’effectue par la compilation statistique des tâches et des aptitudes requises.

Mme Piché affirme que l’on retient uniquement ce qui est requis pour l’emploi et non ce qui s’acquiert par entraînement. Voir page 2958.

L’information recueillie sur les exigences physiques et sur les conditions environnementales sert pour fabriquer le test de performance physique, lequel est transmis à des médecins pour en établir les exigences (N. s. p. 2948). L’information est également utilisée pour établir les conditions de travail ainsi que pour évaluer les tests écrits et oraux.

Dans la catégorie des tests écrits, on a retenu cinq tests: ... 121 > - 121

  1. Compréhension de lecture;
  2. Arithmétique;
  3. Raisonnement numérique;
  4. Switching test;
  5. Tests de vérification:

"car checking, car initial and number

matching, railroad car order test".

Ces tests ont été réalisés d’abord par une compilation statistique des skills tels que définis plus tôt en fonction des tâches. Voir page 2958.

On établit un pool de questions dans lequel on sélectionne des questions pour les tests. Voir page 2963.

Les prétests furent passés à trente candidats à Toronto et à Montréal. Voir page 2964. Une entrevue est également en cours d’élaboration à titre expérimental pour vérifier certaines aptitudes telles que la mémoire, l’identification des problèmes, la communication orale et le personal suitability.

La quatrième phase est la mise en vigueur. Celle- ci prend la forme d’une formule d’application, d’un self selection test, de la batterie de tests mise en place en 1982, du test oral mis en place en 1983, de l’examen médical (1981) et de la performance physique.

Tous les critères de sélection devraient être établis pour 1984. Enfin, la phase finale est le contrôle ou monitoring, page 2991.

Ainsi, on demandera à un membre d’un jury d’entrevue les raisons qui motivent le rejet d’un candidat ou d’une candidate. On procédera également à des épreuves de predictive validity.

Cette révision en profondeur qui dépasse largement comme on vient de le voir les tests d’aptitude, constitue certainement une amélioration en ce que l’on a d’abord évalué les exigences de chaque emploi, ce qui ne s’était apparemment jamais fait au Canadien National.

Voir à ce sujet les commentaires favorables du docteur Lawshee (N. s. pp. 3442 à 3450), du docteur Bordeleau (N. s. pp. 3672 à 3677), et du docteur Barret (N. s. pp. 4281 à 4288 et 4320 à 4333).

Selon le docteur Lawshee, il est très valable de constituer une liste de tâches avec les job experts, c’est- à- dire ceux qui font le travail et ceux qui supervisent. Selon lui, la présence des exécutants et des superviseurs est souhaitable car les deux peuvent se compléter (N. s. p. 3445). Il suggère lui- même d’avoir recours à un modérateur qui n’a pour fonction que de faire fonctionner le panel. Il est également justifié de demander aux membres du panel quelle tâche requiert telle aptitude ou habileté.

Selon le docteur Bordeleau, il est très valable d’aller chercher les informations auprès de ceux qui font les tâches ou qui les supervisent. Il approuve sans réserve que ce soit des exécutants et non des théoriciens qui aient fait l’inventaire des tâches, l’évaluation des tâches, l’évaluation des aptitudes, le lien entre les tâches et les habiletés.

Selon le docteur Barrett, il est très approprié de demander aux gens qui font eux- mêmes le travail d’indiquer les tâches qu’ils exécutent. Par contre, lorsqu’il s’agit d’évaluer les capacités psychologiques qu’il faut pour exercer une tâche, cela relève de la compétence des psychologues car il est très important de voir si certains éléments ne sont pas omis ou bien exagérés par ceux qui répondent. On ne peut pas se fier uniquement sur ce que les gens nous disent selon le docteur Barrett. Aussi, pour ce spécialiste, il est important de vérifier si le contenu du test auquel on aboutit correspond à la grande majorité du travail exécuté et non seulement à une petite partie.

Il est intéressant de noter que seul le docteur Barrett se prononce sur la validité du test. Les autres spécialistes se prononcent uniquement sur la procédure suivie.

Selon le docteur Barrett, le test ne serait pas content valid parce qu’il ne correspondrait qu’à une petite partie du travail effectué. Ainsi, il voit des lacunes dans le switching test. On évalue selon lui une chose qui doit être apprise par entraînement et non un prérequis. De même, beaucoup de tests comportent des chiffres alors qu’il n’est pas démontré que ceci soit un prérequis pour le poste de serre- freins.

De même, pour l’établissement du cutting score, ceci est utilisé pour éliminer le maximum de candidats et non pour déterminer si une personne est ou non qualifiée.

Cependant, même le docteur Barrett considère que dans l’ensemble, la procédure suivie est acceptable sans que cela signifie que le test est par le fait même validé.

Il apparaît de la preuve que cette nouvelle batterie de tests établie par le groupe de travail dirigé par Mme Piché pourrait être lui aussi discriminatoire quant aux résultats obtenus par les femmes, bien que les statistiques fournies ne soient guères probantes.

Ainsi, la nouvelle batterie de tests a été administrée à 620 personnes. De ce nombre, 192 hommes sur 563 ont réussi alors que seulement 7 femmes sur 57 ont réussi. Ainsi nous constatons que seulement une femme sur huit réussit alors qu’un homme sur trois réussit. Voir le document R- 57, page 71.

Il est à noter que les tests n’étaient pas compensatoires. Il fallait obtenir la note de passage pour chacun des test.

On constate que dans cette situation donnée, il y a eu un adverse impact. Par ailleurs, puisque le groupe de femmes ayant passé ces tests était peu élevé, il est difficile d’affirmer avec certitude si ces tests ont réellement un adverse impact envers les femmes.

Selon Mme Piché, deux facteurs peuvent expliquer cette faible performance des femmes. D’abord, la quasi totalité des candidates avaient été recrutées agressivement, c’est- à- dire que bien qu’elles aient postulé pour des emplois non- traditionnels, elles n’avaient pas choisi celui de serre- freins (N. s. p. 3114).

Une autre hypothèse repose sur la comparaison entre les niveaux de scolarité des hommes et des femmes auxquels on a administré les tests. Ainsi, 13% des hommes et 30% des femmes n’avaient qu’une 10ième année ou moins; 29% des hommes et 42% des femmes avaient une 11ième année ou moins (voir Mme Piché, N. s. p. 3014 et pièce R- 57, page 72).

Aussi, les tâches ont été évaluées uniquement par ceux qui exécutent le travail. Il y a donc une possibilité de surévaluation entraînant une difficulté supplémentaire pour l’accès des femmes à cet emploi.

Il faut également souligner qu’en décembre 1981, il n’y avait que 24 femmes sur 6 500 serre- freins au Canadien National. Une seule femme a fait partie des différents pannels.

La procédure pourrait donc, selon le docteur Barrett (N. s. p. 4311), constituer un self selection instrument. Selon le docteur Barrett, il faut s’assurer que l’emploi n’est pas décrit de façon à décourager un certain groupe, tel celui des femmes. Il faut s’assurer que ce n’est pas une unfair description (voir N. s. p. 4311). En surévaluant certains aspects négatifs tels la difficulté physique d’accomplir certaines tâches ainsi que la saleté ou les conditions horaire, on peut décourager les femmes de postuler ces emplois.

Sous ces réserves, ce processus une fois généralisé à l’ensemble des postes visés par la plainte, pourrait être conforme à la Loi. Mme Piché a prétendu lors de son témoignage que toute la nouvelle procédure devrait être prête à la fin de 1984. Cette démarche doit être faite pour tous les postes d’entrée.

On a beaucoup fait état lors de l’audition du test physique exigé pour le poste de serre- freins à l’époque de la plainte.

On exigeait autrefois pour les candidats et candidates qu’ils mesurent au moins cinq pieds six pouces (5’6) et pèsent au moins cent quarante (140) livres. Cette exigence a été abandonnée et le nouveau test physique consiste à soulever, à transporter et à remplacer un knuckle. Ce knuckle pesant quatre- vingt- trois (83) livres doit être transporté sur une distance d’environ quatre- vingt pieds (80’). Le candidat doit en outre grimper l’échelle que l’on retrouve sur le côté du wagon afin de pouvoir aller appliquer un frein manuel. Le candidat doit réussir chacune de ces épreuves. Voir le témoignage de Mme Piché (N. s. pp. 1419, 2424 et 2454). Ce test a été élaboré en tenant compte des différents résultats obtenus lors des panels.

On peut s’interroger sur la représentativité de ce test en regard des tâches d’un serre- freins. L’épreuve qui consiste à transporter mais surtout lever le knuckle apparaît difficile. Voir le témoignage de Mme Collot (N. s. p. 4032) et celui de Mme Leclercq (N. s. p. 4142). Il ne semble pas que ce test soit représentatif des efforts qu’a à faire le serre- freins. Cette opération n’est pas fréquente et s’effectue par deux personnes. Ces personnes se servent d’un balai pour transporter ce poids plus facilement. Voir le témoignage de M. Clark (N. s. pp. 3226 et 3906), ainsi que celui de Mme Leclercq (N. s. pp. 4166 et 4171).

Certaines femmes ont effectivement passé le test avec succès ainsi qu’en témoigne Mme Leclercq, page 4139 et Mme Collot, page 4032. Cependant, il est bien probable que le test ait un adverse impact. Selon le docteur Messing, certaines études démontrent que les femmes seraient de façon générale moins capables de lever ce poids de quatre- vingt- trois (83) livres que les hommes (voir pièce A- 25, N. s. pp. 4063 à 4067).

Dans la mesure où le projet de révision de la procédure d’embauche des serre- freins maintient le test physique, il faudrait que le C. N. puisse justifier à l’avenir que ce test est intimement lié à l’emploi, sans quoi il risquera fort d’être lui aussi discriminatoire. Voir à ce sujet la jurisprudence américaine suivante: Beckman c. City of New York, 31 F. E. P. Cases 767 (1983); Nance c. Union Carbide Corporation, 397 F. Supp. 436 (1975).

f) L’entrevue avec le contremaître Comme nous l’avons déjà mentionné, le bureau d’embauche n’embauchait pas véritablement mais référait au contremaître les candidats qu’il avait sélectionnés. Celui- ci décidait véritablement d’employer ou non le candidat. Voir les témoignages de Mme Nemeroff (N. s. p. 208), de Mme Beauchamp (N. s. p. 568), et de M. Toutant (N. s. p. 1603).

Selon M. Toutant, les contremaîtres étaient au courant de la politique du Canadien National d’engager des femmes dans des postes non- traditionnels. (N. s. pp. 1523 et 1607).

M. Toutant prétend que lorsque des femmes étaient référées au contremaître et que ce dernier ne les choisissait pas, il s’informait des motifs de la décision. Cependant, il n’exerçait pas de contrôle réel sur ces décisions. Selon M. Toutant, le contremaître devait choisir le plus qualifié.

Il ressort du témoignage de M. Noel que le surintendant considérait que le contremaître était en autorité et que c’était lui seul qui décidait s’il devait embaucher ou pas. Une fois le pouvoir délégué, on ne peut pas le reprendre. Ceci expliquerait pourquoi le surintendant du matériel roulant, M. Pasteris, supportait les décisions de ses contremaîtres. Voir le témoignage de M. Noel, page 3992. Il n’existe pas au Canadien National de contrôle réel sur les critères, s’ils existent, utilisés par les contremaîtres, ce qui a laissé place dans le passé à beaucoup d’arbitraire. Voir le témoignage de Mme Piché, page 1451, et celui de Mme Wallace, page 375.

Le contremaître pouvait dès lors exercer une très grande discrétion.

On voit un exemple où un contremaître a fait passer un test physique à une femme pour un poste de nettoyeur de wagons en lui faisant soulever un brake shoe. M. Noel est intervenu et a réussi à convaincre le contremaître de passer outre à l’échec de la candidate à ce test puisque le test physique n’était jamais requis des hommes pour un tel emploi (N. s. p. 3987).

Vu le caractère non- obligatoire de la politique voulant qu’on engage des femmes et l’attitude générale voulant qu’on ne devait pas trop brusquer les choses, les séminaires de sensibilisation élaborés par le C. N. pour les contremaîtres et les cadres n’ont pas été suffisants pour changer les choses. On peut voir l’admission à cet effet de Me Giard à la page 4879.

Selon Mme Piché, le caractère arbitraire de l’entrevue avec le contremaître disparaîtra car il y aura à l’avenir des critères objectifs à évaluer. L’entrevue sera faite effectivement par deux personnes, soit un représentant du bureau d’embauche et un représentant du département où l’on envoie le candidat. Une fois que la personne aura franchi toutes les procédures d’embauche, le contremaître n’aura plus aucune discrétion pour la refuser (N. s. pp. 3135 à 3137).

g) L’attitude négative de certains services Dans son témoignage, Mme Gagnon fait état de la réticence pour ne pas dire plus de certains services à embaucher des femmes. Elle donne en particulier l’exemple du service d’ingénierie. Les services de transport et du matériel roulant auraient été en revanche relativement ouverts (N. s. pp. 2133 à 2136).

Cette thèse se trouve corroborée par des statistiques qui démontrent bien que le département d’ingénierie était fermé aux femmes (voir pièce R- 38).

Dans la mesure où le Canadien National a toléré cette attitude de certains de ses services qui avaient comme conséquence d’empêcher les femmes d’accéder à des postes dans ses services, il s’agit là d’une forme évidente de discrimination systémique.

L’accueil au milieu de travail Le milieu de travail n’a pas été véritablement préparé à recevoir des femmes. On n’a jamais pensé à faire des séminaires pour les travailleurs eux- mêmes. Voir le témoignage de Mme Gagnon (N. s. p. 2087). L’arrivée des femmes a été perçue comme un élément perturbant. Les femmes elles- mêmes étaient considérées parfois comme des voleuses de job; voir le témoignage de Mme Nemeroff (N. s. p. 201). Le CN n’aurait pas eu non plus l’appui du syndicat car les représentants syndicaux sont eux- mêmes issus d’un milieu qui majoritairement, ne veut pas de femmes sur les lieux de travail. On peut se référer sur ce point au témoignage de Mme Gagnon (N. s. p. 2162), à celui de Mme Nemeroff (N. s. p. 210) et à celui de Mme Beauchamp (N. s. p. 572).

La résistance du milieu du travail ainsi que celle du syndicat ne peuvent exonérer le C. N. Contrairement à ce que l’on prétend, le Canadien National peut exercer un contrôle sur la conduite des employés. Ainsi, en a- t- il été des mesures contre le harcèlement sexuel.

Vu la non- préparation du milieu de travail masculin à la venue des femmes, il y a eu des incidents de harcèlement sexuel. Il s’agissait de remarques sexistes, de menaces de viol ainsi que de farces de mauvais goût. Voir le témoignage de Mme Nemeroff (N. s. pp. 215 et 201), et celui de Mme Brunelle (N. s. p. 518). Cependant, ce harcèlement sexuel n’apparaît pas avoir été généralisé. Or, pour qu’il y ait discrimination systémique, il faut plus que des incidents isolés - cf: Cormier c. P. P. G. Industries Inc., 519 F. Supp. 211 (1981); Friend c. Leidinger, 588 F. (2d) 61 (1978).

De plus, le CN a pris en 1982 des mesures efficaces à cet égard en établissant une directive claire sur le harcèlement sexuel (pièce R- 45). Cette ligne de conduite a été affichée sur les lieux de travail ainsi qu’en témoigne Mme Leboeuf (N. s. p. 3542). Cette directive définissait ce qu’est le harcèlement sexuel et indiquait que des peines sévères seraient imposées à quiconque transgresserait cette ligne de conduite. Voir le témoignage de M. Yvon Masse (N. s. pp. 2292- 2293).

Il semble bien que cette ligne de conduite ait eu un impact. Les photos pornographiques sont disparues des lieux de travail et les rapports avec les hommes sont considérés comme bons selon Mme Leboeuf (N. s. pp. 3542- 3543).

Ceci prouve donc que le Canadien National, s’il le désire réellement, peut prendre des mesures afin de changer l’attitude du milieu de travail.

Il reste que d’autres formes de discrimination peuvent persister parce que plus subtiles. On peut citer en exemple l’attitude d’un contremaître envers Mme Nemeroff qui, malgré son expérience en mécanique, se trouva reléguée à un poste de journalière à cause du refus de ses supérieurs de lui permettre de compléter un entraînement pour accéder au poste de helper hosler (N. s. pp. 209 à 216).

Cependant, ceci dépasse notre mandat dans la mesure où il ne s’agit plus d’embauche mais plutôt de promotion, ce qui ne fait pas l’objet de la présente plainte.

V. LES PROGRAMMES D’ACTION POSITIVE EN GENERAL

Comme il n’existe guère d’exemple en droit canadien d’imposition d’un programme d’action positive tel que celui suggéré par ATF et la Commission canadienne des droits de la personne, il nous a semblé important avant de discuter de l’opportunité d’ordonner un tel programme à l’endroit du CN, d’indiquer le fondement juridique de programmes d’action positive et d’en voir certains exemples. Pour ce faire, nous procéderons à une comparaison entre la Loi canadienne sur les droits de la personne et la législation américaine avant de voir ce qu’a été jusqu’ici l’expérience américaine quant à l’imposition de tels programmes. Finalement, nous indiquerons quelques cas de programmes d’action positive volontaires au Canada.

Comparaison entre le droit américain et le droit canadien

L’histoire des programmes d’action positive aux Etat- Unis ainsi que les grands arrêts qui les ont précédés a été fort bien exposée par le professeur Jane Picker, professeur de droit et spécialiste du droit de la discrimination sexuelle au Cleveland State University College of Law ainsi que par Me Daniel E. Leach, associé à l’étude légale Chadbourne, Parke, Whiteside et Wolff de New- York et ancien vice- président et président par interim de l’Equal Employment Opportunities Commission des Etats- Unis.

M. Leach a indiqué qu’aux Etat- Unis, le concept d’action positive s’est développé à partir de deux sources différentes, l’une législative et l’autres qui a pris la forme d’un décret présidentiel. La première référence légale au concept d’action positive se trouve dans le Title VII de Civil Rights Act de 1964. Cette loi fut adoptée dans le train des mesures qui a suivi le mouvement sur les droits civils aux Etats- Unis (N. s. pp. 2567- 2580).

L’article 706g) du Title VII indique que:

"( g) If the court finds that the respondent has intentionally engaged in or is intentionally engaging in an unlawful employment practice charged in the complaint, the court may enjoin the respondent from engaging in such unlawful employment practice, and order such affirmative action as may be appropriate, which may include, but is not limited to, reinstatement or hiring of employees, with or without back pay (payable by the employer, employment agency, or labor organization, as the case may be, responsible for the unlawful employment practice), or any other equitable relief as the court deems appropriate. Back pay liability shall not accrue from a date more than two years prior to the filing of a charge with the Commission. Interim earnings or amounts earnable with reasonable diligence by the person or persons discriminated against shall operate to reduce the back pay otherwise allowable. No order of the court shall require the admission or reinstatement of an individual as a member of a union, or the hiring, reinstatement, or promotion of an individual as en employee, or the payment of him of any back pay, if such individual was refused admission, suspended, or expelled, or was refused employment or advancement or was suspended of discharged for any reason other than discrimination on account of race, color, religion, sex, or national origin or in violation of section 704( a).

(1972 Amendments: Subsections (1) through (g) of Section 706 were amended by P. L. 96- 261, effective March 24, 1972, empowering the EEOC to prevent any person from engaging in any unlawful employment practice described in Section 703 or 704; extended procedures thourgh conciliation efforts; outlined enforcement procedures where no voluntary compliance; when an action may be brought by Federal Government, and an aggrieved party.)"

L’article 703( j) du Title VII édicte pour sa part que:

"( j) Nothing contained in this title shall be interpreted to require any employer, employment agency, labor organization, or joint labor- management committee subject to this title to grant preferential treatment to any individual or to any group because of the race, color, religion, sex, or national origin of such individual or group on account of an imbalance which may exist with respect to the total number of percentage of persons of any race, color, religion, sex, or national origin employed by any employer, referred or classified for employment by any employment agency or labor organization, admitted to membership or classified by any labor organization, or admitted to, or employed in, any apprenticeship or other training program, in comparison with the total number or percentage of persons of such race, color, religion, sex, or national origin in any community, State, section, or other area, or in the available work force in any community, State, section, or other area."

Le professeur Picker nous a exposé que le Title VII ne définit pas l’action positive. On réfère simplement au reinstatement, back pay or any other equitable relief qu’une Cour peut ordonner si elle juge qu’un employeur a commis une pratique d’emploi illégale. La définition des buts, cibles, quotas ne se fonde pas sur le langage explicite de la loi mais a plutôt été développé par la jurisprudence (N. s. p. 802).

Mme Picker a également indiqué que la contradiction apparente entre l’article 706( g) et l’article 703( j) du Title VII a produit un contentieux important qui a permis de définir ce qu’il est permis de faire par voie d’action positive (N. s. p. 802). Me Leach a témoigné pour sa part à l’effet que le Title VII a été adopté en 1967 et que l’Equal Employment Opportunity Commission (EEOC) a été créée pour mettre en vigueur cette loi. Toutefois, ce n’est pas avant 1972 que le EEOC s’est vue donner les pouvoirs de mettre en oeuvre ses décisions administratives par l’intermédiaire des cours de justice. Avant 1972, les plaignants avaient ce droit mais l’EEOC n’avait pas le pouvoir de faire appliquer ses propres décisions ni de faire exécuter ses jugements par la Cour. L’EEOC ne pouvait qu’utiliser des contraintes morales, s’appuyant sur son pouvoir de faire enquête sur les plaintes qui lui étaient adressées, tenir des auditions et émettre des déclarations quant aux droits des parties (N. s. pp. 2576, 2870- 2871).

M. Leach nous a indiqué par ailleurs que le second type d’action positive aux Etats- Unis ne se fonde pas sur la loi mais sur un décret du président Lyndon Johnson (Décret 11246 de 1965). Ce décret constitue le fondement du Contract Compliance Program du ministère du Travail. Ce programme a été conçu afin d’utiliser le pouvoir de contracter du gouvernement pour persuader des entreprises privées de ne pas faire de discrimination à l’endroit des noirs et de mettre en oeuvre des programmes d’action positive en vue d’augmenter les chances d’accès des noirs à l’emploi dans ces entreprises. Tous les cocontractants du gouvernement fédéral américain doivent se plier à ce programme afin de pouvoir contracter avec le gouvernement (N. s. pp. 2577 et 2646). En 1968, le Décret fut modifié afin d’y inclure le sexe et un peu plus tard, le handicap physique (N. s. p. 2574). Nous décrirons plus loin ce que constituent les programmes d’action positive mis sur pied en vertu du Contract Compliance Program.

Il faut noter qu’au Canada, il n’existe aucun programme comparable au Contract Compliance Program américain.

La Loi canadienne sur les droits de la personne de 1977 utilise le terme programme spécial au lieu de action positive mais la signification est la même. Les programmes spéciaux sont mentionnés dans deux articles de la Loi canadienne sur les droits de la personne soit l’article 15( 1) et (2) et l’article 41( 2) a):

"15. (1) Ne constitue pas un acte discriminatoire le fait d’adopter ou de mettre en oeuvre des programmes ou des plans ou de prendre des arrangements spéciaux destinés à supprimer, diminuer ou prévenir les désavantages que subit ou peut vraisemblablement subir un groupe d’individus pour des motifs fondés directement ou indirectement sur leur race, leur origine nationale ou ethnique, leur couleur, leur religion, leur âge, leur sexe, leur situation de famille ou leur handicap physique en améliorant leur chances d’emploi ou d’avancement ou en leur facilitant l’accès à des biens, des services, installations ou moyens d’hébergement."

(2) La Commission canadienne des droits de la personne, constituée par l’article 21, peut a) faire des recommandations d’ordre général, relatives aux objectifs souhaitables pour les programmes, plans ou arrangements visés au paragraphe (1); et b) sur demande, prêter son concours à l’adoption ou à la mise en oeuvre des programmes, plans ou arrangements visés au paragraphe (1).

"41. (2) A l’issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, sous réserve du paragraphe (4) et de l’article 42, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire

a) de mettre fin à l’acte et de prendre des mesures destinées à prévenir les actes semblables, et ce, en consultation avec la Commission relativement à l’objet général de ces mesures; celles- ci peuvent comprendre l’adoption d’une proposition relative à des programmes, des lans ou des arrangements spéciaux visés au paragraphe 15( 1);

b) d’accorder à la victime, à la première occasion raisonnable, les droits, chances ou avantages dont, de l’avis du tribunal, l’acte l’a privée;

c) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu’il juge indiquée, des pertes de sslaire et des dépenses entraînées par l’acte; et

d) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu’il fixe, des frais supplémentaires causés, pour recourir à d’autres biens, services, installations ou moyens d’hébergement, et des dépenses entraînées par l’acte."

Nous décrirons plus loin les programmes spéciaux qui peuvent être adoptés en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Les programmes d’action positive aux Etats- Unis

Dans son témoignage, M. Leach donne des détails quant aux différents types de programme d’action positive aux Etats- Unis (N. s. pp. 2639 à 2652). Le Contract Compliance Program a des répercussions considérables sur les employeurs américains. Quant aux programmes que l’on peut adopter en vertu du Civil Rights Act, Title VII, ils peuvent être divisés comme suit: les programmes volontaires, les programmes négociés et les programmes imposés judiciairement.

a) Le Contract Compliance Program Ce programme a été établi en vertu du Décret 11246 et sa responsabilité appartient au ministère du Travail. En 1972, le Décret fut modifié substantiellement pour donner des instructions plus détaillées sur les modalités des programmes d’action positive.

En vertu de son pouvoir de contracter, le gouvernement peut donc utiliser la force de manoeuvre que lui confère cet important pouvoir en vue de poursuivre des objectifs politiques nationaux; dans ce cas, l’inclusion de groupes minoritaires dans le milieu de travail. Tout employeur américain qui utilise les services de plus de 50 employés et qui veut soumissionner pour l’obtention d’un contrat gouvernemental valant 50 000,00 $ ou plus doit démontrer qu’il a adopté une politique de non- discrimination dans l’emploi et qu’il a mis sur pied un programme d’action positive conforme aux instructions détaillées émises par le ministère du Travail (N. s. p. 2646).

Me Leach a indiqué que ce programme vise à faire en sorte que lorsqu’un contrat est obtenu et que de nouveaux emplois sont créés, une part équitable de ces emplois soit distribuée de manière égale parmi les travailleurs de la région où le contrat doit être exécuté. Si un inspecteur du ministère du Travail estime qu’un employeur sous- utilise un groupe protégé par la Loi sur la base de la race, du sexe ou de l’origine nationale, les parties doivent alors adopter un plan d’action positive. Ce programme doit être en opération si un soumissionnaire désire obtenir un contrat gouvernemental. Ce programme est sujet à révision périodique et vérification par le ministère du Travail. Si un cocontractant ne peut rencontrer les exigences de ce programme d’action positive, le ministère du Travail a le pouvoir de rayer cette entreprise de la liste des soumissionnaires. Si l’employeur a déjà obtenu un contrat, ce contrat sera résilié. La plupart des entreprises américaines ont suivi les prescriptions du décret et très peu d’arrêts sont disponibles sur ce point. La Cour suprême des Etats- Unis n’a jamais eu à rendre de jugement dans ce domaine (N. s. pp. 2647- 2650).

b) Programmes d’action positive sous le Title VII du Civil Rights Act Il existe deux types de programmes d’action positive volontaires que peut entreprendre un employeur pour améliorer son image vis- à- vis la collectivité. Le premier type de programme volontaire peut inclure des modifications aux pratiques d’embauche de manière à donner des possibilités d’accès à tous les groupes de la collectivité; un programme d’information destiné à diffuser largement des renseignements sur cette politique; et finalement, une politique de contact avec des groupes communautaires (N. s. pp. 2639- 2640).

Le second type d’action volontaire se fonde, selon Me Leach, sur les directives d’action positive volontaire émises par EEOC en 1978. On suggère dans ces directives que les employeurs procèdent à l’examen de leur milieu de travail de la même façon qu’une cour de justice pourrait l’examiner si elle était saisie d’un recours, et ce de manière à vérifier s’ils ne font pas de discrimination envers un groupe protégé par la loi. La méthodologie suggérée dans ces directives est à l’effet que le département du personnel de l’entreprise doit comparer ses employés à l’ensemble des personnes qui sont sur le marché du travail dans la même région. La compagnie doit alors déterminer s’il y a une sous- représentation significative de certaines catégories de personnes. S’il y a sous- représentation significative, l’employeur doit décider si ce phénomène peut s’expliquer ou se justifier par des raisons légitimes. Si la réponse est négative, les directives suggèrent que cette preuve statistique peut démontrer que dans l’histoire de la compagnie, des barrières furent érigées pour éliminer certains types de candidats.

Si c’est le cas, l’employeur est encouragé à entreprendre lui- même de corriger le problème qui peut exister. La motivation de l’employeur est qu’il sait que si cette question est soumise à une cour de justice par EEOC, par un individu ou par un groupe qui se plaint de pratiques discriminatoires, les procédures judiciaires ou administratives alors engagées risquent d’être extrêmement coûteuses (N. s. pp. 2640 à 2642).

Selon M. Leach, le second type de programmes d’action positive volontaires établis sous l’égide de EEOC implique des ententes négociées, c’est- à- dire des ententes où sont parties à la fois l’employeur, l’EEOC et/ ou un ou des employés qui ont déposé une plainte de discrimination. Dans ce type de situation, l’employeur confronté à une situation de faits qu’il ne peut justifier, prend la décision de régler la plainte pour éviter les coûts et les délais d’un recours en justice (N. s. p. 2652).

Enfin, un différent type de programmes d’action positive comprend ceux qui sont imposés par un jugement d’une cour de justice en vertu de l’article 706( g) du Title VII, selon lequel la Cour peut order affirmative action as may be appropriate.

Le professeur Jane Picker a mis l’accent dans son témoignage sur le fait qu’il n’y a guère de jugements des cours de justice américaines qui ont imposé de véritables quotas si par quotas on signifie un nombre inexorable qui est gravé dans la pierre et auquel un employeur doit s’adapter. On voit plutôt apparaître dans la jurisprudence des solutions flexibles qui déterminent plutôt quelle devrait être la distribution des employés par catégories pour atteindre l’égalité (N. s. p. 872).

Me Leach est d’avis que l’un des principaux malentendus concernant les programmes d’action positive imposés sous le Title VII est la perception qu’un employeur qui désire rencontrer les objectifs et les délais imposés par la Cour, devrait abaisser ses exigences d’embauche et engager des gens qui ont moins d’aptitudes, d’habiletés ou qui ne sont pas aussi qualifiées que les personnes qu’il aurait normalement engagées. Ceci n’est pas, selon lui, conforme au droit américain. Les programmes d’action positive impliquent que l’on n’engage que des candidats qualifiés pour les emplois.

Pour sa part, le professeur Picker a indiqué que la procédure de mise en oeuvre d’un programme d’action positive imposé a été illustrée dans certaines décisions (N. s. pp. 872- 877). Elle a cité en particulier l’affaire EEOC vs. Cook Paint and Varnish Co., 26 EPD 31935 (W. D. Mo. 1981) où le défendeur fut trouvé coupable d’avoir contrevenu au Title VII pour les motifs suivants:

"(1) Failing or refusing to hire female applicants for employment in production and technician job classifications;

(2) Failing or refusing to transfer female employees into production and technician job classifications;

(3) Failing or refusing to assign female employees and/ or applicants for employment to production and technician job classifications;

(4) Maintaining sexually segregated job classifications." (P. 21202).

Dans son jugement, la Cour a justifié ainsi les objectifs d’emploi et les quotas temporaires:

"Regarded as a more extraordinary remedy, hiring quotas may be directed where necessary to overcome the lingering effects of past discrimination. Similar remedies, less intrusive, more readily ordered, and appropriate where strict quotas are not required to insure future compliance with Title VII, are imposed in the form of hiring goals. A hiring goal lapses when a specified number or ratio is achieved, whereas a quota involves a relatively permanent use of a specified hiring ratio. Ass’n Against Discrimination v. City of Bridgeport (21 EPD 30321), 20 FEP Cases 985, 996 (D. Conn. 1979), aff’d in relevant part, No. 79- 7650 (2d Cir. April 8, 1981). It is well established that different forms of affirmative action, including quotas more favorable to one group than to another, may be mandated, at least where discrimination has previously been shown. E. g., EEOC v. Contour Chair Lounge Co., (19 EPD 9189), 596 F. 2d 809 (8th Cir. 1979). (p. 21204).

La Cour adopta alors les critères suivants pour déterminer les quotas à imposer:

"Technicians. The Company work force is now integrated at a level of 25% female technicians. This may possibly have resolved the imbalance created by past discrimination against women, in that the percentage of women applicants for technicians jobs during the four year test period after suit was filed has not materially exceeded 25%, and in two of the years (1977 and 1978) the percentage of women applicants for such jobs was considerably below 25%. Imposition of quota hiring to push the percentage of women technicians past 25% presents a material danger of Court imposed reverse discrimination, in the sense that the Court might be forcing the Company to use targets for employment of women technicians which would not be achieved in a completely open and nondiscriminatory setting. The assumption that a 25% level of women technicians is normal for the work in this Company will be reconsidered if the applicant ratio changes during the course of remedial proceedings. In any event, the Company should be very careful to avoid using 25% or any other figure as a cap on employment of women. The law does not seek any long term balance; nondiscrimination is the ultimate objective.

Production. Women comprise approximately 12% of the production workforce. This figure clearly evidences a carry over of discriminatory impact from the period for which liability has been found. Women applicants for production jobs have averaged about 25% of the applicants for such jobs during the four year test period. A target of 25% for women production workers, before integration may be considered to be at a normal level, is suggested by this applicant pool. The target is probably a modest one, in that the percentage of women applicants has been rising each year, 16% in 1976, 22% in 1977, 25% in 1978 and 30% in 1979. It is further noted that the newly presented figures show a 31% application rate and a 34% hiring date in 1980. Continued increases in the percentage of women applicants for production jobs may cause revision of the 25% target. Achievement of the stated goal requires employment rates for women in excess of 25% in the immediate future, so that reasonably prompt correction of the current imbalance caused by past discrimination may be achieved. An overall annual ratio of a minimum of one female hired for production work for every two men hired (a 33 1/ 3% quota) would assist such a transition, and appears to be a very mild remedy easily achieved without undue discriminatory impact upon qualified male applicants, in light of the 25% and 30% application rates for women in 1978 and 1979 and the 34% hiring rate in 1980." (N. s. pp. 21205- 21206).

Dans cet arrêt, la Cour a également indiqué que le monitoring était essentiel pour l’efficacité de sa décision et que la Cour devrait retain jurisdiction to review the progress of the effectuation of all relief ordered herein, and to assure compliance with the recordkeeping procedures (p. 21206).

Le professeur Picker a également indiqué que pendant la période de mise en oeuvre du programme d’action positive, la Cour conserve sa compétence et peut modifier les conditions du programme de manière à ce que si les statistiques concernant les candidatures à des emplois changeaient de façon significative durant cette période de temps, soit dans une direction soit dans une autre, la Cour pourrait hausser ou baisser le ratio (N. s. p. 878).

Dans les cas où la Cour ne conserve pas sa juridiction pendant la période de mise en oeuvre d’un programme d’action positive, le plaignant a le droit de retourner à la Cour de juridiction fédérale pour y présenter une requête pour outrage au tribunal si le programme décrété par la Cour n’a pas été observé (N. s. pp. 877- 878).

Le professeur Picker a également cité un autre programme d’action positive adopté dans l’affaire United States vs. City of Philadelphia, 499 F. Supp. 1196 E. D. Pa. 1980. Cette affaire concernait une plainte de discrimination sexuelle dans l’embauche des policiers. La Cour établit ici un objectif d’embauche annuel qui devait prendre fin lorsque le nombre de femmes établi dans le jugement auraient été embauchées comme policières:

"4. Subject to the availability of qualified female applicants on the then- current police officer eligibility list, the City of Philadelphia shall adopt and seek to achieve a thirty percent (30%) annual hiring goal for females in the hire of the next 2,670 persons for the position of police officer in the Philadelphia Police Department.

5. The City of Philadelphia shall immediatly adopt and put into effect a recruitment program dseigned to inform females of opportunities to apply for and fill the position of police officer in the Philadelphia Police Department, for the purpose of securing sufficient numbers of qualified female applicants to ensure that the City meets the thirty percent (30%) annual hiring goal for females set forth in Paragraph 4, supra. Such recruitment program shall include, but need not be limited to: advertisements of employment opportunities placed through television, radio stations, newspapers and other types of mass media for the purpose of emphasizing to females the availability of employment opportunities in the position of police officer, and the active recruitment of females enrolled at high schools, technical and vocational schools, and colleges in the Philadelphia area." (p. 1204).

Dans une autre affaire citée par le professeur Picker, James vs. Stockham Valves & Fittings Co., 559 F. 2d 310, 5th Cir. 1977. la Cour juge que:

"... the district court should grant the plaintiffs injunctive relief against present discriminatory policies and practices at Stockham." (p. 354)

"(13) Injunctive relief against discriminatory selection and training practices and procedures for craft and supervisory positions is also necessary. The district court should enjoin the use of the high school education and age requirements for apprenticeship training until the requirements have been validated by Stockham. Watkins v. Scott Paper Co., 530 F. 2d at 1182 and n. 31. The company must show that such screening devices are essential to the safety and efficiency of the plant. Pettway v. American Cast Iron Pipe Co., 494 F. 2d at 245, citing United States v. Bethlehem Steel Corp., and at 250. See also Stevenson v. International Paper Co., 516 F. 2d 103 at 116." (p. 355).

"(18) Where found to be appropriate by the district court, relief such as red circling and special training for discriminatees may be awarded. Other relief may include an order that the employer keep records of its future employment decisions and file periodic reports with the court, or any other order necessary to ensure the full enjoyment of the rights’ protected by Title VII. (footnote omitted). Teamsters, 97 S. Ct. at 1867. Also the court may establish goals and set timetables in order to bring about Stockham’s earliest possible compliance with Title VII. See Morrow v. Chrisler, 5 Cir. 1974, 491 F. 2d 1053, 1056- 57, cert. denied, 419 U. S. 895, 95 S. Ct. 173, 42 L. Ed. 2d at 139." (p. 356).

c) Discrimination à rebours Selon Me Leach et le professeur Picker, le conflit qui pourrait exister entre les articles 706( g) et 703( j) du Title VII a donné lieu à un arrêt de la Cour suprême des Etats- Unis dans l’affaire United Steelworkers of America vs. Weber, 443 U. S. 193 (1979). Il s agit du seul arrêt de la Cour suprême qui traite de l’imposition de quota dans le cadre de programmes d’action positive. Cependant, cet arrêt concerne un programme volontaire d’action positive et non un programme imposé (N. s. pp. 2642 à 2645 et 881- 882).

L’honorable juge Brennan a émis l’opinion suivante pour la Cour:

"Challenged here is the legality of an affirmative action plan collectively bargained by an employer and a union - that reserves for black employees 50% of the openings in an in- plant craft- training program until the percentage of black craftworkers in the plant is commensurate with the percentage of blacks in the local labor force. The question for decision is whether Congress, in Title VII fo the Civil Rights Act of 1964, 78 Stat. 253, as amended, 42 U. S. C. section 2000e et seq., left employers and unions in the private sector free to take such race- conscious steps to eliminate manifest racial imbalances in traditionally segregated job categories. We hold that Title VII does not prohibit such race- conscious affirmative action plans.

I

In 1974, petitioner United Steelworkers of America (USWA) and petitioner Kaiser Aluminium & Chemical Corp. (Kaiser) entered into a master collective- bargaining agreement covering terms and conditions of employment at 15 Kaiser plants. The agreement contained, inter alia, an affirmative action plan designed to eliminate conspicuous racial imbalances in Kaiser’s then almost exclusively white craftwork forces. Black crafthiring goals were set for each Kaiser plant equal to the percentage of blacks in the respective local labor forces. To enable plants to meet these goals, on- the- job training programs were established to teach unskilled production workers - black and white - the skills necessary to become craftworkers. The plan reserved for black employees 50% of the openings in these newly created in- plant training programs.

This case arose from the operation of the plan at Kaiser’s plant in Gramercy, La. Until 1974, Kaiser hired as craftworkers for that plant only persons who had had prior craft experience. Because blacks had long been excluded from craft unions, few were able to present such credentials. As a consequence, prior to 1974 only 1.83% (5 out of 273) of the skilled craftworkers at the Gramercy plant were black, even though the work force in the Gramercy area was approximately 39% black.

Pursuant to the national agreement Kaiser altered its crafthiring practice in the Gramercy plant. Rather than hiring already trained outsiders, Kaiser established a training program to train its production workers to fill craft openings. Selection of craft trainees was made on the basis of seniority, with the proviso that at least 50% of the new trainees were to be black until the percentage of black skilled craftworkers in the Gramercy plant approximated the percentage of blacks in the local labor force. See 415 F. Supp. 761, 764.

During 1974, the first year of the operation of the Kaiser- USWA affirmative action plan, 13 craft trainees were selected from Gramercy’s production work force. Of these, seven were black and six white. The most senior black selected into the program had less seniority than several white production workers whose bids for admission were rejected. Thereafter one of those white production workers, respondent Brian Weber (hereafter respondent), instituted this class action in the United States District Court for the Eastern District of Louisiana.

The complaint alleged that the filling of craft trainee positions at the Gramercy plant pursuant to the affirmative action program had resulted in junior black employees’ receiving training in preference to senior white employees, thus discriminating against respondent and other similarly situated white employees in violation of section 703( a) and (d) of Title VII. The District Court held that the plan violated Title VII, entered a judgment in favor of the plaintiff class, and granted a peermanent injunction prohibiting Kaiser and the USWA from denying plaintiffs, Brian F. Weber and all other members of the class, access to on- the- job training programs on the basis of race. App. 171. A divided panel of the Court of Appeals for the Fifth Circuit affirmed, holding that all employment preferences based upon race, including those preferences incidental to bona fide affirmative action plans, violated Title VII’s prohibition against racial discrimination in employment. 563 F. 2d 216 (1977). We granted certiorari. 439 U. S. 1045 (1978). We reverse.

The only question before us is the narrow statutory issue of whether Title VII ’forbids’ private employers and unions from voluntarily agreeing upon bona fide affirmative action plans that accord racial preferences in the manner and for the purpose provided in the Kaiser- USWA plan. That question was expressly left open in McDonald v. Sante Fe Trail Transp. Co., 427 U. S. 273, 281 n. 8 (1976), which held, in a case not involving affirmative action, that Title VII protects whites as well as blacks from certain forms of racial discrimination. ...

... respondent’s reliance upon a literal construction of 703( a) and (d) and upon McDonald is misplaced. ... It is a familar rule, that a thing may be within the letter of the statute and yet not within the statute, because not within its spirit, not within the intention of its makers".

The prohibition against racial discrimination in 703( a) and (d) of Title VII must therefore be read against the background of the legislative history of Title VII and the historical context from which the Act arose. ...

... an interpretation of the sections that forbade all race- conscious affirmative action would bring about an end completely at variance with the purpose of the statute and must be rejected." (pp. 197 à 202).

d) La surveillance des programmes d’action positive Les jugements qui imposent un programme d’action positive contiennent normalement une disposition concernant la surveillance des programmes d’action positive imposés par la Cour. A ce sujet, on trouve dans les arrêts une grande flexibilité de façon à ce que chaque situation donne lieu à des mesures appropriées. La Cour préfère normalement que les plaignants vérifient la mise en oeuvre des programmes d’action positive plutôt que les cours de justice elles- mêmes. Les rapports qui doivent être faits quant à la progression du programme sont tantôt mensuels, tantôt trimestriels, et selon la fréquence des rapports administratifs de la compagnie (N. s. p. 913).

e) Attitude des employeurs à l’égard des programmes d’action positive

Dans son témoignage, Me Leach a précisé qu’aux Etat- Unis, les employeurs se plient maintenant volontairement aux exigences du Title VII. Les employeurs préfèrent agir de manière préventive pour éviter les procès. Avant d’en parvenir à cette acceptation du Title VII, il y eut une longue période où l’on tenta d’établir quelle devait être l’interprétation de la loi de façon à en déterminer les contours. Cette période est maintenant terminée aux Etat- Unis, à deux exceptions près. L’une d’elles a trait à l’usage des statistiques pour tenter de prouver la discrimination dans l’embauche. Dans ce domaine, la tendance va vers une plus grande rigueur, tant de la part des plaignants que des défendeurs (N. s. pp. 2797- 2798).

Me Leach a été également d’avis que les amendes importantes et l’imposition de mesures concernant des paiements rétroactifs, allant parfois jusqu’à des millions de dollars dans certains cas, ont été le moyen de pression le plus important pour engendrer les programmes volontaires d’action positive. La publicité qui entoure ce genre de procès a également aidé à provoquer des règlements consistant dans la mise sur pied de programmes volontaires d’action positive. En vertu de la loi américaine, les employeurs peuvent en arriver à un règlement qui demeure confidentiel et concluent alors un accord privé avec EEOC. Ceci a comme conséquence qu’aucune publicité n’est faite autour de ces règlements (N. s. pp. 2843- 2844).

f) Attitude des syndicats à l’égard des programmes d’action positive

Selon le professeur Picker:

"... in the litigation in which I have been directly involved, a very large proportion of it has had unions as well as employers as defendants, and I find that in dealing with very large corporations that often, underneath it all, the problem of the union is the more difficuit to solve than the problem of the employer ... We see enormous problems as far as union resistance is concerned." (N. s. p. 900).

S’il y avait un risque de grève résultant de la mise sur pied d’un programme d’action positive, le professeur Picker a été d’avis que:

"... the union would very promptly be made, if necessary, an involuntary party to the litigation, and the strike would become a matter for the Federal Court to consider the legality of it, because the strike would almost certainly be viewed as a coercive tactic on the part of the union to prevent compliance with the antidiscrimination legislation, and I have no doubt that strike would be enjoined under those circumstances." (N. s. p. 902)

3. Les programmes d’action positive au Canada La mise en place de programmes d’action positive au Canada s’est faite sur une base informelle et volontaire plutôt que selon le modèle américain de programmes imposés ou réglementés par la loi. Par ailleurs, même si des programmes tels celui visant à encourager le bilinguisme dans la fonction publique fédérale ainsi que les politiques d’embauche mises de l’avant par le gouvernement durant et après la seconde guerre mondiale, ne peuvent être libellés de programmes d’action positive, ils ont néanmoins eu pour effet d’augmenter la participation de certains groupes dans la main- d’oeuvre.

Le docteur Ruth Pierson, professeur d’histoire à l’Ontario Institute for Studies in Education, a bien décrit au tribunal les programmes visant à accroître la participation des femmes dans la main- d’oeuvre durant la seconde guerre mondiale et subséquemment, les programmes visant à encourager l’intégration des vétérans après la guerre (N. s. p. 4340).

Selon le docteur Pierson, la participation des femmes dans la main- d’oeuvre a alors doublé, allant de 638 000 à la veille de la guerre jusqu’à 1 million, et même 1.2 millions à l’automne 1944 (N. s. p. 4343). Elle a attribué cette augmentation considérable aux besoins de pallier le manque de main- d’oeuvre qui s’était produit en 1941- 1942 (N. s. p. 4344).

Le secteur principalement affecté par ce manque de main- d’oeuvre, les Forces Armées, commença à recruter activement des femmes à l’été 1941 (N. s. p. 4344).

Selon le témoignage du docteur Pierson, l’insuffisance de la main- d’oeuvre devint critique à la fin de l’année 1941 et au début de l’année 1942. Une étude réalisée par le ministère du Travail du Canada conclut que la demande grandissante de travailleurs ne pouvait être solutionnée que par le réservoir de main- d’oeuvre féminine. En mars 1942, le gouvernement créa le National Selective Service. L’un de ses objectifs principaux était de recruter des femmes pour des emplois industriels (N. s. pp. 4344- 4345;. Les méthodes utilisées dans ces campagnes de recrutement incluaient des émissions radiophoniques sur le réseau CBC Radio- Canada, des articles de journaux et de revues ainsi que des affiches (N. s. p. 4346).

Le docteur Pierson a fourni certains exemples de mesures qui furent prises par les gouvernements fédéral et provinciaux pour encourager davantage de femmes à entrer sur le marché du travail:

"One of the first one was an amendment to the War Tax Act which was carried out in the Summer of nineteen forty- two (1942). What this did was make it possible for the married man to continue to receive the full married status exemption which at the time was a thousand two hundred dollars ($ 1,200), regardless of how much his wife earned working out in a paid labour force. Before that was changed, the women could earn up to seven hundred and fifty dollars ($ 750) before the husband lost the full married status exemption." (N. s. p. 4365).

"... Another policy that was implemented was what was called the Dominion Provincial War Time day nurseries program. The Federal Government was authorized, the Department of Labour was authorized to form an agreement, with any province, to bring about on a fifty/ fifty (50/ 50) cost sharing basis, government supported day care for the children of mothers principally working in war industry. By nineteen forty- four (1944), in fact, that would be changed, ... because as it was pointed out, all of the women that were being recruited into the labour force were in fact doing work of national importance." (N. s. p. 4366).

Le docteur Pierson a précisé que des garderies furent créées au Québec et en Ontario (N. s. pp. 4366- 4367).

Des mesures qui visaient à écarter les femmes du milieu du travail furent également suspendues pendant la guerre. Ainsi, au Québec, un Arrêté en conseil suspendit une disposition législative qui interdisait le travail des femmes la nuit (N. s. p. 4364). On écarta également une disposition visant à établir un maximum d’heures de travail pour les employés de sexe féminin. D’autres mesures analogues furent suspendues dans l’industrie minière.

Then, a critical shortage of male labour in mining operations in a number of provinces also prompted the suspension of protective legisiation. So, to circumvent the mine regulations in Ontario which prohibited:

"Any girl or woman in or about any mine except in a technical clerical or domestic capacity."

So, that meant surface miners as well, there were a lot of jobs that women were kept out. The Dominion Cabinet, starting in August, nineteen forty- two (1942), issued a series of orders in Council which permitted specific, and then would be named, Ontario Mining companies, like the International Nickel Company of Sudbury and in Port Colburn to extend, that is to suspend the protective legislation for the duration and to extend the employment of the women to some fifty (50) more occupations and they all were still above ground ... (N. s. pp. 4385- 4386).

Selon le docteur Pierson, des mesures contraires furent prises immédiatement après la fin de la guerre. Ces mesures visaient plutôt à encourager les femmes à quitter le milieu de travail de manière à créer des emplois pour les vétérans qui revenaient au pays (N. s. pp. 4368 et 4371).

Ainsi, le programme de garderies établi au Québec fut aboli en moins d’un mois. Il en fut de même en Ontario où cependant certaines garderies purent continuer grâce à l’appui du gouvernement provincial et des municipalités (N. s. p. 4368).

De même, selon le docteur Pierson, on changea les règlements en matière fiscale de manière à décourager les femmes mariées de travailler.

Le gouvernement fédéral prit d’autres mesures visant à faire en sorte que les femmes n’avaient d’autre choix que de quitter leur emploi.

Durant la même période, on prit des mesures inverses pour faciliter l’embauche des vétérans:

"So all of those women who had moved into what were in essence replacement jobs were, by law, required to step out, to make room now for the returning veterans.

... ... there was another rehabilitation measure for veterans and that was the Civil Service Act which stated that preference should be shown ... to veterans who had known active service overseas or service on the high seas ..." (N. s. pp. 4371- 4372).

Même si des 50 000 personnes embauchées par les Forces Armées, 7 000 furent envoyées outre- mer, on appliqua le bénéfice des dispositions visant les vétérans aux seuls hommes (N. s. p. 4372).

Dans son témoignage, le docteur Pierson montre l’effet radical de ces différents programmes sur le taux de participation des femmes au travail. Ce taux qui avait monté de 24.4% en 1939 à 33.3% en 1944, commença à diminuer en 1945. En 1946, il n’était plus que de 25.3% ce qui est à peu près son taux de 1939 (N. s. pp. 4380- 4381).

Quant aux programmes visant à accroître la participation des francophones, on peut référer à ce sujet au témoignage de M. Raynald Masse:

"Je pourrais vous dire qu’en 1965, quand je suis revenu à la région du St- Laurent, la majorité des chefs de service étaient à ce moment- là unilingues anglophones et incluant le vice- président de la région.

Alors il va sans dire que la langue anglaise jouait un rôle très important dans nos relations d’affaires internes dans un territoire quand même relativement francophone en importance de population.

J’ai eu la responsabilité en 1966 de faire une étude sur tous les services du CN dans le Québec métropolitain et je me souviens fort bien de m’être assis à la table dans une salle de conférence avec un groupe de francophones et dès qu’on commençait à parler ferroviaire on parlait l’anglais tellement l’anglais était la langue de nos affaires.

Alors d’une façon générale je pourrais dire que le CN a pris conscience à ce moment- là, lors du rapport Parent, de la préoccupation du milieu sur l’aspect du bilinguisme, a pris conscience de sa situation et a commencé à prendre action dans le domaine. On a formé des francophones. On a nommé de plus en plus de francophones et des gens bilingues et on a formé des gens, on a donné des cours de langues de telle sorte que sur une base graduelle en 1977, à l’automne 1977, la compagnie a pu décréter dans sa politique sur les langues, utilisation des langues, ...

Il s’agit du document Guide de la direction 19- 30, qui s’intitule La langue officielle - mesures visant à assurer l’égalité de leur statut. La compagnie a décrété à ce moment- là que pour le Québec le français serait la langue de travail au sein de la région du St- Laurent.

Alors je pense que avec la situation que je vous ai décrite ... sur une période de 10 à 12 ans, c’est un exemple frappant je pense de changement de culture, si on peut parler de changement de culture je pense que c’en est un ..." (N. s. pp. 2228- 2230).

M. Masse a également déposé comme pièce R- 39 le rapport annuel daté du 31 septembre 1981 relativement à l’évolution du bilinguisme au CN. Ce rapport a été transmis au ministre fédéral du Transport. M. Masse précise comme suit les faits saillants de ce rapport:

"Alors au niveau régional, sur un total de 79 cadres supérieurs, nous avions 72.1% de francophones, 27.9% d’anglophones ou autres, mais 93.7% de bilingues, on parle de bilingue fonctionnel.

Au niveau des fonctions qui relèvent du siège social, on parle de 100% des cadres supérieurs. Dans les cadres intermédiaires, nous avons 77% francophones et 23% anglophones ou autres, mais 83.6% de bilingues et dans les cadres syndiqués, les employés syndiqués c’est- à- dire, et non- syndiqués, on remarque qu’on aboutit à peu près à la répartition de la population au Québec, soit 79.5% de francophones et 20.5% d’anglophones et quant à leur capacité linguistique on a pas l’information pour l’instant." (N. s. p. 2231).

La première reconnaissance législative des programmes d’action positive l’a été en 1977 lors de l’adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne et des dispositions des articles 15 et 41 al. 2 précités.

En 1980, la Commission canadienne sur les droits de la personne a publié un fascicule intitulé Special Programs in Employment: Criteria for Compliance (pièce C- 3). Ce guide décrit les critères applicables pour établir un programme spécial. Il indique aussi la méthodologie à suivre pour identifier le besoin d’un tel programme et en décrit les étapes de mise en oeuvre.

Mme Catherine Burr, directrice du Service de discrimination systémique de la Commission, a témoigné à l’effet que le service qu’elle dirige a été établi en 1981 pour conseiller et assister les employeurs et le personnel de la Commission sur la discrimination systémique et les programmes spéciaux ou communément appelés Programmes d’action positive (N. s. pp. 1028- 1029).

Le but d’un programme spécial dans l’embauche est bien décrit dans le guide:

"Les programmes spéciaux en matière d’emploi prévus par la Loi canadienne sur les droits de la personne ont pour but d’aider les membres des groupes minoritaires, les handicapés physiques et les femmes à obtenir des chances égales sur le marché du travail.

La représentativité de l’effectif d’un organisme se détermine en comparant ledit effectif avec la main- d’oeuvre disponible (1). Pour rendre la représentation équitable, il faut modifier la composition de l’effectif de façon à corriger toute sous- utilisation ou surconcentration des groupes qui y sont représentés.

L’élaboration d’un programme spécial comprend trois étapes essentielles:

- Relever les problèmes, c’est- à- dire les secteurs de l’organisme dont la main- d’oeuvre n’est pas représentative.

- Voir dans quelle mesure cette situation est liée aux politiques, aux pratiques et aux méthodes tant officielles qu’officieuses de l’organisme.

- Elaborer des solutions visant à vaincre les obstacles et à favoriser une représentation équitable.

(1) Dans le présent document, l’expression main- d’oeuvre disponible s’entend des personnes qui ont ou sont capables d’acquérir les qualifications nécessaires à l’exécution des fonctions de postes donnés dans le secteur géographique où l’employeur devrait normalement embaucher des travailleurs."

(Pièce C- 3, p. 12). Les facteurs qui démontrent la nécessité d’un programme spécial sont également indiqués dans ce fascicule. Ceux- ci incluent:

  1. une absence perceptible de membres de certains groupes dans des catégories d’emploi données ou dans l’ensemble de l’organisme;
  2. un taux de chômage particulièrement élevé chez certains groupes;
  3. des plaintes et( ou) des griefs de la part des employés; - des plaintes de la part d’individus ou de groupes de l’extérieur; - une incapacité de l’organisme à recruter ou à garder des employés (taux de roulement élevé); - des plaintes déposées auprès de la C. C. D. P. faisant état d’actes discriminatoires. Même si aucun de ces indicateurs ne peut prouver la nécessité d’un programme spécial, ils démontrent à l’organisme qu’il devrait entreprendre une analyse plus complète de son effectif.

Toute analyse sérieuse nécessite le recours à des méthodes statistiques pour déterminer le niveau de représentativité de l’effectif existant et possible par rapport à la main- d’oeuvre pertinente disponible, et pour cerner les secteurs dans lesquels certains groupes sont peut- être désavantagés, compte tenu de l’importance de leur sous- représentation ou de leur surconcentration à l’intérieur de l’organisme. (Pièce C- 3, p. 13).

Le guide indique également l’étape suivante dans le processus à suivre:

"Après avoir relevé les secteurs de sous- utilisation et de surconcentration, l’organisme doit établir la relation qui existe entre la composition de son effectif et les éléments de son système d’emploi. Il lui faut essayer de voir comment et jusqu’à quel point ses politiques, ses méthodes et ses pratiques en matière d’emploi contribuent à rendre son effectif non représentatif de la main- d’oeuvre disponible.

Cette évaluation des causes est complexe et doit se faire avec minutie et en profondeur. Des situations désavantageuses peuvent se produire à divers stades de l’élaboration, de l’interprétation ou de la mise en oeuvre d’une politique, d’une méthode ou d’une pratique en matière d’emploi. Par exemple, en formulant les exigences relatives à une catégorie d’emploi, on peut établir des normes physiques qui ne sont pas intrinsèquement liées à l’exécution des fonctions et qui peuvent contribuer à éliminer les membres de races de plus petite taille. Lorsqu’il s’agit d’appliquer les exigences relatives à la mobilité géographique, les personnes chargées de sélectionner les candidats peuvent prétendre que les membres de certains groupes, notamment les femmes mariées, sont incapables d’y satisfaire. ...

Les politiques, les pratiques et les méthodes antérieures peuvent continuer d’influer sur la composition actuelle de l’effectif. Un organisme peut, par exemple, dans le passé, avoir déjà empêché les membres de certains groupes de présenter des demandes d’emploi visant des postes de débutants. Même abandonnée, une telle politique peut avoir comme conséquence un nombre démesurément bas de personnes admissibles à de l’avancement dans des postes plus importants du fait qu’une des qualifications est leur expérience au sein de la compagnie. ...

Toute ces analyses renseignent l’organisme sur la mesure dans laquelle son système d’emploi favorise la discrimination et contribuent ainsi à rendre son effectif non représentatif. L’organisme peut ensuite choisir les secteurs qui bénéficieraient sûrement d’un programme spécial." (Pièce C- 3, p. 14).

Mme Burr nous a indiqué qu’à ce jour, aucun tribunal canadien des droits de la personne n’avait imposé un programme spécial lorsqu’il a été saisi d’une plainte. Cependant, plusieurs organismes fédéraux, parmi lesquels la Gendarmerie royale, les Forces armées canadiennes, les Services correctionnels du Canada ainsi que le ministère des Transports du Canada, ont introduit des programmes spéciaux volontaires. Ces programmes ont été établis avec l’aide de la Commission et ont pour but d’accroître la participation des femmes ou des autochtones au sein de ces organismes (N. s. pp. 1096- 1098).

VI. L’ORDONNANCE CONCERNANT L’ETABLISSEMENT D’UN PROGRAMME D’ACTION POSITIVE AU CN

Dans leur argumentation, les procureurs du CN ont soutenu que le bassin de main- d’oeuvre qualifiée disponible n’était pas suffisant pour hausser de façon significative le nombre de femmes dans les postes cols bleus. Ils ont également prétendu que ce type d’emplois n’est pas désirable pour une femme à cause de l’obligation de voyager, de la nature du travail, des horaires, pour ne nommer que quelques facteurs invoqués. Il nous apparaît

plutôt que le nombre de demandes d’emplois par des femmes à des postes non- traditionnels au CN a été artificiellement réduit en raison des facteurs suivants, qui font tous partie intégrante des politiques d’embauche du CN. La ressemblance avec l’affaire Kohne vs. Imco Container Co., (21 FEP Cases 535) est frappante. Pour ne nommer que les principaux facteurs, mentionnons l’affichage sporadique des emplois disponibles et le recrutement par word of mouth, le flottement dans les qualifications requises pour l’emploi, le traitement discriminatoire au travail (le témoignage de Mme Nemeroff sur ce point a été particulièrement éloquent). Un autre facteur qui tend à perpétuer la situation est le fait que les femmes se retrouvent pratiquement seules femmes dans leur groupe de travail. Les mises- à- pied des années récentes n’ont rien fait pour aider cette situation, puisque les quelques femmes embauchées seront les premières victimes d’une mise- à- pied en raison de leur peu d’ancienneté:

"If an employer should announce his policy of discrimination by a sign reading Whites Only on the hiring- office door, his victims would not be limited to the few who ignored the sign and subjected themselves to personal rebuffs. The same message can be communicated to potential applicants more subtly just as clearly by an employer’s actual practices, by his consistent discriminatory treatment of actual applicants, by the manner in which he publicizes vacancies, his recruitment techniques, his responses to casual or tentative inquiries, and even by the racial or ethnic composition of that part of his work force from which he has discriminatorily excluded members of minority groups ..."

International Brotherhood of Teamsters vs. United States et al, 431 U. S. 324 (p. 365).

La coincidence entre l’embauche plus importante de femmes en 1981 et la constitution de ce tribunal n’est pas non plus sans nous intriguer. The correlation between the dates of filing of the charge and this suit and the increasing hiring of women is notable and actions taken in the face of litigation are equivocal in purpose, motive and permanence."" (EEOC vs. Cook Paint and Varnish Co., 26 EPD, 21201, at page 21203).

Il sera difficile dans le cas du CN de remédier à la disproportion marquée qui résulte de pratiques suivies depuis des années. Il faut espérer qu’avec le temps, le déséquilibre sera réduit, mais il nous apparaît que la chose ne sera pas possible sans l’imposition d’un programme d’action positive dans le cas qui nous occupe:

"Voluntary choice of traditional women’s work or men’s work is an unregulated aspect of personal freedom. While recognizing that supply side limitations may exist in this case, the Court should avoid treating the attitudes of recent decades as immutable. In the Nineteenth Century, for example, it seems probable that male secretaries predominated, or that such work was almost universally performed by men. During the same preiod, a considerable portion of factory work may have been predominantly performed by women (and children). the influx of women into factory work during World War II as a familiar item of history. So the Court must seek a sensible solution in creating a remedy which takes into account indications of current employee preferences, but also recognizes that times changes ...

... Temporary imposition of a quota, however, has been found the most effective means of relief and is permissible where it seems reasonably calculated to counteract the detrimental effects a particular, identifiable pattern or discrimination has upon the prospects of achieving a society in which the distribution of jobs to basically qualified members of sex and racial groups is not affected by discrimination.

(EEOC vs. Cook Paint and Varnish Co., supra, pp. 2104- 2105). La Commission canadienne des droits de la personne, dans le document C- 3, dont des passages ont été cités précédemment, a défini les objectifs des programmes spéciaux en matière d’emploi et ces objectifs, ainsi que les critères de mise en application qu’elle a proposés, nous serviront pour définir le contenu du programme spécial qu’il nous apparaît essentiel d’imposer au CN si l’on veut envisager de façon réaliste que la proportion de femmes dans les postes dits cols bleus du CN soit la même que celles des femmes dans pareils postes à travers le reste du pays, soit 13%.

Les objectifs d’un programme spécial sont indiqués comme suit:

L’objectif principal du programme spécial est d’accroître de façon précise la représentativité de l’effectif de l’organisme en cause.

Quand on fixe les objectifs de l’organisme, il faut tenir compte des facteurs suivants:

- les objectifs doivent être quantitatifs, c’est- a- dire qu’ils doivent faire état, en termes mesurables, des changements qu’on vise à apporter à la composition de l’effectif;

- les objectifs visent à corriger la sous- utilisation et la surconcentration là où elles existent dans un organisme;

- les objectifs doivent déterminer d’une manière précise les groupes- cibles, catégories d’emploi et secteurs géographiques en cause;

- les objectifs doivent pouvoir être atteints dans des délais précis et raisonnables. Un programme spécial est une mesure temporaire qui ne devrait jamais durer plus longtemps que le désavantage constaté, bien que la réalisation des objectifs aboutisse généralement à des changements permanents dans l’organisme;

- les objectifs doivent tenir compte de façon réaliste de la capacité de l’organisme à s’adapter au changement. Ils doivent, par exemple, être établis en fonction de la taille et des possibilités relatives de croissance de l’organisme;

- les objectifs doivent tenir compte des droits permanents des individus, et en particulier des employés, qui n’appartiennent pas aux groupes- cibles désignés;

- les objectifs doivent être établis en prenant soin de tenir compte des sentiments et des attentes des employés, y compris ceux des groupes visés." (Pièce C- 3, p. 15).

Bien sûr, il existe des distinctions fondamentales d’abord et avant tout en ce que ces objectifs ont été élaborés dans le cadre de programmes volontaires et non imposés par un tribunal.

Pour plus de clarté, précisons donc que dans le cas présent, l’objectif visé est d’augmenter à 13% la main- d’oeuvre féminine dans les postes non- traditionnels au CN dans la région du St- Laurent. Une fois cette cible atteinte, ce programme spécial, dans la mesure où il est imposé par ce tribunal, pourra prendre fin. Le tribunal souhaite toutefois qu’il provoquera des changements permanents dans l’organisation du CN et qu’un programme volontaire permettra au CN de suivre toute évolution future de la main- d’oeuvre féminine canadienne dans les postes non- traditionnels.

ORDONNANCE POUR LES MOTIFS PRECITES, ce tribunal, concluant à l’existence au CN, dans la région du St- Laurent, de certaines pratiques ou lignes de conduite d’embauche qui sont discriminatoires au sens de l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et concluant de plus que ces lignes de conduite ne sont pas fondées sur des exigences professionnelles normales au sens de l’article 14 de ladite loi, rend l’ordonnance suivante, selon les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 41 de ladite loi:

MESURES PERMANENTES DE NEUTRALISATION DE POLITIQUES ET PRATIQUES COURANTES

1. Le CN devra cesser immédiatement l’utilisation du test Bennett pour les postes d’entrée autres que les postes d’apprentis de même que, dans un délai d’un an à compter de la présente décision et à l’endroit des mêmes postes, cesser l’utilisation de tous tests d’aptitude mécanique qui ont un impact négatif pour les femmes sans être justifiés par les aptitudes requises pour les emplois postulés par les candidates.

2. Le CN devra cesser immédiatement toute pratique des contre- maîtres ou de tout autre responsable visant à exiger des candidates féminines des tests physiques non imposés aux candidats masculins et notamment le test consistant à soulever d’une main une mâchoire de freins.

3. Le CN devra cesser immédiatement d’exiger des candidats une expérience déjà acquise en soudure pour tous les postes d’entrée, à l’exception des postes d’apprentis.

4. Le CN devra modifier son système de diffusion des renseignements relatifs aux emplois disponibles. Plus particulièrement, il devra, dans un délai d’un an, prendre les moyens d’information et de publicité les plus appropriés auprès du public en général pour annoncer tout poste disponible.

5. Le CN devra modifier dès maintenant les pratiques d’accueil du bureau d’embauche pour donner aux candidates féminines des informations complètes, précises et objectives sur les exigences réelles des emplois non- traditionnels.

6. Le CN devra modifier dès maintenant son système d’entrevue des candidats; plus particulièrement, il devra veiller à ce que les responsables de ces entrevues aient de strictes instructions visant à traiter de la même façon tous les candidats, sans égard à leur sexe.

7. Dans la mesure où le CN voudrait continuer d’accorder aux contremaîtres le pouvoir de refuser d’embaucher des personnes déjà acceptées par le bureau d’embauche, le CN devra émettre dans l’immédiat une directive précise à leur endroit, à l’effet que nul ne peut être refusé pour des motifs de discrimination sexuelle.

8. Le CN devra poursuivre les mesures déjà adoptées dans le cadre de sa directive sur le harcèlement sexuel visant à éliminer du lieu de travail toute forme de harcèlement et de discrimination sexuels.

MESURES SPECIALES TEMPORAIRES

1. Le CN devra, dans un délai d’un an et jusqu’à ce que le pourcentage de femmes dans les emplois non- traditionnels au CN ait atteint 13%, entreprendre une campagne d’information et de publicité pour inviter en particulier les femmes à poser leur candidature à des postes non- traditionnels.

2. Considérant qu’il nous apparaît que le processus de changement dans la région du St- Laurent au CN doit être accéléré et que des mesures préférentielles visant les femmes s’imposent.

- Considérant par ailleurs qu’il faut laisser à l’employeur une certaine flexibilité vu l’incertitude devant laquelle nous nous trouvons sur l’ampleur du bassin de main- d’oeuvre féminine qualifiée disponible.

- Considérant qu’idéalement, pour créer le plus tôt possible une masse critique qui permettrait au système de continuer à se corriger par lui- même, nous serions enclins à exiger qu’au cours des prochaines années, et jusqu’à ce que l’objectif de 13% soit atteint, au moins un poste non- traditionnel sur trois soit confié, à l’embauche, à une femme.

- Considérant cependant qu’afin de donner plus de latitude et de flexibilité au CN dans les moyens à prendre pour atteindre l’objectif désiré, il nous apparaît plus prudent de fixer un nombre minimal d’embauche féminine plus faible qu’un sur trois des postes non- traditionnels à être comblés au CN dorénavant.

EN CONSEQUENCE, il est ordonné au Canadien National d’embaucher au moins une femme sur quatre postes non- traditionnels à être comblés à l’avenir. Cette mesure n’entrera en vigueur que lorsque les employés du CN actuellement mis à pied mais sujets à rappel auront été rappelés par le CN, mais, dans tous les cas, pas avant l’expiration d’un délai d’un an à compter de la présente décision, afin de donner au CN un délai raisonnable pour adopter les mesures nécessaires pour se conformer à cette ordonnance. Une fois en vigueur, la proportion d’un sur quatre n’aura pas à être respectée quotidiennement, ce afin de permettre à l’employeur un meilleur choix dans la sélection des candidats. Elle devra cependant être respectée dans l’ensemble de chaque période trimestrielle, jusqu’à ce que l’objectif désiré de 13% de femmes dans les postes non- traditionnels soit atteint.

3. Dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, le CN devra nommer un responsable avec pleins pouvoirs pour assurer la mise en vigueur des mesures spéciales temporaires et réaliser tout autre mandat qui pourrait lui être confié par le CN relativement à la mise en oeuvre de la présente décision.

PRODUCTION DE DONNEES LE CN DEVRA SOUMETTRE A LA COMMISSION:

1. Dans les vingt (20) jours suivant la mise en application des mesures spéciales temporaires susdites, un relevé initial du nombre d’employés cols bleus dans la région du St- Laurent au CN, par sexe et par fonction.

2. Dans les vingt (20) jours suivant la fin de chaque période trimestrielle à compter de la mise en application des mesures spéciales temporaires susdites et pendant toute la durée desdites mesures, après en avoir transmis une copie à ATF, un rapport comprenant:

  1. une liste indiquant les noms, sexe, titres et fonctions, date d’embauche et secteur de travail de toute personne embauchée dans la région du St- Laurent pendant le trimestre précédent;
  2. une déclaration détaillée faisant état des efforts entrepris par le CN pour recruter des candidates féminines dans des postes non- traditionnels pendant le trimestre précédent;
  3. le nombre total de personnes ayant posé leur candidature à des postes non- traditionnels au CN pendant le trimestre précédent, par sexe; le nombre total de personnes ayant complété, passé ou échoué tout test ou examen écrit pour fins d’embauche à un poste non- traditionnel. Cette liste devra comprendre les résultats et le rang de toute personne ayant réussi le test ou examen;
  4. les noms, sexe et tous changements de titres et fonctions, ou changement de statut des employés embauchés à des postes non- traditionnels après l’entrée en vigueur des mesures spéciales temporaires.

3. Dans les vingt( 20) jours suivant sa nomination, une déclaration indiquant le nom, le titre officiel et la date de nomination du responsable chargé de l’application des mesures temporaires spéciales susdites.

MONTREAL, ce 30 juillet 1984

Denis Lemieux, président

Joan Wallace

Nicole Duval Hesler

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