Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAIN RIGHTS TRIBUNAL

WAYNE DOUGLAS

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

SLH TRANSPORT INC.

l'intimée

DÉCISION

2010 CHRT 1
2010/01/27

MEMBRE INSTRUTEUR: Edward P. Lustig

I. LA PLAINTE

II. L'ARTICLE 7 DE LA LOI

III. LES FAITS

IV. LES QUESTIONS EN LITIGE

V. ANALYSE ET CONCLUSIONS

VI. LA DÉCISION

VII. RÉPARATIONS

I. LA PLAINTE

[1] Il s'agit d'une décision portant sur la plainte présentée par Wayne Douglas, à titre de plaignant, contre SLH Transport Inc. (SLH), à titre d'intimée, en date du 11 juillet 2007. Le plaignant soutient que SLH a agi de façon discriminatoire envers lui en mettant fin à son emploi en raison d'une déficience physique, en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne des droits de la personne.

[2] Sur le fondement de l'alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi), la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), dans une lettre datée du 26 août 2008, a demandé au présent Tribunal d'instruire la plainte.

[3] La Commission n'a pas participé à l'audience.

II. L'ARTICLE 7 DE LA LOI

[4] Le plaignant cite l'alinéa a) de l'article susmentionné de la Loi comme pratique discriminatoire à laquelle l'intimée aurait eu recours en raison de la déficience de M. Douglas. Cette disposition est libellée comme suit :

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;

Le motif de distinction illicite que dénonce la plainte est la déficience, mentionné au paragraphe 3(1) de la Loi.

III. LES FAITS

[5] Wayne Douglas a 37 ans. Il a débuté son emploi au sein de SLH le 21 septembre 1998 comme chauffeur de camion à temps partiel. Environ six mois plus tard, il est devenu employé à temps plein de SLH. Il a 10 ans de scolarité. Il a été congédié par SLH le 11 mai 2007 alors qu'il était en congé de maladie à long terme en attente d'une chirurgie pour son genou droit.

[6] Pendant sa carrière à titre de chauffeur de camion au sein de SLH, M. Douglas a toujours travaillé durant le quart de nuit sur le parcours de distribution, lequel commençait au terminal de SLH à Bedford, au nord d'Halifax, et s'étendait tout le long de la rive sud de la Nouvelle-Écosse, à l'ouest de Bedford. Ce parcours comprend environ 700 kilomètres en tout et le chauffeur doit s'arrêter à 12 magasins ou dépôts de catalogues Sears, de Bedford Ouest jusqu'à Yarmouth et vice versa, pour livrer des biens commandés à partir du catalogue Sears, des articles légers tels que des vêtements, des bijoux et de la literie, ainsi que des articles plus lourds de prix unitaire élevés tels que des souffleuses à neige, des fours, des laveuses, des tracteurs à gazon et de grandes quantités d'isolation emballées sous film rétractable et placées sur des palettes. Le camion est constitué d'une cabine non couchette à deux places, à l'arrière de laquelle est attelée une remorque qui mesure environ 50 pieds.

[7] Une équipe de deux employés travaille sur un parcours de distribution donné : le chauffeur principal et un assistant qui peut aussi conduire. Le chauffeur et son assistant déchargent les biens à chacun des magasins ou des dépôts et reprennent les biens retournés. Certains des magasins ou dépôts ont des plateformes de chargement où la remorque peut être reculée jusqu'au palier de la plateforme. D'autres n'ont pas de plateforme de chargement et une rampe transportée dans la remorque doit être utilisée afin de décharger et de charger les biens. Comme beaucoup des biens sont lourds, les camions sont munis de deux diables et, parfois, selon la charge du camion, d'un vérin hydraulique pour déplacer les biens qui se trouvent sur des palettes.

[8] Il y a généralement quatre parcours de distribution de nuit et un parcours de distribution de jour à partir du terminal de Bedford. Le chargement et le déchargement des remorques au terminal est effectué par des débardeurs. Le chauffeur se rend au terminal environ une demi-heure avant de commencer son parcours afin de remplir les papiers nécessaires et d'examiner le camion avant le départ, en vérifiant par exemple les fluides, les lumières, les ceintures, les durites, les pneus et les freins. Il attèle ensuite le camion à la remorque et débute son parcours. Lorsqu'il retourne au terminal à la fin de son parcours, il recule son camion à la plateforme, détache la remorque et conduit ensuite le camion jusqu'au distributeur de carburant, il fait le plein d'essence et il stationne le camion.

[9] Le terminal de SLH à Bedford est l'un des deux terminaux de la compagnie dans les Maritimes - l'autre terminal se trouve à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Le terminal de Bedford compte environ 40 employés, y compris six mécaniciens, trois débardeurs à temps plein, un directeur d'exploitation, un directeur régional, un commis comptable, un directeur de la rémunération, un vendeur, un chauffeur-entraîneur, deux répartiteurs et demi, cinq équipes de chauffeurs de parcours de distribution constituées de deux chauffeurs par équipe, deux chauffeurs à temps partiel et six chauffeurs de transport de ligne pour les quarts de jour et de nuit.

[10] Le siège social de SLH est à Kingston, en Ontario. SLH emploie environ 1 000 personnes au Canada. En 2006, SLH a connu sa deuxième année en importance du point de vue des profits. En 2007, SLH a connu sa meilleure année. En 2008, elle a eu une année presque aussi bonne qu'en 2007, cependant, après l'été, le commerce a chuté de façon importante. En 2007, il y avait environ 30 employés de plus qu'il n'y a aujourd'hui aux terminaux de Bedford et de Moncton, car la récession récente a affecté négativement le commerce de SLH. Depuis l'automne 2008, le commerce a chuté et SLH ne manque plus de chauffeurs de camion. En 2009, au jour de l'audience, le volume d'activités de l'entreprise est de 30 p. 100 inférieur à la moyenne.

[11] M. Douglas était payé à raison de 15 heures de temps payé pour son parcours de distribution (le parcours le long de la rive sud). Si un chauffeur est capable de terminer son parcours en moins des 15 heures prévues, il reçoit tout de même le salaire complet. La plupart du temps, le chauffeur est en mesure de terminer son parcours en environ 10 à 12 heures, incluant deux à trois heures passées au chargement et au déchargement des biens, alors que le reste du temps est passé à conduire. Un chauffeur n'est jamais payé pour les jours où il ne travaille pas et il est seulement payé pour le temps prévu pour effectuer son parcours ainsi que pour le temps supplémentaire nécessaire. La plupart du temps, M. Douglas conduisait trois nuits par semaine, mais chaque année, à l'approche de Noël, la demande était plus forte et il conduisait quatre nuits par semaine et même parfois cinq nuits par semaine.

[12] Les remorques sont généralement toujours remplies presque jusqu'à la porte arrière, avec une garde au toit suffisante pour la sécurité ainsi qu'un petit espace dans le coin droit arrière de la remorque pour permettre au chauffeur et à son assistant d'entrer dans la remorque pour la décharger. Un pourcentage important (de 50 à 75 p. 100) des biens livrés et ramassés sur un parcours de distribution pèsent plus de 100 livres et le travail de chauffeur de parcours de distribution comprend le fait de lever des articles lourds de prix unitaire élevé. Les diables et le vérin hydraulique qui sont rangés dans la remorque aident, mais le transport d'articles de poids lourd et le manuvrage nécessaire pour lever, pousser et tirer les articles de plus de 100 livres sont un aspect principal du travail de distribution et constituent environ 60 p. 100 du temps de chargement et de déchargement pour le chauffeur et son assistant.

[13] M. Douglas occupe présentement un emploi au sein de la Compagnie de la baie d'Hudson (HBC) comme chauffeur de camion. Il a commencé cet emploi au début avril 2009. Cet emploi chez HBC est un travail purement de transport à destination qui comporte la conduite d'un camion semblable à celui qu'il conduisait lorsqu'il travaillait pour SLH. Il conduit maintenant cinq nuits par semaine à partir du terminal de HBC à Dartmouth (Nouvelle-Écosse) jusqu'à Moncton (Nouveau-Brunswick) ou à Lincoln (Nouveau-Brunswick) et vice versa. Lors d'un transport à destination pour HBC, il n'y a qu'un seul chauffeur et aucun assistant. M. Douglas doit atteler la remorque, lever et descendre les béquilles et vérifier sous le capot et sous le camion en guise d'examen avant le départ. Cependant, son emploi chez HBC ne comprend que du transport à destination ou du transport d'origine à destination. Il n'a pas à charger ou à décharger le camion ni à soulever les articles qu'il transporte.

[14] L'activité principale de SLH depuis son ouverture en 1989 est le transport sur un parcours de distribution pour les magasins Sears. SLH effectue maintenant du transport commercial (TC) par camion qui n'est pas de la distribution. Pour le TC, SLH transporte des articles pour un client en faisant différents arrêts. Cela s'effectue principalement par transport de jour sur de courtes distances. Pour le TC, le chauffeur doit presque toujours charger et décharger le camion en levant des articles lourds environ 10 à 20 p. 100 du temps (par opposition aux parcours de distribution, lors desquels il faut lever des articles lourds environ 60 p. 100 du temps). En de rares occasions, SLH peut avoir un transport à destination, sans chargement ou déchargement d'articles lourds pour un court TC de jour, mais cela est peu fréquent et ne constitue pas suffisamment de travail pour créer un poste à temps plein, en particulier en raison du climat économique actuel. Il est peu probable que présentement, SLH soit en mesure de créer un poste de chauffeur de camion qui ne comprendrait aucun chargement lourd, puisqu'il n'y a pas suffisamment de volume pour générer un poste à temps plein pour qui que ce soit dans cette catégorie sans réduire le nombre d'heures pour le reste des chauffeurs de camion à des niveaux inacceptables.

[15] Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a récemment lancé un nouveau projet pilote connu sous le nom de programme d'ensemble routier long (LCV) qui est présentement testé à titre de programme environnemental visant à réduire les gaz à effet de serre en utilisant des tracteurs de remorques constitués de quatre parties. Il y a d'abord la cabine, puis une remorque de 53 pieds ainsi qu'un convertisseur qui attèle la première remorque de 53 pieds à la dernière ou à une deuxième remorque de 53 pieds. SLH a été approuvée pour participer au projet pilote, mais elle n'a pas encore reçu l'approbation finale pour commencer le projet. Les véhicules pour ce programme ne peuvent rouler que sur des autoroutes divisées. Le parcours que SLH souhaite utiliser, si elle obtient l'approbation finale pour le programme, est la route dite du courrier (ce n'est pas un vrai itinéraire de distribution de courrier) qui existe présentement entre Bedford (Halifax) et Moncton. Il s'agit principalement d'un transport à destination pour des marchandises de catalogue, mais il ne s'agit pas purement d'un transport à destination puisqu'il comprend tout de même du chargement, du déchargement et du transport d'articles lourds. Trois employés de SLH ont été formés à l'établissement de formation à Calgary pour effectuer du transport en LCV.

[16] M. Douglas a témoigné devant le Tribunal à l'appui de sa plainte. Il a reconnu que SLH était un bon employeur. SLH possède un programme de santé et de sécurité en milieu de travail, un programme d'information et de formation sur la conduite, y compris le traitement des matières dangereuses, une politique de prévention de l'abus d'alcool et des drogues ainsi qu'un programme d'aide aux employés (PAE). SLH n'a pas de politique précise sur la discrimination en milieu de travail qui donne aux employés des renseignements au sujet des lois et des pratiques en matière de droits de la personne.

[17] À l'automne 2006, M. Douglas a témoigné qu'il a commencé à ressentir de la douleur et de l'inconfort au genou droit. Il a ressenti une perte de stabilité et un contrôle diminué de ses pas lorsqu'il montait ou descendait les rampes pour charger ou décharger la remorque pendant ses quarts de travail. Son genou lui donnait l'impression qu'il allait lâcher. Il ressentait aussi de l'inconfort lorsqu'il était assis et qu'il conduisait. Il n'a pas mentionné les problèmes avec son genou droit à son employeur avant le 17 novembre 2006, auquel moment il a avisé son patron, M. Clyde Smith, le directeur régional de SLH dans les Maritimes, qu'il allait être absent du travail pendant quelques semaines en raison de ses problèmes de genou. Il a dit à M. Smith que la blessure n'était pas liée au travail. Selon M. Douglas, il boitait déjà depuis un certain temps avant le 17 novembre 2006 et certains de ses collègues auraient remarqué son état. D'après M. Smith, cependant, l'état du genou droit de M. Douglas n'a pas été porté à l'attention de la gestion de SLH avant le 17 novembre 2006.

[18] Le 20 novembre 2006, M. Douglas a consulté la Dre Leckey, qui l'a envoyé passer des rayons-X et qui l'a référé au Dr Stalker, un médecin du sport à l'Université Dalhousie, pour examiner les rayons-X. Il a obtenu un certificat médical de la Dre Leckey daté du 27 novembre 2006 sur lequel il était écrit que M. Douglas serait absent du travail indéfiniment en raison de ses problèmes avec son genou droit. Il a donné le certificat médical à M. Smith le 27 novembre. M. Smith lui a dit de prendre soin de son genou, de remplir tous les formulaires requis et de le tenir avisé de ses progrès. Le 18 décembre 2006, M. Douglas a rencontré le Dr Stalker, qui était d'avis que M. Douglas aurait probablement besoin d'une chirurgie au genou. Le Dr Stalker a référé M. Douglas au Dr Gross, un chirurgien orthopédiste. Le 11 janvier 2007, M. Douglas a rencontré le Dr Gross, qui lui a dit qu'il avait besoin d'une chirurgie en raison d'une déchirure du ménisque interne et d'un kyste à son genou droit. Le Dr Gross a indiqué que la chirurgie aurait lieu dans environ six mois. M. Douglas a avisé M. Smith de ce fait après sa rencontre avec le Dr Gross.

[19] M. Douglas avait un historique d'absences pour des raisons médicales avant cette absence pour son genou droit. Il a été en congé pour stress psychologique aigu du 21 juin jusqu'au 1er septembre 2001. Il a aussi été en congé du 11 mars 2002 jusqu'au 19 août 2003 en raison d'une chirurgie à son genou gauche. Lors de ces deux occasions, M. Douglas a reçu des prestations d'invalidité de courte durée (ICD) et d'invalidité de longue durée (ILD) de la Financière Sun Life (Sun Life) en vertu du programme d'avantages de SLH. M. Douglas a rempli tous les formulaires nécessaires afin de recevoir ses indemnités avec l'aide de sa conjointe Lisa Gillis, y compris la présentation de tous les renseignements médicaux nécessaires. Dans les deux cas, son emploi lui a été garanti et on a continué à payer ses avantages sociaux. À son retour après ces deux congés, SLH lui a rendu son emploi à titre de chauffeur de camion sur les parcours de distribution sans restreindre ses tâches.

[20] Avec l'aide de Lisa Gillis, M. Douglas a rempli les formulaires nécessaires et on lui a accordé des prestations d'ICD jusqu'au 23 mars 2007 pour ses problèmes de genou droit après la tenue d'une évaluation. Il a mentionné sur les formulaires que sa blessure n'était pas liée au travail. Comme les prestations d'ICD sont offertes pour environ 17 semaines, il a rempli, encore une fois avec l'aide de Lisa Gillis, les formulaires nécessaires pour effectuer la transition des prestations d'ICD aux prestations d'ILD. Sun Life a approuvé pour M. Douglas des prestations d'ILD jusqu'au 23 mars 2009 et SLH a été avisée de ce fait.

[21] M. Douglas a rempli tous les formulaires pour Sun Life au sujet de l'état de son genou droit de la même façon qu'il avait rempli les formulaires au sujet de ses problèmes au genou gauche plusieurs années auparavant. Entre novembre 2006 et le début avril 2007, SLH n'a pas demandé à M. Douglas des renseignements au sujet de sa santé sauf en ce qui a trait à une lettre de Sue Reid, l'administratrice du service de la paye et des avantages sociaux de SLH en février 2007, qui rappelait à M. Douglas de remplir les formulaires de transition de Sun Life pour pouvoir obtenir des prestations d'ILD après le 23 mars et en ce qui a trait aux demandes de M. Smith en novembre 2006 et en janvier 2007 que M. Douglas le tienne au courant de l'évolution de ses problèmes de genou. Pendant la période durant laquelle M. Douglas était employé par SLH et ne travaillait pas parce qu'il était en ILD, SLH a continué de payer sa part des primes de couverture d'assurance Sun Life en plus de la part de M. Douglas parce qu'il ne recevait pas de salaire, mais SLH s'attendait à ce que M. Douglas lui rembourse sa part des primes de couverture d'assurance. Il a souvent remboursé ses primes en retard à SLH.

[22] En janvier 2007, M. Smith a reçu la visite d'Ed Dugas, un employé du gouvernement fédéral qui était responsable des questions de respect du Code canadien du travail dans la région. Pendant cette visite, M. Smith a discuté de la situation de M. Douglas avec M. Dugas. M. Smith souhaitait savoir quelle était son obligation, en vertu du Code canadien du travail, de conserver le poste de M. Douglas dans le cas où celui-ci serait en congé médical prolongé. M. Dugas a répondu à M. Smith qu'en vertu du Code canadien du travail, il n'avait qu'à garder le poste ouvert pendant 12 semaines à partir de la première journée de congé médical. Il lui a aussi dit qu'aucune prestation de départ n'aurait à être payée à M. Douglas si celui-ci était congédié. M. Douglas a dit à M. Smith qu'il devrait communiquer avec M. Douglas pour avoir une mise à jour au sujet de son état et pour savoir à quel moment il pourrait revenir au travail.

[23] Vers la fin avril 2007, M. Douglas s'est rendu au terminal de Bedford pour rembourser à SLH certaines primes de couverture d'assurance. Alors qu'il s'y trouvait, M. Bill Oakley, le directeur des opérations de SLH, lui a demandé de signer un formulaire préparé par M. Smith dans lequel se trouvaient un certain nombre de questions portant sur son état de santé. M. Douglas ne croyait pas que ce formulaire avait une grande importance. Il n'avait jamais vu le formulaire auparavant, alors que selon M. Smith et Mme Reid, le formulaire lui avait été envoyé par courrier recommandé mais n'avait jamais été ramassé. Il a demandé à M. Oakley s'il devait demander de l'aide à un médecin ou à quelqu'un d'autre pour répondre aux questions. M. Oakley ne lui a pas dit qu'il avait besoin de l'aide de quelqu'un d'autre pour répondre aux questions.

[24] M. Douglas a rempli le formulaire alors qu'il se trouvait au terminal ce jour là. L'une des questions qu'on lui demandait visait à savoir, si sa chirurgie n'avait pas encore eu lieu, s'il connaissait la date prévue de chirurgie. Il a répondu que la chirurgie était prévue dans les six mois à un an à partir de la date à laquelle il a rempli le formulaire, mais à une autre question, il a répondu qu'il n'avait pas encore de date de chirurgie. On lui a aussi demandé quel serait l'estimé raisonnable d'une date prévue de retour au travail. M. Douglas a aussi répondu à cette question que la date serait de six mois à un an. Le formulaire a été préparé suite aux conseils que M. Dugas avait donnés à M. Smith en janvier. M. Smith n'avait jamais préparé de formulaire de ce genre pour un autre employé qui était en congé de maladie. Très récemment, selon M. Smith, des formulaires de ce genre ont été utilisés pour des employés en congé médical.

[25] D'après M. Smith, lorsqu'il a examiné les réponses de M. Douglas sur le formulaire, il a été convaincu que l'absence de M. Douglas dépasserait un an et même un an et demi, comme son absence précédente pour chirurgie à son genou gauche. Il était d'avis que les réponses de M. Douglas étaient insatisfaisantes, parce qu'il n'avait pas de date prévue de chirurgie et que les périodes données en réponse aux deux questions susmentionnées étaient les mêmes et ne comptaient pas de temps pour la convalescence après la chirurgie, qui avait pris six mois lorsque M. Douglas avait subi sa chirurgie pour son genou gauche.

[26] M. Smith a témoigné qu'il avait besoin d'un remplacement à temps plein pour répondre aux besoins de la compagnie à une époque où SLH entrait dans la période la plus occupée de l'année - le printemps et le début de l'été, auquel moment des articles de prix unitaire élevé devaient être livrés. SLH avait déjà perdu plusieurs chauffeurs importants de parcours de distribution en 2006 et les employés à temps partiel étaient tous utilisés. M. Smith était d'avis que l'absence de M. Douglas créait des difficultés en particulier parce que ce dernier devait aussi travailler pendant les vacances et le congé de Noël des autres employés ainsi que jongler les quarts de travail pour que tout fonctionne. M. Smith devait demander à des employés à temps partiel de couvrir les quarts de travail et devait demander aux assistants des chauffeurs de conduire en tant que chauffeurs principaux pour les parcours de distribution. À cette époque en 2007, les chauffeurs étaient en grande demande et étaient difficiles à embaucher à temps partiel. La compagnie avait perdu bon nombre de chauffeurs en raison du boom économique dans l'Ouest canadien. Par conséquent, M. Smith était d'avis qu'il devait agir dans l'intérêt de la compagnie et des opérations.

[27] Le 11 mai 2007, M. Smith a envoyé une lettre de congédiement à M. Douglas. La lettre se lisait comme suit :

Merci de nous avoir donné une mise à jour au sujet de votre absence, comme nous vous l'avons demandé récemment. Il est vraiment regrettable que ce qui devait être une absence relativement courte lorsqu'elle a été signalée en novembre 2006 se soit transformée en une absence qui pourrait durer de six mois à un an de plus à partir d'aujourd'hui. L'absence à long terme d'un employé à temps plein cause à SLH Transport des difficultés opérationnelles et réduit le niveau de service aux clients. Il s'agit d'une situation que nous ne sommes pas prêts à subir une fois de plus pour vous. SLH Transport a une fois de plus dépassé de beaucoup le maximum de 12 semaines requis pour l'ouverture de votre poste, comme le prévoit le Code canadien du travail pour les absences médicales. Pourtant, nous n'avons toujours pas de date de retour au travail dans un avenir rapproché. Nous devons donc couper vos liens avec SLH Transport en date du 14 mai 2007 et nous devrons combler le poste à temps plein afin d'utiliser de façon plus efficace notre effectif et de mieux servir nos clients.

[28] M. Douglas a été atterré et humilié par cette lettre. Il était d'avis que, pendant huit ans, il avait fait du bon travail pour SLH. Il venait tout juste d'acheter une nouvelle maison et s'inquiétait au sujet de la façon dont il arriverait à continuer à payer cette maison. Il est devenu inquiet, anxieux, abattu, maussade et déprimé en raison de la lettre de congédiement. Il était d'avis qu'il était injuste d'être congédié alors qu'il attendait une date de chirurgie sur laquelle il n'avait aucun contrôle et que cela était différent de ce qui avait été fait pour d'autres chauffeurs de camion qui étaient présentement en congé de maladie.

[29] M. Smith a témoigné que sa décision de congédier M. Douglas était strictement une décision commerciale fondée sur les besoins opérationnels susmentionnés. Il n'avait aucune animosité personnelle envers M. Douglas. Il était d'avis que M. Douglas était un chauffeur de camion adéquat, mais qu'il était un employé peu rentable qui n'avait pas les habiletés, la capacité mentale et les qualités de leadership nécessaires pour occuper un poste plus complexe, comme celui de répartiteur.

[30] Il avait des préoccupations au sujet du fait que M. Douglas avait été en congé médical pendant presque deux ans au cours des huit ans où il avait été employé par la compagnie et qu'il avait, selon M. Smith, omis de tenir la compagnie à jour au sujet de son état de santé ou de son pronostic alors qu'il était en congé pour les problèmes à ses deux genoux. M. Smith était d'avis que M. Douglas n'avais pas l'esprit d'équipe et qu'il n'était pas motivé à effectuer tout travail supplémentaire qui ne faisait pas partie du nombre minimal de quarts de travail qui lui étaient offerts. Par conséquent, son salaire était l'un des plus bas de tous les chauffeurs de camion de SLH, d'après M. Smith.

[31] M. Smith a soutenu que le congédiement de M. Douglas n'était pas fondé sur des rumeurs ou des insinuations, mais il a admis avoir entendu des histoires au sujet de M. Douglas, qui aurait conduit sa moto hors route ou son véhicule tout terrain et qu'il serait allé pêcher alors qu'il était en congé médical pour son genou droit - choses que M. Douglas a niées. M. Smith était aussi quelque peu sceptique au sujet des efforts de M. Douglas d'obtenir une date de chirurgie avancée et de retourner au travail plus tôt que dans les 18 mois à deux ans suivant la date à laquelle il a quitté en congé de maladie. À ce sujet, M. Smith a comparé sa propre expérience lorsqu'il a lui-même été en mesure d'obtenir une date de chirurgie et de retourner au travail, après avoir subi une chirurgie de la coiffe des rotateurs, dans les quelques mois suivant son départ, à l'incapacité de M. Douglas d'obtenir une date avancée de chirurgie et de revenir au travail. M. Smith a mentionné qu'on lui avait dit en avril 2007 que l'absence de M. Douglas durerait de quatre à six mois et que si M. Douglas l'avait tenu à jour et avait travaillé avec lui, M. Smith lui aurait garanti son poste pendant cette période, mais qu'en raison des besoins opérationnels, il ne pouvait pas le faire sans obtenir des renseignements plus définitifs que ceux que lui avait donnés M. Douglas avant la date de congédiement.

[32] Avant d'envoyer à M. Douglas le formulaire en avril et de le congédier, M. Smith n'a pas communiqué avec M. Douglas pour voir comment il allait, pour voir si les choses progressaient ou pour tenter de lui trouver des travaux légers ou du travail modifié en attendant la chirurgie. M. Douglas n'a pas non plus communiqué directement avec M. Smith pour lui donner une mise à jour ou pour lui demander de lui trouver du travail modifié. M. Smith a reconnu dans son témoignage que lorsqu'il a congédié M. Douglas, il ne savait pas, ou il n'a pas tenté de déterminer, si M. Douglas serait en mesure de retourner au travail comme chauffeur de camion à SLH capable de lever des articles lourds, comme le nécessitent les tâches normales de chauffeur de camion pour l'entreprise, qu'il s'agisse de parcours de distribution ou non, ou en mesure de faire tout autre travail pour SLH. En aucun temps M. Smith n'a tenté d'accommoder M. Douglas ou de lui trouver des travaux légers ou d'autre travail.

[33] Lorsqu'il a congédié M. Douglas, M. Smith n'avait plus aucun intérêt à trouver du travail pour M. Douglas à SLH et il s'est concentré plutôt sur l'embauche d'un remplaçant. Après le congédiement de M. Douglas, SLH n'a pris aucunes mesures pour le réintégrer et lui trouver un emploi, malgré les communications de Sun Life faisant part du désir de M. Douglas de revenir au travail. SLH n'a pas tenté de savoir si, après la chirurgie, M. Douglas serait en mesure de conduire un camion ou d'effectuer tout autre travail pour l'entreprise. À l'audience, aucune preuve n'a été présentée pour démontrer que M. Douglas avait communiqué directement avec SLH pour être réembauché dans quelque poste que ce soit après son congédiement, mais il a avisé Sun Life de son désir de retourner travailler pour SLH. Sun Life, par l'entremise de Carmen LeFort, une conseillère en gestion de la santé, s'est enquérie auprès de Sue Reid au nom de M. Douglas à ce sujet, sans succès.

[34] Alors que M. Douglas était en congé et recevait des prestations d'ILD pour ses deux premiers congés de maladie, SLH lui a garanti son poste et lui a permis de retourner au travail et de reprendre ses tâches de chauffeur de camion, qui comprenaient le fait de lever des articles lourds. SLH ne lui avait pas demandé de remplir un formulaire dans lequel il aurait indiqué la date de sa chirurgie ni sa date de retour et n'a jamais exprimé d'inquiétude au sujet du besoin de trouver un remplaçant à temps plein. D'autres chauffeurs de camion de SLH avaient aussi été traités de la même façon au cours des années et avaient retrouvé leur emploi de chauffeur de camion à temps plein après l'ILD, sans aucune restriction au sujet du transport d'articles lourds. Aaron Douglas, le frère du plaignant, a subi une chirurgie au genou et une chirurgie pour une hernie et il est retourné à son poste après avoir été en congé médical et avoir reçu des prestations d'ILD pendant plusieurs mois. On lui a attribué des travaux légers comme accommodement en raison de son hernie, pendant une courte période de temps avant sa chirurgie.

[35] Au moins quatre autres chauffeurs de camion de SLH qui avaient été en congé entre un et quatre ans en ILD et en congé de maladie pour accidents du travail n'ont pas été congédiés et n'ont pas eu à indiquer quelle serait leur date de chirurgie et leur date de retour au travail. SLH a continué à payer leurs primes. Aucune question au sujet du besoin de congédier ces employés ou de leur trouver des remplaçants n'ont été soulevées. Il n'existe aucune preuve qu'un autre employé de SLH aurait été congédié alors qu'il était en ILD et attendait une chirurgie, ou même congédié pour toute autre raison. La preuve démontre que personne d'autre au sein de SLH n'a perdu de travail en raison des conditions économiques difficiles, mais les postes vacants n'ont pas été comblés.

[36] Pendant l'époque à laquelle M. Douglas a travaillé en 2006, avant d'être en congé en novembre de cette année, il avait gagné un salaire brut d'environ 3 000 $ par mois. Il était payé à la quinzaine et des déductions étaient retirées de sa paye pour les impôts, sa contribution à son Régime enregistré d'épargne-retraite (REER) d'environ 4 p. 100, que la compagnie appariait, et pour ses primes d'ensemble d'avantages sociaux de Sun Life. Cet ensemble d'avantages sociaux couvrait les prestations d'assurance médicale, d'assurance dentaire et d'assurance-vie. Cet ensemble était payé à 65 p. 100 par la compagnie et à 35 p. 100 par M. Douglas. Le montant de la contribution de M. Douglas à la quinzaine pour cet ensemble d'avantages sociaux était d'environ 77 $. M. Douglas payait entièrement ses prestations d'ILD à même son paiement à la quinzaine de 77 $.

[37] Le montant net à la quinzaine que M. Douglas recevait pendant la période immédiatement avant qu'il quitte en congé de maladie était d'environ 800 $ toutes les deux semaines. Lorsque M. Douglas s'est retrouvé en congé et qu'il a commencé à être payé par l'ILD après son congédiement, il n'a plus reçu de paiement de la compagnie pour sa couverture d'assurance médicale, d'assurance dentaire et d'assurance-vie Sun Life ni de contribution de la compagnie à son REER. Il a dû avoir recours aux avantages sociaux en matière de santé de Mme Gillis pendant cette période, qui n'étaient pas suffisants pour payer toutes ses dépenses en matière de santé, telles que les frais de physiothérapie, dont Sun Life a volontairement payé une partie jusqu'à ce qu'il cesse la physiothérapie en septembre 2008. Il recevait mensuellement des prestations d'ILD de 1 830 $, ce qui signifie que le montant net à la quinzaine qu'il recevait était environ le même lorsqu'il était en ILD que lorsqu'il travaillait. Cela est partiellement dû au fait que le montant mensuel d'ILD n'était pas imposable. De plus, il n'avait aucune déduction pour sa contribution à une pension ou pour d'autres coûts d'avantages sociaux.

[38] Pendant toute la période où M. Douglas a reçu des prestations d'ILD, il n'a eu à faire aucun paiement pour la couverture d'assurance-invalidité puisqu'il recevait des prestations d'invalidité. Par conséquent, essentiellement, le revenu net de M. Douglas était approximativement le même après qu'il eut été congédié, jusqu'à ce que les paiements d'invalidité se terminent le 23 mars 2009, que le revenu qu'il aurait obtenu s'il avait travaillé. Pendant cette période, s'il avait toujours été employé par SLH, s'il n'avait pas été en congé pour invalidité, mais qu'il n'avait pas travaillé pour une autre raison (par exemple parce qu'il ne souhaitait pas prendre de quart de travail ou parce que la compagnie n'avait pas de travail pour lui), il n'aurait pas été payé par la compagnie et seuls ses avantages sociaux auraient été payés, puisqu'il n'était seulement rémunéré que lorsqu'il travaillait réellement. D'un autre côté, s'il avait travaillé pendant cette période à SLH, les prestations d'invalidité auraient cessé et on lui aurait payé son salaire normal en plus de la partie des frais de l'ensemble d'avantages sociaux que la compagnie payait.

[39] Avant le congédiement, Mme Gillis avait régulièrement communiqué avec le bureau du Dr Gross pour déterminer si une date de chirurgie était disponible pour M. Douglas. Comme la lettre de congédiement citait son incapacité à obtenir une date de chirurgie dans une période raisonnable de temps comme raison pour le congédiement, avec l'aide de Mme Gillis, M. Douglas a écrit au bureau du Dr Gross peu de temps après son congédiement pour mentionner qu'il avait été congédié en raison de son incapacité à obtenir un rendez-vous pour sa chirurgie et pour demander si le Dr Gross pouvait lui donner une date de chirurgie. La lettre demandait au Dr Gross d'aviser M. Douglas si une date avait été déterminée et d'indiquer si M. Douglas attendait réellement une chirurgie. En réponse, le Dr Gross lui a réécrit le 17 mai 2007 pour l'aviser qu'il ne pouvait pas lui donner une date de chirurgie puisque l'allocation des dates fonctionnait par rapport à la priorité et qu'il faudrait du temps avant que le rendez-vous de M. Douglas soit prévu. Le Dr Gross a exprimé sa frustration et sa sympathie au sujet de la situation.

[40] Par conséquent, M. Douglas est allé voir la Dre Leckey pour déterminer si elle pouvait le référer à quelqu'un d'autre qui pourrait effectuer la chirurgie plus rapidement. Elle a communiqué avec le Dr Yepes, un chirurgien au Cap-Breton. M. Douglas et son frère Aaron ont effectué le voyage de quatre heures jusqu'au bureau du Dr Yepes à Sydney en octobre 2007. Le Dr Yepes a dit à M. Douglas qu'il devait subir une chirurgie et qu'on communiquerait avec lui lorsqu'une date de chirurgie serait établie à New Waterford. Mme Gillis a continué à communiquer régulièrement avec le bureau du Dr Yepes pour tenter d'obtenir une date de chirurgie pour M. Douglas.

[41] Le 17 janvier 2008, M. Douglas a subi sa chirurgie en raison d'une annulation qui avait eu lieu dans l'horaire de chirurgie du Dr Yepes. Après la chirurgie, M. Douglas a eu des consultations postopératoires avec le Dr Yepes pendant environ six semaines après la chirurgie et il a ensuite subi de la physiothérapie à l'établissement Beaverbank Orthopaedic and Sport Physiotherapy (Beaverbank) trois fois par semaine.

[42] M. Douglas a commencé la physiothérapie à Beaverbank en mars 2008. La physiothérapie lui était administrée par Chris Bergman, une physiothérapeute et la directrice de Beaverbank, trois fois par semaine jusqu'en septembre 2008, auquel moment Mme Bergman a donné son congé à M. Douglas parce que ses progrès avaient, à ce moment-là, atteint selon elle un plateau. M. Douglas avait des exercices à effectuer à la clinique et à la maison. Au début, il ressentait régulièrement des douleurs et de l'inconfort importants à son genou droit lorsqu'il faisait les exercices, mais avec le temps et la physiothérapie continue, ainsi qu'avec les exercices à la maison, son état s'est amélioré vers juin 2008. En général, sa force s'est améliorée, cependant, lorsqu'il ajoutait du poids sur son genou droit, M. Douglas avait plus de difficulté que lorsqu'il effectuait des exercices sans poids ajouté, parce qu'une partie du coussinage avait été retirée de son genou lors de la chirurgie.

[43] Le 23 septembre 2008, Mme Bergman a effectué une évaluation des capacités fonctionnelles de M. Douglas. Cette évaluation porte aussi le nom d'évaluation des aptitudes physiques. Le test a été administré à la demande de Carmen LeFort afin de déterminer quel était le potentiel de réhabilitation de M. Douglas. À la suite de l'évaluation de M. Douglas, Mme Bergman a déterminé qu'en septembre 2008, il ne pouvait pas lever des poids lourds ou très lourds, mais il pouvait lever, transporter, pousser ou tirer des poids moyens. Cela signifiait qu'il pouvait parfois lever des articles entre 21 et 50 livres, fréquemment lever des articles entre 11 et 25 livres et constamment lever des articles d'une à cinq livres. Mme Bergman était d'avis que, en raison de l'état de son genou droit, il ne pouvait pas lever des articles tels que des réfrigérateurs, des fours, des laveuses, des sécheuses et des tracteurs à gazon, qui faisaient normalement partie des parcours de distribution qu'il avait au sein de SLH, même avec l'équipement fourni par SLH pour ces parcours.

[44] À la demande de l'avocat du plaignant, Mme Bergman a aussi préparé une lettre le 23 mars 2009 fondée sur les résultats de l'évaluation fonctionnelle de septembre 2008 afin de déterminer si M. Douglas pouvait, en date de septembre 2008, retourner au travail avec ou sans accommodement sur un horaire modifié ou à temps plein dans les diverses catégories de parcours de distribution, de transport à destination, sans avoir à lever des poids lourds, ou du travail administratif qui ne comportait pas de conduite de camion. Elle a conclu qu'il ne pouvait pas retourner aux parcours de distribution ni aux transports à destination qui comportaient le fait de lever des poids lourds, mais qu'il aurait pu reprendre son travail de chauffeur de camion dans des transports à destination qui ne comportaient pas le fait de lever des poids lourds et qu'il aurait pu retourner au travail dans un poste administratif, du point de vue physique.

[45] Ruth Duggan est une ergothérapeute qui est travailleuse indépendante pour les Cornerstone Occupational Therapy Consultants (Cornerstone). Mme Duggan et Chris Bergman ont livré un témoignage d'expert à l'audience. Mme Duggan effectue des analyses de demandes d'emploi, de la réadaptation judiciaire et des évaluations de la capacité fonctionnelle pour déterminer si des employés blessés peuvent être jumelés à différents emplois ou si on peut les accommoder dans le secteur industriel. Sans que Mme Duggar n'ait rencontré ni examiné M. Douglas, SLH lui a demandé d'examiner son dossier médical et d'utiliser les renseignements médicaux et les renseignements fonctionnels du dossier afin de déterminer quelles étaient ses capacités. Elle devait ensuite examiner les autres postes disponibles au sein de SLH et analyser ces postes afin de déterminer s'il y avait un emploi qui correspondait aux habiletés et aux capacités de M. Douglas et si des accommodements raisonnables pouvaient être faits. Elle a préparé son rapport le 7 mai 2009. Avant d'écrire son rapport, elle a rencontré M. Smith et lui a posé des questions au sujet des différents emplois qui étaient disponibles au sein de SLH. Elle a aussi visité le terminal pendant environ une demi-journée à Bedford pour observer le fonctionnement. Elle a observé les employés alors qu'ils travaillaient et a posé des questions à un certain nombre d'entre eux au sujet de leurs diverses tâches. Elle a effectué quelques enquêtes, y compris la pesée des articles et l'observation de situations afin d'effectuer ses recherches.

[46] Mme Duggan a supposé que l'évaluation des capacités fonctionnelles ou l'évaluation des aptitudes physiques, effectuée par Mme Bergman en septembre 2008, était correcte. Elle a supposé que les capacités de M. Douglas étaient d'effectuer du travail à un niveau de demande physique moyen, tel que le fait de lever, de transporter, de déplacer, de pousser ou de tirer des articles jusqu'à environ 50 livres de façon occasionnelle et jusqu'à environ 25 livres de façon plus fréquente au cours d'une journée. Elle a aussi examiné le rapport d'analyse des compétences transférables qui avaient été préparé par Banyan Work Health Solutions (Banyan) en mai 2008, tel que demandé par Sun Life, qui ciblait différents emplois que M. Douglas serait probablement en mesure d'occuper.

[47] Bien que la conduite d'un camion fusse un emploi ciblé par Banyan comme compatible, Mme Duggan était d'avis que comme le fait de conduire un camion signifiait différentes choses selon ce qui était requis de la personne, il était nécessaire de déterminer ce que le terme signifiait relativement aux emplois disponibles au sein de SLH. Elle a examiné les différents emplois de conduite de camion à SLH, y compris le parcours de distribution, qui selon elle relevait d'une situation de demande physique difficile et lourde du point de vue des exigences physiques, parce qu'il nécessitait le fait de lever fréquemment des articles de plus de 50 livres, même s'il y avait deux personnes sur place. Elle a conclu qu'il s'agirait d'une demande physique lourde que M. Douglas ne pouvait pas soutenir.

[48] Mme Duggan a aussi examiné les autres parcours qui pouvaient occasionnellement être du transport à destination sans avoir à lever de poids, mais qui nécessiteraient quand même une demande physique moyenne pour lever les béquilles du tracteur de remorque. Il s'agissait d'une tâche moyenne que M. Douglas était capable de faire. Cependant, le transport à destination ne représentait qu'une minorité du travail du transport ne comportant pas de distribution dans une journée normale et cela variait d'un jour à l'autre. La majorité du travail ne comportant pas de distribution lors d'une journée normale comportait le chargement, le déchargement et le fait de lever dans une certaine mesure, pour un seul employé, des articles lourds. Par conséquent, elle était d'avis que le travail au sein de SLH qui n'était pas de la distribution comportait le fait de lever des poids lourds et que M. Douglas ne serait pas capable de faire ce travail, puisqu'il n'était pas capable de fournir un effort physique plus que moyen. Ainsi, Mme Duggan était d'avis que M. Douglas ne pourrait pas être chauffeur de camion pour SLH, puisque ce poste entraînait toujours une certaine quantité de transport de poids lourds qui dépassait ses capacités.

[49] Mme Duggan a ensuite examiné les autres postes disponibles au sein de SLH, y compris le poste de répartiteur, puisque le rapport de Banyan avait ciblé ce poste comme un jumelage potentiel d'emploi. Elle a conclu que le poste de répartition entraînait plus que les tâches normales de répartition, mais qu'il comportait aussi un rôle de supervision qui plaçait le poste dans une autre catégorie en termes d'aptitudes cognitives nécessaires, ainsi que d'aptitudes organisationnelles, d'aptitudes de communication et d'aptitudes en leadership. Elle a conclu que ce poste comprenait des situations possibles de confrontation avec les employés et les clients, ainsi que des situations disciplinaires. Elle était d'avis que bien que M. Douglas ait les capacités physiques pour effectuer ce travail, rien ne donnait à penser qu'il serait en mesure de faire le travail du point de vue cognitif et du point de vue de la supervision ou de la gestion. Cependant, elle a reconnu qu'aucun examen n'avait été fait des capacités mentales ou des autres capacités de M. Douglas pour ce poste.

[50] Mme Duggan a aussi examiné le potentiel de M. Douglas de travailler comme mécanicien pour SLH. Cependant, pour être mécanicien, il lui fallait avoir une certaine formation, y compris un cours de formation de quatre ans. Elle a conclu qu'il ne s'agissait pas d'un jumelage approprié pour M. Douglas. Elle a aussi examiné les autres fonctions administratives, y compris des emplois de bureau, au sein de SLH, mais elle a conclu qu'il n'existait aucun jumelage approprié pour ces emplois, puisque M. Douglas n'avait aucune expérience, aucune qualification ou aucune formation pour ces postes.

[51] Le 28 mai 2009, à la demande de Mme Raymond, Mme Bergman a examiné le rapport de Mme Duggan. Elle était d'accord avec Mme Duggan que ni le parcours de distribution ni le transport à destination comportant le fait de manuellement lever des articles lourds et de charger et de décharger le camion serait un bon jumelage compte tenu des capacités physiques de M. Douglas. Mme Bergman a mentionné qu'elle était d'avis que M. Douglas pouvait effectuer le travail d'un répartiteur du point de vue physique, mais a noté que le rapport de Mme Duggan soulignait qu'il n'avait pas les aptitudes de calcul et de bureau nécessaires pour occuper ce poste. Mme Bergman était d'avis que M. Douglas devrait subir un examen objectif pour ces exigences. Elle était d'accord avec Mme Duggan que M. Douglas n'avait pas la formation nécessaire pour être mécanicien.

[52] Dans une autre lettre datée du 3 juin 2009, une fois de plus en réponse à une demande de Mme Raymond, Mme Bergman a souligné que si le poste de chauffeur de camion était purement constitué de transports à destination, comme le poste que le plaignant occupe présentement chez HBC, il serait en mesure d'effectuer ce travail sans avoir besoin d'accommodement.

[53] Karen MacDonald, une gestionnaire de dossiers, capacités, chez Sun Life a demandé à Sue Reid de SLH, en mars 2007, si SLH était en mesure d'accommoder M. Douglas avec des travaux légers, mais Sue Reid lui a répondu que SLH n'avait besoin que de chauffeur s de camion et d'employés d'entrepôt, ce qui ne correspondait pas à l'état de M. Douglas à l'époque. En juin 2007, SLH a avisé Carmen LeFort que M. Douglas ne serait pas réembauché de toute façon. Carmen LeFort a rencontré M. Douglas en mai 2008 pour examiner d'autres possibilités de travail. Elle l'a référé à Banyan pour l'aider à se trouver un nouveau travail et pour recevoir de la formation, mais après un premier contact lors duquel Banyan a préparé son rapport au sujet des capacités fonctionnelles et de l'analyse des compétences transférables de M. Douglas, la firme n'a pas effectué de suivi auprès de ce dernier. SLH n'a jamais exprimé l'intérêt de permettre à M. Douglas de revenir au travail après l'envoi de la lettre de congédiement et malgré les communications de Sun Life à savoir si des possibilités d'emploi pour M. Douglas existaient.

[54] SLH n'a jamais tenté d'évaluer les capacités de M. Douglas après qu'il a quitté le travail en raison de ses problèmes au genou droit et après sa chirurgie afin de le réembaucher, et n'a jamais déployé d'efforts pour l'accommoder en milieu de travail en changeant le poste de chauffeur de camion, en lui offrant une autre formation, en le réaffectant dans d'autres domaines d'opérations au sein de SLH ou en lui offrant du travail modifié. Carmen LeFort a avisé Sue Reid le 6 mai 2008 que M. Douglas participait à un programme de réadaptation, qu'il était motivé à retourner au travail et qu'elle continuerait de donner des mises à jour à Sue Reid. SLH a répondu qu'il n'y avait aucun emploi disponible pour M. Douglas.

[55] Carmen LeFort, qui a témoigné à l'audience, était d'avis que M. Douglas a toujours été motivé à retourner au travail au sein de SLH. Il a obtenu sa propre date de chirurgie. Il s'est rendu au Cap-Breton pour subir sa chirurgie. Lisa Gillis et lui sont toujours restés en contact avec Sun Life. M. Douglas a toujours communiqué à Sun Life son désir de retourner à SLH comme il l'avait fait lorsqu'il avait subi sa chirurgie au genou gauche.

[56] M. Douglas a commencé à se chercher du travail ailleurs après que Mme Bergman l'a avisé en septembre 2008 que ses progrès avaient atteint un plateau et qu'elle lui donne son congé de la physiothérapie. Vers cette époque, Sun Life a payé à M. Douglas un montant forfaitaire d'environ 8 000 $ pour le reste de ses avantages d'ILD impayés jusqu'au 23 mars 2009 et a fermé son dossier. Avec l'aide de Mme Gillis, il a envoyé des demandes d'emploi avec son CV à divers employeurs pour des postes de chauffeur de camion. Il a finalement trouvé son emploi actuel chez HBC comme chauffeur de camion dans un poste purement de transports à destination, où il est entré en fonctions le 1er avril 2009.

[57] M. Douglas a reconnu que son poste actuel était parfait, puisqu'il n'a pas à lever, à charger ou à décharger des articles et que la rémunération est pratiquement la même que celle qu'il recevait chez SLH. Il a admis qu'il ne peut plus effectuer de parcours de distribution en raison du stress que cela causerait à son genou droit. Il a aussi reconnu qu'il n'existait pas de transport purement à destination à SLH, puisque tous les parcours exigeaient qu'il lève des articles lourds et qu'il charge et qu'il décharge le camion. Néanmoins, il a exprimé le désir d'être réembauché au sein de SLH soit comme chauffeur de camion, avec les changements et les accommodements nécessaires pour correspondre à ses capacités, soit comme répartiteur. Il est d'avis qu'il pourrait être formé afin de devenir répartiteur, même s'il n'a aucune expérience en la matière.

[58] M. Douglas croit que SLH a fait preuve de discrimination envers lui en raison de sa déficience physique. Il est d'avis que ce n'est pas par sa faute, mais plutôt en raison des problèmes importants d'établissement de calendrier pour la chirurgie du système de santé qu'il a perdu son emploi. La preuve démontre que jusqu'à la fin avril 2009, le Dr Gross n'aurait pas pu lui réserver une date de chirurgie, s'il avait attendu que le Dr Gross soit libre pour effectuer la chirurgie.

[59] Après le congédiement de M. Douglas, deux nouveaux chauffeurs de camion ont été embauchés pour des parcours de distribution. De plus, deux employés existants ont été transférés aux opérations de répartition. L'un de ces employés est devenu répartiteur à temps plein en juin 2007, après avoir été répartiteur à temps partiel. De plus, un chauffeur de camion a été embauché comme répartiteur à temps partiel en mars 2009. Il y a eu un concours pour un poste à temps partiel, qui comprenait un test général et un test d'aptitudes mathématiques. Le candidat retenu avait un diplôme universitaire et a obtenu le meilleur résultat de l'examen.

[60] M. Smith n'était pas d'avis que M. Douglas avait les qualités requises pour être répartiteur. Il croyait que M. Douglas n'avait pas les qualités requises en matière de leadership pour donner des directives à d'autres employés à titre de gestionnaire, ni le niveau d'intelligence nécessaire pour développer les diverses habiletés en informatique et en mathématiques requises pour déterminer les besoins en matière de chargement et dans d'autres domaines reliés. Il ne croyait pas non plus que M. Douglas avait les habiletés nécessaires pour traiter avec les clients et les employés dans des situations de stress qui existaient en répartition.

[61] SLH n'a pas de poste de chauffeur de camion à combler présentement en raison du déclin de l'économie. Selon le témoignage incontesté de M. Smith, aucun nouveau chauffeur n'a été embauché récemment et, en raison de deux départs, l'effectif des chauffeurs a été réduit et les postes vacants n'ont pas été comblés.

[62] M. Smith a témoigné qu'aucun équipement ne pouvait être utilisé de façon sécuritaire pour accommoder M. Douglas si celui-ci occupait un poste de chauffeur de camion au sein de SLH dans lequel il n'aurait pas à lever d'articles lourds, pour respecter ses restrictions physiques. L'équipement que SLH utilise est le meilleur que l'industrie peut offrir à ce sujet et les divers types de vérins hydrauliques ou de chariots élévateurs à fourche sur le marché seraient trop lourds pour être entreposés dans un camion et pourraient détruire les rampes de chargement. Par conséquent, il n'y avait aucun moyen d'accommoder une personne telle que M. Douglas dans un poste de chauffeur de camion au sein de SLH.

[63] M. Smith a reconnu que si ce n'était des problèmes de genou droit de M. Douglas et de son incapacité à revenir au travail dans les six mois suivant son départ, alors qu'il attendait une chirurgie, il n'aurait pas été congédié.

IV. Les questions en litige

[64] Deux questions doivent être tranchées en l'espèce :

  1. Le plaignant a-t-il établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience?
  2. L'intimée a-t-elle fourni une explication raisonnable qui ne constitue pas un prétexte à la discrimination?

V. ANALYSE ET CONCLUSIONS

[65] La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l'absence de réplique de la partie intimée. La réplique ou l'explication doit être crue et ne pas se révéler être un prétexte; voir CCDP c. Canada, 2005 CAF 154, paragraphe 26. Lorsqu'un plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination, il a droit à une réparation en l'absence de justification de la part de l'intimé. Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson-Sears, [1985] 2 R.C.S. 36; Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, paragraphe 18.

[66] Une fois que la preuve prima facie de discrimination est établie, le fardeau de la preuve incombe par la suite à l'intimé, qui doit montrer que l'acte discriminatoire allégué ne s'est pas produit tel qu'allégué ou que l'acte était d'une manière ou d'une autre non discriminatoire ou justifié. Il n'est pas essentiel que des considérations d'ordre discriminatoire soient les seuls motifs de la question en litige pour que la plainte soit maintenue. Il suffit que la discrimination ne soit que l'une des raisons de l'acte ou de la décision. Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux (1990), 14 C.H.R.R. D/12) (C.A.F.).

[67] L'intimée a mis fin à l'emploi du plaignant à titre de chauffeur de camion alors qu'il était en congé médical justifié de six mois en attente d'une chirurgie pour son genou droit. Les motifs donnés par l'intimée pour le congédiement étaient que l'absence du plaignant lui causait des difficultés opérationnelles dans ses activités d'entreprise et qu'en raison de cette absence, ainsi que de l'incapacité du plaignant à fournir une date définitive de chirurgie et de retour au travail, l'intimée devait le congédier et embaucher un remplaçant à temps plein. Le plaignant a fait tout ce qu'il pouvait pour obtenir une date de chirurgie. Il n'avait aucun contrôle sur l'établissement d'un calendrier pour sa chirurgie. Sauf pour le paiement des frais de sa part des avantages sociaux, l'intimée n'a encouru aucun frais d'emploi ou de rémunération alors que le plaignant était en congé médical avant son congédiement.

[68] Par conséquent, le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience.

[69] L'intimée a présenté l'argument, à titre de justification et d'explication, qu'elle s'était fondée sur les renseignements qu'elle avait reçus au sujet du Code canadien du travail lorsqu'elle a décidé de congédier le plaignant seulement après que 12 semaines se soient écoulées depuis le début de son congé médical. À ce sujet, le paragraphe 239(1) du Code canadien du travail prévoit :

INTERDICTION

239.(1) SOUS RÉSERVE DU PARAGRAPHE (1.1), L'EMPLOYEUR NE PEUT CONGÉDIER, SUSPENDRE, METTRE À PIED NI RÉTROGRADER UN EMPLOYÉ, NI PRENDRE DES MESURES DISCIPLINAIRES CONTRE LUI, POUR ABSENCE EN RAISON DE MALADIE OU D'ACCIDENT SI CELUI-CI REMPLIT PAR AILLEURS LES CONDITIONS SUIVANTES :

A) IL TRAVAILLE SANS INTERRUPTION POUR LUI DEPUIS AU MOINS TROIS MOIS;

B) IL N'EST PAS ABSENT PENDANT PLUS DE DOUZE SEMAINES;

C) IL FOURNIT À L'EMPLOYEUR, SUR DEMANDE DE CELUI-CI PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT DANS LES QUINZE JOURS DU RETOUR AU TRAVAIL, UN CERTIFICAT D'UN MÉDECIN QUALIFIÉ ATTESTANT QU'IL ÉTAIT, POUR CAUSE DE MALADIE OU D'ACCIDENT, INCAPABLE DE TRAVAILLER PENDANT LA PÉRIODE QUI Y EST PRÉCISÉE, CELLE-CI DEVANT CORRESPONDRE À CELLE DE L'ABSENCE.

[70] Le Code vise à protéger les employés. L'article susmentionné du Code est une interdiction de l'employeur de congédier un employé en congé médical avant 12 semaines si celui-ci a travaillé pour l'employeur pendant au moins trois mois sans interruption, dans les cas comme celui en l'espèce où il y a congé médical pour une blessure qui n'est pas liée au travail. Cet article n'accorde pas la permission, de façon paradoxale, à un employeur de contrevenir à l'article 7 de la Loi canadienne des droits de la personne dans des circonstances telles que celles qui existent en l'espèce. Une conclusion contraire subordonnerait la Loi au Code, malgré le fait que ces deux mesures législatives visent à protéger les employés. Même si le paragraphe 239(1) du Code et l'article 7 de la Loi sont interprétés de façon conflictuelle l'un envers l'autre, la Loi a prépondérance à titre de mesure législative quasi-constitutionnelle. Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink, [1982] 2 R.C.S. 145, Winnipeg School Division No. 1 c. Craton, [1985] 2 R.C.S. 150, Canada (Procureur général) c. Uzoaba [1995] 2 C.F. 569, Canada c. Vaid, 2005 CSC 30, au paragraphe 81.

[71] Par conséquent, l'intimée n'a pas présenté d'explication ou de justification raisonnable pour la façon discriminatoire dont elle a congédié le plaignant en l'espèce.

[72] L'alinéa 15(1)a) et le paragraphe 15(2) de la Loi prévoient des exceptions pour des cas qui seraient autrement considérés comme des actes discriminatoires :

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées;

Besoins des individus

(2) Les faits prévus à l'alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l'alinéa (1)g), s'il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[73] La preuve incontestée démontre qu'au moment où M. Douglas a été congédié, plusieurs autres chauffeurs de camion étaient aussi en congé médical pour des périodes considérablement plus longues que le congé du plaignant et n'ont pas été congédiés par l'intimée ni questionnés au sujet du moment auquel ils retourneraient possiblement au travail. L'intimée n'a pas non plus senti le besoin de les congédier et d'embaucher des remplaçants à temps plein pour ces chauffeurs. Toute la preuve produite à l'audience au sujet de la capacité du plaignant à effectuer son travail après sa chirurgie ou à être accommodé dans un autre poste est venue après le congédiement et a été produite pour les besoins de l'audience. Au moment du congédiement, l'intimée n'a pas, d'une quelconque façon, examiné si le plaignant pouvait revenir au travail après sa chirurgie, comme il l'avait fait plusieurs années plus tôt après sa chirurgie au genou gauche et comme les autres employés avaient pu le faire sans être congédiés ni remplacés. L'intimée n'a pas non plus, au moment du congédiement, examiné la possibilité d'offrir au plaignant des travaux modifiés ou de l'accommoder d'une quelconque façon en milieu de travail en changeant son emploi ou en lui offrant d'autres possibilités.

[74] Par conséquent, les dispositions de l'alinéa 15 (1)a) de la Loi ne s'appliquent pas en l'espèce et ne peuvent pas exempter la conduite de l'intimée des pratiques discriminatoires.

VI. LA DÉCISION

[75] Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que la plainte est fondée.

VII. RÉPARATIONS

[76] Le plaignant m'a demandé d'exercer mon pouvoir discrétionnaire afin de rendre une ordonnance comprenant les diverses dispositions suivantes, prévues aux paragraphes 53(2) et (3) de la Loi :

53.(2) À l'issue de l'instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l'article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire :

b) d'accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l'acte l'a privée;

c) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte;

e) d'indemniser jusqu'à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l'auteur d'un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s'il en vient à la conclusion que l'acte a été délibéré ou inconsidéré.

[77] Compte tenu des faits en l'espèce, il ne convient pas que j'exerce mon pouvoir discrétionnaire, prévu à l'alinéa 53 (2)b), d'ordonner à l'intimée de réembaucher le plaignant. Une telle ordonnance obligerait le plaignant à abandonner son poste actuel chez HBC, qu'il a décrit comme étant l'emploi parfait, et obligerait l'intimée à réintégrer le plaignant dans un environnement de travail où il ne semble pas, compte tenu de la preuve, exister un emploi de conduite de camion que le plaignant puisse physiquement effectuer ni d'autre travail qu'il soit présentement qualifié pour faire ou qui lui soit disponible. Je ne suis pas prêt à risquer la possibilité que le plaignant ne soit pas en mesure d'effectuer le travail chez l'intimée après qu'il a quitté son emploi parfait chez HBC. L'objectif des réparations prévues par la Loi est d'accorder au plaignant les droits dont l'acte l'a privé. L'effet d'inclure dans une ordonnance la clause demandée serait contraire à cet objectif. Milano c. Triple K Transport, 2003 TCDP 30, au paragraphe 63; OHRC c. Naraine, 2001 CanLII 21234, aux paragraphes 68 à 74.

[78] Compte tenu des faits en l'espèce, il ne convient pas que j'exerce mon pouvoir discrétionnaire, prévu à l'alinéa 53(2)c), d'ordonner à l'intimée d'indemniser le plaignant pour toute perte de salaire, puisque le plaignant n'a pas perdu de salaire. Le plaignant n'aurait pas été payé par l'intimée s'il n'avait pas été congédié, sauf s'il avait réellement travaillé. Alors qu'il était en congé de maladie, le plaignant a reçu essentiellement le même montant net de rémunération par l'entremise de ses prestations d'invalidité que celui qu'il aurait obtenu s'il avait continué à travailler comme chauffeur de camion pour l'intimée. Ses prestations d'invalidité se sont terminées dans la semaine précédant le moment où il a trouvé un nouvel emploi qui lui a donné le même salaire, ou un meilleur salaire, qu'il recevait lorsqu'il travaillait pour l'intimée. En d'autres mots, s'il n'y avait pas eu acte discriminatoire contre le plaignant, c'est-à-dire le congédiement pendant son congé de maladie, il aurait soit (i) poursuivi son congé de maladie en ne recevant que ses prestations d'invalidité, de la même façon que lorsqu'il avait été en congé de maladie plusieurs années plus tôt pour sa chirurgie au genou gauche ou (ii) il serait retourné au travail à un certain moment avant la fin mars 2009 et il aurait alors reçu son salaire de l'intimée, mais il n'aurait pas reçu de prestations d'invalidité, qui correspondaient essentiellement au même montant que la rémunération qu'il aurait reçue de l'intimée.

[79] Compte tenu des faits en l'espèce, il convient que j'exerce mon pouvoir discrétionnaire, prévu à l'alinéa 53(2)e), d'ordonner à l'intimée d'indemniser le plaignant pour le préjudice moral dont il a souffert en raison de la pratique discriminatoire. Plus tôt dans la présente décision, j'ai résumé les faits concernant les répercussions du congédiement du plaignant après presque neuf ans d'emploi, alors qu'il attendait une date de chirurgie pour son genou. Le congédiement soudain a été un coup dur pour une personne qui souffrait déjà des douleurs et des difficultés causées par sa blessure et qui avait des antécédents de problèmes d'anxiété. Le congédiement lui a causé, pendant une longue période de temps, de l'anxiété, de la dépression et du désespoir. Il croyait qu'il n'avait aucun emploi ou aucune possibilité d'emploi à une époque où il n'allait pas bien et où il avait des dettes en raison de la maison qu'il venait tout juste d'acheter. Par conséquent, j'ordonne à l'intimée de payer au plaignant une indemnité d'un montant de quinze milles (15 000 $) dollars conformément à l'alinéa 53(2)e) de la Loi.

[80] Compte tenu des faits en l'espèce, il convient que j'exerce mon pouvoir discrétionnaire, prévu au paragraphe 53(3), d'ordonner à l'intimée de payer au plaignant une indemnité pour avoir délibérément congédié le plaignant alors qu'il était en congé médical, en contravention de l'article 7 de la Loi. Une fois de plus, les faits déjà établis dans la présente décision indiquent que, bien que l'intimée soutienne qu'elle n'avait aucune animosité envers le plaignant, ses actions ont donné une autre impression. Le plaignant tentait clairement d'obtenir une date de chirurgie - fait dont l'intimée était au courant. Il est bien connu que présentement au Canada les périodes d'attente sont très longues pour les interventions chirurgicales non urgentes. Aucune preuve en l'espèce ne porte à croire que le plaignant avait un mauvais rendement ou une mauvaise conduite dans le passé. L'intimée ne payait pas de salaire au plaignant pendant son congé médical, donc il n'y aurait pas eu de perte monétaire réelle pour l'intimée si celle-ci avait gardé le plaignant à son emploi, du moins jusqu'à ce qu'elle puisse déterminer si le plaignant pouvait retourner au travail après sa chirurgie. L'intimée n'a pas congédié d'autres chauffeurs de camion parce qu'ils étaient en congé de maladie pour des périodes beaucoup plus longues que le plaignant, et elle ne leur a pas demandé des renseignements au sujet de la date prévue de chirurgie. Par conséquent, j'ordonne à l'intimée de payer au plaignant la somme de dix mille (10 000 $) dollars, conformément au paragraphe 53(3) de la Loi.

Edward P. Lustig

OTTAWA (Ontario)

Le 27 janvier 2010

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1321/5108

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Wayne Douglas c. SLH Transport Inc.

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

les 15 au 19 juin 2009 et
le 22 juin 2009

Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 27 janvier 2010

ONT COMPARU :

Kathryn A. Raymond

Pour le plaignant

(Aucune représentation)

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Michael J. O'Hara

Pour l'intimée

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