Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

SHELLEY ANN GRAVEL

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

l'intimée

DÉCISION

2010 TCDP 3
2010/02/03

MEMBRE INSTRUCTEUR : Réjean Bélanger

I. INTRODUCTION :

A. LA PLAIGNANTE SE REPRÉSENTE ELLE-MÊME :

II. FAITS ET REPROCHES À L'ORIGINE DE LA PLAINTE SELON UN ORDRE CHRONOLOGIQUE

A. Fermeture de l'Unité des programmes internationaux

B. Fermeture de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement

C. Abandon de la plaignante durant 6 semaines

D. La plaignante occupe le poste de secrétaire administrative auprès de la Directrice générale de l'équité et e la diversité

E. Invalidité de la plaignante

F. L'offre du poste de Coordonnateur de programme janvier 2004

G. Retour au travail de madame Gravel du 8 mars au 14 avril 2004

H. Période d'invalidité à long terme de la plaignante

I. L'intimée, qui était au courant de la dépression de la plaignante, aurait dû en tenir compte et faire les ajustements nécessaires lors de sa demande de retour au travail le 8 novembre 2004

J. Dernier jour de travail, Lettre de Démission et Retraite de la plaignante

III. LES AUTRES FAITS ET REPROCHES DE LA PLAIGNANTE

A. Les ressources humaines ne firent rien pour aider la plaignante

B. Personne aux Ressources humaines ne répondait aux messages de la plaignante

C. Traitement défavorable

D. Les ressources humaines ignorèrent l'expérience, les qualifications et les intérêts de la plaignante

E. L'intimée était au courant de la fibromyalgie de la plaignante et a refusé de faire les accommodements nécessaires

F. Le poste d'adjointe-administrative aurait dû être offert à la plaignante plutôt qu'à madame C. J.

G. L'intimée est responsable d'avoir faussement répandu la nouvelle de sa retraite

H. L'intimée est responsable de la démission de la plaignante

I. L'intimée est responsable de la détérioration de la santé de la plaignante

IV. CRITÈRES JURIDIQUES APPLICABLES

V. QUELLES SONT LES QUESTIONS EN LITIGE

A. 1ère Question en litige

(i) Preuve prima facie

(ii) La position de l'intimée

(iii) La conclusion

B. 2e Question en litige

(i) Preuve prima facie

(ii) La position de l'intimée

(iii) La conclusion

C. 3e Question en litige

(i) Preuve prima facie

(ii) La position de l'intimée

(iii) La conclusion

D. 4e Question en litige

(i) La preuve prima facie

(ii) La position de l'intimée

(iii) La conclusion

E. 5e Question en litige

(i) La preuve prima facie

(ii) La conclusion

VI. QUEL EST LE REDRESSEMENT APPROPRIÉ?

I. INTRODUCTION :

[1] La plaignante, qui est née le 29 juin 1944, allègue avoir travaillé durant une vingtaine d'années au Ministère des Affaires étrangères et Commerce international (MAECI), tant au Canada qu'à l'étranger. Au cours de cette période, elle apportait un soutien administratif à des employés de niveau senior du gouvernement. À un moment donné au cours de cette période, soit de 1989 à 1995, elle fut en congé d'invalidité à cause d'une fibromyalgie.

[2] Le 5 janvier 2001 la plaignante demanda son transfert du MAECI à l'Unité des programmes internationaux, qui était rattachée à la Direction de l'apprentissage pour les cadres de la Commission de la Fonction publique du Canada. Elle y occupa alors le poste de Coordonnateur du portefeuille, considéré comme un poste de nature cléricale et fut classée au groupe et niveau CR-5.

[3] Dans le but de moderniser sa structure, qui n'avait pas subi de transformation majeure depuis 1918, la Commission de la Fonction Publique effectua en 2003 de nombreuses modifications sans réduire ses effectifs. De plus, elle prit soin d'agir en conformité avec les recommandations du Task Force sur la modernisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique et dans le respect des changements législatifs tels qu'établis par la Loi C-25.

[4] Deux de ces transformations apportées à la Direction de l'apprentissage pour les cadres eurent des conséquences majeures pour la plaignante puisqu'ils entraînèrent dans un premier temps la fermeture le 30 juin 2003 de l'Unité des programmes internationaux où travaillait la plaignante. Cette fermeture provoqua automatiquement la suppression de 11 postes, dont celui de la plaignante.

[5] Dans un second temps, soit le 31 octobre 2003, les dirigeants fermèrent le reste de la Direction de l'apprentissage pour les cadres, qui avait été renommée Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement, à laquelle la plaignante avait été transférée. Cette seconde fermeture entraîna la disparition de 10 autres postes. Une fois de plus, le poste de la plaignante fut supprimé. Celle-ci se retrouva donc sans assignation précise.

[6] Au cours de la période subséquente et ce, jusqu'au début de 2005, la plaignante, qui avait le statut d'employée touchée, occupa différents postes au sein de la Commission de la Fonction publique, parfois avec assignation écrite et parfois sans assignation écrite ; elle passa également plusieurs mois en congé d'invalidité au cours de cette période. Le 13 janvier 2005, jugeant sa situation intenable, la plaignante démissionna de la Fonction publique et prit sa retraite.

[7] Le 28 février 2006, la plaignante déposa une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne à l'encontre de l'intimée, son ancien employeur, à savoir la Commission de la Fonction publique. Elle y alléguait que l'intimée avait fait montre de discrimination à son égard sur la base de son âge et de sa déficience et ce, en contravention avec les articles 7 (Emploi) et 10 (Lignes de conduite discriminatoires) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[8] Elle y allégua que sa santé s'était détériorée principalement à cause du comportement des agents de l'intimée ; que pour ces motifs, elle fut obligée de démissionner de son travail. Sa retraite précipitée l'aurait empêchée de continuer de travailler 5 ans de plus et d'ajouter 5 autres années de contributions à son régime de retraite, contrairement à son plan de carrière. Elle déclara en effet avoir prévu travailler jusqu'à l'âge de 65 ans. Les conséquences de sa retraite prématurée en découlant furent très dommageables sur les plans économiques et santé. Conséquemment, elle réclama une compensation pour les dommages subis.

A. LA PLAIGNANTE SE REPRÉSENTE ELLE-MÊME :

[9] La plaignante, au début de l'audience, le 14 septembre 2009, par le biais d'une requête préliminaire, demande verbalement au président du tribunal la permission de reporter l'audience à une date ultérieure, au motif qu'elle aurait besoin de plus de temps pour se constituer un nouveau procureur et mieux se préparer.

[10] Elle informa alors le tribunal qu'au moment du dépôt de sa plainte, elle avait accès aux services d'un procureur que son syndicat lui avait offert de payer.

[11] Elle aurait ensuite consulté une non-avocate qui lui offrit de la représenter à la condition qu'elle renonce à faire affaires avec l'avocat du syndicat. La plaignante préféra suivre ce conseil et entreprendre le dossier assistée de cette personne mais sans la présence de l'avocat du syndicat.

[12] Finalement, la plaignante informa le tribunal au début de juin 2009, quelques jours avant le début de l'audience prévue pour la fin de juin et début de juillet, que la conseillère qui l'avait aidée à confectionner son dossier avait décidé de cesser de la représenter et ce, pour des raisons de santé.

[13] Il fut alors entendu avec le tribunal que l'audience prévue pour la fin de juin et le début de juillet 2009 serait reportée à la semaine du 14 au 18 septembre 2009 et ce, afin de donner du temps à la plaignante de se constituer un nouveau procureur et de se préparer.

[14] Pour justifier sa demande de remise formulée le 14 septembre, alors que sa demande initiale de juin n'invoquait qu'un seul motif, à savoir la santé de sa conseillère qui ne lui aurait pas permis de continuer, elle ajouta un second motif : il y aurait eu mésentente entre elle et sa représentante quant à la façon de piloter le dossier. C'est pour ces deux motifs qu'elle aurait décidé de poursuivre sans les services de cette conseillère.

[15] Pour renforcer cette seconde demande de remise, elle précisa qu'elle avait été si malade au cours de l'été 2009 qu'elle n'avait pu s'occuper de son dossier comme elle l'aurait voulu et qu'il lui avait été jusqu'à ce jour impossible de trouver un procureur qui aurait accepté de la représenter moyennant un honoraire conditionnel.

[16] Le Tribunal qui, conformément aux exigences de l'article 48.9 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui lui exige de procéder à l'instruction des plaintes de façon expéditive, jugea que le délai additionnel de 2.5 mois déjà accordé à la plaignante pour se préparer et pour se constituer un nouveau procureur avait été amplement suffisant et respectait le principe de justice naturelle. Il ordonna donc la poursuite de l'audience sans autre délai.

[17] Afin de faciliter la compréhension du présent jugement, nous commencerons par exposer à la section II les faits et reproches à l'origine de la plainte de la plaignante, en respectant la chronologie des événements. Puis, à la section III, nous ferons l'étude des autres faits et reproches formulés par la plaignante, que nous n'avons pu insérer dans cette chronologie, au motif qu'il s'agit de faits de nature prolongée et continue. Nous nous pencherons ensuite à la section IV sur les critères juridiques applicables puis à la section V, procéderons à une analyse des questions en litige avant de terminer à la section VI par nos observations sur le redressement approprié dans le présent dossier.

II. FAITS ET REPROCHES À L'ORIGINE DE LA PLAINTE SELON UN ORDRE CHRONOLOGIQUE

A. Fermeture de l'Unité des programmes internationaux

[18] Au début de janvier 2003, la vice-présidente de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement à l'époque, réunit les employés de l'Unité des programmes internationaux qui étaient rattachés à sa direction, incluant la plaignante, pour les informer que, dans le cadre de la restructuration de la Commission de la fonction publique, leur unité fermerait ses portes le 30 juin suivant.

[19] Elle les assura que suite à cette réorganisation, personne ne perdrait son poste et que le bureau des ressources humaines, alors représenté par son directeur, s'occuperait de leur situation en les assistant dans leurs démarches pour se dénicher un nouveau poste du même groupe et niveau.

[20] En mars 2003, la plaignante commença à travailler pour la Vice-Présidente de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement, en tant que soutien administratif. Lorsque le remplaçant de la Vice-Présidente entra en fonction le 1er avril 2003, il invita la plaignante à continuer de travailler pour lui à titre d'adjointe à la correspondance ; elle continua d'offrir en même temps un soutien administratif au directeur des projets spéciaux.

[21] Selon la plaignante, des 11 personnes qui travaillaient à la Direction, quelques-unes en ont profité pour prendre leur retraite et les autres, qui étaient toutes beaucoup plus jeunes qu'elle-même, alors âgée de 59 ans, ont toutes trouvé un emploi avant la fin de juin 2003, sauf elle.

[22] Selon les témoins de l'intimée, la version est un peu différente. Ils allèguent que c'était également le cas de la plaignante et qu'elle continuait de profiter du statut d'employée touchée.

B. Fermeture de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement

[23] Les dirigeants de la Commission de la fonction publique prirent également la décision de fermer ce qui restait de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement à compter du 31 octobre 2003. La plaignante faisait partie de cette direction qui n'était alors composée que de 11 personnes.

[24] Selon la plaignante, quelques-unes de ces personnes en ont profité pour prendre leur retraite et les autres, qui étaient toutes beaucoup plus jeunes que la plaignante, alors âgée de 59 ans, ont toutes trouvé un emploi. Seule la plaignante n'a pu se trouver un emploi.

[25] À nouveau, la version des témoins de l'intimée diffère quelque peu. Ils insistent sur le fait que la plaignante a continué d'être à l'emploi de la Commission de la fonction publique et qu'elle continuait de profiter du statut d'employée touchée.

C. Abandon de la plaignante durant 6 semaines

[26] La plaignante déplora avoir été laissée seule au cours d'une période de 6 semaines dans un grand espace devenu vacant au 21e étage de l'Esplanade Laurier, après le départ des employés de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement. Il en aurait été ainsi pour la période commençant au début de novembre et se terminant à la mi-décembre 2003.

[27] Le directeur des ressources humaines, qui a reconnu que le service dont il avait la charge, devait s'occuper des personnes à la recherche d'emploi dont l'Unité où la Direction avait été supprimée déclara avoir à l'époque ignoré tout de la période de six semaines que la plaignante allégua avoir passé seule au 21e étage de l'Esplanade Laurier.

[28] Lorsque questionné à savoir s'il leur arrivait souvent de perdre des employés, il avoua que c'était la première fois, à sa connaissance, qu'il entendait parler de ce cas et qu'il n'avait jamais été confronté à une telle situation auparavant. Ni lui ni les autres témoins de l'intimée ne furent en mesure d'apporter quelqu'éclaircissement que ce soit à cette situation.

[29] Le directeur des ressources humaines précisa que la plaignante a continué néanmoins de recevoir son salaire au cours de cette période et, par la suite, jusqu'au moment de sa retraite. Deux des témoins entendus, qui avaient déjà quitté les lieux pour travailler ailleurs à cette époque, n'étaient pas en mesure de commenter ce qui s'est passé au cours de cette période de six semaines.

D. La plaignante occupe le poste de secrétaire administrative auprès de la Directrice générale de l'équité et e la diversité

[30] La plaignante effectua des représentations auprès du Conseiller stratégique principal, gestionnaire qu'elle connaissait elle lui exposa sa situation et lui demanda de l'aider à se trouver un nouveau poste. Grâce aux démarches de celui-ci, elle put rapidement obtenir du travail à court terme auprès de la Directrice générale de la direction de l'équité et de la diversité, à titre d'adjointe administrative, où elle commença à la mi-décembre 2003. Il s'agissait cependant à nouveau d'une affectation temporaire.

E. Invalidité de la plaignante

[31] Le 19 janvier 2004, après avoir travaillé pour la Directrice générale de la direction de l'équité et de la diversité pendant environ un mois, la plaignante devint malade et tomba en invalidité. Elle aurait alors eu des problèmes d'ordre digestif ainsi que des problèmes de mémoire. Selon la plaignante, ces symptômes auraient été causés principalement par son travail et l'inquiétude qui la rongeait du fait qu'elle craignait de se retrouver sans emploi.

[32] Alors que la plaignante allègue que ces symptômes pouvaient s'expliquer principalement par les problèmes qu'elle rencontrait à son travail, les témoins de l'intimée exprimèrent l'idée au cours de l'audience, à la lumière des rapports médicaux des médecins de la plaignante : que le travail de madame n'était pas le seul élément déclencheur de ses problèmes de santé; que des problèmes d'ordre personnel pourraient également être la cause d'une bonne partie de ses problèmes de santé, tel qu'il apparaît dans les rapports médicaux, notamment de la psychiatre de la plaignante.

[33] Le médecin de famille de la plaignante est venu expliquer au tribunal que le stress qu'éprouvait la plaignante à son travail n'était pas la cause de sa dépression mais un des éléments déclencheurs importants.

[34] Ce même médecin rédigea une note à l'effet que la plaignante serait en congé d'invalidité pour une période allant du 19 janvier au 1er mars 2004. La plaignante insiste sur le fait que cette note ne signifiait pas qu'elle serait disponible pour effectuer un retour au travail le 1er mars mais plutôt que sa situation médicale devrait être révisée à la fin de cette période d'invalidité et que jusqu'alors, elle était en congé d'invalidité pour une période indéterminée ce qui, d'ailleurs, fut confirmé par le médecin au cours de son témoignage.

F. L'offre du poste de Coordonnateur de programme janvier 2004

[35] Le Directeur du ressourcement des cadres de l'époque, qui avait un poste à combler, fit part aux ressources humaines de ses besoins. On lui proposa la candidature de la plaignante en lui expliquant la situation précaire dans laquelle elle se trouvait et qu'il était dans le plus grand intérêt de celle-ci d'accepter le poste qu'on pourrait lui offrir puisque le temps pouvait jouer contre elle. En effet, étant donné qu'elle avait le statut d'employée touchée, elle devait appréhender le jour où elle deviendrait employée excédentaire. Ce qui signifiait que dans un avenir rapproché, elle deviendrait excédentaire et pourrait éventuellement être mise-à-pied. Les ressources humaines firent parvenir le curriculum vitae (C.V.) de la plaignante au Directeur du ressourcement des cadres.

[36] Après étude du C.V. de la plaignante, Directeur du ressourcement des cadres consulta quelques personnes pour obtenir des références sur celle-ci, dont le Directeur des projets spéciaux de l'époque. Les réponses furent suffisamment favorables pour qu'il juge la candidature de la plaignante intéressante.

[37] Il lui téléphona donc le 20 janvier 2004, pour lui annoncer que le poste de Coordonnateur de programme auprès de la Direction du renouvellement du personnel de direction, qu'il dirigeait, était disponible et lui était offert, tout en précisant qu'il s'agissait d'un poste du niveau CR-5.

[38] Le Directeur du ressourcement des cadres est venu expliquer au tribunal qu'il avait de la difficulté à recruter du personnel et à les garder. C'est pourquoi, il se donnait la peine de parler ou de téléphoner personnellement aux candidats éventuels pour vendre sa salade en montrant beaucoup d'enthousiasme, dans le but bien évident de les inciter à venir travailler dans sa direction. Il faisait de son mieux pour les motiver. Et c'est ce qu'il fit au cours de cet appel.

[39] Celui-ci aurait alors offert à la plaignante le poste de Coordonnateur de programme qu'il qualifia alors de niveau administratif mais qui, en fait, selon la plaignante, n'était rien d'autre qu'un poste de nature cléricale où elle aurait dû principalement travailler devant un ordinateur environ 7 heures par jour et faire du travail genre copier/coller.

[40] La plaignante déplora que ce poste ne correspondait nullement à ses compétences et qualifications, qui étaient pourtant étalées dans son C.V., que le Directeur du ressourcement des cadres avait en main. Sans compter que ce genre de travail entrait en contravention avec la note rédigée par son médecin de famille en 2001 (Voir R-1 onglet 5) qui était dans son dossier et qui faisait référence à ses antécédents en matière de fibromyalgie. Elle aurait réitéré son intérêt pour un poste de nature administrative. Malgré la réaction plus que tiède de la plaignante, le Directeur du ressourcement des cadres aurait continué d'insister et tenté de la rassurer quant à sa capacité d'effectuer un tel poste.

[41] Il lui brossa un tableau de la liste des tâches rattachées au poste offert, tenta de la rassurer en lui indiquant que même si elle n'avait pas d'expérience dans ce genre de travail, ils étaient en mesure de lui offrir de la formation. Il fit de son mieux pour lui faire sentir qu'il aimerait l'avoir dans sa direction.

[42] Le Directeur du ressourcement des cadres lui aurait alors représenté, d'une manière qualifiée de menaçante par la plaignante, qu'en n'acceptant pas le poste offert, il pourrait y avoir des conséquences fâcheuses pour elle et que cela pourrait avoir pour effet qu'elle soit mise sur une liste de priorité et qu'au bout d'un an, elle en soit réduite au chômage. Il aurait terminé cette conversation téléphonique en lui demandant de réfléchir sérieusement à sa proposition et qu'il la rappellerait dans deux semaines.

[43] Pour sa part, ce témoin est venu expliquer que ce n'est que lorsqu'il s'est rendu compte de la réticence de la plaignante à accepter son offre et appréhendant un refus de sa part, qu'il s'était risqué à l'informer des conséquences de son refus éventuel. Il lui aurait fait part de la situation telle qu'exposée par les ressources humaines. Il jugea que c'était pour le plus grand intérêt de la plaignante de l'informer du péril de sa situation.

[44] Elle lui aurait expliqué, au cours de cette conversation téléphonique qu'elle était très malade et incapable de retourner au travail en ce moment et ne pouvait lui donner une date approximative de retour au travail. Elle allégua lui avoir aussi parlé de son problème de fibromyalgie et de ses craintes de récidive que le genre de travail proposé présentait pour une personne avec une telle condition.

[45] Or, selon la plaignante, même si elle était alors très malade, elle aurait quand même pris des notes de cette conversation téléphonique aussi fidèlement que possible. Elle les aurait transcrites immédiatement après.

[46] Le Directeur du ressourcement des cadres déclare qu'en aucun moment au cours de cet appel téléphonique, la plaignante ne lui a fait mention qu'elle aurait besoin d'arrangements particuliers à cause de sa condition médicale particulière ; jamais elle n'a fait référence à ses antécédents en matière de fibromyalgie. Il ajouta qu'en aucun autre moment, avant comme après cette conversation, la plaignante et lui n'ont discuté de ses besoins en la matière.

[47] Il a précisé avoir lui-même travaillé plusieurs années dans le domaine des ressources humaines et avoir été confronté à quelques reprises à des demandes d'accommodement de la part d'employés qui revenaient d'un congé d'invalidité à long terme. Dans ces situations, il commençait par demander à l'employé de produire un certificat médical provenant soit du médecin de l'employé, soit de l'employeur, étayant les besoins de l'employé en matière d'accommodements. Puis, sur réception de ce certificat, il discutait avec l'employé afin de voir comment il pourrait y avoir accommodement. À ses yeux, cela allait de soi et qu'il fallait faciliter la tâche de l'employé et ainsi lui permettre de revenir au meilleur de sa condition.

[48] Il ajouta cependant que si la plaignante lui avait fait part de son problème de fibromyalgie, c'est la ligne de conduite qu'il aurait suivie. Il précisa qu'il ne se rendit jamais compte qu'elle pouvait avoir un handicap quelconque.

[49] Malgré les réticences de la plaignante énoncées lors de l'appel téléphonique du 20 janvier, le 21 janvier 2004, elle signa le document R-2, onglet 6 signé par le Directeur général du ressourcement des cadres, portant la date du 16 janvier 2004, qui était intitulé Réponse à l'offre de nomination ; cette lettre d'engagement prévoyait qu'elle devait se présenter au travail le 1er mars 2004.

[50] La plaignante déclara qu'environ deux semaines plus tard, soit au début de février 2004, le Directeur du ressourcement des cadres la rappela, tel que convenu. Il aurait insisté de nouveau pour qu'elle accepte son offre et lui fournisse une date de retour au travail. Elle réitéra qu'elle ne pouvait lui confirmer la date de son retour et que le poste offert n'était pas convenable pour une personne comme elle atteinte de fibromyalgie, et que de plus, on ne lui offrait aucun accommodement. Voici un extrait de cette conversation téléphonique que la plaignante allègue avoir reproduite aussi fidèlement que possible en dactylographiant son contenu immédiatement après avoir raccroché. L'extrait de cette conversation provient de la pièce C-1, onglet 58 :

... I told him that I still could not give him a date and re-stated that the job he was offering me dit not accommodate my disability and that I had serious doubts about taking it. Mr ( ... ) repeated his threat of my taking a huge risk of landing up unemployed at the end of one year and landing up on the street. This time he scared me much that I told him that I would take his job offer but did not feel that I could not return to the work place until early March. Therefore, despite reports from 2 specialists (Drs X and Y) that stated that they did not feel that I was well enough to return and were even doubtful that I could so with a gradual return of one or two days a week, out of sheer terror of being unemployed, I went back and accepted (...)'s job offer and started work in his shop, still quite ill on March 8, 2004...

(Les soulignés sont les nôtres)

[51] Il est difficile d'imaginer cette conversation, que la plaignante allégua avoir eue avec le Directeur du ressourcement des cadres en février 2004. Comment peut-elle dire This time he scared me much that I told him that I would take his job offer puisqu'elle avait déjà signé la Réponse à l'offre de nomination le 21 janvier précédent ?

G. Retour au travail de madame Gravel du 8 mars au 14 avril 2004

[52] Le 1er mars 2004, le Directeur du ressourcement des cadres aurait attendu en vain l'arrivée au travail de la plaignante. Celle-ci, qui allégua plus tard avoir été encore malade au cours de la première semaine de mars, ne se présenta finalement à son nouveau poste que le 8 mars suivant. Elle y travailla jusqu'au 14 avril 2004 alors qu'elle dut cesser de travailler pour cause de maladie. Ce fut son dernier jour de travail. Cette période d'invalidité qui allait se poursuivre sans arrêt jusqu'au jour de sa démission et du commencement de sa retraite au début de 2005 fut appuyée d'un série de rapports et certificats médicaux.

[53] Au cours de cette courte période de travail du 8 mars au 14 avril 2004, de l'avis du Directeur du ressourcement des cadres, la qualité du travail de la plaignante laissait à désirer. Sa période d'apprentissage était pénible. Elle prenait beaucoup de temps à maîtriser les nouvelles tâches de son poste. La plaignante reconnut elle-même que son travail n'était pas satisfaisant et que, c'était suite à l'insistance de son supérieur immédiat qu'elle était revenue au travail, bien évidemment trop rapidement.

H. Période d'invalidité à long terme de la plaignante

[54] Le médecin de famille de la plaignante rédigea une note le 20 mai 2004, produite au soutien des présentes comme étant la pièce R-2, onglet 7, indiquant que sa patiente (la plaignante) serait en invalidité totale pour la période allant du 28 avril 2004 jusqu'au 3 septembre 2004.

[55] Le 10 juin, ce même médecin précisa que sa patiente était dans un état de dépression sévère et ne prévoyait pas de retour avant le 3 septembre suivant.

[56] Exception faite du psychiatre de la compagnie d'assurances les trois autres médecins qui examinèrent la plaignante au cours des mois d'été et/ou de l'automne 2004, tous reconnurent que la dépression de la plaignante la rendait complètement inapte au travail.

[57] Dans une lettre du 15 octobre 2004, produite comme pièce R-1, onglet 11, la compagnie d'assurance accepta de verser à la plaignante des prestations d'invalidité pour la période du 28 juillet au 31 octobre 2004.

[58] Dans une lettre du 21 janvier 2005, produite comme pièce R-1, onglet 13, la compagnie d'assurance accepta de verser à la plaignante des prestations d'invalidité pour la période du 31 octobre 2004 au 31 mars 2005. Malheureusement, celle-ci avait déjà démissionné au moment de la réception de cette lettre.

[59] Au début de septembre 2004, le Directeur du ressourcement des cadres déclara avoir téléphoné à la plaignante pour prendre de ses nouvelles. Celle-ci lui aurait déclaré que ses médecins ne voulaient pas qu'elle reprenne le travail.

I. L'intimée, qui était au courant de la dépression de la plaignante, aurait dû en tenir compte et faire les ajustements nécessaires lors de sa demande de retour au travail le 8 novembre 2004

[60] Pour sa part, la plaignante déclara à la même époque qu'un changement de sa médication avait des effets positifs sur sa santé et qu'elle se sentait assez bien pour envisager en novembre un retour au travail progressif même si cet avis n'était pas partagé par la psychiatre qui la traitait. Au cours de l'audience, elle déclara :

Despite what Dr. (...) had stated that she was not sure I could do part time, I, the one, knew how I felt and I felt much better that I contacted Mr. (...) and asked him if I could do a gradual return to work.

[61] Ainsi, la plaignante allègue avoir téléphoné à son supérieur immédiat le 8 novembre 2004 et lui aurait alors offert de revenir au travail de façon progressive, en proposant de travailler au début deux jours par semaine puis, plus tard en augmentant jusqu'à cinq jours. Elle offrit notamment d'occuper le poste de téléphoniste alors occupé par une employée temporaire et suggéré d'inverser leurs tâches ; ainsi, la réceptionniste aurait pu exécuter ses propres tâches. A cette suggestion, il lui aurait opposé un refus catégorique : Non, non, absolument pas.

[62] Cette réaction l'aurait laissée bouche bée, d'autant plus qu'au cours de la période où elle avait travaillé pour lui, elle avait retenu de lui ce qui suit : (extrait de ses notes prises à la suite de cet appel du 8 novembre C-1, onglet 57) :

N.B. : I am truly shocked at what Mr. (...) said and at the harshness of his words and his tone because for the short period of time that I did work for him he was always soft spoken, always calm, prim and proper and always behaved in a professional manner. A very distinguished gentleman ...

[63] Après avoir été confronté à cet appel que la plaignante alléguait lui avoir fait le 8 novembre 2004, le Directeur du ressourcement des cadres déclara n'en avoir aucun souvenir. Il renchérit même n'avoir aucun souvenir d'une demande d'accommodement formulée par la plaignante que ce soit par téléphone ou autrement, ni ce jour ni à aucun autre moment.

[64] La preuve médicale ainsi que les lettres de la compagnie d'assurance déposée au dossier sont à l'effet que la plaignante aurait été en invalidité totale du 14 avril 2004 jusqu'au 1er mars 2005.

[65] L'extrait suivant, qui provient du dernier paragraphe de la page 2 du rapport médical du Dr. (...), qu'on retrouve à la pièce R-2, onglet 10, illustre ce que pense alors cette psychiatre relativement à la possibilité d'un retour progressif au travail de la plaignante :

...I do not feel she can currently return to the workplace full-time and I am not at all optimistic that that will ever be achieved for her given both her age and her past history and her current mechanism of coping. I doubt even that she will manage a part-time reintegration into the workplace to give that a trial. It may be possible but I would start at a low level such as half a day a week.

[66] Par conséquent, cette observation indique qu'au moment où la psychiatre a rencontré la plaignante en novembre 2004, elle n'a pas alors recommandé un retour progressif au travail. Elle soulevait même des doutes sur la possibilité d'un retour éventuel au travail de la plaignante.

J. Dernier jour de travail, Lettre de Démission et Retraite de la plaignante

[67] Dans les faits, la plaignante a travaillé jusqu'au milieu d'avril 2004 et aurait encore été en invalidité par la suite jusqu'au jour où elle aurait décidé de démissionner et de prendre sa retraite, en janvier 2005.

[68] Le 10 janvier 2005, la plaignante fit parvenir à son supérieur immédiat une lettre de démission (R-1, onglet 12) l'informant qu'elle allait prendre sa retraite le 13 janvier suivant. Dans cette lettre, la plaignante met le blâme sur la compagnie d'assurance qui, en la privant de revenus et en refusant d'assumer le coût d'un traitement qui aurait pu lui permettre de reprendre le travail en décembre 2004, comme le lui avait recommandé son médecin, elle s'est vue obligée de démissionner pour pouvoir prendre sa retraite le plus rapidement possible.

[69] Les motifs fournis par la plaignante pour justifier sa décision de démissionner ne font aucune mention du rôle joué par l'intimée dans cette affaire et elle n'adresse aucun reproche à son patron. Questionnée sur l'absence de reproches adressés aux représentants de l'intimée, elle répondit que c'était seulement une formule de diplomatie et qu'elle voulait quitter en bons termes. Que d'ailleurs, elle était très diplomate dans ce monde qui ignorait tout de la diplomatie.

[70] Voici la réponse à cette lettre de démission que rédigea son patron sous forme de note manuscrite apposée sur la lettre de la plaignante :

Ann

I assume you mean January 13, 2005. If it is, I concur with your retirement at the end of the business day January 13, 2005. I wish you all the best and I thank you for your continued dedication.

( ... ) (signature)

01.01.12

[71] Le 28 février 2006, la plaignante déposa une plainte devant la Commission des droits de la personne du Canada.

III. LES AUTRES FAITS ET REPROCHES DE LA PLAIGNANTE

A. Les ressources humaines ne firent rien pour aider la plaignante

[72] La plaignante déplora que les ressources humaines ne firent rien pour lui trouver un poste. Voici la réplique des témoins de l'intimée à ce reproche.

[73] Selon plusieurs témoins de l'intimée, tous les moyens nécessaires furent pris pour aider la plaignante à se trouver un nouvel emploi.

[74] Le chef des opérations aux ressources humaines de la Commission de la fonction publique, qui connaissait bien la situation de la plaignante, est venu expliquer la façon de fonctionner des ressources humaines.

[75] En vertu des règles de fonctionnement prévues en cas de réaffectation du personnel affecté par la fermeture d'une unité, il fallait d'abord tenter de trouver un emploi à l'intérieur de l'unité de travail; ensuite, si aucun poste n'était disponible, il y avait tentative pour replacer l'employé au même poste et niveau à l'intérieur de la Direction générale puis dans le ministère et ensuite à l'extérieur du ministère; le témoin indiqua que pour comprendre cette approche, il suffit de visualiser quelques cercles concentriques; le plus petit de ces cercles représentant l'unité de travail de l'employé, le cercle suivant celui de la Direction générale puis celui du Ministère puis le dernier cercle, l'extérieur du ministère. Cette approche étant privilégiée afin de déranger le moins possible l'employé et aurait l'avantage d'être moins traumatisante pour les employés concernés.

[76] Le témoin ajouta que la plaignante était considérée être de niveau CR-5 et qu'il y avait toujours beaucoup de postes de ce niveau à combler ; qu'à chaque année, il devait y avoir de 10 à 12 postes qui devenaient disponibles. Pour sa part, il n'avait aucune crainte qu'il aurait été facile en tout temps de trouver un nouveau poste pour la plaignante.

[77] Toutefois, les ressources humaines préférèrent laisser aller les choses et ne rien précipiter, c'est-à-dire laisser la plaignante effectuer elle-même ses démarches. D'ailleurs, elle avait manifesté lors de la rencontre du mois de janvier 2003 avec la Vice-Présidente de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement et plus tard au cours d'une seconde entrevue du directeur des ressources humaines et de la plaignante, une préférence pour un poste de niveau administratif, au motif que c'était davantage conforme à ses qualifications et son expérience. En attendant de trouver ce qu'elle cherchait, elle continuait de recevoir un salaire et de travailler ; il n'y avait donc aucune urgence à précipiter les choses.

[78] Le Directeur des ressources humaines est venu dire au tribunal qu'en donnant du temps à la plaignante et en ne lui mettant aucune pression, elle aurait des chances de se trouver un poste qui pourrait davantage lui convenir.

[79] Selon le témoignage de la personne qui avait remplacé la vice-présidence de la Direction de l'apprentissage pour les cadres, il faut au moins 6 mois avant qu'un employé, qui a soumis des demandes d'emploi, puisse assister à des entrevues, et obtenir des résultats. L'engagement de l'intimée consistait à aider les employés affectés par la fermeture de l'unité à se trouver un poste de même groupe et niveau et non à leur trouver un emploi de niveau supérieur; or, la plaignante semblait davantage intéressée à un travail de niveau administratif, ce qu'elle jugeait être plus conforme à son expérience et à ses qualifications, mais, dans les faits, ceci signifiait qu'elle était davantage intéressée par un poste de niveau supérieur.

[80] Il prit les moyens pour qu'une personne lui donne de la formation en matière de finances ; toutefois la plaignante se plaignit que cette formation avait été insuffisante, étant donné le peu de disponibilité des formateurs.

[81] Deux personnes ont accepté de remettre une lettre de référence à la plaignante.

[82] Selon le directeur des ressources humaines, le nom de la plaignante fut mis sur une liste de priorité par les ressources humaines et les gestionnaires à l'interne furent ainsi informés de sa disponibilité.

[83] La plaignante continua de travailler pour le vice-président à Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement jusqu'à la fermeture de la Direction à la fin d'octobre 2003. Avant son départ, celui-ci signa le 30 septembre 2003 une Entente d'affectation couvrant la plaignante pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2003.

[84] Le directeur des ressources humaines allégua que, suite à la fermeture à la fin d'octobre 2003 de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement, les ressources humaines poursuivirent l'approche suivie lors de la fermeture de l'Unité des programmes internationaux en ce qui concernait l'aide à être apportée aux employés qui avaient perdu leur emploi; c'est donc dire qu'ils laissèrent les employés effectuer eux-mêmes des démarches pour se trouver un nouveau poste. Il en fut ainsi pour la plaignante jusqu'à la fin de 2003.

[85] Voici d'ailleurs l'éclairage additionnel qu'un témoin retraité depuis 2008, après 37 années à la Fonction publique, à l'époque vice-président de la Direction de la gestion intégrée est venu apporter lors de l'audience. Il expliqua quelle approche a privilégié la Commission de la fonction publique et a mis de l'avant pour transformer et moderniser la CFP et que cette approche fut appliquée dans le cas de la plaignante.

[86] Au moment de la réorganisation de la CFP, cette personne avait alors à sa charge environ 1 400 employés. Avec son équipe, il procéda à la rédaction des deux documents suivants : PSC Transformation Realigning for Modernization - Backgrounder R-1, onglet 2 et PSC Transformation Realigning for Modernization - Questions & Answers R-1, onglet 2.

[87] Ce dernier document, qui indiquait sur sa page frontispice Préparé par le secrétariat de la Transformation (Transformation Secretariate), 18 février 2003, fut distribué à tout le personnel de la CFP et, normalement, il devrait avoir été remis à la plaignante.

[88] Il était clair pour tous les intervenants que la modernisation de la fonction publique ne passait pas par un processus de réduction des effectifs en place. C'est l'assurance qu'ils transmirent à tous. Voici un extrait pertinent de la page 10 des Questions et réponses (R-1, onglet 5 :

Q. Will all PSC staff have jobs after the April 1 reorganization?

A. The April 1 reorganization is not a job reduction exercise. In the unforeseen circumstance of reductions, we will identify opportunities for employment elsewhere in the PSC, opportunities for retraining, as well as provide employee assistance and career counselling. In some cases, we may also look to other departments. Although it is not anticipated, if it becomes necessary, the Treasury Board Workforce Adjustment Directives will apply....

[89] Étant donné les craintes soulevées par la plaignante, qui déplora avoir passé de longues périodes de temps sans avoir en main une Entente d'affectation écrite, le directeur des ressources humaines fut invité à préciser sa position sur ce sujet.

[90] Il indiqua que l'assignation écrite avait notamment un avantage purement d'ordre administratif en déterminant qui de l'Organisme d'attache, de l'Organisme d'accueil ou de la réserve corporative devait payer l'employé. D'ailleurs, il s'empressa de préciser que la plaignante continua de recevoir son salaire même au cours des périodes où elle se trouva sans Entente d'affectation écrite. Dans les faits il suffit qu'il y ait une entente verbale entre l'employé et le gestionnaire de l'Organisme d'attache et de l'Organisme d'accueil.

[91] Le Directeur du ressourcement des cadres a expliqué que l'absence d'Entente d'affectation écrite était normale et qu'il était courant d'accorder à des employés des assignations non écrites. Il précisa que les gestionnaires signaient parfois des assignations écrites afin de rassurer des employés inquiets ou lorsqu'il y avait une méfiance entre gestionnaires.

[92] Il fut démontré au cours de l'audience que la plaignante a bénéficié d'une Entente d'affectation écrite au cours des périodes allant du 1er avril au 30 juin 2003 et du 1er septembre au 31 décembre 2003.

[93] Lorsque questionné sur la façon avec laquelle les employés se trouvaient un nouvel emploi, le Vice-Président de la Direction de la gestion intégrée de l'époque précisa qu'il y avait trois façons :

  1. Le transfert en bloc d'un groupe de personnes et de leur fonction ; ce fut le cas des employés du Language training Canada, qui après avoir fait partie de la Direction de l'apprentissage pour les cadres furent transférés en bloc ailleurs dans la Fonction publique.
  2. Les employés qui se trouvaient de l'emploi par leurs propres moyens ; ce fut le cas du personnel de l'unité des programmes internationaux, sauf pour madame Gravel. Bien entendu, on apportait peu ou pas d'aide à ces personnes.
  3. Les employés incapables de se trouver un emploi par leurs propres moyens, tels que madame Gravel, et qui, par conséquent, avaient besoin d'un soutien additionnel.

[94] Il expliqua qu'il fit avec madame Gravel ce qu'ils faisaient généralement pour les employés de cette dernière catégorie. En plus du fait qu'elle continuait de recevoir son salaire, il lui donna moins de travail pour lui permettre de consacrer plus de temps et d'énergies à se dénicher un nouvel emploi ; il lui donna accès à un bureau fermé équipé d'un téléphone et d'un ordinateur avec accès au courrier électronique. Il lui donna une lettre de référence (R-1, onglet 3). Aucune pression n'aurait été mise sur la plaignante ; il se dit conscient que pour soumettre sa candidature à une compétition, le processus pouvait prendre plus de six mois.

[95] Dans les faits, la plaignante soumit sa candidature à trois compétitions ; malheureusement, elle ne put obtenir de poste par le biais de ces compétitions.

[96] Le témoin déclara n'être pas en mesure d'indiquer de combien de temps disposait la plaignante pour se trouver un emploi. Cette question n'aurait jamais été soulevée avant son départ de la Direction de la gestion intégrée, qui eut lieu à la fin d'octobre 2003. Il ajouta néanmoins qu'il imaginait qu'une période d'un an ou plus serait normale.

[97] Il n'y avait de pression financière ni sur la plaignante ni sur sa direction, puisque le salaire de la plaignante était assumé par la réserve corporative.

[98] Questionné sur l'âge de la plaignante, il répondit que cette question n'avait aucune importance pour lui. De toute façon, il ignorait l'âge de la plaignante. Il lui arrivait souvent de connaître l'âge des employés puisqu'en tant qu'ingénieur, il signait la demande de passeport de certains employés qui le lui demandaient mais, ce ne fut pas le cas de la plaignante.

[99] Questionné sur sa relation avec la plaignante, il répondit que leur relation de travail fut plaisante mais peu fréquente au cours de la période de 5 mois où ils travaillèrent dans le même bureau. Questionné sur sa performance, il précisa que le travail demandé était bien fait et ignorait qu'elle ait pu avoir un handicap quelconque. Il n'aurait jamais reçu de demande d'accommodement de sa part. Il n'a jamais eu besoin de consulter le dossier personnel de la plaignante et bien entendu, ignorait l'existence d'un certificat médical émis en 2001 qui aurait été placé dans son dossier et qui aurait fait mention de la fibromyalgie de la plaignante. Il précisa que ce n'était pas une pratique courante pour les gestionnaires d'aller consulter le dossier personnel des employés.

[100] Toutefois, dès le début de 2004, étant donné que le sort de la plaignante n'avait pas encore été scellé et que celle-ci n'avait pu se dénicher un emploi permanent par ses propres moyens, le bureau des ressources humaine décida de prendre la situation en main. Il songeait même de déclarer la plaignante employée excédentaire dès mars 2004.

B. Personne aux Ressources humaines ne répondait aux messages de la plaignante

[101] La plaignante a répété à de nombreuses reprises et de diverses façons qu'elle s'était adressée régulièrement au bureau des ressources humaines pour avoir de l'aide de son directeur, en y laissant des messages téléphoniques, parfois quotidiennement, et des courriels, à son attention mais que jamais personne n'aurait fait le suivi.

[102] Elle déclara s'être rendue en personne au bureau des Ressources humaines et demandé de l'aide. On lui aurait répondu que le directeur la rappellerait. Elle n'aurait par la suite reçu aucune réponse.

[103] Lorsque le Directeur des ressources humaines fut confronté à cette accusation de la plaignante, il nia catégoriquement avoir reçu des messages de la part de la plaignante et ne pas y avoir donné suite. Il précisa que cette accusation n'avait pas de sens et que, s'il avait été dans l'impossibilité d'y répondre, il lui aurait suffi de transmettre le message à un des employés et de lui demander de faire le suivi.

C. Traitement défavorable

[104] La plaignante déplora que les autres employés, plus jeunes qu'elle, qui se dénichèrent un nouveau poste ont reçu un traitement privilégié par rapport au sien.

[105] Le tribunal se rend compte que la preuve recueillie ne lui a pas permis de connaître le statut précis des autres employés de l'Unité des programmes internationaux : avaient-ils un statut d'employé touché, travaillaient-ils en ayant en main une entente d'affectation écrite ou sans affectation, aucune preuve n'a été déposée à cet effet.

[106] La seule précision que nous avons est celle du Directeur des ressources humaines qui est venu affirmer qu'à sa connaissance, la plupart s'étaient trouvé un emploi par leurs propres moyens.

[107] Malgré les précisions apportées par l'employeur concernant l'âge des autres employés de cette unité, il apparaît que tous et chacun de ces employés sauf ceux qui ont démissionné pour prendre leur retraite, étaient plus jeunes que la plaignante et même, pour la plupart beaucoup plus jeunes que la plaignante.

D. Les ressources humaines ignorèrent l'expérience, les qualifications et les intérêts de la plaignante

[108] La plaignante s'efforça de démontrer ses qualifications et son expérience, d'ailleurs étalées dans son Curriculum Vitae, et déplora que les ressources humaines ne firent rien pour lui trouver un poste qui en aurait tenu compte.

[109] Elle a représenté au tribunal, lettres de recommandation à l'appui et dûment déposées au dossier du tribunal, que son travail était généralement apprécié de tous. Elle répéta à plusieurs reprises qu'elle était fière de ses réalisations.

[110] Elle reconnut que son travail a pu laisser à désirer mais seulement pour une courte de période de temps de 4 à 5 semaines, à partir du 8 mars 2004 ; elle se justifia en alléguant que, suite à une invalidité qui avait duré du 19 janvier au 8 mars 2004, sous la pression du Directeur du ressourcement des cadres, elle était revenue au travail beaucoup trop rapidement. De plus, le poste de Coordonnateur de programme étant nouveau pour elle, il lui fallait recevoir de la formation, ce qui ne fut pas fait à son entière satisfaction, faute de disponibilité des formateurs.

[111] Elle a notamment fait entendre un témoin maintenant à la retraite, qui est venu dire au tribunal qu'il avait connu la plaignante au MAECI à compter de l'an 2000. Il précisa qu'elle avait remplacé son adjointe administrative et qu'il avait été entièrement satisfait de ses services, tant et si bien que lorsqu'il a été transféré à l'Unité des programmes internationaux en 2001, il a demandé à la plaignante de le suivre, ce qu'elle fit. Au cours de la période où il a travaillé avec elle, il n'a jamais entendu qui que ce soit se plaindre de la plaignante ou entendu dire que celle-ci aurait pu être malhonnête.

[112] Au cours de la période de 4 à 5 semaines que la plaignante passa dans sa direction, soit entre le 8 mars et le 14 avril 2004, le Vice-Président de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement retint d'elle qu'elle était toujours très amicale même lorsqu'il lui faisait des recommandations, respectueuse, positive, souriait beaucoup, offrait de l'aider, lui offrit même d'être son adjointe; il déclara n'avoir pu donner suite à cette demande, car d'autres arrangements avaient déjà été faits à l'intérieur de l'organisation.

[113] Les témoins de l'intimée, à savoir le Directeur des ressources humaines, le Vice-Président de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement et le Directeur du ressourcement des cadres de l'époque étaient tous du même avis, la plaignante était à la recherche d'un poste de niveau administratif et non de nature cléricale, ce qu'elle jugeait être davantage conforme à son expérience et à ses qualifications; la plaignante elle-même l'a indiqué à de nombreuses reprises.

[114] Or, selon ces mêmes témoins, ce que la plaignante recherchait équivalait à une promotion alors que les règles adoptées dans le cadre de la modernisation de la Commission de la fonction publique prévoyaient le transfert des employés au même groupe et niveau. La plaignante avait été classée au niveau CR-5 : un niveau clérical.

E. L'intimée était au courant de la fibromyalgie de la plaignante et a refusé de faire les accommodements nécessaires

[115] Le directeur des projets spéciaux de l'époque a témoigné à l'effet qu'en 2001, madame ( ... ), alors sa supérieure immédiate, lui aurait demandé de classer au dossier de la plaignante une note provenant du médecin de famille de la plaignante, datée de juin 2001, faisant allusion à sa fibromyalgie. Il se rappelle aussi que suite à la production de cette note, celle-ci aurait modifié la tâche de travail de la plaignante pour tenir compte de sa fibromyalgie et lui aurait confié moins d'entrées de données et plus de travail de secrétariat.

[116] Questionné afin de savoir s'il lui était déjà arrivé d'être confronté à une demande d'accommodement de la part d'un employé affecté d'un handicap quelconque, il a répondu par l'affirmative en précisant que ça s'était d'ailleurs produit à plusieurs reprises. Toutefois, il a tenu à préciser qu'il n'est pas suffisant d'être à l'écoute de son personnel et de l'observer mais qu'il fallait que l'employé s'adresse à son supérieur et lui fasse part de son besoin en matière d'accommodement.

[117] La plaignante déplora que le Directeur du ressourcement des cadres, qui était au courant de sa fibromyalgie aurait refusé d'en tenir compte lorsqu'on lui accorda le poste de Coordonnateur de programme. Pourtant ce poste qui exigeait beaucoup de travail de dactylographie n'était pas convenable pour une personne comme elle, qui avait une condition de fibromyalgie.

[118] Elle allégua avoir informé le Directeur du ressourcement des cadres lors de sa conversation téléphonique de janvier 2004 qu'il y avait dans son dossier personnel un certificat de son médecin de famille rédigé en 2001 alléguant sa fibromyalgie. Elle allégua lui avoir parlé de cet handicap au cours de leurs conversations téléphoniques de janvier et février 2004.

[119] Le Directeur du ressourcement des cadres ignora avoir alors été informé par la plaignante de l'existence de sa fibromyalgie.

F. Le poste d'adjointe-administrative aurait dû être offert à la plaignante plutôt qu'à madame C. J.

[120] La plaignante déplora ne pas s'être fait offrir le poste d'Adjointe-administrative (Executive Assistant) auprès du vice-président de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement, alors que celui-ci a été accordé à madame C. J.. Elle précisa que madame C. J. était plus jeune qu'elle. Elle aurait eu environ 28 ans à l'époque et la plaignante 59.

[121] Face à ce reproche, le Vice-Président précisa qu'il avait une meilleure connaissance de madame C. J. que de la plaignante, l'ayant vu fonctionner sur une période de temps plus longue. Au cours des 5 mois qu'il passa la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement, il était en contact quotidien avec madame C. J.

[122] À cause de ses absences fréquentes du bureau, il rencontra la plaignante beaucoup moins souvent. Il garda cependant d'elle le souvenir d'une personne plaisante qui a toujours bien fait son travail.

[123] Il trouva que l'expérience de la plaignante, qui avait travaillé principalement aux Affaires extérieures, était moins utile à la Commission de la fonction publique qui avait réduit quasi à néant son implication en matière internationale.

[124] Il se rappela que la Vice-Présidente qui l'avait précédée avait emmené madame C. J. pour travailler dans sa direction en tant que CR-4 par intérim. En février 2003, peu de temps avant son arrivée,, elle avait nommée madame C. J. AS-5 par intérim pour une période d'un an.

[125] Au cours des 5 mois qu'il passa à la Direction, en tant que vice-président, madame C. J. coordonnait ses activités professionnelles (work life) et faisait un excellent travail.

[126] En juillet 2003, il offrit à madame C. J. d'agir comme AS-2 par intérim pour quelques mois et elle accepta. Celle-ci accomplissait alors les fonctions du poste depuis qu'elle avait commencé à travailler pour la Vice-Présidente, sans toutefois avoir été reconnue comme tel.

[127] Comme il s'agissait d'un poste d'une durée de quelques mois seulement, étant donné que la Direction était à la veille de fermer ses portes, et que ce poste était sans issue, il décida d'offrir le poste à madame C. J. sans passer par le processus de la compétition, comme c'était généralement la pratique dans de tels cas. Néanmoins, il opta pour une période d'appel de 3 semaines, alors qu'il aurait pu opter pour une période plus courte. Ni la plaignante ni personne d'autre n'en appela.

[128] Le poste qui fut confié à madame C. J. en était un de niveau AS-2, alors que la plaignante détenait un CR-5 ; passer de CR-5 à AS-2 représentait une promotion. Or, les engagements pris par la CFP dans le cadre de la modernisation se limitaient au replacement des employés au même groupe et niveau.

[129] L'intimée, bien que la plaignante était considérée priorité, n'était nullement obligée d'offrir le poste à la plaignante puisqu'il s'agissait d'un poste d'un niveau plus élevé que celui de CR-5. Questionné à savoir si la plaignante s'était montrée intéressée par le poste confié à madame C. J., le Vice-Président indiqua que la réponse n'était pas claire mais, qu'il se rappelait qu'elle aurait aimé le suivre à son nouveau bureau, à Industrie Canada. Il ne put préciser s'il elle avait exprimé ce souhait de façon explicite ou non.

[130] Finalement, le tribunal n'a étudié aucun document ni entendu aucun témoin qui aurait pu démontrer que la plaignante avait fait une demande pour occuper le poste occupé par madame C.J.. Il en sera ainsi pour le poste qu'occupera madame C.J. à Industrie Canada.

[131] Questionné sur le transfert de madame C.J., qui le suivit à Industrie Canada, le Vice-Présient précisa que lorsqu'il se rendit à Industrie Canada en septembre 2003, il décida d'observer d'abord les lieux et d'analyser la situation avant de décider du genre de personnel dont il pourrait avoir besoin.

[132] Il se rendit compte qu'il aurait besoin d'une adjointe qui serait du type fonceur avec une expérience en affaires ; le milieu était très difficile et les occasions de conflits fréquentes. Il lui sembla que madame C.J. avait les qualités nécessaires pour bien combler ce poste. Jusqu'alors, il n'aurait fait aucune promesse à celle-ci. Ce n'est qu'après son évaluation et qu'il était rendu à Industrie Canada qu'il offrit le poste à madame C.J..

[133] Suite aux explications fournies par le Vice-Président, la plaignante se permit d'ajouter un commentaire, alors qu'elle n'était pas en train de témoigner mais de compléter son contre-interrogatoire :

I would like to agree with your statement, now that you said the job was like at Industry Canada, knowing (C.J.) I agree with you completely.

[134] En vertu des pouvoirs qui sont conférés au membre instructeur par l'article 50 (3) (c) de la Loi, j'admets en preuve ce commentaire de la plaignante qui m'a semblé signifier que la plaignante affirmait alors que madame C.J. lui semblait plus compétente qu'elle pour occuper ce poste.

[135] Il serait utile ici de faire un rappel des explications déjà fournies par le Directeur des ressources humaines concernant l'approche concentrique préconisée dans les règles de fonctionnement de la Commission de la fonction publique pour le replacement du personnel. Il fallait d'abord tenter de replacer l'employé dans son Unité de travail, puis dans sa Direction générale, puis dans son Ministère puis à l'extérieur du Ministère.

[136] Ainsi, le poste qui fut occupé par madame C.J. à Industrie Canada s'était ouvert à l'extérieur du Ministère. Par conséquent, il aurait été prématuré pour la plaignante de prétendre pouvoir exiger un poste à Industrie Canada. De surcroît, le poste en question aurait représenté une promotion dans son cas.

G. L'intimée est responsable d'avoir faussement répandu la nouvelle de sa retraite

[137] La plaignante a déploré que le Directeur du ressourcement des cadres ait envoyé au Directeur des ressources humaines le 13 mai 2004 un courriel, produit au dossier comme étant la pièce C-1 (6) qui contenait une fausse information ; voici l'extrait de ce texte qu'elle a déclaré être fausse :

Elle me dit vouloir prendre sa retraite dès qu'elle aura 60 ans le 29 juin 2004, racheter 10 ans de service et ne pas pouvoir revenir travailler d'ici là.

[138] La plaignante tint à préciser qu'elle n'avait pas fourni ce renseignement à son supérieur immédiat puisqu'à cette époque elle n'avait pas encore pris la décision de démissionner.

[139] La plaignante fit également témoigner une conseillère en rémunération et avantages sociaux ; celle-ci est venu expliquer notamment que la plaignante lui avait demandé des précisions sur son dossier mais n'avait nullement indiqué qu'elle lui avait fait part de sa décision de prendre sa retraite. Elle précisa également que c'était d'ailleurs ce qui expliquait que la lettre qu'elle avait fait parvenir à la plaignante le 28 mars 2004 ne portait pas d'en-tête officiel. Voir la pièce C-1, onglet 25.

[140] Nous sommes d'avis que l'erreur que la plaignante a relevée dans le courriel du Directeur du ressourcement des cadres n'a eu aucune conséquence négative pour la plaignante. En effet, le poste qui lui avait été offert en janvier 2004 a été maintenu jusqu'à ce que la plaignante démissionne en janvier 2005.

H. L'intimée est responsable de la démission de la plaignante

[141] La plaignante reprocha à l'intimée de l'avoir traitée, à partir de la fermeture de l'Unité des programmes internationaux puis de la Direction de l'apprentissage, de manière telle qu'elle fut forcée de démissionner en janvier 2005, soit 5 ans plus tôt qu'anticipé.

[142] Pour bien évaluer cette accusation, nous devons avoir en tête que dans sa lettre de démission, la plaignante fait porter tout le blâme sur la compagnie d'assurance. Elle ne porte alors aucune accusation contre son employeur à l'égard de qui elle portera pourtant devant la Commission des droits de la personne de sérieuses accusations de discrimination.

[143] Au cours de l'audience, questionnée sur ce fait jugé étrange, la plaignante a tenu à expliquer que si sa lettre de démission ne contenait aucune accusation contre l'intimée, c'est qu'elle agissait par diplomatie dans un milieu qui pourtant ne connaissait pas ce mot. Il nous semble que la plaignante aurait pu démissionner et faire preuve de diplomatie sans pour autant blâmer la compagnie d'assurance.

[144] Où se trouve la vérité : lorsque la plaignante a écrit sa lettre ou lorsqu'elle est venue témoigner ? Nous croyons plus probable que la plaignante a identifié la cause de ses problèmes au moment où elle a écrit sa lettre de démission. Ce n'est que lorsqu'elle aurait appris l'existence d'un recours à la Loi sur les droits de la personne qu'elle s'est rendue compte que le recours n'était ouvert que contre l'employeur et non contre la compagnie d'assurance. Que de plus, ce recours ne lui était disponible qu'en autant que son employeur aurait posé un geste discriminatoire à son égard qui aurait été interdit par cette loi.

I. L'intimée est responsable de la détérioration de la santé de la plaignante

[145] Au cours de l'audience, la plaignante déplora que le traitement que lui avait fait subir l'intimée, la Commission de la fonction publique, en 2003 et 2004 était la cause principale de la détérioration de sa santé.

[146] Pour mieux démontrer cette affirmation, la plaignante fit témoigner un membre de sa famille immédiate. Celui-ci est venu raconter au tribunal que ce que la plaignante lui avait rapporté suite à quelques conversations téléphoniques qu'elle aurait eues avec son supérieur immédiat. Il reconnut cependant n'avoir jamais été présent lors de ces conversations. Il a décrit l'état de la plaignante, à la suite de ces conversations comme étant celui d'une personne fâchée. Elle lui aurait expliqué que depuis la fermeture de son unité de travail, elle se trouvait dans une situation d'instabilité et que le poste qu'on lui avait offert ne lui convenait pas. Elle en serait ressortie bouleversée.

[147] D'autre part, le rapport médical du psychiatre de la plaignante, suite à l'examen de sa patiente en novembre 2004, et produit au soutien des présentes comme étant la pièce R-2, onglet 10 indique que d'autres facteurs d'ordre non professionnels peuvent expliquer en partie les problèmes de santé de la plaignante.

[148] Finalement, la lettre de démission de la plaignante produite comme étant la pièce R-1, onglet 12 fait porter le blâme sur les épaules de la compagnie d'assurance et n'adresse aucun reproche à l'intimée. Voir plus haut ce qui a été dit sur cette démission.

[149] À notre avis, les problèmes de santé de la plaignante peuvent être attribués à des facteurs d'ordre personnel et en grande partie aux difficultés rencontrées par la plaignante suite à la fermeture de l'Unité des programmes internationaux et de la Direction de l'apprentissage pour les cadres. Reste à voir s'il y eu faute de l'intimée au sens de l'article 7 de la Loi.

IV. CRITÈRES JURIDIQUES APPLICABLES

[150] La plaignante, qui a déposé une plainte de discrimination devant le Tribunal des droits de la personne, a dans un premier temps l'obligation de convaincre le tribunal de l'existence d'une preuve prima facie de discrimination de la part de l'intimée. (Commission ontarienne des droits de la personne et al. c. La municipalité d'Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202). Dans le présent cas, comme la plaignante a allégué discrimination basée sur l'âge et la déficience, elle devra convaincre le tribunal que la preuve soumise, qui porte sur les allégations faites, est complète et suffisante comme l'enseigne la Cour Suprême dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson-Sears Ltd. [1985] 2 R.C.S. 536, paragraphe 28 :

... Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire qu'il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé.

[151] Par conséquent, pour rendre sa décision à cette première étape, le tribunal doit se limiter à l'analyse de la seule preuve tant testimoniale que documentaire déposée par la plaignante. Il doit faire abstraction de la preuve soumise par l'intimée à titre de réponse. Voir à cet effet Lincoln c. Bay Ferries Ltd 2004 CAF 204 au par. 22 :

[22] L'approche adoptée par le Tribunal et confirmée par le juge du procès afin de décider si le demandeur avait établi une preuve prima facie de discrimination n'est pas appuyée par la jurisprudence. La preuve prima facie produite par l'appelant établissait qu'il avait posé sa candidature à un poste de chef mécanicien sur le N.M. Princess of Acadia, qu'il possédait les qualités requises pour ce poste, qu'une autre personne avait obtenu le poste et que sa race avait joué un rôle dans la décision de l'intimée d'embaucher les autres candidats. Dans ces allégations, l'appelant aurait pu établir une preuve prima facie de discrimination au sens de l'arrêt O'Malley, précité, savoir une preuve : qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé . Au lieu de décider si ces allégations, si elles étaient crues, justifiaient un verdict favorable à l'appelant, le Tribunal a également tenu compte de la réponse de l'intimée avant de conclure qu'une preuve prima facie n'avait pas été établie. Comme il découle clairement de l'arrêt Etobicoke, précité et de l'arrêt O'Malley, ce dernier élément ne joue aucun rôle dans la détermination de la question de savoir si une preuve prima facie de discrimination a été établie.

[152] Si le tribunal juge qu'il y a absence d'une preuve prima facie par rapport à un élément essentiel des allégations ou juge la preuve soumise incomplète ou insatisfaisante, il devra rejeter la plainte. Voir C.C.D.P. c. C.N. (2000) 38 C.H.R.R.D/107 (C.F.). Dans les faits, c'est vraiment une question de savoir si chaque aspect essentiel de l'acte discriminatoire est appuyé par un élément de preuve.

[153] Par contre, s'il est d'avis qu'une preuve prima facie a été faite, les conséquences seront que le fardeau de la preuve se déplacera. Il incombe alors à l'intimée de fournir des explications raisonnables ou satisfaisantes quant à la pratique par ailleurs discriminatoire (Voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd, 2004 CAF 204 (CANLII), 2004 CAF 204, paragraphe 23 ; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 154 (CANLII), 2005 caf 154, paragraphes 26 et 27).

[154] Par ailleurs, la conduite d'un employeur ne sera pas considérée comme étant discriminatoire si celui-ci peut démontrer que ses refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences découlent d'exigences professionnelles justifiées (EPJ) (alinéa 15(1)a) de la Loi). Pour qu'une pratique soit considérée comme une EPJ, il doit être démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité (paragraphe 15(2) de la Loi).

[155] L'intimée doit également prouver que la justification n'est pas un simple prétexte pour masquer une pratique discriminatoire. Ainsi en a décidé la Cour fédérale dans Canada (P.G.) c. Lambie (1996) 29 C.H.R.R. D/483.

[156] Le degré de preuve exigé pour juger de l'existence ou de la non-existence de la discrimination est celui qu'on exige dans les dossiers de nature civile, à savoir la prépondérance de preuve. Les exigences d'une telle preuve sont moins grandes que celles exigées devant un tribunal qui siège en matière criminelle. Voici ce que le tribunal a déclaré dans l'arrêt Dawson c. Société canadienne des postes 2008 TCDP 41 au paragraphe 73 :

[73] Cela dit, comme on peut le lire dans la décision Wall c. Kitigan Zibi Education Council, [1997] C.C.D.P. no 6, la norme de preuve dans les affaires de discrimination reste la norme civile ordinaire de la prépondérance des probabilités et, s'agissant de la preuve circonstancielle, le critère est le suivant : on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l'appui rend cette conclusion plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse (B. Vizkelety, Proving Discrimination in Canada, Carwell, 1987, page 142).

V. QUELLES SONT LES QUESTIONS EN LITIGE

[157] À la lecture de la plainte déposée par la plaignante à l'encontre de l'intimée, qui porte sur la discrimination sur la base de son âge et de sa déficience, voici ce qui nous apparaît être les questions en litige :

1ère Question en litige

À l'occasion de la fermeture de l'Unité des programmes internationaux le 30 juin 2003 et de la fermeture de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement le 31 Octobre 2003, l'intimée a-t-elle défavorisé en cours d'emploi la plaignante en raison de son âge au sens de l'article 7 de la Loi ?

2e Question en litige

Au moment où le poste de Coordonnateur de programme fut offert à la plaignante et au moment où la plaignante a occupé ce poste, l'intimée l'a-t-elle défavorisée en cours d'emploi en raison de sa déficience et, dans l'affirmative, a-t-elle satisfait à son devoir d'accommodement au sens de l'article 15 de la Loi ?

3e Question en litige

En novembre 2004, l'intimée a-t-elle défavorisé la plaignante en cours d'emploi sur la base de sa déficience, en ignorant ou en refusant d'acquiescer à sa demande de reprendre le travail sur une base progressive et, dans l'affirmative, a-t-elle satisfait à son devoir d'accommodement au sens de l'article 15 de la Loi?

4e Question en litige

L'intimée a-t-elle défavorisé en cours d'emploi la plaignante en raison de son âge, en préférant accorder le poste d'adjointe-administrative à madame C. J. plutôt qu'à elle ? L'intimée a-t-elle défavorisé en cours d'emploi la plaignante en raison de son âge au sens de l'article 7 de la Loi ?

5e Question en litige

Les lignes de conduite de l'intimée ont-elles annihilé les chances d'emploi ou d'avancement de la plaignante et ainsi ont-elles enfreint l'article 10 de la Loi ?

A. 1ère Question en litige

[158] À l'occasion de la fermeture de l'Unité des programmes internationaux le 30 juin 2003 et de la fermeture de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement le 31 octobre 2003, l'intimée a-t-elle défavorisé en cours d'emploi la plaignante en raison de son âge au sens de l'article 7 de la Loi ?

(i) Preuve prima facie

[159] Les représentations de la plaignante sont à l'effet qu'au 30 juin 2003, lorsque l'unité des programmes internationaux fut fermée et au 31 octobre 2003, lorsque la Direction de l'apprentissage pour les cadres de la C.F.P. ferma ses portes, elle continuait d'être sans emploi alors que tous les autres employés, à l'exception de ceux qui avaient pris leur retraite, tous beaucoup plus jeunes qu'elle, s'étaient trouvé un emploi.

[160] La plaignante démontra que tous les autres employés à l'exception de ceux qui avaient pris leur retraite, étaient effectivement beaucoup plus jeunes qu'elle, qui avait 59 ans ; elle allégua que tous, sauf elle, s'étaient trouvé un emploi.

[161] Elle démontra, lettres de recommandation et témoignages à l'appui, que son travail antérieur tant au MAECI, qu'à la Commission de la fonction publique, fut généralement très satisfaisant et que personne n'eut à se plaindre de son rendement.

[162] Elle allégua être d'avis que seul son âge, 59 ans, avait joué contre elle et que de ce fait, l'intimée avait fait preuve de discrimination sur la base de son âge. Elle reprocha de plus à l'intimée de l'avoir négligée, voire abandonnée et avoir accordé un traitement préférentiel aux autres employés plus jeunes qu'elle.

[163] En l'absence d'explications pouvant justifier que la plaignante soit demeurée sans emploi alors que son travail semblait pourtant satisfaisant, il nous apparaît que l'âge de la plaignante soit le seul motif pouvant expliquer cette situation.

[164] Pour tous ces motifs, le tribunal est d'avis que la plaignante a fait une preuve prima facie que l'intimée est responsable de discrimination sur la base de son âge.

(ii) La position de l'intimée

[165] Au cours de la période commençant avec la fermeture de l'Unité des programmes internationaux et de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement et se terminant le jour où la plaignante a démissionné, celle-ci a continué de recevoir un salaire; elle a toujours occupé un poste et s'est vue confier des tâches jugées être de son niveau, sauf pour une période de six semaines commençant au début de novembre et se terminant à la mi-décembre 2003.

[166] Il nous semble que cette période de six semaines que la plaignante a passé seule dans un local vacant, qu'aucun des témoins de l'intimée incluant le chef des opérations aux ressources humaines, n'a pu expliquer, représente une situation des plus aberrante et inimaginable.

[167] La preuve révélée ne nous permet cependant pas d'affirmer que cet incident a été causé de façon délibérée par l'un ou l'autre des agents de l'intimée. Néanmoins, il s'agirait d'une maladresse et/ou manquement impardonnable qui serait imputable aux ressources humaines. Compte tenu de tout ce que nous avons appris sur la plaignante, nous sommes d'avis qu'elle ne méritait certainement pas de subir un tel traitement.

[168] Nous pouvons imaginer facilement l'angoisse et la déprime que la plaignante peut avoir ressentie ou vécue au cours de cette longue période. Si un employeur voulait démotiver ou détruire un employé, il n'y aurait pas de meilleure façon de le faire.

[169] Malgré cette faute grave des agents de l'intimée, nous ne pouvons relier ce geste ou plutôt cette absence de geste à l'âge de la plaignante.

[170] Nous attachons peu d'importance au fait que la plaignante ait passé une grande période de temps sans avoir en main une assignation écrite ; il nous est apparu que c'était une pratique courante qui, dans le présent cas, n'entraîna aucune conséquence fâcheuse pour la plaignante.

[171] Nous acceptons l'explication fournie par le directeur des ressources humaines à l'effet que les ressources humaines ont accordé une période de temps d'environ un an à la plaignante afin de lui permettre de trouver, par ses propres moyens, un nouveau poste, d'autant plus que le poste qui semblait l'intéresser le plus paraissait être de la nature d'une promotion et que l'intimée n'avait aucunement l'obligation d'agir en ce sens.

[172] Nous considérons comme normal qu'après s'être rendues compte que l'approche suivie jusqu'à la fin de 2003 n'avait pas permis à la plaignante de se trouver un nouveau poste par ses propres moyens, les ressources humaines prirent la décision de prendre les choses en main et de mettre de la pression sur la plaignante pour lui trouver un nouveau poste. C'est ainsi que par l'entremise du Directeur du ressourcement des cadres, un poste fut offert à la plaignante en janvier 2004.

[173] L'allégué de la plaignante à l'effet que l'intimée ne s'est pas occupée d'elle et qu'on ne retournait pas ses appels nous paraît loin d'être exact. Nous tenons tout d'abord à préciser que l'intimée ne peut agir que par son personnel. Pour ce motif, nous sommes d'avis que nous devons évaluer l'aide reçue par la plaignante en prenant en considération l'aide provenant de toutes ses sources, qu'il s'agisse des deux Vice-Présidents à la direction générale des programmes d'apprentissage et du perfectionnement, du conseiller stratégique principal, de la Directrice générale de la Direction de l'équité et de la diversité et du Directeur du ressourcement des cadres.

[174] Au cours de l'audience, nous avons été en mesure de nous rendre compte qu'il y avait eu du travail d'effectué par les ressources humaines afin d'aider la plaignante à se trouver un nouvel emploi. Bref, en admettant que les ressources humaines auraient pu ne pas avoir retourné les appels de la plaignante, ce qui fut contesté par le directeur des ressources humaines, il nous semble que la plaignante a reçu de l'aide sous plusieurs formes.

[175] Toutefois, nous sommes d'avis que la plaignante ne semblait pas en avoir été informée en temps opportun.

[176] C'est un fait que le Vice-Président de la direction de l'apprentissage pour les cadres a affirmé durant l'audience que tous les employés étaient sensés avoir reçu le document PSC Transformation Realigning for Modernization - Questions & Answers pièce R-1, onglet 2. Mais les ressources humaines se sont-elles donné la peine de rencontrer, de temps à autre, la plaignante pour lui expliquer ce qu'ils avaient fait pour elle ? Lui ont-ils expliqué comment ils entendaient l'aider dans le futur ? Lui ont-ils bien expliqué la situation dans laquelle elle se trouvait ? Ont-ils offert de répondre à ses questions ? N'y a-t-il pas eu un problème de communication ?

[177] Si tout ce qui a été dit au cours de l'audience avait été expliqué à la plaignante en temps opportun, il n'y aurait probablement pas eu de plainte de déposée à la Commission canadienne des droits de la personne ... ni d'audience et peut-être que la plaignante aurait continué de travailler à la Fonction publique jusqu'à l'âge de 65 ans.

[178] Quant au traitement privilégié qui aurait été accordé aux autres employés qui auraient été replacés à d'autres postes, aucune preuve n'en a été faite.

[179] En ce qui a trait au reproche adressé par la plaignante à l'intimée à l'effet qu'on aurait ignoré ses expériences et ses qualifications. Il nous est apparu que ce reproche dissimulait le fait que la plaignante était davantage intéressée par un poste de niveau administratif que par un poste de niveau clérical ; il ne faut toutefois pas perdre de vue que la plaignante détenait un CR-5.

[180] Elle ne pouvait donc pas reprocher à l'intimée de chercher à lui accorder un poste de niveau clérical et de ne pas l'avoir aidée à se trouver un poste de niveau administratif. L'obligation de l'intimée se limitait à replacer la plaignante à un poste de même groupe et niveau.

(iii) La conclusion

[181] La preuve déposée devant le tribunal est à l'effet que l'intimée n'était pas sans reproche. A titre d'exemple, la période de 6 semaines que la plaignante a passé seule et le manque de communication, comme nous venons de l'expliquer.

[182] Cependant, notre mandat ne nous permet pas d'agir dans de tels cas. Nous devons nous limiter à déterminer s'il y a eu de la discrimination de la part de l'intimée basée sur l'âge de la plaignante, au sens de l'article 7 de la Loi.

[183] Or, dans le cas sous étude, nous concluons que l'intimée, malgré les reproches que nous lui avons déjà adressés, n'a pas commis de discrimination sur la base de l'âge de la plaignante.

B. 2e Question en litige

[184] Au moment où le poste de Coordonnateur de programme fut offert à la plaignante et au moment où la plaignante a occupé ce poste, l'intimée l'a-t-elle défavorisée en cours d'emploi en raison de sa déficience et, dans l'affirmative, a-t-elle satisfait à son devoir d'accommodement au sens de l'article 15 de la Loi ?

(i) Preuve prima facie

[185] La plaignante a déclaré avoir informé le directeur du ressourcement des cadres au cours d'un appel téléphonique du 20 janvier 2004 de l'existence de sa condition de fibromyalgie et que le poste qu'il lui offrait n'était pas compatible avec sa condition. Selon elle, il aurait ignoré sa question. Elle l'aurait alors informé qu'il y avait dans son dossier une note de son médecin de famille datant de 2001 à l'effet qu'elle avait une condition de fibromyalgie.

[186] Un des témoins de la plaignante est venu déclarer avoir été au courant de l'existence de cette note, l'ayant lui-même déposée au dossier de la plaignante. À l'époque, en 2001, la plaignante aurait bénéficié d'arrangements spéciaux pour tenir compte de sa déficience.

[187] Craignant de perdre son emploi, la plaignante se sentit obligée d'accepter le poste offert et de retourner au travail. L'intimée ne tint nullement compte de la demande d'accommodement de la plaignante.

[188] Pour tous ces motifs, le tribunal est convaincu que la plaignante a démontré que l'intimée a fait une preuve prima facie de discrimination basée sur sa déficience.

(ii) La position de l'intimée

[189] Le Directeur du ressourcement des cadres nia avoir entendu la plaignante faire référence à sa fibromyalgie lors de la conversation téléphonique du 20 janvier 2004 ni en toute autre occasion. Il précisa cependant ce qu'il aurait fait si la plaignante lui avait soumis une telle demande.

[190] La plaignante déclara lui avoir téléphoné en février 2004, 2 semaines après la conversation du 20 janvier. Elle donna l'impression qu'au cours de cette conversation téléphonique son interlocuteur l'a tellement effrayée qu'elle décida d'accepter son offre. Par contre, la preuve a démontré que la plaignante avait déjà signé l'acceptation de ce poste le 21 janvier précédent.

[191] Étant confronté à deux versions diamétralement opposées, que faire ?

[192] Précisons en premier lieu que le Directeur du ressourcement des cadres étant déjà à la retraite et en principe, n'ayant aucun intérêt en jeu, n'aurait pas intérêt à mentir d'autant plus que sa Direction a été dissoute. Par contre, la plaignante a beaucoup à gagner ou à perdre.

[193] Le Directeur du ressourcement des cadres aurait eu peu à perdre en consentant des accommodements à la plaignante. En fait, il aurait pu s'en faire une solide alliée au moment de son retour au travail éventuel.

[194] Comment pouvait-elle dire dans cette même lettre de février que le Directeur du ressourcement des cadres lui fit tellement peur au cours de cette conversation téléphonique qu'elle aurait décidé de retourner au travail et de signer le contrat de travail puisqu'elle avait déjà signé la Réponse à l'offre de nomination le 21 janvier précédent ?

[195] Comment a-t-elle pu dans cette même lettre de février, mentionner le nom des docteurs (X et Y), respectivement psychologue et psychiatre, alors qu'on discute d'accommodements reliés à la fibromyalgie de la plaignante ? Ce n'est qu'au cours de l'été 2004 que ces deux médecins furent impliqués, une fois que le médecin de famille de la plaignante aura indiqué que sa patiente était alors en dépression.

[196] Dans les circonstances, en présence de deux versions contradictoire, nous retenons la version du Directeur du ressourcement des cadres puisque celle-ci nous semble plus crédible. Ainsi, nous sommes d'avis que la plaignante n'a pas informé son supérieur immédiat que sa condition de fibromyalgie l'empêchait d'accomplir les tâches du poste qu'on lui offrait et ne lui aurait pas demandé d'accommodements.

(iii) La conclusion

[197] Dans le cas sous étude, nous concluons que lorsque le Directeur du ressourcement des cadres a offert à la plaignante le poste de Coordonnateur de programme, celle-ci ne l'a pas informé qu'elle ne pouvait remplir les fonctions rattachées à ce poste à cause de sa fibromyalgie et n'a formulé aucune demande d'accommodement. Nous tenons à préciser que la plaignante qui désire obtenir des accommodements a également des obligations à remplir. Une de celles-ci étant d'informer l'employeur de sa situation médicale et des besoins qui en découlent. Voir : Central Okanagan School District No. 23 v. Renaud (1992) 2 S.C.R. 970, pages 30 et 31.

[198] Par conséquent, nous jugeons que l'intimée n'a pas fait preuve de discrimination sur la base de la déficience de la plaignante.

C. 3e Question en litige

[199] En novembre 2004, l'intimée a-t-elle défavorisé la plaignante en cours d'emploi sur la base de sa déficience, en ignorant ou en refusant d'acquiescer à sa demande de reprendre le travail sur une base progressive et, dans l'affirmative, a-t-elle satisfait à son devoir d'accommodement au sens de l'article 15 de la Loi?

(i) Preuve prima facie

[200] La plaignante déclara qu'au début de novembre 2004, les médicaments qu'elle prenait depuis quelque temps commençaient à avoir des effets positifs sur sa santé. Les effets de sa dépression commençant à s'estomper.

[201] Elle téléphona à son supérieur immédiat, le 8 novembre 2004, pour lui demander si elle pourrait reprendre le travail sur une base progressive, à raison de 2 jours par semaine.

[202] Celui-ci aurait refusé catégoriquement sa demande d'accommodement.

[203] Pour tous ces motifs, le tribunal est d'avis que la plaignante a fait une preuve prima facie de la discrimination de l'intimée basée sur sa déficience.

(ii) La position de l'intimée

[204] Le Directeur du ressourcement des cadres savait que la plaignante était en congé d'invalidité pour cause de dépression. Il allégua lui avoir téléphoné en septembre 2004 pour s'enquérir de son état de santé. Il se serait fait dire que ses médecins ne voulaient pas qu'elle retourne au travail.

[205] Toutefois, il nia avoir reçu un appel téléphonique de la plaignante le 8 novembre 2004.

[206] Il réitéra ne pas avoir été informé par la plaignante qu'elle ne pouvait, à cause de sa fibromyalgie, occuper le poste qu'il lui offrait et n'avoir reçu en aucun moment une demande d'accommodement de la plaignante.

[207] Il déclara n'avoir aucun souvenir que la plaignante aurait pu lui indiquer qu'elle se sentait assez bien pour retourner progressivement au travail en novembre et ce, malgré la recommandation de son psychiatre.

[208] Aucun des rapports médicaux produits ne fut à l'effet qu'au cours de la période s'étendant entre le mois de mai 2004 et le 31 mars 2005 la plaignante pouvait retourner au travail.

[209] Aucun de ces rapports médicaux ne suggéra un retour progressif de la plaignante au travail.

(iii) La conclusion

[210] Les rapports médicaux de différents médecins démontraient l'incapacité de la plaignante à travailler. Par conséquent, les gestes posés par les représentants de l'intimée étaient justifiés au sens de l'article 15 (2) de la Loi.

[211] La plaignante n'a produit au dossier de la cour aucun rapport médical attestant sa capacité à reprendre le travail de façon progressive au cours de la période s'écoulant entre le mois de mai 2004 et le 31 mars 2005.

[212] L'intimée nie avoir reçu une demande de retour progressif suite à sa dépression et par conséquent nie avoir refusé à la plaignante une telle demande.

[213] Pour ces motifs, nous sommes d'avis que la plaignante n'a pas démontré que l'intimée a fait preuve de discrimination sur la base de sa déficience.

D. 4e Question en litige

[214] L'intimée a-t-elle défavorisé en cours d'emploi la plaignante en raison de son âge, en préférant accorder le poste d'adjointe-administrative à madame C. J. plutôt qu'à elle ? L'intimée a-t-elle défavorisé en cours d'emploi la plaignante en raison de son âge au sens de l'article 7 de la Loi ?

(i) La preuve prima facie

[215] La plaignante déplora ne pas s'être fait offrir le poste d'Adjointe-administrative auprès du vice-président de la Direction générale des programmes d'apprentissage et de perfectionnement, alors que celui-ci a été accordé à Madame C.J., qui était plus jeune qu'elle. Madame C.J. aurait eu environ 28 ans à l'époque et la plaignante 59.

[216] À première vue, le poste semble important. Madame C.J. est très jeune pour occuper un tel poste. La plaignante a plusieurs années d'expérience. La feuille de route de la plaignante semble avoir plus de poids.

[217] Un seul facteur pourrait avoir été retenu contre elle : son âge.

[218] Pour tous ces motifs, le tribunal est d'avis que la plaignante a fait une preuve prima facie de la discrimination basée sur son âge.

(ii) La position de l'intimée

[219] Le Vice-Président de la Direction générale des programmes d'apprentissage et du perfectionnement allégua ne pas se souvenir que la plaignante ait montré un intérêt quelconque pour le poste qui fut confiée à madame C.J. ; la plaignante n'a pas indiqué qu'elle avait soumis sa candidature à ce poste ; elle ne serait pas prévalue du droit d'appel lorsque madame C.J. fut promue audit poste.

[220] De par son statut d'employée touchée, la plaignante n'était pas en mesure d'exiger de se faire accorder le poste de façon prioritaire puisqu'il s'agissait d'un poste de niveau plus élevé que le sien, donc, s'agissait d'une promotion.

[221] Ce même témoin a démontré que madame C. J. avait la compétence pour occuper ce poste ainsi que celui qu'il a confié plusieurs semaines plus tard à madame C. J. à Industrie Canada. Dans ce dernier cas, la plaignante a même entériné le choix du Vice-Président.

[222] La plaignante ne pouvait pas invoquer le fait qu'elle était prioritaire à Industrie Canada. Sa priorité se limitait au ministère où elle travaillait.

(iii) La conclusion

[223] Pour ces motifs, nous sommes d'avis que la plaignante n'a pas démontré que l'intimée a fait preuve de discrimination sur la base de son âge lorsque le Vice-Président a confié le poste à madame C.J..

E. 5e Question en litige

[224] Les lignes de conduite de l'intimée ont-elles annihilé les chances d'emploi ou d'avancement de la plaignante et ainsi ont-elles enfreint l'article 10 de la Loi?

(i) La preuve prima facie

[225] La plainte sous étude alléguait que l'intimée avait fait montre de discrimination à l'égard de la plaignante sur la base de son âge et de sa déficience et ce, en contravention avec les articles 7 (Emploi) et 10 (Lignes de conduite discriminatoires) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[226] Au cours de l'audience de sa preuve, la plaignante n'a aucunement reproché à l'intimé d'avoir appliqué à son égard des lignes de conduite discriminatoires sur la base de l'âge et de la déficience. En plus, elle n'a présenté aucun élément de preuve suggérant l'application de telles lignes de conduite de la part de l'intimée.

[227] Pour ces motifs, le tribunal est d'avis que la plaignante n'a pas démontré par preuve prima facie que l'intimée a appliqué à son égard des lignes de conduite discriminatoires sur la base de son âge ou de sa déficience.

(ii) La conclusion

[228] La plaignante n'a pas démontré que l'intimée a enfreint l'article 10 de la Loi.

VI. QUEL EST LE REDRESSEMENT APPROPRIÉ?

[229] Le tribunal a conclu que la plaignante n'a pu établir une preuve de discrimination à l'encontre de l'intimée, tant sur la base de son âge que sur la base de sa déficience.

[230] Pour ce motif, le tribunal ne juge pas nécessaire d'apporter quelque précision que ce soit quant aux mesures de redressement.

Signé par
Réjean Bélanger

OTTAWA (Ontario)
Le 3 février 2010

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1324/5408

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Shelley Ann Gravel c. la Commission de la fonction publique du Canada

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

le 14 au 18 septembre 2009

Ottawa (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 3 février 2010

ONT COMPARU :

Shelley Ann Gravel

Pour elle même

(Aucune représentation)

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Marie Crowley
Korinda McLaine

Pour l'intimée

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