Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

MARIE-THERESE FAHMY

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

AUTORITÉ AÉROPORTUAIRE DU GRAND TORONTO

l'intimé

DÉCISION

2008 TCDP 12
2008/05/07

MEMBRE INSTRUCTEUR : Matthew D. Garfield

Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal canadien
des droits de la personne

I. INTRODUCTION

II. LE CONTEXTE

III. L'UTILISATION DES INITIALES

IV. LA PLAINTE

V. LA REQUÊTE EN NON-LIEU

A. La question du choix

B. Décision sur la requête en non lieu

C. Le droit au sujet des requêtes en non lieu

D. La preuve prima facie dans les requêtes en non lieu

E. Les allégations et les faits dont il est question dans la requête en non lieu

VI. LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LE FOND

A. Le droit

B. Les conclusions sur la crédibilité

(i) La plaignante

(ii) S.M.

C. Les allégations : Introduction

D. Allégation no 1 : S.M. lui a retiré du travail et l'a donné à B.M. et M.G.

E. Allégation no 2 : La conversation du 3 ou du 4 septembre entre S.M. et Mme Fahmy

F. Allégation no 3 : La question des accents et du niveau de communication des employés

G. Allégation no 4 : La cote de sécurité

H. Allégation no 5 : La formation pour la passerelle de sécurité et d'autres formations

I. Allégation no 6 : S.M. a exclu la plaignante de réunions

J. Allégation no 7 : L'accès au réseau de campus

K. Allégation no 8 : La clé de l'armoire à CD

L. Allégation no 9 : Les commentaires à caractère sexuel au sujet de Mme Fahmy lors de deux réunions

M. Allégation no 10 : Son rendement de travail était bon : son congédiement était discriminatoire

(i) Était elle compétente et qualifiée pour effectuer le travail?

(ii) L'inventaire de l'équipement

(iii) Les échéanciers techniques non respectés

(iv) Protocole de gestion du changement du DC

(v) Tickets HEAT

(vi) La formation de M.G. pour l'outil de transfert Aelita

(vii) La plainte de Lynn Child

(viii) La plainte de Vishwa Surajram

(ix) Conclusion au sujet du rendement et du congédiement

N. Allégation no 11 : Le processus et l'évaluation de rendement étaient un leurre ou un prétexte

VII. CONCLUSION

I. INTRODUCTION

[1] Il s'agissait d'une période extrêmement occupée et stressante. C'était en 2002 et on s'empressait d'achever le Terminal 1 de l'Aéroport international Pearson de Toronto. Les employés du Département de la technologie de l'information de l'intimée, l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (la GTAA) suivaient un horaire serré pour le lancement du système informatique opérationnel du nouveau Terminal 1. C'est dans ce contexte que la plaignante, Marie Thérèse Fahmy, s'est retrouvée lorsqu'elle a commencé à travailler comme analyste de réseau dans le secteur de l'exploitation des systèmes de la TI de la GTAA en juillet 2002.

[2] Au début, tout semblait bien aller pour Mme Fahmy. Cependant, avec le temps, de son point de vue et de celui de son employeur, des problèmes ont surgi. Cela a commencé avec l'arrivée de son nouveau gestionnaire, quelques semaines après qu'elle eut commencé à travailler à la GTAA. La relation s'est détériorée. Du point de vue de l'employeur, son rendement au travail n'était tout simplement pas constant. Cependant, comme son rendement s'était amélioré depuis la première évaluation de rendement, sa période probatoire a été prolongée. Le 1er mai 2003 - dix mois après qu'elle eut commencé son emploi - la GTAA l'a congédiée. Elle a déposé un grief dans lequel elle alléguait avoir été victime d'un congédiement injustifié et, s'appuyant sur l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H 6, modifiée (la LCDP), elle a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) dans laquelle elle alléguait avoir été victime de discrimination fondée sur les motifs de distinction illicite de la race, de l'origine nationale ou ethnique, de la couleur et du sexe.

II. LE CONTEXTE

[3] La Commission a renvoyé la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) le 30 décembre 2005. Les parties ont estimé que l'audience durerait dix jours. La Commission n'a pas participé à l'audience. Lors du premier jour d'audience, l'avocate de la plaignante a demandé que la présentation de la preuve soit scindée. L'intimée a accepté. L'avocate de la plaignante a mentionné qu'elle avait récemment repris le dossier des mains d'un autre avocat, et qu'elle était incapable d'obtenir des dossiers médicaux à temps pour la partie de l'audience portant sur les mesures de redressement. L'avocate a aussi mentionné que la plaignante souffrait d'un problème de santé mentale, que sa cliente ne souhaitait pas révéler à moins que ce soit nécessaire. Ces questions n'étaient pas pertinentes quant à la partie de l'audience portant sur la responsabilité. Comme je doutais que l'audience complète pût se terminer dans les dix jours prévus de toute façon, j'ai accepté à contrecur de scinder la présentation de la preuve.

[4] Malheureusement, mes soupçons se sont confirmés. L'audience a duré vingt et un jours et demi, y compris la requête en non lieu. Même si les avocates des parties avaient sous estimé le temps nécessaire pour l'audience, pour être justes envers elles, je dois dire qu'il y avait d'autres facteurs en jeu. Le témoignage de certains témoins a duré anormalement longtemps. Par exemple, le témoignage de la plaignante a occupé presque huit jours de l'audience. Les questions devaient être répétées, parce que la plaignante ne répondait tout simplement pas directement à la question. Beaucoup d'objections ont été soulevées pendant l'audience, principalement par l'avocate de l'intimée. Je tiens à ajouter que j'ai fait droit à une grande partie de ses objections.

[5] En plus de la durée de l'audience, j'étais préoccupé par la longueur de la période au cours de laquelle les séances s'étaient déroulées - exactement un an. Ce délai était dû à l'horaire chargé des avocates. Il avait été très difficile de trouver des périodes au cours desquelles les deux avocates étaient disponibles. Je mentionne ce fait parce que cinq ans se sont écoulés depuis que l'emploi de Mme Fahmy auprès de la GTAA s'est terminé. La Commission a pris deux ans et demi pour renvoyer l'affaire au Tribunal et l'audience même s'est déroulée sur un an. Il n'est évidemment pas dans l'intérêt de l'une ou l'autre partie (ou de la Commission, qui n'a pas participé) que l'affaire prenne autant de temps avant d'en arriver à une conclusion. Pour les parties et pour les témoins, les souvenirs s'effacent et il devient plus difficile de témoigner. Pour le Tribunal, il devient encore plus difficile de trancher. Cependant, je suis convaincu que la preuve de vive voix ainsi que la preuve documentaire étaient suffisamment convaincantes pour me permettre de tirer des conclusions de fait et de droit et de trancher l'affaire.

III. L'UTILISATION DES INITIALES

[6] On verra dans mes motifs que j'ai été assez dur au sujet de la crédibilité de la plaignante et de certains témoins, ainsi que de leurs témoignages respectifs. Ainsi, et vu les lourdes accusations de la plaignante envers son gestionnaire en particulier et envers d'autres témoins, et celles d'autres témoins les uns envers les autres, j'ai décidé d'utiliser des initiales pour certains des témoins, afin de protéger leurs renseignements personnels et leur réputation. Je n'ai pas utilisé d'initiales pour les parties.

IV. LA PLAINTE

[7] Mme Fahmy soutient que la GTAA a violé ses droits, que les alinéas 7a) et 7b) de la LCDP protègent. L'article 7 prévoit ce qui suit :

Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a)de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;

b)de le défavoriser en cours d'emploi.

Mme Fahmy soutient qu'elle a été victime de discrimination fondée sur les motifs de la race, de l'origine nationale ou ethnique, de la couleur et du sexe. Elle est une femme de couleur d'origine égyptienne.

[8] La plaignante a déposé sa plainte le 14 juin 2003. Elle l'a reformulée plusieurs fois. En fait, la Commission a d'abord refusé de traiter sa plainte. Je dois ajouter que cela n'a aucune incidence sur ma décision, parce que l'audience devant le Tribunal est une audience de novo. Dans mes motifs, je traite des allégations précises.

[9] L'essentiel de la plainte de Mme Fahmy (fondée sur le formulaire de plainte déposé, l'exposé des précisions de la plaignante présenté au Tribunal (qui s'apparente à une plaidoirie) et son témoignage de vive voix) vise son gestionnaire, S.M., qui est devenu son gestionnaire quelques semaines après qu'elle eut commencé à travailler à la GTAA. Le prédécesseur de S.M. l'avait embauchée. Dans son formulaire de plainte, elle mentionne aussi que A.W., gestionnaire de projet de l'exploitation, qui l'avait supervisée de janvier à avril 2003 [TRADUCTION] [...] a tenté de détruire mon estime personnelle, même si elle a témoigné qu'il était [TRADUCTION] très gentil avec elle. Cependant, sa plainte est surtout dirigée contre S.M. Il n'est pas une partie à la plainte; la GTAA est la seule intimée. Dans sa lettre au président et PDG de la GTAA, Louis Turpen, datée du 4 mai 2003, après son congédiement, elle déclarait qu'elle ne blâmait pas la GTAA, elle blâmait seulement S.M. pour avoir agi de façon discriminatoire envers elle. Elle a écrit : [TRADUCTION] [...] il ne m'aimait pas à cause de mes origines. Elle n'a pas mentionné de discrimination fondée sur le sexe. De plus, dans une lettre à la Commission qui portait un tampon dateur du 11 décembre 2003, Mme Fahmy a écrit [TRADUCTION] Je crois fortement que ma plainte en matière de droits de la personne porte sur le fait qu'on a donné mon travail à des Blancs. Il n'y a aucune mention de discrimination fondée sur le sexe. Elle soutient seulement plus tard qu'il y a eu discrimination fondée sur le sexe. De plus, à l'audience, Mme Fahmy a soutenu que A.W. avait, en secret, attribué des tâches techniques aux [TRADUCTION] entrepreneurs blancs - ne mentionnant rien au sujet d'une discrimination fondée sur le sexe.

[10] En dépit du fait que S.M. n'est pas une partie au litige, la GTAA peut bien entendu être tenue responsable (de façon analogue à la responsabilité de l'employeur en droit de la responsabilité délictuelle) pour tout acte discriminatoire que S.M. (ou tout autre gestionnaire, employé, entrepreneur/consultant à titre d'agent de la GTAA) aurait commis en cours d'emploi, au sens de l'article 65 de la LCDP. C'est le cas à moins que l'employeur intimé puisse démontrer qu'il n'a pas consenti à l'acte discriminatoire, qu'il a agi avec diligence raisonnable de façon à prévenir l'acte et qu'il en a atténué l'effet.

[11] Dans son formulaire de plainte, Mme Fahmy soutient que son emploi a été donné à des [TRADUCTION] entrepreneurs blancs moins qualifiés. Elle soutient aussi que son gestionnaire blanc, S.M. préférait les [TRADUCTION] Blancs aux personnes de couleur [TRADUCTION] qui ont des accents. Elle a écrit qu'il avait passé des commentaires sexistes devant elle. De plus, Mme Fahmy soutient que S.M. lui a donné une évaluation de rendement injuste [TRADUCTION] remplie de fausses accusations. Elle fait valoir qu'elle a porté plainte à Maria Maack, la gestionnaire des ressources humaines, au sujet de la façon dont S.M. la traitait, sans résultat. Elle aussi écrit [TRADUCTION] [S.M.] m'évitait et refusait de reconnaître mon bon rendement. [Souligné par la plaignante.]

V. LA REQUÊTE EN NON-LIEU

A. La question du choix

[12] Lorsque la plaignante eut terminé de présenter son dossier, l'avocate de l'intimée a déclaré qu'elle souhaitait présenter une requête en non lieu. J'ai reçu des observations écrites au sujet de la question de savoir si la GTAA devrait choisir de ne pas appeler de témoins, si la requête était entendue. J'ai conclu que la GTAA n'aurait pas à faire de choix.

[13] En ce qui a trait à la question du choix, j'ai quelques commentaires à formuler. Premièrement, le Tribunal a compétence pour décider si un choix est requis et s'il entendra une requête en non lieu : Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2006 CF 785. Le juge Hughes a noté au paragraphe 22 que la question de l'exigence du choix est une question de procédure, et n'est pas une question de droit ou de justice naturelle : Il y a lieu d'accorder une latitude suffisante aux tribunaux administratifs en matière de procédure [...]. Deuxièmement, le Tribunal a lui-même rendu, après mûre réflexion, des décisions tant à l'appui de l'exigence de faire un choix qu'à l'appui de ne pas exiger que l'intimé fasse un choix avant que le Tribunal entende une requête en non lieu. Dans les deux décisions, les membres respectifs du Tribunal ont accepté que la question devait être tranchée en fonction des circonstances de chaque dossier : Chopra c. Canada (Ministère de la Santé nationale et du Bien être social), [1999] D.C.D.P. no 5, et Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 30. Dans le contexte civil, la plupart des juridictions au Canada n'exigent pas de choix . Bien qu'il existe des raisons légales et politiques valables pour l'une et l'autre décision, je suis plutôt persuadé par des arguments en faveur de la démarche n'exigeant pas de choix1. Dans le contexte de la LCDP, il n'y a aucun interrogatoire préalable pour les parties. Il n'y a aucune requête en jugement sommaire2. En fait, la LCDP ne prévoit aucune adjudication des dépens en faveur de l'intimé qui obtient gain de cause dans une procédure devant le Tribunal. Un intimé devant faire face à une plainte frivole ou vexatoire n'a que [TRADUCTION] peu de chances d'obtenir une décision sommaire qui ne nécessite pas une audience en bonne et due forme devant le Tribunal, après que la Commission a renvoyé la plainte devant le Tribunal. Par conséquent, je ne crois pas qu'il soit juste d'exiger que l'intimée fasse le choix de ne pas appeler de témoins à titre de condition à l'examen de sa requête en non lieu. Aucune preuve ne m'a été présentée donnant à entendre que le fait de ne pas demander qu'un choix soit fait augmente le nombre de requêtes en non lieu présentées et qui prolonge le processus d'audience.

B. Décision sur la requête en non lieu

[14] Le 3 juillet 2007, j'ai entendu les arguments au sujet de la requête en non lieu. Peu de temps après, j'ai avisé les parties de l'ordonnance suivante :

[TRADUCTION]

La requête en non lieu est rejetée. Je suis convaincu qu'il existe des preuves qui, si on leur prête foi, pourraient entraîner une responsabilité au sens de la LCDP. Cela ne veut pas dire que la preuve sera crue et qu'une responsabilité sera établie à la fin de l'audience, que la GTAA choisisse d'appeler des témoins ou non. De toute façon (c'est à dire si la GTAA choisit d'appeler des témoins ou non), à la fin de l'audience, je procéderai à l'appréciation et à l'évaluation habituelles de la preuve, y compris la crédibilité, ce que je ne peux pas faire dans une requête en non lieu.

[14] Dans les circonstances en l'espèce, où l'intimée a pu présenter une requête en non lieu sans avoir à choisir de ne pas appeler de témoins, je crois qu'il serait inapproprié de rendre des motifs détaillés immédiatement. Par conséquent, je rendrai mes motifs de décision à la fin de l'audience.

[15] On verra dans mon ordonnance ci dessus que, pour l'essentiel, je n'ai rendu aucun motif, j'ai plutôt promis de rendre des motifs complets à la fin de l'audience. J'ai ainsi répondu aux commentaires qui ont paru dans diverses décisions portant sur le choix et les requêtes en non lieu à savoir s'il fallait rendre des motifs, à quel moment ils devaient être rendus et quelle portée ils devaient avoir, lorsqu'un choix n'est pas exigé. Évidemment, il ne s'agit pas de décisions où la requête en non lieu est accueillie, ou où un choix est exigé. L'arbitre Slotnick dans Potocnik c. Thunder Bay (City), [1996] O.H.R.B.I.D. no 16, au paragraphe 16, souscrit à l'approche suivie dans Tomen c. O.T.F. (no 3), (1989) 11 C.H.R.R. D/223, justifiant le fait de ne pas rendre de motifs. Au paragraphe 10, l'arbitre Slotnick déclare :

[TRADUCTION]

[...] lorsqu'un arbitre n'exige pas qu'un choix soit fait et qu'il rejette la requête visant le rejet de la plainte, la procédure appropriée à suivre est de ne pas rendre de motifs. Autrement, la partie qui va présenter sa preuve aurait l'avantage de connaître les pensées de l'arbitre au sujet de la preuve de l'autre partie.

Dans Filgueira, précité, le membre Groarke a fait référence au fait qu'un intimé pourrait sonder le terrain auprès du Tribunal. Je conviens que l'intimé ne devrait pas tirer avantage du fait qu'il a présenté une requête en non lieu qui a été déboutée et qui lui permettrait de prendre le pouls du Tribunal. L'arbitre ne devrait pas rendre de motifs et devrait seulement dire si une preuve prima facie a été établie. C'est l'approche que j'ai suivie en l'espèce.

C. Le droit au sujet des requêtes en non lieu

[16] La requête en non lieu porte parfois le nom de requête en irrecevabilité dans la jurisprudence et son existence est justifiée. Dans un processus accusatoire, un défendeur n'est pas obligé de présenter une preuve. Le fardeau de la preuve revient à celui qui amène l'affaire en justice - le plaignant. On ne devrait pas s'attendre à ce que le défendeur aide le plaignant à faire sa preuve. De plus, si le plaignant est incapable de présenter une preuve suffisante (ou n'est pas capable d'en présenter une) pour établir en fait et en droit qu'il devrait y avoir responsabilité, le défendeur ne devrait pas être obligé de présenter sa preuve, à grands frais pour les parties et pour le public, qui finance les tribunaux.

[17] S'il est vrai que les ressources du défendeur et les fonds publics ne devraient pas être utilisés pour payer une défense contre des questions frivoles ou vexatoires, les tribunaux ont néanmoins établi des exigences élevées pour l'accueil des requêtes en non lieu. Cela est effectué de diverses façons : le critère de la preuve prima facie, qui exige une présomption selon laquelle la preuve du plaignant peut être crue, en donnant pour l'essentiel le bénéfice du doute au plaignant; l'obligation que le défendeur fasse un choix (dans les juridictions qui l'exigent); l'adjudication des dépens contre une partie requérante déboutée. Les cours ont clairement décidé qu'il ne devrait pas être trop facile pour un défendeur de repousser une poursuite en présentant une requête en non lieu. Il existe peut être une crainte de retard du processus si les requêtes en non lieu déboutées devenaient la norme. D'autre part, comme l'arbitre Wildsmith l'a déclaré dans Gerin c. IMP Group Ltd., [1994] N.S.H.R.B.I.D. no 4, au paragraphe 21 : [TRADUCTION] [...] Je note que la requête en non lieu peut être une mesure de protection contre l'abus.

D. La preuve prima facie dans les requêtes en non lieu

[18] Les tribunaux ont tranché différemment au cours des années au sujet du critère approprié à appliquer aux requêtes en non lieu. Par exemple, le plaignant doit il présenter une preuve suffisante ou doit il simplement présenter une preuve au sujet des éléments du dossier pour quíl y ait rejet d'une requête en non lieu? Y a t il une différence dans le contexte pénal par rapport au contexte civil?

[19] Du point de vue civil, dont relève l'affaire en l'espèce, le critère pour la partie requérante est le suivant : Y a t il eu une preuve présentée qui, si on lui prête foi, peut entraîner une responsabilité, en l'absence d'une réponse du défendeur (ou de l'intimé dans le contexte de la LCDP)? En d'autres mots, la preuve exige-t-elle du défendeur une réponse? Dans l'affirmative, la requête est rejetée; dans la négative, la requête est accueillie. Une requête en non lieu déboutée ne signifie pas que la plaignante aura gain de cause à l'issue de l'audience. Cela signifie simplement qu'on n'a pas satisfait aux exigences élevées permettant le rejet préliminaire du dossier.

[20] Il est important de noter que les approches analytiques utilisées dans des décisions sur le non lieu et dans les décisions sur le bien fondé sont différentes. Comme le membre Groarke l'a noté dans une autre décision, soit Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 32, au paragraphe 12, dans une requête en non lieu, on a recours à un type d'analyse différent de celui utilisé pour juger du bien fondé à l'issue de l'audience. Les tribunaux ont clairement établi qu'un juge des faits ou un arbitre ne doit pas avoir recours à l'appréciation et à l'évaluation habituelles de la preuve, y compris la question de la crédibilité, qui sont effectuées habituellement à l'issue d'un procès ou d'une audience. Il s'agit d'une erreur de droit de confondre les deux processus. Dans une requête en non lieu, le juge des faits examine l'affaire du point de vue de la preuve prima facie - de façon très superficielle, [TRADUCTION] à première vue, comme le terme latin prima facie signifie littéralement. Aucun examen attentif de la preuve ni aucune évaluation de la crédibilité des témoins ne sont effectués. Comme l'arbitre Wildsmith l'a correctement noté dans Gerin, précité, au paragraphe 7 : [TRADUCTION] [...] la qualité de la preuve ne doit pas être évaluée à ce moment. De plus, comme l'arbitre Baum l'a écrit dans Tomen, précité, au paragraphe 29 : [TRADUCTION] Je dois examiner la preuve à travers un prisme étroit. Comme tel, je n'évalue pas la preuve contradictoire. J'ajoute que cela comprend la preuve contradictoire provenant du dossier même du plaignant, à moins qu'elle ne soit simplement invraisemblable. Dans le cas d'une requête en non lieu, il y a presque une présomption de véracité au sujet de la preuve - si l'on y prête foi. Le plaignant obtient le bénéfice du doute. En effet, l'exigence est si élevée que ce n'est que si le dossier du plaignant est tellement invraisemblable ou tiré par les cheveux (c'est à dire que le décideur ne devrait pas tenir compte de ses propres croyances pour l'accepter) qu'on ne devrait pas y prêter foi3 . Par conséquent, il est difficile pour la partie requérante d'obtenir gain de cause dans une requête en non lieu. De plus, si la cour ou le tribunal demande à la partie requérante de faire un choix, compte tenu de l'exigence élevée établie, très peu d'avocats de défendeurs ou d'intimés prendraient ce risque.

[21] Le rôle du juge des faits dans une requête en non lieu a récemment été examiné par la Cour d'appel de l'Ontario dans FL Receivables Trust 2002 A (Administrator of) c. Cobrand Foods Ltd. (2007), 85 O.R. (3d) 561. La Cour d'appel de l'Ontario a conclu que le juge des faits avait appliqué le mauvais critère lorsqu'il a accueilli la requête en non lieu [TRADUCTION] [...] en outrepassant son mandat limité [...] dans la requête en non lieu. Le juge Laskin a écrit aux paragraphes 35 et 36 :

[TRADUCTION]

Dans une requête en non lieu, le juge des faits effectue un examen limité. Les deux principes pertinents qui guident cet examen sont les suivants. Premièrement si un plaignant présente une preuve au sujet de tous les éléments de sa plainte, le juge doit rejeter la requête. Deuxièmement, lorsqu'il examine si le plaignant a établi une preuve prima facie, le juge doit présumer que la preuve est véridique et doit attribuer la signification la plus favorable à la preuve qui pourrait entraîner des conclusions contradictoires [...]

En d'autres mots, dans une requête en non lieu, le juge des faits ne doit pas établir si les conclusions contradictoires dans la preuve sur lesquelles le défendeur peut se fonder réfutent la preuve prima facie du plaignant. Le juge des faits doit tirer cette conclusion à la fin du procès, et non pendant une requête en non lieu. Voir John Sopinka, Sidney N. Lederman et Alan W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e édition (Toronto : Butterworths Canada, 1999), à la page 139.

Je suppose que la Cour d'appel de l'Ontario ne donnait pas à entendre que la présomption de véracité de la preuve comprend une preuve qui est extrêmement invraisemblable ou simplement ridicule.

[22] Je souhaite aussi noter qu'il y a une certaine confusion dans la jurisprudence au sujet de ce qu'exige le critère : est-ce que la preuve pourrait entraîner une responsabilité ou est-ce qu'elle entraîne cette responsabilité. Les tribunaux ont suivi les deux approches et certains tribunaux évitent la question complètement. Dans Filgueira, précité, le juge Hughes souscrit, au paragraphe 6, au passage suivant de Sopinka, Lederman et Bryant : [TRADUCTION] Le juge doit déterminer si l'arbitre des faits pourrait raisonnablement donner gain de cause au demandeur s'il croyait la preuve présentée jusqu'à ce moment là dans le procès. [Non souligné dans l'original.] Il est clair que la Cour suprême du Canada a adopté l'approche du pourrait, du moins dans les contextes du droit civil et du droit pénal, que j'ai suivie en l'espèce4 . Je ne vois aucune raison de dévier de cette approche dans l'affaire dont le Tribunal est saisi.

[23] Y a t il un fardeau de présentation différent pour l'établissement d'une preuve prima facie de discrimination dans le cas d'une requête en non lieu par rapport aux autres situations, dans le déroulement normal d'une audience, après que les deux parties ont présenté leurs preuves? On ne m'a pas posé cette question en l'espèce. Par conséquent, j'examinerai la question une autre fois.

E. Les allégations et les faits dont il est question dans la requête en non lieu

[24] J'appliquerai maintenant le droit en matière de requête en non lieu aux allégations et aux faits en litige en l'espèce. La GTAA soutient qu'il n'y a pas de preuve, qui, si on lui prête foi, peut appuyer une conclusion de responsabilité contre elle pour discrimination au sens de l'alinéa 7a) ou 7b) de la LCDP et qui porte sur l'un des motifs de discrimination illicite cités par la plaignante. La plaignante soutient le contraire.

[25] Après avoir examiné attentivement la preuve, tant de vive voix que documentaire, de la plaignante et de ses témoins, comme je l'ai mentionné dans mon ordonnance, j'ai été convaincu qu'il existait une preuve qui, si on y prêtait foi, pourrait entraîner une responsabilité. Pour l'objet de la requête en non lieu, je n'ai pas besoin d'aborder chaque allégation. La preuve prima facie n'a qu'à être établie sur une seule violation de l'article 7, pour chacun des motifs de discrimination illicite cités, pour que la requête soit rejetée. Je reconnais que certaines des allégations portent sur le motif de distinction illicite du sexe et d'autres, sur les motifs de la race, de l'origine nationale ou ethnique et de la couleur. Certaines des allégations portent aussi sur tous les motifs de distinction illicites cités, parce qu'il est souvent difficile d'analyser les caractéristiques immuables d'une personne lorsque l'on conclut qu'il y a eu des pratiques discriminatoires.

[26] Pour effectuer cette analyse de la requête en non lieu, j'ai suivi les paramètres juridiques suivants : donner le bénéfice du doute à la plaignante, donner la meilleure interprétation possible à la preuve de la plaignante et de ses témoins et ne pas tenir compte des questions de crédibilité.

[27] En ce qui a trait à la question de la responsabilité pour violation de l'article 7 fondée sur le sexe, pour l'objet de la requête en non lieu seulement, je conclus que l'allégation de commentaires à caractères sexuels inappropriés faits à l'endroit de Mme Fahmy à deux occasions par S.M. ou A.W. (mais pas par M.G.) peut entraîner une responsabilité de la GTAA. En particulier, la preuve de S.G. est crédible, pour l'objet de la requête en non lieu, à savoir que soit S.M., soit A.W. a fait des commentaires dénigrants contre Mme Fahmy lors de deux rencontres entre les trois hommes. Les commentaires étaient sexuellement dégradants, parlaient de la plaignante en situation de fellation et avaient été proférés par un gestionnaire de la GTAA. De tels commentaires, même s'ils n'ont été portés à son attention qu'après son congédiement, peuvent avoir constitué une différence de traitement préjudiciable et avoir joué un rôle dans le congédiement de Mme Fahmy en raison de son sexe. Cette conclusion comprend la preuve de Mme Fahmy selon laquelle S.M. aurait passé des commentaires sexistes tels que [TRADUCTION] c'est encore un monde d'hommes et [TRADUCTION] laissez les hommes gagner. J'ai aussi tenu compte du fait que Mme Fahmy était la seule femme dans le département de la TI sous la supervision de S.M.

[28] Je conclus aussi, pour l'objet de la requête en non lieu seulement, qu'il existait des preuves qui, si on leur prête foi, pourraient entraîner une responsabilité pour la contravention à l'article 7 en raison de la race, de l'origine nationale ou ethnique et de la couleur. En particulier, tous les incidents suivants montrent, à première vue, qu'il y a eu une différence de traitement préjudiciable de Mme Fahmy, jusqu'à ce qu'il soit décidé de mettre fin à son emploi, différence de traitement fondée sur sa race, son origine nationale ou ethnique et sa couleur :

  1. elle a été embauchée comme responsable technique du projet d'infrastructure MS Windows 2000, mais cette responsabilité lui a été enlevée et a été donnée à M.G., un entrepreneur blanc dont les qualifications étaient moindres que celles de la plaignante;
  2. le travail du Centre de préproduction lui a été enlevé et a été donné à un autre entrepreneur blanc, B.M., qui était aussi moins qualifié qu'elle;
  3. Mme Fahmy a été exclue de réunions, y compris celle du 30 janvier, alors que les entrepreneurs blancs ne l'ont pas été (c'est à dire A.W., D.M., B.M., M.G.);
  4. S.M. a fait un commentaire dénigrant qui peut être perçu comme visant les employés ou les entrepreneurs de couleur qui [TRADUCTION] ont des accents : [TRADUCTION] Je veux des gens qui peuvent mieux communiquer;
  5. les employés blancs ont reçu de la formation, mais pas la plaignante ni les autres employés de couleur;
  6. des collègues masculins blancs ont eu accès au réseau de campus, mais pas la plaignante ni les autres employés ou entrepreneurs de couleur;
  7. en ce qui a trait à tous les motifs de distinction illicites cités, il existe des preuves selon lesquelles S.M. a dit à D.M. d'[TRADUCTION] inventer des problèmes de rendement et des lacunes pour justifier le congédiement de Mme Fahmy. Cela aurait eu lieu avant que sa période de probation soit prolongée, ce qui entache la bonne foi du processus complet d'évaluation de rendement et le prolongement de sa période de probation.

VI. LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LE FOND

[29] Après avoir rejeté la requête en non lieu, j'ai demandé à l'avocate de l'intimée si elle souhaitait présenter des preuves. Tout naturellement, Mme Rusak a répondu par l'affirmative et j'ai entendu ses témoins et la brève preuve présentée en réponse par Mme Fahmy. Ci dessous se trouvent les motifs pour lesquels je rejette la plainte sur le fond.

A. Le droit

[30] Dans le cadre de plaintes déposées en vertu de la LCDP, il incombe d'abord au plaignant ou à la Commission d'établir une preuve prima facie de discrimination5 : Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28. Une fois cela établi, c'est à l'intimé qu'il incombe d'établir une justification ou une explication de l'acte discriminatoire. La réponse de l'intimé ne devrait pas être prise en compte dans la décision à savoir si le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination : Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 2004, au paragraphe 22.

[31] Le principe légal suivant est aussi pertinent quant à l'affaire en l'espèce : Il n'est pas nécessaire que la discrimination soit le seul motif derrière le comportement en question pour que la plainte soit justifiée. Il suffit que la discrimination soit l'un des facteurs qui aient compté dans la décision de l'employeur : Morris c. Canada (Forces armées) (2001), 42 C.H.R.R. D/443 (T.C.D.P.), au paragraphe 69.

[32] La jurisprudence reconnaît la difficulté de prouver des allégations de discrimination avec des preuves directes. La discrimination est souvent pratiquée de façon très subtile et cachée. La discrimination ouverte est rare : Basi c. Chemins de fer nationaux du Canada (no 1) (1988), 9 C.H.R.R. D/5029 (T.C.D.P.), au paragraphe 5038. En fait, le Tribunal a la tâche de tenir compte de toutes les circonstances pour déterminer s'il existe, comme il l'a été décrit dans l'affaire Basi, de subtiles odeurs de discrimination.

[33] La norme de preuve dans les affaires de discrimination est la norme civile habituelle, à savoir la prépondérance des probabilités. Selon cette norme, on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l'appui rend cette conclusion plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible : Premakumar c. Air Canada (No 2) (2002), 42 C.H.R.R. D/63 (T.C.D.P.), au paragraphe 81.

B. Les conclusions sur la crédibilité

[34] À titre d'arbitre, je reconnais que la salle d'audience est un environnement artificiel dans lequel les témoins réagissent de façons individuelles et différentes au stress découlant du témoignage, etc. Par conséquent, leur comportement n'est utilisé que comme indice de crédibilité. Le contenu de leur témoignage et ce qu'ils ont fait, dit et écrit (comme la preuve documentaire est aussi importante) par le passé sont plus importants et forment la base de la question visée par la plainte qui m'a été présentée, et de la façon dont leur témoignage est reçu dans le contexte de la totalité de la preuve présentée. Je tiens aussi à ajouter que le fait de conclure qu'un témoin est crédible ou non ne signifie pas que tout ce que le témoin dit ou écrit est accepté ou rejeté. J'ai tenté de comprendre toute la preuve et de tirer des conclusions de fait au sujet de ce qui est réellement arrivé.

[35] Comme dans de nombreux cas, la crédibilité a joué un rôle important en l'espèce. Dans mes motifs, je commente la crédibilité de divers témoins. En particulier, je tiens à commenter principalement la crédibilité de deux des témoins les plus importants à l'audience : la plaignante et S.M. Bien que S.M. ne fût pas nommé comme partie dans le renvoi de la Commission, la plainte et la thèse de la plaignante ont toujours ciblé S.M. comme agent discriminateur.

[36] Mme Rusak soutient que la plaignante, D.M. et S.G. se sont parjurés devant le Tribunal, parce que leur témoignage était si invraisemblable. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils se sont parjurés, mais avant la fin de l'audience, leur crédibilité était endommagée.

(i) La plaignante

[37] J'ai douté de la crédibilité de la plaignante pendant toute l'audience, tant pour ce qu'elle a dit à la barre des témoins que pour ce qu'elle a écrit dans ses courriels et ses lettres, par comparaison aux témoignages des autres témoins. Elle n'était pas très crédible et son témoignage n'était souvent pas fiable. Elle a témoigné pendant presque huit jours. Mme Fahmy était souvent évasive. Elle a souvent omis de répondre la première fois qu'on lui posait une question; il fallait parfois répéter la question plusieurs fois, en particulier en contre interrogatoire. Parfois, elle se contredisait dans l'espace de quelques minutes, et elle s'est certainement contredit entre l'interrogatoire principal et son contre interrogatoire. Je ne crois pas qu'il y ait eu de problème de langue. Bien que l'anglais ne soit pas sa première langue et bien qu'elle ne soit pas complètement bilingue, sa compétence en anglais est très bonne, tant sur le plan verbal qu'écrit. Je tire cette conclusion en fonction de son témoignage et des nombreux documents qu'elle a écrits et qui ont été déposés en preuve. Je lui ai même demandé si elle avait de la difficulté à comprendre les questions. Elle a répondu par la négative. J'ai parfois remarqué qu'elle tentait d'anticiper la question du contre interrogateur avant qu'elle lui soit posée. Je suis intervenu souvent, l'avisant que je comprenais qu'il s'agissait d'une situation stressante, mais qu'elle devait écouter attentivement la question et répondre directement à la question.

[38] En plus de son comportement évasif, le contenu d'un bon nombre de ses réponses était invraisemblable. Je ne crois pas qu'elle ait répondu de façon honnête à la majorité des questions. En effet, à une occasion, Mme Rusak lui a posé une question et la plaignante a répondu qu'elle ne se concentrait pas, parce qu'elle lisait l'élément de preuve de l'évaluation de rendement. L'avocate a répondu que c'était faux, que la plaignante la regardait directement, [TRADUCTION] la dévisageait. Mme Fahmy a répondu : [TRADUCTION] Ouais. D'accord...Vous ne savez pas... Je vous regarde et je lis. Je regardais Mme Fahmy pendant toute la discussion. Mme Rusak avait raison.

[39] Plus tard dans mes motifs, sous les divers intertitres des allégations, je traiterai d'une partie du témoignage de la plaignante et de celui des autres témoins à son sujet qui ont soulevé des doutes au sujet de sa crédibilité. Pour l'instant, je donnerai quelques exemples. Premièrement, il était évident que Mme Fahmy avait présenté de façon inexacte son expérience dans le curriculum vitae qu'elle avait présenté à la GTAA par l'entremise de l'agence de placement Agelon lorsqu'elle avait été embauchée. En particulier, dans le curriculum vitae qu'elle a donné à la Commission après son emploi à la GTAA, elle a écrit sous le titre [TRADUCTION] Expérience de travail qu'elle avait été une [TRADUCTION] analyste principale de réseau à la GTAA. Cela était clairement faux. Dans son témoignage, elle a reconnu qu'elle avait été embauchée à la GTAA à titre d'[TRADUCTION] analyste de réseau et non à titre d'[TRADUCTION] analyste principale de réseau. Elle savait qu'il existait une différence claire entre les deux emplois, quant à la classification, au salaire, aux tâches et aux responsabilités. Elle a fait la même chose avec les autres anciens employeurs dans ce curriculum vitae (c'est à dire qu'elle a ajouté le mot [TRADUCTION] principale). Le curriculum vitae qu'elle a donné à la GTAA par l'entremise de l'agence de placement, en avril 2002, est différent de celui qu'elle a donné à la Commission et qui comprenait ses emplois après son congédiement de la GTAA. De plus, les dates auxquelles elle avait travaillé pour plusieurs employeurs n'étaient pas les mêmes sur les deux curriculum vitae : dans l'un des cas, celui de l'Office ontarien de financement, il y avait une différence de sept mois. Elle avait aussi omis d'inscrire une compagnie pour laquelle elle avait travaillé pendant plus d'un an dans le curriculum vitae qu'elle avait donné à la GTAA. Lorsqu'on l'a contre interrogée au sujet des différences, elle a répondu qu'un prêtre lui avait dit qu'elle pouvait le faire, [TRADUCTION] [...] ce n'est pas un mensonge si vous mettez le même nombre d'années d'expérience. Le nombre de compagnies n'importe pas. Mme Fahmy a précisé qu'on lui avait aussi dit qu'elle pouvait raccourcir son curriculum vitae, tant qu'elle soulignait les points importants. Elle a aussi témoigné qu'elle avait parlé avec une personne des ressources humaines du gouvernement de l'Ontario [TRADUCTION] au sujet de la façon de préparer un curriculum vitae et de le raccourcir. Elle a sous entendu que l'employé du ministère lui avait dit qu'elle pouvait modifier les périodes de travail afin d'éviter les [TRADUCTION] trous dans son emploi. Elle a aussi déclaré [TRADUCTION] [...] lorsque je présente ma candidature pour un poste qui n'est pas principal, je retire le mot principal partout ou je le rajoute. Il ne s'agit pas d'exactitude. Il s'agit de répondre aux questions de l'employeur et d'être capable d'effectuer le travail. En contre interrogatoire, elle a reconnu que le curriculum vitae qu'elle avait présenté pour obtenir son emploi à la GTAA n'était pas complètement [TRADUCTION] véridique et exact.

[40] Une autre situation qui porte préjudice à sa crédibilité et qui rend son témoignage non fiable porte sur la question de savoir si elle était occupée ou non pendant qu'elle travaillait à la GTAA et si elle a accepté l'évaluation de son travail dans les évaluations de rendement. Il suffit de dire que son témoignage était contradictoire. À un moment, elle a témoigné qu'elle n'était pas occupée de 50 à 60 p. 100 du temps de janvier à mai 2003, parce qu'on lui avait enlevé du travail. Elle a soutenu ce fait, malgré le fait qu'elle avait constamment demandé le paiement d'heures supplémentaires et malgré la preuve de plusieurs témoins, selon lesquels il s'agissait d'une période occupée et qu'il y avait beaucoup de travail pour tous. De plus, elle avait répondu dans un courriel du 8 avril 2003, en réponse à la demande de S.M. visant à obtenir les horaires de travail de ses employés, qu'elle était très occupée : [TRADUCTION] Activité quotidienne : Soutien de WNT/2000 et des serveurs Exchange 90 % de mon temps. En contre interrogatoire, lorsqu'on lui a suggéré que sa réponse au courriel était simplement fausse, elle a répondu que S.M. aurait dû savoir à quel point ils étaient occupés : [TRADUCTION] [...] le gestionnaire devrait savoir ce que nous faisons. Elle a aussi témoigné qu'elle craignait que si elle disait qu'elle n'était pas occupée, elle serait congédiée.

[41] Le témoignage de Mme Fahmy au sujet des évaluations de rendement soulève aussi des doutes au sujet de sa crédibilité. Elle a témoigné qu'elle n'avait pas lu l'évaluation complète du 8 novembre 2002; elle en avait lu des parties et elle n'en comprenait pas certaines parties. Plus tard, elle a déclaré [TRADUCTION] une grande partie, j'ai lue, mais je n'étais pas d'accord. Une petite partie, je n'ai jamais lue. Ses réponses sont prises de pair avec la réponse écrite qu'elle a donnée à cette question. Après avoir lu l'évaluation de rendement et sa réponse écrite, je conclus qu'elle n'aurait pas pu écrire ce qu'elle a écrit sans avoir lu l'évaluation complète. De plus, dans sa lettre du 5 mai 2003 à la Commission, Mme Fahmy a écrit à la page 2 : [TRADUCTION] Ensuite, je suis retournée à la maison et j'ai lu l'évaluation de rendement et j'ai trouvé trop de fausses accusations. Il est évident qu'elle a lu l'évaluation, comme elle le devait, puisqu'elle avait la responsabilité à titre d'employée en probation de lire l'évaluation afin de comprendre les domaines pour lesquels elle devait s'améliorer.

[42] En ce qui a trait au contenu de l'évaluation de rendement, elle a témoigné qu'elle ne l'acceptait pas. Il existe clairement des documents qui font état de sa préoccupation au sujet de certaines parties de l'évaluation, y compris l'affirmation selon laquelle elle n'avait pas respecté de nombreuses échéances et les exemples qui ont été donnés plus tard. Pourtant, elle a aussi écrit qu'elle acceptait et qu'elle tenterait de s'améliorer. Elle a expliqué cette note en déclarant qu'elle [TRADUCTION] tentait de le [S.M.] gagner et qu'elle ne pensait pas ce qu'elle avait écrit. Elle a écrit à S.M. qu'elle l'aimait [TRADUCTION] tellement, alors qu'en fait elle a témoigné qu'elle croyait que S.M. était raciste à l'époque, mais qu'elle [TRADUCTION] tentait de le mettre de son bord. Pour l'essentiel, je trouve difficile de conclure si elle disait la vérité la première fois, ou si elle disait la vérité au sujet du fait qu'elle n'avait pas dit la vérité.

[43] Son témoignage au sujet de sa rencontre du 6 décembre 2002 avec la gestionnaire des ressources humaines Maria Maack est invraisemblable aussi dans l'ensemble. Elle soutient qu'elle a montré à Mme Maack des courriels qui démontraient que S.M. la [TRADUCTION] harcelait et qu'il ne l'aimait pas parce qu'elle était une femme. Il n'existe aucun courriel à l'appui de cette allégation. Elle soutient qu'elle voulait que Mme Maack lance une enquête à ce sujet. Elle a déclaré que Mme Maack avait refusé de faire quoi que ce soit. Mme Fahmy a aussi écrit : [TRADUCTION] La question de la discrimination fondée sur le sexe a été soulevée seulement entre moi et Maria Maack. Je conclus que sa preuve est complètement invraisemblable. Je n'accepte pas son témoignage selon lequel elle a alerté une gestionnaire expérimentée des ressources humaines, qui forme d'autres personnes au sujet de la discrimination et du harcèlement et qui enquête dans de tels cas, et que Mme Maack ait refusé de faire quoi que ce soit. Cela contreviendrait à la convention collective et aux politiques internes contre la discrimination et le harcèlement de la GTAA. Comme Mme Maack l'a déclaré, si elle n'avait absolument rien fait comme Mme Fahmy le soutient, elle (Mme Maack) n'aurait plus d'emploi. J'accepte le témoignage de vive voix de Mme Maack et son courriel à S.M. ainsi que la note au dossier datée du 9 décembre 2002 et je suis d'avis que ces preuves reflètent ce qui est arrivé à la réunion. Je tiens à ajouter que j'ai trouvé que Mme Maack était un témoin très crédible.

(ii) S.M.

[44] S.M. était le gestionnaire de Mme Fahmy. Il avait commencé à travailler plusieurs semaines après que Mme Fahmy eut commencé à travailler à la GTAA. Il était un nouveau gestionnaire et, en effet, il a témoigné qu'il n'avait jamais effectué une évaluation de rendement auparavant. Bien que je n'accepte pas tout de son témoignage, en majeure partie, je conclus que S.M. était un témoin très crédible et que son témoignage était fiable. Il a répondu aux questions de façon brève et son témoignage de vive voix concordait en général à ses courriels et à ses lettres ainsi qu'à la prépondérance de la preuve en l'espèce.

[45] Il y a un point que je n'ai pas accepté dans son témoignage : celui qui portait sur le fait que Mme Fahmy était restée la responsable technique du projet W2000 [TRADUCTION] jusqu'au dernier jour. Après avoir examiné le témoignage des autres témoins ainsi que la preuve documentaire, je conclus que bien qu'elle fût toujours une analyste de réseau (le poste pour lequel elle avait été embauchée), au moment de son congédiement, Mme Fahmy n'était plus la responsable technique du projet W2000. Par exemple, j'accepte le témoignage d'Ozgur Erkucuk selon lequel elle a finalement été [TRADUCTION] retirée du projet. J'y reviendrai plus tard dans mes motifs.

C. Les allégations : Introduction

[46] Je traiterai maintenant des nombreuses allégations de la plaignante et des questions en litige qui en découlent, allégations fondées sur les alinéas 7a) et 7b) de la LCDP. Certaines allégations portent sur tous les motifs de distinction illicite, alors que d'autres portent seulement sur le motif du sexe, et d'autres portent sur la race, l'origine nationale ou ethnique ou la couleur seulement. À l'exception des cas où je le précise, chaque allégation porte sur les quatre motifs de distinction illicite cités. Mme MacKinnon, l'avocate de la plaignante, soutient que chaque allégation de différence de traitement préjudiciable peut ne pas, à elle seule, imposer une responsabilité à la GTAA, mais que les allégations dans leur ensemble imposent une telle responsabilité.

[47] Dans les conclusions finales, Mme MacKinnon m'a demandé de conclure qu'il y a eu harcèlement, bien qu'elle n'ait pas avancé d'allégation de harcèlement au sens de l'article 14. L'avocate de la GTAA a soulevé une objection. La GTAA n'avait pas été avisée de cette allégation et j'ai expliqué que je ne permettrais pas à la plaignante de faire indirectement ce qu'elle ne pouvait pas faire directement. La plainte a toujours été présentée comme une plainte de contravention à l'article 7 seulement; l'intimée n'a pas reçu d'avis raisonnable. Pour des raisons de justice naturelle, aucune allégation de harcèlement ne sera examinée contre l'intimée.

D. Allégation no 1 : S.M. lui a retiré du travail et l'a donné à B.M. et M.G.

[48] Il s'agit d'une partie importante de la plainte de Mme Fahmy. Mme Fahmy soutient qu'elle était la responsable technique du projet Windows 2000 au départ, qu'on lui a enlevé ses tâches principales et qu'on les a données à deux entrepreneurs masculins blancs - B.M. et M.G. - qui étaient moins qualifiés qu'elle. Elle soutient que, par conséquent, on l'a reléguée à des tâches moins importantes. Pour traiter cette allégation, je dois examiner exactement ce qu'était son emploi à la GTAA.

[49] Mme Fahmy a été embauchée comme analyste de réseau. Responsable technique ne faisait pas partie de sa désignation d'emploi. Selon la description de poste, on pouvait lui attribuer divers projets à la discrétion de son gestionnaire, qui pouvait la nommer responsable technique. Un [TRADUCTION] avis de poste vacant et un document [TRADUCTION] de données sur les analyses de tâches qui précisent les exigences du poste et les tâches d'un analyste de réseau de la GTAA ont été présentés en preuve. Mme Fahmy a soutenu que ces documents s'appliquaient à elle, après certaines modifications. Elle n'acceptait pas le point au sujet du fait que son gestionnaire pouvait lui attribuer d'autres tâches. Dans sa réplique à la réponse de la GTAA à la Commission, elle a écrit : [TRADUCTION] Le poste porte strictement sur la mise en uvre et le soutien de Windows 2000/NT. Selon elle, S.M., A.W. et M.G., sa tâche principale était d'être la responsable technique du projet Windows 2000, de convertir les données et les utilisateurs de Windows NT à Windows 2000. Il s'agissait du projet le plus gros et le plus dispendieux du département de la TI à l'époque. D.L. était le gestionnaire de projet et D.M. était l'architecte. Mme Fahmy devait travailler en collaboration avec D.M.

[50] Pour obtenir une meilleure compréhension de son emploi, examinons ce que Mme Fahmy a écrit dans sa description d'emploi sur son curriculum vitae après son emploi à la GTAA, à la page 2 :

Autorité aéroportuaire du Grand Toronto Juillet 2002 à mai 2003

Analyste principale de réseau

Planification et mise en uvre des services Active Directory et déploiement des serveurs Windows 2000 Advanced servers.

Maintenance et surveillance de 72 serveurs Windows NT et 2000, y compris les services DHCP, WINS et DDNS.

Configuration de réseaux locaux virtuels (Vlans) et de la sécurité des ports de commutateurs Cisco, séries 1900, 2900 et 3500.

Maintenance des systèmes Exchange 5.5 server et Exchange 2000 server.

Mise en uvre des systèmes SMS 2.0 et SQL server 2000.

Mise en place d'un système de secours pour le service RSASecurID.

Participation à l'aménagement de la salle des ordinateurs et préparation de l'ensemble des armoires et serveurs achetés.

[51] Les tâches ci dessus, décrites dans les mots de la plaignante, démentent sa plainte et son témoignage au sujet du fait que son travail a été réduit et qu'une partie de ses tâches avait été donnée à d'autres, lui laissant un rôle moins important qu'auparavant. Elle a écrit qu'elle avait [TRADUCTION] planifié et mis en uvre les services Active Directory et le déploiement des serveurs Windows 2000 Advanced servers. Il s'agit de tâches de responsable technique, au sujet desquelles elle a d'abord soutenu que D.M. et V.J. n'avaient pas reconnu sa contribution, et, lorsqu'il est devenu évident que l'architecture du système ne fonctionnait pas et devait être remplacée ou réparée, au sujet desquelles elle a soutenu qu'elle n'était pas du tout responsable, parce qu'on lui avait retiré son travail. Dans son curriculum vitae, elle a par hasard omis de mentionner que le déploiement du système Windows 2000 qu'elle avait [TRADUCTION] planifie et mis en uvre était un échec.

[52] Pendant l'audience, il y a eu de la confusion au sujet de ce que le rôle exact de Mme Fahmy était, y compris la terminologie - [TRADUCTION] responsable technique, [TRADUCTION] principal, [TRADUCTION] supérieur et [TRADUCTION] coordonnateur. J'accepte l'explication selon laquelle [TRADUCTION] responsable technique et [TRADUCTION] principale étaient interchangeables. Le terme [TRADUCTION] supérieur a été utilisé par divers témoins dans le sens de : qui a le plus d'ancienneté, le plus de connaissances, le responsable. Le terme [TRADUCTION] analyste principal de réseau est aussi un terme technique de l'industrie et appartient à une classification distincte dans la convention collective de la GTAA. A.W., qui est entré en poste en janvier 2003 pour s'occuper des problèmes de conception et de mise en uvre du système W2000, a soutenu que la plaignante [TRADUCTION] était la ressource technique principale pour Windows pour le projet W2000. S.M. a témoigné qu'elle était la coordonnatrice de Windows 2000 pour son département : la [TRADUCTION] principale. Il a soutenu : [TRADUCTION] La responsabilité générale de coordination appartenait à D.M. et D.L. [...] Elle était la seule ressource permanente de l'équipe [pour le projet de Windows 2000]. Elle l'a toujours été. On ne lui a jamais enlevé, même jusqu'au dernier jour, elle était la principale personne responsable, même si j'avais des préoccupations au sujet de son rendement. Il a aussi soutenu que D.M. et M.G. ont, au départ, été embauchés pour l'aider, parce qu'il s'agissait d'un gros projet.

[53] Le témoignage contradictoire de Mme Fahmy au sujet de son rôle et de ses responsabilités est évident dans les échanges suivants entre elle et Mme Rusak :

Q. [...] vous avez dit que vous aviez mal compris parce que vous croyiez que vous étiez la supérieure pour Windows 2000.

R. Quand j'ai été embauchée - oui, je ne suis pas une supérieure avec un titre, mais je suis responsable de m'assurer que tout va bien avec Windows 2000. Et s'il y avait un problème, je le réglais.

Q. [...] Vous n'avez pas été embauchée à titre de supérieure, pourtant vous tentiez d'assumer le rôle d'une supérieure.

R. Je n'ai pas assumé le rôle [...] Je connais Windows 2000 au niveau supérieur, oui. Je ne suis pas une supérieure. Je connais simplement mon produit au niveau d'une supérieure [...] Je suis la seule responsable. Seulement une personne. Et j'avais la permission de corriger les erreurs d'autres personnes. Donc c'était ma responsabilité. S'ils causaient un problème, je le réglais. J'étais donc la personne qui avait le plus de connaissances de Windows.

Q. Donc vous dites qu'à titre de responsable technique, vous ne pouviez pas déterminer qui, pour reprendre vos mots, avait bousillé les systèmes, parce qu'il y avait trop de personnes qui les utilisaient.

R. Je ne suis pas la responsable technique. Je n'étais pas entièrement la responsable technique.

Q. Vous avez dit que vous étiez la responsable technique. Je vous ai demandé si vous étiez la responsable technique du projet W2K, vous avez dit oui. Maintenant vous n'êtes pas la responsable technique.

R. Non. Je ne suis pas la responsable technique - le problème, c'est que [S.M.] a miné ma responsabilité et qu'il ne voulait pas que - il ne respectait pas mes connaissances, donc je n'étais pas la responsable technique. Je devais l'être, mais je ne l'étais pas.

[54] S.M. a témoigné : [TRADUCTION] Elle devait comprendre ce qui était construit, pour qu'elle puisse le soutenir et accepter le système pour le département et ensuite le soutenir. Dans son courriel à Mme Fahmy daté du 12 novembre 2002 (après qu'elle eut reçu sa première évaluation de rendement et qu'elle eut répondu qu'elle ne comprenait pas bien son rôle), S.M. a précisé ses responsabilités :

[TRADUCTION]

[...]Vous faites partie de l'équipe de projet Windows 2000. L'équipe est gérée par [D.L. et D.M.]. Votre rôle principal (comme toujours) est d'aider à l'établissement et au déploiement de la technologie W2K tout en devenant notre experte départementale dans le domaine de l'administration et de la croissance future (la conception) de la technologie W2K.

En d'autres mots, continuez à soutenir l'équipe W2K et assurez vous de comprendre comment le W2K a été établi à l'Aéroport international Lester B. Pearson. Lorsque l'environnement W2K sera entièrement en production, vous serez la principale administratrice du W2K dans notre groupe. [M.G.] sera votre remplaçant et devrait participer à toutes les questions portant sur W2K. En plus de ce rôle, je m'attends à ce que vous continuiez à soutenir toute autre question de production qui pourrait survenir et qui n'a pas de répercussion sur votre rôle dans le projet W2K. Je m'attends aussi à ce que vous continuiez à répondre à tout appel sur votre téléavertisseur.

Je m'attends à ce que vous continuiez à contribuer à l'équipe et à offrir vos idées et vos suggestions lorsque des problèmes surviennent.

[55] Plusieurs commentaires découlent du courriel reproduit ci dessus. Premièrement, je suis d'avis qu'il reflétait justement le rôle de Mme Fahmy en date du 12 novembre 2002. Deuxièmement, son gestionnaire précise ses attentes et les communique clairement à Mme Fahmy.

[56] S.M. a témoigné qu'après avoir envoyé le courriel précité du 12 novembre à Mme Fahmy en réponse au fait qu'elle avait déclaré qu'elle était confuse au sujet de son rôle, elle a répondu [TRADUCTION] Merci pour les précisions. Elle n'était plus confuse au sujet de son rôle et de ses responsabilités. Cependant, il a déclaré : [TRADUCTION] Un jour, elle le comprend; une semaine plus tard, elle est de nouveau confuse. Je dois lui renvoyer un courriel. C'est arrivé au moins quatre fois; elle avait toujours besoins de rétroaction. Il a plus tard déclaré qu'il n'avait jamais eu à s'occuper autant d'un employé ou d'un entrepreneur.

[57] Au compte rendu de la réunion du 17 juillet 2002 au sujet du [TRADUCTION] Projet d'infrastructure de réseau Windows 2000, à laquelle D.M., Imran Asmal et la plaignante ont participé, et dont D.L. et S.M. ont reçu copie, il était écrit : [TRADUCTION] La gestion à venir du projet sera fondée sur la participation égale des trois principaux membres de l'équipe [les trois personnes présentes]. Mme Fahmy a préparé le compte rendu.

[58] Après avoir examiné la preuve en détail, je conclus que Mme Fahmy a d'abord été embauchée comme analyse de réseau et que sa principale responsabilité était d'être la responsable technique du projet W2000, dirigé par D.L. et D.M. Mme Fahmy se voyait attribuer d'autres tâches de temps en temps, mais le projet W2000 devait occuper la majorité de son temps. Les notes de S.M., qui a dû lui dire qu'elle devait se concentrer sur le projet W2000 et ne pas s'inquiéter des autres projets, appuient cette conclusion. Le courriel de Mme Fahmy à S.M., daté du 6 septembre 2002, dans lequel elle se plaignait que D.M. et V.J. ne partageaient pas avec elle le mérite de la conception confirme son rôle important dans le projet : [TRADUCTION] On a complètement nié et oublié mon aide. Je note que dans ce courriel, elle précise son rôle dans le projet, ce qui montre qu'elle faisait partie intégrante du processus de conception. Mme Fahmy critique le travail de D.M. dans ce courriel. En effet, dans le même courriel, elle a écrit en caractères gras [TRADUCTION] [D.M.] n'avait pas d'expérience dans la migration de domaines W2K. Il l'a clairement dit lorsque nous avons commencé le projet. Maintenant, vous dites qu'il est l'expert et que c'est moi qui apprend. Qu'elle ait eu raison ou non, cela confirme le témoignage de S.M. au sujet du fait qu'elle remettait toujours D.M. en question et qu'elle n'acceptait pas son rôle. Il est intéressant de noter que lorsque le projet semblait porter fruit, elle ne niait pas sa participation ni son rôle et elle se plaignait du fait qu'on ne lui reconnaissait pas sa contribution. Cependant, lorsqu'il est devenu apparent que la conception du système était un échec et qu'il faudrait une réparation dispendieuse ou une reconstruction complète, elle a changé son fusil d'épaule. Elle a diminué l'importance de son rôle et elle a déclaré qu'elle n'avait aucun pouvoir de décision.

[59] Bien que j'accepte que la plaignante fut, au départ, embauchée à titre de responsable technique ou de [TRADUCTION] principale pour le projet W2000, je ne conclus pas qu'elle a occupé cette fonction jusqu'à la fin de son emploi le 1er mai 2003. Je n'accepte pas le témoignage de S.M. à ce sujet. J'accepte le témoignage de A.W. et de S.G. lorsqu'ils ont témoigné que la réputation des personnes liées à la conception du premier système W2000, qui a échoué, avait été ternie en raison de cet échec. Beaucoup de ces personnes n'étaient plus là en février 2003, auquel moment la GTAA a embauché un expert reconnu de Microsoft pour découvrir ce qui s'était passé et pour faire des recommandations. Le rapport de Microsoft, qui a été présenté le 28 février 2003, était une condamnation dévastatrice du système conçu et monté par l'équipe D.L./D.M./V.J./Fahmy6 . Mme Fahmy n'était pas l'un des membres importants de l'équipe à être congédiés. Je tiens à ajouter que la GTAA a précisé, et que S.M. a déclaré dans son témoignage, que le rapport Microsoft et le rôle de Mme Fahmy dans la conception et la mise en uvre infructueuse de l'infrastructure W2000 n'ont joué aucun rôle dans la décision de S.M. de mettre fin à son emploi. Bien que je croie que ce ne fut pas une raison explicite, je conclus que la réputation de Mme Fahmy a été ternie par sa participation au projet à titre de responsable technique, comme S.G. l'a dit dans son témoignage. Le mal fait à sa réputation, en plus des autres aspects négatifs de son travail et de ses interactions avec S.M., ont fait que S.M. a perdu confiance en ses habilités et qu'il lui a retiré certaines de ses responsabilités (c'est à dire la responsabilité technique du projet W2000).

[60] De plus, il est naturel que S.M., étant nouveau gestionnaire, souhaitait embaucher de nouvelles personnes, en particulier après un tel désastre du point de vue des finances et des échéanciers. Je note aussi le courriel de S.G. à M.G., dont Mme Fahmy a reçu une copie, datée du 18 mars 2003 [TRADUCTION] en retour sur la réunion de ce matin entre S.M., S.G. et M.G. Dans ce courriel, S.G. confirme qu'il a été décidé que M.G. serait le principal ou le responsable technique, et que Mme Fahmy serait le second pour [TRADUCTION] l'administration et le soutien de WINS [le système Enterprise W2000].

[61] Je conclus que B.M. et M.G. n'ont pas été embauchés pour remplacer Mme Fahmy, comme elle le soutient. Ils ont d'abord été embauchés pour l'aider dans ce projet important à l'automne 2002. De plus, M.G. devait être le remplaçant de Mme Fahmy. J'accepte le témoignage de M.G. et A.W. selon lequel il s'agissait d'une pratique courante et qu'il était censé avoir un remplaçant pour chaque responsable technique ou principal, au cas où quelque chose arriverait à cette personne, qu'elle soit en vacances, qu'elle tombe malade, etc. A.W. a témoigné que [TRADUCTION] [...] en janvier, février, elle était toujours responsable technique et il s'agissait d'une grande responsabilité pour une seule personne. Cependant, lorsqu'il est devenu évident que le système ne fonctionnait pas, la réputation des principaux acteurs a été ternie - D.L., D.M. et Mme Fahmy. Cela a détruit leur crédibilité. Ajoutant cela aux problèmes de mauvais comportement et d'insubordination ou de comportement non professionnel de Mme Fahmy que S.M. avaient remarqués (par exemple, le fait qu'elle défiait toujours S.M. et D.M., l'incident d'ouverture et de fermeture de porte du 13 novembre dans le bureau de S.M., lorsqu'elle lui a tourné le dos et a quitté la réunion du 8 novembre, etc.), je crois que S.M. a décidé de diminuer ses tâches à titre de responsable technique du projet W2000. À la fin de février 2003, comme l'échéancier du Terminal 1 approchait rapidement et que le rapport de Microsoft avait été présenté, les supérieurs de S.M. ont décidé de remonter le système W2000, ce qui leur coûterait très cher. Je ne crois pas que S.M. avait suffisamment confiance en Mme Fahmy pour lui laisser le titre de responsable technique pour la reconstruction du système. S.G., A.W. et M.G. devaient être les principaux acteurs du nouveau projet Enterprise W2000. Mme Fahmy n'a gardé que le nom de responsable technique pour le premier projet W2000 de mars 2003 jusqu'à la fin de son emploi.

[62] Même si j'ai conclu que, à partir d'environ mars 2003, Mme Fahmy ne portait que le nom de responsable technique pour le premier projet W2000 inutilisable, et non pour le nouveau projet Enterprise W2000, je ne relève aucune responsabilité au sens de la LCDP pour plusieurs raisons. Premièrement, la décision n'était pas liée à l'un des motifs de distinction illicite que Mme Fahmy a allégués. La décision était fondée sur sa participation au premier projet W2000, qui a échoué, sur son rendement de travail inconstant et sur ses conflits de personnalité avec son gestionnaire, S.M. Deuxièmement, elle portait une partie de la responsabilité pour l'échec du premier système W2000, avec D.L., qui était le gestionnaire du projet, et D.M., qui était l'architecte. Troisièmement, on lui a donné d'autres tâches importantes, telles que l'achat d'équipement et la tenue de l'inventaire. Elle donnait aussi du soutien aux usagers et répondait aux tickets HEAT. De plus, S.M. lui a offert de travailler sur le site de construction du Terminal 1 et elle a refusé. D.M. a été affecté à cette tâche. Il est important de se rappeler qu'elle avait été embauchée comme analyste de réseau et c'est ce qu'elle a fait jusqu'à son dernier jour de travail à la GTAA. Sa description de travail prévoyait une certaine souplesse en ce qui a trait aux affectations, comme il est courant dans de nombreux milieux de travail. Comme il y avait plusieurs analystes de réseau qui travaillaient dans les opérations de systèmes de la TI et dont les tâches se chevauchaient, il n'est pas surprenant que la gestion ait transféré des tâches de l'un à l'autre.

[63] En ce qui a trait au rôle de B.M. et M.G., je conclus qu'ils ne l'ont pas remplacée. Ils avaient des rôles semblables, mais il existait aussi des différences. M.G. est devenu le coordonnateur du deuxième projet W2000 (Enterprise) en mars 2003. Il a été promu le mois suivant par Gary Long, le 28 avril, à un [TRADUCTION] poste de coordination des activités quotidiennes des Opérations de systèmes pendant que [S.M.] travaillait au terminal. S.M. était toujours le responsable des Opérations de systèmes de la TI, mais pour l'essentiel, il travaillait à partir du site de construction du Terminal 1. Je conclus que le rôle de principal pour le projet du système W2000 a été retiré à Mme Fahmy et a été donné à M.G. pour le système Enterprise - le successeur du premier système, qui avait échoué. Selon le courriel de confirmation de S.G. du 18 mars 2003, il avait été décidé que Mme Fahmy deviendrait le second pour [TRADUCTION] l'administration et le soutien de WINS. Je conclus que cela a constitué une différence de traitement préjudiciable. Cependant, je conclus aussi que la décision n'était pas fondée sur l'un des motifs de discrimination illicite que Mme Fahmy a allégués. Par conséquent, il n'y a pas là de violation de l'alinéa 7b) de la LCDP.

[64] Mme Fahmy soutient qu'on lui a enlevé le travail du Centre de préproduction (le PPC) et qu'il a été donné à B.M. J'ai entendu des témoignages au sujet du fait que S.M. avait d'abord attribué à Mme Fahmy la coordination du travail du PPC. Cependant, S.M. a témoigné que le projet était en retard [TRADUCTION] pour de nombreuses raisons. Il a demandé à Mme Fahmy si elle avait besoin de plus de ressources. Il a soutenu qu'elle avait déclaré qu'elle se [TRADUCTION] débrouillait. Plus tard, elle a accepté qu'une autre personne soit ajoutée au projet pour l'aider - B.M. S.M. a déclaré qu'en octobre, la charge de travail avait augmenté et qu'elle avait accepté que B.M. s'en occupe. S.M. a avisé le groupe de la TI, dans un courriel daté du 13 novembre 2002, que [TRADUCTION] [B.M.] s'occupera de l'horaire et de la coordination des activités des Opérations de systèmes de la TI liées au PPC. Les besoins en matière d'essais du PPC ont augmenté, alors S.M. a ultérieurement embauché et établi une [TRADUCTION] ressource permanente pour s'occuper du travail, David Piatek. Mme Fahmy a contesté la version de S.M. de ces faits; en particulier, elle a soutenu qu'on ne l'a pas consultée et qu'elle n'a pas accepté que B.M. lui prenne son rôle de coordonnatrice du travail du PPC.

[65] Je conclus que le travail avait d'abord été attribué à Mme Fahmy, mais qu'il n'a pas été effectué à temps et qu'elle a eu besoin de plus de ressources. Par conséquent, B.M. a été embauché pour l'aider. Je conclus aussi que S.M. a ensuite décidé de réattribuer le rôle de coordonnateur du PPC à B.M. et, plus tard, d'attribuer le travail à M. Piatek. Ce qui précède pourrait constituer une différence de traitement préjudiciable à Mme Fahmy. Cependant, je ne relève aucun lien entre la décision de d'abord demander à B.M. d'aider Mme Fahmy, puis de lui donner le rôle de coordination du travail du PPC, et l'un des motifs de discrimination illicite allégués par Mme Fahmy. Il s'agissait de décisions opérationnelles légitimes de la part de S.M.

[66] Je tiens à noter qu'en une autre occasion, S.M. a enlevé du travail à Imran Asmal et l'a réattribué à Mme Fahmy. M. Asmal n'était pas très heureux de cette décision.

[67] Dans son témoignage et dans sa preuve documentaire, Mme Fahmy soutient que non seulement B.M. et M.G. l'ont remplacée, mais qu'ils étaient moins qualifiés qu'elle. S.M. a contesté cette allégation. De plus, A.W., que S.M. a décrit comme étant une personne très respectée dans le domaine de la TI et un [TRADUCTION] expert, a dit que B.M. était une [TRADUCTION] superstar et que de nombreuses personnes lui demandaient de l'aide. Les capacités de M.G. ont aussi été louées. Il a été promu trois fois depuis son embauche à la GTAA. En effet, à un moment, Mme Fahmy a témoigné que [TRADUCTION] Tant qu'il [M.G.] ne touche pas à mon travail, il est qualifié. Cela donne à penser qu'elle n'était pas du tout sincère lors de ses premières déclarations au sujet de leur compétence. Même D.M., qui appuyait Mme Fahmy dans son témoignage, a déclaré qu'il ne voyait aucune différence réelle en ce qui avait trait à la compétence technique entre Mme Fahmy, B.M. et M.G. Je conclus que B.M. et M.G. étaient qualifiés pour effectuer le travail pour lequel la GTAA les avait embauchés et les tâches qui leur avaient été attribuées pendant cette période.

E. Allégation no 2 : La conversation du 3 ou du 4 septembre entre S.M. et Mme Fahmy

[68] Mme Fahmy a témoigné que S.M. lui avait dit de laisser le travail de conception du système W2000 à V.J., un consultant de la TI qui travaillait sur le projet, et à D.M., l'architecte responsable de la conception de l'infrastructure. Lorsque Mme Fahmy l'a questionné, S.M. lui aurait dit [TRADUCTION] Me défiez vous? Vous êtes en probation. S.M. a soutenu que Mme Fahmy défiait constamment l'autorité et les décisions de D.M. et V.J. Il a déclaré que D.M. s'est souvent plaint à ce sujet. D.M. n'a pas corroboré ce fait dans son témoignage. S.M. a soutenu qu'il lui a seulement dit de [TRADUCTION] les laisser faire leur travail. J'admets le témoignage de S.M. sur ce point. Il nie avoir dit [TRADUCTION] Me défiez vous? Vous êtes en probation. Je ne crois pas qu'il a dit cela.

[69] En ce qui a trait au fait que Mme Fahmy défiait constamment le rôle et les décisions de D.M., il est possible que, d'une certaine façon, elle eut raison. La première conception et construction du projet Windows 2000 avaient échoué. Cependant, elle n'en a jamais avisé S.M. En effet, en contre interrogatoire, elle a d'abord refusé de même admettre que la première construction eût été un échec. Elle l'a finalement reconnu. Je crois qu'elle résistait en raison de sa participation au projet, qui avait échoué. Il s'agissait peut être d'une stratégie qu'on lui avait suggéré d'adopter et qu'elle avait décrite dans son courriel du 6 septembre à S.M., dans lequel elle se plaignait que D.M. et V.J. ne lui accordaient pas de mérite pour son travail au projet W2000 :

J'aimerais que Gary Long sache quel était mon rôle dans le projet W2K.

Premièrement, je me souviens d'avoir eu un problème semblable chez Nortel Networks. Un collègue m'avait avisé de procéder comme suit :

1. Ne pas être proactive.

2.Laisser les problèmes se rendre d'abord à la haute gestion, puis les résoudre. Tous apprendront que vous avez résolu le problème. Vous obtiendrez de l'attention et vous deviendrez un héro.

[Souligné par Mme Fahmy.]

Bien entendu, ce n'est pas ce qui s'est passé. Elle n'a pas résolu les problèmes et son nom a été lié à l'échec du projet.

[70] En ce qui a trait au motif de distinction illicite du sexe seulement, la plaignante a soutenu que le 3 ou le 4 septembre 2002, S.M. a fait des commentaires sexistes. Premièrement, il a dit qu'il ne voyait pas beaucoup de femmes dans le domaine de la TI et qu'il y en avait très peu dans sa promotion. Il aurait dit [TRADUCTION] C'est un monde d'hommes, laissez les hommes gagner. Même si, dans la plainte, il semble que les commentaires aient été proférés le même jour, à l'audience, Mme Fahmy a témoigné qu'ils avaient été faits à deux moments distincts. [TRADUCTION] Je ne les [allégations] ai pas séparées par dates lorsque j'ai présenté ma plainte. S.M. admet avoir fait le premier commentaire (c'est à dire au sujet du peu de femmes en TI et dans sa classe). Il s'agit simplement de déclarations factuelles qui n'entraînent certainement pas de responsabilité au sens de la LCDP. Il nie les dernières déclarations. J'accepte son témoignage.

[71] Pendant l'audience, la plaignante a témoigné que lorsqu'elle avait été embauchée à la GTAA, on lui avait dit que [TRADUCTION] [S.M.] n'aime pas les personnes qui ne sont pas blanches et que toutes les personnes qui étaient embauchées étaient blanches. Il s'agit d'une des pires preuves par ouï dire : aucun nom, seulement des accusations péjoratives dommageables. Mme Fahmy hésitait à nommer ces personnes. Son avocate a déclaré que [TRADUCTION] les personnes qu'elle a nommées et qui seront appelées à témoigner rapporteront ce qu'elles lui ont dit à propos de leurs points de vue et - de leurs points de vue et de la façon dont elles ont eu ces points de vue, alors nous nous contentons de nous fonder sur ces témoignages et nous ne nous fonderons pas sur le témoignage de la plaignante selon lequel il y avait d'autres personnes qu'elle n'a pas nommées et qui lui ont aussi donné leur avis. Cependant, aucun des témoins n'a corroboré cette déclaration par ouï dire au sujet de S.M. et le fait qu'il n'aimait pas les personnes qui n'étaient pas blanches. Je n'accorde aucun poids à cette preuve et je la rejette. En ce qui a trait au fait que seules des personnes blanches ont été embauchées, cela est faux et, en effet, des employés blancs ont parfois été congédiés. S.M. n'a eu aucune tendance dans ses pratiques d'embauche et de congédiement. En effet, la majorité des employés dans son département étaient des personnes de couleur. L'avocate de la plaignante n'a pas soutenu qu'il y avait une tendance d'embauche systématiquement discriminatoire.

[72] J'ai aussi entendu des témoignages au sujet du fait que Mme Fahmy était la seule employée sous la supervision de S.M. Une fois de plus, Mme MacKinnon ne soutient pas qu'il y a eu une tendance d'embauche à proprement parler qui constitue une pratique discriminatoire. Le fait que Mme Fahmy était la seule femme sous la supervision de S.M. ne prouve rien de discriminatoire à proprement parler. J'ai examiné la preuve afin de déterminer si le fait qu'elle était la seule femme a entraîné une différence de traitement préjudiciable pour Mme Fahmy. Je conclus que ce n'est pas le cas.

[73] Je tiens à commenter le témoignage de l'un des témoins de la plaignante, Ozgur Erkucuk. Il a travaillé comme analyste de réseau avec Mme Fahmy. Comme elle, il est une personne de couleur et il était représenté par un syndicat. Il est ensuite retourné travailler pour la GTAA à titre de consultant et son superviseur actuel est M.G. Il a témoigné que l'environnement de travail de la GTAA est multiculturel et multiracial. Bien qu'il n'ait pu se souvenir de certaines des déclarations qu'il aurait faites à l'enquêteur de la Commission, son témoignage de vive voix a été clair. Il a témoigné qu'il n'avait pas entendu ou vu quoi que ce soit qui donnait à penser que la plaignante était victime de discrimination fondée sur les motifs de distinction illicite qu'elle a allégués. Il a déclaré qu'il était vrai qu'elle était la seule femme dans le groupe de la TI de S.M. Il a aussi déclaré qu'il était [TRADUCTION] compréhensible pour un nouveau gestionnaire, qui ne connaît pas les compétences et les niveaux de rendement de ses employés, d'embaucher de nouvelles personnes. Mme MacKinnon insinue dans ses arguments que le témoin s'est parjuré. Je note qu'elle n'a pas tenté de le faire déclarer témoin hostile. Bien que son témoignage n'ait sans doute pas été ce que la plaignante espérait (il était son témoin), je conclus que M. Erkucuk était un témoin crédible et j'accepte son témoignage. Il n'a pas été en mesure de corroborer une différence de traitement préjudiciable envers Mme Fahmy fondée sur les motifs allégués énoncés dans la LCDP.

[74] Je crois que la plaignante constituait un défi en matière de gestion pour S.M. et qu'il n'aimait pas le fait qu'elle défiait son autorité. Je note qu'il s'est plaint au sujet de S.G. qui faisait cela, qui ne respectait pas la hiérarchie, etc. Peut être que comme nouveau gestionnaire, S.M. était sensible aux employés et aux entrepreneurs qui le [TRADUCTION] défiaient. Il semble que plus Mme Fahmy lui posait des questions, par exemple à savoir pourquoi il prolongeait sa période de probation, plus il devenait impatient. La ligne est mince entre le questionnement et le défi. Je crois aussi que le harcèlement obsessif et constant de Mme Fahmy envers S.M. (par exemple en lui envoyant de nombreux courriels le même jour au sujet d'une question et en l'approchant en personne), alors que S.M. était extrêmement occupé et souvent absent du bureau pour des réunions, énervait S.M. Cependant, je ne vois aucun lien avec les motifs de distinction illicite allégués. En effet, S.M. traitait avec des femmes d'autres départements de la GTAA, y compris Maria Maack, et avec des personnes de différentes races et ethnies. J'accepte le témoignage de Mme Maack selon lequel il n'y a eu aucune plainte contre S.M., à l'exception de celle de Mme Fahmy, au sujet de la façon dont il traitait les femmes ou les personnes de couleur et au sujet de ses relations avec ces personnes.

F. Allégation no 3 : La question des accents et du niveau de communication des employés

[75] Cette allégation porte sur le motif de la race, de l'origine nationale ou ethnique et de la couleur. Mme Fahmy soutient qu'à la fin de l'été 2002, elle a entendu une conversation entre S.M. et D.M., dans laquelle S.M. aurait déclaré [TRADUCTION] Je veux seulement des personnes qui peuvent communiquer à un certain niveau. Elle a soutenu qu'il a dit qu'il [TRADUCTION] [devait] embaucher plus de responsables qui peuvent communiquer à mon niveau. La plaignante a témoigné que ce commentaire portait seulement sur les employés de la TI qui n'étaient pas blancs et que S.M. n'aimait pas les accents. Je note que Mme Fahmy a reconnu qu'elle n'avait jamais réellement entendu S.M. dire qu'il n'aimait pas les accents, il avait seulement dit qu'il voulait [TRADUCTION] une meilleure communication. D.M., qui était la personne à qui S.M. aurait censément fait le commentaire, a témoigné qu'il se souvenait avoir discuté à des moments distincts avec D.L. et S.M. au sujet de la question de savoir si Mme Fahmy pouvait communiquer [TRADUCTION] au niveau technique approprié pour les projets. Les discussions portaient sur Mme Fahmy et n'étaient pas de nature générale, ce qui, selon mon interprétation, signifie qu'elles ne portaient pas sur d'autres employés. Il n'a rien mentionné au sujet des accents. S.M. nie les allégations de Mme Fahmy. Il a déclaré que son seul commentaire portait sur le fait qu'il souhait que tous, y compris les clients, communiquent avec efficacité dans leurs courriels. Le commentaire n'avait rien à voir avec les accents. J'accepte son explication. Le témoignage de S.M. est plus cohérent que celui de D.M. Mme Fahmy a aussi déclaré que S.M. embauchait seulement des entrepreneurs blancs sans accents. Ce n'est pas le cas : par exemple, S.M. a réembauché Ozgur Erkucuk, qui a un accent.

[76] Dans sa réplique à la réponse de la GTAA à la Commission, Mme Fahmy a écrit : [TRADUCTION] Deux employés ont dit qu'il avait critiqué nos accents. Ils étaient très bouleversés. Elle n'a pas nommé ces personnes. Je n'accorde aucun poids à cette preuve.

G. Allégation no 4 : La cote de sécurité

[77] Mme Fahmy soutient que le début de son emploi a été retardé de deux mois parce qu'on ne lui avait pas donné la bonne cote de sécurité. Elle soutient que des entrepreneurs blancs ont pu commencer à travailler immédiatement sans avoir la cote de sécurité nécessaire (c'est à dire B.M. et M.G.). Maria Maack et S.M. ont témoigné qu'il s'agissait d'une exigence pour tous les employés de tous les départements de la GTAA, compte tenu de la nature du travail à l'aéroport. Parfois, un entrepreneur indépendant pouvait commencer à travailler immédiatement, avec un accès restreint. Cela dépendait des circonstances. Les employés devaient obtenir la cote de sécurité. J'accepte cette explication et je ne vois pas de lien entre la pratique et un motif de distinction illicite.

H. Allégation no 5 : La formation pour la passerelle de sécurité et d'autres formations

[78] La plaignante soutient qu'elle a demandé une formation pour la passerelle de sécurité pour Internet, qui lui a été refusée, et que ce refus était systémique. Les entrepreneurs blancs avaient droit à la formation, alors qu'elle et d'autres personnes de couleur n'y avaient pas droit. S.M. a témoigné que Param Singh, un analyste principal de réseau, et Ozgur Erkucuk, un employé à temps plein de descendance turque, avaient reçu la formation, parce qu'ils étaient respectivement le principal et le second pour la passerelle de sécurité pour Internet. Personne d'autre n'y avait accès. De plus, Mme Maack a témoigné que l'employeur n'a pas l'obligation de fournir une formation à un employé en probation, au delà des exigences du poste. Aucune preuve ne m'a été présentée au sujet du fait que Mme Fahmy aurait été traitée différemment des autres employés en probation, le cas échéant, sous la supervision de S.M. S.M. a témoigné que la race n'avait joué aucun rôle dans sa décision à savoir qui obtenait de la formation. En effet, certaines des formations les plus dispendieuses ont été données à des entrepreneurs ou à des employés de couleur. J'accepte la preuve de la GTAA. Je ne relève aucune différence de traitement préjudiciable et certainement aucune différence de traitement liée à un motif de distinction illicite au sens de la LCDP.

I. Allégation no 6 : S.M. a exclu la plaignante de réunions

[79] Mme Fahmy soutient que S.M. l'a exclue de réunions. Elle a eu de la difficulté à présenter des exemples détaillés; son témoignage visait la réunion du 30 janvier 2003. Elle a témoigné qu'elle savait que M.G. allait à des réunions auxquelles elle aurait dû participer, parce qu'elle pouvait voir des notes au sujet de réunions sur son bureau. Elle a fait valoir : [TRADUCTION] Des réunions ont été tenues dans mon dos au sujet de Windows 2000, alors je ne sais pas quand [elles ont eu lieu]. Elle a reconnu, en contre interrogatoire, avoir envoyé le courriel du 11 septembre 2003 à D.M. (courriel qui a été présenté en preuve), qu'elle a envoyé afin qu'il l'aide à se souvenir de la réunion de Windows 2000 pour laquelle elle avait été exclue : [TRADUCTION] Je dois l'utiliser comme exemple d'exclusion des réunions de Windows 2000. D.M. a répondu que, du mieux qu'il puisse se souvenir, la réunion avait eu lieu [TRADUCTION] à la toute fin janvier. Je conclus que la réunion du 30 janvier 2003 est la seule réunion pour laquelle elle a été exclue, pour des raisons légitimes qui n'étaient pas liées à la LCDP, comme je l'expliquerai ci dessous.

[80] La réunion du 30 janvier a été prévue par le patron de S.M., Gary Long, dans le but de discuter des problèmes du premier système W2000, y compris les pannes et les longues interruptions. Ces problèmes préoccupaient beaucoup la GTAA. J'accepte le témoignage de S.M. selon lequel M. Long a décidé qui serait présent. Comme la discussion ferait état de beaucoup de critiques au sujet de la conception du système, on croyait que les deux principaux acteurs, D.M. et Mme Fahmy, ne devaient pas être présents. J'accepte le témoignage de A.W. selon lequel il ne souhaitait pas que la réunion tourne en affrontement verbal et en activité de blâme. Il a demandé à Mme Fahmy de s'occuper de la surveillance du centre et des besoins urgents des utilisateurs. Il fallait obligatoirement qu'une personne soit toujours présente au centre de contrôle de la TI. D.M. n'a pas été invité non plus. Malheureusement, il s'est imposé à la réunion. Je suis convaincu que Mme Fahmy n'a pas été exclue de façon injuste de cette réunion, mais si c'était le cas, cette exclusion n'était pas liée à un motif de distinction illicite. Mme Fahmy n'a pas établi une preuve prima facie qu'elle a été exclue d'autres réunions et, si c'était le cas, qu'une telle pratique était liée à un motif de distinction illicite.

J. Allégation no 7 : L'accès au réseau de campus

[81] La plaignante soutient qu'on lui a refusé l'accès au réseau de campus, mais que B.M. et M.G. ne l'ont pas été. Cela l'empêchait parfois d'effectuer son travail. Tant S.M. qu'A.W. ont soutenu qu'elle n'avait pas besoin d'avoir accès au réseau de campus pour effectuer son travail. S.M. a fait valoir qu'au départ, B.M. et M.G. n'ont pas eu l'accès au réseau non plus. Plus tard, ils ont obtenu cet accès, parce que S.M. déménageait en février ou en mars sur le site du Terminal 1 et qu'ils avaient besoin d'un accès au réseau de campus. M.G. a témoigné que B.M. travaillait sur le projet T1 et avait besoin d'un accès, et que M.G. était son remplaçant lorsque B.M. était en vacances, etc., et que, par conséquent, il avait aussi besoin d'un tel accès. [TRADUCTION] Nous voulions garder un contrôle serré sur l'accès au réseau de campus. Ce besoin a été établi tant par Bell Canada que par la GTAA. J'accepte l'explication de la GTAA et je ne relève aucun lien à l'article 7 de la LCDP pour cette allégation.

K. Allégation no 8 : La clé de l'armoire à CD

[82] Mme Fahmy a témoigné que pendant un certain temps, l'armoire qui contenait les CD de tous les départements était verrouillée et qu'elle n'avait pas de clé, ce qui l'empêchait d'effectuer certaines de ses tâches. Elle a écrit [TRADUCTION] Plus tard, [M.G.] a installé un nouveau verrou sur l'armoire et il a donné la clé à [B.M.], à Calvin Ni [une personne de couleur] et il a gardé une copie de la clé pour lui même. S.M. a nié cette allégation, témoignant : [TRADUCTION] Tout le monde avait accès à l'armoire à CD. Le responsable était Vishwa [Surajram, un administrateur de base de données et une personne qui avait de l'ancienneté]. La clé était dans le tiroir du haut. Tout le monde le savait. Elle aurait pu y avoir accès. L'accès au réseau de campus et la clé pour l'armoire à CD sont des questions qui n'ont jamais été soulevées avant l'audience. Même si Mme Fahmy ne savait pas que la clé se trouvait dans le tiroir du haut et était facilement accessible, je ne relève aucun lien entre ce fait et l'article 7 de la LCDP.

L. Allégation no 9 : Les commentaires à caractère sexuel au sujet de Mme Fahmy lors de deux réunions

[83] Il s'agit de l'allégation la plus sérieuse. Elle provient de S.G., qui a été embauché par la GTAA en janvier 2003. Il travaillait à forfait pour MicroAge Consultants. Il était gestionnaire de projet technique et architecte principal des solutions pour le projet W2000 Enterprise. S.G. a avisé, en termes généraux, Mme Fahmy des commentaires en question, après le congédiement de celle ci.

[84] L'allégation que S.G. a faite au moment où il a témoigné était différente de celle qu'il avait déclarée à l'enquêteur de la Commission, deux ans plus tôt. Il y a aussi des différences entre son allégation et ce qui était écrit dans ses courriels à Mme Fahmy et les courriels qu'il a reçus de Mme Fahmy avant l'audience. Je tiens à ajouter que les courriels provenaient de Mme Fahmy et demandaient à S.G. de participer à l'audience. Dans ses courriels, elle semble le guider au sujet de ce qu'il dirait, elle examine des questions précises et suggère ce qu'il pourrait répondre à ces questions. Il lui a répondu qu'il [TRADUCTION] dirait seulement la vérité et [TRADUCTION] je ne suis pas certain de pouvoir aider, parce que je n'ai pas beaucoup travaillé avec vous et que je ne peux rien dire au sujet de vos capacités techniques.

[85] En ce qui a trait aux commentaires à caractère sexuel dégradants, dans un courriel non daté en réponse au courriel de Mme Fahmy, S.G. a écrit : [TRADUCTION] [...] J'ai aussi été dégoûté par son [S.M.] niveau de manque de professionnalisme et son attitude sexiste lorsqu'il parlait de vous. Je ne répéterai pas certaines des choses qu'il a dites lorsque je l'ai rencontré dans son bureau, mais je peux vous dire qu'entre ce qu'il a dit et ce que [M.G. et A.W. ont dit], leur discussion au sujet des femmes me dégoûtait. Bien qu'il eût écrit [TRADUCTION] lorsqu'il parlait de vous, au sujet de Mme Fahmy, S.G. a ensuite écrit que la discussion était [TRADUCTION] au sujet des femmes, et ne portait pas précisément sur Mme Fahmy.

[86] À l'audience, S.G. a témoigné qu'il y avait eu deux incidents distincts, qui avaient tous deux eu lieu dans le bureau de S.M. Il a déclaré [TRADUCTION] il y en avait probablement plus, mais il ne pouvait s'en souvenir. Lors des deux réunions en février ou mars 2003, S.M., A.W. et lui étaient présents. Il n'était pas tout à fait certain si M.G. était présent à l'une ou l'autre des réunions. Je trouve étrange qu'il ne se souvienne pas plus de telles réunions ou qu'il n'ait pas réagi. Il dit qu'il a été [TRADUCTION] choqué, et dans son courriel, il écrit qu'il était dégoûté, pourtant il a presque accepté ce qui aurait été dit, parce qu'il n'a pas quitté la réunion et n'a pas fait de rapport à ce sujet. Lors d'un incident au sujet d'un employé qui avait joué un tour sur l'ordinateur d'un autre employé, prétendant qu'il était cette personne et qu'il était homosexuel, dès qu'A.W. a été mis au courant, il a rapidement fait rapport à S.M. Ce dernier a rapidement réagi et a forcé l'employé en faute à s'excuser tant par écrit que verbalement.

[87] S.G. a témoigné qu'à l'une des deux réunions, [TRADUCTION] [...] je me souviens que l'un des commentaires était qu'elle [Mme Fahmy] serait moins coincée si elle s'envoyait en l'air plus souvent [...] Ils n'ont pas utilisé ce mot, mais j'utiliserai ce mot. Il a déclaré que les termes étaient [TRADUCTION] plus grossiers. Le témoin ne se souvient pas de la personne qui a fait le commentaire. Il croit qu'il y a eu des rires. À l'autre réunion, S.G. soutient qu'un commentaire a été fait au sujet de [TRADUCTION] la mesure dans laquelle elle [Mme Fahmy] faisait bien des fellations. Les mots exacts étaient plus crus. Une fois de plus, il croit qu'il y a eu des rires et il n'est pas certain de la personne qui a fait le commentaire.

[88] Plus loin dans son témoignage, il a précisé :

[TRADUCTION]

Je ne sais pas exactement qui a fait ces commentaires. Je suppose que la conversation a débuté avec [A.W.]. Je ne sais pas qui a fait les commentaires. Je suppose que ça a débuté avec [A.W.], mais je ne sais pas...Je suppose simplement en fonction du fait que chaque fois qu'il [A.W.] était là, il y avait toujours une conversation qui portait d'une façon ou d'une autre sur le sexe.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, la relation entre S.G. et A.W. était viscérale. A.W. a témoigné avec franchise : [TRADUCTION] Nous nous détestons.

[89] S.G. a subi un contre interrogatoire sur de nombreuses déclarations antérieures incompatibles. On lui a demandé pourquoi il n'avait pas fait le même récit à l'enquêteuse de la Commission, deux ans plus tôt, que celui qu'il a fait au Tribunal, alors que ses souvenirs étaient beaucoup plus frais deux ans plus tôt. Il a témoigné : [TRADUCTION] [...] Je ne parle pas généralement à des femmes en utilisant ce type de langage et, comme je l'ai dit, je ne savais pas qui avait fait le commentaire [...] Je reconnais aussi qu'il s'agissait d'une entrevue téléphonique avec une femme à qui je n'avais jamais parlé et je ne savais même pas qu'elle travaillait pour la Commission des droits de la personne [...] Bien, elle a téléphoné et elle a dit qu'elle travaillait pour la Commission des droits de la personne, mais je ne tiens rien pour acquis par téléphone. Mme Rusak a alors répondu : [TRADUCTION] Alors vous lui avez donné tous ces renseignements au sujet de la GTAA et au sujet de [S.M.]. Vous dites maintenant que vous avez parlé à une femme et que vous ne saviez pas qu'elle était [une enquêteuse de la Commission], vous pensiez qu'elle pouvait l'être, mais peut être pas, et vous lui avez simplement tout raconté? [...] Mais vous lui avez parlé. Vous dites que vous n'utilisez pas d'obscénités. Vous avez dit [TRADUCTION] une bonne baise. C'est une obscénité [...] S.G. a reconnu avoir été plus cru avec l'enquêteuse de la Commission. Mme Rusak a aussi fait avouer au témoin qu'il n'avait rien dit à l'enquêteuse de la Commission au sujet de fellation.

[90] D'autres incohérences ont été révélées dans l'échange suivant entre Mme Rusak et le témoin :

Q. Vous ciblez une personne, vous ne prenez pas une approche généralisée. Vous ne dites pas [A.W.] a pu dire cela. Vous n'avez jamais dit [à Mme Fahmy] En passant, [A.W.], dès qu'il est là, la conversation tire toujours vers ce sujet. Vous ne lui avez jamais dit ça?

R. Non, probablement pas.

Q. Et vous avez déclaré que [S.M.] a dit certaines choses, mais certainement pas de la façon dont vous les avez présentées hier, lorsque vous avez dit que deux commentaires ont été faits précisément au sujet de la plaignante, mais vous ne vous souvenez pas de la personne qui a fait ces commentaires. C'est différent, n'est ce pas?

R. C'est différent. Mais comme je l'ai dit, c'était il y a quatre ans.

[91] Le témoignage qui précède est remarquablement invraisemblable. Je ne lui accorde aucun poids. Il est surprenant aussi que, si ces commentaires ont été faits, il n'a pas quitté le bureau, n'a pas fait de plainte à ce sujet et a seulement avisé Mme Fahmy après son départ de la GTAA. La déclaration a aussi eu lieu après que S.G. eut mis fin à sa relation avec la GTAA et avec MicroAge (pour qui il travaillait à forfait), et il était en colère envers la GTAA (ainsi qu'envers A.W. et S.M.). En plus du témoignage de A.W. au sujet de sa relation avec S.G., j'accepte le témoignage de S.M. selon lequel sa relation avec S.G. était mauvaise et que ce dernier était difficile à vivre.

[92] En contre interrogatoire, S.G. a témoigné qu'au moment où il a parlé à l'enquêteuse de la Commission, il croyait que c'était S.M. qui avait fait les commentaires. [TRADUCTION] Maintenant, des années plus tard, je ne sais pas. Mme Rusak lui a présenté la situation comme ceci : [TRADUCTION] À l'époque, vous avez dit que c'était [S.M.]. Par la suite, vous avez essayé d'élargir le champ, parce que la plaignante vous a dit que le décideur était [A.W.], et non [S.M.]. Il a répondu [TRADUCTION] Vous venez de m'apprendre quelque chose [...] Je peux dire que [M.G.] était généralement réservé et silencieux pendant ce genre de conversations [...] C'est pourquoi j'ai dit que je ne sais pas si c'était [S.M.], je ne sais pas si c'était [A.W.]. Je peux vous dire que ce n'était pas [M.G.].

[93] S.M., A.W. et M.G. ont tout simplement nié ces commentaires. S.M. et A.W. ne pouvaient pas se souvenir si les deux réunions entre les quatre hommes avaient même eu lieu. On a demandé à M.G. s'il avait déjà participé à une réunion avec S.G., S.M. et A.W. Il a répondu [TRADUCTION] Possiblement... certainement au moins une fois. Lorsqu'on a demandé en contre interrogatoire s'il était d'avis que de tels commentaires seraient offensants, A.W. a répondu : [TRADUCTION] Non seulement sexistes, mais aussi disgracieux et répugnants. Chacun d'entre eux a témoigné qu'ils n'avaient jamais entendu de commentaires sexistes ou observé de comportements sexistes de la part des autres. S.G., A.W. et M.G. ont été interrogés et contre interrogés au sujet de ces deux incidents. S.M. a été interrogé, mais pas contre interrogé, au sujet des deux prétendues réunions dans son bureau. J'ai aussi entendu des témoignages au sujet du fait que S.M. ne fait jamais de blagues. M. Surajram a témoigné que non seulement il n'avait jamais entendu S.M. faire des commentaires sexistes ou racistes ou agir d'une telle manière, mais il a ajouté qu'il n'avait jamais même entendu S.M. faire une blague. A.W. a déclaré : [TRADUCTION] Je ne sais même pas si [S.M.] sait même comment raconter une blague. J'ai été très troublé par le témoignage de S.G. selon lequel il était courant, lorsque A.W. était dans les parages, que les conversations dégénèrent en plaisanteries à caractère sexuel. Compte tenu des incohérences du témoignage de S.G. au sujet de ces incidents et de sa mauvaise relation avec A.W., je conclus qu'A.W. n'a pas fait ces commentaires.

[94] Compte tenu des conclusions que j'ai tirées ci dessus et de mes commentaires précédents au sujet de la crédibilité de S.G., et du déni sans équivoque de S.M., A.W. et M.G. (vérifié en contre interrogatoire), je ne suis pas prêt à conclure, sur le seul fondement du témoignage de S.G., que de tels commentaires à caractère sexuel dégradants ont été faits au sujet de Mme Fahmy lors de ces deux incidents allégués.

M. Allégation no 10 : Son rendement de travail était bon : son congédiement était discriminatoire

[95] Mme Fahmy soutient que son rendement de travail était bon et qu'elle a été congédiée parce qu'elle est une femme de couleur d'origine égyptienne. La GTAA répond en soutenant que bien que son rendement était parfois satisfaisant, il n'était pas constamment d'une assez bonne qualité pour qu'elle garde son emploi.

[96] La décision de mettre fin à son emploi a officiellement été prise par Gary Long, le patron de S.M. Comme il était un entrepreneur, S.M. ne pouvait pas officiellement embaucher ou congédier quelqu'un. Néanmoins, il a signé l'évaluation de rendement et la lettre de congédiement de Mme Fahmy. Il a recommandé à M. Long qu'il soit mis fin à son emploi sous probation le 1er mai 2003 - 10 mois après qu'elle eut commencé à travailler pour la GTAA. S.M. a dit qu'il avait consulté A.W. S.M. se trouvait ailleurs, au Terminal 1, la majorité du temps à partir de mars 2003. S.M. a aussi été influencé par les plaintes qu'il avait reçues le 29 avril et le 1er mai de M.G. et B.M. respectivement au sujet de son travail. Il était aussi préoccupé au sujet du fait que Vishwa Surajram, une personne qui avait de l'ancienneté à la GTAA, et Lynn Child, une administratrice de systèmes, s'étaient plaints au sujet du travail de Mme Fahmy et ne voulaient plus qu'elle travaille sur leur équipement à l'avenir. S.M. était aussi préoccupé au sujet du fait que Mme Fahmy prenait les tickets HEAT les plus faciles et en prenait moins que les autres employés.

[97] A.W. a témoigné que, selon lui, [TRADUCTION] le fait déclencheur était que des employés ne voulaient pas que Mme Fahmy travaille sur leur équipement ou fasse du travail pour eux, les problèmes de demande de changement (DC) et le fait que l'inventaire avait été plus long à réaliser que prévu. [TRADUCTION] J'ai avisé mon superviseur [S.M.] de ces problèmes. A.W. nie qu'on lui a demandé de concocter des motifs pour justifier son congédiement. A.W. a déclaré : [TRADUCTION] Si cela avait le cas, j'aurais cherché des poux partout. Elle était déjà en probation et nous ne voyions pas d'amélioration. Pendant la réunion de congédiement du 1er mai 2003, S.M. a mentionné à Mme Fahmy qu'elle avait fait du bon travail, mais que le travail n'était pas constamment de qualité satisfaisante. De plus, il lui a mentionné que ses capacités en matière de Microsoft Exchange étaient faibles. La lettre de congédiement du 1er mai précisait en partie :

[TRADUCTION]

Bien que nous ayons remarqué une certaine amélioration pendant un mois, cette amélioration n'a pas été constante et n'a pas été continue. Nous avons examiné l'ensemble de votre travail du 18 décembre 2002 à aujourd'hui et c'est avec regret que nous constatons que vous ne satisfaites pas aux exigences du poste, parce que vous avez montré de faibles compétences techniques et peu, ou pas, de compréhension de votre rôle et de vos responsabilités.

[98] La GTAA a précisé que Mme Fahmy avait fait du bon travail. J'ai examiné les éléments de preuve qui appuyaient ce fait : par exemple les courriels de S.M. à Mme Fahmy, ainsi que les courriels de clients qui la remerciaient pour son travail. Le problème avait toujours été le même : l'inconstance. À l'exception de la période d'un mois du 12 novembre au 17 décembre 2002, lorsque la deuxième et dernière évaluation officielle a paru, dans laquelle ses améliorations étaient notées, la GTAA soutient que son rendement n'était pas constamment de niveau satisfaisant. S.M. a témoigné qu'il avait préparé une évaluation de rendement en avril 2003 (qui n'a pas été présentée en preuve), mais qu'elle n'a jamais été donnée à Mme Fahmy, parce que la décision de la congédier a été prise à la fin avril.

(i) Était elle compétente et qualifiée pour effectuer le travail?

[99] S.M. a témoigné : [TRADUCTION] sur papier [elle était qualifiée]; en réalité, en fonction des résultats [sur une période de dix mois], elle n'était pas qualifiée. Je tire la même conclusion. Sur papier elle avait les qualifications requises pour être analyste de réseau à la GTAA. Elle a obtenu un diplôme en génie de l'Université du Caire, elle avait des certifications de Microsoft et un certain nombre d'années d'expérience dans le domaine de la TI au Canada (indépendamment de mes conclusions au sujet de fausses affirmations dans son curriculum vitae). Évidemment, la GTAA était du même avis : elle l'a embauchée. Je conclus aussi que Mme Fahmy a démontré, alors qu'elle travaillait à la GTAA, un certain niveau de connaissances et de compétences techniques. Cependant, la compétence comprend d'autres facteurs, notamment la capacité de travailler de façon constante à un niveau efficace. De plus, travailler et faire son travail comprennent non seulement les connaissances techniques, mais aussi une attitude positive et une approche coopérative envers son superviseur et ses collègues. Dans ces domaines, elle avait des lacunes. À ce sujet, j'accepte le témoignage de A.W. selon lequel il a eu une conversation avec Mme Fahmy dans la cafétéria à la fin de janvier 2003, au sujet de son [TRADUCTION] comportement autocratique, à l'occasion de laquelle il l'a incitée à être [TRADUCTION] plus efficace et à moins argumenter. Il a aussi déclaré : [TRADUCTION] Elle voulait travailler à plus de projets. Elle voulait être responsable de tout, et que les autres employés s'occupent des travaux anodins [...] Je lui ai dit qu'en s'entendant mieux avec ses collègues, elle serait plus efficace. Mme Fahmy nie que cette conversation a eu lieu.

[100] En fonction du témoignage que j'ai entendu de S.M. et de la preuve documentaire que j'ai examinée, je conclus que S.M. a régulièrement avisé Mme Fahmy que son travail n'était pas constamment de niveau satisfaisant. Cela ne comprenait pas seulement les problèmes techniques, tels que les problèmes de DC et les échéanciers manqués, mais aussi les préoccupations au niveau de son attitude (par exemple, l'incident du 13 novembre dans le bureau de S.M., le fait que Mme Fahmy défiait toujours D.M. et S.M.), ainsi que le fait qu'il fallait trop lui consacrer de temps sur le plan de la supervision et de la gestion. Mme Maack a témoigné que la plaignante était [TRADUCTION] très difficile. S.M. a témoigné qu'il n'avait jamais eu à passer autant de temps à s'occuper d'un employé, depuis Mme Fahmy. [TRADUCTION] Elle nécessitait plus d'attention sur le plan de la gestion que ce qu'il est normal pour un employé en probation. J'ai précisé plus tôt dans mes motifs mon point de vue au sujet du fait que certains de ses comportements manquaient clairement de professionnalisme.

[101] La preuve montre clairement, et cela ressort de la lettre de congédiement, que Mme Fahmy ne comprenait pas son rôle et ses responsabilités. Les courriels entre Mme Fahmy et S.M. le démontrent, y compris le courriel de S.M. daté du 12 novembre 2002, dans lequel il lui a rappelé ses responsabilités, ainsi que le courriel de Mme Fahmy qui a entraîné la réponse de S.M.

[102] Je conclus aussi que le point de vue irréaliste que Mme Fahmy entretenait quant à son rendement a contribué au problème.. Dans un courriel qu'elle a écrit au président Turpen de la GTAA, daté du 4 mai 2003, elle a écrit : [TRADUCTION] Après cela [la prolongation de sa période de probation]7 , il [S.M.] a cessé de me donner des projets, parce qu'il trouvait que j'avais trop de succès et qu'il avait reçu beaucoup de courriels de clients qui me remerciaient pour mon bon travail. Dans une lettre, elle écrit que S.M. [TRADUCTION] s'inquiétait parce que j'avais trop de succès. Elle a aussi écrit que son travail était [TRADUCTION] parfait. Il est évident que ce n'était pas le cas. Même si j'accepte la moitié des allégations d'erreurs techniques dans son travail et que je ne tiens pas compte de son comportement inapproprié envers S.M., elle n'avait certainement pas trop de succès et son travail était loin d'être parfait. S'ajoutait à cette évaluation de son travail son incapacité à accepter les directives de ses superviseurs de façon constante. J'accepte le témoignage de S.M. selon lequel D.M. s'est plaint de nombreuses fois au sujet de ce qui peut être qualifié d'insubordination et de défi constant de la part de Mme Fahmy envers l'autorité et les décisions de D.M. Cela est crédible, compte tenu de son courriel à S.M., daté du 6 septembre 2002, dans lequel elle a fait une critique véhémente du travail de D.M. Dans le compte rendu de la réunion du 13 novembre (à laquelle S.M., Mme Maack et Mme Erbiceanu des ressources humaines, Mme Fahmy et le représentant du syndicat Mark Daniels ont participé), à la page 4, Mme Maack a averti Mme Fahmy qu'elle n'était pas la responsable du projet : D.M. était l'architecte, et Mme Fahmy n'était pas une analyste principale de réseau, elle était une analyste de réseau. Les faits qui précèdent font partie des raisons pour lesquelles la GTAA a congédié Mme Fahmy : elle ne comprenait pas son rôle et ses responsabilités.

[103] Enfin, bien que je conclue que Mme Fahmy a des connaissances techniques, de la formation et des études en matière de TI, son comportement était loin d'être professionnel, en particulier envers S.M. Premièrement, j'ai entendu des témoignages selon lesquels elle suivait S.M. à la trace en lui demandant de la rencontrer au sujet de la mauvaise évaluation de rendement du 8 novembre, bien qu'une réunion de suivi eût été prévue dans un avenir proche. Mme Fahmy a répondu en réplique à la réponse de la GTAA à la Commission : [TRADUCTION] Il s'est rendu à son bureau et je l'ai suivi. Ensuite, j'ai insisté pour savoir si [M.G.] serait mon remplaçant, je ne pouvais pas laisser tomber8. Son insistance a atteint son point culminant le 13 novembre 2002, lorsqu'elle s'est présentée dans le bureau de S.M. et qu'elle a fermé la porte, qu'il a rouvert la porte, qu'elle l'a fermée, qu'il l'a rouverte, etc. Il a dû lever le ton et lui ordonner de sortir de son bureau. S.M. a témoigné qu'il avait eu peur, qu'il ne savait pas ce qu'elle était capable de faire ou de dire. Il a immédiatement appelé sa femme et les ressources humaines, demandant à rencontrer le vice président des ressources humaines. Cette rencontre l'avait vraiment bouleversé et l'a affecté par la suite. Je reconnais que la plaignante était stressée par sa mauvaise évaluation de rendement. Tout de même, un tel comportement n'était pas professionnel. Je conclus que cet incident a contribué à la dégradation de la confiance entre S.M. et Mme Fahmy.

[104] De plus, Mme Fahmy avait écrit des courriels à S.M. dans lesquels elle disait vouloir se [TRADUCTION] rapprocher de lui et le respecter. Dans un courriel daté du 4 octobre 2002, elle a écrit, entre autres : [TRADUCTION] S'il vous plaît, souriez et passez une belle fin de semaine. Je ne vous défiais pas, mais je vous aime tellement et je tiens tellement à vous en tant que gestionnaire. Dans un courriel du 13 novembre, elle a écrit : [TRADUCTION] Vous ne m'avez pas permis de vous parler. Je voulais que vous m'aidiez à mieux me sentir. Je refuse de croire que vous ne voulez pas le faire. Comme c'était le cas pour l'interaction susmentionnée, il s'agit d'un comportement inacceptable dans n'importe quel lieu de travail. Comme elle travaillait au Canada depuis 13 ans, Mme Fahmy aurait dû le savoir. Ces actions ont entraîné une détérioration de sa relation de travail avec S.M. et, à mon avis, même si S.M. ne l'a pas précisément allégué, cela a endommagé sa crédibilité à ses yeux.

[105] En fonction de la preuve orale et de la preuve documentaire, dont je ferai état ci dessous, je conclus que la GTAA a fourni une explication raisonnable non discriminatoire pour ses actions :

(ii) L'inventaire de l'équipement

[106] A.W. a témoigné que lorsqu'il a commencé à travailler à la GTAA en janvier 2003, il avait été choqué d'apprendre qu'il n'existait pas d'inventaire juste et à jour de tout l'équipement de la TI. Il a précisé qu'un inventaire est essentiel pour le fonctionnement de tout département de la TI et pour l'organisation en général. Il a attribué la compilation de l'inventaire à plusieurs personnes, y compris Mme Fahmy. Il a témoigné que les autres personnes ont terminé leurs parties beaucoup plus rapidement que Mme Fahmy. En effet, il devait constamment s'informer pour savoir à quel moment son travail serait terminé. Elle a envoyé un courriel le 18 mars 2003 dans lequel elle déclarait que l'inventaire était terminé. Il a ensuite appris que ce n'était pas le cas et lui a demandé de régler la question. Elle l'a fait. Il a soutenu que non seulement l'inventaire était incomplet, mais qu'elle avait eu besoin de beaucoup plus de temps que les autres pour le préparer. Pourtant, il ne s'agissait pas d'une tâche techniquement difficile. J'ai aussi entendu son témoignage au sujet du fait qu'il souhaitait que les employés fassent un inventaire physique et qu'ils ne restent pas simplement à leur ordinateur. Elle ne l'a pas fait. De plus, après que Mme Fahmy eut été congédiée de la GTAA, A.W. a remarqué qu'il y avait d'autres erreurs dans l'inventaire que Mme Fahmy avait effectué. Il a soutenu [TRADUCTION] Il était tellement inexact [...] qu'il ne pouvait pas être utilisé et a dû être refait9. A.W. a témoigné qu'il devait demander à Mme Fahmy plusieurs fois par semaine si l'inventaire avançait. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle ne faisait pas l'inventaire, il a répondu [TRADUCTION] j'étais d'avis qu'elle n'avait pas envie de le faire. J'accepte la preuve susmentionnée. J'ajouterais qu'il était évident, dans le témoignage de Mme Fahmy, qu'elle ne souhaitait pas faire ce travail; elle était d'avis qu'il s'agissait d'une tâche avilissante qui ne représentait pas son expertise. Je ne crois pas que les lacunes dans l'inventaire et le défaut de Mme Fahmy de respecter les délais font état de sa compétence technique. Je conclus plutôt qu'elle n'avait simplement pas envie de faire l'inventaire. Une fois de plus, il s'agit d'une mauvaise compréhension de son rôle et de ses responsabilités.

(iii) Les échéanciers techniques non respectés

[107] J'ai entendu le témoignage de plusieurs témoins au sujet des échéanciers techniques que Mme Fahmy n'avait pas respectés. Mme Fahmy nie qu'elle n'a pas respecté les échéanciers. J'ai examiné attentivement la preuve de vive voix et le document qui précisait chacun des échéanciers ratés. En particulier, je note que D.M. a préparé une liste pour S.M., à la demande de ce dernier, que S.M. a ensuite envoyée à Mme Fahmy. D.M. a témoigné qu'il croyait que plusieurs personnes avaient contribué à la préparation de la liste des échéanciers non respectés, et que la liste préparée par S.M. et présentée en preuve était [TRADUCTION] probablement un résumé de ces points. D.M. soutient que S.M. lui aurait dit de [TRADUCTION] l'inventer, [TRADUCTION] utilisez votre imagination si nécessaire. Je n'accepte pas cet argument. De plus D.M. a témoigné qu'il n'a rien fabriqué; la liste qu'il a préparée était exacte et juste. Il a déclaré : [TRADUCTION] [...] J'ai mon propre code moral à suivre et cela ne comprend pas le fait d'inventer des renseignements qui ne sont pas entièrement véridiques. J'ai cru D.M. lorsqu'il a soutenu qu'il avait préparé la liste avec honnêteté.

[108] Le témoignage de D.M., qui était le témoin de Mme Fahmy, montrait clairement qu'il n'appréciait pas la GTAA et S.M. en particulier. Il y avait eu une séparation mutuelle le 15 février. D.M. était très hostile envers l'avocate de la GTAA pendant le contre interrogatoire; il a essentiellement menacé de la poursuivre. En effet, après des heures de contre interrogatoire et alors qu'il lui restait des pages de questions à poser, Mme Rusak a décidé de mettre fin à son contre interrogatoire et de me permettre de tirer mes propres conclusions au sujet de la crédibilité du témoin. Il suffit de dire qu'il n'était pas un témoin très crédible. De plus, je crois qu'il essayait de donner la meilleure interprétation possible à son témoignage ou de le présenter sous son meilleur jour pour favoriser Mme Fahmy.

[109] D.M. a été contre interrogé en détail au sujet de chacun des douze points particuliers de la liste des [TRADUCTION] échéanciers non respectés. Même s'il essayait de soutenir le mieux possible Mme Fahmy, il a déclaré que quatre des douze échéanciers non respectés relevaient de sa responsabilité; d'autres relevaient en partie de sa responsabilité, pour certains, elle était responsable de la délégation des tâches, et certains autres points pouvaient ne pas relever de sa responsabilité. Même si j'accepte son témoignage que ce ne sont pas tous les points qui engageaient sa responsabilité, Mme Fahmy avait quand même omis de respecter beaucoup d'échéanciers, comme les témoignages de D.M. et S.M. le soulignent. Je note que S.M. a témoigné qu'après la rencontre qu'il a eue avec Mme Fahmy, elle lui a envoyé un certain nombre de courriels le corrigeant sur seulement trois des douze échéanciers non respectés; elle n'a pas contesté les autres neuf ou dix points. Il a ajouté qu'il croyait que les douze points relevaient de sa responsabilité10 . Il n'est pas nécessaire que je détermine le nombre exact d'échéanciers techniques non respectés. Il suffit de dire que je conclus qu'elle n'a pas respecté un certain nombre d'échéanciers.

(iv) Protocole de gestion du changement du DC

[110] S.M. a établi un nouveau système pour la gestion des changements aux serveurs, etc., dans le département de la TI. Il l'a fait pour des raisons de sécurité. [TRADUCTION] Si ce n'est pas fait correctement, le système au complet peut tomber en panne et cela augmente les risques. Il a envoyé un courriel à son équipe dans lequel il précisait la nouvelle procédure, y compris le besoin de remplir une demande de changement (DC) qui devait être approuvée par lui avant que les changements soient effectués. Après avoir examiné la preuve à ce sujet, je conclus que Mme Fahmy n'a pas, de façon constante, respecté le protocole approprié de DC. J'accepte le témoignage de A.W. selon lequel elle a dû obtenir une formation individuelle à ce sujet : [TRADUCTION] Elle a eu besoin de supervision jusqu'au jour où elle est partie. Elle a aussi assisté à la formation de groupe donnée par Jeff Gardiner que les autres employés ont reçue en mars 2003. A.W. a déclaré que les autres employés et entrepreneurs n'éprouvaient pas de problèmes de ce genre quant au respect du protocole de DC. S.M. a soutenu que Mme Fahmy n'avait jamais semblé maîtriser le formulaire et le processus de DC. Il a témoigné : [TRADUCTION] Elle était incapable de suivre la procédure, qui tenait sur une seule page; il s'agit de trucs de débutants, qui ne sont pas difficiles. Après avoir introduit la politique, je devais continuer à soutenir une ressource. De plus, elle créait de la confusion au sujet de la politique auprès des autres employés. J'accepte leurs témoignages. Cependant, je suppose que son problème n'était pas qu'elle ne pouvait pas maîtriser ou comprendre le formulaire ou la procédure. Elle comprenait, elle est une personne intelligente. Le problème était qu'elle ne voulait pas suivre la procédure. C'est pourquoi elle ne se conformait pas toujours aux exigences. Une fois de plus, tout revient à la question de son attitude et de son incapacité à suivre constamment les directives. Je conclus aussi qu'elle ne voulait pas accepter que son rôle comprenait parfois le fait d'effectuer des tâches administratives et modestes.

(v) Tickets HEAT

[111] Le système de tickets HEAT comprenait le renvoi des problèmes techniques par les employés de la GTAA au [TRADUCTION] service de dépannage. Mme Fahmy et les autres employés étaient responsables de résoudre les problèmes d'ordinateur et les autres problèmes de TI des employés dans la file d'attente HEAT, au troisième niveau de soutien. S.M., A.W. et M.G. ont témoigné au sujet de problèmes de rendement de Mme Fahmy à ce sujet. M.G. a déclaré que la plaignante répondait à moins de tickets (demandes des utilisateurs de régler un problème) que B.M. ou lui même. De plus, il a soutenu qu'elle choisissait les tickets auxquels elle répondait. [TRADUCTION] Marie prenait les tickets les plus faciles qui seraient résolus rapidement; ceux qui semblaient plus longs, elle n'y touchait pas. S.M. a corroboré le témoignage de M.G. S.M. a soutenu qu'il s'inquiétait de la quantité et du choix sélectif de Mme Fahmy pour les tickets les moins difficiles du point de vue technique. [B.M.] a répondu à trois ou quatre fois plus de tickets que Mme Fahmy l'a fait en un mois [...] J'ai envoyé un courriel au département dans lequel j'ai demandé à tous de faire leur part du travail. C'était une période très occupée. J'ai parlé à Mme Fahmy, elle a froncé les sourcils et elle a dit Je le ferai. Je ferai attention. La plaignante a nié qu'elle avait pris des tickets HEAT plus faciles et qu'elle en avait pris moins. J'accepte la preuve de la GTAA à ce propos.

(vi) La formation de M.G. pour l'outil de transfert Aelita

[112] Pour la question de sa compétence et de son rendement professionnel inconstant, la GTAA a présenté des preuves selon lesquelles on lui a demandé deux fois de former M.G. pour l'outil de transfert Aelita avant qu'elle le fasse. Et même lorsqu'elle l'a fait, M.G. a témoigné : [TRADUCTION] Elle ne m'a montré que le niveau de base, elle ne m'a pas montré comment l'utiliser. Et elle était la seule qui savait comment l'utiliser. Mme Fahmy nie cette allégation. Je conclus que la preuve de la GTAA à ce sujet est exacte.

(vii) La plainte de Lynn Child

[113] Lynn Child est une gestionnaire des systèmes de la GTAA. S.M. et A.W. ont soutenu qu'elle se plaignait du travail de Mme Fahmy lorsqu'elle avait dû monter des serveurs pour elle. Mme Child et Vishwa Surajram sont deux des exemples que la GTAA a donnés afin de démontrer que les clients ne voulaient plus que Mme Fahmy réponde à leurs besoins, en raison des problèmes de rendement au travail.

[114] Mme Child a témoigné qu'un nouveau serveur devait être configuré et installé pour le nouveau domaine Windows 2000. Elle a dit que Mme Fahmy [TRADUCTION] a fini par le faire. Cependant, Mme Child avait eu de la difficulté à obtenir des renseignements de Mme Fahmy au sujet de l'état du travail et ce travail avait pris excessivement longtemps à être terminé. [TRADUCTION] J'ai dû descendre chaque jour pour savoir où nous en étions avec nos serveurs [...] Ça devait être la tâche de Marie, pas la mienne [...] Lorsque Roger s'en est mêlé, les choses ont avancé et le problème a été réglé. Elle soutient qu'elle n'a pas eu de problème semblable depuis avec une autre personne de la TI de la GTAA. Elle a demandé à S.M. de ne plus permettre à Mme Fahmy de travailler sur l'un de leurs projets. Mme Child a reconnu que Mme Fahmy avait bien travaillé pour elle à nouveau : [TRADUCTION] Probablement pour de petites choses, comme le redémarrage.

[115] En contre interrogatoire, Mme MacKinnon a laissé entendre au témoin qu'il y avait pu y avoir un problème de communication. Le retard avait pu être causé par l'impression qu'avait Mme Fahmy que l'un de ses collègues avait commandé le câble de réseau SAN qui était nécessaire. Même si c'était le cas, Mme Fahmy était responsable, à titre de personne ressource pour Mme Child. C'était à Mme Fahmy d'aller de l'avant et d'aviser Mme Child de l'état des travaux.

(viii) La plainte de Vishwa Surajram

[116] J'ai entendu le témoignage selon lequel M. Surajram était une personne qui avait de l'ancienneté à la GTAA, un administrateur de banques de données qui travaillait à la GTAA depuis sept ans. Il était l'un des principaux clients des Opérations de systèmes de la TI à la GTAA. A.W. a déclaré que le domaine de travail de M. Surajram comptait pour la moitié du travail au niveau des systèmes. M. Surajram a témoigné qu'il avait demandé à Mme Fahmy en février ou en mars 2003 de construire un serveur. Elle l'a fait. Peu de temps plus tard, des problèmes ont surgi. Il lui a demandé de lui en construire un nouveau et elle l'a fait. Le même problème s'est produit. Il a alors demandé à A.W. d'attribuer la tâche à quelqu'un d'autre dans le département pour une troisième et, comme il l'espérait, dernière fois. M. Surajram ne voulait pas que Mme Fahmy s'occupe de la troisième construction. B.M. a construit le serveur avec succès.

[117] On a aussi posé des questions à M. Surajram au sujet des compétences techniques de Mme Fahmy. Il a déclaré que Mme Fahmy avait eu besoin d'une ou deux semaines pour les deux constructions de serveur, alors que cela n'aurait dû prendre que d'une demi journée à une journée. C'est le temps qu'il avait fallu à B.M., comme l'a affirmé M. Surajram. Le témoin était franc. Il a dit : [TRADUCTION] Il est difficile de juger sur un seul exemple ses compétences techniques. Cependant, pour la construction du serveur, elle n'avait pas les compétences techniques. Il s'agit d'une demande normale, qui n'est pas difficile. Je lui posait des questions techniques et elle me disait qu'elle me répondrait le lendemain. C'était inhabituel.

[118] Mme Fahmy nie qu'elle a construit le serveur pour M. Surajram. En contre interrogatoire, M. Surajram a reconnu qu'il n'avait pas de documents prouvant que le serveur avait été construit. Cependant, il a ajouté [TRADUCTION] le serveur existe. Bien que je trouve étrange qu'aucun document n'ait été présenté pour montrer le travail qui avait été fait, le témoignage de vive voix de M. Surajram et de A.W., ainsi que les documents mentionnant la plainte de M. Surajram, me convainquent que son témoignage est fiable. Je conclus que Mme Fahmy n'a pas correctement construit le serveur par deux fois pour M. Surajram et qu'elle a eu besoin de beaucoup plus de temps pour faire le travail que ce qui est habituel.

(ix) Conclusion au sujet du rendement et du congédiement

[119] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le rendement professionnel de Mme Fahmy n'était tout simplement pas constant. Il y avait de nombreux exemples de travaux qui n'avaient pas la qualité requise, de là l'expression [TRADUCTION] compétences techniques faibles utilisée ci dessus. Selon S.M., le transfert défectueux que Mme Fahmy a effectué sur l'ordinateur portatif de SM est un exemple de ses [TRADUCTION] compétences techniques faibles. Un autre exemple portait sur le fait qu'elle n'éteignait pas correctement le système. S.M. a fait remarquer [TRADUCTION] Si [V.J.] l'a fait, peut être une fois. Pour Mme Fahmy, de sept à neuf fois, le serveur s'est simplement remis en marche seul. J'ai vérifié le registre. Deux fois, je sais que c'est arrivé alors qu'elle sortait de la salle d'ordinateur et, à cette époque, nous n'avions pas de contrôle à distance. Ce n'est plus arrivé depuis qu'elle a quitté la GTAA. Elle nie ces allégations. Le rendement de Mme Fahmy était loin du niveau de perfection qu'elle accordait à son travail. Dans une lettre à la Commission qui ne portait pas de date, mais qui a été reçue le 11 décembre 2003, elle a écrit [TRADUCTION] une enquête est la seule façon que j'aie de prouver ce que j'ai écrit dans ma plainte et que j'effectuais mon travail de façon parfaite. Il y a aussi sa réponse à la Commission datée du 6 janvier 2004, à la page 20 : [TRADUCTION] Mon rendement était constamment parfait [...] Il n'y avait rien à redire quant à mon rendement. Je ne soutiens pas qu'elle était incapable d'effectuer du travail parfait ni qu'elle n'a jamais fait de bon travail. Elle en a évidemment fait, et la GTAA le reconnaît. L'expression rendement professionnel englobe ses interactions parfois inappropriées avec son gestionnaire, S.M., et sa mauvaise attitude. J'estime que le commentaire [TRADUCTION] vous avez montré [...] peu, ou pas, de compréhension de votre rôle et de vos responsabilités, qui se trouve dans la lettre de congédiement du 1er mai, résume tout.

N. Allégation no 11 : Le processus et l'évaluation de rendement étaient un leurre ou un prétexte

[120] Mme Fahmy soutient que l'évaluation de rendement qu'on lui a donnée le 8 novembre 2002 ne reflétait pas correctement son travail et servait de leurre qui visait à justifier le traitement discriminatoire dont elle avait été victime et son congédiement.

[121] Mme MacKinnon soutient que Mme Fahmy a été utilisée comme [TRADUCTION] bouc émissaire, qu'on s'était assuré qu'elle échoue et que le système d'évaluation de rendement servait de moyen pour la congédier. Elle soutient aussi que des preuves montraient que l'environnement de travail était hostile ou empoisonné, bien qu'il ne s'agît pas d'un problème systémique. Mme Rusak a soulevé une objection, invoquant l'absence de préavis et mon ordonnance précédente qui empêchaient la plaignante de poursuivre ce point en posant des questions au sujet du comportement des gestionnaires envers les employées dans les autres départements de la GTAA. Dans la logique des commentaires que j'ai formulés plus tôt dans les motifs au sujet de la question du harcèlement, je ne tirerai aucune conclusion au sujet du harcèlement ou d'un environnement de travail empoisonné à la GTAA. La question de savoir si Mme Fahmy a été utilisée comme bouc émissaire sera la seule question que je trancherai.

[122] J'ai examiné attentivement la preuve documentaire et le témoignage de vive voix quant aux évaluations de rendement (du 8 novembre et du 17 décembre 2002) et aux nombreuses réunions au sujet du rendement de travail de Mme Fahmy. Je note aussi le témoignage de S.M., que j'accepte, selon lequel bien qu'il n'ait pas eu beaucoup de réunions avec Mme Fahmy depuis mars 2003, alors qu'il travaillait principalement sur le site de construction du Terminal 1, les réunions qu'il a eues avec elle étaient [TRADUCTION] importantes. En vertu de la convention collective, la GTAA n'est tenue d'effectuer qu'une seule évaluation de rendement pour les employés en probation, à mi chemin pendant leur période de probation. La GTAA l'a fait : l'évaluation du 8 novembre 2002 et la réunion où cette évaluation a été discutée. S.M., Mme Maack, le représentant du syndicat et la conseillère en ressources humaines Jennifer Erbiceanu ont rencontré la plaignante le 13 novembre et le 15 novembre 2002 pour discuter de l'évaluation. Des notes détaillées prises pendant ces réunions ont été présentées en preuve. Le 17 décembre 2002, Mme Fahmy a obtenu une deuxième évaluation de rendement écrite, dans laquelle on avait noté des améliorations dans tous les domaines à un niveau satisfaisant, pour une période d'un peu plus d'un mois depuis la dernière évaluation. Sa période de probation a été prolongée de six mois. Mme Fahmy soutient qu'elle n'a reçu aucune rétroaction au sujet de son rendement après le 17 décembre, jusqu'à son congédiement le 1er mai 2003. Je note que S.M. a témoigné qu'il avait préparé une autre évaluation de rendement de Mme Fahmy au cours de la deuxième ou de la troisième semaine d'avril. Mme Fahmy n'a jamais reçu cette évaluation parce qu'elle a été congédiée le 1er mai, et l'évaluation n'a pas été présentée en preuve.

[123] Je conclus que le contenu des évaluations de rendement que Mme Fahmy a reçues et le processus étaient raisonnables et satisfaisants. L'objet du processus est de donner de la rétroaction à un employé et de lui permettre de s'améliorer, ainsi que de permettre à l'employeur d'évaluer l'employé pendant la période de probation. Je suis convaincu que l'évaluation du 8 novembre, les réunions du 13, 15, 22 et 29 novembre, ainsi que l'évaluation du 17 décembre ont donné à Mme Fahmy une appréciation raisonnable de son travail du point de vue de la GTAA. Dans le processus d'évaluation, l'employeur a fourni à Mme Fahmy une liste des échéanciers qu'elle n'avait pas respectés. J'accepte aussi les témoignages de S.M. et de A.W. selon lesquels on avait donné à Mme Fahmy un avis des doutes au sujet de son rendement, dans des situations moins officielles que l'évaluation de rendement écrite, y compris en 2003.

[124] Le processus n'était pas un prétexte ni un leurre. Le processus d'évaluation de rendement n'était pas un véhicule qui a facilité un congédiement discriminatoire. Je conclus aussi qu'une partie du problème venait tout simplement du refus de Mme Fahmy de souscrire à l'évaluation de son travail faite par S.M. Les notes de la réunion du 13 novembre 2002 entre S.M., le représentant du syndicat Mark Daniels, Maria Maack, Jennifer Erbiceanu et Mme Fahmyle soulignent. Cette réunion a été tenue par suite de l'incident d'ouverture et de fermeture de porte qui avait eu lieu dans le bureau ce jour là, où S.M. avait été si inquiet qu'il avait téléphoné à son épouse. La GTAA, pendant cette réunion, a exprimé clairement à Mme Fahmy que si son travail ne s'améliorait pas avant la fin de sa période de probation, en décembre, elle serait congédiée. Selon les notes prises, Mme Fahmy a déclaré que les problèmes avec S.M. [TRADUCTION] ont commencé parce qu'elle ne voulait pas s'occuper d'un seul projet - [elle] en voulait plus. Mme Fahmy reconnaît cette déclaration dans son témoignage. Or, le projet en question sur lequel elle ne voulait pas travailler exclusivement se trouvait à être le projet le plus dispendieux et le plus important sur lequel le département de la TI travaillait à l'époque.

[125] Elle a écrit et a dit à S.M. qu'elle acceptait ses critiques, mais elle n'était pas honnête. Son témoignage et les documents qu'elle a donnés à la Commission montrent clairement qu'elle ne le pensait pas lorsqu'elle a écrit et a dit qu'elle acceptait les critiques. Elle tentait [TRADUCTION] de le mettre de son bord. On peut comprendre en partie qu'elle était terrifiée de perdre son emploi, mais le caractère sournois de son attitude annihile toute sympathie. À ce jour, elle n'accepte toujours pas la critique de la GTAA.

[126] Je note que la GTAA n'a pas avisé Mme Fahmy des plaintes de Lynn Child et de Vishwa Surajram à son sujet. La GTAA aurait dû le faire. Cependant, son défaut de le faire ne constitue pas une violation au sens de l'article 7 de la LCDP. Il n'existe aucun lien avec un motif de distinction illicite. Cependant, Mme Fahmy avait été avisée de suffisamment de problèmes par le processus officiel et non officiel qu'elle aurait dû clairement savoir que son employeur était d'avis que son travail n'était pas satisfaisant.

[127] Mme Fahmy a aussi soutenu que le prolongement de sa période probatoire était une ruse ou un prétexte pour la congédier. Je ne souscris pas à cette affirmation. Si la GTAA avait voulu la congédier, elle l'aurait fait à la fin de sa période de probation en décembre 2002. La GTAA avait suffisamment de preuves. Elle n'avait pas à prolonger sa probation de six mois. Mme Fahmy soutient que son ancienne employeure l'a fait parce qu'elle voulait s'assurer qu'elle ne ferait pas l'objet d'une plainte. Si c'était le motif de la GTAA, cela n'a pas vraiment bien fonctionné - cinq ans se sont écoulés, et la GTAA a traité avec la Commission, le processus d'arbitrage de grief et l'audience devant le Tribunal. J'accepte le témoignage de S.M. selon lequel il a dit à Mme Fahmy de [TRADUCTION] se détendre, d'être elle même et qu'il avait voulu lui donner plus de temps pour s'améliorer. Je conclus que la GTAA a prolongé la période de probation de bonne foi, souhaitant lui donner l'occasion de s'améliorer, plutôt que dans l'optique d'amasser suffisamment de preuves permettant de la congédier.

[128] Je comprends que Mme Fahmy ne croit pas que la GTAA a pris une décision honnête lorsqu'elle a prolongé sa probation. Elle a affirmé : [TRADUCTION] Vers décembre, je savais qu'il y avait une intrigue. Cependant, compte tenu de la preuve, je ne vois aucune intrigue, aucun leurre et aucun prétexte pour son congédiement. Comme je l'ai mentionné plus tôt, je n'accepte pas le témoignage de D.M. selon lequel S.M. lui a demandé d'[TRADUCTION] inventer des lacunes dans le travail de Mme Fahmy. D.M. lui même a déclaré qu'il ne l'avait pas fait. Sa liste d'[TRADUCTION] échéanciers non respectés était exacte et a été préparée de bonne foi. Je conclus que les courriels de A.W., M.G. et B.M. envoyés à S.M. le 29 avril et le 1er mai 2003, dans lesquels ils se plaignaient du travail de Mme Fahmy, n'étaient pas inventés ou écrits de mauvaise foi. Je crois que cet ensemble de courriels a été [TRADUCTION] la goutte qui a fait déborder le vase, qui a poussé S.M. à recommander le congédiement de Mme Fahmy le 1er mai. Je conclus que S.M. et A.W. avaient correctement avisé les employés qui se plaignaient au sujet de Mme Fahmy qu'ils devaient [TRADUCTION] le mettre par écrit. C'est loin d'être une sollicitation ou une invention de fausses critiques au sujet de son rendement.

VII. CONCLUSION

[129] Dans l'une de ses lettres où elle apporte des précisions sur sa plainte à la Commission, produite le 12 mars 2004, Mme Fahmy a écrit au paragraphe 6 : [TRADUCTION] mon seul péché était que je n'étais pas blanche et que je n'étais pas un homme. Elle a aussi écrit à la page 14 de sa réplique du 6 janvier 2004 : [TRADUCTION] [...] j'ai été traitée comme une esclave, vu ce qu'il [S.M.] m'a fait. Il est dommage qu'elle se sente de cette façon. Cependant, la preuve la plus convaincante établit le contraire. Toute différence de traitement qui pourrait être qualifiée de préjudiciable et son congédiement étaient fondés sur des motifs qui n'étaient pas liés à la LCDP, comme je l'ai expliqué dans mes motifs. Cela n'avait rien à voir avec le fait qu'elle était une femme, une personne de couleur ou une personne d'origine égyptienne. Par conséquent, la plainte est rejetée.

Signée par
Matthew D. Garfield

OTTAWA, Ontario
Le 7 mai 2008

1Voir J. Sopinka, S.N. Lederman et A.W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e édition, Toronto:

1Butterworths, 1999, aux pages 139 à 141, pour un exposé au sujet de l'obligation (ou de l'absence d'obligation) du choix dans les requêtes en non-lieu au Canada et en Angleterre.

1

2La partie requérante dans une requête en jugement sommaire n'a pas à faire de choix semblable à celui de la requête en non-lieu.

3Voir les commentaires de l'arbitre Ratushny au sujet du témoignage tiré par les cheveux dans Abary c. North York Hospital (1988), 9 C.H.R.R. D/775 (Commission d'enquête de l'Ontario), au paragraphe 38202.

4Voir Sopinka, Lederman et Bryant, précité, aux pages 138 et 139.

5La Commission canadienne des droits de la personne, tout en restant partie à l'affaire, participe peu souvent aux audiences devant le Tribunal.

6A.W. a témoigné au sujet des rôles respectifs: [TRADUCTION] L'architecte [D.M.] s'occupede la

6conception; le gestionnaire de projet [D.L.] s'occupe du plan, et le responsable technique [Mme Fahmy] fait les essais et travaille avec les deux autres sur la mise en oeuvre.

7Mme Fahmy a été avertie le 29 novembre 2002 et officiellement avisée par une lettre datée du 16 décembre 2002 que sa période de probation serait prolongée de six mois, jusqu'au 1er juillet 2003.

8J'ai cru M.G. lorsqu'il a témoigné qu'à son deuxième jour au travail, le 4 octobre, Mme Fahmy lui a dit à la cafétéria qu'elle croyait qu'il était là pour lui enlever son travail, [TRADUCTION] ce qui m'a un peu choqué. Il a soutenu qu'il lui avait dit qu'il n'était pas là pour prendre le travail quinconque, mais qu'il avait été embauché à forfait [TRADUCTION] Il y avait beaucoup de travail à faire. Il n'y avait pas suffisament d'employés.

9La GTAA ne peut pas utiliser cette preuve après congédiement pour étayer sa décision de congédier Mme Fahmy.

10Dans la liste [TRADUCTION] d'échéanciers non respectés de S.M. datée du 14 novembre 2002, il y avait douze points particuliers et un point général ([TRADUCTION] Beaucoup d'autres tâches liées à son rôle dans l'équipe de projet Windows 2000) énumérés sous le titre [TRADUCTION] Éléments livrables du projet W2K. Il y avait aussi un point particulier établi sous le titre [TRADUCTION] Problèmes liés au département.

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1115/9605

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Marie-Therese Fahmy c. Autorité aéroportuaire du Grand Toronto

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 8 au 12 janvier 2007
Les 22 au 26 janvier 2007
Les 7 au 10 août 2007
Les 10 et 11 septembre 2007
Les 17, 18, 20, 21 décembre 2007
Le 9 janvier 2008

Toronto (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 7 mai 2008

ONT COMPARU :

Mary MacKinnon

Pour la plaignante

(Aucune représentation)

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Paula M. Rusak

Pour l'intimé

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