Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE ET

CATHY MURPHY

les plaignantes

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

AGENCE DU REVENU DU CANADA

l'intimée

DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis 2010 TCDP 9
2010/04/23

I. Historique de l'organisation de l'ARC

II. Les dossiers d'équité salariale

III. À quel moment et de quelle façon les dispositions de la LIR en question en l'espèce ont-elles été adoptées?

IV. Comment le mécanisme de PFRA devait-il fonctionner?

V. Comment l'ARC a-t-elle appliqué le mécanisme de PFRA?

VI. Quel était l'effet du calcul du mécanisme de PFRA sur le traitement de l'impôt de Mme Murphy?

VII. Analyse

A. La pratique censément discriminatoire découlant du mécanisme de PFRA a-t-elle eu lieu dans le cadre de la fourniture de services au sens de l'article 5?

B. L'application du mécanisme de PFRA par l'ARC peut-elle être considérée comme avoir été faite en cours d'emploi au sens de l'alinéa 7b)?

C. La preuve démontre-t-elle que l'ARC a agit de façon discriminatoire fondée sur le sexe envers Mme Murphy et les autres prestataires des paiements forfaitaires de parité salariale?

D. Quelle est la preuve de l'ARC en réponse à la preuve d'expert des plaignantes?

E. La présente plainte vise-t-elle à éviter les conséquences normales et anticipées de l'entente?

F. Le fondement de base de la plainte

VIII. Conclusion

[1] La plaignante Cathy Murphy a été fonctionnaire fédérale de 1981 à 1994. L'autre plaignante, l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), était son syndicat. En 2000, Mme Murphy, ainsi que de nombreux autres fonctionnaires fédéraux qui étaient employés dans des groupes professionnels à prédominance féminine, a reçu des paiements du Conseil du Trésor du Canada comme mesure de redressement pour deux plaintes de discrimination salariale que l'AFPC avait déposées conformément à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (LCDP).

[2] Les paiements (communément appelés règlement en matière de parité salariale) comprenaient une indemnité rétroactive concernant les revenus des employés à partir de 1985. Ces paiements forfaitaires constituaient un revenu d'emploi aux fins de l'impôt sur le revenu de l'année 2000, même s'ils visaient un emploi qui avait eu lieu des années auparavant. Le taux marginal d'impôt de Mme Murphy a été plus élevé en 2000 que pour les années précédentes, alors elle soutient qu'elle a en réalité reçu moins d'argent que ce qu'elle aurait reçu si les paiements avaient été faits chacune de ces années.

[3] La Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (LIR), comprend une série de dispositions qui prévoient un allégement fiscal pour les personnes qui reçoivent des paiements forfaitaires portant sur un revenu gagné dans les années précédentes. L'intimée, l'Agence du revenu du Canada (ARC), voit à l'application des lois fiscales du Canada, y compris le mécanisme d'allégement fiscal. Les plaignantes soutiennent que la façon dont l'ARC a interprété, appliqué et administré ce système, dans la [traduction] grande majorité des cas , a empêché les prestataires de paiements de revenu rétroactifs portant sur la parité salariale, comme Mme Murphy, de bénéficier de l'allégement fiscal.

[4] Les plaignantes soutiennent que l'ARC a donc contrevenu à l'article 5 de la LCDP en agissant de façon discriminatoire envers Mme Murphy et les autres prestataires du règlement en matière de parité salariale sur le fondement du sexe, dans la fourniture de services destinés au public. Les plaignantes soutiennent que l'ARC a aussi fait preuve de distinction illicite fondée sur le sexe en cours d'emploi envers Mme Murphy et les autres prestataires, ce qui contrevient à l'alinéa 7b) de la LCDP. Pour les motifs détaillés dans la décision suivante, je conclus que la plainte n'est pas fondée.

I. HISTORIQUE DE L'ORGANISATION DE L'ARC

[5] La responsabilité de l'administration du système fiscal du Canada a changé au cours des années. Le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a été créé en 1927 et s'est vu attribuer la responsabilité d'administrer les lois du Canada portant sur l'impôt ainsi que sur les douanes et l'accise.

[6] Le 1er novembre 1999, la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada, L.C. 1999, ch. 17, est entrée en vigueur (SI/99-111), transformant le ministère en un organisme indépendant responsable du revenu national, appelé l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). En décembre 2005, le nom de l'ADRC a été changé à l'Agence du revenu du Canada, et la nouvelle Agence des services frontaliers du Canada est devenue responsable des opérations de douane du Canada. Au long de la présente décision, j'utiliserai généralement l'acronyme ARC pour faire référence à l'intimée, même dans le cas d'événements qui sont survenus avant le changement récent de nom.

II. LES DOSSIERS D'ÉQUITÉ SALARIALE

[7] Pendant la majorité de sa carrière à la fonction publique, Mme Murphy a été employée à Revenu Canada. Elle a occupé des postes qui étaient principalement classifiés dans le groupe professionnel CR (commis aux écritures et règlements). L'AFPC était le syndicat du groupe d'employés CR. En 1984 et en 1990, l'AFPC, au nom des fonctionnaires fédéraux de six groupes professionnels, a déposé des plaintes en vertu de l'article 11 de la LCDP contre le Conseil du Trésor du Canada (les plaintes en vertu de l'article 11). Dans les plaintes, il était allégué que les employés de ces six groupes professionnels étaient à prédominance féminine et qu'ils gagnaient des salaires moins élevés que ceux gagnés par des fonctionnaires employés dans des groupes professionnels à prédominance masculine qui effectuaient du travail de valeur égale.

[8] La Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a renvoyé les plaintes en vertu de l'article 11 au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) en octobre 1990, et les audiences ont débuté un an plus tard. En juillet 1998, les parties aux plaintes en vertu de l'article 11 savaient que le Tribunal allait bientôt rendre une décision. Les membres de l'AFPC avaient commencé à exprimer des inquiétudes à leur syndicat au sujet des répercussions fiscales de la décision du Tribunal. L'une de ces inquiétudes portait sur la question de savoir si les paiements forfaitaires feraient augmenter la tranche d'imposition des prestataires pour l'année lors de laquelle ils seraient payés. En prévision de cette possibilité, des représentants de l'AFPC, y compris l'agente à la classification et au salaire égal de l'AFPC Margaret Jaekl, ont rencontré des représentants de Revenu Canada pour leur poser un certain nombre de questions, y compris quel serait le traitement fiscal des ajustements de parité salariale.

[9] Revenu Canada a avisé l'AFPC qu'en application du paragraphe 5(1) de la LIR, tout paiement forfaitaire de salaire doit être entièrement inclus dans les revenus de l'année au cours de laquelle il a été reçu. Aucune loi n'existait qui permettait l'imposition d'un paiement de salaire rétroactif dans les années auxquelles il se rapportait ou l'imposition de ce paiement à un taux spécial.

[10] Le 29 juillet 1998, le Tribunal a conclu que les plaintes en vertu de l'article 11 étaient fondées et il a établi une méthodologie pour le calcul de l'écart salarial entre les groupes professionnels à prédominance féminine et ceux à prédominance masculine, écart qui était la source de discrimination (Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor) (1998), 32 C.H.R.R. D/349). Le Tribunal a ordonné au Conseil du Trésor d'effectuer des paiements rétroactifs d'ajustement de salaire aux fonctionnaires fédéraux touchés de 1985 jusqu'à la date de la décision. Le Tribunal a aussi ordonné au Conseil du Trésor de payer de l'intérêt simple calculé de façon semestrielle au taux des obligations d'épargne du Canada pour les ajustements des salaires.

[11] Le procureur général du Canada a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal à la Cour fédérale, mais la Cour a maintenu la décision du Tribunal le 19 octobre 1999 (Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada [2000] 1 C.F. 146 (C.F. 1re inst.)).

[12] Quelques jours après le prononcé du jugement de la Cour, des représentants de l'AFPC et du Secrétariat du Conseil du Trésor ont commencé à discuter dans l'espoir d'en arriver à une entente pour toutes les questions laissées en suspens, y compris la détermination des montants exacts de l'ajustement salarial. Le Tribunal n'avait pas directement traité cette question dans la décision de 1998, l'ayant plutôt déférée à une phase d'audience subséquente portant le nom de Phase III. D'après Mme Jaekl, qui a participé à la majorité de ces discussions, le Secrétariat du Conseil du Trésor s'est présenté à la première journée de réunion et a [traduction ] précisé les conditions [du Conseil du Trésor] au sujet de la façon dont les négociations se dérouleraient. On a dit aux représentants de l'AFPC que si ces conditions n'étaient pas acceptées, le Conseil du Trésor mettrait fin aux discussions et porterait la décision de la Cour fédérale en appel. Ces conditions comprenaient l'établissement d'une entente au plus tard à midi le troisième jour (un mercredi). De plus, les avocats des parties ne devaient pas participer aux discussions au sujet de l'entente.

[13] Mme Jaekl a témoigné que bien qu'elle n'était pas présente à toutes les discussions entre les représentants, à sa connaissance, l'AFPC n'avait pas soulevé la question des [traduction ] répercussions fiscales pendant les rencontres. Elle a expliqué que la priorité du syndicat était d'en arriver à une entente sur l'application de la décision du Tribunal, qui soulevait à elle seule de nombreuses questions, et qu'il n'y avait pas suffisamment de temps pour examiner des questions qui ne faisaient pas partie de la décision.

[14] Les négociations ont porté fruit et un protocole d'entente a été établi et signé le 29 octobre 1999. L'article 13 du document était intitulé Entente et précisait que les parties conviennent que les dispositions de cette entente règlent toutes les questions de la phase II et de la phase III des plaintes . Comme je l'ai expliqué plus tôt, la phase III portait sur la détermination du montant d'ajustement salarial.

[15] Le 16 novembre 1999, l'avocat de l'AFPC, la Commission et le Conseil du Trésor ont présenté l'entente au Tribunal. Les membres du Tribunal ont posé des questions et ont demandé des clarifications sur certaines parties de l'entente, puis le Tribunal a approuvé l'entente et a rendu une ordonnance sur consentement (ordonnance sur consentement).

[16] En 2000, les ministères fédéraux responsables des fonctionnaires actuels et des anciens fonctionnaires visés par l'ordonnance sur consentement ont appliqué les ajustements nécessaires et ont effectué les paiements avec intérêt. Des chèques ont été émis en trois ou quatre versements entre avril et novembre 2000.

III. À QUEL MOMENT ET DE QUELLE FAÇON LES DISPOSITIONS DE LA LIR EN QUESTION EN L'ESPÉCE ONT-ELLES ÉTÉ ADOPTÉES?

[17] Le 16 février 1999, le ministre des Finances fédéral a annoncé que dans le cadre du prochain budget fédéral, la LIR serait modifiée afin d'ajouter une nouvelle approche au calcul de l'impôt pour certains paiements forfaitaires rétroactifs. Cette proposition budgétaire a été décrite dans le Plan budgétaire, un document préparé par le ministère des Finances que le ministre avait déposé au Parlement. Dans le cadre du système d'impôt progressif du Canada, les taux d'imposition augmentent en fonction de l'augmentation du revenu imposable. Le Plan budgétaire faisait remarquer qu'en raison de cette progressivité, la dette fiscale d'une personne pour des paiements forfaitaires rétroactifs était généralement plus élevée que ce qu'elle aurait été si les paiements avaient été effectués, et imposés, année après année alors que le revenu augmentait. Cette obligation fiscale plus élevée représentait une augmentation de revenus pour le gouvernement.

[18] Afin de garantir que le gouvernement ne tirerait pas un avantage indu de la progressivité du système d'imposition personnelle, le budget proposait l'application du mécanisme de paiement forfaitaire rétroactif admissible (PFRA). Un paiement forfaitaire rétroactif admissible serait considéré comme la portion principale (c'est-à-dire sans intérêt) d'un paiement reçu une année, mais qui vise l'année précédente. Le mécanisme ne s'appliquerait que pour les paiements forfaitaires de 3 000 $ ou plus, provenant de certaines sources précises, y compris le revenu d'emploi ou le revenu reçu en raison d'une cessation d'emploi, d'un jugement d'une cour, d'une décision arbitrale ou d'une transaction ayant mis fin à une poursuite. Les paiements forfaitaires reçus par Mme Murphy en application de l'entente au sujet des plaintes en vertu de l'article 11 et de l'ordonnance sur consentement subséquente portaient sur son emploi et dépassaient les 3 000 $. Par conséquent, les paiements forfaitaires étaient admissibles aux fins du mécanisme de PFRA.

[19] Donald Wilson était un conseiller en politiques au ministère des Finances pendant la période au cours de laquelle le mécanisme de PFRA a été élaboré. Il a témoigné que le principe général établi au paragraphe 5(1) de la LIR, soit que le revenu est imposable dans l'année au cours de laquelle il a été reçu, avait toujours été une source de préoccupation pour beaucoup de contribuables, en particulier pour ceux qui avaient des revenus inégaux , tels que les artistes. Ces personnes demandaient souvent un allégement du traitement de leurs impôts.

[20] Cependant, au cours de la période précédant l'annonce du mécanisme de PFRA dans le budget, le ministère des Finances avait reçu de nombreuses demandes d'allégement de membres de deux groupes d'employés précis. Le premier groupe était constitué de 25 000 enseignants de l'Ontario qui recevaient des prestations de retraite qu'ils auraient dû recevoir dans les années précédentes. Le deuxième groupe était composé de débardeurs du Québec qui avaient obtenu des paiements rétroactifs de salaire en vertu d'une ordonnance de la cour. M. Wilson a reconnu que le ministère des Finances savait aussi à l'époque que l'entente de parité salariale et les paiements forfaitaires qui en découlaient étaient [traduction ] en cours . Cependant, il a précisé que le mécanisme de PFRA n'était pas conçu [traduction ] sur mesure à l'avantage d'un groupe en particulier, mais qu'il avait simplement été conçu après un examen des données particulières aux différentes affaires qui avaient été portées à l'attention du ministère.

IV. COMMENT LE MÉCANISME DE PFRA DEVAIT-IL FONCTIONNER?

[21] Comme il l'a été proposé dans le budget, le mécanisme prévoyait un calcul spécial d'impôt théorique qui serait effectué en attribuant les paiements forfaitaires admissibles rétroactivement aux années auxquelles ils se rapportaient et en calculant l'impôt théorique supplémentaire pour ces années. Cependant, l'impôt théorique n'était pas seulement composé de l'impôt qui aurait dû être payé au cours de ces années. Il comprenait aussi un montant pour les intérêts qui reflétaient le retard dans le paiement des impôts pour les paiements forfaitaires rétroactifs. Le Plan budgétaire notait que les gouvernements encouraient des frais de financement lorsqu'ils recevaient des revenus d'impôt plus tard que la date à laquelle le paiement était dû.

[22] La composante d'intérêt de l'impôt théorique devait être calculée en fonction des taux d'intérêt prescrits pour le remboursement d'impôt, c'est-à-dire le taux d'intérêt que le ministre paye lorsqu'il rembourse des impôts à un contribuable. Depuis le 1er octobre 1989, le taux prescrit pour les remboursements en vertu de la LIR est calculé au taux des bons du Trésor de 90 jours plus 2 p. 100 (Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, art. 4301). Depuis le 1er janvier 1987, l'intérêt est calculé quotidiennement de façon composée (article 164 et paragraphe 248(11) de la LIR).

[23] Le 10 septembre 1999, l'ébauche de la loi modifiant la LIR, qui comprenait les dispositions portant sur le mécanisme de PFRA, a été déposée au Parlement (projet de loi C-25). Les dispositions sont entrées en vigueur le 29 juin 2000 (articles 110.2 et 120.31, dont le libellé complet se trouve à l'annexe 1 de la présente décision). Les dispositions en vigueur ne comprenaient aucune différence importante par rapport à la proposition dans le plan budgétaire de 1999. L'ARC avait ciblé une erreur évidente dans l'ébauche sur la façon dont le calcul serait effectué, qui ne coïncidait clairement pas avec la proposition du plan budgétaire. L'ARC a mentionné l'erreur au ministère des Finances, qui a ensuite confirmé que l'observation de l'ARC était juste. L'ARC a donc appliqué les dispositions de la façon correcte , même si le Parlement n'a toujours pas modifié la disposition afin de corriger l'erreur.

[24] Mme Jaekl a témoigné que lorsque le budget a été présenté pour la première fois au Parlement en février 1999, elle a pris connaissance de l'existence du mécanisme proposé de PFRA, mais elle ne s'est pas renseignée à ce sujet et n'a pas tenté d'obtenir des détails. Par expérience, elle savait que le fait qu'un projet soit annoncé au Parlement ne signifiait pas nécessairement que le projet deviendrait loi. Cependant, elle a compris que si le mécanisme était appliqué, il pouvait être avantageux pour les prestataires de règlement en matière de parité salariale. Elle n'a obtenu une meilleure compréhension du mécanisme de PFRA que lors d'une conférence à laquelle elle a participé à Halifax le 8 mars 2000, au cours de laquelle un des conférenciers avait fourni une explication détaillée de la façon dont le mécanisme fonctionnerait. Cette conférence a eu lieu plus de quatre mois après que l'AFPC et le Conseil du Trésor aient négocié l'entente pour les plaintes en vertu de l'article 11.

[25] Aucune preuve ne m'a été présentée démontrant que Mme Murphy ou un représentant de l'AFPC avait communiqué avec l'ARC avant de signer l'entente de parité salariale en vue d'obtenir des détails au sujet du mécanisme de PFRA, ni que quelqu'un avait communiqué avec le ministère des Finances ou tout autre représentant du gouvernement pour demander un changement à la façon dont le mécanisme fonctionnerait.

V. COMMENT L'ARC A-T-ELLE APPLIQUÉ LE MÉCANISME DE PFRA?

[26] Depuis que les dispositions portant sur le mécanisme de PFRA sont entrées en vigueur, les contribuables qui ont reçu des paiements forfaitaires admissibles ont pu présenter une demande à l'ARC afin de savoir s'ils pouvaient se prévaloir de cet allégement fiscal. Sheila Barnard est la gestionnaire de la section de la législation de la Direction du traitement des déclarations et des paiements des particuliers de l'ARC, qui est responsable de l'établissement des processus utilisés pour le calcul de l'impôt personnel. Elle a noté que la disposition portant sur le mécanisme de PFRA permettait aux contribuables de déclarer leurs paiements forfaitaires rétroactivement jusqu'à 1978. L'ARC a reconnu que peu de gens gardent leurs dossiers d'impôt aussi longtemps et que l'Agence, quant à elle, possède ces données dans un système informatique.

[27] Par conséquent, l'ARC était en mesure d'effectuer le calcul des PFRA pour les contribuables et d'établir un processus afin d'en arriver à ce résultat. Elle a élaboré un formulaire spécial (T1198), que les contribuables pouvaient annexer à leur déclaration de revenus. Le formulaire est généralement rempli par l'employeur. Si les contribuables font une déclaration de revenus par voie électronique, les données du formulaire T1198 y sont inscrites. Le nom du prestataire de paiements forfaitaires apparaît sur le formulaire T1198, ainsi que l'année au cours de laquelle le paiement forfaitaire a été reçu. Le montant est divisé entre le principal et l'intérêt. Il y a ensuite une série d'espaces vides, inscrits par année à partir de 1978 (la première année à laquelle le mécanisme de PFRA s'applique) jusqu'à l'année actuelle d'imposition. Le montant du principal pour chaque année est inscrit dans les espaces vides appropriés. Pour le règlement en matière de parité salariale des fonctionnaires fédéraux, l'employeur a émis un formulaire T1198 pour chacun des prestataires.

[28] Mme Barnard a témoigné que dès que l'ARC reçoit une déclaration de revenus à laquelle un formulaire T1198 est annexé ou une déclaration équivalente produite par voie électronique, le système d'évaluation effectue automatiquement un calcul normal de l'impôt et un calcul spécial de l'impôt en appliquant le mécanisme de PFRA, à condition que la partie du principal visant des années précédentes soit d'un montant d'au moins 3 000 $.

[29] Mme Barnard a expliqué que le calcul spécial de l'impôt selon le mécanisme de PFRA est effectué comme suit :

  1. Le montant du paiement forfaitaire rétroactif admissible est déduit dans le calcul du revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement forfaitaire a été effectué (l'année courante).
  2. L'impôt fédéral de base est calculé pour le revenu imposable réduit de l'année courante, selon les taux d'impôt et les crédits d'impôt non remboursables applicables à l'année courante.
  3. Un rajustement d'impôt (qui s'ajoute à l'impôt fédéral de base) est calculé en additionnant :
    1. tous les montants qui constituent une augmentation de l'impôt fédéral de base pour chaque année précédente, calculés comme si les portions visées du paiement forfaitaire avaient été reçues dans l'année à laquelle elles se rapportent,
    2. l'intérêt calculé sur l'augmentation de l'impôt fédéral de base pour chacune des années précédentes, selon le taux de remboursement prescrit, à partir du 1er mai de l'année suivant l'année à laquelle la partie du paiement forfaitaire est liée jusqu'à la fin de l'année précédant l'année au cours de laquelle le paiement forfaitaire a été reçu.
  4. Le rajustement d'impôt est ajouté à l'impôt fédéral de base pour le revenu imposable réduit de l'année courante.

[30] Lorsque l'ARC termine ce calcul, elle compare ensuite les résultats du calcul normal de l'impôt (c'est-à-dire l'imposition du paiement forfaitaire en entier pour l'année courante) avec le calcul spécial du mécanisme de PFRA afin de déterminer quelle méthode est la plus avantageuse pour le contribuable. Si le calcul du mécanisme de PFRA est plus avantageux, l'ARC l'utilise pour établir la cotisation de l'année courante. Si le calcul du mécanisme de PFRA n'est pas avantageux, l'ARC établit la cotisation en fonction du calcul normal de l'impôt. L'ARC produit ensuite un avis de cotisation ou un avis de nouvelle cotisation ainsi qu'une explication indiquant si le calcul de l'impôt en fonction du mécanisme de PFRA était avantageux, suivi d'une lettre au contribuable expliquant le calcul et la comparaison en détail.

[31] En des termes simples, l'exercice consiste à recalculer l'impôt sur le revenu fédéral de l'année courante sans le paiement forfaitaire, puis d'ajouter à cet impôt le montant d'impôt sur le revenu fédéral qui aurait dû être payé si les montants du paiement forfaitaire avaient été payés dans les années auxquelles ils se rapportent. Si le paiement forfaitaire a placé le contribuable dans une tranche d'imposition plus élevée dans l'année courante, alors logiquement, l'établissement de la cotisation à l'égard du contribuable en fonction du taux marginal d'imposition inférieur qu'il payait lors des années précédentes entraînerait une réduction de l'impôt à payer. Cependant, il faut tenir compte d'un autre facteur - l'intérêt qui fait aussi partie du calcul. Lorsque l'intérêt composé est ajouté, l'effet probable est que tout avantage découlant du calcul de l'impôt sur le revenu payable pour les paiements rétroactifs au taux marginal d'imposition inférieur est diminué, à différents degrés, par l'intérêt composé qui est inclus dans le calcul. Pour cette raison, les contribuables ayant reçu des paiements rétroactifs remontant à six ans ou plus ne seront probablement pas avantagés par le calcul du mécanisme de PFRA.

VI. QUEL ÉTAIT L'EFFET DU CALCUL DU MÉCANISME DE PFRA SUR LE TRAITEMENT DE L'IMPÔT DE MME MURPHY?

[32] Après avoir quitté la fonction publique en 1994, Mme Murphy est devenue une employée de l'AFPC. Au moment où elle a reçu ses paiements forfaitaires pour la parité salariale en 2000, son revenu avait augmenté de façon importante par rapport à celui qu'elle gagnait lorsqu'elle était fonctionnaire. Sa tranche d'imposition était maintenant plus élevée. Elle a reçu trois chèques en vertu de l'ordonnance sur consentement, deux chèques représentant le principal de l'ajustement salarial (soit un total de 16 282,26 $) et un autre chèque représentant l'intérêt auquel elle avait droit, d'un montant de 9 266,03 $. Lorsque ces montants ont été ajoutés à son revenu en 2000, son revenu total était de 93 452 $.

[33] L'ARC a produit un avis de cotisation pour l'année 2000 à l'égard de Mme Murphy le 18 avril 2001, dans lequel on l'avisait qu'elle était admissible au calcul de l'impôt du mécanisme de PFRA. Le 25 avril 2001, l'ARC lui a envoyé une lettre dans laquelle elle expliquait que ce calcul ne lui était pas avantageux. Le calcul normal de l'impôt était plus avantageux, même si son taux marginal d'imposition était maintenant plus élevé que lorsqu'elle travaillait pour la fonction publique. Le tableau accompagnant la lettre, qui expliquait le calcul, démontrait que lorsque les montants du paiement forfaitaire de parité salariale (l'ajustement de revenu et l'intérêt) étaient inclus à son revenu imposable pour l'an 2000, son impôt fédéral de base était de 15 433,23 $. Le calcul du mécanisme de PFRA aurait entraîné un impôt fédéral de base du montant de 18 494,65 $.

[34] Par conséquent, bien que le revenu de Mme Murphy soit maintenant plus élevé et, par conséquent, imposable en fonction d'un taux marginal d'imposition plus élevé, elle ne pouvait pas profiter d'un allégement fiscal en vertu du mécanisme de PFRA. Elle trouvait cela injuste. Si elle avait réellement reçu l'ajustement salarial dans les années auxquelles il se rapportait, elle aurait payé de l'impôt à un taux marginal d'imposition moins élevé. Elle était particulièrement contrariée par le fait que le calcul du mécanisme de PFRA comportait des intérêts établis au taux du remboursement et que ces intérêts étaient composés, surtout parce que l'ordonnance sur consentement n'avait prévu que le paiement d'intérêt simple. Elle était d'avis que dans cette situation, l'ARC calculait de l'intérêt sur les arriérés portant sur un revenu qu'elle n'avait jamais reçu.

[35] Mme Murphy n'était pas la seule à être consternée. De nombreux prestataires de paiements forfaitaires de parité salariale ont communiqué avec l'AFPC pour se plaindre du mécanisme de PFRA. Le 2 avril 2001, l'AFPC a publié un bulletin pour ses membres dans lequel elle indiquait qu'elle examinait la possibilité d'intenter une [traduction ] contestation à cette pratique pour des motifs portant sur les droits de la personne . Le 21 juin 2001, le président de l'AFPC a écrit au ministre du Revenu national au sujet de ces questions, alléguant que la [ traduction ] pratique était [traduction ] discriminatoire . Le 12 juillet 2001, un haut représentant du ministère a répondu par une lettre, déclarant que ces calculs font partie intégrante de la loi portant sur les paiements forfaitaires rétroactifs telle qu'elle a été adoptée par le Parlement, et qu'ils n'entraînaient pas toujours une réduction de l'impôt pour les prestataires de paiements forfaitaires. Il a précisé que l'ARC avait déployé tous les efforts en 1999 et en 2000 pour s'assurer que les prestataires de paiements forfaitaires de parité salariale étaient avisés que le calcul du mécanisme de PFRA ne fournirait pas nécessairement un résultat avantageux. Les publications de l'ARC faisaient état qu'en général, plus les années antérieures visées par le paiement rétroactif étaient éloignées, moins l'économie fiscale était importante, si économie il y avait. Il a aussi mentionné que les éléments du calcul d'impôt pour les paiements forfaitaires rétroactifs relevaient d'une politique en matière d'impôt qui est la responsabilité du ministère des Finances. L'ARC est simplement responsable de l'application de la loi.

[36] Mme Murphy a communiqué avec Mme Jaekl et a exprimé sa volonté de présenter sa situation comme fondement pour une cause type . Par conséquent, le 11 mars 2002, l'AFPC et Mme Murphy ont déposé la présente plainte en matière de droits de la personne auprès de la Commission. Dans la plainte, elles soutenaient que l'ARC a recours à la pratique discriminatoire suivante :

[traduction]

[...] l'imposition d'intérêts composés à des taux élevés sur les arriérés d'impôt théorique, qui découlent de l'attribution d'un revenu reçu en vertu de l'ordonnance du Tribunal canadien des droits de la personne datée du 16 novembre 1999. Cette pratique discriminatoire est fondée sur le sexe (féminin) parce qu'elle empêche les personnes touchées de recevoir un salaire égal pour un travail de valeur égale, comme l'exige l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, en réduisant la valeur réelle des paiements ordonnés, en violation de l'article 5 et de l'alinéa 7b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Par conséquent, ces pratiques ont eu l'effet de réduire les paiements effectués en application de l'article 11 de la Loi aux personnes touchées, ce qui contrevient à l'article 11 de la Loi.

[37] Malgré la référence dans la plainte à l'article 11, les plaignantes n'ont pas allégué devant le Tribunal que l'ARC avait violé cette disposition.

VII. ANALYSE

[38] Lorsqu'il s'agit de régler une plainte en matière de droits de la personne, le plaignant doit d'abord établir une preuve prima facie qu'il y a eu discrimination (Comm. ont. des droits de la personne c. SimpsonsSears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 (O'Malley)). Dans ce contexte, la preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l'absence de réplique de la partie intimée. Si le plaignant établit une preuve prima facie de discrimination, il incombe alors à la partie intimée de réfuter les allégations ou de prouver qu'il y a une explication raisonnable justifiant la pratique qui semble discriminatoire. Si l'intimé fournit une explication raisonnable, il incombe au plaignant de démontrer que cette explication n'est qu'un prétexte à la discrimination.

[39] Il n'est pas nécessaire que la discrimination soit le seul motif derrière le comportement en question pour que la plainte soit justifiée. Il suffit que la discrimination soit l'un des facteurs qui aient compté dans la décision ou l'action contestée (Holden c. Compagnie nationale de chemins de fer (1991), 14 C.H.R.R. D/12, au paragraphe 7 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Uzoaba, [1995] 2 C.F. 569 (C.F. 1re inst.)).

A. La pratique censément discriminatoire découlant du mécanisme de PFRA a-t-elle eu lieu dans le cadre de la fourniture de services au sens de l'article 5?

[40] Les plaignantes et la Commission soutiennent que l'ARC a agit de façon discriminatoire dans la fourniture de services destinés au public, au sens de l'article 5 de la LCDP, qui se lit comme suit :

5. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public :

a) d'en priver un individu;

b) de le défavoriser à l'occasion de leur fourniture.

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

(b) to differentiate adversely in relation to any individual,

on a prohibited ground of discrimination.

[41] Les plaignantes n'ont présenté aucune observation ou preuve à l'effet qu'on a [traduction] privé Mme Murphy et les autres prestataires du règlement en matière de parité salariale d'un service. J'en conclus que l'allégation de discrimination est fondée sur l'alinéa 5b) -le fait de défavoriser un individu à l'occasion de la fourniture de services destinés au public.

[42] Qu'est-ce qu'un [traduction] service destiné au public, en particulier en ce qui a trait aux activités d'organismes publics comme l'ARC? Les pratiques des agents du gouvernement dans l'exécution de leurs devoirs prévus par la loi sont-elles toutes des [traduction] services au sens de l'article 5, comme le Tribunal l'a laissé entendre dans la décision Bailey c. Ministre du Revenu national (1980), 1 C.H.R.R. D/193, à D/214? La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Watkin, 2008 CAF 170, a explicitement rejeté cette opinion. La Cour a déclaré, aux paragraphes 31 et 32, que les actions du gouvernement dans l'exécution d'une fonction prévue par la Loi ne constituent pas tous des [traduction] services simplement parce qu'elles sont entreprises par la fonction publique pour le bien du public. Le terme services visé à l'article 5 s'entend de quelque chose d'avantageux qui est offert au public ou mis à sa disposition .

[43] Les plaignantes soutiennent que la décision de l'ARC à savoir si un contribuable peut profiter de l'application des dispositions portant sur le mécanisme de PFRA, en particulier compte tenu de l'objectif du Parlement d'augmenter l'équité et de réduire le fardeau fiscal des Canadiens par l'application des modifications au budget de 1999, vise à fournir un avantage au public. Par conséquent, les plaignantes soutiennent que l'ARC a fourni un service aux prestataires de parité salariale comme Mme Murphy.

[44] Les plaignantes soutiennent que les démarches de l'ARC au sujet des dispositions du mécanisme de PFRA sont [traduction] formulées en termes d'actions à l'avantage des contribuables. L'ARC a élaboré un logiciel permettant d'effectuer les calculs prévus par ces dispositions. Les plaignantes ont noté que dans au moins un des documents indiquant aux concepteurs de logiciels comment le mécanisme de PFRA fonctionne, les contribuables y sont appelés [traduction] clients . L'ARC a effectué des tests pour vérifier la justesse du logiciel lorsqu'il a été élaboré. Elle a formé ses employés qui traitaient les questions du public afin qu'ils avisent les contribuables de la façon dont le mécanisme de PFRA fonctionne. L'ARC a aussi émis des bulletins de renseignements pour le public dans lesquels elle expliquait ce mécanisme.

[45] Lorsque l'ARC reçoit les formulaires T1198 d'un contribuable, ses employés inscrivent les données dans leur système d'information. L'ARC cible et élimine les demandeurs qui n'ont pas reçu un paiement forfaitaire admissible à l'allégement fiscal (p. ex. de moins de 3 000 $). Le système informatique de l'ARC effectue les calculs prévus par la LIR et produit les résultats qui sont ensuite inscrits dans les tableaux et les lettres qui sont envoyés aux contribuables afin de les aviser si l'utilisation du mécanisme de PFRA leur est plus avantageuse que le traitement régulier de leurs impôts en ce qui a trait aux paiements forfaitaires.

[46] Les plaignantes soutiennent que les actions susmentionnées de la part de l'ARC relèvent de la définition de [traduction] services destinés au public visée à l'article 5. Elles font valoir que, bien que l'arrêt Watkin ait rejeté l'opinion exprimée dans la décision Bailey, selon laquelle toute activité du gouvernement est un service, la Cour d'appel fédérale n'a pas rejeté la conclusion précise dans la décision Bailey selon laquelle l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre du Revenu de refuser de nombreuses retenues d'impôt constitue un service.

[47] De plus, les plaignantes ont cité un autre passage de l'arrêt Watkin, au paragraphe 28, dans lequel la Cour a donné des exemples d'actions du gouvernement qui pouvaient constituer un service visé à l'article 5 :

Les pouvoirs publics peuvent fournir des services pour s'acquitter des fonctions que la loi leur confie. Ainsi,l'Agence des douanes et du revenu du Canada offre un service lorsqu'elle communique des décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu; Environnement Canada fournit un service lorsqu'elle publie des bulletins météorologiques et des rapports sur l'état des routes; Santé Canada offre un service lorsqu'elle incite les Canadiens à s'occuper activement de leur santé en s'adonnant davantage à l'exercice physique et en s'alimentant mieux; Immigration Canada fournit un service lorsqu'elle informe les immigrants sur la procédure à suivre pour devenir un résident canadien. Ceci étant dit, ce ne sont pas toutes les interventions gouvernementales qui sont des services. Avant que la Cour puisse accorder une réparation pour cause de discrimination dans la fourniture de services , il faut démontrer que les actes précis reprochés constituent des services [...].

[Non souligné dans l'original.]

[48] Il n'est pas surprenant que les plaignantes ne voient aucune distinction réelle entre la décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu et l'évaluation du mécanisme de PFRA. Dans les deux cas, un contribuable demande à l'ARC d'effectuer un calcul. Mme Barnard a témoigné que les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu sont fournies aux contribuables à un certain prix, pour les aider à décider de la voie à suivre compte tenu des conséquences fiscales qui en découleraient. Une circulaire d'information publiée par l'ARC précise que les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu sont fournies à titre de [traduction] service administratif , mais qu'il n'existe aucune exigence légale quant à leur production. Cependant, l'ARC a soutenu que, par opposition, l'établissement, en application de la LIR, des cotisations à l'égard des contribuables pour l'impôt qu'ils doivent réellement en vertu de la LIR n'est pas un outil optionnel; il s'agit plutôt de l'application ultime de la LIR en vue du recouvrement de l'impôt. L'ARC soutient qu'il existe par conséquent une distinction entre le calcul du mécanisme de PFRA fourni par l'ARC et les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu.

[49] Quant à elle, la Commission souscrit à l'argument selon lequel l'établissement de cotisations est un service. La Commission a noté qu'un contribuable a l'obligation de se conformer à la LIR et de payer tout impôt qu'il puisse devoir. L'avantage que l'ARC fournit aux contribuables comme Mme Murphy lorsqu'elle effectue le calcul prévu par le mécanisme de PFRA et lorsqu'elle fournit les résultats au contribuable est que ce contribuable est ensuite en mesure de se conformer à ses obligations en vertu de la LIR et de payer le montant approprié d'impôt fédéral sur le revenu. Le fait d'aider les contribuables à satisfaire à leur devoir de payer de l'impôt est le service que l'ARC fournit et met à la disposition du public.

[50] Cependant, à mon avis, la question de savoir si le calcul en vertu des dispositions sur le mécanisme de PFRA ou même l'établissement des cotisations d'impôt constitue ou non un service n'est pas pertinente quant à la question véritable portant sur l'article 5. Même si ces activités constituent réellement un service, elles ne sont pas la question en litige en l'espèce. Plutôt, ce sont les conditions de la LIR et de ses règlements qui sont en question en l'espèce.

[51] En ce sens, les circonstances de l'affaire en l'espèce sont semblables à celles de l'affaire Forward c. Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TCDP 5. Les plaignants dans cette affaire étaient deux frères américains. Leur mère est citoyenne canadienne et ils ont tenté d'obtenir la citoyenneté canadienne grâce à la citoyenneté de leur mère. Leur demande a été rejetée par Citoyenneté et Immigration Canada parce qu'à l'époque de leur naissance, ni l'un ni l'autre de leurs parents n'étaient citoyens canadiens. Ils étaient donc inadmissibles à la citoyenneté au sens des dispositions sur l'affiliation de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C., 1985, ch. C-29.

[52] Dans l'affaire Forward, les plaignants ont soutenu que le rejet de leurs demandes de citoyenneté constituait une distinction illicite dans la fourniture de services destinés au public (alinéa 5b)). Dans leurs observations, ils ont précisé que la question en litige n'était pas la citoyenneté en tant que telle, mais plutôt le droit qu'a une personne demandant la citoyenneté de voir sa demande examinée et traitée d'une façon non discriminatoire. Par conséquent, l'examen des demandes de citoyenneté était un service.

[53] Aux paragraphes 27 et 38, le Tribunal a rejeté cette interprétation, en notant que la preuve et les arguments de cette affaire ne visaient pas le comportement de représentants ministériels, l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire ou l'application de politiques et de pratiques ministérielles. L'acte discriminatoire allégué avait comme seule origine le libellé de la Loi sur la Citoyenneté. Le Tribunal a noté qu'en examinant une demande de citoyenneté, les fonctionnaires appliquaient des critères légaux explicites à des faits incontestés, ni plus, ni moins. Toute contestation du processus d'examen d'une demande constituait en fait une contestation de la Loi sur la Citoyenneté.

[54] À mon avis, ces conclusions sont aussi applicables à l'affaire en l'espèce. Même si les tâches entreprises par l'ARC lors du traitement de demandes pour l'application du mécanisme de PFRA constituent un service, elles ne sont pas le fondement de la différence de traitement alléguée dans la plainte. La pratique discriminatoire alléguée a comme seule origine le libellé des articles 100.2 et 120.31 de la LIR. Aucune des preuves qui m'ont été présentées n'établit le fait que la discrimination alléguée découle du comportement des responsables de l'ARC ou de l'application discrétionnaire de politiques ou de pratiques de l'ARC. L'ARC applique la formule telle qu'établie dans la LIR en utilisant les renseignements fiscaux de chaque contribuable qui fait une demande. Présumément, des contribuables qui possèdent leurs propres renseignements fiscaux précédents pouvaient effectuer l'exercice mathématique par euxmêmes, sans l'intervention de l'ARC.

[55] Rien ne donne à penser que l'ARC n'a pas effectué les calculs en application du mécanisme de PFRA pour Mme Murphy conformément aux articles 110.2 et 120.31 de la LIR. Comme l'ARC possède déjà tous les renseignements fiscaux précédents d'un contribuable, ainsi que les ressources technologiques pour effectuer efficacement le calcul du mécanisme de PFRA, elle a entrepris ce travail. On pourrait faire valoir que l'ARC exerce un certain pouvoir discrétionnaire dans la présélection pour l'application du mécanisme de PFRA en déterminant si un paiement forfaitaire est admissible au sens des dispositions. Ce n'est pas la question en l'espèce, cependant. L'ARC a accepté que les paiements forfaitaires de Mme Murphy et des autres prestataires étaient admissibles dans la mesure où, bien entendu, les montants dépassaient les 3 000 $.

[56] Les plaignantes ont allégué que l'ARC aurait pu, de façon discrétionnaire, renoncer à la portion de l'intérêt du calcul du mécanisme de PFRA. Conformément aux dispositions du mécanisme de PFRA de la LIR, cependant, la portion d'intérêt est considérée comme étant de l'impôt. Mme Barnard a témoigné qu'en vertu des dispositions d'équité applicables, l'ARC ne peut renoncer qu'à l'intérêt, et non à l'impôt (paragraphe 220(3.1) de la LIR). L'ARC ne pouvait pas exercer de pouvoir discrétionnaire à ce sujet.

[57] En somme, la source de la pratique discriminatoire alléguée n'est pas, en tout ou en partie, les activités de l'ARC, qu'il s'agisse d'un service destiné au public ou non, mais plutôt exclusivement la loi elle-même. Dans la décision Wignall c. Canada (Ministère du Revenu national (Impôt), 2003 CF 1280, au paragraphe 30, la Cour fédérale a noté que le comportement de Revenu Canada ne pouvait pas être qualifié de discriminatoire au sens de la LCDP, alors qu'il s'agissait plutôt de la contestation d'une disposition de la LIR.

[58] Par conséquent, si l'acte discriminatoire allégué, comme c'est le cas en espèce, découle seulement du libellé de la LIR et non pas des activités de l'ARC, il ne découle pas de la fourniture de services de la part de l'ARC, au sens de l'article 5 de la LCDP. Par conséquent, une preuve prima facie de discrimination au sens de cet article ne peut pas être établie.

[59] Cependant, si je me trompe et que la pratique discriminatoire alléguée constitue réellement un service au sens de l'article 5, je conclus tout de même que les plaignantes n'ont pas établi une preuve de distinction illicite dans la fourniture de ce service, pour les motifs que j'énoncerai plus loin dans la décision.

B. L'application du mécanisme de PFRA par l'ARC peut-elle être considérée comme avoir été faite en cours d'emploi au sens de l'alinéa 7b)?

[60] L'alinéa 7b) de la LCDP prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects, de défavoriser un employé en cours d'emploi :

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

(...)

b) de le défavoriser en cours d'emploi.

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

(...)

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

on a prohibited ground of discrimination.

[61] Les plaignantes soutiennent que dans son application des dispositions portant sur le mécanisme de PFRA, l'ARC a affecté le règlement en matière de parité salariale de Mme Murphy et des autres prestataires en diminuant leur revenu net par rapport au montant qu'ils auraient reçu si le Conseil du Trésor s'était conformé à l'article 11 de la LCDP dès le départ et leur avait payé un salaire équitable. En d'autres mots, les actions de l'ARC ont eu l'effet de réduire les portions de leurs salaires (le règlement en matière de parité salariale) qui visaient autrement à les indemniser. Les plaignantes soutiennent que cela constitue une forme indirecte de traitement différentiel en cours d'emploi pour Mme Murphy et les autres prestataires, en contravention de l'alinéa 7b).

[62] Bien que Mme Murphy ait travaillé à Revenu Canada pendant sa carrière dans la fonction publique, sa plainte à l'encontre de l'ARC ne découle pas de cette relation, mais découle plutôt de l'évaluation que l'ARC a faite de ses paiements forfaitaires en vertu de son rôle à titre d'administrateur de la LIR.

[63] Dans sa capacité d'administrateur du système d'impôt sur le revenu, peut-on conclure que l'ARC a défavorisé Mme Murphy en cours d'emploi ? Les plaignantes soutiennent que l'alinéa 7b) n'exige pas que l'intimé soit l'employeur direct du plaignant. Elle fait valoir que la portée de la disposition devrait être interprétée de façon large, fondant cet argument sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Canadian Pacific Limited c. Canada (Commission des droits de la personne), [1991] 1 C.F. 571, dans lequel il a été conclu que dans le contexte de l'article 7, le terme emploi devrait se voir accorder un sens plus large que l'acception qui lui est attribuée dans une relation maître-préposé .

[64] Cependant, dans cette décision et dans d'autres décisions citées par les plaignantes dans leurs conclusions finales (Yukon (Human Rights Commission) c. Yukon (Human Rights Board of Adjudication), 2009 YKSC 44; Tulk c. Newfoundland (Ministry of Health and Community Services), [2002] N.J. no 65 (Nfld.S.C.T.D.)(QL)), bien que les intimés n'étaient pas officiellement les employeurs des personnes qui avaient déposé les plaintes, il a été conclu qu'elles avaient [ traduction] utilisé leurs services. Dans les décisions Canadian Pacific et Yukon, les plaignants étaient employés par des entrepreneurs qui avaient établi des ententes avec les intimés pour la fourniture de services. Dans Tulk, le ministère intimé avait fourni du financement à une personne pour qu'elle embauche le plaignant, mais le ministère avait gardé un certain contrôle sur la relation, y compris le droit de retenir le financement pour la rémunération du fournisseur de services, ce qui aurait effectivement entraîné son renvoi.

[65] L'élément commun de toutes ces affaires est que les intimés ont [traduction] utilisé les services des plaignants, même de façon indirecte. Cependant, à titre de contribuables, Mme Murphy et les autres prestataires du règlement en matière de parité salariale n'avaient pas une relation semblable avec l'ARC. En appliquant les dispositions au sujet du mécanisme de PFRA à Mme Murphy et aux autres prestataires, l'ARC n'a pas utilisé leurs services.

[66] Les observations des plaignantes au sujet de l'article 7 ne tiennent pas compte des conclusions de la Cour d'appel fédérale dans une affaire qui, à mon avis, est beaucoup plus pertinente et persuasive, l'arrêt Canada (Procureur général) c. Bouvier, 1998 CanLII 7409 (C.A.F.). Les plaignants dans cette affaire étaient des personnes à qui on avait refusé un emploi de serrefreins/agents de triage ou d'agents de train dans des compagnies ferroviaires parce qu'ils ne satisfaisaient pas aux normes d'acuité visuelle établies par les règles fédérales en matière de transport. Ils ont déposé des plaintes en matière de droits de la personne contre le ministère des Transports en alléguant, entre autres, que le ministère avait indirectement refusé de les embaucher, en contravention de l'article 7 de la LCDP. Ils ont soutenu que la notion d'utilisation des services d'un employé devrait être élargie afin de comprendre le ministère des Transports. Parmi les motifs cités à l'appui de leur argument se trouvait le rôle que le ministère des Transports joue dans l'adoption et l'application des règlements qui étaient la source de la discrimination, ainsi que le statut quasi constitutionnel qui avait été accordé à la Loi sur les droits de la personne.

[67] La Cour a conclu, au paragraphe 4, que bien que ces arguments puissent sembler convaincants, les cours et les tribunaux n'avaient pas le pouvoir de reformuler la LCDP. L'article 7 ne pouvait pas être interprété d'une façon qui aurait étendu sa définition au ministère des Transports, qui n'est pas responsable en dernier ressort de l'existence des règlements et qui ne peut pas déterminer leur effet juridique. La Cour a ensuite déclaré que un ministère ne peut pas être tenu responsable envers la Commission [des droits de la personne] d'une disposition discutable d'un règlement pour la seule raison que le législateur le charge d'appliquer la loi en vertu de laquelle ce règlement a été valablement pris par le gouverneur en conseil . Je note en passant que cette dernière citation de la Cour va dans le même sens que le raisonnement des décisions Forward et Wignall, précitées.

[68] L'ARC n'utilise pas plus les services de Mme Murphy et des autres prestataires du règlement en matière de parité salariale que le ministère des Transports ne l'a fait pour les plaignants dans l'arrêt Bouvier. La définition de l'article 7, de façon similaire, ne peut pas être élargie pour inclure les actions de l'ARC en matière d'application de la LIR au revenu d'emploi reçu par les prestataires de parité salariale. Tout comme le ministère des Transports, le rôle de l'ARC est d'appliquer une loi du Parlement (c'est-à-dire la LIR) et ses règlements valablement pris. Conformément à la conclusion de la Cour dans Bouvier, je ne vois pas comment l'article 7 peut être appliqué à l'affaire en l'espèce.

[69] Les plaignantes ont cité une décision de la Colombie-Britannique dans laquelle il était conclu que le fait qu'une autorité chargée de délivrer les licences ait refusé d'accorder des licences aux plaignants dans cette affaire pouvait engager sa responsabilité en vertu des dispositions portant sur l'emploi de la Loi sur les droits de la personne de la Colombie-Britannique (Mans c. British Columbia Council of Licensed Practical Nurses [1990] B.C.C.H.R.D. no 38 (B.C.C.H.R.)(QL), conf. pour d'autres motifs [1993] B.C.J. no 371 (B.C.C.A.)(QL)). La décision a été citée avec approbation par le British Columbia Human Rights Tribunal dans la décision Bitonti c. College of Physicians & Surgeons of British Columbia, [1999] B.C.H.R.T.D. no 60 (B.C.H.R.T.)(QL)), bien que le tribunal ait finalement conclu, au paragraphe 84, que l'interprétation de la disposition proposée par le plaignant dans cette affaire [traduction] élargirait la disposition beaucoup plus que ce que le législateur aurait raisonnablement voulu. Comme la Cour d'appel fédérale l'a mentionné dans Bouvier, le Tribunal a déclaré que bien que les lois en matière de droits de la personne doivent être interprétées de façon large et téléologique, cela ne permet pas la [traduction] réécriture des lois .

[70] Mans est une décision d'un tribunal administratif qui porte sur une disposition légale différente que l'article de la LCDP en question en l'espèce, sans mentionner qu'elle précède les conclusions dans l'arrêt Bouvier, qui, à mon avis, sont plus pertinentes. De façon plus importante, l'arrêt Bouvier est une décision de la Cour d'appel fédérale qui, par conséquent, lie le Tribunal. Je ne suis pas d'avis que la décision Mans soit une jurisprudence persuasive en l'espèce.

[71] Pour ces motifs, je conclus que les allégations des plaignantes en l'espèce, même si elles étaient crédibles, ne peuvent pas engager la responsabilité de l'ARC en vertu de l'alinéa 7b) de la LCDP, en ce qui a trait à l'interprétation de la LIR. Par conséquent, aucune preuve prima facie fondée sur cet aspect de la plainte n'a été établie.

C. La preuve démontre-t-elle que l'ARC a agit de façon discriminatoire fondée sur le sexe envers Mme Murphy et les autres prestataires des paiements forfaitaires de parité salariale?

[72] Comme je l'ai expliqué plutôt, lorsque les calculs du mécanisme de PFRA ont été effectués pour la déclaration de revenus de Mme Murphy, il a été démontré que les dispositions portant sur le mécanisme de PFRA de la LIR ne lui offraient aucun allégement fiscal. Il était plus avantageux pour elle d'utiliser le calcul normal d'impôt pour l'année 2000, malgré le fait qu'elle paierait de l'impôt à un taux marginal plus élevé que lorsqu'elle était employée à la fonction publique.

[73] Elle n'était pas la seule parmi les prestataires de paiements forfaitaires de parité salariale pour qui c'était le cas. Mme Barnard a témoigné que le calcul du mécanisme de PFRA était plus avantageux pour seulement 7 % de tous les demandeurs pour l'exercice financier 2000, dont la grande majorité était des prestataires de parité salariale. Ces données concordent avec la preuve selon laquelle il est peu probable qu'un calcul d'impôt par le mécanisme de PFRA serait avantageux pour tout prestataire d'un paiement forfaitaire (découlant de la parité salariale ou pour toute autre raison) qui remonte à plus de six ans. L'ordonnance sur consentement prévoyait une indemnité pour la perte de salaire qui, selon la période d'emploi du demandeur dans le poste affecté, pouvait s'étendre bien au-delà de cette période.

[74] Les plaignantes ont soutenu que Mme Murphy et les autres prestataires ont réellement été obligés de payer de l'impôt sur le paiement forfaitaire de parité salariale en fonction du calcul habituel de l'impôt en 2000, à des taux marginaux d'imposition élevés. Par conséquent, ils ont eu à payer une plus grande partie de leur revenu en impôt que les fonctionnaires qui travaillaient dans des postes à prédominance masculine lors des années visées par les paiements forfaitaires.

[75] Afin de démontrer cette distinction illicite dont Mme Murphy et les autres prestataires de paiements forfaitaires de parité salariale ont été présumément victimes, les plaignantes ont produit la preuve d'expert de Gary S. Katz, un comptable agréé dont la pratique porte principalement sur des questions fiscales. Il a effectué une analyse des renseignements fiscaux et financiers de Mme Murphy et a présenté des scénarios de ce qui serait arrivé si Mme Murphy avait reçu le salaire additionnel au cours des années auxquelles ils se rapportent, et a comparé ces résultats avec le scénario actuel où elle a reçu les paiements forfaitaires en 2000.

[76] Au fond, M. Katz a voulu déterminer à quel point Mme Murphy aurait été avantagée ou désavantagée si elle avait reçu les paiements au cours des années auxquelles ils se rapportent, sans intérêt, plutôt qu'en un paiement forfaitaire auquel des intérêts étaient appliqués en 2000, ce que, selon les plaignantes, l'ARC l'a obligée à faire en déclarant que les dispositions du mécanisme de PFRA ne lui étaient d'aucun avantage.

[77] M. Katz a préparé un rapport initial, qu'il a ensuite modifié dans un addenda, afin de tenir compte de certains commentaires de l'expert dans le domaine de l'impôt que l'ARC a appelé à témoigner, la comptable agréée Martha Skeggs. M. Katz a examiné cinq scénarios possibles :

  1. Mme Murphy aurait dépensé la totalité des revenus additionnels au cours des années où elle les a reçus;
  2. Mme Murphy aurait immédiatement investi la totalité des revenus supplémentaires dans des bons du Trésor de six mois, ce qui, selon M. Katz, aurait reflété ce qu'il percevait comme étant le [traduction] profil de risque conservateur de Mme Murphy;
  3. Mme Murphy aurait investi seulement 15 % des revenus additionnels dans des bons du Trésor de six mois. Les 85 % restants auraient été dépensés immédiatement;
  4. Mme Murphy aurait immédiatement investi la totalité des revenus additionnels dans un régime enregistré d'épargne-retraite (REER), en tenant compte des montants maximaux qu'elle pouvait investir au cours de ces années (c'est-à-dire son [ traduction] droit de cotisation à un REER ). L'instrument de placement utilisé pour ce scénario était, une fois de plus, des bons du Trésor de six mois;
  5. Mme Murphy aurait investi seulement 15 % des revenus additionnels dans des bons du Trésor de six mois dans son REER. Les 85 % restants auraient été dépensés immédiatement.

[78] Les trois premiers scénarios ont été comparés avec la situation actuelle de Mme Murphy, c'est-à-dire que le principal et l'intérêt des paiements forfaitaires sont imposés en 2000 en fonction du calcul d'impôt normal. Le quatrième scénario a été comparé à une situation hypothétique, dans laquelle on supposait que Mme Murphy avait investi la totalité du principal et de l'intérêt des paiements forfaitaires dans un REER. En fait, la preuve démontre que Mme Murphy n'a déposé aucune portion de son paiement forfaitaire dans un REER lorsqu'elle l'a reçu en 2000. Dans un même ordre d'idées, le cinquième scénario a été comparé à la situation hypothétique dans laquelle 15 % du paiement forfaitaire de 2000 aurait été investi dans un REER alors que le restant du montant aurait été dépensé.

[79] Selon le scénario no 1, dans lequel Mme Murphy aurait dépensé la totalité des revenus supplémentaires, M. Katz a conclu que Mme Murphy avait en réalité tiré avantage d'environ 10 % (1 507 $) du fait qu'elle avait reçu un paiement forfaitaire (y compris les intérêts) et que ce montant avait été imposé en 2000, par opposition au scénario où elle aurait reçu les revenus additionnels au cours des années visées.

[80] Selon le scénario no 2, dans lequel Mme Murphy aurait épargné la totalité des revenus additionnels au fur et à mesure qu'elle les aurait gagnés au cours des années, M. Katz a conclu qu'elle aurait subi un désavantage de 4 % (533 $) du fait qu'elle avait reçu un paiement forfaitaire.

[81] Selon le scénario no 3, dans lequel elle épargne seulement 15 % des revenus additionnels, M. Katz a déterminé qu'elle avait tiré un avantage de 8 % (1 201 $) du fait qu'elle avait reçu des paiements forfaitaires.

[82] Selon le scénario no 4, dans lequel Mme Murphy aurait investi tous les revenus additionnels dans son REER, en fonction de son droit de cotisation maximale à un REER au cours des années, M. Katz a conclu qu'elle avait subi un désavantage de 77 % (12 043 $) du fait qu'elle avait reçu des paiements forfaitaires en 2000, par rapport à l'hypothèse selon laquelle elle aurait investi le montant maximal admissible dans un REER en 2000.

[83] Enfin, selon le scénario no 5, dans lequel seulement 15 % des revenus additionnels auraient été investis dans des REER au cours des années, M. Katz a conclu que Mme Murphy aurait été financièrement [ traduction] au pair , puisqu'il n'y avait eu aucun avantage ou désavantage pour elle découlant du fait qu'elle a reçu des paiements forfaitaires en 2000.

[84] Par conséquent, seuls les scénarios no 2 et no 4 de M. Katz présentaient un désavantage du fait que les paiements forfaitaires de Mme Murphy aient été imposés en 2000, au sujet desquels les plaignantes soutiennent que l'ARC est responsable parce qu'elle n'a pas permis à Mme Murphy de profiter des dispositions du mécanisme de PFRA.

[85] L'allégation selon laquelle le mécanisme de PFRA aurait eu un impact négatif sur les finances de Mme Murphy, ou même des autres prestataires de paiements forfaitaires de parité salariale, est loin d'être une preuve convaincante et ne permet pas d'établir que ces conséquences constituent une distinction illicite fondée sur le sexe.

[86] Néanmoins, même si j'acceptais que cette preuve établit une preuve prima facie que Mme Murphy et les autres prestataires de parité salariale ont subi un impact financier négatif découlant de l'application du mécanisme de PFRA, bien que dans seulement deux des cinq scénarios, je conclus que l'ARC a réfuté cette preuve de façon satisfaisante.

D. Quelle est la preuve de l'ARC en réponse à la preuve d'expert des plaignantes?

[87] L'ARC soutient que les deux scénarios (no 2 et no 4) dans lesquels M. Katz a relevé un désavantage sont [ traduction] suspects . Mme Skeggs a témoigné qu'après avoir analysé le rapport de M. Katz, elle a conclu que les deux scénarios ne méritaient que très peu de poids, puisque ni l'un ni l'autre ne semblait réaliste à son avis.

[88] Les deux scénarios supposaient que Mme Murphy aurait économisé la totalité des revenus additionnels (dans un REER ou non). Mme Skeggs et l'ARC ont noté les problèmes suivants au sujet de cette supposition :

  1. Les Canadiens économisent de moins en moins. Mme Skeggs a produit des renseignements dérivés de Statistique Canada indiquant que les taux d'épargne ont diminué au cours de la période visée par le règlement en matière de parité salariale (1985 à 1999). Au début des années 1980, le pourcentage d'épargne personnelle par rapport au revenu disponible personnel était d'environ 15 %, mais au début des années 1990, l'épargne personnelle était d'environ 9 % et a chuté à environ 5 % en 2001. Par conséquent, elle a conclu qu'un taux d'épargne de 100 % est probablement irréaliste. C'est en raison de sa preuve à ce sujet que M. Katz a ajusté son rapport initial et a inclus des scénarios qui tenaient compte d'un taux d'épargne de 15 % (les scénarios no 3 et no 5). Il a conclu que Mme Murphy n'avait pas subi de désavantage du fait qu'elle a reçu des paiements forfaitaires dans ces scénarios.

  2. Les antécédents réels de Mme Murphy n'indiquent pas un taux important d'épargne alors qu'elle était employée à la fonction publique. Mme Murphy a déclaré des investissements ou un revenu d'intérêt pour seulement une des années visées (111 $ en 1990).

  3. Avant 1991, Mme Murphy n'avait contribué à aucun REER alors qu'elle était employée à la fonction publique. En tant que fonctionnaire, elle contribuait de 5 % à 6 % de son revenu au Régime de pension agréé du gouvernement. Selon les données de Statistique Canada présentées par Mme Skeggs, cette tendance de contribution correspondait aux contributions moyennes aux régimes de retraite et aux REER pour les femmes qui se trouvaient dans le même quintile de revenu que Mme Murphy pendant cette période. Par conséquent, il aurait été raisonnable de supposer qu'elle n'aurait fait aucune autre contribution à un REER. Ce n'est que lorsqu'elle a changé d'employeur et qu'elle a commencé à gagner un revenu beaucoup plus important que Mme Murphy a commencé à investir de façon plus importante dans ses REER, le plus près possible du montant maximum auquel elle avait droit. Il serait déraisonnable de supposer qu'elle aurait contribué 100 % des revenus différentiels à un REER, ce qui n'aurait pas coïncidé avec ses tendances de contribution avant 1991. Il convient de noter qu'elle n'a contribué aucun montant de ses paiements forfaitaires à son REER en 2000.

  4. Les montants additionnels de parité salariale, lorsqu'ils sont distribués au cours des 10 années auxquelles ils se rapportent, sont relativement petits, certains sont aussi bas que 39 $ et 74 $ par année. Cinq montants sont entre 1 107 $ et 1 781 $ (soit de 21 $ à 34 $ par semaine), et le plus élevé est de 3 247 $ (pour l'année 1989). Par conséquent, même le montant annuel le plus élevé ne lui aurait rapporté qu'un peu plus de 62 $ de plus par semaine. Avec de tels montants, il est peu probable qu'une personne économise la totalité des revenus additionnels de chaque chèque de paye. Mme Murphy a témoigné qu'elle aurait [ traduction] peut-être pu payer un peu plus pour rembourser son hypothèque à l'époque, si elle avait reçu le revenu additionnel, malgré le fait que dans les années 1980, économiser aurait été [traduction] difficile en raison des dépenses associées au fait qu'elle élevait ses enfants adolescents.

  5. L'analyse de M. Katz ne tenait pas compte de l'effet fiscal des contributions au REER. À un certain moment, généralement à la retraite, les montants des REER sont retirés, auquel moment ils sont imposés comme un revenu. M. Katz a reconnu qu'il n'avait pas tenu compte de cet effet dans ses calculs. Le désavantage relevé dans son rapport au sujet du scénario no 4 serait donc grandement réduit, en fonction du taux marginal d'imposition de Mme Murphy lorsqu'elle liquidera le REER. Mme Skeggs a calculé l'effet si Mme Murphy avait liquidé son REER en 2000, au taux marginal le plus élevé dans sa province (46 %). Les résultats ont démontré que Mme Murphy aurait tiré un avantage appréciable (de 22 %) en raison des paiements forfaitaires de parité salariale qu'elle a reçus en 2000. Bien que peu de personnes liquident leurs REER alors qu'ils reçoivent un salaire imposé au taux marginal le plus élevé, ce résultat donne à penser que même lorsqu'on tient compte de l'effet fiscal sur le REER au taux marginal le moins élevé, les paiements forfaitaires causeraient un désavantage beaucoup moins important, et pourraient même entraîner un avantage, que ce que M. Katz a présenté dans sa preuve.

[89] Ces arguments sont persuasifs. Il est fortement improbable que Mme Murphy ou tout autre Canadien dans sa situation au moment pertinent aurait économisé la totalité des revenus additionnels différentiels. Le défaut de tenir compte de l'effet fiscal en ce qui a trait au scénario d'investissement de 100 % dans un REER soulève des doutes importants au sujet de toute autre conclusion de M. Katz aussi. Ni l'un ni l'autre des scénarios censément négatifs (no 2 et no 4) n'est réaliste.

[90] Les plaignantes soutiennent que l'affaire n'est pas seulement fondée sur les renseignements financiers de Mme Murphy. Le rapport de M. Katz analysait la situation d'un autre fonctionnaire qui a reçu un paiement forfaitaire de parité salariale. Cependant, cette personne n'a pas témoigné au sujet des données sur lesquelles le rapport est fondé. De plus, le témoignage de M. Katz a à peine touché aux scénarios de cette personne. De plus, bien que M. Katz ait déposé un addenda à son rapport initial afin d'y apporter plusieurs corrections quant à sa méthodologie et à ses calculs, ces ajustements n'ont été apportés qu'au sujet de Mme Murphy. Il n'a pas appliqué les changements à l'autre personne. Par conséquent, les omissions et les erreurs dans le rapport initial qui ont été corrigées dans l'addenda n'ont pas été corrigées au sujet de l'autre personne. Ces conclusions ne sont donc pas fiables.

[91] De plus, M. Katz a témoigné que s'il avait ajusté ses calculs pour l'autre personne comme il l'avait fait pour Mme Murphy, les [traduction] chiffres auraient [traduction] diminué , mais il était convaincu que ses conclusions seraient restées les mêmes au sujet du caractère avantageux des paiements forfaitaires, de façon semblable à ce qui est arrivé pour les données de Mme Murphy. Cependant, j'ai conclu que ces résultats au sujet des deux scénarios des désavantages que Mme Murphy aurait subis ne sont pas persuasifs et, par conséquent, je ne suis pas convaincu, en particulier compte tenu de la preuve limitée dont je suis saisi, que les résultats au sujet de l'autre personne auraient été plus persuasifs.

[92] Par conséquent, il n'a pas été établi, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Murphy ou tout autre prestataire de parité salariale a été victime de distinction illicite du fait d'avoir reçu le règlement sous la forme d'un paiement forfaitaire, et encore moins que cette prétendue distinction illicite était fondée sur le sexe.

[93] Mme Skeggs a expliqué une des raisons probables de ce déroulement dans son témoignage. Elle a noté qu'en vertu de l'ordonnance sur consentement, tous les prestataires avaient droit à l'intérêt pour les sommes qui leur étaient dues. Les taux d'intérêt établis par l'AFPC et le Conseil du Trésor (soit 90 % des taux qui avaient été établis au départ dans la décision du tribunal - variant de 3,5 % (1998) jusqu'à 11,25 % (1985)) dépassaient de beaucoup le taux d'inflation pour la même période (qui était d'entre 1,65 % et 2,8 %).

[94] Par conséquent, comme c'était le cas dans le scénario no 1 (le scénario où le montant total était dépensé), si on examine seulement le principal, sans l'intérêt, Mme Murphy aurait évidemment été plus avantagée par le paiement de ses revenus additionnels de façon différentielle au cours des années, alors que son revenu total était moindre et que, par conséquent, elle payait de l'impôt à des taux marginaux moins élevés que ceux en 2000 alors que son revenu était beaucoup plus élevé. Le désavantage aurait été de 3 510 $ selon le taux de 2000 (c'est-à-dire après avoir tenu compte de l'inflation). Cependant, le paiement forfaitaire comprenant les intérêts que Mme Murphy a reçu en 2000, après impôt, était de plus de 5 000 $. L'intérêt garantissait qu'il était préférable pour elle de recevoir son indemnité par paiement forfaitaire en 2000, plutôt que de l'avoir reçu par tranches au cours des années.

[95] La Commission et les plaignantes soutiennent que l'établissement de l'intérêt n'est pas pertinent quant aux questions en l'espèce. Il s'agit d'un redressement distinct et séparé dont on ne peut pas tenir compte dans l'examen à savoir si l'établissement d'une cotisation était discriminatoire.

[96] Je ne souscris pas à cette affirmation. La question, à cette étape de l'analyse, est celle de déterminer, avec l'aide de preuves d'experts, s'il aurait été plus avantageux pour Mme Murphy de recevoir son revenu par tranches au cours des années ou s'il lui aurait été plus avantageux de les recevoir par paiement forfaitaire en 2000. Afin d'effectuer correctement cette analyse, on ne peut pas écarter le fait que l'intérêt a été ajouté à ses revenus lorsqu'elle les a reçus par paiements forfaitaires en 2000.

[97] L'intérêt qui fait partie de l'entente entre l'AFPC et le Conseil du Trésor a été calculé en fonction des taux des bons d'épargne du Canada par le Tribunal dans sa décision de 1998. Au paragraphe 477, le Tribunal a fait référence à un extrait de l'arrêt Canada (Procureur général) c. Morgan, [1992] 2 C.F. 401 (C.A.F.), dans lequel la Cour a déclaré que l'intérêt vise à compenser les pertes . Si l'exercice auquel nous participons consiste à évaluer si la plaignante a subi un désavantage du fait qu'elle a été indemnisée sous forme de paiements forfaitaires, nous ne pouvons pas simplement ignorer la portion d'intérêts de cette indemnité que Mme Murphy a réellement reçue, qui après tout visait à [ traduction] compenser les pertes entraînées par la discrimination salariale. Si ces pertes ont été plus qu'entièrement compensées par les intérêts (dans le cas de Mme Murphy, il s'agit d'un excès de plus de 1 500 $), comment peut-elle soutenir qu'elle a subi un désavantage? Cela n'a aucun sens.

[98] De toute façon, cette question soulève une portion de l'affaire des plaignantes que j'ai de la difficulté à accepter. Elle porte sur le fait que les paiements forfaitaires, y compris l'intérêt, ont été accordés à Mme Murphy et aux autres prestataires en raison d'une entente négociée lors de la procédure des plaintes en vertu de l'article 11.

E. La présente plainte vise-t-elle à éviter les conséquences normales et anticipées de l'entente?

[99] L'ARC a vigoureusement fait valoir que la présente plainte était réellement une tentative de la part des plaignantes d'éviter les conséquences normales et anticipées de l'entente et de l'ordonnance sur consentement afin de discuter rétroactivement du traitement fiscal des paiements forfaitaires du règlement en matière de parité salariale. Bien que je ne sois pas convaincu, comme l'ARC le soutient, qu'il s'agit ici d'un abus de procédure, je souscris à la perception générale de l'ARC de la présente plainte. Compte tenu de mes conclusions précédentes selon lesquelles la plainte n'est pas fondée, mes commentaires à ce sujet ne seront établis que sous la forme d'une observation.

[100] Le 29 octobre 1999, l'AFPC et le Conseil du Trésor ont négocié et signé un protocole d'entente dans le but d'appliquer la décision du Tribunal canadien des droits de la personne datée du 29 juillet 1998 . L'entente a été présentée au Tribunal le 16 novembre 1999. Le Tribunal a accordé aux parties l'ordonnance sur consentement qu'elles demandaient, dans laquelle il était noté que les parties avaient avisé le Tribunal que les questions portant sur les diverses phases des procédures avaient été résolues grâce à l'entente.

[101] Comme l'ARC le mentionne, en tout temps, y compris lorsque l'entente a été négociée et signée, la LIR prévoyait que les paiements forfaitaires comme ceux qui ont été payés en vertu de l'entente seraient imposés dans l'année au cours de laquelle ils ont été reçus (paragraphe 5(1) de la LIR). Selon Mme Jaekl, l'AFPC est l'un des plus grands syndicats du Canada, qui a des bureaux dans tout le pays et qui embauche des avocats. Le syndicat a participé à de nombreuses poursuites et ententes au sujet de l'emploi, de la parité salariale et des droits de la personne. Il a demandé la vérification de ces renseignements fiscaux auprès de Revenu Canada plus d'un an avant que la décision du Tribunal ne soit rendue, et il l'a obtenue. C'est cette règle fiscale qui a finalement été appliquée aux paiements forfaitaires de Mme Murphy. Cette conséquence fiscale n'était donc ni imprévue, ni imprévisible.

[102] Mme Jaekl a mentionné dans son témoignage que le Conseil du Trésor avait mis beaucoup de pression sur l'AFPC pour en arriver à une entente au courant de cette semaine de novembre 1999, après que la Cour fédérale ait rendu son jugement. Je ne suis pas certain si elle tentait de suggérer que l'AFPC avait été contrainte de signer l'entente et qu'elle ne devrait donc pas être liée par les conséquences de l'entente. Compte tenu du niveau de perfectionnement susmentionné de l'AFPC et du fait que ces négociations ont eu lieu après un jugement de la Cour fédérale rendu en sa faveur, je suis d'avis que l'argument serait, à tout le moins, douteux. De toute façon, l'endroit approprié pour soulever ce type d'observation aurait été devant le tribunal qui a entendu les parties à l'entente et qui a rendu l'ordonnance sur consentement, plutôt que devant le Tribunal qui entend la présente plainte contre l'ARC.

[103] Comme l'ARC l'a aussi mentionné dans ses observations, l'AFPC n'aurait pas dû être surprise du fait que le mécanisme de PFRA avait des avantages limités pour ses membres. À l'époque de l'entente, la disposition sur le mécanisme de PFRA avait déjà été annoncée dans le Plan budgétaire de février 1999 et avait fait l'objet d'un projet de loi devant le Parlement. La disposition qui est finalement entrée en vigueur était identique en tout point à ce qui avait été proposé dans le Plan budgétaire de 1999, y compris le fait que l'impôt théorique calculé en vertu de la disposition comprend l'intérêt calculé au taux prescrit de remboursement d'intérêt. Depuis 1989, la LIR prévoit que la méthode pour le calcul de l'intérêt est la capitalisation.

[104] L'ARC note correctement qu'il est de pratique normale pour les parties de tenter d'atténuer les répercussions fiscales de redressements lorsqu'elles présentent des observations sur le redressement devant le Tribunal. Par exemple, le Tribunal peut ordonner que les répercussions fiscales sur le plaignant soient traitées par une majoration du redressement (Green c. Canada (Commission de la fonction publique), 2003 TCDP 34, au paragraphe 7; Cashin c. Société Radio-Canada, 1990 CanLII 650 (T.C.D.P.)). Les parties discutent souvent des répercussions fiscales au cours de la médiation et d'autres formes de discussion d'éventuels règlements, et souvent une résolution au sujet de ces répercussions fait partie des conditions du règlement.

[105] L'entente que l'AFPC a établie avec le Conseil du Trésor mentionnait expressément les répercussions fiscales des montants de l'entente. La clause 12 stipulait que les parties avaient conjointement entrepris de présenter des renseignements en temps opportun aux employés au sujet des répercussions fiscales liées aux paiements forfaitaires.

[106] Par conséquent, l'ARC soutient que compte tenu du libellé de l'entente, le fait que l'AFPC avait précisément demandé et reçu des réponses de Revenu Canada au sujet des répercussions fiscales des paiements forfaitaires, et compte tenu du niveau de perfectionnement de l'AFPC en tant que plaideur, il faut conclure qu'elle a accepté le traitement fiscal des paiements forfaitaires qu'elle a négociés. Soit la question a été soulevée et réglée au cours de la négociation, soit l'AFPC aurait dû soulever la question.

[107] Je suis d'accord. L'entente de règlement entre l'AFPC et le Conseil du Trésor résolvait de façon complète et finale la plainte de parité salariale de prestataires. Comme il s'agit d'une entente, des négociations et des compromis ont dû avoir lieu. Mme Jaekl a témoigné que bien que l'AFPC ait eu gain de cause devant le Tribunal et devant la Cour fédérale, elle avait intérêt à résoudre la question rapidement pour le bien de ses membres, en particulier puisque le Conseil du Trésor avait mentionné son intention de porter la décision en appel si aucune entente n'était établie. Néanmoins, si l'AFPC croyait que le traitement fiscal des paiements forfaitaires aurait un impact négatif sur les prestataires de parité salariale, elle aurait pu refuser ces conditions ou négocier un autre type d'entente avec des conséquences fiscales différentes.

[108] La Cour canadienne de l'impôt a tiré une conclusion semblable dans l'affaire Burrows c. La Reine, 2005 CCI 761. Dans cette affaire, la plaignante avait porté en appel la cotisation d'impôt sur la portion de l'intérêt de ses paiements forfaitaires de parité salariale. Elle a soutenu que l'imposition de l'intérêt avant jugement était discriminatoire au sens de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour a rejeté sa demande pour défaut de compétence, mais a ajouté, au paragraphe 47, que comme les deux parties à l'entente de règlement savaient que l'intérêt avant jugement est imposable en vertu de la LIR, elles pouvaient négocier un autre type de règlement, tel que les dommages-intérêts. Puisqu'elle a consenti à un règlement comprenant des intérêts avant jugement, il faut considérer que l'AFPC a reconnu que ces intérêts étaient imposables en vertu de la LIR.

[109] Dans un même ordre d'idées, il faut considérer que l'AFPC a accepté le fait que les paiements forfaitaires de parité salariale seraient imposés dans l'année au cours de laquelle ils ont été reçus et que si le mécanisme de PFRA était finalement incorporé à la LIR, la portée de ses avantages serait limitée.

F. Le fondement de base de la plainte

[110] Enfin, je souhaite traiter de ce qui, à mon avis, est le fondement de base de la présente plainte. Les plaignantes ont soutenu que les conceptions d'égalité doivent être incluses dans tous les contextes de la société et ne doivent pas être limitées à des domaines précis d'activité, comme l'emploi. Elles soutiennent que comme le mécanisme de PFRA a entraîné le paiement d'un pourcentage plus élevé de revenu en impôt pour les prestataires de parité salariale, ces personnes ont souffert de discrimination. L'ARC avait l'obligation, d'après les plaignantes, de prendre des mesures et de modifier l'effet de la disposition du mécanisme de PFRA en renonçant ou en établissant à la baisse le taux d'intérêt composé ou en prenant une autre mesure pour éliminer cette répercussion.

[111] J'ai déjà conclu que les impacts financiers négatifs allégués du mécanisme de PFRA n'étaient pas fondés. Cependant, même s'il avait été établi que Mme Murphy et les autres prestataires avaient subi un désavantage, l'argument des plaignantes n'est pas justifié. Il s'agit essentiellement du même argument qui a été présenté et qui a été rejeté dans l'affaire Sveinson c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 259, aux paragraphes 15 à 17. La plaignante dans cette affaire était aussi prestataire d'un paiement forfaitaire. Elle a soutenu que ce paiement forfaitaire aurait dû être ajouté, pour les fins de l'assurance-emploi, à son revenu pour les années visées par le paiement, plutôt que pour l'année au cours de laquelle le paiement forfaitaire a été fait. Les parallèles avec l'affaire en l'espèce sont évidents.

[112] La plaignante dans cette affaire soutenait que la disposition du Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332, en question aurait dû être interprétée d'une façon qui s'éloignait du libellé légal clair, parce que le défaut de le faire minait le but de la LCDP, à savoir, de mettre ceux qui avaient été illégalement sous-payés dans la même situation financière que celle dans laquelle ils auraient été si le gouvernement n'avait pas violé l'article 11 de la LCDP . La Cour d'appel fédérale a conclu que cet argument était plutôt un argument selon lequel une loi qui ne rectifie pas toutes les conséquences indirectes d'une discrimination illicite par un employé serait elle-même une violation de la LCDP. En rejetant cet argument, la Cour a déclaré que ce n'est pas ce genre d'incohérence qui fait en sorte qu'on doive rendre une législation par ailleurs valide inopérante .

[113] Dans un même ordre d'idées, les plaignantes soutiennent que la disposition sur le mécanisme de PFRA de la LIR ne rectifie pas la conséquence indirecte de l'imposition du salaire de Mme Murphy à un taux marginal plus élevé parce qu'elle a reçu son salaire sous forme d'un paiement forfaitaire de parité salariale. Conformément au raisonnement de la Cour dans l'affaire Sveinson, cependant, je conclus aussi que le défaut du mécanisme de PFRA de rectifier cette prétendue discrimination ne constitue pas le genre d'incohérence qui fait en sorte que l'ARC doive prendre des mesures afin de rendre la portion du calcul de PFRA sur l'intérêt inopérante .

VIII. Conclusion

[114] Pour tous ces motifs, j'estime que la plainte n'est pas fondée.

Signée par
Athanasios D. Hadjis

OTTAWA, Ontario

Le 23 avril 2010

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : Alliance de la fonction publique et Cathy Murphy c. Agence du revenu du Canada
INTITULÉ DE LA CAUSE : T1288/1808
DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE : Les 1, 4, 5, 15, 16, 17, 18, 25 et 26 juin 2009
Ottawa, Ontario
DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 23 avril 2010
ONT COMPARU :
David Yazbeck Pour les plaignantes
Daniel Poulin
Sheila Osborne-Brown
Pour la Commission canadienne des droits de la personne
Catherine Lawrence
Zoe Oxaal
Pour l'intimée
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.