Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROIT DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

EVELYN LONDON

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

NEW BRUNSWICK ABORIGINAL PEOPLES COUNCIL

- et -

barry labillois

les intimés

DÉCISION

2008 TCDP 49
2008/12/30

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal canadien
des droits de la personne

I. INTRODUCTION

II. LES FAITS

A. L'incident au sujet de la distribution de homards

B. Incidents en milieu de travail

C. Le nettoyage du bureau

D. Le test de personnalité

E. Le déplacement des meubles

F. La [traduction] dernière confrontation

III. LES DISPOSITIONS LÉGALES

IV. ANALYSE DES FAITS

A. Le comportement contesté était-il lié à la race ou à l'origine nationale ou ethnique de la plaignante?

(i) L'incident de la distribution de homards

(ii) Les incidents en milieu de travail

(iii) Le nettoyage du bureau

(iv) Le test de personnalité

(v) Le déplacement des meubles

(vi) La [traduction] dernière confrontation

(vii) Conclusion

B. Le comportement contesté était-il importun?

C. Le comportement contesté était-il suffisamment grave ou répétitif?

V. CONCLUSION

VI. ORDONNANCE

I. INTRODUCTION

[1] Le 30 mai 2005, Evelyn London (la plaignante) a déposé deux plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne. Dans l'une des plaintes, elle soutient que le New Brunswick Aboriginal Peoples Council (le NBAPC) a agi de façon discriminatoire envers elle, en contravention avec les articles 7 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi). Dans l'autre plainte, déposée contre Barry LaBillois, son superviseur au NBAPC, elle soutient qu'il a agi de façon discriminatoire envers elle, en contravention avec l'article 14 de la Loi. Dans les deux plaintes, elle soutient que les intimés ont commis des actes discriminatoires fondés sur la race, l'origine nationale ou l'origine ethnique.

[2] Les intimés nient les allégations de la plaignante.

[3] Les parties ont été représentées par des avocats à l'audience. La Commission canadienne des droits de la personne n'a pas participé à l'audience.

II. LES FAITS

[4] La plaignante est d'origine malécite et micmaque. Les collectivités malécites et micmaques sont les deux plus grandes collectivités autochtones de la province du Nouveau-Brunswick.

[5] Le NBAPC a été créé en 1972. Il représente les Autochtones qui n'habitent pas dans les réserves ou qui n'ont pas de statut et les personnes métis du Nouveau-Brunswick. L'organisation comprend des Autochtones d'origine micmaque, malécite, ojibway, passamaquoddy et crie. Pour devenir membre du NBAPC, une personne doit s'identifier comme étant une personne autochtone et doit fournir des documents permettant d'établir ses origines autochtones. Les Autochtones sans statut doivent fournir un certificat de naissance qui établit que l'un de leurs parents est d'origine autochtone.

[6] Le NBAPC est constitué de sections locales composées de diverses collectivités d'Autochtones qui n'habitent pas dans des réserves. D'après la charte du NBAPC, une section locale peut être établie lorsque cinq membres autochtones résident dans une même zone géographique. Ces personnes ne doivent pas habiter à plus de dix kilomètres de distance les unes des autres. Les sections locales sont regroupées en différentes zones. Il existe sept zones au Nouveau-Brunswick. Chaque zone doit élire un représentant au conseil du NBAPC. Le président du conseil porte aussi le nom de chef. Betty Ann Lavallee est présidente et chef du NBAPC depuis 2000. La plaignante a été membre du NBAPC de la fin des années 1970 jusqu'en 2002, auquel moment elle a renoncé à son statut de membre.

[7] Barry LaBillois est d'origine micmaque et, pour toute la période visée par la présente plainte, il était un employé du NBAPC. De façon plus précise, il occupait le poste de coordinateur des pêches autochtones.

[8] La plaignante a été embauchée comme secrétaire et commis comptable au NBAPC pour le Programme des pêches autochtones le 19 juin 2000. Son poste visait à aider le superviseur du Programme des pêches autochtones. Entre le 19 juin 2000 et août 2001, Phillip Fraser a été son superviseur.

[9] En août 2001, après que Phillip Fraser ait quitté le NBAPC pour un nouvel emploi, l'intimé Barry LaBillois a pris le poste de superviseur. Le 24 janvier 2002, on a offert à la plaignante le poste de monitrice des pêches autochtones. La chef Lavallee a témoigné qu'elle avait expliqué à la plaignante qu'elle devrait aussi continuer d'occuper le poste de secrétaire et de commis comptable jusqu'à ce qu'on trouve un remplaçant pour prendre ce poste. À l'époque, la plaignante n'a soulevé aucune préoccupation au sujet du fait que Barry LaBillois serait son superviseur.

[10] La plaignante a déclaré que sa relation de travail avec Barry LaBillois n'était pas bonne. Elle a ajouté qu'il lui avait dit qu'il était le patron et qu'elle devait faire ce qu'on lui disait sans poser de questions. Elle a aussi témoigné qu'avant qu'il devienne son superviseur, elle l'avait entendu proférer des remarques désobligeantes contre les Malécites, mais elle a été incapable de préciser quand ces remarques ont été prononcées, sauf dans le cas d'un incident que je mentionnerai plus tard.

A. L'incident au sujet de la distribution de homards

[11] Le premier incident que la plaignante a précisé comme acte de harcèlement a eu lieu en septembre 2001, pendant la préparation de homards qui devaient être distribués aux membres du NBAPC. Cet incident a eu lieu à l'extérieur du milieu de travail, à la résidence de Carol LaBillois-Slocum, la sur de Barry LaBillois. Carol LaBillois-Slocum était alors agente des communications du NBAPC. Elle occupe maintenant le poste de vice-chef.

[12] La plaignante soutient qu'en raison des tâches attribuées à son poste, Barry LaBillois lui avait demandé d'être présente. Jason Harquail, un autre collègue, était aussi présent, tout comme Carol LaBillois-Slocum, son mari et Barry LaBillois.

[13] Les tâches de la plaignante pour la journée étaient de faire cuire le homard et de le placer dans une chambre froide pour qu'il refroidisse.

[14] D'après la plaignante, toutes les personnes présentes buvaient de l'alcool, sauf elle. Elle a soutenu qu'à un moment, Carol LaBillois-Slocum l'a forcée à prendre un verre et lui a même donné une gifle en lui disant de se dégourdir. Carol LaBillois-Slocum était présente à l'audience lorsque la plaignante a témoigné. Elle faisait aussi partie de la liste de témoins des intimés, mais elle n'a jamais été appelée à témoigner.

[15] À un moment pendant la soirée, alors que la plaignante plaçait des homards dans la chambre froide, Barry LaBillois a fermé la porte de la chambre et l'a enfermée à l'intérieur. La plaignante a expliqué qu'elle a paniqué et qu'elle s'est mise à frapper la porte et à crier pour que quelqu'un la laisse sortir. Lorsqu'on lui a demandé si quelqu'un d'autre se trouvait dans la chambre avec elle, elle a répondu qu'elle ne s'en souvenait pas. D'après ses souvenirs, cet [traduction] incident aurait duré [traduction] quelques minutes. Barry LaBillois a finalement ouvert la porte et l'a laissée sortir. Elle a ajouté qu'il riait. La plaignante ne lui a rien dit et elle est retournée dans la maison.

[16] En contre-interrogatoire, la plaignante a témoigné que M. LaBillois avait agi de cette façon parce qu'elle était malécite et que cet événement était précurseur de ce qui s'est passé plus tard dans la soirée. Barry LaBillois a déclaré que ce n'était qu'une blague et que la plaignante n'était pas seule dans la chambre froide, mais que Jason Harquail s'y trouvait aussi. Il a soutenu que, lorsque la porte a été ouverte, la plaignante et Jason Harquail [traduction] avaient bien ri . Lorsqu'on lui a posé la question, Jason Harquail a déclaré qu'il ne se souvenait pas d'un quelconque événement pendant cette soirée et il n'a jamais mentionné l'incident de la chambre froide.

[17] La plaignante a aussi témoigné qu'à un moment pendant la soirée, Barry LaBillois a affirmé que les Malécites étaient [traduction] une race inférieure et qu'ils étaient [traduction] lents et parl[aient] lentement. Elle a déclaré lui avoir dit qu'il ne devrait pas dire des choses pareilles et il lui a répondu qu'il disait la vérité. Cependant, en contre-interrogatoire, elle a reconnu que c'était la première fois qu'elle mentionnait que Barry LaBillois avait répondu à son commentaire et que, puisque la supposée réponse de M. LaBillois, selon laquelle il disait la vérité, n'avait pas été écrite dans sa plainte, il était possible qu'il ne l'ait jamais dite.

[18] Lorsqu'on lui a demandé s'il avait fait ces commentaires, Barry LaBillois a répondu : [traduction] J'affirme que ce n'est jamais arrivé. Je n'ai fait aucun commentaire au sujet des Malécites pendant cette soirée.

[19] La plaignante n'a jamais rapporté ces incidents au NBAPC. Elle a expliqué qu'elle avait peur de perdre son emploi en raison du poste de Barry LaBillois au sein du NBAPC.

B. Incidents en milieu de travail

[20] La plaignante a aussi déclaré que plusieurs incidents avaient eu lieu dans son milieu de travail. Elle a déclaré qu'à plusieurs reprises, Barry LaBillois est sorti de son bureau pour lui dire qu'il était évident que les Malécites étaient inférieurs parce qu'il l'avait lu sur Internet. Lorsqu'on lui a demandé des détails au sujet de ces incidents, elle a précisé que ce n'était arrivé qu'une seule fois, en 2002 (elle n'a pas pu donner plus de précisions), après qu'elle eut obtenu le poste de monitrice des pêches autochtones.

[21] La plaignante a aussi mentionné un incident qui a eu lieu alors que Phillip Fraser était superviseur. Elle a déclaré que Barry LaBillois avait fait une remarque au sujet des Malécites devant M. Fraser. Elle n'a pas précisé quelle était cette remarque. En contre-interrogatoire, la plaignante a reconnu que cette question avait été résolue.

[22] Toujours en contre-interrogatoire, elle a mentionné des remarques que Barry LaBillois avait faites dans lesquelles il décrivait les Malécites comme étant des gens qui parlaient lentement, qui étaient stupides et incapables de suivre des instructions. Elle a ajouté que ces commentaires l'avaient rendue mal à l'aise et que, lorsqu'elle lui disait comment elle se sentait, les choses ne faisaient qu'empirer. Elle a témoigné qu'il claquait les portes et qu'il la faisait travailler pendant son heure de repas. La plaignante a été incapable de préciser à quel moment ces incidents ont eu lieu et son témoignage constitue la seule preuve à l'appui de ces allégations. Elle a reconnu n'avoir mentionné ces incidents à son employeur qu'en juillet ou en août 2002.

[23] La plaignante a aussi déclaré que la chef Lavallee l'avait déjà qualifiée de Mal-i-Mic, ce qui d'après elle constitue de la discrimination. La chef Lavallee a expliqué qu'elle utilisait cette expression en référence au fait que la plaignante était d'origine malécite et micmaque. La chef Lavallee a aussi précisé que le bulletin du NBAPC se nomme The Mal-i-Mic.

[24] La plaignante a mentionné d'autres incidents au cours desquels Barry LaBillois lui lançait des objets - des gommes à effacer, des stylos, des gobelets à café en styromousse - à partir de son bureau pour attirer son attention. Elle a aussi déclaré qu'il l'appelait Eleanor ou Magoo et qu'il ne l'appelait pas par son vrai nom. Toujours selon ses déclarations, elle lui a dit vouloir qu'on l'appelle par son vrai nom, mais que cela n'avait fait aucune différence. La plaignante a témoigné qu'elle n'appréciait pas le fait qu'il l'appelle par ces noms. Elle a aussi ajouté qu'elle ne l'avait jamais entendu donner des surnoms à d'autres employés. La plaignante a reconnu que le fait que Barry LaBillois l'appelait Eleanor ne constituait pas de la discrimination, mais a affirmé que c'était quand même [traduction] humiliant. Je note que Monique Myrshrall, une collège de la plaignante, a témoigné que M. LaBillois appelait tout le monde par des noms différents et que Mme Myrshrall appelait aussi M. LaBillois Bartholomew.

[25] Monique Myrshrall a rappelé un autre incident qui a eu lieu dans une chambre d'hôtel à Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Elle n'a pas précisé la date de cet incident. Elle a déclaré qu'elle avait entendu Barry LaBillois et Carol LaBillois-Slocum dire que la plaignante apprenait lentement et était stupide. Barry LaBillois a nié avoir fait ces commentaires, qu'il a attribués à sa sur. Bien que ces commentaires soient humiliants et certainement tout à fait inappropriés de la part d'un superviseur, rien dans le témoignage de Mme Myrshrall ne démontre que les commentaires faisaient référence à la race ou à l'origine nationale ou ethnique de la plaignante.

[26] Barry LaBillois a reconnu qu'il avait déjà fait référence aux Malécites comme étant des [traduction] mangeurs de rats musqués. Il a déclaré qu'il était [traduction] bien connu le long de la rivière Saint John que les Malécites mangent des rats musqués. Il a ajouté qu'il croyait que c'était drôle et qu'il ne faisait que plaisanter lorsqu'il faisait de tels commentaires. Lorsque l'avocat de la plaignante lui a posé des questions plus poussées, il n'a jamais directement nié avoir fait d'autres commentaires, au sujet desquels on ne lui a demandé aucune précision, ni en interrogatoire principal, ni en contre-interrogatoire. Il a ajouté que les commentaires étaient faits de façon humoristique. Il a aussi ajouté que la plaignante ne lui avait jamais dit qu'elle n'aimait pas ces commentaires.

C. Le nettoyage du bureau

[27] Vers le 31 mai 2002, tous les employés du NBAPC ont reçu la consigne de participer au nettoyage du bureau. La plaignante a déclaré qu'alors qu'elle était à l'extérieur en train d'attacher des morceaux de bois sur le plateau d'un camion, Barry LaBillois lui a dit [traduction] tu ne sais pas comment attacher des branches. Vous, les Malécites, vous ne semblez pas être capables de faire grand-chose. Elle a ajouté que ces commentaires lui ont donné le sentiment d'être inutile. Lorsqu'on lui a demandé si quelqu'un d'autre avait entendu ces commentaires, elle a déclaré que Monique Myrshrall entrait dans l'immeuble au moment où Barry aurait prononcé ces paroles, mais elle ne croit pas que Mme Myrshrall était assez proche pour les avoir entendues. Barry LaBillois a témoigné qu'il ne se souvenait [traduction] pas d'avoir fait des commentaires au sujet des Malécites ce jour-là.

D. Le test de personnalité

[28] Vers la mi-avril 2002, Barry LaBillois est allé à Banff, en Alberta, pendant quelques jours pour suivre un cours de gestion. Pendant qu'il s'y trouvait, il a [traduction] trouvé un questionnaire, qui d'après lui était un [traduction] test de personnalité.

[29] En mai 2002, il a exigé que tous les employés dont il était le superviseur remplissent le questionnaire. Lorsque les questionnaires ont été remplis, il les a examinés et les a notés en fonction des réponses qui étaient inscrites. D'après la plaignante, après un certain temps, Jason Harquail, Monique Myrshrall et elle-même ont été appelés par Barry LaBillois afin de discuter des résultats du test. La plaignante a soutenu que, devant ses collègues, Barry LaBillois lui a dit que ses résultats démontraient qu'elle était [traduction] étrange et qu'elle n'avait [traduction] aucune colonne vertébrale. Elle a ajouté que ces commentaires l'avaient rendue mal à l'aise, mais qu'elle n'avait rien dit à ce moment-là. D'après elle, aucun autre employé n'a reçu d'évaluation défavorable à la suite de cet exercice. Ni le résultat du test ni le questionnaire n'ont été présentés en preuve.

[30] Monique Myrshrall, bien qu'elle se souvienne d'avoir rempli le questionnaire, ne se souvient pas de commentaires que Barry LaBillois aurait pu faire au sujet des résultats du test de la plaignante.

E. Le déplacement des meubles

[31] Le NBAPC a acheté un bureau pour la plaignante. Barry LaBillois lui a dit de monter le meuble, ce qu'elle a fait. Par la suite, il lui a dit qu'elle avait probablement oublié qu'elle était gauchère et que le bureau avait été monté à l'envers. Il lui a dit d'apporter les ajustements nécessaires.

[32] Barry LaBillois a aussi dit à la plaignante de placer le bureau face au mur du fond, ce qui voulait dire que la plaignante aurait le dos tourné à la porte. La plaignante a déclaré qu'elle ne se sentait pas en sécurité dans cette position parce que, parfois, des clients entraient et étaient [traduction] un peu bouleversés et qu'elle préférait leur faire face, plutôt que leur tourner le dos. Sans demander le consentement de M. LaBillois, la plaignante et Monique Myrshrall ont décidé de réarranger l'orientation du bureau. Elles ont tourné le bureau afin qu'il soit face à la porte et non au mur du fond. Elles étaient d'avis que cet arrangement fonctionnait mieux et paraissait plus professionnel.

[33] Lorsque Barry LaBillois est retourné au bureau, il a examiné le nouvel arrangement et a [traduction] crié à la plaignante de le rejoindre dans son bureau. D'après la plaignante, il lui aurait alors dit : [traduction] Mais qu'est-ce que tu penses que tu fais? Je veux que le bureau soit replacé comme je t'ai dit de le faire. Elle a déclaré qu'elle avait tenté de lui expliquer pourquoi les changements avaient été apportés, mais il ne voulait rien entendre. M. LaBillois a témoigné qu'il n'avait jamais approuvé ces changements.

[34] La chef Lavallee a aussi témoigné au sujet de cet incident. Elle a déclaré qu'elle savait que les meubles du bureau avaient été déplacés, malgré le fait qu'on avait dit aux employés de ne pas le faire. Le [traduction] chef d'opération l'avait aussi avisée que l'un des bureaux avait été endommagé. La chef Lavallee a demandé à Barry LaBillois de se présenter dans son bureau et elle lui a demandé ce qu'il allait faire à ce sujet. Elle l'a avisé qu'il était le superviseur et que, s'il donnait des ordres à ses employés, et que ses employés ne lui [traduction] obéissaient pas, alors il devait reprendre le contrôle de la situation.

F. La [traduction] dernière confrontation

[35] Comme les fonds destinés au Programme de surveillance des pêches autochtones se sont écoulés, tous les employés ont été mis à pied le 3 juillet 2002.

[36] On a rappelé la plaignante au travail le 15 juillet 2002, lorsque des nouveaux fonds ont été reçus. Elle a déclaré que Barry LaBillois était venu chez elle pour l'aviser qu'elle serait rappelée au travail. Elle a ajouté qu'il avait présenté des excuses pour ce que sa sur lui [traduction] avait fait. D'après la plaignante, il parlait d'un incident qui avait eu lieu dans la salle de conférence en juin 2002. La plaignante était en train de dîner dans cette pièce avec [traduction] quatre ou cinq personnes lorsque Carol LaBillois-Slocum est entrée. Lorsqu'elle a vu la plaignante, elle a déclaré [traduction] avertissez-moi quand Evelyn aura quitté la pièce parce que je viens de perdre l'appétit. Barry LaBillois n'était pas présent lorsqu'elle a fait ces commentaires.

[37] Barry LaBillois a confirmé qu'il s'était organisé pour se rendre à la résidence de la plaignante. Il a expliqué que la plaignante et son mari avaient une voiture à vendre et qu'il souhaitait aller l'examiner. Pendant cette visite, il a avisé la plaignante que le financement du programme avait été rétabli et qu'elle serait rappelée au travail. À l'audience, on n'a posé à M. LaBillois aucune question à propos du prétendu incident qui aurait eu lieu entre sa sur et la plaignante et il n'a pas témoigné à ce sujet.

[38] La plaignante a témoigné qu'elle était déçue lorsqu'elle a su qu'elle allait être rappelée. Elle a ajouté qu'elle ne souhaitait pas retourner travailler au NBAPC en raison de la façon dont elle avait été traitée. Cependant, elle est tout de même retournée.

[39] La dernière confrontation entre la plaignante et son superviseur a eu lieu le 17 juillet 2002. Ce jour-là, Barry LaBillois a demandé à la plaignante de communiquer avec les pêcheurs du NBAPC pour les aviser d'une ordonnance de dérogation du ministère des Pêches et des Océans. Elle a expliqué qu'elle avait parcouru la liste des pêcheurs, mais qu'elle avait été incapable de communiquer avec eux. Elle s'est alors rendue au bureau de Barry LaBillois et lui a expliqué qu'elle était incapable de joindre les pêcheurs. D'après elle, Barry LaBillois s'est fâché, il a usé de langage grossier envers elle et il lui a dit de retourner travailler et de faire ce qu'on lui avait demandé. Il lui a ensuite dit de sortir du [traduction] foutu bureau.

[40] Dans une lettre de plainte qu'elle a écrite à la chef Lavallee le 23 août 2002, la plaignante a apporté des précisions au sujet de la conversation qu'elle a eue avec son superviseur ce jour-là. Elle a écrit :

[traduction]

Je me suis rendue au bureau de Barry après le dîner pour l'aviser du résultat des appels téléphoniques [...] Il m'a interrompue et m'a dit ce qu'il voulait que je fasse. J'ai à nouveau essayé de lui expliquer le résultat de ce qu'il m'avait demandé et il m'a encore interrompue. Il a continué de m'expliquer ce qu'il voulait que je fasse. Je lui ai dit : Je sais ce que vous voulez que je fasse, je veux seulement vous dire ce qui se passe. J'ai finalement trouvé le courage de lui demander s'il avait un problème à mon sujet. Barry m'a dit : Assieds-toi et si tu ne veux pas entendre ce que j'ai à dire, sors de mon foutu bureau. J'ai répété qu'il semblait qu'il avait clairement un problème à mon sujet et que je voulais savoir ce que c'était (j'ai fermé la porte pour que la conversation reste privée). Il m'a répondu : Il y a beaucoup de choses. Il a ensuite dit que je défiais toujours son autorité en déplaçant mon bureau. Je lui ai dit que ce n'était pas mon idée. Il a répondu : Je t'ai dit comment je voulais que tu places le bureau. Je lui ai répondu que ça avait été réglé il y a longtemps. Il a dit : Et tes conversations avec Betty Ann. Je lui ai répondu : Je lui parle à peine, veux-tu que je m'assoies dans le salon des fumeurs et que je ne lui dise rien les matins où il n'y a qu'elle et moi? Nous sommes ensuite revenus sur le sujet de la confrontation. Il a commencé par dire que, si je voulais poser des questions, tout le monde avait la possibilité de poser des questions à la fin des réunions de service. Je lui ai dit : Comment est-ce que je saurai ce que vous voulez que je fasse si je ne peux pas poser des questions à ce sujet? Il a commencé à se calmer et m'a expliqué qu'il avait été contrarié. Il m'a ensuite parlé d'une façon plus calme. L'engueulade était terminée. J'ai eu les réponses que je cherchais et je suis retournée à mon bureau.

[41] La chef Lavallee confirme dans son témoignage que, le matin du 17 juillet 2002, elle a donné comme instruction à Barry LaBillois de communiquer avec les pêcheurs du NBAPC pour leur dire de regagner la terre. Elle déclare que, ce même matin, alors qu'elle fumait une cigarette, elle a entendu la plaignante et Monique Myrshrall discuter dans le salon des fumeurs. D'après son témoignage, elles faisaient des remarques méprisantes au sujet de Barry LaBillois. Elles disaient qu'il ne savait pas ce qu'il faisait et qu'elles ne devraient pas avoir à téléphoner à chacun des pêcheurs. La chef Lavallee a appelé Barry LaBillois à son bureau et lui a dit qu'il devait [traduction] reprendre le contrôle de ses employés. Elle lui a dit qu'elle n'était pas [traduction] impressionnée par la conduite de ses employés et qu'il ne se comportait pas comme un superviseur le devait.

[42] D'après Barry LaBillois, après sa rencontre avec la chef Lavallee, il est retourné à son bureau. Il a ajouté qu'il a alors demandé à la plaignante de venir dans son bureau et lui a dit qu'elle devait communiquer avec chacun des pêcheurs. La plaignante lui a dit qu'elle avait essayé, mais qu'elle était incapable de joindre certains d'entre eux. M. LaBillois a déclaré qu'il lui a dit de continuer d'essayer parce qu'il était important que les pêcheurs soient avisés de la situation ce jour-là. Ils ont continué cet échange jusqu'à ce que Barry LaBillois perde patience : [traduction] J'en ai eu assez, j'ai perdu les pédales et je lui ai dit de sortir de mon foutu bureau. Il a ajouté qu'il n'avait eu aucune autre interaction avec la plaignante après qu'elle eut quitté son bureau.

[43] À l'audience, la plaignante a témoigné que, lorsqu'elle a quitté le bureau de M. LaBillois, elle n'est pas retournée à son bureau, mais elle s'est rendue à l'étage supérieur pour discuter avec la chef Lavallee. Elle a ajouté que c'était la première fois qu'elle décidait de parler à la chef Lavallee des incidents concernant son superviseur. Lorsqu'elle est arrivée, la chef Lavallee était au téléphone et elle a demandé à la plaignante de se présenter à nouveau après le dîner. À l'audience, la plaignante a témoigné que le tout avait eu lieu le matin et que sa première tentative de discuter avec la chef Lavallee avait aussi eu lieu à la fin de l'avant-midi. Cependant, je note que dans sa lettre du 23 août, elle déclare : [traduction] À ma deuxième journée de travail, Barry [LaBillois] et moi avons eu notre dernière confrontation après le dîner. J'avais un rendez-vous prévu avec la chef après le dîner, elle devait me laisser savoir à quel moment elle était libre parce qu'elle répondait à des questions (au téléphone) ce midi-là, mais avant mon rendez-vous, mon superviseur et moi avons eu une confrontation. Ce dernier incident m'a poussée à aborder la question avec la chef Betty Ann [Lavallee]. [Non souligné dans l'original.]

[44] Ses souvenirs de l'événement, tels qu'elle les décrits dans sa lettre, sont quelque peu différents de ceux qu'elle a décrits à l'audience. Premièrement, elle précise dans sa lettre que la confrontation avec son superviseur a eue lieu après le dîner, alors qu'elle a témoigné à l'audience qu'elle avait eue lieu avant le dîner. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu'elle aurait dû écrire [traduction] avant le dîner. Cette contradiction n'est pas très importante, mais d'autres incohérences le sont. Par exemple, dans la lettre, elle mentionne un [traduction] rendez-vous prévu avec la chef Lavallee. Dans sa lettre, elle a aussi écrit : [traduction] J'ai mentionné de vive voix à la chef Betty Ann Lavallee le comportement de Barry bien que ce n'était pas ma justification pour prendre le rendez-vous avec elle. [Non souligné dans l'original.]

[45] À l'audience, la plaignante n'a pas mentionné de [traduction] rendez-vous prévu, ce qui donne l'impression que sa rencontre avec la chef était spontanée et qu'elle était le résultat de l'incident qui venait d'avoir lieu avec son superviseur. Comme la lettre a été écrite environ un mois après les événements, je conclus qu'elle est plus convaincante et crédible que le témoignage entendu à l'audience.

[46] La plaignante a finalement rencontré la chef Lavallee après le dîner. En interrogatoire principal, elle a déclaré qu'elle avait parlé à la chef Lavallee de l'attitude de Barry LaBillois envers elle. De façon plus précise, elle a dit qu'elle avait avisé la chef Lavallee du fait que Barry LaBillois avait déclaré que les Malécites étaient inférieurs. Elle a ajouté qu'elle avait tenté d'expliquer les autres incidents, mais qu'elle avait fondu en larmes. Lorsqu'elle a vu que la plaignante était contrariée, la chef Lavallee lui a dit de retourner chez elle pour le reste de la semaine et de se reposer. La plaignante a témoigné que la chef Lavallee lui a dit qu'elle communiquerait avec Barry LaBillois pour voir ce qui se passait bien que, d'après la plaignante, la chef Lavallee n'ait jamais suggéré la tenue d'une rencontre entre elle, la chef et Barry LaBillois. La plaignante a ajouté que si on lui avait proposé une telle rencontre, elle aurait immédiatement accepté.

[47] En ce qui a trait à sa discussion avec la chef Lavallee, la plaignante a écrit dans sa lettre : [traduction] Quand je me suis présentée à son bureau, j'étais contrariée par la confrontation avec Barry [...] Betty Ann m'a demandé ce qu'il y avait. J'ai commencé par lui demander si l'offre de me mettre à pied était toujours bonne. J'ai fondu en larmes à ce moment-là et j'ai été incapable de dire quoi que ce soit. J'ai dit à Betty Ann que je trouvais que Barry n'était pas très professionnel et que je n'avais jamais eu à travailler avec quelqu'un comme lui auparavant. Il n'était pas comme ça au début. Il faisait des remarques désobligeantes à mon sujet parce que je suis Malécite. À l'époque, nous préparions les homards pour les distribuer dans la province. J'ai dit à Barry que ses remarques m'insultaient et qu'il n'insultait pas seulement moi, mais aussi toute ma famille. Je pensais que ce serait tout, mais ça ne s'est pas arrêté là. [...] J'ai demandé si l'offre d'être mise à pied était toujours bonne. C'est la raison pour laquelle je voulais la rencontrer. [Non souligné dans l'original.]

[48] D'après la chef Lavallee, la plaignante n'avait pas l'air bouleversé au début de la réunion. Elle se souvient que la plaignante se soit assise et lui a demandé si elle pouvait accepter l'offre d'une mise à pied anticipée. Lorsqu'elle lui a demandé pourquoi, la chef Lavallee a déclaré que la plaignante [traduction] a commencé à expliquer quelque chose au sujet de Barry. La chef Lavallee lui a alors dit qu'elle avait demandé à M. LaBillois de téléphoner aux pêcheurs pour leur faire regagner la terre. À ce moment, la plaignante s'est mise à pleurer. La chef Lavallee a déclaré qu'elle a alors demandé à la plaignante si elle pouvait faire venir Barry LaBillois et la plaignante a refusé. La chef Lavallee a ajouté que chaque fois qu'elle a suggéré qu'elles se réunissent avec Barry LaBillois pour discuter de l'affaire, la plaignante a refusé. Cela contredit la preuve de la plaignante, qui a témoigné que si on lui avait suggéré une rencontre avec Barry LaBillois et la chef, elle aurait accepté.

[49] Lorsqu'elle a vu que la plaignante était bouleversée, la chef Lavallee lui a dit qu'il vaudrait mieux qu'elle retourne à la maison et qu'elle prenne le reste de la semaine de congé. La chef lui a dit qu'elle discuterait avec Barry LaBillois et qu'au cours des semaines à venir, ils allaient se réunir et régler la situation.

[50] Plus tard dans l'après-midi du 17 juillet, la chef Lavallee a informé Barry LaBillois de ce qui s'était passé.

[51] La plaignante soutient que le 22 juillet 2002, elle a téléphoné à la chef Lavallee pour savoir ce qui se passait. La chef Lavallee lui a alors dit qu'elle n'avait pas encore discuté avec Barry LaBillois. Elle a ajouté qu'elle a alors dit à la chef Lavallee qu'elle ne se sentait pas à l'aise à l'idée de retourner au travail jusqu'à ce que les problèmes avec son superviseur soient réglés. Selon le témoignage de la plaignante, la chef Lavallee lui aurait dit qu'elle préparerait son relevé d'emploi, sur lequel elle indiquerait que la plaignante avait été mise à pied en raison d'un manque de financement.

[52] La chef Lavallee a des souvenirs légèrement différents de ce qui s'est passé le lundi 22 juillet. Elle a confirmé que la plaignante devait lui téléphoner, mais elle a témoigné qu'elle ne l'avait jamais fait. La chef Lavallee a d'abord témoigné qu'elle avait téléphoné à la plaignante le mercredi 24 juillet 2002, mais un peu plus tard elle a reconnu que c'était la plaignante qui lui avait téléphoné ce jour-là. La chef Lavallee soutient que, pendant cette conversation, la plaignante lui a dit à nouveau qu'elle ne voulait pas parler à Barry LaBillois. La plaignante lui aurait encore demandé d'être mise à pied. La chef Lavallee a fait préparer le relevé d'emploi de la plaignante. La raison indiquée pour la mise à pied était : [traduction] Entente avec le MPO au sujet des pêches autochtones n'a pas été signée, par conséquent, aucun financement pour le programme.

[53] Le 23 août 2002, la plaignante a écrit une lettre à la chef Lavallee. Dans cette lettre, elle mentionne qu'elle a quitté son emploi en raison d'un [traduction] environnement de travail hostile, dans lequel elle avait fait l'objet de [traduction] remarques discriminatoires et désobligeantes de la part de son superviseur. Elle a mentionné en particulier des incidents au cours desquels M. LaBillois aurait dit : [traduction] les Malécites sont comme ça, les Malécites sont inférieurs, seule une Malécite ferait ça. Elle a aussi mentionné le fait qu'il lançait des objets et qu'il l'appelait par le surnom Eleanor. La plaignante a aussi mentionné l'incident au sujet du réarrangement du bureau ainsi que les événements qui ont entraîné la [traduction] dernière confrontation.

[54] La chef Lavallee a déclaré que la lettre de la plaignante du 23 août 2002 était son premier contact avec cette dernière depuis juillet 2002. Lorsqu'elle a reçu la lettre, la chef Lavallee a demandé à Barry LaBillois de la rejoindre dans son bureau pour l'aviser qu'elle avait reçu une plainte. Elle a discuté avec Barry LaBillois du contenu de la lettre. Elle lui a dit qu'elle n'était pas impressionnée par la situation et que, s'il avait fait son travail correctement, la situation n'aurait pas dégénéré. Elle lui a aussi dit que c'est la raison pour laquelle les superviseurs doivent être fermes avec les employés et qu'ils doivent s'assurer que les employés respectent les règles et les procédures.

[55] Le 26 août 2002, Barry LaBillois a écrit une lettre à la chef Lavallee en réponse à la lettre de la plaignante. Dans cette lettre, il prétend répondre à toutes les allégations de la plaignante. En ce qui a trait aux commentaires qu'il aurait censément faits lors de l'événement de distribution de homards, il ne nie pas les avoir faits. Ce qu'il explique dans sa lettre, c'est que : [traduction] Mme London n'a jamais dit qu'elle avait un problème avec cela. Si Mme London avait un problème avec ce que j'ai dit, c'est la première fois que j'en entends parler. Au sein des groupes autochtones dans tout le pays, il est de pratique commune de plaisanter entre nous au sujet de quelle tribu est supérieure. Lorsque le sujet a été abordé la première fois, Mme London aurait dû [profiter] de l'occasion pour dire quelque chose à ce moment-là, [mais] elle ne l'a fait qu'un an plus tard. Je ne peux que m'excuser de ce manque de tact de ma part. Ce n'était pas mon [intention] de l'insulter ou d'insulter sa famille.

[56] Le 10 septembre 2002, la chef Lavallee a envoyé une lettre disciplinaire à Barry LaBillois. Dans cette lettre, elle écrit : [traduction] Comme nous en avons discuté lors de la réunion du 10 septembre 2002, vers 11 h, je vous ai dit que je vous enverrais une lettre de réprimande parce que vous avez utilisé un langage grossier envers Mme London. Aussi, nous avons discuté du fait que vous ne devez pas appeler les employés par un autre nom que le leur, qu'il ne faut pas lancer d'objet dans le bureau ou vers quelqu'un, peu importe que ce soit à titre de plaisanterie, et finalement, vous ne devez pas plaisanter avec les employés au sujet de leurs affiliations tribales. À l'audience, elle a expliqué qu'elle le réprimandait pour avoir utilisé un langage grossier parce qu'il avait reconnu qu'il avait utilisé des termes grossiers et qu'il criait. Elle a aussi ajouté qu'il avait reconnu avoir fait des blagues au sujet de l'origine malécite de la plaignante, qu'il avait lancé des choses dans le bureau et qu'il l'appelait Eleanor. Dans sa lettre, elle ajoute :

[traduction]

Vous avez reconnu vos actions, vous en avez assumé la responsabilité et vous m'avez assurée que ce type de comportement ne se reproduirait pas [...] M. LaBillois, la vice-chef adjointe, Barbara Cameron, et moi sommes toutes les deux très bouleversées et déçues de votre comportement. Soyez avisés que si ce type d'attitude ou de comportement offensif se reproduit à l'avenir avec n'importe quel employé du New Brunswick Aboriginal Peoples Council, l'exécutif du NBAPC n'aura d'autre choix que de prendre des mesures plus sévères.

La plaignante a déclaré qu'elle n'avait jamais vu cette lettre avant la présente audience. La chef Lavallee a ajouté qu'elle ne croyait pas nécessaire d'aviser la plaignante de l'existence de cette réprimande, puisqu'elle croyait que cela aurait constitué un manquement à la confidentialité.

[57] La chef Lavallee a aussi témoigné qu'elle n'était pas convaincue que les actions de Barry LaBillois visaient à blesser la plaignante, mais elle voulait que cette réprimande [traduction] fixe la barre haute pour l'avenir.

[58] Le 18 décembre 2002, la plaignante a présenté une plainte à la Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick, croyant que l'organisme avait compétence en l'espèce. La plainte a finalement été transférée à la Commission canadienne des droits de la personne le 30 mai 2005.

[59] Le 27 février 2003, la plaignante a reçu une lettre de la chef Lavallee l'avisant que le Programme des pêches autochtones avait reçu des fonds et qu'elle pouvait reprendre son poste de monitrice des pêches autochtones en date du 10 mars 2003. La lettre l'avisait aussi que l'entente de financement n'était prévue que jusqu'à la fin mars 2003. Le 6 mars 2003, la plaignante a écrit à la chef Lavallee pour l'aviser qu'elle n'acceptait pas l'offre parce que [traduction] les problèmes avec Barry LaBillois [n'avaient] toujours pas été réglés.

[60] Le 7 mars 2003, la chef Lavallee a répondu par écrit à la plaignante pour l'aviser que le NBAPC avait pris des mesures pour examiner sa plainte et qu'il avait [traduction] mis en place les mesures disciplinaires nécessaires. Elle a ajouté que le NBAPC avait aussi [traduction] répété [sa] politique selon laquelle aucune blague, conversation ou remarque de nature personnelle n'est acceptée dans le bureau. Je suis convaincue que si vous revenez au travail au NBAPC, vous ne serez pas victime de problèmes ou de manquements aux droits de la personne. La chef Lavallee a aussi écrit qu'une partie des problèmes que la plaignante avait décrits comme étant [traduction] un environnement de travail hostile était en fait un problème de [traduction] communication interpersonnelle au bureau. Elle a ajouté : [traduction] Je peux seulement répéter ma demande que tous les employés agissent entre eux avec respect en tout temps. Elle a terminé sa lettre en répétant l'offre d'emploi, mais elle a ajouté : [traduction] Si mes précisions ne vous satisfont pas, et si vous choisissez de ne pas reprendre votre emploi, alors je n'aurai d'autre choix que de considérer que vous avez donné votre démission finale du NBAPC. Si c'est le cas, je préparerai un relevé d'emploi qui reflète votre décision de quitter votre poste.

[61] La plaignante soutient que cette offre d'emploi constituait des représailles parce qu'elle avait déposé des plaintes. La chef Lavallee répond que l'offre d'emploi n'avait rien à voir avec les plaintes en matière de droits de la personne, mais qu'elle portait sur le fait qu'une entente avait été conclue avec le ministère des Pêches et des Océans au sujet du financement et que tous les employés étaient rappelés au travail. Je note que la plaignante n'a jamais soulevé de question portant sur des représailles dans sa plainte.

[62] La plaignante n'est jamais retournée travailler pour le NBAPC.

III. LES DISPOSITIONS LÉGALES

[63] La plaignante soutient que les intimés ont agi de façon discriminatoire envers elle au sens des articles 7 et 14 de la Loi. L'article 7 prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects, de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu ou de le défavoriser en cours d'emploi. L'alinéa 14(1)c) de la Loi prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu en matière d'emploi. Les motifs de distinction illicite comprennent la race et l'origine nationale ou ethnique. En l'espèce, la plaignante soutient que les intimés ont agi de façon discriminatoire envers elle en raison de son origine malécite. La question de savoir si l'origine malécite de la plaignante constitue une origine nationale ou ethnique au sens de l'article 3 de la Loi n'a jamais été contestée par les intimés.

[64] Comme l'allégation selon laquelle le NBAPC a agi de façon discriminatoire envers la plaignante en cours d'emploi découle uniquement de sa plainte en vertu de l'article 14, je trancherai la question de l'article 14 en premier et, si c'est nécessaire, je traiterai ensuite les allégations présentées en vertu de l'article 7.

[65] Le harcèlement interdit par la Loi peut prendre plusieurs formes. En l'espèce, la plaignante soutient qu'elle a été harcelée en raison de sa race et de son origine nationale ou ethnique. La jurisprudence a établi que pour que la plainte soit justifiée, il n'est pas nécessaire que le harcèlement soit le seul motif derrière le comportement en question et le harcèlement ne doit pas obligatoirement avoir été intentionnel de la part du contrevenant. (Voir les décisions Swan c. Canada (Forces armées) (1994), 25 C.H.R.R.D./312, au paragraphe 73 (T.C.D.P.), annulée pour d'autres motifs (1995), 25 C.H.R.R.D./333 (C.F. 1re inst.); Dhanjal c. Air Canada (1996), C.H.R.R. D/27, au paragraphe 206 (T.C.D.P.), conf. par [1997] A.C.F. no 1599 (C.F. 1re inst.) (Q.L.); Marinaki c. Canada (Développement des ressources humaines), [2000] D.C.D.P. no 2, au paragraphe 187 (T.C.D.P.) (Q.L.); Rampersadsingh c. Wignall, [2002] D.C.D.P. no 27, au paragraphe 40).

[66] Dans l'affaire Canada (CDP) c. Canada (Forces armées) et Franke, [1999] 3 C.F. 653, aux paragraphes 29 à 50 (C.F. 1re inst.) (Franke) (aussi appliqué dans les cas de harcèlement racial, voir Rampersadsing, précitée; Morin c. Canada (Procureur général), 2005 TCDP 41, au paragraphe 246), la Cour fédérale a déclaré que, pour qu'une plainte de harcèlement soit fondée, il faut démontrer les éléments suivants :

  1. Les gestes qui sont visés par la plainte sont importuns, ce que l'on peut déterminer en évaluant la réaction de la plaignante au moment où les incidents allégués de harcèlement se produisent ou si celle-ci a montré, que ce soit de vive voix ou par son comportement, que la conduite était importune. La norme applicable pour pouvoir évaluer la conduite de la plaignante est celle d'une personne raisonnable dans les circonstances.
  2. Dans les cas où la plaignante allègue qu'il y a eu harcèlement du fait de son origine nationale ou ethnique, il faut montrer que la conduite de l'intimé est liée à ce motif. Le harcèlement peut être de nature verbale, comprenant un comportement caractérisé par des insultes ou des observations concernant l'origine nationale ou ethnique d'une personne. Le Tribunal doit établir si la conduite importune était liée à l'origine de la plaignante en examinant ce qu'une personne raisonnable trouverait normal dans les circonstances entourant le cas, compte tenu des normes sociales courantes. (Rampersadsingh, précitée, au paragraphe 41.)
  3. Ordinairement, pour qu'il y ait harcèlement, il faut que celui-ci soit persistant ou répétitif mais, dans certaines circonstances, même un seul incident peut être suffisamment grave pour créer un environnement hostile. Dans l'affaire Franke, par exemple, le Tribunal a fait observer qu'une agression physique peut être suffisamment grave pour constituer du harcèlement sexuel. Par contre, une plaisanterie obscène, bien que de mauvais goût, ne suffirait pas généralement pour constituer du harcèlement sexuel et pour créer un environnement de travail défavorable. Le critère objectif de la personne raisonnable est également employé pour évaluer ce facteur.
  4. Le dernier facteur se rapporte au dépôt d'une plainte à l'endroit de l'employeur relativement à la conduite de l'un des employés. Selon les principes d'équité, dans des situations pareilles, la victime de harcèlement doit, dans la mesure du possible, aviser l'employeur de la conduite répréhensible alléguée.

IV. ANALYSE DES FAITS

[67] Les décisions en matière de droits de la personne prévoient que le premier fardeau incombe au plaignant, qui doit établir une preuve prima facie de discrimination. Lorsque la preuve prima facie a été établie, l'intimé a généralement le fardeau d'expliquer. (Hill c. Air Canada, [2003] D.C.D.P. no 3.)

[68] Je conclus que, même si je devais accepter que les faits en l'espèce correspondent aux preuves présentées à l'appui de la plainte, le comportement des intimés ne constitue pas du harcèlement fondé sur les motifs de la race et de l'origine nationale ou ethnique, au sens de la Loi. Je suis convaincu que la plaignante a été indisposée et dérangée par le comportement de Barry LaBillois, mais ce comportement ne correspond pas aux critères établis par la Loi en ce qui a trait aux formes interdites de harcèlement.

[69] Afin d'expliquer cette conclusion, j'appliquerai maintenant les critères établis dans l'affaire Franke à la présente affaire.

A. Le comportement contesté était-il lié à la race ou à l'origine nationale ou ethnique de la plaignante?

[70] Je me pencherai sur chacune des situations au cours desquelles, selon la plaignante, Barry LaBillois ou le NBAPC l'ont harcelée en raison du fait qu'elle est Malécite.

(i) L'incident de la distribution de homards

[71] Pendant cette soirée en septembre 2001, la plaignante soutient que l'intimé Barry LaBillois a agi de façon discriminatoire envers elle en raison de son origine malécite. Elle a mentionné deux incidents : lorsqu'il l'a enfermée dans la chambre froide et lorsqu'il lui a dit que les Malécites étaient une [traduction] race inférieure et qu'ils étaient [traduction] lents et parl[aient] lentement.

[72] En ce qui a trait à l'incident de la chambre froide, bien qu'il démontre un manque de maturité de la part de M. LaBillois, je ne vois pas comment cet incident peut être lié à la race ou à l'origine ethnique ou nationale de la plaignante et je n'en tiendrai pas compte dans la présente décision.

[73] En ce qui a trait à l'autre incident, lorsque M. LaBillois aurait apparement dit que les Malécites étaient une [traduction] race inférieure et qu'ils étaient [traduction] lents et parl[aient] lentement, M. LaBillois a témoigné qu'il n'avait jamais fait ces commentaires.

[74] Tant la plaignante que Barry LaBillois ont reconnu que la sur de l'intimé, Carol LaBillois-Slocum, était présente lorsque ces commentaires ont été faits. Mme LaBillois-Slocum faisait partie de la liste de témoins des intimés jusqu'à la dernière minute. Très tard dans la procédure, l'avocat des intimés a avisé le Tribunal qu'elle ne serait pas appelée à témoigner. J'en déduis que ce témoin possible aurait confirmé que ces commentaires ont bien été faits. Je note aussi que dans sa lettre du 26 août 2002, Barry LaBillois ne nie pas avoir fait ces commentaires. Il indique simplement que la plaignante, à l'époque, n'avait pas mentionné qu'elle avait un problème avec cela. Par conséquent, j'accepte la preuve de la plaignante selon laquelle Barry LaBillois a bien fait ce soir-là les commentaires qu'on lui attribue.

(ii) Les incidents en milieu de travail

[75] Pendant son témoignage, la plaignante a mentionné de façon générale des incidents qui auraient eu lieu en milieu de travail, au cours desquels elle soutient que l'intimé Barry LaBillois a fait des commentaires au sujet des Malécites. Elle ne pouvait pas préciser à quel moment ces remarques avaient été faites, ni ce qui avait été dit. Cependant, elle a mentionné un incident qui avait eu lieu devant son ancien superviseur, Phillip Fraser, mais elle a aussi admis que cette affaire avait été réglée.

[76] Elle a aussi témoigné du fait que Barry LaBillois avait décrit les Malécites comme étant des gens qui parlent lentement, qui sont stupides et qui sont incapables de suivre des instructions. Elle ne pouvait pas se souvenir des moments précis au cours desquels ces remarques avaient été faites, ni du contexte dans lequel elles avaient été dites. Compte tenu du caractère vague de ces allégations, je comprends qu'il est plutôt difficile pour l'intimé d'y répondre.

[77] Monique Myrshrall a témoigné au sujet d'un incident qui a eu lieu dans une chambre d'hôtel à Bathurst, lors duquel Barry LaBillois et sa sur auraient dit que la plaignante apprenait lentement et qu'elle était stupide. La plaignante n'a jamais mentionné cet incident dans sa plainte, ni dans son témoignage à l'audience. Barry LaBillois a nié avoir fait ces commentaires, qu'il a attribués à sa sur. Quoi qu'il en soit, aussi humiliants et inappropriés que ces commentaires puissent être, je n'y relève rien qui fait référence à la race ou à l'origine nationale ou ethnique de la plaignante.

[78] Barry LaBillois a seulement reconnu avoir fait référence aux Malécites comme étant des [traduction] mangeurs de rats musqués. La plaignante n'a jamais mentionné ce fait dans sa plainte. Par conséquent, je ne vois pas comment ces commentaires peuvent faire partie de la plainte de la plaignante.

[79] Finalement, je ne peux tirer aucune conclusion en matière de discrimination à partir des incidents décrits, comme le fait que M. LaBillois a lancé des objets dans le bureau et a appelé les employés par d'autres noms que les leurs. Ces incidents peuvent être qualifiés d'enfantins et d'immatures, de la part du superviseur, mais on ne m'a présenté aucune preuve me permettant d'établir qu'ils visaient à faire preuve de discrimination fondée sur la race ou l'origine nationale ou ethnique.

[80] Dans une autre allégation portant sur un commentaire que la chef Lavallee aurait fait, la plaignante soutient que la chef Lavallee a fait preuve de discrimination envers elle lorsqu'elle l'a appelée Mal-i-Mic. La chef Lavallee a expliqué dans son témoignage qu'elle ne faisait référence qu'à la double origine de la plaignante. Je note aussi que le bulletin du NBAPC s'appelle le Mal-i-Mic . Je ne vois aucune discrimination de la part de la chef Lavallee dans l'utilisation de cette expression.

(iii) Le nettoyage du bureau

[81] La plaignante soutient que Barry LaBillois a fait des remarques dénigrantes au sujet des Malécites ce jour-là. Elle a témoigné que, lorsqu'il a vu qu'elle n'était pas capable d'attacher certains morceaux de bois, il a dit : [traduction] Vous, les Malécites, vous ne semblez pas être capables de faire grand chose. Barry LaBillois nie avoir fait de tels commentaires. Personne n'a entendu cet échange. Aux fins de la discussion, j'accepterai que ces commentaires ont été faits.

(iv) Le test de personnalité

[82] La plaignante soutient que son superviseur a fait preuve de discrimination envers elle lorsque, après lui avoir fait subir un test de personnalité, il a déclaré qu'elle était [traduction] étrange et qu'elle n'avait [traduction] aucune colonne vertébrale. Elle soutient que ces commentaires peuvent être attribués à de la discrimination de sa part. Elle a aussi ajouté que ces remarques avaient été faites devant ses collègues. Ni Monique Myshrall, un témoin de la plaignante, ni Jason Harquail, un témoin des intimés, ne se souviennent de commentaires que Barry LaBillois aurait faits envers la plaignante au sujet de ses résultats.

[83] Une fois de plus, je ne relève rien dans ces remarques qui fait référence à la race ou à l'origine nationale ou ethnique de la plaignante. Il est clair qu'il existait des difficultés interpersonnelles entre la plaignante et son superviseur, mais on ne peut pas interpréter la situation comme étant discriminatoire.

(v) Le déplacement des meubles

[84] La preuve ne m'a pas convaincu que cet incident peut être qualifié d'acte discriminatoire fondé sur la race ou sur l'origine ethnique ou nationale.

(vi) La [traduction] dernière confrontation

[85] J'ai examiné toute la preuve de ce qui s'est passé la dernière journée et je ne relève aucun commentaire de la part des intimés au sujet de la race ou de l'origine nationale ou ethnique de la plaignante. Il y a eu beaucoup d'échanges du type J'ai dit / Il a dit, un certain langage grossier a été utilisé, mais la preuve ne me convainc pas du fait que la situation était fondée en partie sur la question de la race ou de l'origine nationale ou ethnique. Le niveau de stress dans le milieu de travail semble avoir été très élevé ce jour-là et les problèmes interpersonnels entre la plaignante et son superviseur ont atteint leur niveau le plus haut. Voici ce qui s'est passé : un superviseur (LaBillois) a reçu l'ordre de son supérieur (Lavallee) d'exécuter une certaine tâche d'une certaine façon et une employée (la plaignante) a cru que ce n'était pas la bonne façon de gérer la situation. Elle voulait discuter de la question avec son superviseur qui, à un moment, a simplement perdu son sang-froid et a utilisé un langage inapproprié, mais pas discriminatoire.

[86] Je ne peux pas conclure que ce qui s'est passé ce jour-là était lié d'une quelconque façon à de la discrimination fondée sur la race ou l'origine nationale ou ethnique de la plaignante, au sens de la Loi.

(vii) Conclusion

[87] En résumé, je conclus que les seuls incidents qui peuvent être liés à la race ou à l'origine nationale ou ethnique de la plaignante sont les commentaires qui ont été faits lors de la cuisson des homards, lorsque Barry LaBillois a déclaré que les Malécites étaient [traduction] inférieurs et qu'ils étaient [traduction] lents et parl[aient] lentement, ainsi que le commentaire qu'il a fait lors du nettoyage, lorsqu'il a dit : [traduction] Vous, les Malécites, vous ne semblez pas être capables de faire grand chose.

B. Le comportement contesté était-il importun?

[88] Il est difficile de répondre à cette question compte tenu du fait que, selon la preuve, seulement deux ou trois incidents font clairement référence à un comportement qui pourrait être discriminatoire et fondé sur la race ou l'origine nationale ou ethnique de la plaignante. Néanmoins, je tiens à trancher cette question. J'ai expliqué plus tôt qu'afin de déterminer si le comportement des intimés était importun, je devais examiner la réaction de la plaignante au moment des incidents allégués et si la plaignante avait expressément démontré que le comportement était importun ou si son comportement l'avait démontré.

[89] La preuve de la plaignante a établi que, lors de la préparation des homards, lorsque Barry LaBillois a fait ces commentaires, elle lui a répondu qu'il ne devrait pas dire de telles choses et qu'il ne l'insultait pas seulement elle, mais aussi toute sa famille. Il est clair que sa réaction à ce moment indiquait que les commentaires n'étaient pas bienvenus. En ce qui a trait à l'incident lors du nettoyage, rien ne donne à penser qu'elle ait répondu aux commentaires à ce moment.

[90] Quoi qu'il en soit, j'accepterai que les commentaires de l'intimé Barry LaBillois, étaient, les deux fois, importuns.

C. Le comportement contesté était-il suffisamment grave ou répétitif?

[91] Je conclus que le comportement de l'intimé n'était pas suffisamment répétitif ni suffisamment grave pour constituer le type de harcèlement interdit par la Loi. En effet, d'après la preuve présentée à l'audience, le comportement de l'intimé qui, comme j'ai conclu, était lié à la race ou à l'origine nationale ou ethnique de la plaignante se limite à deux incidents en deux ans. Les autres événements ou commentaires mentionnés lors de l'audience ne constituent pas du harcèlement. Ils établissent qu'il existait un problème réel dans la relation interpersonnelle et, possiblement, un manque de maturité et de discipline en milieu de travail, mais on ne peut pas les considérer comme étant visés par l'article 14, puisqu'ils ne sont pas liés aux motifs illicites invoqués en l'espèce.

[92] Comme la Cour suprême du Canada l'a précisé dans l'arrêt Janzen c. Platy Enterprises Inc., [1989] 1 R.C.S. 1252, à la page 1282, pour conclure qu'il y a eu harcèlement, il faut démontrer que la conduite de l'intimé a eu un effet défavorable sur le milieu de travail. Il doit y avoir un certain degré de gravité ou de répétition de la conduite pour qu'un tel environnement hostile ou empoisonné apparaisse. Le Tribunal canadien des droits de la personne a expliqué dans la décision Pitawanakwat c. Canada (Ministère du Secrétariat d'État) (1992), 19 C.H.R.R. D/110, aux paragraphes 40 à 42 (T.C.D.P.), annulée pour d'autres motifs [1994] 3 C.F. 298, (1994) 21 C.H.R.R. D/355 (C.F. 1re inst.), ainsi que dans Dhanjal et Rampersadsingh, précitées, que lorsque la conduite contestée prend la forme de propos racistes, de blagues de mauvais goût et de stéréotypes, elle doit être persistante et fréquente ou grave pour constituer du harcèlement. Un propos raciste isolé, même s'il est très blessant, constituera rarement à lui seul du harcèlement au sens de la Loi.

[93] Il a aussi été noté dans la décision Dhanjal, au paragraphe 215 :

Bref, plus un comportement est grave, moins il est nécessaire qu'il soit répété et, à l'inverse, moins un comportement est grave, plus sa persistance doit être démontrée pour créer un milieu de travail hostile et constituer du harcèlement racial.

[94] La Cour d'appel du Québec a traité la même question dans l'affaire Habachi c. Commission des droits de la personne du Québec, [1999] R.J.Q. 2522, R.E.J.B. 1999-14361, [1999] J.Q. no 4269 (Q.L.) (C.A.Q.). La Cour a reconnu qu'un seul acte, s'il est suffisamment grave et qu'il a un effet continu, peut constituer du harcèlement. Cependant, la Cour a aussi noté que si l'on en venait à conclure que les actes qui ne sont pas aussi graves constituent néanmoins du harcèlement, l'effet serait de banaliser une disposition de la Loi qui visait une forme très précise de discrimination.

[95] La conduite de Barry LaBillois, aussi malvenue soit-elle, a été de durée limitée et de gravité limitée. Elle se limite à deux incidents, peut-être trois si l'on tient compte de l'incident qui a eu lieu lorsque Phillip Fraser était superviseur, mais qui a censément été résolu. Il ne fait aucun doute que la plaignante et l'intimé Barry LaBillois avaient des problèmes interpersonnels qui ont pu avoir un effet négatif sur le milieu de travail, mais je ne suis pas convaincu qu'à l'exception des deux ou trois incidents isolés, ces problèmes avaient un lien avec la race ou l'origine nationale ou ethnique de la plaignante.

[96] La preuve établit qu'il n'y a pas eu plus de deux ou trois incidents au cours desquels des commentaires ont été faits au sujet de la race ou de l'origine nationale ou ethnique de la plaignante. Les autres incidents - les objets qui ont été lancés, le fait que Barry LaBillois appelait la plaignante Eleanor, les disputes, le langage grossier, le questionnaire - démontrent probablement un manque de professionnalisme de la part de Barry LaBillois, mais ils ne sont absolument pas liés à la race ou à l'origine nationale ou ethnique de la plaignante. Je conclus qu'une personne raisonnable ne percevrait pas ces actes comme ayant contribué à la gravité, à la persistance ou à la durée des deux ou trois incidents qui, comme je l'ai conclu, étaient liés aux motifs de distinction illicite.

[97] Le fait que la plaignante s'est sentie obligée de cesser de travailler au NBAPC n'est pas une indication que l'environnement de travail s'était empoisonné, au sens de l'article 14. Comme je l'ai mentionné plusieurs fois, il ne fait aucun doute que la plaignante et Barry LaBillois avaient une relation conflictuelle et que cela a constitué un facteur dans sa décision de démissionner. Cependant, il convient aussi de noter que la plaignante, pendant la période au cours de laquelle elle a travaillé au NBAPC, n'a jamais, avant l'incident du 17 juillet 2002, mentionné à la chef Lavallee ou à toute autre personne les difficultés qu'elle avait avec son superviseur. La plaignante a même accepté de retourner travailler au NBAPC en juillet 2002. Enfin, le point central de l'analyse doit porter sur la conduite particulière des intimés. Je suis convaincu qu'une personne raisonnable ne conclurait pas qu'un environnement de travail empoisonné ou hostile s'est établi à la suite des incidents liés aux commentaires au sujet de la race ou de l'origine nationale ou ethnique de la plaignante.

[98] Quant à la conduite du NBAPC dans cette situation, il est impossible de critiquer ses réactions, puisque officiellement, le conseil n'a jamais été avisé du fait qu'il y avait un problème. Pendant la majeure partie de la période pertinente, la plaignante n'a jamais avisé un responsable de la conduite de son superviseur, mais lorsqu'elle l'a fait en août 2002, la chef Lavallee a réagi de façon appropriée et a demandé à Barry LaBillois d'expliquer ce qui s'était passé. Après avoir examiné l'affaire, le conseil a décidé en septembre 2002 de réprimander par écrit Barry LaBillois pour son langage grossier et il lui a indiqué fermement qu'il n'accepterait plus de plaisanteries en milieu de travail. Il a aussi clairement indiqué que les employés du NBAPC devaient éviter de faire des blagues ou des commentaires au sujet de l'origine nationale et ethnique de leurs collègues. Je suis convaincu que le NBAPC a agi de façon raisonnable lorsqu'il a été avisé des incidents.

[99] Je conviens que lorsque les allégations de discrimination et de harcèlement de la plaignante ont été portées à l'attention du NBAPC, ce dernier a eu l'obligation d'enquêter et de corriger les problèmes en milieu de travail. Cependant, je ne souscris pas aux arguments de la plaignante selon lesquels le NBAPC a manqué à son devoir de prendre les mesures raisonnables. Je suis d'avis que, lorsque le NBAPC a été avisé des problèmes, il les a traités de façon réelle et significative.

V. CONCLUSION

[100] Je conclus que la conduite de Barry LaBillois a parfois été de mauvais goût, insultante et inappropriée et il ne fait aucun doute que la plaignante a été importunée par sa conduite. Cependant, comme le Tribunal l'a déclaré dans la décision Rampersadsingh, précitée, au paragraphe 60 :

Les tentatives de décourager ou d'empêcher les personnes de faire des observations dénigrantes ou injurieuses à l'endroit d'autres personnes, surtout lorsque ces expressions se rapportent à l'un ou l'autre motif de discrimination illicite prévu dans la Loi, représentent un objet louable en soi. Toutefois, les dispositions relatives au harcèlement dans la Loi ne visent pas à sanctionner une conduite brève ou isolée de cette nature.

VI. ORDONNANCE

[101] Pour ces motifs, les plaintes présentées contre les deux intimés sont rejetées.

Michel Doucet

OTTAWA (Ontario)

Le 30 décembre 2008

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIERS DU TRIBUNAL :

T1203/1507 et T1204/1607

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Evelyn London c. New Brunswick Aboriginal Peoples Council et Barry Labillois

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 16 au 18 janvier 2008
Les 15 au 18 avril 2008
Le 24 avril 2008

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 30 décembre 2008

ONT COMPARU :

Debora M. Lamont

Pour la plaignante

Aucune représentation

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Ann E. Smith

Pour les intimés

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