Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L.R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE :

DONALD JARDINE

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

COMMISSION DE TRANSPORT RÉGIONALE D'OTTAWA-CARLETON

l'intimée

TRIBUNAL : Elizabeth Leighton - présidente

DÉCISION DU TRIBUNAL

ONT COMPARU : Odette Lalumière Avocate de la Commission canadienne des droits de la personne

Paul Webber, c.r. Avocat de l'intimée

DATES ET LIEU DE L'AUDIENCE : Les 25 et 26 mai 1993 Ottawa (Ontario)

TRADUCTION

- 1 -

LES FAITS

Deux plaintes datées du 6 janvier 1987 ont été déposées en vertu des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-1977, chap. 33 et ses modifications (appelée ci-après la Loi), par Donald Jardine; le plaignant allègue dans les deux cas qu'il a fait l'objet de discrimination de la part de la Commission de transport régionale d'Ottawa-Carleton (appelée ci-après OC Transpo) en raison de son âge. Chaque plainte reposant sur les mêmes faits, elles seront examinées en même temps.

Donald Jardine a déclaré lors de son témoignage qu'il était né à Ottawa (Ontario) le 27 mai 1925, qu'il y avait fait ses études et qu'il y avait résidé jusqu'à la guerre. Il est retourné à Ottawa après avoir été libéré du service actif par l'ARC en août 1945. Il a ensuite occupé divers emplois au sein du gouvernement canadien. Pendant cette période de l'après-guerre, dont il garde, a-t-il admis, des souvenirs quelque peu confus, il a travaillé un certain temps pour OC Transpo ou pour la compagnie qui l'a précédée. Bien que M. Jardine ait déclaré lors de son interrogatoire principal qu'il avait occupé ce poste de chauffeur de tramways et d'autobus en 1947 et 1948, il était évident que ses souvenirs de cette période et de son emploi étaient confus. Il a indiqué dans la demande d'emploi qu'il a présentée à OC Transpo en 1985 qu'il avait travaillé pour cette compagnie de 1948 à 1951. Il se rappelait toutefois qu'au cours de cette période il avait surtout conduit des tramways électriques au centre-ville d'Ottawa, travaillant par poste de travail fractionné ou la nuit parce qu'il était débutant dans le métier; en conséquence, il effectuait le travail refusé par les chauffeurs ayant plus d'ancienneté lors de ce qu'il se rappelle comme des séances trimestrielles de [TRADUCTION] sélection.

Après avoir travaillé pour OC Transpo, M. Jardine a occupé un emploi qu'il a qualifié de plus stable, c'est-à-dire chauffeur pour ce qu'il a appelé Voyageur Colonial ou Colonial Coach. Il touchait ainsi un salaire plus élevé même s'il lui fallait coucher à l'extérieur, car il occupait un poste de travail fractionné du lundi au vendredi, conduisant des autobus transportant des passagers effectuant quotidiennement la navette entre leur lieu de travail et leur domicile. Encore une fois, il s'est retrouvé au bas de l'échelle dans une entreprise où il existait un système de sélection fondé sur l'ancienneté des employés pour attribuer les itinéraires.

M. Jardine a travaillé pour Voyageur jusqu'au moment de son mariage et de son déménagement à Toronto en 1953. Il a travaillé là-bas comme chauffeur pour la Toronto Transit Commission pendant [TRADUCTION] deux ans environ - probablement (si on se fonde sur son témoignage) de 1953 à 1956. Comme il était encore une fois un employé débutant dans le système de

- 2 -

sélection, il conduisait des tramways au centre-ville de Toronto, la plupart du temps pendant la soirée, mais il a finalement réussi à gravir les échelons de l'entreprise et a pu être affecté à des circuits d'autobus plus intéressants.

Au milieu des années 50, M. Jardine a quitté la TTC pour devenir cameraman pour la Société Radio-Canada à Toronto; il a travaillé pendant plus de vingt ans pour cette entreprise, la majeure partie de ces années à Ottawa où il était retourné en 1960. Il a pris une retraite anticipée en 1976 ou 1977, optant pour une pension réduite partiellement indexée sur l'indice du coût de la vie. Il a décidé de prendre sa retraite parce qu'il ne voulait pas quitter la région d'Ottawa et qu'il était insatisfait de la politique de bilinguisme de la SRC.

Grâce à l'expérience acquise à la SRC, il a pu devenir cameraman pour la Chambre des communes qui avait commencé à télédiffuser ses débats. M. Jardine a occupé cet emploi de 1977 jusqu'en février 1985 lorsqu'il a encore une fois pris une retraite anticipée avec pension réduite, celle-ci étant toutefois pleinement indexée. C'est le décès de son beau-père qui a précipité sa retraite. M. Jardine ressentait peut-être les premières angoisses de la mort - il a indiqué qu'il s'était retiré parce que [TRADUCTION] si cela pouvait arriver à [mon beau-père], cela pouvait m'arriver. Ces quelques mots expriment un désir de prendre le temps de vivre plus pleinement. On peut présumer que c'est ce que M. Jardine avait l'intention de faire. Ses déclarations d'impôt sur le revenu de 1987 à 1990 indiquent, ce qu'il a confirmé lors de son témoignage, qu'en plus de ses revenus de pension, il avait bien administré son argent au fil des ans et qu'il pourrait se retirer et vivre confortablement.

Toutefois, M. Jardine a constaté au bout de quelques mois que la retraite n'était pas ce qu'il croyait qu'elle serait. Il n'avait aucune vie sociale; bref, il s'ennuyait. C'est pourquoi il s'est servi de son expérience antérieure comme chauffeur d'autobus - même s'il avait acquise celle-ci dans un monde fort différent, celui de 1947 à 1957 auquel nous pensons maintenant avec nostalgie - pour présenter une demande d'emploi à OC Transpo le 16 avril 1985. Il a précisé dans sa demande qu'il désirait un emploi de chauffeur d'autobus. Il avait alors 59 ans.

Lorsqu'il a présenté sa demande, on l'a informé qu'il y avait une liste d'attente. Il n'a donc pas été étonné du délai considérable qui s'est écoulé avant qu'il ne soit convoqué à une entrevue devant ce qu'il a appelé un [TRADUCTION] comité. Il a peut-être indiqué à ce moment-là qu'il était sous les soins de son médecin pour hypertension. C'est pour cela et pour d'autres raisons (aucune ne lui a été donnée) qu'on lui a demandé de se soumettre à un examen médical complet effectué par un médecin indépendant, examen qui comportait notamment un électrocardiogramme, un test de résistance au stress et une surveillance de son rythme cardiaque

- 3 -

d'une durée de 24 heures. Comme il n'avait reçu aucune nouvelle de l'entrevue ou de l'examen médical, il a présumé que tout s'était bien déroulé et qu'OC Transpo lui offrirait un emploi.

Il a toutefois appris que des apprentis chauffeurs travaillaient pour OC Transpo. C'est pourquoi il a communiqué avec M. Gratton d'OC Transpo; celui-ci lui a indiqué que tous les postes avaient été dotés, mais qu'il était possible qu'on embauche d'autres employés plus tard. La compagnie a conservé sa demande. Dans l'intervalle, il a réussi à obtenir un emploi d'une durée déterminée comme cameraman à la Chambre des communes. Il est également devenu à l'automne 1986 chauffeur d'autobus scolaires pour la compagnie Charterways ce qui lui a permis d'aiguiser ses réflexes comme chauffeur d'autobus. Pendant toute cette période, il passait l'hiver (d'octobre à avril) en Floride.

M. Jardine devait toutefois être à Ottawa en novembre 1986. Il a alors parlé une deuxième fois à M. Gratton de sa demande d'emploi comme chauffeur d'autobus pour OC Transpo. Au cours de cette conversation, il a déclaré à M. Gratton qu'il avait plus de soixante ans. M. Gratton lui a dit qu'il était trop âgé en conséquence pour que sa demande puisse être prise en considération, ce dont M. Jardine a reçu confirmation par écrit dans une lettre datée du 7 novembre 1986 provenant de Simone Tessier, directrice, Gestion du personnel, OC Transpo. La lettre indiquait qu'entre la présentation de la demande de M. Jardine en avril 1985 et son traitement final en juin 1986, [TRADUCTION] la Commission avait revu la politique actuelle d'embauchage et envisageait sérieusement de rejeter toutes les demandes des candidats d'un âge avancé en raison du coût de leur formation initiale et des quelques années de service qu'il leur reste avant l'âge de la retraite obligatoire. Dès que l'âge réel de M. Jardine a été confirmé lors de sa conversation avec M. Gratton, [TRADUCTION] l'affaire a été portée à l'attention de la haute direction et, après examen, il a été décidé que la demande [de M. Jardine] serait rejetée [...] [car il avait] plus de soixante ans.

M. Jardine a déclaré que, lorsqu'il a reçu cette lettre, il s'est senti [TRADUCTION] démoralisé, déprimé et rejeté. Même s'il comprenait la pression à laquelle est soumise la personne ayant le moins d'ancienneté dans un emploi où il existe un système de sélection, il s'attendait à obtenir un poste de chauffeur pour OC Transpo. A mesure que l'hiver passait, il avait l'impression qu'on [TRADUCTION] n'avait pas bien utilisé ses services. Il a décidé de porter les plaintes dont est maintenant saisi le tribunal. Dans l'intervalle, il a continué à travailler à temps partiel comme chauffeur d'autobus scolaires pour la compagnie Charterways et comme commissionnaire de 1989 à 1992. A l'heure actuelle, il est encore une fois à la retraite.

LES POINTS EN LITIGE

- 4 -

OC Transpo a reconnu dès le début que M. Jardine était victime de discrimination directe parce qu'elle avait refusé d'examiner sa demande d'emploi vu qu'il avait plus de 60 ans. Nul ne conteste que cette mesure d'OC Transpo constituait une violation prima facie du paragraphe 3(1) et des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui sont ainsi rédigés :

3.(1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi.

10. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, l'association patronale ou l'organisation syndicale :

  1. de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite,
  2. de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation, l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un emploi présent ou éventuel.

Compte tenu de l'acte discriminatoire que reconnaît l'intimée en l'espèce, il s'agit de déterminer si OC Transpo peut justifier cet acte par une exception prévue dans la loi. Les faits de l'espèce semblent indiquer que l'alinéa 14a) [maintenant 15a)] de la Loi est la seule exception que peut invoquer OC Transpo. Cet alinéa porte :

14a) [maintenant 15a)] Ne constituent pas des actes discriminatoires : a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées.

- 5 -

Il est donc permis d'accorder un traitement différentiel pour quelque motif que ce soit à condition qu'il découle d'une exigence professionnelle justifiée.

Les avocats de la Commission et d'OC Transpo ont tous les deux reconnu qu'il n'était pas question de discrimination indirecte compte tenu des faits dont le tribunal a été saisi.

Le droit

Il incombe à l'employeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il agit d'une manière discriminatoire permise parce qu'elle découle d'une exigence professionnelle justifiée. Loi canadienne sur les droits de la personne, al. 14a) [maintenant al. 15a)]; Carson et autres c. Air Canada (1982), 3 C.H.R.R., D/818, aux p. D/828-29; Carson et autres c. Air Canada (1983), 5 C.H.R.R., D/1857 (tribunal d'appel), à la p. D/1858.

L'arrêt faisant autorité en ce qui concerne la définition de l'exigence professionnelle justifiée (ou exigence professionnelle réelle) est La Commission ontarienne des droits de la personne et autres c. La municipalité d'Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202, (1982), 132 D.L.R. (3d) 14 (Cour suprême du Canada). Le juge McIntyre de la Cour suprême du Canada a interprété des dispositions analogues de la législation ontarienne lorsqu'il a défini l'exigence professionnelle réelle à la p. 208 de cet arrêt :

Pour constituer une exigence professionnelle réelle, une restriction comme la retraite obligatoire à un âge déterminé doit être imposée honnêtement, de bonne foi et avec la conviction sincère que cette restriction est imposée en vue d'assurer la bonne exécution du travail en question d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique, et non pour des motifs inavoués ou étrangers qui visent des objectifs susceptibles d'aller à l'encontre de ceux du Code. Elle doit en outre se rapporter objectivement à l'exercice de l'emploi en question, en étant raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace et économique du travail sans mettre en danger l'employé, ses compagnons de travail et le public en général.

Il est allé plus loin dans sa définition, analysant en particulier l'argument de l'employeur qui affirmait que l'exigence professionnelle réelle découlait d'un souci de préserver la sécurité. A la p. 210, le juge McIntyre dit :

- 6 -

Dans un métier où [...] l'employeur cherche à justifier la retraite par la sécurité publique, le commissaire enquêteur et la cour doivent, pour décider si on a prouvé l'existence d'une exigence professionnelle réelle, se demander si la preuve fournie justifie la conclusion que les personnes qui ont atteint l'âge de la retraite obligatoire présentent un risque d'erreur humaine suffisant pour justifier la mise à la retraite prématurée dans l'intérêt de l'employé, de ses compagnons de travail et du public en général.

On considère que l'arrêt Etobicoke énonce le critère permettant de déterminer ce qu'est une exigence professionnelle justifiée (ou réelle) en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne : Re CNR and Canadian Human Rights Commission (1983), 147 D.L.R. (3d) 312 (Cour d'appel fédérale), aux p. 318-319; Carson et autres c. Air Canada (1983), 5 C.H.R.R., D/1857 (tribunal d'appel), à la p. D 1874; Re Canadian Human Rights Commission et al. and Greyhound Lines of Canada Ltd. et al. (1987), 38 D.L.R. (4th) 724 (Cour d'appel fédérale), p. 729 ss.

C'est pourquoi l'employeur doit satisfaire aux deux éléments de l'exigence professionnelle justifiée énoncés dans l'arrêt du juge McIntyre. Le premier élément est subjectif - l'employeur doit agir avec la conviction sincère que le traitement différentiel se rapporte au travail en question et à la possibilité d'exécuter celui-ci d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique. Il ne peut agir avec l'intention d'aller à l'encontre de la législation relative aux droits de la personne.

Le deuxième élément est objectif - le traitement différentiel doit se rapporter à l'emploi, c'est-à-dire qu'il doit être démontré qu'il est raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution du travail. Lorsque la sécurité du public est en jeu, la preuve doit permettre de conclure qu'il existe un risque d'erreur humaine suffisant pour justifier le traitement différentiel dans l'intérêt de l'employé, de ses compagnons de travail et du public en général.

Ces deux éléments doivent être établis selon la prépondérance des probabilités; le tribunal doit rendre sa décision en fonction de la preuve dont il a été saisi dans chaque cas particulier. Le juge McIntyre a clairement indiqué dans l'arrêt Etobicoke qu'il n'existe aucune règle quant à la nature ou au caractère suffisant de la preuve requise pour établir l'existence d'une exigence professionnelle justifiée.

Cela crée une définition qui est formulé[e] en termes très larges (le juge Mahoney dans Re Canadian Human Rights Commission et al. and Greyhound Lines of Canada Ltd. et al. (1987), 38 D.L.R. (4th) 724 (Cour d'appel fédérale), p. 734.)

- 7 -

Elle doit certes recevoir une interprétation plus large que les définitions de l'exigence professionnelle justifiée tirées de la jurisprudence américaine. Dans leurs décisions portant sur cette question, les tribunaux américains tentent de préciser la preuve que doit présenter un employeur pour démontrer qu'il existe une exception justifiant le traitement différentiel d'un individu. Le juge McIntyre pressentait peut- être qu'on tenterait d'apporter de telles restrictionns lorsqu'il a indiqué qu'il fallait se garder de formuler des règles relatives à l'exigence de preuves médicales et statistiques pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l'existence d'une exigence professionnelle justifiée. Dans l'arrêt Re CNR and Canadian Human Rights Commission, (1983), 147 D.L.R. (3d) 312, aux p. 320 et 340-341, la Cour d'appel fédérale a indiqué que, dans l'interprétation de la législation canadienne sur les droits de la personne, il faut aborder avec prudence les interprétations plus rigoureuses données aux dispositions législatives américaines analogues.

Le tribunal doit donc fonder sa décision sur la preuve dont il a été saisi et se demander si elle satisfait au critère énoncé par le juge McIntyre dans l'arrêt Etobicoke qui permet de conclure à l'existence d'une exigence professionnelle justifiée.

LA PREUVE PRÉSENTÉE PAR L'INTIMÉE

M. Ron Mooney occupe actuellement le poste de surintendant des chauffeurs à OC Transpo. De plus, il a été président du syndicat du personnel de surveillance pendant quelque dix ans. Il travaille pour OC Transpo depuis 1966; il a tout d'abord été chauffeur d'autobus et il est ensuite devenu surveillant, [TRADUCTION] dans les rues et au centre de contrôle. Sa vue d'ensemble du fonctionnement de l'entreprise concerne principalement l'emploi de chauffeur d'autobus.

A l'heure actuelle, OC Transpo a 123 lignes d'autobus; 66 de celles-ci qualifiées de régulières nécessitent un minimum de deux chauffeurs et elles fonctionnent du matin jusqu'au soir. Les 57 autres lignes sont des circuits express qui comportent un nombre limité d'arrêts et qui assurent la navette entre la banlieue et le centre-ville, habituellement aux heures de pointe.

Lest véhicules utilisés sont des autobus ordinaires ou des autobus articulés, plus longs et comportant une section médiane articulée ainsi que trois portes d'accès et conçus pour recevoir un plus grand nombre de passagers.

Il semble que le système d'affectation des tâches n'est pas considérablement différent de celui qui existait selon M. Jardine dans les années 1940 - une séance de sélection est tenue tous les trois mois et les tâches sont choisies ou affectées en fonction de l'ancienneté. Ce

- 8 -

système est prévu dans la convention collective, les chauffeurs d'autobus étant syndiqués.

Le chauffeur d'autobus débutant doit suivre un programme de formation de base d'une durée de 29 à 31 jours au cours duquel il reçoit le salaire d'un apprenti avant de commencer une période d'essai d'un an. Pendant cette période, il fait l'objet d'évaluations et il suit un cours de recyclage six mois après la fin du programme de formation de base. La formation d'un chauffeur coûte environ 5 050 $ à la compagnie. Au cours de la période d'essa, le chauffeur est payé à un taux horaire moins élevé (qui augmente tous les quatre mois).

Le chauffeur se retrouve en même temps au dernier rang dans le système de sélection suivant l'ancienneté, condamné à effectuer le travail rejeté par les chauffeurs plus expérimentés - et ce, treize jours sur quatorze. Le plus souvent, ce travail proviendra du tableau de remplacement de 14 h 30, soit des postes fractionnés, des itinéraires jugés pénibles par les chauffeurs expérimentés (habituellement en raison du nombre de passagers et de l'heure, comme les heures de pointe, les circuits menant à des événements spéciaux), l'affectation à différents itinéraires quotidiennement, la conduite d'autobus supplémentaires express pour les écoles ou aux heures de pointe. Le chauffeur débutant peut être obligé de se trouver à son lieu de travail pendant 15 heures pour effectuer 6 à 8 heures de travail rémunéré.

Selon M. Mooney, la combinaison de ces tâches crée beaucoup de frustration et de stress pour le chauffeur débutant. Si on y ajoute le fait qu'il doit s'acquitter de ces tâches au milieu d'une circulation intense et rapide tout en respectant les exigences de la compagnie quant au respect très strict des horaires, le niveau de stress du nouveau conducteur d'autobus est, selon M. Mooney, exacerbé. Cette situation durera au moins trois à quatre ans. Il n'est donc pas rare que ces chauffeurs soient impliqués au cours de leurs cinq premières années de service dans un plus grand nombre d'accidents évitables que leurs collègues plus expérimentés.

Mme Kim Hunton, chef des réclamations à OC Transpo, a expliqué la méthode suivie par la compagnie pour enquêter sur les accidents dans lesquels sont impliqués des chauffeurs d'OC Transpo pendant leurs heures de travail. Pour les années 1986 à 1992 inclusivement, on a tenu des statistiques établissant un rapport entre le nombre d'années de service et le nombre d'accidents évitables; ces statistiques fournissent une moyenne pondérée ainsi que la moyenne d'accidents évitables par chauffeur. Sauf pour 1987, ces données indiquent une moyenne considérablement plus élevée d'accidents évitables pour les chauffeurs qui en sont à leurs cinq premières années de service pour OC Transpo.

- 9 -

Lois Emburg, coordonnatrice, Équité en matière d'emploi, Service des ressources humaines d'OC Transpo, était responsable de la cueillette de ces données. De plus, elle a réuni les données concernant les rapports existant entre l'âge et l'absentéisme des chauffeurs d'autobus pour 1987. La cueillette des données et les analyses ont été effectuées à l'aide des statistiques d'OC Transpo.

Quoiqu'il ne semble pas y avoir de différence dans les jours d'absence pour cause de maladie ou jours de travail rémunéré dans tous les groupes d'âge, le taux d'absentéisme pour invalidité de longue durée augmente considérablement dans le groupe des chauffeurs de plus de 50 ans, augmentation qui est davantage prononcée dans le groupe des 55 à 60 ans et qui s'accentue encore lorsque les chauffeurs ont plus de 60 ans. C'est la moyenne des absences pour invalidité de longue durée qui fausse la moyenne totale du nombre de jours d'absence par chauffeur pour indiquer un nombre d'absences considérablement plus élevé pour les chauffeurs plus âgés, en particulier ceux qui ont plus de 60 ans.

M. André Houle travaille depuis 1959 pour OC Transpo dont il est directeur du personnel depuis 1972. Il a déclaré qu'il avait toujours existé dans cette compagnie une politique prévoyant un âge maximum pour l'embauchage des chauffeurs d'autobus. En fait, il s'est occupé de cette question lorsqu'il est devenu agent de dotation au service du personnel en 1967; l'âge maximal était alors de 35 ans. Par suite de ses recommandations, cet âge est passé à 45 ans. Cette exigence a elle aussi été finalement supprimée; de janvier 1974 à janvier 1992, OC Transpo a engagé dix-huit chauffeurs d'autobus âgés de plus de 50 ans.

Même si OC Transpo n'avait jamais reçu de demande d'emploi comme chauffeur d'autobus de la part d'une personne âgée de plus de 60 ans avant que M. Jardine ne le fasse et qu'elle n'avait donc jamais engagé un chauffeur ayant un tel âge, M. Houle a déclaré dans son témoignage qu'il avait toujours existé une politique selon laquelle la compagnie n'engagerait pas quelqu'un de plus de soixante ans comme chauffeur d'autobus.

Il n'a jamais existé de politique écrite à cet effet pas plus, probablement, que des notes de service n'ont été distribuées au personnel au sujet de cet élément des critères de sélection des chauffeurs d'autobus. M. Houle a toutefois déclaré que son interprétation de la politique de la compagnie lui avait été confirmée lors de conversations qu'il avait eues avec les directeurs généraux successifs de la compagnie avec lesquels il a travaillé pendant qu'il occupait le poste de directeur du personnel. De plus, tous les membres du personnel étaient probablement au courant de cette politique non écrite.

- 10 -

M. Houle a souligné l'importance que la compagnie accorde à la question de la sécurité lorsqu'elle engage des chauffeurs d'autobus. Il a indiqué que [TRADUCTION] la sécurité est primordiale pour cette compagnie. La description des tâches des chauffeurs d'autobus produite par OC Transpo met en relief l'aspect public de ce travail ainsi que la nécessité d'une vigilance constante pour assurer la sécurité du public.

Accessoirement, M. Houle a signalé que les coûts de formation d'un nouveau chauffeur âgé de plus de 60 ans constitueraient l'un des facteurs considérés lors de l'examen de la demande présentée par un tel candidat et de l'application de la politique de la compagnie. Cela dénote une certaine souplesse de cette politique relative à l'âge. M. Houle a mis en relief la possibilité d'assouplir cette politique sur une base individuelle lorsqu'il a déclaré que la candidature d'un chauffeur d'autobus possédant une expérience considérable et ayant occupé immédiatement auparavant un emploi analogue dans une zone métropolitaine importante ne serait pas rejetée immédiatement si le candidat avait plus de 60 ans. Pas plus d'ailleurs qu'on ne s'attendrait à ce qu'il suive le programme complet de formation pour les nouveaux chauffeurs s'il était engagé.

M. Houle a déclaré que la politique applicable aux demandes d'emploi présentées par des personnes âgées de plus de 60 ans ne reposait pas sur l'analyse des statistiques, même s'il était au courant, grâce à sa longue expérience à OC Transpo, des tendances en ce qui a trait aux accidents évitables dans lesquels étaient impliqués des chauffeurs récemment engagés (quel que soit leur âge) et du taux d'absentéisme pour invalidité de longue durée dans le groupe des chauffeurs plus âgés. Il savait également que, à l'époque où M. Jardine a présenté sa demande et où celle-ci a été finalement traitée en 1986, la compagnie avait engagé quatre chauffeurs d'autobus âgés de plus de 50 ans et que trois de ceux-ci avaient quitté leur emploi; deux étaient partis pour des raisons médicales et un troisième avait pris une retraite anticipée. Le quatrième songeait à se retirer, ce qu'il a fait en prenant une retraite anticipée en 1989. Selon M. Houle, qui s'appuyait sur son expérience passée à OC Transpo, ces scénarios étaient typiques. Les chauffeurs d'autobus occupant un emploi de longue durée envisageaient de se retirer entre 55 et 60 ans. Il est probable que ces impressions - les données de l'analyse faite par Mme Emburg n'ayant pas encore été compilées - ainsi que la conviction que le stress lié au travail était peut-être la cause d'un tel comportement étaient à l'origine de la politique de la compagnie qui ne voulait pas embaucher des chauffeurs débutants âgés de plus de 60 ans.

La preuve médicale a été présentée par l'intimée avec l'accord de l'avocate de la Commission. Le dossier de la preuve médicale renferme un rapport - en fait, une lettre d'opinion datée du 10 septembre 1987 et adressée à Lois Emburg à OC Transpo - provenant du médecin en médecine industrielle aux services duquel OC Transpo a eu recours, le Dr Andrew

- 11 -

P. Ember, M.D.C.M., C.C.M.F., et un rapport revêtant la forme d'une lettre provenant du Dr D.M. Grinnell du Centre de réadaptation des Services de santé Royal Ottawa, lettre à laquelle était annexée divers documents traitant du vieillissement et de ses répercussions sur la capacité de conduire.

Quoique les deux rapports, et la documentation dans son ensemble, indiquent que, pour différentes raisons physiologiques et psychologiques, il serait vraisemblablement difficile pour des personnes de plus de 60 ans de devenir chauffeurs d'autobus et que celles-ci présenteraient certains risques pour la sécurité, ils mentionnent clairement qu'il est impossible, en utilisant les méthodes d'évaluation actuelles, de déterminer avec précision quelle personne de plus de 60 ans engagée comme chauffeur d'autobus débutant peut constituer un danger pour la sécurité.

Décision

L'avocate de la Commission a soutenu qu'OC Transpo n'avait pas satisfait à la norme de preuve qui permet d'établir l'existence d'une norme professionnelle justifiée et qui a été énoncée par le juge McIntyre dans l'arrêt Etobicoke. Elle a fait valoir qu'on n'avait soumis au tribunal aucun élément de preuve permettant de satisfaire au premier critère, soit le critère subjectif. Elle a prétendu que les éléments de preuve relatifs au deuxième critère, soit le critère objectif, étaient intéressés parce qu'ils reposaient sur des données recueillies après le dépôt des plaintes.

L'avocate a indiqué que, même si on ne considérait pas que ces éléments de preuve étaient intéressés, ils reposaient néanmoins sur des hypothèses ainsi que sur des statistiques discutables et insuffisantes. Se fondant peut-être sur ses propres affirmations, l'avocate de la Commission a choisi de ne pas contre-interroger un témoin de l'intimée et de ne pas présenter de contre-preuve au tribunal.

Seul le dossier de la preuve médicale présenté par l'intimée étayait l'argument de l'avocate de la Commission qui affirmait qu'OC Transpo aurait dû tenter de mettre au point une sorte d'évaluation individualisée pour les candidats âgés de plus de 60 ans à un poste de chauffeur d'autobus débutant. Les médecins ont toutefois clairement indiqué que de telles évaluations quant aux risques pour la sécurité n'existent pas à l'heure actuelle. La Commission n'a pas non plus présenté de preuve pour réfuter la prétention d'OC Transpo qu'il n'était pas économiquement viable pour la compagnie d'engager et de former des chauffeurs d'autobus âgés de plus de 60 ans.

Par contre, on a soumis en preuve les témoignages de quatre employés d'OC Transpo - certains de ceux-ci ont toujours travaillé dans les services administratifs de la compagnie et les autres ont été à un moment ou à un

- 12 -

autre chauffeurs d'autobus mais occupent maintenant des postes de gestion. Ces employés ont tous indiqué que la compagnie estimait qu'elle ne pouvait pas retenir la candidature de personnes âgées de plus de 60 ans pour des postes de chauffeurs d'autobus débutants. Chacun a exprimé cette conviction de manière franche et directe.

Plus succinctement, M. Houle a indiqué qu'OC Transpo se soucie principalement de la sécurité du public, dont font d'ailleurs partie les chauffeurs d'autobus et dont la sécurité concerne à la fois le bien-être physique et le bien-être mental, en particulier au cours des premières années d'une carrière stressante.

De plus, il a indiqué qu'OC Transpo se préoccupait des coûts que pouvait entraîner la formation de chauffeurs débutants plus âgés qui travailleraient pour la compagnie pendant une période plus courte que ne le ferait normalement un nouvel employé, coûts qui pourraient être élevés pour la compagnie en termes de temps perdu par suite de l'incapacité, de la retraite anticipée ou de la maladie de ces chauffeurs.

OC Transpo avait donc l'impression qu'il devrait exister une limite d'âge pour les chauffeurs débutants. Elle croyait honnêtement que les personnes plus âgées engagées comme chauffeurs débutants ne pouvaient pas exécuter ce travail d'une manière sûre et économique. Elle n'avait certes pas l'intention de contrecarrer les objectifs de la législation relative aux droits de la personne. C'est ce qui ressort de la souplesse dont a fait montre la compagnie lorsqu'elle a fait passer l'âge limite pour l'embauchage des nouveaux chauffeurs de 35 ans qu'il était au milieu des années 1960 à 60 ans à l'heure actuelle. En fait, M. Houle a indiqué que, malgré cette politique non écrite de la compagnie au sujet de l'âge d'embauchage, chaque candidature serait examinée individuellement et l'âge ne serait pris en considération que dans le contexte des autres renseignements relatifs au candidat, telle sa longue expérience immédiate dans un emploi analogue.

Ces éléments de preuve concernent directement l'élément subjectif du critère reconnu pour qu'une exigence professionnelle justifiée permette un tel traitement différentiel. La question qui se pose alors est la suivante : ces seuls éléments de preuve suffisent-ils pour conclure que, selon la prépondérance des probabilités, il a été satisfait à l'élément objectif du critère?

On peut se faire une idée de la démarche impressionniste de M. Houle (même si elle découle de ses nombreuses années de service à OC Transpo) lorsqu'il déclare que [TRADUCTION] vous pouvez constatez par vous-même que l'emploi de chauffeur d'autobus est stressant et qu'il ne peut être occupé sans risque par une personne de 60 ans ou plus nouvellement engagée. Cela ne suffit toutefois pas pour satisfaire au critère objectif.

- 13 -

D'autres éléments de preuve ont été présentés au tribunal. Il faut examiner les rapports médicaux ainsi que la documentation annexée et les données tirées des dossiers d'OC Transpo.

Les deux médecins ont dit être d'avis qu'une personne ne devrait pas devenir chauffeur d'autobus à 60 ans. Le Dr Grinnell a indiqué que son opinion reposait sur l'existence de risques accrus pour la sécurité, risques qui s'intensifiaient chez les chauffeurs de plus de 50 ans et qui étaient exacerbés dans un groupe où les règles syndicales tiennent compte de l'ancienneté et du choix des tâches. Les deux médecins ont clairement indiqué que, même [TRADUCTION] s'il n'existe aucun moyen de déterminer quelle personne présentera des risques accrus, ils estimaient qu'il existait un risque réel pour la sécurité que pouvait faire disparaître l'âge limite d'embauchage.

Ces opinions étaient corroborrés par la documentation jointe au rapport du Dr Grinnell. Ces documents, principalement des articles tirés de revues médicales et d'autres journaux scientifiques, faisaient ressortir qu'il est impossible en ayant recours aux méthodes actuelles d'évaluation de déterminer les risques que peut présenter une personne, et que les personnes plus âgées constituent le groupe dans lequel le comportement individuel varie le plus. Ils indiquaient toutefois que, en général les conducteurs plus âgés ne sont pas aussi vigilants que les conducteurs plus jeunes, qu'ils sont moins capables que ces derniers de prendre des décisions rapides, qu'ils peuvent souffrir de problèmes physiologiques s'aggravant (par exemple, des problèmes de vision), qu'ils peuvent commettre davantage d'infractions aux règlements de la circulation et avoir plus d'accidents et que, peut-être pour cette dernière raison, ils ont tendance à éviter les conditions de conduite stressante, telles les mauvaises conditions routières, la conduite de nuit, la circulation intense, les virages à gauche aux intersections passantes ou les endroits qui ne leur sont pas familiers.

Le tableau brossé ci-dessus semble reprendre textuellement l'énumération faite par MM. Mooney et Houle d'OC Transpo des éléments dont doit se préoccuper le chauffeur d'autobus débutant, quel que soit son âge.

Quoiqu'elle n'ait pas une valeur absolue, la documentation présentée par OC Transpo dans son dossier de la preuve médicale - que n'ont pas contestée le plaignant et la Commission - sert de fondement factuel à l'âge limite d'embauchage fixé par la compagnie.

Les statistiques tenues par OC Transpo servent également de fondement à sa politique. Même si elles ont été établies après le fait, elles reposent sur les données recueillies annuellement par la compagnie pendant de nombreuses années, sans aucun doute avant que M. Jardine ne présente sa demande d'emploi.

- 14 -

Le tableau dans lequel on compare le nombre d'accidents évitables au nombre d'années de service dénote le souci de la compagnie pour la sécurité - et il concerne directement le cadre des années de service dont M. Jardine ne pourrait jamais sortir s'il commençait à conduire un autobus après 60 ans. Tout au long de sa carrière à OC Transpo, il demeurerait dans le groupe des années de service 0 à 5, groupe qui présente un haut pourcentage d'accidents évitables. Il n'apprendrait jamais ce que M. Mooney a qualifié de [TRADUCTION] trucs qui lui permettraient d'éviter certaines situations dangereuses dans son travail. Il n'acquerrait jamais assez d'ancienneté pour quitter le tableau de remplacement, où le niveau de stress est très élevé, et il serait donc obligé d'accepter des itinéraires dont les conditions sont presque identiques à celles que les personnes âgées essaient d'éviter lorsqu'elles conduisent - l'heure de pointe, la conduite de nuit, les conditions routières inconnues en raison des changements quotidiens d'itinéraires.

Les tableaux relatifs aux absences indiquent que, dès son embauchage, M. Jardine ferait partie des conducteurs qui doivent s'absenter le plus fréquemment du travail. Cet élément ainsi que les coûts de sa formation et les statistiques de la compagnie relatives à la retraite anticipée des chauffeurs d'autobus engagés à 50 ans et plus, donneraient à réfléchir à la compagnie sur la viabilité économique d'engager une personne de 60 ans ou plus.

Ces éléments de preuve présentés par OC Transpo satisfont donc à l'élément objectif du critère de l'exigence professionnelle justifiée qui a été formulé par le juge McIntyre. De plus, ils concernent plus précisément la question de la sécurité du public et démontrent, selon la prépondérance des probabilités, que l'embauchage de chauffeurs débutants d'autobus âgés de 60 ans ou plus présente des risques suffisants pour justifier leur traitement différentiel.

Bien que M. Jardine estime que son expérience antérieure comme chauffeur d'autobus pour OC Transpo, Voyageur et TTC - ainsi que son travail à temps partiel pour Charterways - fait de lui un chauffeur expérimenté, en raison de sa courte expérience comme chauffeur d'autobus urbain et de la nature de son emploi plus récent de chauffeur d'autobus scolaires, il entre dans la catégorie des chauffeurs débutants ayant besoin de suivre le programme complet de formation d'OC Transpo.

En conséquence, OC Transpo a démontré que le traitement discriminatoire à première vue accordé à la demande d'emploi comme chauffeur d'autobus présentée par M. Jardine quand il avait plus de 60 ans

- 15 -

(au moment où la demande a été traitée) découlait d'une exigence professionnelle justifiée autorisée par l'alinéa 14a) [maintenant 15a)] de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Les plaintes sont REJETÉES.

Fait le juin 1993.

Elizabeth A.G. Leighton

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.