Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

SALVATORE MILAZZO

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

AUTOCAR CONNAISSEUR INC.

l'intimée

DÉCISION SUR LA COMPÉTENCE

Décision no 1

2002-11-12

MEMBRE INSTRUCTRICE : Anne Mactavish, présidente

[TRADUCTION]

[TRADUCTION]

[1] Il s'agit d'une plainte déposée par Salvator Milazzo contre son ancien employeur, Autocar Connaisseur Incorporé. M. Milazzo allègue qu'Autocar a omis de remplir son obligation d'accommodement compte tenu de sa déficience perçue, (dépendance envers la drogue), et a mis fin à son emploi, le tout en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[2] M. Milazzo allègue de plus que la politique sur le dépistage des drogues d'Autocar est discriminatoire et contrevient à l'article 10 de la Loi.

I. LA QUESTION

[3] Sans admettre qu'elle s'applique à l'espèce, Autocar allègue que la publication, par la Commission canadienne des droits de la personne, d'une politique sur le dépistage des drogues (1) soulève la question de l'indépendance institutionnelle du Tribunal canadien des droits de la personne et place l'intimée dans l'impossibilité d'obtenir une audience équitable devant le Tribunal. Autocar soumet de plus que le libellé du communiqué diffusé par la Commission au moment de son renvoi au Tribunal pour fins d'audience a préjugé l'affaire devant le Tribunal. Enfin, Autocar demande que la procédure soit ajournée jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada rende un jugement dans Bell Canada c. ACET et al. (Bell Canada) (2).

II. HISTORIQUE DE L'AFFAIRE BELL CANADA

[4] Pour replacer dans son contexte la requête de l'intimée, il faut connaître l'historique de l'affaire Bell Canada. Bell Canada met en cause une contestation de la compétence du Tribunal canadien des droits de la personne, au motif que le Tribunal n'a pas le degré d'indépendance et d'impartialité institutionnelles requis du fait que le régime législatif qui le régit est vicié. Dans une décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale en novembre 2000 (3), Mme le juge Tremblay-Lamer a conclu que le Tribunal canadien des droits de la personne n'était pas une institution indépendante et impartiale en raison du pouvoir de la Commission canadienne des droits de la personne de lui imposer des ordonnances ayant force obligatoire (4). Mme le juge Tremblay-Lamer a aussi conclu que le Tribunal canadien des droits de la personne n'était pas une institution indépendante en raison de la disposition établie par la Loi selon laquelle tout membre du Tribunal dont le mandat arrive à expiration doit obtenir l'approbation du président pour pouvoir continuer à siéger jusqu'à la conclusion d'une affaire (5). Mme le juge Tremblay-Lamer a donc ordonné qu'aucune nouvelle procédure ne soit engagée relativement à l'affaire Bell Canada tant qu'il ne serait pas remédié aux vices du régime législatif qu'elle avait relevés.

[5] La décision rendue dans Bell Canada par Mme le juge Tremblay-Lamer a été infirmée par la Cour d'appel fédérale, qui a conclu que le Tribunal canadien des droits de la personne avait un degré suffisant d'indépendance institutionnelle (6). L'autorisation d'interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada a été accordée (7), mais l'appel n'a pas encore été entendu.

III. OBSERVATIONS D'AUTOCAR

[6] Autocar fait valoir l'incertitude qui prévaut au sujet de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal dans l'attente d'une décision dans l'appel de la décision rendue dans Bell Canada et soutient que le Tribunal devrait suspendre la présente procédure jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada tranche finalement la question. Autocar affirme que tant que l'incertitude prévaudra, elle ne peut être certaine de recevoir une audience juste devant le Tribunal.

[7] En ce qui a trait à la politique de la Commission sur le dépistage des drogues, Autocar affirme que ladite politique interdit l'imposition des tests de dépistage de la consommation de drogues préalables à l'emploi ou effectués au hasard. Par suite de ce qu'elle affirme être le caractère obligatoire de la politique susmentionnée, Autocar soutient qu'il est maintenant impossible à un employeur de pouvoir justifier devant le Tribunal les tests de dépistage de la consommation de drogues effectués auprès de ses employés. Même si un employeur pouvait tenter de le faire, selon Autocar, la force obligatoire de la politique de la Commission sur le dépistage des drogues donne naissance non seulement à une crainte raisonnable de partialité, mais à une véritable partialité institutionnelle de la part du Tribunal.

[8] Selon Autocar, la situation qui a mené à la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Bell Canada est différente de celle qui prévaut en l'espèce. La Cour d'appel fédérale a fondé sa conclusion, selon laquelle les ordonnances publiées en vertu de l'article 27 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne compromettent pas l'indépendance institutionnelle du Tribunal, sur les modifications apportées en 1998 au paragraphe 27(2) de la Loi. La Loi modifiée autorise la Commission à promulguer des ordonnances dans une catégorie de cas donnés, mais ne lui permet plus d'adopter des directives dans un cas donné spécifique. Par opposition, en l'espèce, Autocar affirme que l'adoption de la politique de la Commission sur le dépistage des drogues aura une incidence non seulement dans une catégorie de cas, mais aussi dans le présent cas en particulier, précisément ce qui aurait préoccupé la Cour d'appel fédérale.

[9] Autocar a aussi souligné que la Commission a adopté la politique sur le dépistage des drogues après le dépôt de la plainte en cause auprès de la Commission. Cette dernière a donc éliminé, après le fait, toute forme de justification qu'Autocar aurait pu avoir eue relativement à des tests de dépistage de la consommation des drogues effectués au hasard. Selon Autocar, une telle situation donne clairement naissance à une apparence de partialité.

[10] En ce qui a trait au communiqué de la Commission, Autocar affirme que le libellé dudit communiqué (8) démontre que la Commission a préjugé la question avant son examen par le Tribunal.

[11] Autocar affirme qu'il est de fait demandé au Tribunal de connaître d'un appel d'une décision de la Commission, simplement pour confirmer ladite décision. Même si tel n'était pas l'intention du Parlement, selon Autocar, un tel état des choses est le résultat pratique de ce qu'elle appelle le caractère obligatoire de la politique de la Commission sur le dépistage des drogues et le préjugement de la Commission dans la présente affaire.

[12] Enfin, Autocar soutient que l'autorisation accordée par la Cour suprême du Canada d'interjeter appel de la décision rendue dans Bell Canada a pour effet de suspendre une épée de Damocles au-dessus de la décision de la Cour d'appel fédérale, ce qui est un facteur de grande incertitude. L'autorisation d'interjeter appel accordée par la Cour suprême témoigne de l'importance accordée par le public à la question de l'indépendance institutionnelle du Tribunal. Autocar affirme que la contraindre de se soumettre à une audience devant un Tribunal qui n'a pas toute l'indépendance et l'impartialité institutionnelles nécessaires lui causerait un préjudice irréparable. La prépondérance des inconvénients est favorable à une suspension de l'audience jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans Bell Canada ou jusqu'à ce que la Loi soit modifiée en vue de corriger ce qu'Autocar affirme être les vices qui portent atteinte à l'impartialité du Tribunal.

IV. OBSERVATIONS DE LA COMMISSION

[13] La Commission soutient que sa politique sur le dépistage des drogues n'est pas une ordonnance au sens de l'article 27 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le paragraphe 27(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que la Commission peut, dans une catégorie de cas donnés, préciser, par ordonnance, les limites et les modalités de l'application de la Loi. Le paragraphe 27(4) porte que les ordonnances prises en vertu du paragraphe (2) sont publiées dans la Gazette du Canada. Aux dires de la Commission, sa politique sur le dépistage des drogues n'est pas une ordonnance au sens de l'article 27 de la Loi, puisque ladite politique n'a pas été précisée par ordonnance et n'a pas été publiée dans la Gazette du Canada. De ce fait, à la différence de l'Ordonnance sur la parité salariale en question dans Bell Canada, la politique sur le dépistage des drogues de la Commission n'a pas force obligatoire pour les membres du Tribunal.

[14] Si le Tribunal devait conclure que la politique de la Commission sur le dépistage des drogues est une ordonnance au sens de la Loi, la Commission affirme alors que la politique s'applique à tous les employeurs régis par le régime fédéral, et se rapporte à une catégorie de cas, et non seulement à la plainte de M. Milazzo. Dans Bell Canada, la Cour d'appel fédérale a conclu que les ordonnances régissant une catégorie de cas donnés ne compromettaient pas l'indépendance et l'impartialité du Tribunal.

[15] La Commission affirme que pour justifier la suspension de la procédure du Tribunal, au motif que la publication de la politique de la Commission sur le dépistage des drogues donne naissance à une crainte raisonnable de partialité institutionnelle de la part du Tribunal, ou restreint l'indépendance de ce dernier, Autocar doit satisfaire le critère à trois volets énoncé dans RJR - Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général) (9). De l'avis de la Commission, Autocar ne l'a pas fait et qu'il convient donc de poursuivre la procédure en cours.

[16] En ce qui a trait à son communiqué, la Commission fait valoir qu'Autocar n'a pas précisé de quelle manière ledit communiqué préjuge la plainte de M. Milazzo devant le Tribunal. Selon la Commission, le communiqué relate simplement les allégations énoncées dans la plainte de M. Milazzo et ne tire aucune conclusion sur le bien-fondé de la plainte. De toute façon, la Commission fait valoir qu'un communiqué de la Commission n'a pas force obligatoire pour les membres du Tribunal.

[17] M. Milazzo n'a pas présenté d'observations sur la requête d'Autocar.

V. ANALYSE

A. Effet de la promulgation de la Politique de la Commission canadienne des droits de la personne sur le dépistage des drogues et de l'alcool

[18] Comme l'a fait observer le juge Evans dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (10), lorsqu'il a édicté le paragraphe 27(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Parlement a accordé à un organisme administratif indépendant, la Commission canadienne des droits de la personne, le pouvoir de statuer par voie réglementaire sur des questions de fond.

[19] Un examen des ordonnances promulguées par la Commission confirme leur nature d'ordonnances réglementaires, de règlements ou de textes réglementaires (11). Dans le cas de la politique de la Commission sur le dépistage des drogues, la politique comme telle porte sur ce qui suit :

La politique a pour objet d'énoncer la position de la Commission à l'égard des restrictions en matière de droits de la personne applicables aux programmes de dépistage de la consommation de drogues et d'alcool, et d'assurer un encadrement pratique en vue d'assurer la conformité avec la Loi canadienne sur les droits de la personne. […] La Commission applique et interprète la Loi en s'appuyant sur ses politiques.

La politique ne remplace pas les conseils juridiques et tout employeur qui envisage l'adoption d'une politique sur le dépistage de la consommation de drogues ou d'alcool devrait consulter un avocat.

La politique porte aussi ce qui suit :

Cette politique a été approuvée par la Commission et est entrée en vigueur le 11 juin 2002.

[20] Rien dans les éléments de preuve mis à ma disposition ne porte à conclure que la politique de la Commission sur le dépistage des drogues est une ordonnance au sens de l'article 27 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il n'y a aucun élément de preuve n'indiquant que la politique soit une précision faite par ordonnance de la Commission ou qu'elle a jamais été publiée dans la Gazette du Canada. De plus, rien dans le dossier n'indique que la politique de la Commission sur le dépistage des drogues ait jamais fait l'objet du contrôle dont les ordonnances doivent faire l'objet en vertu de la Loi sur les textes réglementaires (12).

[21] Enfin, rien dans les éléments de preuve mis à ma disposition ne porte à conclure qu'il était prévu que la politique aurait force obligatoire pour le Tribunal canadien des droits de la personne. Ladite politique semble n'être rien de plus qu'un énoncé de l'opinion de la Commission sur la question du dépistage des drogues et de l'alcool, une opinion sur laquelle le Tribunal canadien des droits de la personne peut être d'accord, ou pas, selon ce qu'il juge indiqué.

[22] L'affaire Bell Canada soulève la prise en considération de l'effet que la force obligatoire de l'Ordonnance sur la parité salariale peut avoir eu égard à l'indépendance et à l'impartialité institutionnelles du Tribunal. Par opposition, en l'espèce, j'ai conclu que la politique de la Commission sur le dépistage des drogues n'est pas une ordonnance au sens de l'article 27 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et qu'elle n'a donc pas force obligatoire pour le Tribunal. Par conséquent, je suis d'avis que les questions soulevées dans Bell Canada ne sont pas pertinentes à l'espèce.

[23] Si ce devait être à tort que je conclus que la politique de la Commission sur le dépistage des drogues n'est pas une ordonnance au sens de la Loi, alors une lecture ordinaire de la politique comme telle me convainc qu'elle se rapporte à une catégorie de cas donnés, et non pas seulement à la plainte de M. Milazzo. Dans Bell Canada, la Cour d'appel fédérale a conclu que les ordonnances régissant une catégorie de cas donnés ne compromettent pas l'indépendance et à l'impartialité du Tribunal.

B. Effet de la publication du communiqué de la Commission

[24] Quant à la publication du communiqué de la Commission, je n'accueille pas l'argument d'Autocar selon lequel le libellé du communiqué montre que la Commission a préjugé la question avant que le Tribunal ne statue à son endroit. Le communiqué est structuré d'une manière telle qu'il est clair que ce sont les allégations de M. Milazzo qu'il énonce. Le seul point au sujet duquel il ne ressort pas clairement que ce qui est écrit représente seulement une allégation se trouve être l'affirmation selon laquelle [a]pparemment, l'employeur a refusé de prendre des mesures d'adaptation envers le plaignant et a plutôt mis fin à son emploi. Même dans ce dernier cas, l'affirmation est dans une certaine mesure tempérée par l'emploi du mot apparemment.

[25] Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la Commission canadienne des droits de la personne ait porté d'avance un jugement sur la question qui fait l'objet de l'espèce. Même si elle l'avait fait, il demeure que le Tribunal canadien des droits de la personne ne siège pas en appel des décisions de la Commission canadienne des droits de la personne. Les affaires qu'entend le Tribunal canadien des droits de la personne constituent un examen de novo de plaintes particulières. Le point de vue de la Commission sur le bien-fondé de la plainte de M. Milazzo n'a pas plus de poids, ni moins, aux yeux du Tribunal que le point de vue de toute autre partie à la procédure. Il incombe au Tribunal de statuer sur l'affaire, en se fondant sur les éléments de preuve qui lui sont soumis. Tout ce que la Commission peut avoir affirmé dans un communiqué au moment du renvoi au Tribunal pour l'instruction de cette l'affaire n'est tout simplement pas pertinent à la tâche qui revient au Tribunal.

C. La présente affaire devrait-elle être mise en suspens, jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans BELL CANADA?

[26] La dernière question à traiter se rapporte à l'observation d'Autocar selon laquelle la présente procédure devrait être suspendue jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans Bell Canada. Autocar allègue que la contraindre à se soumettre à une audience devant un Tribunal qui n'a pas toute l'indépendance et l'impartialité institutionnelles nécessaires donnerait naissance à un préjudice irréparable. Autocar soutient de plus que la prépondérance des inconvénients est favorable à une suspension de l'audience jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans Bell Canada ou que la Loi soit modifiée en vue de remédier à ce qu'Autocar décrit comme étant les vices des dispositions législatives.

[27] Il ne fait pas de doute que le fait que la Cour suprême du Canada ait autorisé Bell Canada à interjeter appel de la décision de la Cour d'appel fédérale donne naissance à un climat d'incertitude en ce qui a trait au Tribunal canadien des droits de la personne en tant qu'institution. Tant et aussi longtemps que l'affaire Bell Canada demeure devant la Cour, la possibilité subsiste que la Cour suprême du Canada conclue que le régime législatif actuel ne confère pas au Tribunal un degré suffisant d'indépendance institutionnelle. Selon les conclusions que tirera la Cour suprême du Canada, la décision rendue dans Bell Canada pourrait avoir une incidence sur d'autres affaires que les affaires concernant la parité salariale dont le Tribunal canadien des droits de la personne est saisi.

[28] La question est donc celle de savoir si le climat d'incertitude susmentionné est tel que la procédure devrait être suspendue jusqu'à ce que la question de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal canadien des droits de la personne soit tranchée une fois pour toute.

[29] Les deux parties ont abordé la question en se fondant sur le critère à trois volets énoncé dans RJR - Macdonald. À mon avis, le fait que la Cour suprême du Canada ait autorisé à interjeter appel de la décision rendue dans Bell Canada suite à la question de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal canadien des droits de la personne établit que le volet question sérieuse du critère énoncé dans RJR - Macdonald est clairement satisfait.

[30] Je ne suis toutefois pas convaincue qu'Autocar ait établi qu'elle subirait un préjudice irréparable si elle était contrainte de poursuivre la présente procédure avant que la Cour suprême du Canada ne rende sa décision dans Bell Canada. Le préjudice est irréparable s'il ne peut y être remédié ou s'il ne peut pas être quantifié du point de vue monétaire (13).

[31] Ainsi que l'a fait observer la Cour d'appel fédérale dans Nature Co. c. Sci-Tech Educational (14), la preuve du préjudice irréparable doit être claire et ne pas tenir de la conjecture. Nous ne savons pas, à ce moment, si la Cour suprême du Canada confirmera la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans Bell Canada, ou si elle l'infirmera. Si la décision de la Cour d'appel fédérale devait être infirmée, nous ne savons pas quels seront les motifs de la Cour suprême et nous ne savons pas non plus quelle sera l'incidence, le cas échéant, sur des affaires comme l'espèce où la question des ordonnances, ne soulève pas de litige. À mon avis, les éléments de preuve mis à ma disposition ne satisfont pas le critère d'une preuve claire et qui ne tient pas de la conjecture. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l'intimée se soit acquittée du fardeau qui lui incombait d'établir que la poursuite de l'audience lui causera un préjudice irréparable.

[32] D'une façon similaire, Autocar ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d'établir que la prépondérance des inconvénients est favorable à une suspension de l'audience. À cet égard, Autocar affirme que la prépondérance des inconvénients ne peut être favorable à une situation susceptible de violer les droits constitutionnels d'une partie.

[33] Il me semble que l'argument ci-dessus se rapporte davantage à la question du préjudice irréparable qu'à celle de la prépondérance des inconvénients. Si la décision de la Cour suprême du Canada dans Bell Canada devait avoir une incidence sur des affaires comme l'espèce, Autocar disposera de recours auprès de la Cour fédérale suite à toute décision que le Tribunal pourrait finalement rendre. Même si Autocar engagera inévitablement des frais si le Tribunal procède, les tribunaux ont clairement établi que l'engagement inutile des frais ne cause pas un préjudice irréparable (15).

[34] Dans l'évaluation de la prépondérance des inconvénients, il me faut tenir compte qu'il est dans l'intérêt public de traiter les plaintes de discrimination de façon expéditive (16). Eu égard à l'ensemble des circonstances, je conclus que la prépondérance des inconvénients est favorable à la poursuite de l'audience.

VI. ORDONNANCE

[35] À la lumière de ces motifs, la requête de l'intimée est rejetée.

Originale signée par


Anne L. Mactavish

OTTAWA (Ontario)

Le 12 novembre 2002

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER DU TRIBUNAL : T713/1802

INTITULÉ DE LA CAUSE : Salvatore Milazzo c. Autocar Connaisseur Inc.

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 12 novembre 2002

ONT COMPARU :

Salvatore Milazzo Pour lui-même

Patrick O'Rourke et Céline Harrington Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Louise Baillargeon et Philippe-André Tessier Pour Autocar Connaisseur Inc.

1. 1 Politique de la Commission canadienne des droits de la personne sur le dépistage des drogues et de l'alcool. En ligne : Commission canadienne des droits de la personne http://www.chrc-ccdp.ca/Legis&Poli/DrgTPol_PolSLDrg/ DrgPol_PolDrg2.asp?l=f.

2. 2 [2001] S.C.C.A. no 406.

3. 3 [2001] 2 C.F. 392.

4. 4 Paragraphes 27 (2) et (3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

5. 5 Paragraphe 48.2 (2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

6. 6 [2001] 3 C.F. 481 (C.A.F.)

7. 7 Supra., note en bas de page 2.

8. 8 Le communiqué de la Commission porte ce qui suit :

Salvator Milazo (sic), de Montréal, allègue que son ancien employeur, Autocar Connaisseur Incorporé, a fait preuve envers lui de discrimination fondée sur sa déficience. M. Milazo affirme avoir dû subir un test de dépistage des drogues, en même temps que d'autres chauffeurs d'autobus employés par la compagnie. Il affirme également que lorsque les résultats du test ont révélé des traces de marijuana, il a été suspendu pendant deux jours. Après cette suspension, M. Salvator affirme avoir rencontré un directeur et avoir offert de suivre un programme de réadaptation afin de vaincre sa dépendance; il a aussi offert de se soumettre à un autre test de dépistage des drogues. Apparemment, l'employeur a refusé de prendre des mesures d'adaptation envers le plaignant et a plutôt mis fin à son emploi.

9. 9 [1994] 1 R.C.S. 312.

10. 10 [2000] 1 C.F. 146 (1re inst.), au par. 139.

11. 11 Voir l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale, DORS/86-1082, les Directives en matière d'immigration (TR/80-125) et l'Ordonnance sur l'âge (TR/78-165).

12. 12 L.R.C., 1985, c. S-22. Voir aussi une discussion du processus dans la décision rendue par le Tribunal dans Association canadienne des employés de téléphone et autres c. Bell Canada, (le 26 avril 1999, TCDP).

13. 13 Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [2001] A.C.F. no 19 au par. 16.

14. 14 (1992), 41 C.P.R. (3d) 359 à la p. 367.

15. 15 Territoires du Nord-Ouest, supra. au par. 19.

16. 16 Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et al., [1997] A.C.F. no 207 (1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.