Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

EDITH WONG

la plaignante

- et -

BANQUE ROYALE DU CANADA

l'intimée

MOTIFS DE DÉCISION

D.T. 06/01

2001/06/15

MEMBRE INSTRUCTEUR : J. Grant Sinclair, président

TRADUCTION

TABLE DES MATIÈRES

I. Introduction

II. Défaut d'offrir des occasions d'emploi - Programme de formation des DASBP

A. Candidature au programme de formation des DASBP

B. Rapport d'évaluation annuelle de rendement du 1er mars 1995

C. Autres sources de conflit

D. Non-admission au programme de formation des DASBP

III. Défaut de composer avec sa déficience - Stress et dépression

A. Du 6 février au 30 juin 1996

B. Recherche d'une affectation dans le cadre du programme de jumelage/observation

C. Prestations d'invalidité de courte durée et défaut de prendre des mesures d'adaptation

D. Prestations d'invalidité prolongée et défaut de prendre des mesures d'adaptation

E. Conclusion - Défaut de prendre des mesures d'adaptation tenant compte de la déficience de Mme Wong

F. Conclusion

IV. Cessation d'emploi - Banque et Canada Trust

A. Retour au Canada Trust

B. Enquête et congédiement par la Banque/Sun Life

C. Prestations d'invalidité du Canada Trust/Mutuelle du Canada

D. Conclusion - Congédiement de Mme Wong en raison de sa déficience

V. Représailles de la Banque

VI. Conclusion

I. Introduction

[1] La plaignante, Edith Wong, a été embauchée le 26 septembre 1994 par la Banque Royale, à titre d'agente principale des services bancaires par téléphone au Télécentre Royal Direct à Mississauga, en Ontario. La principale tâche de Mme Wong consistait à vendre de façon proactive divers produits financiers de la Banque en téléphonant à des clients existants ou éventuels.

[2] Après avoir reçu sa formation, Mme Wong a commencé à occuper le poste à temps plein vers la fin d'octobre ou le début de novembre 1994.

[3] En mars 1995, Mme Wong a reçu son évaluation annuelle de rendement, qui portait sur la période comprise entre octobre-novembre 1994 et janvier 1995. Elle s'est vu attribuer une cote globale de 3 sur 7. L'évaluation a été faite par son superviseur, Ian Turner.

[4] Mme Wong a été très bouleversée par son évaluation qui, à son avis, ne reflétait ni son rendement professionnel ni son précieux apport.

[5] Au cours des deux trimestres qui ont suivi, Mme Wong a obtenu de meilleures cotes (5 et 5/6). Mme Wong n'était pas encore contente : la cote attribuée pour la qualité de son leadership n'était pas suffisamment élevée selon elle, et son superviseur avait indiqué qu'elle pourrait faire preuve d'un plus grand leadership au sein de l'équipe.

[6] Mme Wong a fait part à M. Turner de ses préoccupations à l'égard de son évaluation annuelle et demandé que sa cote soit révisée à la hausse. M. Turner lui a répondu qu'il ne voyait pas de raison de le faire. Mme Wong s'est alors tournée vers des cadres de rang plus élevé au Télécentre, mais sans obtenir de résultats satisfaisants.

[7] Dès lors, Mme Wong et M. Turner ont cessé d'être en bons termes et leurs rapports se sont considérablement détériorés, au point qu'ils manifestaient l'un envers l'autre une attitude hostile et ne se parlaient presque plus.

[8] À l'été de 1995, Mme Wong a décidé de poser sa candidature au programme de formation des directeurs adjoints, Services bancaires personnels (DASBP). Ce programme offert par le service des ressources humaines du District du grand Toronto visait à former des aspirants à un poste de directeur adjoint, services bancaires personnels, dans une succursale.

[9] La demande de Mme Wong a été fortement appuyée par Ian Turner et le directeur de l'équipe, James McGuire. Selon eux, Mme Wong était l'un des meilleurs candidats du Télécentre.

[10] Le 7 février 1996, Mme Wong a été informée que sa candidature n'avait pas été acceptée. Elle était très bouleversée et déçue et n'est pas venue travailler le lendemain. En fait, Mme Wong n'est jamais revenue travailler à la Banque.

[11] Le 8 février 1996, Mme Wong a consulté son médecin de famille, qui a recommandé qu'elle prenne un congé de deux semaines.

[12] Le 8 février, Mme Wong a téléphoné à son ancien employeur, le Canada Trust, pour dire qu'elle voulait retourner là-bas. Le 9 février 1996, elle a signé un contrat d'emploi avec le Canada Trust, où elle est retournée travailler le 18 mars 1996.

[13] On a par la suite diagnostiqué chez Mme Wong une dépression. Elle a commencé à recevoir des prestations d'invalidité de courte durée de la Banque le 7 février 1996 et a éventuellement bénéficié de prestations d'invalidité prolongée de la Banque.

[14] En août 1997, la Banque a eu vent que Mme Wong travaillait au Canada Trust. Elle a fait enquête, puis a mis fin à l'emploi de Mme Wong le 13 janvier 1998 pour le motif qu'elle travaillait au Canada Trust alors qu'elle touchait des prestations d'invalidité de la Banque.

[15] Le 23 août 1996, Mme Wong a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant que la Banque avait exercé à son endroit une discrimination en refusant de lui offrir des occasions d'emploi en raison de sa race (asiatique) et de son origine nationale ou ethnique (chinoise) et n'avait pas tenu compte de sa déficience (stress et dépression), contrevenant ainsi à l'art. 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[16] Au début de l'audience devant le Tribunal, Mme Wong a demandé de modifier sa plainte afin d'alléguer que la Banque avait fait preuve de discrimination à son endroit en mettant fin à son emploi, contrevenant ainsi à l'art. 7 de la Loi; et d'y ajouter une allégation voulant que la Banque ait exercé contre elle des représailles, enfreignant ainsi le par. 14.1 de la Loi. Sa requête visant à modifier sa plainte a été présentée à titre de motion préliminaire; j'ai réservé ma décision à cet égard jusqu'à la fin de l'audience sur le fond.

II. Défaut d'offrir des occasions d'emploi Programme de formation des DASBP

A. Candidature au programme de formation des DASBP

[17] Le directeur adjoint, Services bancaires personnels, agit comme agent de prêts dans une succursale. Il n'a pas d'employés sous ses ordres. Toutefois, ce poste constitue un tremplin pour accéder à des niveaux de gestion plus élevés.

[18] À l'été de 1995, Mme Wong a indiqué à James McGuire, le directeur de l'équipe de vente dont elle faisait partie, qu'elle désirait poser sa candidature au programme de formation des DASBP. M. McGuire lui a dit qu'il appuierait sa candidature en vue du programme de formation de mars 1996. Il lui a également dit que le Télécentre choisirait ses meilleurs candidats et transmettrait les candidatures aux Ressources humaines du District du grand Toronto. Il n'y avait aucune garantie que sa candidature serait acceptée malgré l'appui ferme du Télécentre.

[19] Les critères du programme exigeaient que les candidats justifient de deux années d'ancienneté à leur poste, que leur rendement ait été jugé satisfaisant à chaque année et qu'ils aient obtenu l'approbation de leur directeur.

[20] Les programmes de formation des DASBP sont mis sur pied à divers moments en fonction des besoins des succursales. L'avis relatif au prochain programme est diffusé au moyen d'Info-Carrières, ligne téléphonique à laquelle les employés de la Banque peuvent accéder pour s'enquérir des emplois vacants. En l'occurrence, Info-Carrières indiquait que la Banque était en quête de candidats parlant chinois (cantonnais ou mandarin) en vue du programme de formation des DASBP de mars 1996. Mme Wong parlait anglais et cantonnais et avait une connaissance pratique du mandarin.

[21] Mme Wong n'occupait pas son poste depuis deux ans et n'avait pas obtenu deux évaluations annuelles de rendement. Le Télécentre a tout de même présenté sa candidature, car M. McGuire avait écrit dans sa lettre d'appui qu'elle était particulièrement douée pour la vente, qu'elle était extrêmement appliquée et dévouée et qu'elle possédait les aptitudes linguistiques recherchées.

[22] C'est le Télécentre qui a présenté la candidature de Mme Wong aux Ressources humaines du District du grand Toronto. L'envoi comprenait la formule de demande d'Info-Carrières, le profil d'employé et le curriculum vitæ de Mme Wong, sa demande d'admission au programme de formation professionnelle, son évaluation annuelle de rendement (mars 1995), ses évaluations trimestrielles de rendement (portant sur trois trimestres, c.-à-d. ceux du 1er février 1995, du 1er mars 1995 et du 1er août 1995) et la note d'appui de James McGuire. Habituellement, on n'annexe pas d'évaluations trimestrielles à la formule de demande d'Info-Carrières. Toutefois, dans le cas de Mme Wong, le Télécentre a présenté ses évaluations trimestrielles parce que celles-ci attestaient que son rendement allait en s'améliorant. Ses chances d'être sélectionnée étaient ainsi meilleures, étant donné qu'elle avait peu d'ancienneté et qu'elle avait fait l'objet d'une seule évaluation annuelle.

[23] De sa propre initiative, Mme Wong a transmis des documents supplémentaires aux Ressources humaines du District du grand Toronto, notamment trois formules d'évaluation remplies par les succursales où elle avait eu des affectations dans le cadre du programme de jumelage/observation avant de présenter sa candidature au programme de formation des DASBP. Elle a également annexé à son envoi une lettre de louanges d'un client de la Banque qu'elle avait aidé, des copies de certificats de vendeuse émérite qu'on lui avait décernés et son rapport d'activité indiquant ses résultats de vente pour 1995.

[24] Mme Wong n'était pas censée faire cela. La procédure au Télécentre à l'époque voulait que les employés intéressés à poser leur candidature au programme de formation des DASPB obtiennent d'abord l'autorisation et l'appui de leur directeur. Ensuite, un dossier de candidature était constitué pour chaque candidat, puis transmis au comité de gestion du Télécentre en vue du processus de présélection. Enfin, les dossiers des employés choisis étaient acheminés aux Ressources humaines du District du grand Toronto, qui choisissaient à l'échelle de la Banque les candidats les plus prometteurs. Mme Wong a indiqué dans son témoignage que les Ressources humaines du District du grand Toronto lui avaient dit qu'elle pouvait prendre l'initiative de lui transmettre directement des documents supplémentaires et qu'elle pouvait téléphoner pour s'enquérir de l'état de sa demande ou obtenir de plus amples renseignements, ce qu'elle a fait à plusieurs reprises.

[25] Cette version des faits contraste avec celle de Susan Simopoulos, qui était à l'époque directrice, Service à la clientèle et exploitation, au Télécentre. Mme Simopoulos avait reçu un appel de Susan Carter, des Ressources humaines du District du grand Toronto, qui lui avait demandé de bien vouloir prier Mme Wong de cesser de transmettre de l'information et de téléphoner à propos de sa demande.

[26] Dans son témoignage, Mme Simopoulos a également affirmé que Mme Wong ne cessait de lui téléphoner pour s'informer de l'état de sa demande, se montrant particulièrement insistante.

[27] Mme Simopoulos a rencontré Mme Wong pour lui dire que le processus de sélection prenait du temps et qu'elle ne devrait pas l'appeler ou téléphoner aux Ressources humaines du District du grand Toronto au sujet de sa candidature. Mme Wong s'est excusée auprès de Mme Simopoulos et a acquiescé à cette demande.

B. Rapport d'évaluation annuelle de rendement du 1er mars 1995

[28] Tout au cours de cette audience, Mme Wong a allégué que tous les problèmes auxquels elle était confrontée découlaient du traitement injuste dont elle avait fait l'objet à la Banque. D'après la preuve, il est évident que l'insatisfaction de Mme Wong remonte à son évaluation de rendement annuelle du 1er mars 1995.

[29] Il est indubitable que Mme Wong était une employée dévouée et intelligente de la Banque. Il est vrai, en outre, qu'elle était une représentante chevronnée qui dépassait constamment ses objectifs de vente. Toutefois, Mme Wong ne voulait pas être cantonnée dans un poste de représentant et aspirait à obtenir un poste dans une succursale.

[30] À l'occasion de son évaluation de rendement, Mme Wong s'est vu attribuer la cote 3. Son évaluation a été rédigée par son superviseur, Ian Turner, puis approuvée par le directeur de l'équipe de vente dont elle faisait partie, James McGuire.

[31] M. Turner a mentionné dans ses observations que Mme Wong avait fait beaucoup de progrès au cours des derniers mois et qu'elle était vraiment douée pour la vente. Il a également indiqué qu'il y avait place à amélioration en ce qui concerne la connaissance des produits et de l'exploitation et la qualité de son leadership, ce qui était compréhensible du fait qu'elle occupait son poste depuis peu.

[32] Pour sa part, Mme Wong était d'avis que la cote 3 était tout à fait injustifiée et inéquitable, compte tenu de ses résultats de vente des derniers mois. À son avis, elle n'avait eu droit à aucune reconnaissance et à aucun encouragement en dépit des excellents résultats qu'elle avait obtenus.

[33] Mme Wong n'a pas hésité à faire part à M. Turner de son mécontentement à l'égard de sa cote. M. Turner lui a répondu que la cote était certes acceptable et qu'elle était dans la bonne voie, compte tenu du fait que son évaluation portait sur une très brève période. Mme Wong a insisté pour que M. Turner révise sa cote à la hausse. M. Turner lui a rétorqué qu'il ne voyait pas de raison de le faire, hormis son insistance.

[34] Dès lors, leurs rapports n'ont cessé de se détériorer au point qu'en octobre 1995, ils se parlaient à peine.

[35] La cote 3 indique que l'employé fait du progrès, mais qu'il ne maîtrise pas encore ses tâches. La constance du rendement représente un aspect important. Plus l'employé se familiarise avec les exigences professionnelles, plus son rendement s'améliore. Du point de vue de la Banque, la cote 3 est un très bon résultat dans le cas d'un nouvel employé.

[36] En fait, les évaluations trimestrielles de rendement de février, de mai et d'août 1995 de Mme Wong indiquaient qu'elle avait fait un progrès considérable. Sa cote globale pour le premier trimestre était de 5, celle du deuxième trimestre de 5/6 et celle du troisième trimestre de 5+. Les évaluations trimestrielles sont des rapports établis à titre officieux sur lesquels on se fonde pour effectuer l'évaluation annuelle; elles visent à donner à l'employé une idée de sa progression dans le temps.

[37] Cependant, Mme Wong n'était pas contente de ces résultats. Plus particulièrement, elle contestait les commentaires formulés dans ses évaluations par M. Turner, selon lesquels elle devrait, en tant qu'agente principale au sein de l'équipe, assumer un rôle de leadership accru. Selon Mme Wong, cette observation signifiait qu'elle n'était pas capable de travailler en équipe. Elle craignait qu'on interprète cela comme un commentaire négatif qui pourrait nuire à sa mobilité au sein de la Banque.

[38] Mme Wong a ensuite saisi M. McGuire de ses préoccupations. Ce dernier a fait valoir qu'elle avait obtenu une très bonne évaluation, compte tenu de son peu d'expérience à la Banque. Il a dit être convaincu qu'elle obtiendrait de meilleures cotes lors de ses prochaines évaluations. Les évaluations trimestrielles de Mme Wong ont d'ailleurs confirmé cela.

[39] Cependant, M. McGuire jugeait que les cotes attribuées étaient fondées et qu'il n'y avait pas lieu de les réviser, comme Mme Wong l'aurait souhaité.

[40] Maureen Belza, qui a occupé divers postes à la Banque dans le domaine des Ressources humaines au fil des années, a été directrice, Ressources humaines, au Télécentre pendant une partie de la période où Mme Wong y a travaillé.

[41] Au dire de Mme Belza, l'obtention de la cote 3 après trois ou quatre mois de travail signifie que l'employé fait du bon travail. En d'autres mots, l'employé répond aux attentes, mais pas de façon constante. On s'attend à cela, étant donné que la Banque a une foule de produits financiers et qu'il faut du temps pour se familiariser avec ceux-ci. En outre, tout nouveau représentant doit se familiariser avec les méthodes d'exploitation et de rapport, ce qu'on arrive à faire avec le temps et l'expérience.

[42] Mme Wong a également communiqué avec Susan Stauth, qui à l'époque était directrice du Télécentre, afin de lui faire part de son mécontentement à l'égard de sa cote. Mme Stauth a dit à Mme Wong que la cote 3 était à son avis acceptable et qu'elle avait fait beaucoup de progrès depuis son évaluation.

[43] Il a également été question des évaluations trimestrielles de Mme Wong. Cette dernière a à nouveau indiqué que certains commentaires de M. Turner lui avaient laissé un goût amer. Mme Stauth lui a indiqué que ses résultats trimestriels étaient supérieurs à la moyenne pour quelqu'un en poste depuis moins d'un an. Mme Stauth lui a affirmé qu'elle ne modifierait pas les évaluations parce qu'il n'y avait pas de raison de le faire.

C. Autres sources de conflit

[44] Plusieurs autres questions avivaient le sentiment de Mme Wong qu'elle faisait l'objet d'un traitement injuste de la part de son superviseur, M. Turner. Je m'en tiendrai ici à deux éléments qui ont semblé bouleverser Mme Wong, soit les rapports d'activité utilisation du téléphone et les activités de jumelage/observation.

[45] Les rapports d'activité utilisation du téléphone, ou RUIT, s'entendent de la méthode appliquée par la Banque pour suivre la productivité (en plus des ventes) d'un représentant, notamment le nombre d'appels, le nombre de rappels, de mises en rapport, de clients rejoints, etc. On a signalé à M. Turner que Mme Wong ne suivait pas la procédure établie et gonflait ses RUIT. Mme Wong a nié cela, alléguant qu'elle se conformait à ce qui constituait, selon elle, la procédure normale. La controverse a finalement été résolue grâce à l'intervention de M. McGuire, mais ce après que Mme Wong ait reçu une note plutôt acerbe de M. Turner dans laquelle celui-ci l'accusait de se comporter de façon inacceptable et menaçait de réviser à la baisse ses évaluations de rendement des premier et deuxième trimestres et de la rendre inadmissible aux primes. M. McGuire a perçu l'incident d'une façon tout à fait différente, le qualifiant de malentendu; il n'a nullement contesté l'honnêteté ou l'intégrité de Mme Wong.

[46] Quant aux activités de jumelage/observation de Mme Wong, elles ont commencé au printemps et à l'été de 1995 et se sont surtout déroulées à Mississauga. À l'origine, le Télécentre avait fait les arrangements nécessaires avec les succursales au nom de Mme Wong.

[47] Le jumelage/observation implique de se rendre occasionnellement dans une succursale afin de se familiariser avec son fonctionnement et les responsabilités professionnelles du directeur adjoint, services bancaires personnels, en travaillant à ses côtés. L'employé qui participe à de telles activités de jumelage le fait durant ses loisirs et n'est pas rémunéré.

[48] Le Télécentre étant situé à Mississauga, les activités de jumelage/observation dans les succursales environnantes suscitaient beaucoup d'intérêt auprès de ses employés. Paul Martin, le directeur des succursales de détail, secteur de Mississauga Nord, a affirmé dans son témoignage que des dispositions avaient été prises avec le Télécentre pour que Mme Wong participe au programme de jumelage. Au début, les directeurs de succursale appréciaient son grand enthousiasme et étaient désireux de l'aider. Toutefois, ce sentiment à son égard s'est estompé, car Mme Wong se présentait dans les succursales les week-ends sans avoir fait d'arrangements au préalable.

[49] Cette situation est devenue un problème. Le jumelage impose un fardeau au personnel des succursales, car il exige une surveillance accrue. Paul Martin dit avoir téléphoné à M. McGuire pour lui demander de prier Mme Wong de ne pas se présenter dans une succursale sans avoir fait au préalable les arrangements nécessaires.

[50] D'après la version de Mme Wong, M. Martin a téléphoné à M. McGuire parce qu'il s'inquiétait du fait que Mme Wong empiète sur ses loisirs pour prendre part à des activités de jumelage pour lesquelles elle n'était pas rémunérée, ce qui était contraire à la politique de la Banque. Il désirait plutôt, selon elle, que M. McGuire l'autorise à aller travailler dans ses succursales un ou deux jours durant la semaine. À mon avis, l'explication de Mme Wong n'est pas digne de foi et je préfère la version de M. Martin à cet égard.

[51] Cette question du jumelage a été abordée le 27 octobre 1995 à une réunion à laquelle ont participé M. McGuire, M. Turner et Mme Wong. À cette occasion, Mme Wong a été priée de ne pas se rendre dans les succursales sans que le Télécentre ait fait des arrangements au préalable. Cette discussion a été suivie d'une note virulente de M. Turner à Mme Wong énonçant les conditions qui régissent les activités de jumelage et avisant Mme Wong que le non-respect de ces conditions entraînerait l'adoption de mesures correctives. Mme Wong s'est conformée à ces conditions et a cessé de prendre part à des activités de jumelage.

[52] Le ton utilisé par M. Turner dans ses notes s'explique peut-être par l'attitude hostile et le manque de respect entre lui et Mme Wong à cette époque. M. Turner disait que chaque fois que Mme Wong le rencontrait, elle se plaignait de son évaluation de rendement et de ses observations quant au travail en équipe. Mme Wong était obsédée par l'idée que M. Turner l'avait traitée injustement, comme le démontraient les incidents relatifs aux RUIT et au jumelage.

[53] À cause de ces deux éternelles pommes de discorde, la situation s'est envenimée au point où l'un et l'autre ne pouvaient plus travailler au sein de la même équipe. Enfin, le 8 novembre 1995, le médecin de famille de Mme Wong, la Dre Mary Alexander, a demandé que Mme Wong soit mutée à une autre équipe de vente au Télécentre. Le Télécentre a accepté sa recommandation et Mme Wong a été mutée, le 1er décembre 1995, à une autre équipe où elle était sous les ordres d'un superviseur et d'un directeur différents. Mme Wong a semblé satisfaite de cette décision et n'a pas soulevé de problèmes.

D. Non-admission au programme de formation des DASBP

[54] Le deuxième épisode de cette saga -- sans doute celui qui a été le plus dramatique aux yeux de Mme Wong -- a été sa non-admission au programme de formation des DASBP.

[55] Le 7 février 1996, Ian Middaugh, le superviseur de Mme Wong à l'époque, a informé cette dernière que sa candidature au programme de formation des DASBP n'avait pas été retenue. Mme Wong ne s'est pas présentée au travail le 8 février 1996; en fait, elle n'est jamais retournée travailler à la Banque.

[56] Le 8 février 1996, Mme Wong a consulté son médecin de famille, la Dre Mary Alexander. Elle a raconté à nouveau les difficultés qu'elle avait éprouvées avec son superviseur ainsi que la frustration que son évaluation de rendement avait suscitée. Elle n'a rien dit au sujet du programme de formation des DASBP.

[57] Le 8 février 1996, la Dre Alexander a remis à Mme Wong un certificat médical indiquant qu'elle serait en congé pendant deux semaines, après quoi son cas serait réévalué.

[58] Le même jour, Mme Wong a téléphoné à Gary Ford, qui était superviseur de secteur au Canada Trust et qui était à la tête de la succursale de Canada Trust où elle avait travaillé avant d'entrer au service de la Banque. Mme Wong a dit à M. Ford qu'elle voulait revenir au Canada Trust. Elle a reçu une offre d'emploi qu'elle a acceptée le 9 février; toutefois, aucune date d'entrée en fonctions n'était mentionnée dans l'offre. De plus amples détails seront fournis plus loin dans la présente décision.

[59] Le 8 février 1996, Mme Wong a également écrit à Susan Stauth, la directrice du Télécentre, soulevant à nouveau la question des évaluations de rendement et faisant état des observations de M. Turner quant à sa capacité de travailler en équipe. C'est pour ces raisons que sa candidature au programme de formation des DASBP avait été rejetée, disait-elle.

[60] Après un certain nombre d'entretiens avec les superviseurs de Mme Wong au Télécentre, Mme Stauth a répondu à Mme Wong que l'évaluation et les observations de son superviseur étaient fondées et qu'il n'y avait pas lieu de les modifier. Mme Stauth a également indiqué à Mme Wong qu'elle tenterait de lui trouver un poste ailleurs qu'au Télécentre, mais qu'elle ne pouvait rien lui promettre.

[61] Mme Wong a persisté dans ses efforts pour faire corriger par la Banque ce qu'elle estimait être une injustice de la part de M. Turner. À cette fin, elle a écrit le 15 février 1996 au RSVP, un service de la Banque auquel les employés peuvent écrire confidentiellement. Dans sa lettre, Mme Wong a réitéré ses récriminations à l'égard de l'évaluation et des observations de M. Turner qui, selon elle, étaient la cause du rejet de sa candidature au programme de formation des DASBP.

[62] À ce moment-là, Mme Wong ne disposait d'aucun document précisant les motifs du rejet de sa candidature. Cependant, lors de discussions antérieures avec Mme Stauth, celle-ci lui avait indiqué que sa candidature avait été rejetée notamment parce qu'elle était plutôt agressive et ne pouvait travailler en équipe.

[63] C'est le Premier vice-président, Exploitation et prestation de services, P.A. Palmer, qui a répondu à la lettre confidentielle de Mme Wong. Dans sa réponse en date du 23 avril 1996, il a indiqué à Mme Wong que sa candidature n'avait pas été retenue en raison de sa cote d'évaluation globale (3), de la perception voulant qu'elle soit plutôt agressive et du fait qu'on avait jugé que son style convenait particulièrement au marché asiatique où son approche plus affirmative est efficace dans le domaine de la vente. Sa capacité de travailler en équipe et son leadership posaient également problème. M. Palmer a terminé en disant à Mme Wong qu'elle avait été traitée équitablement sur tous les plans et qu'il avait demandé à Francine Dyksterhuis, la nouvelle directrice du Télécentre, de discuter avec elle plus en détail de ses préoccupations.

[64] Mme Wong a répondu à M. Palmer le 25 mai 1996. Dans sa lettre, elle a à nouveau indiqué que Ian Turner l'avait traitée injustement et elle a expliqué pourquoi à son avis on l'avait qualifiée d'agressive.

[65] Elle a terminé sa lettre en faisant référence à l'opinion voulant que son style soit particulièrement adapté au marché asiatique, affirmant à M. Palmer qu'elle avait élaboré d'excellents plans et qu'elle était persuadée de pouvoir aider la Banque à accroître sa part de marché au sein de la communauté asiatique en pleine expansion dans le grand Toronto. Enfin, elle a demandé à M. Palmer d'appuyer sa candidature au programme de formation des DASBP ou de lui trouver un poste dans une succursale.

[66] Mme Wong n'a pas été admise au programme de formation des DASBP pour un certain nombre de raisons. La principale était que les candidats sélectionnés étaient meilleurs qu'elle. C'est ce que Susan Carter, qui occupait à l'époque le poste de directeur adjoint, Recrutement et programmes de formation professionnelle, a indiqué dans son témoignage.

[67] Toutes les candidatures ont été comparées. Les décisions ont été prises par un comité formé exclusivement de spécialistes des ressources humaines et du recrutement. Ce comité a attribué beaucoup d'importance aux deux évaluations annuelles de rendement, au nombre d'années d'ancienneté à la Banque, à la mobilité et aux aptitudes linguistiques. Comme les divers services de la Banque ne produisaient pas tous d'évaluations trimestrielles, le comité a accordé à celles-ci très peu de poids.

[68] Bien que Mme Wong ait obtenu de bonnes évaluations dans le cadre du programme de jumelage/observation, le comité n'a attaché aucune importance particulière à cet aspect, pour le motif que les employés participant à ce programme n'exerçaient pas de fonctions particulières, mais étaient essentiellement jumelés de temps à autre à un employé d'une succursale.

[69] Le 7 février 1996, Mme Carter a écrit à Mme Susan Simopoulos une note dans laquelle elle a indiqué que Mme Wong n'était pas à la hauteur par rapport aux autres candidats. Elle a ajouté que Mme Wong avait été perçue comme plutôt agressive et que le travail en équipe était une dimension importante dans une succursale, ce qu'avait reconnu Mme Simopoulos. Mme Carter a également affirmé qu'il serait avantageux de pouvoir servir autant la clientèle asiatique que les autres clientèles et que le style de Mme Wong ne convenait qu'au marché asiatique, comme l'avait indiqué à ce moment-là Mme Simopoulos.

[70] C'est principalement sur cette dernière observation -- celle voulant que son style convienne uniquement au marché asiatique -- que Mme Wong a fondé son allégation selon laquelle sa candidature au programme de formation des DASBP a été rejetée en raison de sa race et de son origine nationale et ethnique. Ce n'est qu'en juin 1996 que Mme Wong a reçu copie de cette note.

[71] Mme Carter a affirmé qu'elle considérait Mme Wong comme plutôt agressive, en raison de ce qu'on lui avait dit à son sujet, c'est-à-dire que Mme Wong avait communiqué à plusieurs reprises avec les Ressources humaines du District du grand Toronto au sujet de sa candidature et qu'elle avait transmis directement des documents à l'appui de celle-ci sans passer par le Télécentre.

[72] Mme Simopoulos a confirmé la description de Mme Carter, à savoir que le comportement de Mme Wong était plutôt agressif. Sa conclusion était fondée sur le fait que Mme Wong s'était fréquemment enquise de l'état de sa candidature au programme de formation des DASBP et qu'elle avait communiqué directement avec les Ressources humaines du District du grand Toronto.

[73] À mon avis, la description voulant qu'elle soit plutôt agressive ne revêtait pas un caractère péjoratif. La preuve fournit de nombreux exemples : ses activités de jumelage, ses tentatives pour faire réviser son évaluation, son insistance auprès de M. McGuire pour qu'il propose sa candidature au programme de formation des DASBP, la transmission de documents directement aux Ressources humaines du District du grand Toronto, etc. Il s'agissait plutôt d'une façon de décrire Mme Wong comme une personne qui fait montre d'un haut niveau de dynamisme et d'assurance dans la poursuite d'un objectif. Perçue dans le contexte de la preuve, cette observation ne comporte pas à mon avis de connotation raciale ou ethnique.

[74] L'élément le plus problématique de la note de Mme Carter réside dans son observation voulant que le style de Mme Wong convienne uniquement au marché asiatique. Les succursales de la Banque ne se trouvent pas exclusivement en Asie. Il était par ailleurs indubitable que Mme Wong puisse servir autant la clientèle asiatique de la Banque que ses autres clientèles.

[75] À mon avis, ce commentaire doit être situé dans le contexte de la candidature de Mme Wong et des témoignages de Mmes Carter et Simopoulos. Dans son témoignage, Mme Carter a expliqué qu'elle avait des doutes quant aux raisons pour lesquelles le Télécentre avait proposé la candidature de Mme Wong, compte tenu de son peu d'ancienneté et de la cote d'évaluation (3) qu'elle avait obtenue.

[76] Du point de vue des Ressources humaines du District du grand Toronto, cette candidature n'était pas à première vue à la hauteur. Dans son témoignage, Mme Simopoulos a expliqué qu'elle voulait mousser auprès de Mme Carter les aptitudes de Mme Wong et l'attrait qu'elle présentait de façon à ce qu'elle soit davantage à la hauteur, vu ses lacunes sur le plan de l'ancienneté et du rendement. Ian Turner et James McGuire avaient tous deux affirmé à Mme Simopoulos que Mme Wong était une représentante très chevronnée qui semblait trouver agréable de travailler auprès des clients d'origine asiatique. Le fait que Mme Wong possédait les connaissances linguistiques que recherchaient les responsables du programme de formation des DASBP, jumelé à ses aptitudes pour la vente et à ses affinités avec le marché asiatique, faisait d'elle une excellente candidate.

[77] Mme Simopoulos n'a pas perçu ce commentaire comme étant négatif. Elle l'a plutôt interprété comme un élément renforçant la candidature de Mme Wong, que le Télécentre considérait comme l'un de ses meilleurs candidats.

[78] Au moins quatre personnes (Fanny Young, Winnie Lo, Anne Tse et Judy Huang) qui ont été admises au programme de formation des DASBP de mars 1996 étaient d'origine chinoise. Elles avaient toutes plus d'ancienneté que Mme Wong à la Banque. Elle parlaient toutes cantonnais. À l'exception de Judy Huang, pour qui aucune évaluation n'a été produite en preuve, elles avaient toutes au moins deux évaluations de rendement supérieurs à celle de Mme Wong.

[79] La preuve dément l'allégation de Mme Wong voulant que sa candidature ait été rejetée parce qu'elle était d'origine chinoise. Info-Carrières précisait que la Banque recherchait particulièrement des candidats parlant cantonnais ou mandarin. L'origine ethnique ou nationale des candidats serait fort probablement chinoise. Quatre des candidats sélectionnés étaient d'origine chinoise. À mon avis, rien dans la preuve n'étaie la conclusion voulant que des actes discriminatoires aient été commis dans le cadre du processus de sélection mené par les Ressources humaines du District du grand Toronto.

[80] En outre, Mme Wong n'a à aucun moment affirmé que le traitement soi-disant injuste dont elle avait fait l'objet de la part de M. Turner était attribuable à son origine raciale ou ethnique, c'est-à-dire au fait qu'elle était Chinoise. En fait, la preuve est à l'effet contraire. Certes, il y a eu entre eux des désaccords. Ils ne s'entendaient pas bien. Pourtant, M. Turner a vivement appuyé de concert avec M. McGuire la candidature de Mme Wong au programme de formation des DASBP.

[81] En fait, ce n'est que plusieurs mois après le rejet de sa candidature que Mme Wong a soulevé la question de la discrimination par rapport à sa candidature. Ce fait est digne de mention, car Mme Wong n'a jamais hésité à exprimer ses préoccupations lorsqu'elle estimait avoir été traitée injustement ou mal étiquetée. En fait, dans sa lettre du 25 mai 1996 à M. Palmer, elle a souscrit à l'opinion voulant qu'elle soit particulièrement efficace auprès du marché asiatique.

[82] Il est bien établi que le plaignant, pour avoir gain de cause devant un tribunal des droits de la personne, doit d'abord établir une preuve prima facie de discrimination. La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l'absence de réplique de l'intimé (1).

[83] À mon avis, la preuve ne confirme pas la conclusion que la candidature de Mme Wong au programme de formation des DASBP a été rejetée parce qu'elle était Chinoise. En fait, sa candidature n'a pas été retenue parce qu'elle ne satisfaisait pas aux critères du programme et n'était pas à la hauteur par rapport aux autres candidatures.

[84] Par conséquent, j'ai conclu que Mme Wong n'a pas établi de preuve prima facie voulant que des occasions d'emploi lui aient été refusées en raison de sa race et de son origine nationale ou ethnique.

III. Défaut de composer avec sa déficience Stress et dépression

A. Du 6 février au 30 juin 1996

[85] Après son départ en congé de maladie le 7 février 1996, Mme Wong a avisé la Banque qu'elle ne voulait pas revenir au Télécentre en raison du stress et des problèmes de santé qu'elle avait éprouvés en travaillant là. La position de Mme Wong est que la Banque avait promis de lui trouver un poste ailleurs qu'au Télécentre mais ne l'a pas fait, omettant ainsi de composer avec sa déficience.

[86] De plus, le 18 juillet 1996, la Banque a cessé de lui verser des prestations d'invalidité de courte durée (mais a rétabli ces prestations trois semaines plus tard) et menacé de mettre fin à son emploi si elle ne retournait pas au Télécentre.

[87] Enfin, à cause des mesures prises par la Banque, la demande de prestations d'invalidité prolongée présentée en août 1996 a d'abord été rejetée. Elle a finalement été approuvée en novembre 1996, après environ trois mois. Mme Wong prétend que cette attente lui a causé beaucoup de stress émotionnel et de difficultés financières.

[88] Le 8 février, la Dre Alexander, médecin de famille de Mme Wong, a écrit une lettre pour aviser qui de droit que Mme Wong serait en congé durant deux semaines pour des raisons médicales. Apparemment, à cause de cette lettre, Mme Wong a reçu des prestations d'invalidité de courte durée à compter du 7 février 1996.

[89] Toutes les questions médicales relevaient du Centre de santé de la Banque. Les médecins du Centre de santé évaluaient les réclamations de frais médicaux, puis conseillaient au service des ressources humaines compétent de les accepter ou de les refuser ou de demander de plus amples renseignements. Les Ressources humaines informaient ensuite l'employé de la situation. Les dossiers médicaux de l'employé étaient confidentiels et ne pouvaient être communiqués qu'à des médecins.

[90] La procédure à suivre pour demander des prestations d'invalidité de courte durée consistait en l'envoi au Centre de santé par le médecin de l'employé de la formule 2932 qui comprenait les renseignements suivants : le diagnostic, le pronostic de guérison, la date du dernier examen, la date prévue de retour au travail et le désir du médecin, le cas échéant, de discuter de la maladie de l'employé avec le médecin de la Banque.

[91] Le Télécentre ne recevait aucun renseignement médical concernant Mme Wong et ne prenait aucune décision sur la foi de renseignements médicaux. Il s'en remettait totalement à l'évaluation du Centre de santé.

[92] Il fallait transmettre la formule 2932 au Centre de santé pour que l'employé commence à recevoir des prestations d'invalidité de courte durée. Par la suite, le médecin de l'employé devait soumettre cette formule au moins une fois par mois (ou plus fréquemment selon la dernière évaluation du médecin) afin de tenir le Centre de santé au courant de l'état de santé de l'employé. Le maintien des prestations d'invalidité de courte durée était déterminé en fonction de ces rapports médicaux à jour.

[93] Le régime d'invalidité de courte durée était autoadministré par la Banque par l'entremise du Centre de santé. Grâce à ce régime, Mme Wong a reçu son plein salaire pendant six mois.

[94] Habituellement, un mois environ avant qu'il cesse de bénéficier de prestations d'invalidité de courte durée, l'employé recevait une formule de demande de prestations d'invalidité prolongée. On évitait ainsi toute interruption dans le versement des prestations d'invalidité.

[95] Le régime d'assurance-invalidité prolongée de la Banque était administré par la Sun Life au nom de la Banque. C'est la Sun Life qui, sur la foi de la preuve médicale et des déclarations de l'employeur et de l'employé, décidait d'approuver ou de refuser les demandes de prestations. Les prestations d'invalidité prolongée représentaient 70 p. 100 du salaire et pouvaient être versées pendant un an, après quoi le cas était réévalué périodiquement.

[96] Mme Fitzjohn était chargée de l'administration du volet non médical du régime d'assurance-invalidité de courte durée au Télécentre. Selon son témoignage, Mme Fitzjohn veillait à l'époque à ce que Mme Wong continue de bénéficier de prestations d'invalidité de courte durée, car le Centre de santé ne recevait pas à temps du médecin de Mme Wong la formule 2932. Mme Wong a continué de recevoir ses prestations d'invalidité de courte durée, bien que Mme Fitzjohn ait dû à un certain nombre de reprises écrire à Mme Wong pour demander que son médecin transmette la formule nécessaire au Centre de santé à l'appui de sa demande de prestations.

[97] La première formule 2932 que la Dre Alexander a transmise au Centre de santé remonte au 19 février 1996. Elle avait diagnostiqué un état dépressif et indiqué que le pronostic était bon. Quant à la date de retour au travail, elle était incertaine.

[98] Mme Wong a consulté la Dre Alexander à nouveau le 1er mars 1996. La Dre Alexander a rédigé une lettre indiquant que Mme Wong demeurerait en congé pendant un mois. Elle n'a pas transmis la formule 2932.

[99] Mme Wong a commencé à travailler à temps plein au Canada Trust le 18 mars 1996. Le salaire qu'elle recevait était un peu plus élevé que celui qu'elle touchait à la Banque. Elle n'a pas dit à Dre Alexander qu'elle travaillait. De toute évidence, elle n'a pas dit au Canada Trust qu'elle recevait des prestations d'invalidité de courte durée de la Banque.

[100] Mme Wong a vu à nouveau la Dre Alexander le 1er avril 1997. La Dre Alexander a transmis la formule 2932 qui indiquait que le diagnostic était un état dépressif, que le pronostic était bon, que Mme Wong était incapable de vaquer à ses affaires, et ce même au foyer, qu'elle n'était pas prête à retourner au travail et qu'elle devrait être en congé pendant un autre mois. La Dre Alexander a également dirigé Mme Wong vers la Dre Nesta Gordon, une psychothérapeute spécialisée dans le traitement des dépressions.

[101] Le 23 avril 1996, Mme Wong, après que Mme Fitzjohn eut communiqué avec elle, a dit à la Dre Alexander que le Centre de santé avait demandé un rapport à jour sur son état de santé. La Dre Alexander a écrit ce jour-là au Dr Waddell, le directeur médical du Centre de santé. Dans sa lettre, elle précisait qu'elle avait diagnostiqué une dépression et que Mme Wong éprouvait encore de la difficulté à vaquer à ses tâches quotidiennes. En terminant, la Dre Alexander affirmait que Mme Wong n'était pas prête à réintégrer ses fonctions habituelles.

[102] La formule 2932 que la Dre Alexander a transmise par la suite au Centre de santé portait la date du 30 mai 1996. Sur cette formule, la Dre Alexander indiquait qu'elle avait diagnostiqué un état dépressif et que le pronostic était bon. Elle affirmait également que Mme Wong pourrait réintégrer ses fonctions habituelles le 17 juin 1996. Ni la formule ni les notes cliniques de la Dre Alexander n'expliquaient pourquoi cette date avait été choisie. Dans son témoignage, la Dre Alexander n'a fourni aucune raison quant au choix de cette date. Toutefois, dans ses notes cliniques du 12 juin 1996, la Dre Alexander a précisé que Mme Wong voulait reprendre le travail le 17 juin 1996.

[103] Le 10 mai 1996, Mme Wong a consulté pour la première fois la Dre Nesta Gordon, une psychothérapeute dont le cabinet se trouvait à Oakville, en Ontario. Mme Wong a confié à la Dre Gordon qu'elle était très stressée et déprimée à cause de sa situation de travail à la Banque. Elle lui a raconté l'épisode de l'évaluation de rendement et celui de sa candidature au programme de formation des DASBP tout en précisant qu'on l'avait traitée injustement. Elle lui a également dit qu'elle était heureuse dans son ménage, bien que son mariage arrangé n'ait pas été sans comporter quelques ratés au fil des années. Elle a dit qu'elle éprouvait de la difficulté à dormir, que rien ne l'intéressait, pas même les tâches quotidiennes à la maison. Mme Wong n'a pas dit à la Dre Gordon qu'elle travaillait au Canada Trust.

[104] Du 8 février au 30 mai 1996, la Dre Alexander a affirmé à la Banque que Mme Wong n'était pas en mesure de retourner au travail. En outre, la Dre Alexander a constamment indiqué sur les formulaires 2932 qu'elle ne désirait pas discuter de la maladie de Mme Wong avec les médecins de la Banque. La Banque a accepté l'avis de la Dre Alexander (qui, a-t-elle convenu, était fondé dans une certaine mesure sur ce que Mme Wong lui disait), à savoir que Mme Wong n'était pas physiquement apte à travailler, et elle a continué de lui verser des prestations d'invalidité de courte durée.

[105] Pendant tout ce temps, Mme Wong travaillait au Canada Trust et touchait deux pleins salaires. Son explication à cet égard : elle voulait retourner au travail mais pas au Télécentre. Ses médecins n'auraient pas voulu qu'elle travaille; aussi elle ne leur a pas dit qu'elle travaillait au Canada Trust.

B. Recherche d'une affectation dans le cadre du programme de jumelage/observation

[106] En février 1996, Susan Stauth, à la suite de son entretien avec Mme Wong, a demandé à Earla Fitzjohn, qui était à l'époque directrice, Ressources humaines, au Télécentre de prendre en main le dossier et de tenter de trouver à Mme Wong, à Mississauga ou dans le District de Toronto, une affectation dans le cadre du programme de jumelage/observation.

[107] En février et mars 1996, Mme Wong a eu un certain nombre de conversations avec Mme Fitzjohn au sujet d'une affectation dans le cadre du programme. Elle lui a dit qu'elle avait déjà été affectée en 1995 à deux succursales à Mississauga, soit celle de Streetsville et celle de Creditview et Eglinton. Elle avait reçu de bonnes évaluations de la part des directeurs et disait préférer ces succursales, même si elle était prête à aller ailleurs. Mme Wong était d'avis que l'obtention d'une affectation à l'une ou l'autre de ces succursales ne poserait pas problème. Elle a également dit qu'elle était prête à retourner au travail, mais pas au Télécentre.

[108] Ce n'est que plus tard, en mai ou juin, que Mme Fitzjohn a entrepris des démarches en vue d'une affectation. Si elle a ainsi attendu, c'est parce qu'elle n'était pas convaincue que Mme Wong était physiquement apte à retourner au travail et qu'il fallait, pour ce faire, que son médecin donne le feu vert au Centre de santé. Mme Fitzjohn a dit à Mme Wong que c'était là la procédure de la Banque et que l'obtention d'une affectation était conditionnelle à l'attestation de son médecin qu'elle était capable de retourner au travail.

[109] Dans sa lettre RSVP à Mme Wong en date du 23 avril 1996, le vice-président Palmer avait indiqué qu'il avait demandé à Francine Dyksterhuis, qui avait succédé à Susan Stauth à titre de directrice du Télécentre, de discuter avec elle de ses préoccupations. Mme Dyksterhuis a rencontré Mme Wong à trois reprises.

[110] La première rencontre a eu lieu au début de mai 1996 ailleurs que dans les locaux du Télécentre, conformément à la demande de Mme Wong. Mme Dyksterhuis voyait cette rencontre comme l'occasion d'entendre la version de Mme Wong et ses préoccupations. Lors de cette rencontre, Mme Wong s'est plainte d'avoir fait l'objet d'un traitement injuste, de son évaluation annuelle, du rejet de sa candidature au programme de formation des DASBP et de ses problèmes avec Ian Turner.

[111] À la fin de la réunion, Mme Dyksterhuis a dit à Mme Wong qu'elle discuterait de ses préoccupations avec les intéressés au Télécentre afin d'avoir les deux côtés de la médaille, ce qu'elle a fait.

[112] Mme Wong et Mme Dyksterhuis se sont à nouveau rencontrées le 22 mai 1996. À cette occasion, Mme Dyksterhuis a dit à Mme Wong qu'elle avait fait le suivi nécessaire et qu'elle avait conclu qu'on ne l'avait pas traitée injustement.

[113] Mme Wong a répondu qu'elle ne pouvait, en raison du stress, réintégrer ses fonctions au Télécentre. Mme Dyksterhuis n'a pas cautionné cela et a dit à Mme Wong qu'un poste l'attendait au Télécentre si elle décidait d'y retourner. Elle a toutefois ajouté qu'elle examinerait d'autres options, y compris celle du jumelage. Cependant, elle n'a pas promis à Mme Wong de jumelage parce que cela ne relevait pas d'elle. Le Télécentre pourrait faire une demande, mais il revenait à la succursale d'y acquiescer.

[114] Mme Wong a demandé à Mme Dyksterhuis si elle était au courant des prochains programmes de formation des DASBP. Mme Dyksterhuis a dit qu'elle demanderait à Mme Fitzjohn de s'informer, mais qu'elle ne promettait pas d'appuyer sa candidature à ce moment-là.

[115] Mme Dyksterhuis et Mme Wong ont eu une troisième rencontre au début de juin 1996, ailleurs qu'au Télécentre encore une fois. Mme Fitzjohn y a assisté à la demande de Mme Dyksterhuis.

[116] À cette occasion, Mme Dyksterhuis a exposé les trois options qui s'offraient à Mme Wong. D'abord, elles tenteraient de trouver un jumelage qui ne mènerait pas nécessairement à un poste permanent. Mme Wong a dit comprendre qu'elles essaieraient de le faire avant le 27 juin 1996. Le Télécentre paierait son salaire durant trois mois. Mme Wong pouvait également accéder à Info-Carrières en vue de trouver un autre poste permanent, auquel cas le Télécentre la libérerait de son poste. Info-Carrières est une ligne téléphonique qui permet de se renseigner sur les occasions d'emploi au sein de la Banque; les employés y ont accès 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Enfin, elles faciliteraient le retour de Mme Wong au Télécentre.

[117] En ce qui concerne le retour au Télécentre, Mme Dyksterhuis a indiqué dans son témoignage que ce centre en était à ses tout débuts lorsque Mme Wong a commencé à y travailler. Depuis, le Télécentre avait pris beaucoup d'expansion et les possibilités y étaient nombreuses, tant pour ce qui est des emplois que des endroits où travailler. Vu la croissance rapide du Télécentre, les possibilités changeaient presque d'une semaine à l'autre. Mme Dyksterhuis était prête à réaffecter Mme Wong à un endroit différent, situé loin de celui où elle avait travaillé auparavant. Mme Wong n'était pas disposée à envisager ce scénario. Elle avait affirmé d'emblée qu'elle ne pouvait retourner au Télécentre et qu'elle ne le ferait pas.

[118] En ce qui a trait aux prochains programmes de formation des DASBP, il y en avait un de prévu en septembre 1996. Toutefois, Mme Dyksterhuis a réitéré que le Télécentre n'appuierait pas la candidature de Mme Wong. La raison : Mme Wong était en congé depuis février 1996, et le Télécentre ne pouvait s'appuyer sur rien pour évaluer son rendement et déterminer si elle serait à la hauteur. Le Télécentre pourrait peut-être appuyer sa candidature à une date ultérieure. Comme James McGuire l'a dit à Mme Dyksterhuis, il ne s'agissait pas de déterminer si elle serait admise au programme de formation des DASBP mais quand.

[119] La position de Mme Dyksterhuis était qu'un employé ne peut pas toujours obtenir exactement le poste qu'il désire. Le Télécentre était disposé à examiner la gamme des possibilités, mais il fallait que Mme Wong fasse montre de souplesse et s'efforce de trouver avec la direction une solution mutuellement acceptable.

[120] Mme Fitzjohn a communiqué avec la succursale de Streetsville afin de trouver un jumelage à Mme Wong. Le directeur l'a rappelée pour lui dire qu'il avait soumis la question à Paul Martin, le directeur de secteur, qui avait refusé d'offrir un poste. Le directeur de la succursale Creditview et Eglinton a téléphoné à Mme Fitzjohn pour lui dire qu'il n'était pas intéressé à un jumelage pour Mme Wong.

[121] Plus tôt en mai, Mme Fitzjohn avait téléphoné à la succursale Chestnut et Dundas; à l'époque, cette succursale avait indiqué qu'elle aurait peut-être une occasion de jumelage, ce qu'elle avait dit à Mme Wong. Toutefois, lorsque Mme Fitzjohn a rappelé en juin après avoir appris que Mme Wong pouvait retourner au travail, on lui a dit que la situation avait changé, que la succursale avait été restructurée et ne disposait pas du personnel nécessaire pour former Mme Wong. Cependant, la succursale avait deux postes à temps plein vacants et était intéressée à en confier un à Mme Wong, en raison de ses aptitudes linguistiques. Il fallait néanmoins que Mme Wong s'engage à occuper le poste pendant au moins 18 mois. La succursale avait demandé que Mme Wong présente sa candidature à l'un ou l'autre poste par le biais d'Info-Carrières. Dans l'un et l'autre cas, le niveau de salaire était moindre mais la succursale maintiendrait le salaire que touchait déjà Mme Wong.

[122] Mme Fitzjohn a communiqué avec Mme Wong pour lui parler de cette possibilité d'emploi. Dans son témoignage, Mme Fitzjohn a affirmé que Mme Wong lui a dit qu'un poste à temps plein à la succursale Chestnut et Dundas ne l'intéressait pas. Elle désirait plutôt un jumelage de trois mois parce qu'elle désirait poser sa candidature au programme de formation des DASBP de septembre 1996.

[123] Mme Wong a contredit cette version, affirmant que Mme Fitzjohn ne lui avait jamais parlé de l'emploi disponible à la succursale Chestnut et Dundas et qu'elle aurait posé sa candidature si elle avait été au courant. À cet égard, j'accepte le témoignage de Mme Fitzjohn, qui concorde avec les autres gestes posés par Mme Wong en juin.

[124] Mme Fitzjohn et Mme Wong se sont rencontrées le 27 juin 1996. Mme Fitzjohn a dit à Mme Wong qu'elle n'avait pas été en mesure de lui trouver un jumelage. Elle lui a également indiqué qu'elle avait eu un certain nombre d'entretiens avec Mme Dyksterhuis et que le Télécentre n'appuierait pas sa candidature au programme de formation des DASBP de septembre. Si la candidature de Mme Wong n'était pas à la hauteur le jour de son départ en congé d'invalidité de courte durée, rien n'indiquait qu'elle le serait pour le programme de septembre, étant donné qu'elle n'était pas retournée au travail.

[125] Le 28 juin 1996, Mme Wong n'en a pas moins présenté directement aux Ressources humaines du District du grand Toronto sa candidature au programme de formation des DASBP de septembre 1996. Dans sa demande, elle a indiqué que la directrice du Télécentre, Francine Dyksterhuis, n'était pas au courant de sa demande parce qu'elle était en vacances. Mme Wong a également indiqué qu'elle parlerait à Mme Dyksterhuis de sa demande à son retour de vacances et que Mme Dyksterhuis ferait suivre la documentation complémentaire. Sa demande lui a ensuite été retournée, le Télécentre ne l'ayant pas appuyée.

[126] Auparavant, Mme Wong avait communiqué avec Clara McLaughlin, conseillère en ressources humaines au Canada Trust, pour lui dire qu'elle ne pouvait continuer de travailler au Canada Trust en raison de problèmes personnels. Dans son témoignage à l'audience, Mme Wong a indiqué qu'elle était incapable de se concentrer et qu'elle ne pouvait maîtriser les nouveaux systèmes mis en place. Mme McLaughlin a acquiescé et Mme Wong a obtenu un congé sans solde à compter du 2 juin 1996, sa situation devant être réexaminée en août.

[127] À mon avis, la preuve démontre que l'objectif de Mme Wong à compter du milieu de 1995 était d'obtenir un poste de DASBP dans une succursale. Elle ne reconnaissait pas que sa candidature ne puisse être à la hauteur et attribuait son déclin aux actes posés par Ian Turner. Mme Wong estimait qu'elle aurait dû être admise au programme, compte tenu de ses compétences, de son expérience et de ses résultats de vente.

[128] Mme Wong était encouragée à l'idée d'un jumelage comme moyen d'accéder à un poste de DASBP. Il est raisonnable de conclure que les gestes qu'elle a posés, particulièrement vers la fin de mai et en juin, visaient à atteindre ce but. Croyant qu'elle obtiendrait un jumelage avant le 27 juin, elle a demandé un congé au Canada Trust à compter du 2 juin. Elle a protégé son poste au Canada Trust parce qu'elle n'était pas certaine qu'elle obtiendrait un jumelage ou un poste permanent dans une succursale. Elle a dit à la Dre Alexander qu'elle voulait retourner au travail le 17 juin 1996. Elle n'a pas posé sa candidature au poste vacant à la succursale Chestnut et Dundas. Elle a demandé au vice-président Palmer de l'aider à obtenir un poste de DASBP. Elle a posé sa candidature au programme de formation des DASBP de septembre 1996 tout en sachant que le Télécentre ne l'appuierait pas.

[129] On a demandé à Mme Wong pourquoi elle n'avait pas mis fin à son emploi à la Banque après avoir obtenu du Canada Trust un poste plus élevé et mieux rémunéré quelques heures après avoir parlé à Gary Ford le 8 février 1996. Mme Wong a répondu qu'elle était préoccupée par les problèmes à la Banque et par ce que la Banque lui avait fait. Même si elle avait obtenu un bon poste au Canada Trust, elle en voulait beaucoup à la Banque qui, à son avis, avait été injuste envers elle. Elle estimait que la Banque lui avait promis depuis longtemps qu'elle serait admise au programme de formation des DASBP, puis sa candidature avait été rejetée.

C. Prestations d'invalidité de courte durée et défaut de prendre des mesures d'adaptation

[130] Mme Wong n'est pas retournée travailler au Télécentre le 17 juin 1996. Le 3 juillet, elle a vu la Dre Alexander et lui a dit que la Banque voulait qu'elle réintègre ses anciennes fonctions. La Dre Alexander a soumis une formule 2932 en date du 8 juillet 1996 indiquant que, à son avis, Mme Wong pouvait retourner au travail mais non à son ancien poste. Afin que son état de santé puisse sans cesse continuer de s'améliorer, il fallait surtout éviter le stress professionnel.

[131] La Dre Alexander a convenu que cette évaluation était fondée sur ce que Mme Wong lui avait dit au sujet du stress professionnel. La Dre Alexander n'a pas communiqué avec qui que ce soit au Télécentre; par ailleurs, l'invalidité professionnelle et l'évaluation du milieu de travail ne sont pas ses spécialités.

[132] La Banque avait un point de vue différent. La Dre Alexander avait avisé le Centre de santé que Mme Wong était autorisée à revenir à son poste régulier le 17 juin 1996. Le 27 juin, Mme Fitzjohn avait informé Mme Wong qu'il n'y avait pas de possibilité de jumelage à ce moment-là. Mme Wong avait dit qu'elle ne retournerait pas au Télécentre. Par la suite, le Centre de santé a reçu de la Dre Alexander des documents attestant que Mme Wong pourrait reprendre le travail, ailleurs qu'au Télécentre. Le Centre de santé a informé le Télécentre que son retour là-bas n'était pas contre-indiqué, compte tenu des renseignements médicaux fournis.

[133] Mme Fitzjohn avait consulté le groupe des services consultatifs en matière de ressources humaines de la Banque, lequel est chargé de prodiguer aux cadres des conseils à propos des problèmes difficiles liés à l'emploi. Sur le conseil de ce groupe, Mme Fitzjohn a écrit à Mme Wong le 8 juillet 1996 pour l'informer que les renseignements médicaux fournis par son médecin n'étaient pas suffisants pour justifier le maintien de ses prestations d'invalidité de courte durée et qu'elle devait retourner travailler au Télécentre avant le 17 juillet 1996, sans quoi elle cesserait de toucher des prestations.

[134] On peut comprendre que cette missive a eu l'heur de choquer Mme Wong et que celle-ci ait demandé à la Dre Alexander d'y répondre, ce qu'elle a fait le 16 juillet en envoyant une lettre à Mme Fitzjohn. Dans sa lettre, la Dre Alexander a réitéré que Mme Wong était dans un état dépressif en raison du stress professionnel qu'elle avait subi et qu'il lui serait préjudiciable de réintégrer son poste. La Dre Alexander a demandé qu'un représentant du Centre de santé communique avec elle. Personne ne l'a fait.

[135] Mme Fitzjohn a transmis cette lettre au Centre de santé, qui l'a informée qu'elle ne contenait aucune nouvelle information justifiant le refus de Mme Wong de retourner au Télécentre. Par conséquent, le 18 juillet 1996, Mme Fitzjohn a écrit à Mme Wong pour l'aviser qu'étant donné qu'aucune nouvelle information n'avait été fournie, le Télécentre n'avait d'autre choix que de cesser de lui verser son salaire à compter du 18 juillet. Elle a également informé Mme Wong qu'elle devait retourner travailler au Télécentre avant le 24 juillet 1996, sans quoi ce dernier recommanderait qu'on mette fin à son emploi à la Banque.

[136] Les Dres Alexander et Gordon ont alors écrit à la Banque, faisant valoir de façon soutenue que Mme Wong était retombée dans un état dépressif et n'était pas apte à reprendre le travail. La Dre Gordon a également écrit au Dr Waddell au Centre de santé pour lui indiquer qu'à son avis, Mme Wong pourrait retourner au travail, mais non au Télécentre. La Dre Gordon était d'accord. Elle ne pensait pas que Mme Wong était apte à travailler où que ce soit.

[137] Le 29 juillet 1996, Mme Fitzjohn a écrit à Mme Wong pour lui dire que le Centre de santé avait reçu de plus amples renseignements médicaux mais avait conclu qu'ils ne suffisaient pas à justifier le maintien de ses prestations d'invalidité de courte durée. Il était donc essentiel qu'elle retourne au travail le 6 août 1996, sans quoi la Banque mettrait fin à son emploi.

[138] À la suite de cette communication, la Dre Alexander a envoyé d'autres lettres indiquant que Mme Wong ne pourrait pas bien fonctionner dans son poste actuel. Elle s'est montrée en outre très critique à l'égard des gestes posés par la Banque et du fait que celle-ci n'avait pas communiqué avec elle comme elle l'avait demandé.

[139] En conséquence, les prestations d'invalidité de courte durée de Mme Wong ont été rétablies le 8 août 1996, et antidatées de façon à couvrir la période allant du 18 juillet au 6 août 1996, c'est-à-dire l'ensemble des six mois.

D. Prestations d'invalidité prolongée et défaut de prendre des mesures d'adaptation

[140] Mme Wong a présenté à la Sun Life, l'administrateur du régime d'assurance-invalidité prolongée de la Banque, une demande de prestations d'invalidité prolongée. Sa demande, qui a été faite vers la fin d'août 1996, aurait dû normalement être présentée en juillet avant que ses prestations d'assurance-invalidité de courte durée soient épuisées. Cependant, ce n'est pas ce qui s'est produit du fait qu'on a cessé momentanément de lui verser des prestations de courte durée. La Sun Life a approuvé la demande de Mme Wong le 10 novembre 1996 et l'a antidatée au 6 août 1996, soit à la date de l'épuisement de ses prestations d'invalidité de courte durée.

[141] Toutefois, Mme Wong a soutenu que la Banque n'avait pas tenu compte de sa déficience en retardant de trois mois le versement de ses prestations d'invalidité prolongée. Elle a affirmé que cela lui avait causé un stress émotionnel et des difficultés financières.

[142] Le motif de ce retard semble résider dans la déclaration de l'employeur en date du 6 août (26?) que la Banque a transmise à la Sun Life en réponse à la demande de prestations d'invalidité prolongée de Mme Wong. Mme Fitzjohn a indiqué dans la déclaration de l'employeur qu'un poste à temps plein était disponible pour Mme Wong au Télécentre. Toutefois, lorsqu'elle a appris qu'elle n'était pas admise au programme de formation des DASBP, Mme Wong a estimé que ce n'était pas juste et elle a refusé de retourner travailler au Télécentre; elle est en congé de maladie depuis ce moment-là.

[143] Joyce Johnson, la coordonnatrice des prestations d'invalidité au Centre de santé, a elle aussi indiqué que la situation de Mme Wong semblait liée au travail tout en signalant qu'on avait autorisé le versement intégral à Mme Wong de prestations d'invalidité de courte durée. Mme Fitzjohn a expliqué que la déclaration exigeait de fournir tout renseignement relatif aux problèmes de rendement ou aux conflits en milieu de travail et qu'elle considérait cette information éclairante.

[144] La Sun Life a d'abord refusé la demande de Mme Wong. Le 19 septembre 1996, la Sun Life, dans une lettre à Joyce Johnson, a invoqué le motif suivant : les renseignements médicaux ne permettaient pas de conclure à une invalidité totale et Mme Wong semblait insatisfaite de sa situation de travail.

[145] Mme Wong a mobilisé à nouveau ses médecins. En septembre et octobre 1996, ses médecins ont écrit plusieurs lettres à la Sun Life, à Mme Dyksterhuis et à Mme Fitzjohn. La Dre Gordon, la Dre Alexander et le Dr Karl O'Sullivan, le psychiatre qui la traitait dans le cadre du programme de soins psychiatriques de jour de l'hôpital Trafalgar d'Oakville, étaient unanimes : elle était atteinte de troubles dépressifs majeurs et inapte à retourner au travail. Dans l'intervalle, Mme Dyksterhuis a écrit à Mme Wong le 16 octobre 1996 pour l'informer qu'étant donné que sa demande de prestations d'invalidité prolongée n'avait pas été acceptée, elle devait retourner travailler au Télécentre avant le 23 octobre 1996, sans quoi la Banque mettrait fin à son emploi.

[146] L'envoi de Mme Dyksterhuis a déclenché une nouvelle série de lettres des médecins de Mme Wong, lesquelles confirmaient leur avis médical antérieur. Les Dres Gordon et Alexander ont allégué de façon particulièrement soutenue que Mme Wong était inapte à faire quelque travail que ce soit et que le fait que son état ne s'était pas amélioré au fil des mois indiquait vraisemblablement qu'elle était atteinte d'une invalidité prolongée, voire permanente. Mme Wong a également écrit à Mme Dyksterhuis le 23 octobre 1996 pour l'informer qu'elle avait été admise à l'hôpital Trafalgar d'Oakville, souffrant de trouble dépressif majeur.

[147] La Banque a retiré sa recommandation de mettre fin à l'emploi de Mme Wong et la Sun Life a approuvé sa demande. Mme Wong a continué de recevoir des prestations d'invalidité prolongée jusqu'au 31 octobre 1997, date où les versements ont cessé.

E. Conclusion - Défaut de prendre des mesures d'adaptation tenant compte de la déficience de Mme Wong

[148] L'intimée ne conteste pas le fait que Mme Wong souffrait de trouble dépressif. Tous les médecins qui ont témoigné à l'audience partageaient cet avis.

[149] La question à débattre est plutôt la suivante : la Banque a-t-elle défavorisé Mme Wong en cours d'emploi et ainsi contrevenu au paragraphe 7b) de la Loi? Mme Wong allègue que la Banque a omis de tenir compte de sa déficience. Toutefois, avant que toute question d'adaptation puisse être soulevée par rapport à sa déficience, Mme Wong doit d'abord établir une preuve prima facie de discrimination.

[150] La Banque a-t-elle défavorisé Mme Wong en raison de sa déficience? À mon avis, la réponse à cette question est négative. La preuve fournit de nombreux exemples démontrant que la Banque a pris des mesures pour composer avec les besoins et la situation d'emploi de Mme Wong. Le Télécentre, fort de l'appui ferme d'Ian Turner et de James McGuire, a présenté la candidature de Mme Wong au programme de formation des DASBP, même s'il était évident que Mme Wong ne répondait pas aux critères (ancienneté, deux évaluations annuelles de rendement). C'est exactement ce que Mme Wong voulait et avait demandé.

[151] Lorsqu'il devint évident que les divergences entre M. Turner et Mme Wong étaient irréconciliables, celle-ci a été mutée à une autre équipe de vente au Télécentre, comme l'avait demandé Mme Wong par l'entremise de son médecin. De façon générale, Mme Wong était satisfaite de cet arrangement.

[152] Lorsque Mme Wong n'est pas retournée au travail après le 7 février 1996, la Banque lui a versé des prestations d'invalidité de courte durée sur la foi d'une lettre de la Dre Alexander, et ce sans avoir reçu la formule 2932 requise. La Banque a continué de verser à Mme Wong des prestations d'invalidité de courte durée, du moins jusqu'à ce que son médecin l'informe qu'elle était en mesure de retourner au travail et, finalement, pendant toute la période de six mois. Mme Fitzjohn s'est efforcée de faire en sorte que le médecin de Mme Wong fournisse la documentation nécessaire pour justifier ces prestations.

[153] De plus, la Banque a accepté, sans le remettre en question, le diagnostic de dépression de la Dre Alexander, son avis quant à la capacité de Mme Wong de retourner au travail ainsi que sa position voulant qu'elle ne désire pas discuter de la maladie de Mme Wong avec le médecin de la Banque.

[154] La Banque a accepté de tenter de trouver un jumelage à Mme Wong et de la rémunérer pendant trois mois après qu'elle eut maintenu et répété constamment à compter du 7 février 1996 qu'elle ne retournerait pas travailler au Télécentre. Cette prise de position de Mme Wong n'a été étayée par aucun avis médical, du moins jusqu'au milieu de juillet 1996, bien qu'elle l'ait mise de l'avant et maintenue à compter de février 1996.

[155] Mme Fitzjohn a bel et bien cherché d'autres options ailleurs qu'au Télécentre. Elle n'a pas entrepris sa recherche sans tarder, comme le voulait Mme Wong. Il lui fallait obtenir un avis médical indiquant que Mme Wong pouvait retourner au travail. Les médecins de Mme Wong disaient le contraire à la Banque.

[156] Mme Fitzjohn a communiqué avec les deux succursales où Mme Wong préférait obtenir un jumelage et où elle avait déjà obtenu des affectations dans le cadre du programme de jumelage/observation, comme elle l'avait dit à Mme Fitzjohn. Ni l'une ni l'autre des succursales n'était intéressée à offrir une occasion de jumelage à Mme Wong. Le Télécentre ne pouvait exiger qu'une succursale prenne Mme Wong dans son effectif.

[157] Mme Fitzjohn a réussi à trouver un poste permanent à la succursale Dundas et Chestnut, mais Mme Wong lui a dit que ce poste ne l'intéressait pas.

[158] Le Télécentre n'a pas appuyé la candidature de Mme Wong au programme de formation des DASBP qui était imminent (septembre 1996). Cette décision était logique. Si la candidature de Mme Wong n'avait pas été à la hauteur alors qu'elle travaillait à temps plein, on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'elle le soit alors que l'intéressée était en congé depuis cinq mois.

[159] Mme Dyksterhuis et Mme Fitzjohn ont toutes deux encouragé Mme Wong à retourner au Télécentre une fois qu'elle serait apte à reprendre le travail. Elles lui ont dit qu'elles faciliteraient son retour. Le Télécentre avait connu une expansion considérable tant du point de vue de la taille que du nombre de postes disponibles. Elles étaient disposées à l'affecter à un poste différent dans un service différent à un étage différent. Mme Wong pouvait accéder à Info-Carrières pour trouver un autre poste, auquel cas le Télécentre l'aurait libérée.

[160] Mme Wong voulait la solution parfaite. Et la solution parfaite résidait dans le programme de formation des DASBP ou dans une avenue qui mènerait à un poste de DASBP dans une succursale.

[161] Peut-on reprocher à la Banque d'avoir cessé de verser à Mme Wong des prestations en juillet 1996 et d'avoir exigé qu'elle retourne au travail, sans quoi elle mettrait fin à son emploi? Ou d'avoir tardé à approuver ses prestations d'invalidité prolongée. C'est ce que pense Mme Wong. Elle a soutenu que la Banque s'est montrée particulièrement insensible et n'a pas fait preuve de compassion à l'égard de son état de santé et des effets de ces décisions sur celui-ci.

[162] Examinons cependant la situation à la lumière des faits dont la Banque était au courant. Mme Wong a confirmé à maintes reprises qu'elle ne retournerait pas au Télécentre. Du 8 février au 30 mai 1996, le médecin de Mme Wong a indiqué que celle-ci n'était pas apte à reprendre le travail. Le 30 mai, la Dre Alexander a informé la Banque que Mme Wong pourrait réintégrer ses fonctions habituelles le 17 juin 1996. Mme Wong n'est pas retournée au travail ce jour-là. Aucune des autres options que la Banque lui a offertes ne lui convenait.

[163] Le 9 juillet 1996, la Dre Alexander a informé la Banque que Mme Wong pourrait retourner au travail, mais non au Télécentre. Le Centre de santé était d'avis que les renseignements médicaux de la Dre Alexander n'étaient pas suffisants pour justifier le maintien des prestations d'invalidité de courte durée. À mon avis, compte tenu des antécédents historiques, des gestes de Mme Wong et de l'avis médical fourni par la Dre Alexander, le Télécentre était justifié de recourir aux mesures en question.

[164] De même, je ne trouve pas que la Banque a traité de façon discriminatoire la demande de prestations d'invalidité prolongée de Mme Wong. Les antécédents historiques étaient les mêmes, si ce n'est peut-être que les observations de Mmes Fitzjohn et Johnson dans la déclaration de l'employeur ont contribué à les préciser. Quoi qu'il en soit, je refuse de croire que Mme Wong ait éprouvé des difficultés financières. Finalement, elle a reçu toutes les prestations d'invalidité de courte durée auxquelles elle avait droit et elle a reçu des prestations d'invalidité prolongée entre le 7 août 1996 et le 31 octobre 1997. De surcroît, Mme Wong a reçu un double salaire entre le 18 mars 1996 jusqu'au 2 juin 1996 au moins.

F. Conclusion

[165] J'ai conclu à la lumière de la preuve que la Banque n'a pas défavorisé Mme Wong en cours d'emploi. Mme Wong n'a pas établi de preuve prima facie de discrimination relativement à cet aspect de sa plainte. Compte tenu de cette conclusion, point n'est besoin d'examiner si la Banque a tenu compte de la déficience de Mme Wong. Le droit n'oblige aucunement la Banque de le faire.

IV. Cessation d'emploi Banque et Canada Trust

A. Retour au Canada Trust

[166] En août 1996, Clara McLaughlin a téléphoné à Mme Wong au sujet de la réintégration de son poste au Canada Trust. Mme Wong lui a dit qu'elle avait été mêlée à un accident de voiture. Mme McLaughlin a indiqué qu'elle demanderait à la Mutuelle du Canada, qui se chargeait de l'administration des prestations pour le compte de Canada Trust, de lui verser des prestations d'invalidité de courte durée. Mme Wong ne voulait pas demander ces prestations et a dit à Mme McLaughlin qu'elle était couverte par la police d'assurance de son mari, ce qui était faux. À ce moment-là, Mme Wong était sur le point de demander à la Banque des prestations d'invalidité prolongée ou l'avait déjà fait. Mme McLaughlin a insisté, de sorte que, entre le 12 août et le 2 octobre 1996, la Mutuelle du Canada a déposé quelque 5 000 $ dans le compte en banque de Mme Wong.

[167] Lorsque la Mutuelle du Canada a demandé à Mme Wong de lui présenter une demande de prestations d'invalidité de courte durée, Mme Wong a écrit à la compagnie le 2 octobre 1996 pour la prier d'annuler ses prestations d'invalidité de courte durée parce qu'elle avait reçu des prestations de sa compagnie d'assurance. Mme Wong a remboursé à la Mutuelle l'argent que celle-ci lui avait versé.

[168] Clara McLaughlin a accepté de prolonger le congé de Mme Wong.

[169] En juin 1997, Clara McLaughlin a téléphoné à Mme Wong pour lui dire qu'elle était en congé depuis un an et qu'il serait difficile de maintenir son emploi si elle ne retournait pas au travail.

[170] Mme Wong est retournée au travail au Canada Trust vers le 12 juin 1997 et y est demeurée jusqu'au 21 août 1997. À son retour au Canada Trust, elle a en fait été jumelée à un autre employé afin de se familiariser avec les nouvelles pratiques et procédures. Mme Wong a affirmé qu'elle avait été absente du travail un certain nombre de jours durant cette période parce qu'elle ne se sentait pas à la hauteur. Elle recevait son plein salaire de Canada Trust tout en touchant 70 p. 100 de son salaire de la Banque sous forme de prestations d'invalidité prolongée.

[171] Avec le temps, Mme Wong a décidé qu'elle ne pouvait occuper le poste au Canada Trust. Elle a fait des arrangements avec Clara McLaughlin pour prendre un congé de six mois à compter du 25 août 1997. Elle a dit à Mme McLaughlin que sa fille était malade à l'hôpital et qu'elle désirait revenir au travail l'esprit en paix.

[172] Vers la fin de juin ou au début de juillet 1997, Mme Wong a dit à la Dre Gordon qu'elle avait l'occasion de s'inscrire à un programme de formation au Canada Trust. La Dre Gordon avait l'impression qu'il s'agissait d'un programme d'essai et que Mme Wong n'était pas rémunérée. Mme Wong n'a pas dit à la Dre Gordon qu'elle travaillait au Canada Trust depuis le début de juin et qu'elle touchait un plein salaire.

[173] L'avis médical de la Dre Gordon était que Mme Wong était inapte au travail. Toutefois, elle ne voulait pas décourager Mme Wong de se soumettre à cet essai parce qu'il était important, à son avis, qu'elle constate que ses symptômes l'empêchaient d'exercer un emploi. Elle espérait que Mme Wong tenterait ensuite de recourir à certaines stratégies pour améliorer son état.

[174] La Dre Gordon considérait cela comme un exercice thérapeutique et pensait que Mme Wong tiendrait le coup un ou deux jours seulement. C'est la raison pour laquelle elle a conseillé à Mme Wong de ne pas informer la Sun Life de cette situation, ce que Mme Wong s'est abstenue de faire.

B. Enquête et congédiement par la Banque/Sun Life

[175] Le 29 juillet 1997, Mme Wong a rencontré le Dr Allan Rosenbluth, psychiatre et chef du Département de psychiatrie au Toronto East General Hospital. Le Dr Rosenbluth jouit d'une excellente réputation et posséde une vaste expérience dans les domaines de la déficience psychique et de l'invalidité professionnelle.

[176] La Sun Life avait retenu les services du Dr Rosenbluth pour effectuer une évaluation indépendante de l'état de santé de Mme Wong aux fins du maintien de ses prestations d'invalidité prolongée. La Sun Life n'était pas convaincue, compte tenu des renseignements médicaux reçus, que Mme Wong était totalement invalide et inapte à retourner au travail.

[177] Mme Wong a indiqué au Dr Rosenbluth qu'elle était devenue dépressive en raison de ses difficultés à la Banque. Son superviseur l'avait traitée de façon injuste et cavalière et elle avait obtenu une évaluation négative, même si elle était la meilleure dans l'équipe de représentants du service. À cause de cela, elle n'avait pas été admise au programme de formation des DASBP.

[178] En raison de cette situation, elle était devenue extrêmement angoissée et déprimée et ne faisait presque plus rien de ses journées. En fait, disait-elle, elle ne faisait rien d'autre que de s'asseoir et de ruminer ses problèmes avec la Banque. Elle a dit au Dr Rosenbluth qu'elle n'osait pas sortir seule, qu'elle craignait de faire de courtes marches si elle n'était pas accompagnée et qu'elle ne pouvait se rendre seule à ses rendez-vous médicaux. Mme Wong n'a pas dit au Dr Rosenbluth qu'elle travaillait au Canada Trust à cette époque.

[179] Mme Wong a également indiqué qu'elle avait eu une enfance normale, que son mariage était stable et qu'elle n'avait pas éprouvé de problèmes jusqu'au moment où elle était devenue dépressive à cause de la façon dont la Banque l'avait traitée.

[180] De l'avis du Dr Rosenbluth, la situation de Mme Wong était imputable à un ensemble de facteurs : son état dépressif, de sérieux problèmes professionnels et un certain degré d'exagération de ses symptômes. Il était quelque peu sceptique face à ce que Mme Wong lui avait dit. Mme Wong s'était présentée comme une personne qui était incapable de quitter son domicile et qui ne faisait rien d'autre que de s'asseoir à la maison et de ruminer ses problèmes avec la Banque. Pourtant, elle avait été en mesure de subir un examen psychiatrique intensif sans qu'il y ait confirmation des symptômes d'invalidité que présentent habituellement les personnes atteintes de troubles dépressifs majeurs.

[181] Le Dr Rosenbluth n'en est venu à aucune conclusion définitive quant à savoir si Mme Wong était totalement invalide. Si ce que Mme Wong lui avait dit était vrai, et si ses évaluations médicales antérieures étaient exactes, elle était invalide. Toutefois, un certain nombre de motifs reposant sur des preuves tangibles l'empêchaient de croire totalement à ce qu'elle lui avait dit.

[182] Le Dr Rosenbluth a énoncé ces conclusions dans son rapport médical à la Sun Life. Il a suggéré à la Sun Life de songer à une observation indépendante pour confirmer que Mme Wong était aussi limitée dans ses activités quotidiennes qu'elle le disait.

[183] Le Dr Frank Mace est actuellement le psychiatre qui traite Mme Wong. La première fois qu'elle l'a consulté (4 avril 1999), Mme Wong lui a dit qu'elle avait eu une enfance malheureuse et qu'elle avait été élevée dans un milieu lugubre et froid où elle n'était pas appréciée et où elle était victime d'injustices. Elle a dit également que son union arrangée était chroniquement malheureuse et qu'elle avait trouvé refuge dans son travail.

[184] En août 1997, la Sun Life a demandé une enquête non médicale sur les activités de Mme Wong. Grâce à cette enquête, la Sun Life a appris que Mme Wong travaillait au Canada Trust depuis le 18 mars 1996. La Sun Life a également appris que Mme Wong avait travaillé au Canada Trust à diverses périodes jusqu'en août 1997 et qu'elle avait reçu une rémunération d'environ 20 000 $.

[185] La Sun Life a transmis cette information au conseiller juridique de la Banque qui a demandé au Télécentre de faire enquête. Entre-temps, la Sun Life a cessé de verser des prestations d'invalidité prolongée à Mme Wong à compter du 31 octobre 1997.

[186] N'ayant pas reçu la prestation d'invalidité prolongée qu'elle attendait, Mme Wong a téléphoné à la Sun Life qui lui a dit d'appeler la Banque. Elle s'est entretenue avec Maureen Belza. Mme Belza a dit à Mme Wong que la Banque avait appris de la Sun Life qu'elle travaillait au Canada Trust; elle lui a demandé si c'était vrai.

[187] Au début, Mme Wong n'a parlé à Mme Belza que de la deuxième fois où elle avait travaillé au Canada Trust. Elle lui a dit qu'il s'agissait d'un programme de formation et qu'elle ne touchait qu'un maigre salaire. Elle a ajouté que, de toute façon, c'était sa psychiatre, la Dre Gordon, qui lui avait conseillé de faire cela et de ne pas le dire à la Sun Life.

[188] Mme Belza a demandé à Mme Wong de faire part de ses explications à la Sun Life et de demander à la Dre Gordon d'écrire à la Sun Life.

[189] Mme Wong a écrit à la Sun Life le 2 décembre 1997, indiquant que son médecin lui avait dit de ne pas travailler au Télécentre et que la Banque ne lui avait pas offert d'emploi ailleurs. Elle a également affirmé que le versement des prestations d'invalidité prolongée avait été interrompu, ce qui était faux, et que, privée de tout revenu, elle avait accepté de suivre un programme de formation offert par Canada Trust, ce qui était faux également. Aucun de ces faits n'était exact puisqu'elle avait demandé et accepté un poste au Canada Trust le 9 février 1996. Sa psychiatre, la Dre Gordon, lui avait conseillé de travailler au Canada Trust pour déterminer si elle était capable d'exercer des responsabilités professionnelles.

[190] À la demande de Mme Wong, la Dre Gordon a écrit à la Sun Life le 3 décembre 1997. Dans sa lettre, la Dre Gordon a affirmé que Mme Wong avait insisté pour retourner au travail et qu'elle avait approuvé sa décision d'accepter l'offre de Canada Trust, à la condition qu'il s'agisse d'un essai thérapeutique. La Dre Gordon a précisé dans sa lettre qu'elle avait conseillé à Mme Wong d'attendre avant d'aviser la Sun Life parce qu'elle croyait que son retour au travail se solderait par un échec en raison de son état dépressif.

[191] À ce moment-là, la Dre Gordon n'était pas au courant que Mme Wong avait travaillé au Canada Trust du 18 mars au 2 juin 1996.

[192] Le 8 décembre 1997, Mme Belza et Mme Wong ont eu une nouvelle conversation. À cette occasion, Mme Belza a dit à Mme Wong qu'elle disposait de renseignements détaillés selon lesquels elle avait travaillé au Canada Trust à deux reprises, soit en 1996 et à nouveau en 1997; elle a demandé à Mme Wong de confirmer cela. Mme Wong a répondu à Mme Belza que la Banque avait cessé de lui verser son salaire pendant cinq mois, qu'elle n'avait pas d'argent et qu'elle avait dû retourner travailler. Elle a blâmé à nouveau la Banque pour tout cela. Elle a offert de rembourser à la Sun Life les prestations d'invalidité de courte durée qu'elle avait reçues de mars à juin 1996 alors qu'elle travaillait au Canada Trust. Cependant, elle n'avait jamais songé à rembourser cette somme auparavant car, a-t-elle dit, elle ne pouvait dire à la Banque qu'elle travaillait ailleurs.

[193] Mme Belza et Mme Wong ont eu une autre entretien vers le 23 ou 24 décembre 1997. À cette occasion, Mme Belza a dit à Mme Wong que son dossier serait examiné aux échelons supérieurs à la Banque et qu'elle risquait d'être congédiée parce qu'on doutait de son honnêteté et de son intégrité.

[194] Après que des cadres supérieurs se soient livrés à un vaste examen de la situation, la Banque a décidé de mettre fin à l'emploi de Mme Wong. Mme Belza a écrit à Mme Wong le 13 janvier 1998 pour l'informer que la Banque n'avait plus confiance en son honnêteté et son intégrité parce qu'elle avait touché en connaissance de cause des prestations d'invalidité alors qu'elle travaillait ailleurs. Par conséquent, la Banque l'a congédiée pour cause sur-le-champ. Dans sa lettre, Mme Belza a invité Mme Wong à lui faire part de tout renseignement complémentaire qui n'était pas disponible antérieurement ou qui n'avait pas déjà été fourni à la Banque pour examen. Mme Wong n'a fourni aucun renseignement du genre.

[195] La Sun Life a également écrit à Mme Wong le 10 février 1998 au sujet de sa demande de prestations d'invalidité prolongée. Dans sa lettre, la Sun Life a souligné que Mme Wong avait déclaré tant à la compagnie qu'à la Banque qu'elle était totalement inapte à faire son travail, alors qu'elle travaillait au Canada Trust. Étant donné que cette déclaration était fausse et qu'elle n'était plus une employée de la Banque, Mme Wong n'était plus admissible aux prestations d'invalidité.

C. Prestations d'invalidité du Canada Trust/Mutuelle du Canada

[196] N'ayant toujours pas reçu le 18 décembre 1997 de nouvelles de la Sun Life au sujet de sa demande de rétablissement des prestations d'invalidité prolongée, Mme Wong a téléphoné à la Mutuelle du Canada pour s'enquérir de la possibilité de recevoir des prestations d'invalidité prolongée du Canada Trust. Mme Wong a reçu un formulaire de demande qu'elle a présenté à la Mutuelle du Canada le 23 décembre 1997. Dans son témoignage, Mme Wong a indiqué qu'elle désirait que ses prestations d'invalidité de courte durée soient versées à compter du 23 décembre 1997, afin qu'il n'y ait pas de chevauchement avec les prestations de longue durée de la Sun Life.

[197] Au Canada Trust, un plan d'invalidité de courte durée devait être établi dans les trois mois suivant le départ en congé de maladie. Dans le cas de Mme Wong, la date pertinente était le 21 août 1997. Toutefois, la Mutuelle du Canada a renoncé à cette exigence et approuvé la demande. En mars 1998, Mme Wong a reçu un versement forfaitaire représentant quatre mois de salaire qui était antidaté au 21 août 1997 pour la période allant du 21 août au 21 novembre 1997, laquelle chevauchait sa période de prestations d'invalidité prolongée de la Sun Life.

[198] Mme Wong a présenté à la Mutuelle une demande de prestations d'invalidité prolongée le 28 mars 1998. Sa demande a été approuvée et elle a reçu 50 p. 100 de son salaire. Mme Wong a également réclamé et reçu des prestations d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada à compter de janvier 1998.

[199] Lorsque Mme Wong a présenté sa demande de prestations d'invalidité prolongée à la Mutuelle, Clara McLaughlin lui a téléphoné pour lui demander si elle avait reçu des versements d'une autre source à compter d'août 1997. Mme Wong a répondu par la négative. Elle a expliqué qu'elle était coincée et que, de toute façon, elle n'était pas une employée de la Banque et ne touchait pas de prestations de la Banque.

[200] La preuve démontre également que Mme Wong a pris d'autres mesures pour éviter de divulguer tous les faits au Canada Trust. Dans sa demande à la Mutuelle, elle n'a pas fait état de sa période d'emploi à la Banque. En outre, elle a enjoint la Dre Gordon de ne pas fournir à la Mutuelle de rapports médicaux portant sur la période où elle était au service de la Banque. Mme Wong a également enjoint la Dre Gordon de ne divulguer à la Mutuelle que des renseignements sur son état clinique et aucun renseignement de base ou de nature professionnelle.

[201] Mme Wong s'est aussi montrée très sélective en ce qui concerne l'information qu'elle a fournie à la représentante de la Mutuelle qu'elle a rencontrée en avril 1998 au sujet de sa demande de prestations d'invalidité prolongée. Mme Wong lui a confié que, depuis le décès de sa mère, son état dépressif s'était aggravé. Elle a également attribué un bon nombre de ses difficultés à l'absence de soutien de la part de son conjoint et lui a dit que leur union vieille de 26 ans avait été arrangée. Elle a fait mention d'autres facteurs expliquant sa dépression : son enfance malheureuse, son accident de voiture en 1996, l'hospitalisation de sa fille et le fait qu'on lui ait diagnostiqué subséquemment une maladie mentale en 1977 et, enfin, sa situation financière actuelle. Elle n'a pas fait état de ses difficultés avec la Banque.

D. Conclusion Congédiement de Mme Wong en raison de sa déficience

[202] J'avais réservé ma décision à l'égard de la demande de Mme Wong visant à modifier sa plainte afin d'y ajouter l'allégation que la Banque avait mis fin à son emploi en contravention de l'art. 7 de la Loi.

[203] J'ai conclu que j'avais compétence selon la Loi pour modifier la plainte et je suis convaincu que, ce faisant, je n'ai pas porté préjudice à la Banque. Je suis également persuadé que la Banque a eu amplement l'occasion de répliquer à la plainte.

[204] La preuve comporte de nombreux exemples montrant que Mme Wong a été sélective quant à l'information divulguée et qu'elle a adopté une stratégie fondée sur la tromperie ou le mensonge. Exemples :

  1. son omission de dire à la Banque qu'elle avait accepté un poste au Canada Trust;
  2. son omission de dire aux Dres Alexander et Gordon qu'elle travaillait au Canada Trust;
  3. son omission de divulguer à Gary Ford du Canada Trust qu'elle était encore une employée de la Banque;
  4. ses instructions à la Dre Gordon voulant que celle-ci ne divulgue pas à la Mutuelle de renseignements concernant la période où elle a travaillé à la Banque, et son omission de dévoiler ce fait dans la demande de prestation d'invalidité prolongée présentée à la Mutuelle;
  5. sa déclaration à Clara McLaughlin qu'elle n'avait pas besoin de prestations d'invalidité prolongée en 1996 après son accident de voiture parce qu'elle était couverte par la police d'assurance de son mari;
  6. sa déclaration à Clara McLaughlin, en avril 1998, selon laquelle elle n'avait reçu jusque là aucune indemnité de quelque source que ce soit;
  7. sa déclaration au Dr Rosenbluth, en juillet 1997, voulant qu'elle ait eu une enfance et une adolescence normales, ainsi qu'un mariage stable, et qu'elle n'ait éprouvé aucun problème avant de devenir dépressive à cause du traitement injuste de la Banque. Ses déclarations au Dr Mace et à la représentante de la Mutuelle selon lesquelles sa dépression était attribuable à un certain nombre de facteurs personnels;
  8. sa déclaration à Maureen Belza, initialement, selon laquelle elle n'avait travaillé au Canada Trust qu'occasionnellement et que c'est sur le conseil de la Dre Gordon qu'elle l'avait fait;
  9. sa déclaration à la Sun Life, en mars 1996, voulant que ses médecins lui aient conseillé de ne pas travailler au Télécentre, qu'elle ait cessé de recevoir des prestations d'invalidité et que le Canada Trust lui ait offert un programme de formation assorti d'indemnités de formation, ce qui n'était pas du tout le cas.

[205] Mme Wong ne conteste pas le fait qu'elle n'a pas dit toute la vérité à ses médecins, à la Banque, au Canada Trust, à la Sun Life ou à la Mutuelle. Je partage l'opinion de la Banque voulant que cela soulève immanquablement des doutes quant à l'honnêteté et à l'intégrité de Mme Wong et à la possibilité pour la Banque de la garder à son service dans une industrie où ces qualités revêtent une importance primordiale.

[206] Dans son témoignage, Mme Wong a affirmé que sa décision de garder son poste à la Banque et de demander des prestations d'invalidité tout en travaillant au Canada Trust était attribuable, en partie, à sa colère envers la Banque et, en partie, à son sentiment que cette dernière l'avait traitée injustement. Cela dénote un manque de jugement de sa part. Toutefois, elle a attribué ce manque de jugement et les gestes qu'elle a posés au fait qu'elle était tellement stressée, angoissée et déprimée qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait. Elle ne devrait pas, selon elle, être tenue responsable des gestes posés, car elle était dans un état dépressif.

[207] Les Drs Rosenbluth et Mace ont tous deux commenté cette question au cours de leur témoignage. Le Dr Mace a souligné que l'état dépressif, à moins de revêtir un caractère psychotique (incapacité de distinguer la vérité des fantasmes), n'empêche pas de prendre des décisions rationnelles. Mme Wong n'était pas à son avis psychotique. Le Dr Mace a également affirmé qu'un individu déprimé n'en demeure pas moins capable de prendre toutes sortes de décisions. Ce n'est pas une maladie susceptible d'entraîner une carence sur ce plan.

[208] Le Dr Rosenbluth a été tout aussi catégorique. À son avis, et compte tenu de son expérience, les personnes atteintes de problèmes psychiatriques ne sont pas plus menteuses que les autres citoyens. En fait, ces personnes sont probablement moins susceptibles de mentir qu'un autre type de malade. Les troubles psychiatriques n'amènent pas à mentir, pas plus d'ailleurs que les troubles dépressifs. Il n'y a pas de lien entre ces deux choses-là. La tendance à mentir n'est pas imputable à la maladie.

[209] Mme Wong, quels que soient ses motifs -- colère envers la Banque, sentiment d'avoir été traitée injustement, désir d'obtenir ce qui, selon elle, lui avait été promis, motifs financiers, vie de famille malheureuse -- a opté pour la tromperie et dissimulé des renseignements clés. Mais ce qui est pire encore, elle a décidé d'agir de façon malhonnête tant avec la Banque qu'avec le Canada Trust.

[210] La Banque n'a pas congédié Mme Wong parce que sa déficience l'empêchait de remplir ses fonctions. En fait, la Banque a reconnu sa déficience en lui consentant des prestations d'invalidité de courte durée ou prolongée. La Banque a plutôt congédié Mme Wong en raison de la malhonnêteté et du manque d'intégrité dont elle a fait preuve en travaillant au Canada Trust alors qu'elle avait fait valoir à la Banque qu'elle était totalement inapte au travail.

[211] À mon avis, compte tenu des témoignages d'expert des Drs Mace et Rosenbluth, Mme Wong n'a pas établi le lien nécessaire entre sa malhonnêteté et son manque d'intégrité et son état dépressif. Le mensonge n'est pas quelque chose qu'on peut imputer à la maladie.

[212] Par conséquent, j'ai conclu que la Banque n'a pas mis fin à l'emploi de Mme Wong en raison de sa déficience. Elle l'a fait en raison de sa fourberie. Mme Wong n'a pas établi de preuve prima facie à cet égard.

V. Représailles de la Banque

[213] Mme Wong a demandé que sa plainte soit modifiée afin d'y ajouter une allégation de représailles aux termes du par. 14.1 de la Loi. J'ai examiné cette requête et les arguments invoqués par la Banque à l'encontre d'une telle modification.

[214] À mon avis, il s'agit d'une modification corrélative qui découle de la plainte initiale et qui doit être examinée dans le cadre de cette audience.

[215] Je crois comprendre que la position de Mme Wong est la suivante : la Banque a communiqué avec le Canada Trust/Mutuelle pour obtenir des renseignements relatifs à l'emploi de Mme Wong au Canada Trust durant la période où elle recevait des prestations d'invalidité prolongée de la Banque. Mme Wong n'avait donné à la Banque aucune autorisation à cet égard. À la suite des démarches de la Banque, le Canada Trust et la Mutuelle ont mené une enquête qui les a amenés à mettre fin à l'emploi de Mme Wong et au versement des prestations d'invalidité. Mme Wong soutient que la Banque a fait cela en guise de représailles par suite du dépôt d'une plainte relative aux droits de la personne.

[216] Ni le témoignage de Mme Wong ni son argumentation n'indique clairement les mesures que la Banque a prises et le moment où elle les aurait prises. C'est là un élément important, étant donné que le par. 14.1 de la Loi est entré en vigueur le 30 juin 1998. Si les gestes posés par la Banque remontent à une date antérieure, l'allégation de Mme Wong n'est pas fondée. Toutefois, aux fins de l'examen de cette question, je supposerai que les présumés gestes de la Banque ont été posés après le 30 juin 1998.

[217] Le par. 14.1 de la Loi reconnaît que le fait d'exercer des représailles contre un individu qui a déposé une plainte en vertu de la Loi constitue une infraction. Ce tribunal n'a rendu aucune décision quant à ce qui constitue des représailles aux termes de cet article de la Loi.

[218] En revanche, un certain nombre de décisions ayant trait à des allégations de représailles portées en vertu des codes provinciaux des droits de la personne ont été rendues. Celle qui est le plus souvent citée est Entrop c. Imperial Oil Ltd. (No. 7) (2). Dans Entrop, la commission d'enquête de l'Ontario s'est penchée sur l'interprétation de l'art. 8 du Code ontarien des droits de la personne, dont le libellé est différent de celui du par. 14.1 de la Loi. Je suis toutefois d'avis que l'art. 8 du Code ontarien et le par. 14.1de la Loi sont similaires quant à leur objet et à la protection qu'ils offrent. L'un et l'autre interdisent d'exercer des représailles contre un individu qui exerce les droits que lui confère la Loi.

[219] Selon Entrop, pour prouver que cet article a été enfreint, il faut démontrer l'existence d'un lien entre les présumées représailles et l'exercice des droits du plaignant en vertu de la Loi. Lorsque des faits démontrent que l'intimé entendait user de représailles en raison d'une plainte relative aux droits de la personne, le lien nécessaire est établi. Toutefois, si le plaignant perçoit raisonnablement que les mesures prises constituent des représailles en raison de la plainte relative aux droits de la personne, il pourrait également s'agir de représailles, nonobstant l'intention prouvée de l'intimé. Bien sûr, il faut déterminer dans quelle mesure la perception du plaignant est raisonnable. L'intimé ne devrait pas être tenu responsable de l'angoisse ou des réactions exagérées du plaignant (3).

[220] Un certain nombre de tribunaux provinciaux des droits de la personne se sont inscrits en faux contre l'analyse présentée dans Entrop. Ces tribunaux ont soutenu qu'en vertu des dispositions relatives aux représailles que renferme la loi applicable, le plaignant doit prouver l'intention de l'intimé d'exercer des représailles. La disposition relative aux représailles ne s'apparente pas aux autres dispositions législatives qui confèrent des droits et ne devrait pas être interprétée comme s'appliquant à des gestes en apparence neutres de l'intimé qui sont susceptibles d'avoir des conséquences défavorables pour le plaignant (4).

[221] Comme la Cour suprême du Canada l'a affirmé dans Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor) (5), la Loi canadienne sur les droits de la personne vise à éliminer les distinctions injustes. La Loi s'attache à éliminer la discrimination plutôt qu'à punir; par conséquent, les motifs ou les intentions des auteurs d'actes discriminatoires ne constituent pas une préoccupation majeure du législateur.

[222] À mon avis, on ne devrait pas, selon la logique de Robichaud, interpréter le par. 14.1 comme exigeant que le plaignant prouve l'intention d'exercer des représailles. On ne devrait pas non plus, à mon avis, interpréter le par. 14.1 comme étant différent, du point de vue de l'application, des articles de la Loi qui confèrent des droits. D'après le libellé du par. 14.1, exercer des représailles constitue un acte discriminatoire. Les mesures de redressement qui s'appliquent aux infractions à cet article sont les mêmes que celles qui s'appliquent aux autres actes discriminatoires aux termes de la Loi. À cet égard, le par. 14.1 devrait être confronté à l'art. 59 de la Loi.

[223] Au regard de cette analyse, peut-on conclure que la Banque entendait exercer des représailles contre Mme Wong parce qu'elle avait déposé une plainte relative aux droits de la personne? Peut-on conclure que la perception de Mme Wong voulant que la Banque ait exercé des représailles contre elle était raisonnable? À mon avis, la réponse à ces deux questions est négative.

[224] Mme Wong a déposé sa plainte le 23 août 1996. En août 1997, la Sun Life a appris que Mme Wong travaillait au Canada Trust et a communiqué ce renseignement à la Banque. La Banque a donné suite à cette communication et pris contact avec le Canada Trust/Mutuelle pour faire confirmer la durée d'emploi de Mme Wong au Canada Trust. Rien dans ces faits n'indique ou n'étaie la prétention de Mme Wong que la Banque a fait cela parce qu'elle avait déposé une plainte relative aux droits de la personne.

[225] En 1996 ou 1997, Mme Wong a déposé une plainte à l'encontre de la Banque en vertu de la Section XIV Partie III du Code canadien du travail, alléguant qu'elle avait été congédiée injustement. L'audience portant sur cette plainte a débuté le 11 août 1997 et s'est poursuivie pendant un certain nombre de jours en 1997, 1998 et 1999. Un certain nombre de points ont été contestés au cours de l'audience. Par exemple, la Banque et Mme Wong ne s'entendaient pas sur le montant que lui avait versé le Canada Trust. La Banque a cité à comparaître Clara McLaughlin qui a témoigné dans cette affaire le 21 octobre 1998.

[226] Selon une note interne du Canada Trust/Mutuelle en date du 30 octobre 1998 (déposée en preuve par Mme Wong), c'est à l'occasion de l'instruction de cette plainte, et plus précisément du témoignage de Mme McLaughlin, que le Canada Trust et la Mutuelle ont découvert que Mme Wong avait soumis une demande de prestations d'invalidité à un autre assureur alors qu'elle recevait déjà de la Mutuelle de telles prestations. La Mutuelle a fait enquête et obtenu confirmation de la Sun Life que tel était le cas.

[227] Le 24 novembre 1998, après un entretien avec Mme Wong, Mme McLaughlin a informé par lettre cette dernière que le Canada Trust mettait fin aussitôt à son emploi pour un motif valable. Le 13 décembre 1998, la Mutuelle a écrit à Mme Wong pour l'informer qu'elle cessait de lui verser des prestations d'invalidité prolongée.

[228] Ni la Banque ni la Sun Life ni le Canada Trust ni la Mutuelle n'a réclamé un remboursement à Mme Wong.

[229] J'ai à nouveau conclu, sur la foi de la preuve, que la Banque n'a pas exercé de représailles contre Mme Wong du fait qu'elle avait déposé une plainte relative aux droits de la personne.

VI. Conclusion

[230] Eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, la plainte qu'Edith Wong a déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne le 23 août 1996 et qui a été modifiée subséquemment, est par la présente rejetée.


J. Grant Sinclair, président

OTTAWA (Ontario)

Le 15 juin 2001

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL No : T545/0300

INTITULÉ DE LA CAUSE : Edith Wong c. Banque Royale du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : 15 juin 2001

ONT COMPARU :

Edith Wong En son propre nom

Hal Rolph Avocat de la Banque Royale du Canada

1. O'Malley c. Simpson-Sears Ltd., [1985] R.C.S. 536.

2. (1995), 23 C.H.R.R. D/213; confirmée (1998) O.A.C. 188 (Cour div.); modifiée pour d'autres motifs (2000), 50 O.R. 3(d) 18 (C.A.). Autres affaires pertinentes : Abouchar v. Metropolitan Toronto School Board (1998) 31 C.H.R.R. D/411; Moffatt v. Kinark Child and Family Services (1998) 35 C.H.R.R. D/205; Gerin v. I.M.P. Group Ltd. (No. 2) (1996), 29 C.H.R.R. D/21; Honey v. Coquitlam (1999) 34 C.H.R.R. D/415; Donaldson v. 463963 Ontario Ltd.; (1994) C.H.R.R. 26; Jones v. Amway of Canada, Ltd. [2001]O.H.R.B.I.D. No. 9; Jamieson v. Victoria Native Friendship Centre (1994) 23 C.H.R.R. D/250.

3. Supra, p. D/219, par. 38 et 39.

4. Voir, par exemple, Guerin v. I.M.P. Group Ltd. (No. 2); Jamieson v. Victoria Friendship Centre; Jones v. Amway Canada Ltd.; supra, renvoi 2.

5. [1987] 2 R.C.S. 84.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.