Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

AMANDA DAY

la plaignante

- et -

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

ET MICHAEL HORTIE

les intimés

MOTIFS DE LA DÉCISION

2003 TCDP 16

2003/04/04

MEMBRE INSTRUCTEUR : Dr Paul Groarke

[TRADUCTION]

TABLE DES MATIÈRES

I. LA PLAIGNANTE EST-ELLE APTE À TÉMOIGNER?

II. LA PLAIGNANTE EST-ELLE APTE À POURSUIVRE LA CAUSE?

III. REJET

IV. INTERDICTION DE PUBLIER

V. DOSSIERS PRIVÉS

VI. OBSERVATION FINALE

VII. DÉCISION

[1] La présente est ma deuxième décision sur la question de l'habilité, initialement soulevée dans le cadre de la preuve principale de la plaignante. J'ai joint aux présents motifs la décision précédente (annexe A). Dans le cadre de la décision susmentionnée, j'ai exprimé mes réticences au sujet de la capacité de la plaignante à témoigner et j'ai déclaré que sa participation à la procédure devait faire l'objet d'un suivi. Un certain nombre d'autres préoccupations ont émergé au cours du contre-interrogatoire. J'ai par la suite autorisé les intimés à présenter de nouveau leur requête pour obtenir que la plaignante soit déclarée inapte à témoigner.

I. LA PLAIGNANTE EST-ELLE APTE À TÉMOIGNER?

[2] La requête initiale a été présentée de nouveau à la lumière d'un certain nombre d'observations présentées aux premières étapes du contre-interrogatoire. Les intimés m'ont remis des extraits de la transcription récente, qui a été désignée comme pièce dans le voir-dire. Les avocats ont souligné les passages qui les préoccupent et ont soutenu que ce serait une erreur de poursuivre la procédure. Ils ont affirmé, depuis le début de l'audience, que les allégations de la plaignante étaient le fait d'un dérèglement d'ordre psychologique.

[3] J'ai joint (annexe B) certains des renvois les plus évocateurs, ainsi qu'un extrait dans lequel la plaignante décrit son état durant la période où elle aurait censément fait l'objet d'un harcèlement. Les éléments de preuve les plus troublants se rapportent au fait que la plaignante est convaincue que d'autres personnes lui ont mis des pensées ou des phrases dans la tête. Elle croit que c'est ce qui se passait durant la période où elle aurait fait l'objet de harcèlement. Cela serait aussi arrivé plus récemment. Sa prétention générale semble être que des personnes ont implanté des suggestions subliminales dans son esprit, et qu'elle est contrainte d'y obéir. La plaignante croit donc avoir été programmée à agir de certaines façons.

[4] Les résultats de la suggestion susmentionnée incluent des affirmations n'ayant aucun rapport évident avec les circonstances dans lesquelles elles sont prononcées. La plaignante a témoigné avoir dit I see Helter Skelter [ci-après Je vois Pêle-Mêle ] à la vue du portrait d'une femme nue dans le chantier naval. Elle affirme avoir fait la déclaration susmentionnée parce que quelqu'un, du nom de Robin, lui avait dit que c'était ce qu'elle dirait, des années avant que la plainte ne survienne. Elle était aussi programmée à dire qu'elle avait le SIDA, lorsqu'on a constaté qu'elle était séro-négative pour le VIH, et à dire [TRADUCTION] oink, oink, tu comprends dans des circonstances qui ne peuvent être qualifiées que de bizarres. Cette même personne, qu'elle appelait [TRADUCTION] Robin le pourri , lui aurait aussi dit qu'elle devait se livrer à un établissement psychiatrique un jour. Ce qu'elle raconte est confus, mais se rapporte au fait qu'elle a accepté d'aider une personne qui était une prostituée.

[5] Le problème que soulèvent de tels genres de remarques découle de l'objet de la plainte dont je suis saisie. La plaignante a témoigné qu'à un certain moment, au moins, elle croyait que Dieu lui disait de présenter la plainte. Elle est également convaincue que le particulier intimé l'a programmée à entendre certaines fréquences et à jouer une chanson populaire à la guitare, sans l'avoir apprise. Certaines de ses observations présentent un caractère moins anodin. La plaignante a affirmé à deux reprises que l'intimé pourrait l'avoir programmé à se blesser ou à se suicider. Elle a aussi affirmé que l'intimé avait été programmé. Étant donné qu'elle est au courant d'une telle programmation, elle dit croire être la mieux placée pour le contre-interroger.

[6] Il ne s'agit là que de certains des aspects les plus troublants du témoignage. Les intimés ont exprimé d'autres motifs de préoccupation. Il existe des éléments de preuve qu'elle présente des épisodes de dissociation indépendamment de ce qu'on puisse penser de son état psychologique. Son comportement à la barre des témoins, et ailleurs, a été excentrique et empreint d'émotivité. J'ai constaté de multiples incidents troublants, qui attestent tous de la difficulté éprouvée par la plaignante à l'audience. Ma décision précédente sur l'habilité décrit en partie ce comportement.

[7] Les intimés ont soutenu que la plaignante ne peut répondre au critère établi par le juge Dubin dans l'arrêt R. c. Hawke (1975) 7 O.R. (2d) 145. Le critère, selon la jurisprudence, semble comporter deux éléments. Un témoin ne peut témoigner si le tribunal est convaincu que soit

  1. son état psychologique actuel, soit
  2. son état psychologique au moment des faits en cause

l'empêchent de présenter un témoignage auquel un juge raisonnable des faits pourrait se fier. Il s'agit ultimement d'une question d'ordre juridique et non d'ordre psychologique. Le Tribunal est l'instance la mieux placée pour juger de la valeur probatoire des éléments devant lui. Le facteur le plus important à prendre en compte dans une cause comme celle dont je suis saisi sera normalement la conduite du témoin à la barre.

[8] J'ai autorisé la plaignante à présenter sa preuve principale, malgré les difficultés qu'elle éprouvait à la barre. Une partie de sa preuve a été présentée de façon intelligible et présentait une lucidité satisfaisante. Toutefois, plus récemment, une partie de son témoignage a semblé déconnecté de la réalité. Même si la plaignante a affirmé confronter ses perceptions avec la réalité, elle n'est pas disposée à envisager la possibilité que le dérèglement de ses perceptions que j'ai déjà décrit soit le produit d'un état psychologique. Selon les mots des avocats, elle n'acceptera pas d'autre réalité que la sienne propre.

[9] La plaignante ne peut faire la différence entre ses perceptions perturbées et la réalité. Cette incapacité remonte à la période du harcèlement allégué. Le problème consiste à distinguer les parties les plus fiables de la preuve de la plaignante des parties peu fiables. Il s'agit ici exactement du type de situation, à mon avis, où un juge serait contraint de déclarer la nullité d'un procès, si ce type de preuve devait être présenté devant un jury. Il existe une limite au-delà de laquelle un tribunal ne peut plus évaluer l'exactitude d'un témoignage.

[10] Il m'apparaît que les circonstances dont je suis saisi sont plus que suffisantes pour annuler la présomption coutumière selon laquelle un témoin est habile à témoigner. Je suis convaincu, d'après la prépondérance des probabilités, que le témoignage de la plaignante ne répond à aucun des deux éléments du critère juridique. Il serait manifestement déraisonnable de rendre des décisions sur la foi de son témoignage. Je ne suis pas d'avis qu'un juge des faits pourrait en toute sécurité s'appuyer sur la preuve qu'elle présente pour conclure contre les intimés. Il s'ensuit que le témoignage de la plaignante ne peut être admis dans la procédure dont je suis saisi.

II. LA PLAIGNANTE EST-ELLE APTE À POURSUIVRE LA CAUSE?

[11] Je crois qu'en toute justice il faut dire que la participation de la plaignante à la présente procédure est parsemée de difficultés. Les intimés ont soutenu qu'elle n'a pas la capacité psychologique pour poursuivre la cause. Les avocats n'ont pas pu citer de précédent jurisprudentiel à cet égard et j'ai déjà indiqué au dossier que ce type de conclusion ressemble dangereusement à une conclusion selon laquelle une personne serait inhabile au sens juridique plus général du terme. Une telle conclusion déborde nettement le cadre de mes attributions. Je n'ai ni le pouvoir ni l'envie d'exprimer une opinion sur la question de savoir si la plaignante est habile au sens large de ce terme. Je suis cependant convaincu, malgré les préoccupations que j'ai exprimées, que je peux exercer le pouvoir auxiliaire qui consiste à déterminer si elle est apte à participer à l'audience.

[12] Il importe en l'espèce d'être prudent. Selon l'interprétation que j'en fais, la loi exige seulement qu'une personne qui donne des instructions à un avocat ait une compréhension de base des décisions qu'il faudra prendre dans le cadre de la procédure juridique. J'ai déjà fait comprendre aux avocats qu'un tribunal ne peut intervenir que dans les cas les plus évidents, lorsqu'une partie perd la capacité de prendre les décisions les plus fondamentales sur la gestion de la cause. La question de savoir si une partie est apte, ou non, à participer à une procédure juridique est habituellement tranchée en fonction de sa capacité à donner des instructions à son avocat. Ce sont donc l'aptitude et l'état de la plaignante qu'il faut examiner dans un tel contexte, plutôt que la difficulté liée au déroulement de la procédure. Une personne a le droit de se représenter elle-même, même si elle ne possède que peu de la formation normalement requise, pour traiter des questions devant un tribunal.

[13] La vraie difficulté qui se pose en l'espèce en est une d'ordre pratique, puisque la conduite de l'instance incombe à la plaignante. Je me rends compte que la cause dont je suis saisi serait difficile pour toute partie plaignante, particulièrement si elle est privée des ressources d'un avocat. Les difficultés de la plaignante dépassent toutefois de telles préoccupations normales. Elle a de la difficulté à se maîtriser lorsque ses émotions entrent en jeu et a souvent agi de façon perturbatrice. Je ne suis pas d'avis qu'elle dispose des ressources affectives et psychologiques nécessaires pour participer normalement à la procédure, quels que soient les accommodements que je pourrais lui accorder. Être trop rigide sur de telles questions serait une erreur, mais le décorum et l'intégrité de la procédure doivent être respectés. Il y va véritablement de l'équité de la procédure.

[14] Une partie ne peut se prévaloir des avantages de la procédure juridique et rejeter en même temps le pouvoir de l'instance responsable de statuer sur l'espèce. La plaignante a eu un comportement perturbateur et semble croire à l'existence d'un effort concerté en vue de la priver de ses droits. Elle n'hésite pas à interrompre les avocats et à accuser les autres parties d'abuser de la procédure. Lorsqu'elle s'est rendue compte que j'allais vraisemblablement statuer sur la présente requête en sa défaveur, elle a tourné son attention vers le Tribunal. Plutôt que de comparaître le dernier jour de l'audience, elle a adopté le point de vue, dans une pièce de correspondance adressée à l'agent du greffe, que le Tribunal avait entrepris de l'humilier publiquement. Une telle réaction ne peut être interprétée que comme une autre manifestation de son état psychologique. Bien que la plaignante manifeste souvent les caractéristiques d'une personne normale, son comportement présente un côté irrationnel qui entrave constamment sa capacité de participer à la procédure.

[15] Les tribunaux ont traité, dans des affaires criminelles, de questions semblables, même si le processus pénal diffère sensiblement de la présente procédure. Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Whittle [1994] 2 R.C.S. 914 traite d'une manière incidente de l'aptitude d'un accusé à subir son procès. Le jugement porte, à la p. 933, qu'un accusé requiert seulement une capacité cognitive limitée de comprendre le processus . Bien que le seuil établi par ce qui précède soit très bas, il reconnaît la disposition pertinente du Code criminel, qui pose la question de savoir si l'accusé est capable d'assumer sa défense ou de donner des instructions à un avocat à cet effet. Le jugement indique qu'une partie doit pouvoir arrêter un choix, et j'irais plus loin en affirmant qu'il doit s'agir d'un choix utile. Une partie dont les choix sont entièrement arbitraires est inapte à participer à une procédure juridique.

[16] En guise de principe général, il semble improbable qu'une personne incapable de témoigner parce qu'elle souffre de troubles reconnus puisse prendre le genre de décisions nécessaires pour donner des instructions à un avocat. J'affirme ce qui précède parce qu'il suffit à une personne qui comparaît comme témoin de présenter un récit fiable de certains événements. Cela n'exige pas la capacité de prendre des décisions sur la conduite de la cause. Je ne saurais dire si la décision rendue dans Whittle tient compte de cette question. Toutefois, il me semble qu'une partie doit pouvoir comprendre, dans une certaine mesure, les conséquences des décisions qu'il faut arrêter dans la poursuite d'une affaire. En l'espèce, par exemple, la plaignante a demandé une ordonnance qui aurait pour effet la divulgation par le tuteur public de ses dossiers en ce qui concerne une récente requête déposée en vue de l'interner. Elle ne semblait pas capable, cependant, de discerner le fait que sa demande pouvait mener à la divulgation de renseignements susceptibles d'aider les intimés, soit sur la question de l'habilité soit sur le fond de la cause.

[17] La plaignante a déjà éprouvé des difficultés à présenter sa preuve principale. Nous avons seulement commencé à la contre-interroger, après un mois d'audience, et nous ne sommes pas même venus près d'aborder les allégations substantielles. Je ne veux pas conjecturer des difficultés qu'elle éprouvera lorsque les avocats entreprendront de sonder sa preuve concernant les allégations d'ordre sexuel plutôt effrayantes déposées devant moi. Je ne crois pas qu'il soit possible de se lancer dans une telle entreprise, cependant, et je suis d'avis que ce serait une erreur de poursuivre la procédure plus avant. Je ne crois pas non plus que la plaignante soit capable de contre-interroger le particulier intimé d'une manière indiquée et je me vois contraint de dire que l'autoriser à ce faire serait source d'un réel danger. Je suis préoccupé du fait qu'elle a d'autres raisons de rechercher une telle confrontation, ces raisons ayant davantage trait à ses obsessions psychologiques qu'à l'objet de la procédure d'audience.

[18] Dans un tel contexte, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, de l'inaptitude de la plaignante à participer à la procédure ou à donner des instructions à un avocat pour qu'il représente ses intérêts. Je ne crois pas qu'elle puisse prendre les décisions nécessaires à la poursuite de la présente cause. Je crains aussi que son incapacité de prendre des décisions utiles ne la pousse à agir d'une manière qui lui portera un préjudice grave et irréparable, des points de vue juridique, affectif et psychologique. J'estime que le rapport du Dr Kaplan, introduit comme pièce dans le voir-dire, mérite d'être soigneusement pris en compte dans un tel contexte.

III. REJET

[19] Il n'y a pas moyen de poursuivre l'audience à ce moment. Il peut cependant exister diverses façons de régler la situation actuelle. J'ai soulevé la possibilité, par exemple, de la nullité de la procédure. Cependant, le choix fondamental se fera entre un ajournement de l'affaire et le rejet des plaintes. En théorie, à tout le moins, l'affaire pourrait être reportée indéfiniment, l'hypothèse étant qu'une autre audience pourra être tenue si la plaignante devient plus tard habile à cet égard. La faisabilité d'un tel choix serait plus grande si les plaintes étaient récentes.

[20] À mon avis, la présente cause a déjà été trop retardée. Même si les intimés portent une partie de la responsabilité de ce retard, au moins devant le Tribunal, je suis d'avis que clore l'affaire servirait la justice. Il est temps de mettre un terme à cette longue et douloureuse procédure. Je suis particulièrement préoccupé du sort du particulier intimé, qui a dû vivre avec de telles allégations, d'une façon ou d'une autre, pendant huit ou neuf ans. Beaucoup des allégations en cause sont extravagantes et extrêmement embarrassantes. Elles comprennent des allégations de viol et d'inconduite sexuelle avec des enfants. Les intimés ont soutenu d'emblée que lesdites allégations étaient tout à fait dénuées de fondement. Des enquêtes ont été tenues et je ne crois pas que l'intérêt de la justice serait servie par un retour à la présente cause dans deux ou trois ans, uniquement pour reprendre la procédure. Comme la plaignante l'a elle-même fait observer, l'espèce a déjà épuisé des ressources publiques importantes.

[21] L'une des plaintes dont je suis saisi concerne la présence de pornographie au chantier naval. Le fait soulève des questions d'ordre institutionnel qui me préoccupent. Au plan pratique, toutefois, je ne suis pas d'avis qu'il soit possible de séparer la plainte susmentionnée des autres plaintes. Bien que l'affaire soit moins pressante dans le cas de l'institution intimée, il ne fait aucun doute que des affaires comme celle dont je suis saisi ne peuvent avoir qu'un effet démoralisant sur des employés. Les trois plaintes ont eu une incidence sur la vie des officiers et d'employés particuliers, qui veulent se dégager des allégations de la plaignante. Dans le contexte militaire, je crois de plus que l'estime envers sa propre institution, chez l'intimé, mérite une certaine mesure de protection. La présente cause présente un côté scandaleux, qui va au-delà des personnes qui ont directement été touchées par l'enquête et l'audience.

[22] La plaignante a déjà bénéficié d'une longue audience. Toutes les occasions possibles lui ont été données de présenter des éléments de preuve et, d'une certaine façon, à tout le moins, j'estime que les intimés ont été placés dans une position périlleuse. Il semblerait que je sois placé dans le cas inverse de celui des tribunaux, lorsqu'une demande d'ajournement est rejetée et qu'une partie est convoquée pour défendre sa cause. Si une telle partie omet de le faire, la partie adverse a droit à une décision sur le fond. Nous sommes ici en présence d'un défaut de présentation d'une preuve, suivi, du moins par déduction, d'une demande d'ajournement. Je suis néanmoins d'avis que le fondement logique est le même dans les deux cas susmentionnés. Puisqu'il serait injuste d'ajourner l'affaire, et j'ai rejeté une telle possibilité, je suis d'avis que les intimés ont droit à un rejet [des plaintes]. Le principe de la préclusion doit prévaloir et doit s'appliquer dans les deux cas.

[23] Un des bons points d'une procédure juridique se rapporte à sa finalité. Lorsqu'une plainte est fondée ou rejetée, la question de la responsabilité se trouve close. Le tribunal est dessaisi et l'affaire devient une chose jugée. Si le tribunal a erré, les parties peuvent demander une révision judiciaire. Sinon, les parties doivent respecter les résultats. Il s'agit là d'un des avantages de toute procédure devant une cour ou un tribunal. Vient un temps où les gens doivent reprendre le cours normal de leur vie.

IV. INTERDICTION DE PUBLIER

[24] Deux autres questions doivent être examinées. La première se rapporte au fait que je ne vois pas de motif contraignant de maintenir l'interdiction de publier eu égard à la présente procédure. Le simple fait que les allégations aient un caractère offensant ne justifie pas une interdiction de publier. M. Hortie peut interpréter le rejet de la plainte comme la consécration de sa position et quiconque reprend le récit des allégations est tenu de respecter le fait que la plainte a été rejetée. Si une personne présente faussement l'affaire, ou omet de respecter la vérité, M. Hortie et les autres disposent des recours normaux.

[25] La population et la presse ont le droit d'examiner la procédure du Tribunal et les résultats de chaque cause. La liberté d'expression exige une certaine liberté dans les communications. Il s'agit là d'un élément crucial de notre régime, un élément qui ajoute au caractère de justice de la procédure.

[26] Même si la divulgation de renseignements personnels sur la plaignante me préoccupe, cette dernière a demandé la levée de l'interdiction de publier. Même si j'ai conclu à son inaptitude à se représenter elle-même, je me tiens tenu de prendre son point de vue en compte. Elle est fermement d'avis que la divulgation publique de la présente affaire revêt un caractère important.

V. DOSSIERS PRIVÉS

[27] Les intimés sont en possession d'une grande quantité de renseignements personnels sur Mme Day. Ces renseignements incluent des dossiers médicaux et psychologiques, qui traitent de domaines d'examen qui n'entrent normalement pas dans le champ d'un examen juridique. Il y a, par exemple, le rapport du Dr Williams, rédigé lorsque la plaignante a été internée au Pavillon Eric Martin en novembre 2000, contre son gré. Le rapport décrit d'une manière considérablement détaillée l'état psychologique et affectif précaire de la plaignante à ce moment. Les intimés sont aussi en possession des notes rédigées par la plaignante dans le cadre de la préparation d'un long compte rendu de ce qui s'était passé. Le Dr Kaplan, le témoin expert qui a comparu au nom des intimés, a des documents semblables en sa possession.

[28] Il s'agit là de renseignements qui seraient normalement confinés au domaine privé et non divulgués à d'autres parties. Les documents ont été divulgués parce que les intimés avaient soulevé la question de l'état psychologique général de la plaignante dans le cadre de l'audience. Cet état fondait leur défense. La plainte a maintenant été rejetée, toutefois, et ces questions sont maintenant éteintes. Je ne vois pas pourquoi les autres parties auraient le droit de conserver ces renseignements sans motif contraignant. Aucun tel motif n'a été invoqué.

[29] La plaignante s'oppose, et on peut le comprendre, à ce que ces documents demeurent en possession des autres parties. À mon avis, sa demande est raisonnable. La Cour suprême a reconnu que les demandes visant le respect de la vie privée ont un certain poids constitutionnel. Ces renseignements ont droit à la même protection que celle qui est accordée à nos pensées les plus intimes. Il n'y a aucune raison pour que des tiers prennent connaissance, accidentellement ou de manière délibérée, de tels renseignements personnels une fois l'audience terminée.

[30] Les intimés ont néanmoins exprimé leurs préoccupations devant le fait que lesdits documents pourraient être détruits. Cette préoccupation découle des déclarations antérieures de la plaignante selon lesquelles elle avait l'intention de poursuivre le litige sur d'autres tribunes. Elle a aussi déclaré qu'elle aurait détruit ses notes si elle avait su qu'elles allaient être divulguées. Il y a d'autres moyens de régler ce point, cependant. Étant donné les circonstances, je suis d'avis que la question peut être réglée en remettant les documents au Tribunal, étant entendu qu'ils seront conservés sous scellé. S'ils sont requis à l'avenir, les intimés pourront présenter une requête devant le Tribunal pour obtenir une ordonnance de divulgation.

VI. OBSERVATION FINALE

[31] Je me rends compte que la plaignante sera déçue et peut-être fâchée devant l'issue des présentes. Elle semble se croire trahie par toute la procédure. Cet état des choses est en partie attribuable à l'expérience qu'elle a vécue à la barre des témoins. Elle est d'avis qu'on lui a demandé de dire la vérité, le seul résultat étant qu'elle a été punie parce qu'elle a parlé ouvertement de son vécu psychologique. Je comprends ses sentiments à cet égard, mais il n'y a rien que je puisse dire, si ce n'est pour la féliciter d'avoir parlé franchement. Le fait n'a aucune incidence sur l'issue des présentes.

[32] Toute procédure se heurte à des limites et, dans certains cas, il est tout simplement impossible de procéder. On peut cependant trouver un côté positif à la présente audience. Même si la procédure a été parsemée de difficultés, l'aspect le plus important de la présente affaire est peut-être que la plaignante a terminé la présentation de sa preuve principale, même si ce témoignage a, en bout de ligne, été déclaré inadmissible. La perfection n'est pas de ce monde, mais d'une certaine manière, la plaignante a véritablement eu la possibilité de se faire entendre. Il s'agit là d'un fait suffisamment important pour justifier la tenue de la procédure. Outre cela, je ne puis rien ajouter.

VII. DÉCISION

[33] Je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, la plaignante est inapte à témoigner. Je suis aussi convaincu qu'elle est inapte à prendre des décisions utiles sur la conduite et le déroulement de sa cause. Elle est incapable de participer à l'audience. Je tiens à ce que le dossier public fasse clairement mention du fait que je suis d'avis que son bien-être serait gravement menacé par la poursuite de la procédure.

[34] Étant donné les circonstances, je suis convaincu que la plaignante a eu amplement la possibilité de présenter sa cause, dans toute la mesure du possible. Aucun des éléments de preuve mis à ma disposition ne fonde ses allégations et les plaintes sont rejetées.

[35] L'interdiction de publier est par la présente levée. Les dossiers médicaux et psychologiques concernant la plaignante, ainsi que les notes personnelles en cause, pourront être conservés pendant six mois à compter de la date d'expiration de toute période de révision ou d'appel subséquent. Cela devrait plus que suffire aux fins de l'examen des dossiers. Si les intimés veulent transmettre au Tribunal une copie des pièces pertinentes, elles seront gardées sous scellé. Les autres copies en possession des intimés devront être détruites. J'aimerais recevoir une lettre des avocats, laquelle confirmera que chacun des intimés s'est conformé à la présente consigne. Je garderai la compétence de modifier ce volet de mon ordonnance, selon l'évolution des circonstances.

« Originale signée par »


Dr. Paul Groarke

OTTAWA (Ontario)

Le 4 avril 2003

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS DU TRIBUNAL Nos : T627/1501 et T628/1601

INTITULÉ DE LA CAUSE : Amanda Day c. Ministère de la Défense nationale et Michael Hortie

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 4 avril 2003

ONT COMPARU :

Amanda Day en son propre nom

Joyce Thayer au nom du Ministère de la Défense nationale

J. David Houston au nom de Michael Hortie

ANNEXE A

DÉCISION SUR LA CAPACITÉ

Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

AMANDA DAY

la plaignante

- et -

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

ET MICHAEL HORTIE

les intimés

DÉCISION SUR LA CAPACITÉ

2003 TCDP 13

2003/03/12

MEMBRE INSTRUCTEUR : Dr Paul Groarke

[TRADUCTION]

I. LA REQUÊTE DONT JE SUIS SAISI

[1] Les paragraphes suivants énoncent mes motifs de décision sur la requête des intimés visant à obtenir une décision ayant pour effet de déclarer que l'intimée est inhabile à témoigner dans la présente procédure. Je préfère, plutôt, formuler la question en termes de capacité et éviter les associations péjoratives avec le mot en usage dans la jurisprudence. Une deuxième question a été soulevée dans ce contexte, la question de savoir si la plaignante a la capacité de se représenter elle-même. Étant donné les circonstances de l'espèce, je ne crois pas qu'il serait dans l'intérêt des parties d'interrompre la procédure pour rédiger des motifs élaborés. Toutefois, je me sens tenu de rendre des motifs écrits avant de poursuivre la procédure.

[2] Avant de traiter du contexte de la requête, je ferai observer que la deuxième question pourrait sembler exiger un degré plus élevé de capacité, puisqu'une partie qui est habile à poursuivre une procédure doit être capable de participer à son déroulement. Cela semblerait normalement exiger l'atteinte d'une norme plus rigoureuse que la simple capacité de présenter des témoignages probants, à savoir une capacité simplement suffisante pour aider le juge des faits. La logique habituelle des circonstances semble toutefois inversée en l'espèce, étant donné les circonstances dont je suis saisi. Cette inversion découle du fait que la principale difficulté de la plaignante, comme l'a soutenu Mme Thayer, réside dans le récit des allégations sexuelles qui sont au cœur de la plainte. Il s'agit là sans nul doute de l'aspect le plus difficile de l'affaire, d'un point de vue juridique.

[3] Bien que j'aie plus directement ciblé la première question, qui concerne l'aptitude de la plaignante à témoigner, les faits sont qu'il existe une préoccupation générale quant à son état psychologique, ladite préoccupation s'étendant à tous les aspects de la cause. Je veux rassurer la plaignante et lui faire savoir qu'à mon avis, les autres parties ont agi en vue de préserver l'intégrité de la procédure et d'une manière qui tenait hautement compte du bien-être de la plaignante. Il n'y a rien d'irrégulier dans la requête dont je suis saisi : au contraire, je crois qu'il n'aurait pas été indiqué de poursuivre sans examiner les questions qu'elle soulève. Cela demeure vrai, quelle que soit ma décision sur la requête.

II. CONTEXTE GÉNÉRAL DE LA CAUSE

[4] Il convient que je précise d'abord que les antécédents de la présente affaire semblent parsemés de complications. Il est impossible d'ignorer que les antécédents psychologiques de la plaignante sont pertinents à la présente procédure. Le dossier médical, qui n'a pas été avéré de façon indépendante, révèle qu'elle a déjà été internée. Cela ne sert à rien de cacher le fait : il ne porte pas nécessairement à conséquence dans les circonstances présentes de la plaignante et, pour autant que je sache, les avocats ne laissent pas entendre qu'elle est inhabile au sens juridique large de ce terme. Ce point sert simplement à poser le contexte de la présente requête et à illustrer, avec le reste du dossier médical et psychologique, qu'il existe des motifs de préoccupation.

[5] Bien que je n'aie pas été mis au courant des faits qui peuvent avoir transpiré avant l'audience, la plaignante a indiqué à plusieurs reprises que la Commission des droits de la personne et les autres parties ont tenté d'obtenir une ordonnance qui aurait eu pour effet de la déclarer inhabile. Je n'exagère pas en disant qu'elle a l'impression qu'il y a un genre de conspiration en vue de l'interner. Je ne connais pas tous les détails de cette histoire, mais le dossier du Tribunal contient suffisamment d'éléments qui portent à croire que les doutes de la plaignante ne sont pas dénués de fondement. Ce qui précède ne se veut pas une critique : la présente affaire a été difficile pour toutes les personnes intéressées et je me sens simplement tenu d'établir les circonstances globales dans lesquelles s'inscrit la présente requête.

[6] La plaignante a inévitablement l'impression que tous les efforts passés visant à ce qu'elle soit déclarée inhabile étaient simplement un moyen commode de mettre fin à la présente instruction. Il s'ensuit qu'elle trouve extrêmement suspecte la présente tentative des autres parties de mettre en doute sa capacité de participer à l'audience. Elle est d'avis qu'il est profitable pour son bien-être psychologique de continuer et il existe au moins une preuve d'ordre médical qui corrobore une telle prétention. Il en découle des questions qui dépassent le champ de ma compétence, toutefois, et la position juridique de la plaignante est qu'elle a le droit de poursuivre. Ce droit inclut le droit de témoigner et de présenter sa version des faits. Je l'ai avertie qu'elle serait assujettie à un contre-interrogatoire complet, visant à approfondir les faits, qui allait sans nul doute remuer des souvenirs douloureux et être difficile au plan affectif. Cela ne l'a pas dissuadée.

III. CONTEXTE DE LA PRÉSENTE REQUÊTE

[7] La présente requête a certainement été présentée selon les règles et d'une manière responsable. La plaignante a affiché un comportement excentrique lorsqu'elle a présenté sa preuve principale. Cette présentation a donné lieu à des contorsions faciales, des pauses non indiquées, de forts hochements de tête, elle a levé les bras et affiché diverses attitudes corporelles, le tout s'écartant de la présentation normale d'une preuve de vive voix. Je mentionne les attributs susmentionnés de son témoignage puisqu'ils ne ressortent pas au vu du dossier. La plaignante a aussi proféré des jurons, a parfois commencé à sangloter, a parfois levé le ton ou adopté un ton moqueur ou évoquant des effets de théâtre, et n'a pas été en mesure de poursuivre à un certain nombre de reprises. L'aspect de sa preuve qui soulève le plus de difficulté, du point de vue de la gestion de la cause, se rapporte au fait qu'elle a trouvé difficile, et même impossible, de s'en tenir à une narration des événements qui ont mené à la présente plainte. Elle a sans cesse bifurqué sur d'autres questions, parfois d'une manière qui aurait semblé étrange et même bizarre pour quiconque a développé le sens de la pertinence.

[8] J'admets, comme les avocats l'ont soutenu, que le comportement de la plaignante s'est détérioré au fil de la présentation de sa preuve et a en bout de ligne culminé dans ce que je décris au dossier comme un accès de hurlements , qui est survenu lorsqu'elle n'a pas été capable de décrire un des présumés incidents de harcèlement sexuel. Selon moi, le qualificatif informes est la meilleure façon de décrire ces hurlements : ils ne véhiculaient aucun mot, à ma connaissance, et pour quelqu'un qui n'est pas un expert, du moins, la plaignante pleurait à la manière d'un enfant, un enfant inconsolable. L'agente du greffe a immédiatement fait un appel à l'ordre et j'ai quitté la salle d'audience, bien que selon toute évidence, elle se soit écroulée sur le plancher, se tordant dans des convulsions , selon les dires des avocats et y restant jusqu'à ce que les personnes présentes aient quitté la salle. Le Dr Kaplan, un psychologue témoignant au nom des intimés, a conseillé à l'agente du greffe d'appeler le 911, ce qui a été fait. Il ne faut pas interpréter ce qui précède comme une observation sur la nature de ce qui est arrivé, et qui est devenu source de controverse entre les parties.

[9] Un des agents de sécurité, Mme Dennis, est demeurée dans la salle d'audience et a plus tard témoigné au sujet de ce qui s'était passé. Elle a présenté un témoignage pondéré et des preuves prudentes, et j'accueille son exposé sur ce qui s'est alors passé. Le seul point que je me sens tenu de clarifier est le fait que l'audience n'a pas été reprise en l'absence de la plaignante. Cette possibilité n'est jamais entrée en ligne de compte, bien que les choses auraient pu se passer différemment si Mme Day avait été hospitalisée. Selon moi, l'affaire a été traitée en conformité avec un degré convenable de souci pour le bien-être de la plaignante et pour la nécessité de préserver le bien-fondé de l'instance. Une fois la plaignante rétablie, l'audience a repris brièvement, et la plaignante a indiqué qu'elle souhaitait poursuivre la présentation de sa preuve. Les autres parties, on peut le comprendre, ont demandé une suspension d'audience. La plaignante est devenue visiblement en colère en réaction aux observations des avocats, et j'ai cru qu'il était préférable de suspendre l'audience jusqu'au lendemain, le jour où les intimés ont déposé la présente requête.

[10] Je veux être juste. En un certain sens, toute cette affaire se trouve ainsi placée sous son plus mauvais jour. Je veux exprimer clairement que la plaignante est une personne intelligente qui parle souvent d'une manière lucide et qui perçoit véritablement la nature et l'objet de la présente procédure. Elle a présenté un témoignage cohérent à l'appui des plaintes. Un des aspects du problème est qu'elle ne connaît pas bien les coutumes propres aux instances juridiques formelles et, comme beaucoup de gens ordinaires, qu'elle n'est pas capable d'établir la différence entre un cadre formel et un cadre informel. De ce fait, sa façon d'agir et de parler est souvent inopportune. Elle n'est pas représentée, ce qui a ajouté à ses difficultés, et elle semble souvent dépassée par les menus détails propres à la preuve. Cela dit, et compte tenu de son peu de connaissances des procédures juridiques, de sa fragilité psychologique, et de ses multiples interruptions, elle semble comprendre le processus et être capable grossièrement de mener sa défense et de présenter sa preuve. Il ne fait aucun doute que sa présentation a énormément taxé la patience des avocats, et la mienne, mais c'est là une autre question, qui concerne davantage la question des accommodements.

[11] Après le dépôt de la requête, j'ai commencé le voir-dire en vue de décider de la question de l'habilité. Les intimés ont convoqué le Dr Kaplan, psychologue clinicien, qui était présent au cours de l'audience. Le Dr Kaplan a été reconnu en qualité d'expert et a exprimé de sérieuses réserves relativement à la poursuite de l'instance. Il a dit être d'avis que la plaignante souffrait de troubles de la personnalité du type paranoïde, ce qui, de façon inhérente, privait de fiabilité sa perception des faits. Il a également témoigné que, à son avis, la plaignante était entrée dans un état de psychose durant son témoignage. Le Dr Kaplan a aussi préparé un rapport écrit, qui a été déposé comme pièce dans le voir-dire. Mme Thayer s'est considérablement appuyée sur le point de vue du Dr Kaplan selon lequel la plaignante était dans un état psychotique au moment du présumé harcèlement sexuel. Les causes portent à croire qu'il s'agit là d'un important facteur à prendre en compte, mais ce facteur se rapporte au bien-fondé de la cause, et la preuve est loin d'être claire à ce moment.

[12] La plaignante a convoqué Mme Dennis en réponse, ainsi que deux experts, dûment reconnus à ce titre par le Tribunal. Sa thérapeute a aussi comparu à l'audience, bien qu'elle n'ait pas témoigné. Les éléments de preuve présentés par le Dr Hunter, un médecin ayant des connaissances expertes sur les troubles de stress post-traumatique, porte, pour l'essentiel, que le comportement de Mme Day était cohérent avec un tel diagnostic. L'autre témoin expert, le Dr Malcolm, un psychologue clinicien, a repris en grande partie la même position. Le Dr Malcolm a traité la plaignante par le passé et cette dernière l'a consulté avant le début de l'instance. M. Houston a fait vigoureusement opposition étant donné le fait que le Dr Hunter et le Dr Malcolm étaient d'avis qu'il serait injuste de priver la plaignante de son droit de poursuivre. Ces avis étaient le fait de bonnes intentions et reflétaient l'opinion de ces personnes selon laquelle il serait préférable, au plan psychologique, que la plaignante poursuive la procédure. La question de justice relève entièrement du Tribunal, toutefois, et déborde nettement la portée d'application d'une preuve d'expert.

[13] Les intimés ont aussi contesté la fiabilité des témoignages du Dr Hunter et du Dr Malcolm, au motif que ces derniers ne connaissaient pas bien les circonstances de la cause dont je suis saisi. Ils ont aussi soutenu, et on peut le comprendre, que le Dr Kaplan était mieux placé pour présenter une opinion éclairée sur le comportement de la plaignante à la barre des témoins. Je suis d'avis que les observations susmentionnées ne sont pas dénuées de fondement ce qui pourrait avoir une incidence sur l'importance à accorder aux témoignages, mais ne la réfute pas. À mon avis, il importe, dans le présent contexte, de reconnaître qu'il incombe aux intimés de me convaincre de l'incapacité de la plaignante à témoigner. La plaignante n'est pas tenue de prouver des affirmations positives de fait. Les éléments de preuve qu'elle a invoqués dans le cadre du voir-dire ne l'ont été que pour pallier la preuve des intimés et les experts n'ont pas déposé dans le but de démontrer son habilité.

[14] Il me reste à statuer sur un désaccord entre les experts quant à la nature exacte de la situation dont je suis saisi. Je ne propose pas d'entrer dans le détail de ce désaccord, même s'il existe un litige plus spécifique quant à ce qui est arrivé lorsqu'elle a commencé à hurler. Le Dr Kaplan a exprimé l'avis que la plaignante était entrée dans un état de rapide décompensation . Cette terminologie a fait l'objet d'une certaine discussion. Les experts, par ailleurs, ont été davantage enclins à croire qu'elle avait été saisie d'un brusque rappel d'images ou d'une abréaction , qui lui a fait revivre les circonstances traumatiques en cause. On a aussi laissé entendre qu'elle avait vécu un épisode de dissociation. Je n'entends pas trancher le litige : quel que soit le point de vue retenu, il est évident que la plaignante ne fonctionnait pas d'une manière rationnelle durant cet épisode.

[15] Je ne peux pas non plus arrêter de diagnostic médical ou psychologique, mais il y a, à de nombreux égards, motif de croire qu'elle souffre de paranoïa en un certain sens général. Le Dr Hunter et le Dr Malcolm m'ont informé qu'il pourrait s'agir là d'une manifestation d'hyper-vigilance associée à un trouble de stress post-traumatique. J'admets qu'elle est susceptible de dissocier à la barre des témoins et risque de perdre contact avec la réalité. Elle ne fait pas confiance aux avocats, éprouve de la difficulté à maîtriser ses émotions et perd souvent le fil de ses idées à la barre des témoins. Un tel état des choses doit en partie être imputable au fait que les allégations dont je suis saisi présentent un caractère extrêmement personnel et se révéleraient pénibles quelle que soit la partie au litige. Le Dr Hunter a déclaré que Mme Day présentait une vulnérabilité sous-jacente qui rendrait une telle expérience encore plus éprouvante pour toute personne placée dans sa situation. Tout ce qui précède pose un défi en ce qui a trait à la conduite de l'instruction.

IV. FONDEMENT JURIDIQUE DE LA REQUÊTE

[16] Il ressort de la jurisprudence qu'il incombe au juge de statuer sur la question de savoir si un témoin est apte à témoigner. Il incombe au jury de peser les éléments de preuve. Voir : R. Harbuz [1979] 2 W.W.R. 105 et Steinberg v. The King (1931) 56 C.C.C. 9 (C.S.C.). La question doit donc être tranchée le plus tôt possible, pour éviter la possibilité de nullité de la procédure. Il s'agit là de questions qui ne se posent pas en l'espèce. La jurisprudence reconnaît, toutefois, que la question peut être examinée plus tard, si des préoccupations pertinentes émergent dans le cadre du témoignage d'un témoin.

[17] Le droit opère selon la présomption qu'un témoin est apte à témoigner. Témoigner n'exige pas d'aptitudes supérieures. La même observation peut s'appliquer à la question de savoir si une partie est capable de défendre sa cause, ce qui exige seulement la capacité de prendre des décisions personnelles de base. Les intimés ont admis qu'ils avaient l'obligation de démontrer, probablement selon la prépondérance des probabilités, l'inaptitude de la plaignante à témoigner. Ils invoquent principalement l'affaire R. c. Hawke (1975) 7 O.R. (2d) 145 (C.A. Ont.), qui éclaire sur cette question en général. Ils ont aussi invoqué The Law of Evidence in Canada, de Sopinka, (2e éd.), 13.10 et s., qui donne un très bref compte rendu du droit.

[18] La Cour, dans l'arrêt Hawke, reprend les termes antiques et aujourd'hui troublants de Wigmore, au paragraphe 492, et conclut qu'un témoin ne peut être privé de l'exercice du droit de témoigner que si la déficience ou le trouble sont tels qu'ils affectent la fiabilité du témoignage sur un point précis . Le fait que la plaignante puisse souffrir d'un trouble psychologique ou d'un trouble de personnalité de type paranoïde, ou pourrait souffrir d'un trouble de stress post-traumatique, ne l'empêche pas de témoigner. Je ne sais pas si la jurisprudence énonce un critère à cet égard, mais la question est celle de savoir si un juge des faits peut convenablement et d'une manière sûre examiner la preuve, pour arriver à une décision concernant les faits. L'emploi du mot fiable prête facilement à une fausse interprétation et la question n'est pas de savoir s'il faut ajouter foi à son témoignage. La question est celle de savoir s'il est possible d'ajouter foi à un tel témoignage.

[19] Je me sens tenu d'ajouter que mon premier devoir est de protéger l'intégrité de la procédure juridique. Bien que certains témoins puissent parfois s'effondrer, au plan affectif, un certain degré de probité est nécessaire à la tenue d'une audience juste. La procédure juridique et les règles de la preuve supposent une appréciation relativement calme et froide des faits dans une affaire donnée, et l'objet de l'audience doit être respecté. J'ai l'obligation fondamentale de maintenir le niveau nécessaire de décorum à l'audience pour maintenir l'intégrité de la procédure. Il s'agit là d'un attribut indispensable du régime juridique, un attribut qui garantit la justice et l'équité de la procédure.

[20] Le juge des faits doit aussi pouvoir suivre et évaluer les témoignages. Il doit être possible de les examiner d'une manière intelligente. La preuve doit être présentée d'une manière qui présente une certaine logique et une certaine cohérence, et il doit être possible de l'interpréter rationnellement. D'autres préoccupations peuvent prévaloir dans la présente affaire, relativement à l'obligation qu'a un tribunal d'intervenir lorsque le déroulement d'une instance menace le bien-être psychologique de la partie plaignante. Cela se rapporte directement à la capacité qu'a la plaignante de présenter sa défense, toutefois, et il s'agit d'une préoccupation qui vient au deuxième plan.

V. L'APTITUDE À TÉMOIGNER DE LA PLAIGNANTE

[21] Les parties ont fait un grand effort pour s'acquitter du fardeau qui leur incombait d'établir l'inaptitude de la plaignante à témoigner. J'ai beaucoup de réserves en ce qui concerne la poursuite de l'instance, ainsi que des doutes sur la capacité de la plaignante à participer à l'audience d'une manière sensée et éclairée. Je suis particulièrement préoccupé en ce qui concerne sa capacité de composer avec les éléments rigoureux d'un contre-interrogatoire, auquel il faudra faire face. J'ai accordé une latitude considérable à la plaignante dans la présentation de sa preuve principale, mais les intimés ont droit de la confronter aux détails de l'affaire en contre-interrogatoire et je ne vois pas comment lui éviter un tel exercice.

[22] Mme Thayer a soutenu que Mme Day a fait preuve d'un manque de compréhension de l'instance et a présenté des exposés de fait inexacts depuis le début de l'audience. Elle a donné des exemples clairs, à son avis, de pensée délirante. Il ne fait aucun doute que la capacité de la plaignante à se souvenir précisément des faits et à témoigner a déjà été remise en question. Mme Thayer a soutenu que deux grandes questions ont, de façon répétée, enclenché un comportement inadéquat et des ruptures avec la réalité. La première concerne le harcèlement allégué par la plaignante. La deuxième concerne son bien-être mental. Les intimés admettent que Mme Day peut présenter des éléments de preuve exacts et même probants. Mais cette capacité se dégrade rapidement lorsqu'elle doit traiter de faits qui sont au cœur de la présente affaire. Il s'ensuit que sa preuve perd sa fiabilité lorsqu'elle traite des allégations de faits essentielles.

[23] Je partage les préoccupations exprimées par les avocats. Il est manifeste que l'effondrement précédent de la plaignante a été déclenché par le récit des détails de ses allégations. Malgré ce qui précède, je ne suis pas disposé à mettre fin au témoignage à ce moment. Il n'a pas été établi qu'elle ne pouvait pas présenter un récit utile des événements qui ont mené au dépôt des plaintes. Une des caractéristiques de l'espèce est que ce sont les exigences de la procédure qui ont créé les conditions qui ont mené à l'effondrement de la plaignante. La situation n'est pas statique et la véritable préoccupation se rapporte au fait que la procédure de témoignage pourrait précipiter un effondrement plus grave et plus prolongé. Je me rends compte que la situation met la plaignante en péril et que les avocats n'entrevoient pas avec joie la possibilité qu'elle puisse connaître un épisode encore plus grave à cause de la tension que susciterait leur interrogatoire. Cette question relève toutefois de la conjecture et je ne suis pas convaincu d'avoir atteint le seuil où je pourrais conclure qu'elle est incapable de témoigner.

[24] La question de capacité n'est soulevée que lorsqu'il y a déficience fondamentale des capacités cognitives du témoin. Le témoignage psychiatrique dans Hawke, par exemple, établissait que la témoin en cause hallucinait à la barre des témoins. Elle était aussi accompagnée, dans son esprit, par une petite fille nommée Delores. Sa compagne était, aux dires de la témoin, à la p. 160, supra, [TRADUCTION] dans ma tête me disant des choses qui allaient me faire emprisonner et libérer Tommy . Les éléments de preuve mis à ma disposition indiquent que la plaignante dans la présente cause a au moins manifesté des épisodes de dissociation à la barre des témoins et qu'elle est peut-être parfois en contact avec la réalité et parfois non. Certains éléments de preuve montrent qu'elle a connu des épisodes de psychose par le passé. Les seuils atteints dans la situation devant moi n'atteignent cependant en rien de telles proportions.

[25] Comme je l'ai déjà indiqué, les intimés ont aussi soutenu que l'état psychologique de la plaignante au moment où elle aurait censément été harcelée la rendait inapte à présenter des éléments de preuve satisfaisant la norme nécessaire aux règles de la preuve. Cette observation est toutefois prématurée et s'appuie sur divers facteurs, comme le diagnostic de son état. Même si le témoignage de la plaignante comporte beaucoup d'imperfections, les intimés n'ont pas établi le fondement probatoire qui ferait valoir une telle conclusion. La preuve présentée par le Dr Kaplan a été contestée par les autres témoins du volet psychologique et peut, à tout le moins, faire l'objet d'un débat. Il peut exister des motifs de préoccupation sur cet aspect du témoignage, mais la préoccupation la plus immédiate se rapporte à l'état actuel de la plaignante.

[26] Il est devenu manifeste durant le voir-dire que les experts ont une opinion différente du bien-fondé de la cause. Les experts qui ont déposé en faveur de Mme Day semblent croire qu'elle a été harcelée sexuellement et que c'est le harcèlement sexuel qui a donné naissance à l'épisode traumatique associé au trouble de stress post-traumatique diagnostiqué par ses experts. La partie adverse adopte cependant une position tout autant rigide : elle avance que Mme Day a souffert d'un trouble de personnalité paranoïaque et a uniquement cru qu'elle faisait l'objet de harcèlement. Ses perceptions n'auraient eu aucun rapport avec la réalité, à leur avis, et auraient été le produit d'un trouble psychologique. Si ce dernier point de vue est retenu, et le critère des cours appliqué, la preuve qu'elle a présentée revêt un caractère inhérent tellement peu fiable qu'il serait dangereux de la présenter devant un jury. La difficulté réside dans le fait qu'un tel état des choses m'appelle à statuer sur le bien-fondé de la cause, en décidant des questions déposées devant moi dans le voir-dire.

[27] Même si je ne crois pas que nous en sommes déjà au point où je pourrais intervenir, je suis d'avis que la situation actuelle doit être suivie. Si le témoignage de la plaignante continue de se détériorer, ou s'il devient impossible de tenir une audience comme telle, il faudra peut-être revenir à la question de la capacité.

VI. L'APTITUDE DE LA PLAIGNANTE À PRÉSENTER SA CAUSE

[28] Je n'ai pas pu passer les textes juridiques en revue eu égard à la question de savoir si la plaignante est capable de se représenter elle-même. Le critère pourrait être celui de savoir si elle est capable de donner des instructions à un avocat. Cette question n'est cependant pas présentement déterminante et je veux simplement traiter des préoccupations soulevées par les intimés relativement au bien-être de la plaignante. Les experts qui ont témoigné dans le cadre du voir-dire ne sont pas d'accord sur l'effet à long terme de la participation de Mme Day à l'audience. Le Dr Hunter et le Dr Malcolm ont dit croire qu'il était essentiel, au plan psychologique, que Mme Day ait la possibilité de mener cette affaire jusqu'à sa conclusion logique. Cela pourrait être accessoire quant à l'objet d'une audience. Néanmoins, je crois que Mme Day a le droit fondamental de présenter sa cause et que l'effet thérapeutique d'une telle présentation est un facteur valide, dans l'examen des droits d'une plaignante.

[29] Je ne suis pas autant convaincu que le Dr Hunter et le Dr Malcolm le sont des avantages qui découleraient de la participation de la plaignante à l'audience, et je partage certaines des préoccupations exprimées par le Dr Kaplan. Je ne crois cependant pas qu'il serait indiqué d'intervenir dans l'intérêt de la plaignante sauf si nous atteignons le point où elle deviendrait inhabile au sens large de ce terme et ne pouvait décider pour elle-même. Jusque là, la plaignante est la seule qui peut décider de ce qui sert le mieux ses intérêts. Elle peut faire des choix qui vont manifestement contre ses intérêts. Mais cela est vrai de tout citoyen et ce serait tout à fait une erreur, à mon avis, de la traiter comme une personne dépendante. Il s'agit là directement de la question juridique de dignité, qui exige que les tribunaux et les cours autorisent les parties à un litige à prendre leurs propres décisions, et même les plus déconcertantes.

[30] Il s'agit là d'une question de politique générale. Quand j'ai demandé à Mme Day si elle était capable de poursuivre, elle a répondu sans équivoque. Elle croit qu'elle peut continuer et m'a informé qu'elle sait comment demander de l'aide. Pour autant que je puisse le déterminer, elle comprend ses obligations en tant que témoin, est capable de communiquer ses pensées et, d'une façon générale, maintient son rapport avec la réalité. Elle reconnaît aussi le besoin d'évaluer si ses perceptions sont exactes et bien fondées. Elle convient, en réponse à mes questions, qu'elle ne devrait pas jurer dans la salle d'audience et qu'elle est tenue de respecter les autres participants à l'audience. La question de savoir si elle pourra se conformer à une telle exigence est une autre question.

[31] La plaignante est une partie à la présente procédure et conclure à son incapacité la privera probablement de son droit de saisir le Tribunal de la plainte. Pour le moment, à tout le moins, je ne suis pas disposé à la priver de cette possibilité. Le droit international sur les droits de la personne est fondé sur la dignité de la personne, qui oblige un tribunal à respecter l'autonomie personnelle des parties qui se présentent devant lui. Il s'agit là d'un aspect fondamental de l'être en tant que personne, un aspect qui garantit nos libertés. Poursuivre présente des dangers et, à un moment donné, il pourra devenir nécessaire d'intervenir. Cependant, présentement, c'est à la plaignante qu'il revient ultimement de décider si elle veut poursuivre. Nous n'avons pas encore atteint le point où je pourrais faire obstacle à cette décision.

VII. DÉCISION

[32] Je suis par conséquent d'avis que la plaignante est capable de témoigner à ce moment et qu'elle peut se représenter elle-même. Néanmoins, j'entretiens de réelles préoccupations eu égard à la question de savoir si elle pourra mener sa cause à terme. Étant donné les circonstances, je crois qu'il est prématuré de statuer sur la requête. Il me semble mieux indiqué de mettre fin au voir-dire et de reprendre l'audience, sous réserve qu'il soit clairement entendu que la question pourra être ouverte de nouveau sur requête des parties.

[33] Mon interprétation du droit, dans son état actuel, porte à conclure que la preuve afférente au voir-dire pourrait être pertinente aux questions comme celle de la crédibilité et devrait s'appliquer à l'ensemble de l'audience. Cependant, j'invite les observations des parties à cet égard. Par ailleurs, il faudra aussi examiner la question des accommodements possibles.

« Originale signée par »


Dr. Paul Groarke

OTTAWA (Ontario)

Le 12 mars 2003

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS DU TRIBUNAL Nos : T627/1501 et T628/1601

INTITULÉ DE LA CAUSE : Amanda Day c. Ministère de la Défense nationale et Michael Hortie

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 12 mars 2003

ONT COMPARU :

Amanda Day en son propre nom

Joyce Thayer au nom du Ministère de la Défense nationale

J. David Houston au nom de Michael Hortie

ANNEXE B

EXTRAITS DES TRANSCRIPTIONS

DES 20 ET 21 MARS 2003

(Les extraits mis en évidence par les avocats des intimés

ont été soulignés)

Des pages 2949 à 2950 :

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Je crois, madame Day, que j'aimerais simplement que vous nous expliquiez, d'une façon générale, votre autre expérience d'hypnose et nous essaierons d'être réceptifs, mais veuillez simplement nous en donner une idée générale. Je peux peut-être vous aider un peu.

Avez-vous trouvé cette expérience effrayante?

R : Non, je n'ai pas trouvé cela effrayant du tout. C'était -- une expérience très plaisante et calme. C'est simplement que la personne -- c'est la nature des questions qui entourent le -- c'est la nature des questions qui étaient discutées au sujet de ce genre d'hypnose avec l'autre personne qui m'inquiète un peu.

LE PRÉSIDENT : J'aimerais en savoir davantage à ce sujet. Vous n'avez pas besoin d'aller beaucoup dans le détail, mais donnez-moi simplement une idée de ce qu'était la nature de ces questions discutées.

(BRÈVE PAUSE)

LA TÉMOIN : Ça se rapporte aux Hell's Angels. Et aussi il y avait une femme qui a été violée et elle a eu du trouble parce qu'ils ont essayé de la tuer. Et elle s'est rendue à la police et n'a pas pu obtenir de l'aide et nous préparions un plan pour l'aider.

LE PRÉSIDENT : Et de qui avez-vous peur, madame Day? Simplement pour que je le sache.

LA TÉMOIN : Je --

(BRÈVE PAUSE)

LE PRÉSIDENT : Prenez votre temps.

LA TÉMOIN : D'accord.

(BRÈVE PAUSE)

LA TÉMOIN : J'ai peur de la police.

(BRÈVE PAUSE)

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Madame Day, vous avez dit qu'il s'agissait d'une expérience très calme et plaisante, l'hypnose. Et vous avez expliqué que cela s'est présenté dans le contexte de certaines craintes que vous aviez au sujet des Hell's Angels et possiblement --

R : Je n'ai pas peur des Hell's Angels. Je n'a pas peur des Hell's Angels.

Q : Vous n'avez pas peur des Hell's Angels, mais les préoccupations qui étaient soulevées à l'époque se rapportaient aux Hell's Angels, n'est-ce pas? Est-ce exact?

R : Je suis une Hell's Angel.

Q : Vous êtes une Hell's Angel? Maintenant?

R : Oui.

Q : Vous êtes un membre des Hell's Angels?

R : Oui.

Q : Depuis combien de temps êtes-vous membre des Hell's Angels?

R : Depuis longtemps.

Q : Étiez-vous membre des Hell's Angels lorsque vous étiez avec M. Hortie?

R : Pas avec M. Hortie, mais je suis une Hell's Angel depuis longtemps.

Q : Donc vous étiez une Hell's Angel avant que vous --

LE PRÉSIDENT : Pouvons-nous demander à Mme Day ce qu'elle veut dire par cela? Que voulez-vous dire en disant cela, madame Day?

LA TÉMOIN : La première fois qu'on m'a dit que j'étais une Hell's Angel, j'avais environ quinze (15) ans. Et la mère de ma meilleure amie a dit à ma meilleure amie de me dire que j'allais être une Hell's Angel.

LE PRÉSIDENT : Qu'est-ce qu'un Hell's Angel?

LA TÉMOIN : Bien, je n'en ai jamais été tout à fait certaine, moi-même, mais je crois qu'une Hell's Angel est quelqu'un qui est là pour aider quelqu'un d'autre lorsque cette personne se fait violer.

Des pages 2963 à 2970 :

LE PRÉSIDENT : Madame Thayer, cela ne soulève à mes yeux aucun problème si vous précisez beaucoup plus spécifiquement pourquoi elle a été hypnotisée.

Mme JOYCE THAYER : C'est ce que j'allais faire ensuite.

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Bien, si vous avez simplement une conversation pour vous mettre d'accord si les tueurs et quelques pauvres prostituées qui --

R : Il n'a pas --

Q : -- qui --

R : -- vraiment --

Q : -- si je peux vous demander, madame Day, si vous discutez de cela et comment vous pouvez aider quelqu'un qui a été -- ou était possiblement en danger d'une telle manière, comment l'hypnose vous a-t-elle aidée à faire cela en particulier?

R : Bien, ce qu'il a fait c'est qu'il m'a parlé très lentement et calmement et il m'a parlé par petits bouts. Il ne m'a pas raconté une histoire sur ce qui se passait, il me l'a simplement transmise -

Q : Hum hum.

R : -- des petits bouts de renseignements que j'ai pu plus tard assimiler et reconstruire moi-même et il m'a simplement demandé si -- si je savais que cette personne avait vraiment, vraiment besoin d'aide est-ce que j'accepterais de l'aider et j'ai dit oui et je -- nous voulions sortir et l'aider ce jour-là mais on m'a dit d'oublier et donc j'ai simplement oublié et il s'est passé beaucoup de temps avant que tous les bouts ne reviennent à mon souvenir.

Q : Donc, ce que vous me dites c'est que la manière dont il a communiqué avec vous était hypnotique? Est-ce ce que vous dites et vous ne vous en êtes pas rappelé avant un certain temps plus tard?

R : Oui. Bien, on m'a dit d'oublier et c'était décevant au moment où on me l'a dit, et j'ai effectivement oublié.

Q : Donc, lorsque vous dites qu'on vous a dit d'oublier, c'est ce qui vous a fait croire que vous aviez été hypnotisée? Est-ce exact?

R : Non. Peter m'a dit que Robin était comme Ravine et que c'était la raison pour laquelle -- c'est pour cela que j'ai un élément d'information qui dit que mes conversations avec Robin - le gros Robin avaient un caractère hypnotique.

Et, en fait, maintenant que je me rends compte des choses à travers lesquelles je suis passée au cours des dix (10) années, c'est que j'ai réagi et je me suis rappelé les directives du gros Robin -- lorsque j'ai reçu le bon stimulus, je me rappelle certaines choses et je sais quoi dire ou je sais quoi faire, mais pas nécessairement -- quand cela arrive à ce moment, je n'ai aucune idée pourquoi je fais ce que je fais ou pourquoi je dis ce que je dis.

Mais ensuite, plus tard, lorsque je suis capable de me souvenir mieux et de retourner à ce moment dans le temps, alors je me rends compte que j'ai dit ce que j'ai dit en réaction à un certain stimulus parce que -- ou j'ai fait ce que j'ai fait en réaction à certains stimuli, parce que j'avais reçu ces directives.

Et j'ai agi à un -- à partir d'un niveau subconscient et cela me fait comprendre que j'ai été hypnotisée.

Q : Donc lorsque vous dites que vous aviez ces directives, vous croyez que des choses que vous faites aujourd'hui sont le résultat de suggestions hypnotiques qui vous ont été faites pendant que vous étiez sous hypnose. Est-ce exact?

R : Oui, c'est exact.

LE PRÉSIDENT : Vous pouvez aller plus loin.

Mme JOYCE THAYER : Oui.

LA TÉMOIN : Et j'aimerais dire que je suis très susceptible à l'hypnose. Je dirais que cela est certain, si -- si quelqu'un cherchait un sujet à hypnotiser, je serais le sujet parfait parce que pour cela -- je -- je suis un bon sujet d'hypnose.

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Pouvez-vous me donner des exemples de comportement que vous reconnaissez récemment, ou depuis peu de temps, comme étant le résultat d'une suggestion hypnotique? Pouvez-vous nous donner un exemple de quelque chose comme cela?

R : Oui, je peux.

Q : Veuillez nous en donner un.

R : Bien, je sais qu'une (1) chose très étrange a été, durant l'enquête interne de l'employeur, l'enquêteur m'a interrogée au sujet de la pornographie dont je me plaignais à bord du protecteur.

Et elle a dit, bien, qu'avez-vous vu? Et j'ai décrit -- bien, premièrement, j'ai décrit ce que j'ai vu quand j'ai vu l'image et la façon dont je me suis alors sentie était très étrange.

Et elle a dit, bien, qu'avez-vous vu, ou quelque chose comme cela. Et je -- et les mots sont sortis de ma bouche, sans que je sache pourquoi je les disais, et j'ai même effrayé -- je me suis même effrayée moi-même parce que je ne comprenais pas pourquoi j'avais dit ce que j'avais dit. Et je pensais que les gens allaient penser que j'étais folle à cause de ce que j'avais dit.

Q : Qu'avez-vous dit?

R : J'ai dit, je vois Helter Skelter [ci-après Pêle-Mêle]

Q : Et vous, après, avez compris que c'était quelque chose que Robin avait placé dans votre esprit pendant que vous étiez sous hypnose?

R : Bien, Robin m'a donné des directives et il a dit que si -- il a dit que j'allais voir l'image. Et il a dit que je -- je saurais -- j'allais trouver laquelle c'était. Il a dit que je le saurais quand je la verrais. Et que quand je la verrais, j'allais dire, je vois Pêle-Mêle.

D'abord, il a parlé au sujet des films et il a dit, quel est le film le plus épeurant que tu as vu? J'ai dit, bien, je -- je ne peux voir les films effrayants, je -- j'ai vu l'Exorciste, mais à par ça, je n'ai pas vu de film d'épouvante, parce que je -- je ne les aime pas.

Et il --

Q : Je vous écoute à ce sujet.

R : -- dit, bien, quel est le film le plus effrayant dont tu as jamais entendu parler? Et j'ai dit, Pêle-Mêle. Et alors il a dit, bien, je vois Pêle-Mêle. Et cela n'était pas clair pour nous. Et je ne pouvais comprendre -- j'étais comme, bien, oui.

Q : Et qu'en est-il des autres choses, madame Day?

LE PRÉSIDENT : Quand Robin vous a-t-il dit cela, madame Day?

LA TÉMOIN : Nous étions dans sa bibliothèque.

LE PRÉSIDENT : Je veux dire quelle était la date. Il y a combien de temps?

LA TÉMOIN : Bien, je ne peux pas me rappeler si c'était -- je pense que c'était juste après que je sois revenue de Thaïlande, donc c'était en 1987, donc, et c'était longtemps avant -- c'était exactement à peu près à l'époque où j'ai rencontré Peter, et c'était quelques années après que nous ayons eu Robin, donc ce doit avoir été, je pense, en 1987.

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Y a-t-il d'autres choses auxquelles vous pouvez penser, à part votre réaction à l'image, qui ont été le résultat du conditionnement hypnotique reçu de Robin?

R : Autres choses auxquelles je peux penser comme ayant été du conditionnement?

Q : Bien, votre réponse selon laquelle plus tard vous pouviez rattacher certains faits à une suggestion hypnotique?

R : Oui, il y a quelque chose d'autre que je suis censée faire, il y a quelque chose -- il y a...

(BRÈVE PAUSE)

R : Oui, il y a probablement quelque chose d'autre, mais sans tout repasser du début jusqu'à la fin, et passer dans le détail avec -- peut-être avec mon thérapeute ou quelque chose que je, probablement…

Q : Mais, il y a d'autres choses que vous pouvez --

LE PRÉSIDENT : Bien, dans quel contexte, madame Day?

LA TÉMOIN : Dans quel contexte?

LE PRÉSIDENT : Bien, y a-t-il eu des choses qui sont arrivées pendant le harcèlement sexuel, ou la pornographie comme vous venez juste d'en décrire? Y a-t-il eu d'autres incidents comme cela? Des moments où vous vous êtes rendue compte que vous étiez en train de dire quelque chose, ou de faire quelque chose? Parce que vous pensiez que Robin vous avait dit de le faire?

LA TÉMOIN : Oh oui. Oui, il y a eu une autre chose, oui, qui est arrivée. Oh oui. Oui, Robin a dit -- d'accord, non -- oui, je veux l'avoir -- j'allais avoir un message, bien, j'ai eu un message et ça avait complètement rapport avec la - cette -- mon interprétation de l'information qui m'a été communiquée durant cette réunion, était que je recevrais un message, et que lorsque j'aurais le message, j'étais censée entrer dans une institution psychiatrique et parler aux médecins et aux infirmières de la situation.

Et, il a dit que certainement ils allaient penser que j'étais vraiment folle, et il a dit peu importe ce que j'avais d'y aller et de le faire -- ou pourrais-je y aller et le faire, et j'ai dit oui, certainement, je vais y aller.

Et donc, il est devenu très clair qu'à un (1) certain moment, quand j'avais l'épisode psychotique, je devais me rendre à l'hôpital, et que j'étais mourante, et je n'ai pas compris de quoi il s'agissait -- totalement de quoi, mais je suppose que cela aussi se rapportait au fait que j'avais le SIDA, qui est quelque chose qui remonte au moment où j'étais une Hell's Angel à -- à l'école secondaire.

Donc, il y a cela, puis ces choses qui sont arrivées à l'école secondaire, j'avais le SIDA, et puis il y a eu -- j'étais en train de mourir, et c'était le Dr Brox, et puis il y a eu le fait que j'ai été obligée d'aller à l'hôpital, et de leur dire où le -- leur dire à ce sujet.

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Amanda, puis-je vous interroger au sujet du SIDA? Avez-vous le SIDA?

R : Bien, ce que je suis supposée de dire est que mon ami se tient là, et il dit, mon autre ami se tenant ici, et un autre ami ici, et nous sommes au ruisseau Balka (phonétique), au pont, et par -- derrière l'école secondaire, nous allions là et -- les gens se tiennent là, et puis je -- la mère de Matt dit que je suis une Hell's Angel, et Matt dit que je suis -- ce que je veux que tu fasses, c'est que quand tu auras tout compris cela, je veux que tu dises, j'ai le SIDA.

Et le nom de notre autre est Adrian (phonétique) et donc je suis censée dire que j'ai le SIDA et puis il dit, bien, Adrian, qu'est-ce que tu dis quand elle dit cela et puis Adrian dit, il veut dire que c'est une chanson de Eric Clapton, Cocaïne.

Et je dis, bravo, donc tu peux me fournir un alibi, et c'est comme une farce. Et puis -- et alors nous disons, bien, alors qu'allons-nous faire? Et il dit, bien, je vais aller voir mon ami Kevin qui se tient là-bas.

Et Kevin -- et alors -- et alors il dit, Kevin Duik (phonétique) est fameux. Et puis Matt dit, va -- d'accord, va -- maintenant, va et parle à Berto (phonétique) sur le pont.

Donc je me rends là et je parle à Berto sur le pont. Et le problème est que, son amie de fille est en train de se faire violer et qu'on est en train d'en faire une prostituée et cela a rapport avec l'école. Et cela -- aussi c'est quelque chose qui a rapport avec la classe de théâtre parce que le professeur de théâtre me dit de me comporter comme si j'étais une prostituée.

LE PRÉSIDENT : J'ai de la difficulté à vous suivre, madame Day. De quoi êtes-vous en train de parler?

LA TÉMOIN : Ces gens ont été assassinés plus tard et nous n'avons pas compris pourquoi ce type nommé Jay Kirk (phonétique) avait été assassiné.

LE PRÉSIDENT : Prenons quinze (15) minutes.

L'AGENT DU GREFFE : À l'ordre, s'il vous plaît.

Des pages 2980 à 2983:

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Lorsqu'il vous suggérait quelque chose quand vous étiez hypnotisée, est-ce qu'il vous suggérait que vous deviez faire quelque chose plus tard?

R : Bien, vous voyez, j'ai parlé à Peter de notre journée, sur le pont, et que nous devions y retourner, et nous savions au sujet de Jay Kirk, et Tanya Van Tollenburg, mais - et ils ont été assassinés, et Peter - et j'ai dit à Peter ce que je savais au sujet de Jay Kirk, et de Tanya Van Tollenburg, parce que j'avais été - ils avaient été dans notre école, et donc, Robin savait que ma - nous avions des antécédents de maladie mentale dans ma famille, et que j'avais eu - nous avions discuté, vous savez, d'où nous pourrions nous retrouver plus tard dans la vie, et de notre cynisme à ce sujet.

Et Robin m'a suggéré, ce jour-là, quand je dis qu'il s'agissait d'une expérience sous hypnose, ou au moins, c'est l'effet que cela a eu globalement sur moi, c'est qu'il m'a dit que ce qu'il voulait que je fasse c'était d'entrer dans une institution pour malades mentaux et de commencer à tout dire à ce sujet aux médecins et aux infirmières.

Et il voulait, plus précisément, que je leur dise --

LE PRÉSIDENT : Bien, et est-ce que vous avez donné suite à cette suggestion plus tard?

LA TÉMOIN : Oui, je l'ai certainement fait, mais je --

LE PRÉSIDENT : Quand?

LA TÉMOIN : -- Je veux dire, je ne savais pas que c'était tout -- ce que signifiait tout cela. Je savais simplement qu'ils étaient -- que c'était ce que je devais faire, et je veux dire, subconsciemment, je l'ai transformé en acte, mais ces actes que je posais, j'ai le SIDA, je suis mourante, du Dr Brox, et -- et ce qu'étaient les choses que M. Hortie m'avait dites, et je veux vous dire à vous que vous recevez des messages provenant d'autres fréquences, et que vous -- une fois cela arrivé, comme, toute cette merde de harcèlement sexuel, une fois le chantier naval fini, vous allez vous prendre la tête, et leur dire que vous recevez des messages sur différentes fréquences.

Donc, c'était, je veux dire que tout est arrivé -- toutes ces choses, toutes les directives, que j'ai reçues de différentes gens sont sorties et même si je n'avais pas eu conscience que toutes ces directives m'avaient été transmises par différentes gens, je -- j'ai méthodiquement fait tout ce qu'on m'avait dit de faire, et je n'avais aucune idée pourquoi je le faisais.

LE PRÉSIDENT : Donc, quand --

LA TÉMOIN : Je --

LE PRÉSIDENT : -- avez-vous accompli ces suggestions, ces ordres, quand les avez-vous accomplis? Les avez-vous accomplis complètement?

LA TÉMOIN : Bien, et l'autre chose que j'étais censée dire, c'était d'une personne de la marine, il a dit, si vous voulez me faire parvenir un message au ministère de la Défense nationale, je veux que vous disiez, le capitaine Kirk m'a envoyée.

Maintenant, on a l'air tout à fait bizarre lorsqu'on dit quelque chose comme ça, comme -- le capitaine Kirk de Star Trek vous envoie, comme, vous avez l'air d'être --

LE PRÉSIDENT : Avez-vous dit cela?

LA TÉMOIN : Oui, je -- je disais ça en m'en allant à l'hôpital.

LE PRÉSIDENT : Parce qu'il vous fallait dire cela?

LA TÉMOIN : Bien, ce type de la marine, il est venu à notre école secondaire, et il nous parlait, et puis il a dit, si jamais vous voulez me faire parvenir un message à la Défense nationale, de dire le capitaine Kirk m'a envoyée.

Donc, je disais --

LE PRÉSIDENT : Est-ce que c'était votre --

LA TÉMOIN : -- tout ce que les gens m'avaient dit de dire. C'était des choses vraies que les gens m'avaient dit de dire quand j'étais à -- lorsque j'accomplissais méthodiquement toutes les directives qu'on m'avait données, j'avais l'air complètement détraquée. Mais, en même temps, j'avais - je -- je pense que j'avais de la difficulté, à ce moment, parce que ma santé s'est détériorée.

Je n'avais pas dormi depuis environ -- comme, trois (3) ou quatre (4) semaines --

Des pages 2989 à 2991 :

Et donc j'étais très calme et tranquille. Et lorsque le Dr Schuldrop et l'infirmière étaient assis là et qu'ils ont dit -- ils m'ont dit quelque chose au sujet du Dr Runtz. Il a dit, est-ce que le Dr Runtz est votre psychologue? Et j'ai répondu, oui.

Et puis, soudainement, sans même que je le sache, tout a semblé sortir de ma bouche, comme si ce n'était même pas moi qui parlait, mais j'ai dit, oui, oink, oink, tu comprends?

Comme, pas tout à fait dans ce ton de voix, j'ai dit, oink, oink, tu comprends?

Et j'étais tout simplement, oh mon Dieu, j'ai tout simplement dit quelque chose comme -- et j'espérais qu'ils -- peut-être qu'ils n'avaient pas remarqué que j'avais dit cela. Et je m'énervais intérieurement parce que je pensais, ils vont penser que je suis folle et ils vont me garder ici pour toujours.

Et j'ignorais d'où diable cela pouvait être venu et j'essayais simplement de demeurer calme et j'espérais qu'ils n'avaient pas remarqué. Et puis, l'infirmière a dit quelque chose comme, je pense qu'il y avait quelques mots là, d'où sont-ils venus?

Et puis, la conversation a été déviée par quelque chose. Mais plus tard je me suis rendue compte que j'étais supposée dire oink, oink, tu comprends, une fois arrivée à l'hôpital. Mais ils m'avaient droguée tellement de fois que l'information que j'étais supposée leur dire, ils continuaient à m'emplir complètement de drogues et à m'assommer que je ne pouvais pas leur dire ce que j'étais censée leur dire pour entrer là et -- mais alors, je ne savais même pas, comme, de quoi il s'agissait et pourquoi diable j'étais censée leur dire cela.

Q : Qui vous a dit de leur dire cela?

R : Robin et Peter et -- et c'était -- et c'était -- ils ont dit que c'était vraiment, vraiment, vraiment important et je riais tout le temps et je disais oh mon Dieu, comme, vas-t'en donc, c'est tellement stupide et Peter s'est réellement fâché.

Il a dit non, c'est vraiment important et Robin était déjà en train de devenir en colère dans la cuisine et il criait dans la cuisine s'adressant à Peter qui était dans une autre pièce et j'étais dans une autre pièce.

Nous étions tous dans des pièces différentes de la maison et c'est pourquoi tout cela était tellement bizarre et Robin criait dans la cuisine disant que cela était vraiment important et Peter allait y aller, n'est-ce pas? D'accord, d'accord, d'accord. Je le ferai encore.

Donc, alors, il l'a fait encore. Il fait Oink, oink. Tu comprends? et il a fait cela comme quatre (4) ou cinq (5) fois et finalement j'ai simplement dit d'accord, d'accord, d'accord, d'accord, je comprends.

Et donc -- et alors j'ai simplement oublié tout cela mais alors quand j'ai fini par être à l'hôpital j'étais assise sur le divan et alors les mots me sont sortis de la bouche Oink, oink. Tu comprends. Et c'était juste comme, d'où diable cela m'était-il venu? Comme, et je ne savais pas, comme, pour -- je ne me suis pas rendue compte, honnêtement, avant quelques années plus tard que cela était lié à ma rencontre avec Robin et Peter et moi à ce moment.

Donc c'était -- c'était juste comme si mon cerveau avait éjecté de la matière qui était là et je ne pouvais pas maîtriser ce qui se passait. Ces mots ont tout simplement sorti. Tout cela est bien réel et cela est lié à quelque chose qui s'est passé mais je ne sais pas toujours pourquoi cela est sorti à ce moment.

Des pages 2996 à 3000 :

LE PRÉSIDENT : La même chose est-elle arrivée avec M. Hortie?

LA TÉMOIN : Oui. Oh oui. Il me donnait tout à fait des directives sur ce qu'il voulait que je fasse, et il employait la suggestion pour manipuler ma conduite. Cela ne fait aucun doute.

LE PRÉSIDENT : J'aimerais en savoir davantage à ce sujet.

Mme JOYCE THAYER : Oui.

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Pourriez-vous nous donner des exemples spécifiques de cela, madame Day? Les choses que vous avez transformées en acte, à cause des suggestions que vous aviez reçues de M. Hortie?

R : Oui. C'est difficile, parce qu'il me faut, d'une certaine façon, les chercher dans ma tête un certain temps.

Q : Bien, je vais vous donner une minute, et pensez-y tout simplement.

R : Je sais qu'à un (1) certain moment donné, il m'a dit qu'il savait que je faisais l'objet de harcèlement au chantier naval et il a dit -- qu'il savait que j'allais vraiment être bien triste au sujet de ce qui s'était passé et il a dit que j'allais connaître beaucoup de chagrin. Et il a dit que j'allais probablement jouer et chanter une chanson qui était -- c'est une chanson des Beatles -- je ne peux me rappeler des mots.

Mon petit chou, c'est correct, simplement -- le soleil viendra ou quelque chose.

Q : Et dans quel contexte alliez-vous chanter cette chanson?

R : Il a dit que le contexte serait que j'aurais tellement de chagrin à cause du harcèlement que tôt ou tard je me retrouverais à jouer cette chanson et à pleurer sur mon sort.

Q : Est-ce que cela est arrivé?

R : Cela est arrivé. Je peux gratter cette mélodie sur les cordes d'une guitare parfaitement et je ne joue presque jamais de guitare.

Q : Donc, c'était un message que M. Hortie avait implanté dans votre esprit que vous avez transformé en acte plus tard?

R : Oui. Mais je -- ce qui est curieux dans tout cela c'est que je ne m'étais pas vraiment rendue compte pourquoi je faisais cela et pourquoi j'avais accompli cela avant qu'il ne se passe quelques années -- que je faisais -- que je jouais cette chanson exactement et que j'étais capable de produire cette mélodie en grattant la guitare et jouer cette chanson parce que je ne sais pas gratter à la guitare ni jouer aucune autre chanson si ce n'est les chansons que le professeur de guitare m'a enseignées quand j'étais une adolescente.

Q : Selon ce que vous pouvez vous rappeler, quels autres types de choses M. Hortie a-t-il implantées dans votre esprit, des choses qui vous ont poussée à accomplir certains actes par la suite?

R : Il a dit qu'il allait probablement y avoir des circonstances où nous ne nous verrions pas pendant longtemps ou que nous n'allions pas être capables de communiquer l'un avec l'autre.

Donc, ce qu'il voulait que je fasse, c'était de dire le mot confiance, et c'est ce que cela allait être -- cela allait être -- quand dans des situations où nous ne serions pas capables de nous parler que j'allais dire le mot confiance.

Q : Est-ce que cela est arrivé?

R : Bien, oui, cela est arrivé.

Q : Pouvez-vous expliquer?

R : Je participais à une conférence téléphonique avec le Tribunal et j'entendais la voix de M. Hortie dans la conférence téléphonique pour la première fois. Je n'avais rien dit -- je n'avais pas entendu M. Hortie au téléphone ni en personne depuis pas mal d'années.

Et, tout soudainement, j'ai régurgité le mot confiance, et on parlait de choses médicales -- de l'information médicale et j'ai dit je ne suis pas certain si cette personne a la compétence. Et puis j'ai dit -- j'avais de la difficulté à dire mes mots et alors j'ai dit, bien, je pense que c'est références, ou quelque chose. Mais alors je me suis rendue compte, après cela, comme, je me suis rendue compte que je venais juste de régurgiter quelque chose.

Q : Quand M. Hortie vous a-t-il dit cela?

R : C'était une fois lorsqu'il a dit que nous allions devoir nous connaître l'un et l'autre à un niveau très profond. Alors, il devait partager -- il -- je devais partager des renseignements personnels avec lui et il me donnait, comme, cette directive au sujet du fait que j'étais censée dire le mot confiance.

LE PRÉSIDENT : Madame Day, je me demande si je peux venir ici. Est-ce qu'il est juste de dire, madame Day, de sorte que -- vous étiez à votre avis programmée pour dire cela? Est-ce que je peux présenter les choses de cette façon?

LA TÉMOIN : Bien, je pense que je -- je pense que j'ai tendance à faire à peu près n'importe quoi. Comme -- comme --

LE PRÉSIDENT : Simplement pour m'aider ici, essayez juste de ne pas vous éloigner de --

LA TÉMOIN : Oui, je dirais que j'étais programmée. Mais comme, je vous dis simplement que j'ai un problème et que j'ai une vraie tendance. Comme, mes professeurs -- j'ai vécu des situations dans -- dans la salle de classe où les professeurs posent des questions et je peux répondre en moins de trois (3) secondes.

De la page 3002 :

Q : Ne vous inquiétez pas au sujet de ce genre de chose. Inquiétons-nous au sujet des choses où [M. Hortie] vous a vraiment programmée pour faire des choses, madame Day.

Donc vous avez dit, certaines des choses qu'il vous a programmée à faire étaient d'ordre sexuel. Parlez-nous de quelques-unes de ces choses.

R : Je ne pense pas que je veuille. Je sais qu'il a dit que -- il a dit que, lorsque cette expérience serait achevée, j'allais me prendre la tête et dire aux gens que j'entendais des choses sur différentes fréquences.

Des pages 3004 à 3006 :

LE PRÉSIDENT : Êtes-vous en train de dire que vous faisiez ce que vous étiez programmée pour faire à un niveau conscient?

LA TÉMOIN : Je suppose que M. Hortie, pour l'essentiel, me programmait au niveau conscient mais il -- je veux dire, il était capable de se servir de ces suggestions hypnotiques pour me programmer à faire des choses au niveau subconscient mais pour ce qui est de mon psychisme et du fonctionnement interne de mon subconscient, il aurait énormément de difficulté à en prendre le contrôle.

Mme JOYCE THAYER : Pouvez-vous juste --

LE PRÉSIDENT : Non--

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Vous parlez de la différence qu'il y a entre votre conscient et votre subconscient ici et lorsque vous dites que M. Hortie et d'autres personnes vous ont programmée, je suppose que vous dites qu'ils programmaient votre subconscient?

Ce n'est pas quelque chose dont vous êtes consciente mais plus tard cela arrive et vous songez à ce qui s'est passé et vous le récupérez de votre mémoire subconsciente? Est-ce cela, madame Day?

R : Bien, je me demande presque si, comme, programmer est peut-être une façon trop forte de parler. Je veux dire, ça revient à parler d'intention.

Je dois être honnête avec vous, je n'ai pas l'impression que, comme, lorsque mes amis m'ont suggéré qu'ils voulaient que je me souvienne de certaines phrases clés ou de messages et de choses, qu'ils essayaient de faire quelque chose qui me cause du tort ou me blesse, mais je pense que la façon dont M. Hortie tente d'utiliser -- tente d'utiliser les suggestions sous hypnose et de prog -- ce que je dis c'est que M. Hortie cause beaucoup de tort et qu'il essaie délibérément de me manipuler avec cette sorte de -- avec exactement cette sorte de --

Q : Et--

R : -- suggestion et manipulation mentale --

Q : Et --

R : -- et je suis une personne qui -- je suis -- je suis une cible parfaite pour un manipulateur de ce genre.

Q : Donc, ce que vous dites, c'est qu'il était capable d'implanter dans votre subconscient des choses qu'il vous fallait transformer en acte des années plus tard? Par exemple, lorsque vous avez laissé échapper le mot confiance pendant la conférence téléphonique?

R : Hum hum et le fait de me tenir la tête et de dire que je recevais de l'information sur différentes fréquences.

Q : Quand avez-vous fait cela?

R : En m'en allant à l'hôpital. J'avais appelé Kevin Duik pour savoir s'il était fameux et -- et puis je régurgitais tout ça et c'est une des choses qui est sortie et plus tard quand je l'ai retracée et que je me suis rendue compte que c'était -- c'était -- la source de cela c'était M. Hortie.

Des pages 3018 à 3020 :

SUITE DU CONTRE-INTERROGATOIRE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Madame Day, quand nous avons arrêté hier, nous parlions du fait que certaines des choses que vous avez faites au fil du temps avaient été le résultat de suggestions implantées dans votre subconscient par un certain nombre de personnes différentes.

Et vous nous avez parlé des suggestions qui avaient été implantées par le Dr Brox, par certains de vos amis lorsque vous étiez sur le pont, quand vous aviez quinze (15) ans, par Robin qui était le Hell's Angel et par M. Hortie.

Y a-t-il eu d'autres personnes dont vous pouvez vous rappeler qui, au cours de votre vie, vous ont fait des suggestions de ce genre, des suggestions auxquelles vous avez par la suite réagi, les transformant en acte, et qu'il vous a fallu déduire ce qui était arrivé?

R : Oui, il y en a.

Q : Pouvez-vous nous en parler s'il vous plaît?

R : Quand j'étais une jeune enfant, ma grand-mère et ma tante et ma mère m'ont emmenée à une église à Calgary. Et il y avait tout un groupe d'enfants là et nous avons vu un prêtre et le prêtre nous parlait et j'étais très jeune.

Et il a demandé s'il y avait des volontaires, et j'ai été l'une des enfants ayant levé la main. Et il a écrit mon nom sur une liste, et il nous a dit que ce qu'il voulait que nous fassions c'est que si nous savions qu'il y avait un très, très mauvais homme, que nous allions pouvoir parler à Dieu.

Et ce qu'il voulait que nous fassions c'était de regarder à la fenêtre à gauche, en haut de l'église. Et lorsque nous allions regarder là, alors nous allions savoir que Dieu nous parlait et lorsqu'il faudrait dire aux gens où il y avait un homme vraiment méchant, méchant, que nous pouvions dire à ces gens que Dieu nous parlait et que Dieu nous disait quoi faire.

Et il a dit qu'il voulait que nous sachions, quelque chose comme, ces choses sont très difficiles mais nous devions nous sentir en sécurité, au fond de nous-mêmes, que nous -- que nous pouvions être la voix de Dieu.

Q : Et quand avez-vous transformé en acte ce que le prêtre vous avait dit de faire lorsque vous étiez une jeune enfant?

R : Bien, je sais que quand j'ai eu mon audience de redressement de grief avec le capitaine Blattman, il n'a pas cru que j'avais été harcelée sexuellement et il a commencé à me poser toutes sortes de questions très, très, très stupides et qui étaient simplement très hostiles.

Et je me souviens que j'avais vraiment peur que par la suite il penserait que j'étais folle parce que je me souviens avoir regardé vers le haut, à gauche, puis avoir regardé le capitaine Blattman et avoir dit nettement au capitaine Blattman, et parce que Dieu me dit de le dire, parce que Dieu me disait de présenter la plainte.

Mais alors, je pense que mon représentant syndical a été un peu ennuyé par le fait que j'avais dit quelque chose comme ça et j'étais, d'une certaine façon, ennuyée à ce sujet moi-même. Et je n'ai pas -- cela m'a pris plus d'un an pour me rendre compte où cela -- d'où cette phrase que j'avais dite provenait parce que c'était quelque chose qu'on m'avait dit de faire quand j'étais une très jeune enfant et je l'ai fait sans y penser.

Mais lorsque -- cela m'a fait avoir l'air d'une folle mais quand -- et puis cela m'a pris longtemps pour comprendre pourquoi j'avais dit que Dieu me disait de leur dire cela.

Des pages 3043 à 3047 :

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Madame Day, pouvez-vous nous parler de situations où M. Hortie a contesté vos perceptions d'une manière qui vous fait vous sentir folle?

R : Oui, je veux dire, il a fait ça un jour -- quotidiennement. Je pense que chaque contact que j'ai eu avec M. Hortie était -- était manipulateur au point qu'il -- il prenait ma perception de la situation qui se tenait debout, comme une analogie, et puis il la prenait et la retournait à l'envers et me disait que c'était véritablement de cette façon, qui était sa façon à lui, et je veux dire, si je disais que quelque chose était blanc, il répondait, non, c'est noir.

C'était à ce point -- c'était à ce point distinct.

Q : Est-ce que cela vous faisait vous sentir folle ou mettre en doute votre propre --

R : Cela me plaçait dans une situation où je devais constamment confronter mes perceptions avec la réalité. J'étais constamment -- j'étais en crise tout le temps parce que ma perception était à l'envers. J'allais travailler et j'allais à la maison. C'était comme -- c'est comme si -- c'est comme si je me promenais à l'envers et voyais le monde entier à l'envers.

LE PRÉSIDENT : Dites-moi --

LA TÉMOIN : C'était -

LE PRÉSIDENT : Parlez-moi d'avantage de -

LA TÉMOIN : C'était tout à fait -

LE PRÉSIDENT : --Cela, madame Day.

LA TÉMOIN : -- mêlant.

LE PRÉSIDENT : Madame Day, je veux en savoir davantage à ce sujet. Pouvez-vous nous donner des exemples?

LA TÉMOIN : Tout. Tout à fait tout.

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Bien, donnez-nous simplement un exemple spécifique. Je sais que c' était très persuasif mais il doit y avoir certaines choses qui ressortent comme étant particulièrement anormales ou que vous ne pouviez tout simplement pas croire après avoir vérifié, par confrontation avec la réalité, qu'il vous avait suggéré cela?

R : Bien, justement le fait que - justement le fait qu'il pouvait toucher mon corps sans ma permission a - viré mon monde réel à l'envers. D'accord? Le fait qu'il pouvait physiquement me toucher, pousser sa langue dans ma bouche, mettre son pénis dans mon corps - dans ma bouche, dans mon vagin et dans mon derrière, le fait qu'il avait le droit, il se donnait le droit de faire ces choses contre ma volonté et sans ma permission et le fait qu'il pouvait même simplement me toucher. Comme - comme c'était assez.

Q : Que voulez-vous --

R : Après un bout de temps, il suffisait d'un simple toucher, comme -- j'avais l'impression que tout mon corps était en feu. Comme, je me sentais comme une victime brûlée. Même juste -- et juste n'importe qui.

LE PRÉSIDENT : Et vous vous touchez très doucement?

LA TÉMOIN : N'importe qui qui fait simplement s'approcher de mon espace corporel me touchant comme cela me donnait l'impression -- j'avais l'impression d'être comme une victime brûlée.

LE PRÉSIDENT : Qu'est-ce que vous voulez dire que cela avait renversé votre -- quels étaient les mots? Renversé votre perception de la réalité?

SUITE PAR Mme JOYCE THAYER :

Q : Vous avez dit que vous aviez l'impression de marcher à l'envers, la tête en bas, tout le temps?

R : Oui. J'avais l'impression - cela -- la manière -- la manière dont mon esprit réagissait à cause de ce qu'il faisait c'était que, comme, j'étais -- mon monde était habituellement normal. J'avais l'habitude de voir -- comme, j'avais l'habitude de voir les gens normalement. Comme vous êtes tous à l'endroit mais l'impression que mon esprit me donnait lorsque M. Hortie me harcelait, j'avais l'impression que je voyais tout à l'envers. Comme, c'était comme -- je m'excuse de dire des jurons. Je ne vais pas jurer.

Q : D'accord.

LE PRÉSIDENT : Dites ce que vous voulez dire.

LA TÉMOIN : Je me sentais tellement toute fourrée dans ma tête à cause de la façon dont M. Hortie colorait ma perception des choses et interprétait -- il interprétait toutes mes données perceptuelles et me disait ce qui se passait au milieu de travail et dans ma -- dans ma propre vie personnelle que je vérifiais en confrontant mes perceptions avec la réalité moi-même --

LE PRÉSIDENT : Et vous dites qu'il présentait tout de travers?

LA TÉMOIN : Il avait tout -- il me disait tout à l'envers mais c'est la seule façon dont je peux vous l'expliquer.

LE PRÉSIDENT : Est-ce qu'il s'agissait seulement de M. Hortie ou s'agissait-il aussi d'autres gens?

LA TÉMOIN : Non, c'était seulement M. Hortie. Je veux dire, il y avait -- mais alors il y avait des choses circonstancielles venant de gens en milieu de travail qui appuyaient ce que M. Hortie disait qu'il m'arrivait.

LE PRÉSIDENT : Donc, comment avez-vous composé avec cela? Donc, vous voulez dire que vous --

LA TÉMOIN : Cela -- cela m'a certainement in -- influencée et cela -- cela me donnait l'impression que j'étais complètement incapable de -- de me sortir de cette situation. Je me sentais piégée à cause de l'existence de circonstances qui étaient - qui étaient des preuves très solides que, en fait, je ne pouvais pas obtenir de l'aide et que je devais me conformer aux conditions qui étaient imposées à mon emploi.

LE PRÉSIDENT : Madame Thayer, il s'agit là d'une question importante et je pense que je devrais la poser. Et je sais que cela sera difficile pour vous, madame Day. Mais n'avez-vous pas envisagé la possibilité que le problème soit dans votre tête?

LA TÉMOIN : Bien sûr j'ai examiné le prob -- j'ai envisagé que le problème était dans mon esprit, cela fait partie de la confrontation avec la réalité.

LE PRÉSIDENT : Donc, dites-moi --

LA TÉMOIN : Parce que tout cela arrivait et je - je -- après un bout de temps je suis devenue tellement mêlée, c'est un meilleur mot, je suis devenue tellement mêlée que je -- comme, je veux dire, j'étais mêlée depuis le tout début. Disons simplement que, j'étais en train de devenir vraiment, vraiment mêlée depuis le tout début.

Mais je suis devenue tellement gravement mêlée -- je suis devenue tellement gravement mêlée que je pouvais juste -- j'étais juste -- je me sentais comme si j'étais une carcasse. Je me sentais comme un corps mort, j'étais complètement engourdie. Je veux dire, j'étais engourdie depuis le début, mais je veux dire vraiment, vraiment, vraiment engourdie. Comme -- comme, j'avais l'impression qu'on m'avait injecté des anesthésiques, j'étais tellement engourdie, je n'avais plus aucun sentiment. Je n'avais pas une (1) once de sentiment.

Et c'était avant sept -- comme, octobre de 1994, lorsque j'étais de retour à l'atelier à l'édifice 190. J'étais juste -- j'étais un corps mort qui déambulait.

LE PRÉSIDENT : Et qu'est-ce qui est arrivé, madame Day? Est-ce que les choses se sont améliorées ou empirées?

LA TÉMOIN : Bien, j'ai juste -- je pensais, bien, je vais prendre des risques. Et j'ai dit à Rod Lundgren qu'il me fallait aller chez un psychologue et que je, vous savez, s'ils pouvaient -- s'ils pouvaient obtenir un psychologue pour moi que je leur en serais grandement reconnaissante.

Et je -- comme, je le regrette vraiment mais je suis évidemment tellement -- je suis évidemment, vous savez, j'ai besoin d'un psychiatre tout de suite parce que je suis une personne gravement mêlée et je ne peux pas fonctionner.

Je veux dire, et j'ai reconnu que je -- que j'étais -- je veux dire que j'étais comme, à plat. Normalement, dans une journée, une personne a -- comme si nous traversions toute une gamme d'émotions. Dans -- dans une heure vous pouvez ressentir -- je ne sais pas combien d'émotions que vous pouvez ressentir, cinq (5) ou six (6) émotions importantes dans une heure, simplement par l'intermédiaire de vos pensées naturelles ou de toute autre chose.

Mais, vous savez -- vous savez, vous montez, vous redescendez, ça monte ça descend, ça monte, ça descend. Mais j'étais comme, à plat. Je n'avais aucune émotion. J'étais comme -- j'étais comme un corps mort. Et c'était tout comme, vous savez, je suis évidemment tellement folle à cause de ma -- je sais qu'on me harcèle présentement ici, et je sais que toutes ces choses arrivent, mais ce gars-là me dit des choses comme, bien, si quelqu'un s'informe de mes problèmes, dis-leur simplement que nous allons nous marier et des choses du même genre.

Et puis les menaces et puis -- et puis, quand j'ai commencé à parler -- lorsque les gens me parlaient en milieu de travail, les menaces physiques, qu'il allait blesser d'autres gens, ou qu'il allait me blesser.

Et je ne savais encore où son fusil était, vous savez. Il va se faire sauter la cervelle et il va le faire dans ma maison. Tout cela était des choses vraiment épeurantes. Et, oui, j'avais des doutes -- je -- c'est une -- je pense que c'est naturel, un processus sain. Si vous ne confrontez pas vos perceptions avec la réalité, vous -- si une personne ne vérifie pas quel est son rapport avec le monde réel, alors c'est ce genre de personne que vous voyez dans les hôpitaux.

Et le fait que je pensais que j'étais, que je pourrais être folle, je pense que cela est un indice que j'étais en vérité en santé. Mais j'étais vraiment, vraiment mêlée. Et il me fallait avoir -- et c'est pourquoi j'ai demandé si je pouvais aller voir -- avoir un psychologue.

AUTRE EXTRAIT

Des pages 3077 à 3080 :

LE PRÉSIDENT : Mais ce dont il vous faut parler c'est de votre aptitude à présenter des éléments de preuve. Et le problème est que vous avez dit un certain nombre de choses qui montrent clairement que vous pouvez difficilement distinguer entre vos perceptions et la réalité.

Mme AMANDA DAY : Je ne pense pas que je --

LE PRÉSIDENT : Et que ces perceptions --

Mme AMANDA DAY : -- J'ai de la difficulté à distinguer entre mes perceptions et la réalité. Je pense, il est clair que l'employeur applique un processus de brouillage, et il est clair que mes perceptions sont colorées par M. Hortie. Et, clairement, lorsque vous ouvrez le voir-dire, et je comprends qu'il y a des questions d'habilité et qu'il y a des questions juridiques, que je ne comprends pas.

Mais lorsque les gens -- je veux dire, même si des personnes me disent qu'elles ont l'impression que je souffre de paranoïa et de pensée délirante, alors cela influence ma perception au point où je dois m'interroger moi-même, à savoir si oui ou non je souffre de paranoïa et de pensée délirante.

Donc c'est comme le principe d'incertitude de Hydenberg (phonétique), vous --vous ne pouvez mesurer une (1) chose et vous ne pouvez savoir avec certitude la position d'une (1) chose, lorsque -- lorsque vous essayez de faire quelque chose d'autre.

Et la situation devient très difficile à régler. Et je vous dis que, ma perception de la réalité est valide. Et votre perception de la réalité est la vôtre. Et la vôtre est différente et la mienne est différente; cela ne veut pas dire que la mienne est mauvaise ou que je suis handicapée.

LE PRÉSIDENT : Je pense que je me trouve dans la situation où je dois supposer qu'une partie de ce que vous nous avez dit, est arrivé dans votre esprit plutôt que dans la réalité.

Mme AMANDA DAY : Bien, je pense que définitivement cette personne -- ce que M. Hortie m'a fait, c'était de mélanger ma tête d'une façon qui a fait qu'il a pu exécuter ces abus sexuels et ces agressions sexuelles et ce harcèlement sexuel.

Et c'est clair, qu'il y a plusieurs choses qui m'ont été dites, et qu'il a manip -- qu'il a manipulé ma perception et qu'il -- M. Hortie a faussé ma perception à ce moment.

Mais je vous dis que, maintenant, je suis consciente que ces choses arrivaient et que je sais pourquoi j'éprouvais tellement de difficulté. Je ne dis pas que j'ai encore ces problèmes maintenant, ce qui est fondamentalement différent du fait que je sois consciente de ce qui m'arrivait alors, en rétrospective.

(BRÈVE PAUSE)

Mme AMANDA DAY : Toutefois, je, moi-même, je -- j'en suis à me poser des questions à savoir si oui ou non je suis toujours sous l'influence des directives que m'a données M. Hortie, des choses par suggestion. Je ne suis pas sûre jusqu'à quel point je suis suicidaire, je ne suis pas sûre jusqu'à quel point je peux me blesser.

LE PRÉSIDENT : Cela me préoccupe, madame Day.

Mme AMANDA DAY : Oui, et cela me préoccupe aussi. Et lorsque je suis allée à la maison hier, j'ai commencé à être -- commencé à penser et à essayer de comprendre ce qui, vous savez -- parce que je pense que c'est là une autre chose que les gens aiment faire, c'est de vous mélanger tellement qu'ils -- ils peuvent même, vous savez, d'une certaine manière prédire la voie que vous prendrez plus tard.

Et, je veux dire, il me disait des choses comme, le harcèlement allait me faire sentir -- j'allais avoir tellement un sentiment de, tellement, tellement de peine parce que j'étais harcelée par tous ces gens. Alors que c'était celui qui influençait ma perception et me disait que personne ne m'aimait et que personne ne voulait travailler avec moi.

Donc, ce sont des choses qui ont mûri au fil du temps, que je n'ai pas comprises. Mais elles m'ont été communiquées par suggestion par -- à moi par M. Hortie. Je me trouve donc au point où il me reste à me demander, bien, je ne sais pas ce qu'il a implanté d'autre dans mon esprit.

LE PRÉSIDENT : Avez-vous --

Mme AMANDA DAY : Et la question de savoir si je suis ou non suicidaire est une autre -- est une autre chose à prendre en considération pour -- pour une victime de ce genre. S'il vous devez envisager, je suppose, qu'il y a -- qu'il y a un grave danger que je puisse --

LE PRÉSIDENT : Avez-vous parlé à --

Mme AMANDA DAY : -- me blesser moi-même -

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