Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal

CANADA

Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

FRANCINE DESORMEAUX

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

COMMISSION DE TRANSPORT RÉGIONALE D'OTTAWA-CARLETON

l’intimée

MOTIFS DE LA DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Anne L. Mactavish

2003 TCDP 2

2003/01/14
[TRADUCTION]

TABLE DES MATIÈRES

I. L’EMPLOI DE Mme DESORMEAUX CHEZ OC TRANSPO

A. Antécédents d’assiduité de Mme Desormeaux

B. Comment OC Transpo a‑t‑elle réagi à l’absentéisme de Mme Desormeaux?

C. La cessation d’emploi

II. LE CADRE JURIDIQUE

III. L’ANALYSE

A. Conséquences de la décision Adams

B. Quelle est la norme?

C. Existe‑t‑il une preuve prima facie de discrimination?

i) Mme Desormeaux était-elle atteinte d’une déficience?

ii) La déficience de Mme Desormeaux a‑t‑elle influé sur la décision de mettre fin à son emploi?

D. OC Transpo s’est‑elle acquittée de son fardeau?

i) Lien rationnel

ii) Bonne foi

iii) OC Transpo a‑t‑elle composé avec Mme Desormeaux sans qu’il en résulte une contrainte excessive?

IV. LES MESURES DE REDRESSEMENT

A. Réintégration

B. Pertes salariales

C. Majoration

D. Indemnité spéciale

E. Intérêts

F. Excuses

G. Salaire perdu au cours de l’audience

H. Consultation auprès de la Commission canadienne des droits de la personne

I. Maintien de la compétence

V. L’ORDONNANCE

[1] Durant sa période d’emploi de près de neuf ans comme chauffeur d’autobus à la Commission de transport régionale d’Ottawa-Carleton (OC Transpo), Francine Desormeaux s’absentait fréquemment de son travail. Ses absences étaient attribuables à divers problèmes de santé : migraines, calculs rénaux, troubles de la vésicule biliaire, kystes ovariens, virus, fracture à la cheville, blessure au dos, bronchite, stress, etc. Après avoir reçu de nombreux avertissements de son employeur, Mme Desormeaux a vu OC Transpo mettre fin à son emploi en raison de son absentéisme involontaire chronique. Mme Desormeaux allègue que cette cessation d’emploi constitue un acte discriminatoire fondé sur la déficience qui va à l’encontre des dispositions de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

I. L’EMPLOI DE Mme DESORMEAUX CHEZ OC TRANSPO

[2] Après avoir travaillé un certain nombre d’années comme superviseure dans un centre de soins pour enfants, Francine Desormeaux est entrée au service d’OC Transpo en mars 1989 à titre de chauffeur d’autobus. OC Transpo offre des services de transport en commun dans la région de la capitale nationale.

[3] Mme Desormeaux a affirmé qu’elle avait traversé une période d’adaptation, car elle avait dû se familiariser avec le métier de chauffeur d’autobus. Travailler au sein d’un organisme de transports en commun présente un certain nombre de défis aux nouveaux employés, qui doivent s’habituer à traiter avec le public, s’orienter dans la ville et conduire des véhicules de grande dimension. À titre d’employés ayant le moins d’ancienneté, les nouveaux chauffeurs se voient par ailleurs attribuer les postes les moins attrayants, notamment les postes fractionnés, ainsi que les postes de nuit ou de week-end.

[4] Malgré ces défis, Mme Desormeaux a terminé avec succès sa période probatoire et conduit des autobus chez OC Transpo pendant un certain nombre d’années sans aucun incident majeur. Il semble que, mis à part le problème de ses absences fréquentes du travail, Mme Desormeaux était un bon chauffeur d’autobus. De toute évidence, elle aimait être en contact avec le public et était généralement perçue comme une employée compétente et fiable. Toutefois, son niveau d’assiduité s’est avéré pour son employeur, OC Transpo, un sujet de préoccupation dès le tout début pour ainsi dire.

A. Antécédents d’assiduité de Mme Desormeaux

[5] Mme Desormeaux a passé en revue les fiches de présence d’OC Transpo de même que les journaux qu’elle a tenus au cours de sa période d’emploi, exercice qui lui a permis de déterminer les motifs de la plupart de ses absences. Le tableau ci‑après présente une synthèse de son témoignage à cet égard.

Nombre de jours

d’absence du

travail

Absences attribuables à des migraines

Longues périodes d’absence pour d’autres raisons médicales

1989

(à compter du

28 mars)

21 journées complètes

2 parties de journée

9 journées complètes

2 parties de journée

6 journées complètes – bronchite

6 journées complètes – légère chirurgie gynécologique

1990

16 journées complètes

4 parties de journée

8 journées complètes

1 partie de journée

6 journées complètes, 2 parties de journée – bronchite

2 journées complètes – vésicule biliaire

1991

34 journées complètes

2 parties de journée

2 journées complètes

3 journées complètes – bronchite

16 journées complètes – vésicule biliaire

10 journées complètes, 1 partie de journée – chirurgie – dents de sagesse

3 journées complètes, 1 partie de journée – entorse à une cheville

1992

52 journées complètes

1 partie de journée

3 journées complètes

41 journées complètes – vésicule biliaire

5 journées complètes – grippe intestinale

1993

96 journées complètes

1 partie de journée

2 journées complètes

1 partie de journée

8 journées complètes – bronchite/grippe

79 journées complètes – blessure au dos

1994

26 journées complètes

1 partie de journée

7 journées complètes

1 partie de journée[1]

12 journées complètes - blessure au dos

1995

52 journées complètes

5 parties de journée

3 journées complètes

2 parties de journée

12 journées complètes, 1 partie de journée – kyste ovarien

32 journées complètes – cheville fracturée (accident de travail)

1996

24 journées complètes

7 parties de journée

6 journées complètes

3 parties de journée

15 journées complètes - 1 partie de journée – kyste ovarien

1997

41 journées complètes

1 partie de journée

14 journées complètes

1 partie de journée

21 journées complètes – calculs rénaux

1998 (jusqu’au

30 janv.)

3 journées complètes

3 journées complètes

Total

365 journées complètes

24 parties de journée

57 journées complètes

11 parties de journée

[6] Il ressort du témoignage de Mme Desormeaux que le tableau ci‑dessus ne rend pas pleinement compte de son degré d’absentéisme. À plusieurs reprises, Mme Desormeaux a été malade et incapable de se présenter au travail; cependant, elle avait conclu avec un collègue une entente officieuse pour qu’il la remplace en son absence. En vertu de cette entente, le collègue en question se présentait au travail à la place de Mme Desormeaux. Cette dernière le rémunérait elle-même pour sa journée de travail. Mme Desormeaux estime que ce collègue l’aurait ainsi remplacé à trois ou quatre occasions. Il n’est pas contesté que cette pratique allait à l’encontre des politiques d’OC Transpo.

B. Comment OC Transpo a‑t‑elle réagi à l’absentéisme de Mme Desormeaux?

[7] De toute évidence, il est important pour OC Transpo, qui offre des services de transport en commun à délai d’exécution critique, que ses employés fassent preuve d’assiduité. Afin de gérer l’absentéisme de ses employés, OC Transpo s’est dotée au fil du temps d’un certain nombre de politiques de gestion des présences.

[8] Ron Marcotte était le superviseur de Mme Desormeaux au moment où OC Transpo a mis fin à son emploi. Il a expliqué qu’au cours des premières années d’emploi de Mme Desormeaux chez OC Transpo, les problèmes d’absentéisme étaient traités de la même façon que les autres problèmes de rendement, c’est‑à-dire comme des questions disciplinaires. Les employés qui manquaient d’assiduité faisaient l’objet de mesures disciplinaires progressives allant de la réprimande au congédiement. Ce traitement de l’absentéisme involontaire chronique en tant que question disciplinaire est évident lorsqu’on regarde la façon dont l’absentéisme de Mme Desormeaux a été géré au début de sa carrière.

[9] Tel qu’indiqué ci‑haut, l’absentéisme de Mme Desormeaux a été un sujet de préoccupation pour OC Transpo à compter du moment où elle a commencé à travailler au sein de l’organisation. Le 27 octobre 1989, Mme Desormeaux a rencontré Chris Walton, qui était l’agent des relations (exploitation) et son superviseur, dans le cadre de son évaluation faisant suite à sa période probatoire. Le document d’évaluation indique que le rendement de Mme Desormeaux, son absentéisme mis à part, ne posait pas problème. En octobre 1989, Mme Desormeaux s’était absentée du travail à 20 reprises (journées complètes ou parties de journée). Selon le document, M. Walton a discuté avec Mme Desormeaux de son assiduité au cours de la rencontre.

[10] Selon la documentation, M. Walton aurait dit à Mme Desormeaux le 23 février 1990 qu’on envisageait sérieusement de mettre fin à son emploi. À cette occasion, et lors de rencontres subséquentes, Mme Desormeaux a donné à M. Walton l’assurance que son dossier d’assiduité s’améliorerait.

[11] En avril 1990, la fiche de Mme Desormeaux faisait état de 13 absences (journées complètes ou parties de journée) équivalant à 37 jours. M. Walton a rencontré à nouveau Mme Desormeaux afin de discuter avec elle de son niveau d’assiduité insatisfaisant. Au moment où il a informé Mme Desormeaux de la tenue de la rencontre, M. Walton lui a fait la remarque suivante : Compte tenu de la gravité du problème, on prendra une décision quant à votre emploi futur. Mme Desormeaux a expliqué dans son témoignage qu’elle avait évoqué les difficultés qu’elle avait à s’adapter à son travail chez OC Transpo. Elle a également parlé à M. Walton de ses migraines et autres problèmes de santé. Malgré les préoccupations d’OC Transpo, Mme Desormeaux a terminé avec succès sa période de probation et obtenu sa permanence. Toutefois, on lui a indiqué qu’on suivrait de près son dossier d’assiduité.

[12] Trois mois plus tard, Mme Desormeaux s’est vu infliger une suspension d’une journée en raison de son absentéisme, et parce qu’elle avait été mêlée à un léger accident. Cette suspension a été imposée à la suite d’une autre rencontre avec M. Walton, où Mme Desormeaux a fait état à nouveau de ses migraines. À cette occasion, Mme Desormeaux a également parlé à M. Walton de ses problèmes de vésicule biliaire tout en lui indiquant qu’il lui faudrait probablement subir une intervention chirurgicale. Mme Desormeaux a présenté un grief par suite de sa suspension, dans lequel elle a fait valoir que la plupart de ses absences étaient attribuables à la maladie. Au cours de l’audition de son grief au premier palier, le syndicat de Mme Desormeaux a allégué que cette dernière souffrait de migraines aiguës, qu’elle se faisait traiter par un médecin à ce sujet et que toutes ses consultations médicales avaient eu lieu en dehors des heures de travail. Un représentant d’OC Transpo a expliqué que les absences fréquentes de Mme Desormeaux créaient des difficultés du fait qu’il n’y avait pas toujours suffisamment de personnel pour la remplacer. Ron Marcotte, qui était alors surintendant adjoint du personnel des autobus, était lui aussi présent lors de la réunion concernant le grief. On peut lire dans ses notes le passage ci‑après :

[TRADUCTION]

On a informé Mme Desormeaux qu’elle était la responsable de la situation. On lui a également indiqué que diverses options s’offraient à elle chez OC Transpo, si elle avait besoin d’aide. On a souligné le fait que la Commission ne cherchait pas à mettre fin à son emploi, mais plutôt à la remettre sur le droit chemin.

Il semble que la seule solution mentionnée à Mme Desormeaux relativement à l’aide offerte au sein d’OC Transpo ait été le programme d’aide aux employés (PAE).

[13] On a réglé le grief en disant qu’on songerait à réduire la suspension si Mme Desormeaux ne s’absentait pas du travail à plus de cinq reprises ou pendant plus de 12 jours au cours des 12 mois suivants et n’avait pas d’autres accidents dont elle serait responsable. Selon le témoignage de Mme Desormeaux, M. Walton lui aurait alors dit qu’il lui faudrait prendre tous les moyens voulus pour se présenter au travail. On reconnaissait que Mme Desormeaux pourrait devoir subir une intervention chirurgicale pour ses calculs biliaires et on lui a donné instruction de communiquer avec M. Walton pour prendre des dispositions à propos de cette absence.

[14] Il convient de noter que c’est la seule fois durant la période d’emploi de Mme Desormeaux chez OC Transpo qu’on lui a fixé un objectif précis en matière d’assiduité. Mme Desormeaux a atteint cet objectif, bien que, selon ses dires, elle se soit parfois présentée au travail alors qu’elle prenait des comprimés de Tylenol 3. Le Tylenol 3 renferme de la codéine et est, par conséquent, contre-indiqué en cas de conduite automobile.

[15] Mme Desormeaux a été rencontrée en entrevue au sujet de son assiduité le 9 décembre 1992, puis à nouveau le 20 juillet 1993. On ne sait pas grand-chose de ce qui a été discuté lors de ces rencontres.

[16] Le 19 juin 1994, la politique d’OC Transpo concernant l’emploi de personnes handicapées est entrée en vigueur. Cette politique, qui impliquait l’abandon du recours à la procédure disciplinaire dans le cas des absences pour cause de maladie, établissait un protocole pour l’examen des demandes d’accommodement. Il n’est pas contesté que bien que cette politique soit demeurée en vigueur durant une couple d’années, la situation de Mme Desormeaux n’a jamais été traitée conformément à celle‑ci, étant donné que personne ne la considérait comme une handicapée et que l’intéressée ne se percevait pas ainsi elle non plus.

[17] Le 11 juillet 1994, Mme Desormeaux a rencontré son superviseur, Ron Marcotte, qui avait alors succédé à M. Walton. Cette rencontre avait pour but de discuter de son [TRADUCTION] niveau d’assiduité inacceptable . Selon la documentation rédigée à ce moment‑là, Mme Desormeaux a informé M. Marcotte que ses absences avaient été causées principalement par ses migraines et les problèmes personnels qu’elle avait à l’époque. M. Marcotte lui a signalé à nouveau qu’elle pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires plus sévères si son degré d’assiduité ne s’améliorait pas et lui a encore une fois conseillé de demander l’aide du PAE.

[18] Le 6 décembre 1995, M. Marcotte a eu une nouvelle rencontre avec Mme Desormeaux pour discuter de son assiduité. Le délégué syndical de Mme Desormeaux, Rob Vye, a lui aussi assisté à cette rencontre. M. Marcotte a fait remarquer que si l’on excluait les congés pris par Mme Desormeaux pour des blessures indemnisables, son dossier d’assiduité s’était quelque peu amélioré. Néanmoins, il a indiqué à Mme Desormeaux que son niveau d’assiduité n’était toujours pas acceptable et que si la situation ne s’améliorait pas, il faudrait déterminer si elle était apte du point de vue médical à continuer de travailler. Mme Desormeaux et M. Marcotte ont eu un autre entretien similaire le 29 août 1996.

[19] En novembre 1996, OC Transpo a adopté sa nouvelle politique de gestion des présences. Cette politique visait notamment à réduire l’absentéisme tout en faisant tout ce qui était raisonnablement possible pour venir en aide aux employés, tenir compte de leurs besoins et assurer leur réadaptation, ainsi qu’à indiquer clairement et honnêtement les attentes de l’employeur en matière d’assiduité. Par ailleurs, elle exigeait que le superviseur, en cas de blessure ou de maladie, vérifie auprès d’un médecin consultant indépendant si l’employé était atteint d’une déficience au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne et devait faire l’objet de mesures d’adaptation. En outre, le superviseur devait tenter d’amener les employés à s’entendre sur un [TRADUCTION] niveau d’assiduité raisonnable pour l’avenir, ce qui donnait à croire que le taux moyen d’absentéisme de l’organisation était une norme raisonnable. L’article 8 de la politique précisait qu’avant de mettre fin à l’emploi d’une personne pour absentéisme involontaire chronique, OC Transpo devait être persuadée, entre autres, qu’on avait fait des efforts honnêtes pour composer avec l’employé concerné.

[20] Cette politique de gestion des présences reposait sur une approche plus proactive de la gestion de l’absentéisme des employés que celle qui l’avait précédée. Conformément à cette approche, on a communiqué avec les employés qui se classaient dans la tranche supérieure de 25 % de l’effectif d’OC Transpo au chapitre de l’absentéisme. Un grand nombre de ces employés ont été rencontrés en entrevue afin d’examiner avec eux la situation. Dans le cadre de cet exercice, OC Transpo a informé en mars 1997 les chauffeurs concernés, y compris Mme Desormeaux, que le taux d’absentéisme pour les premiers mois de 1997 était en hausse de 30 % par rapport à la même période en 1996. OC Transpo a sensibilisé les chauffeurs qui avaient eu des absences au cours des trois premiers mois de 1997 au fait que l’absentéisme excessif compromettait sa capacité de répondre aux besoins des usagers, tout en leur rappelant la nécessité de faire montre d’assiduité au travail.

[21] Le 29 septembre 1997, Mme Desormeaux et Mme Vye ont rencontré à nouveau M. Marcotte. Bien que M. Marcotte n’ait pas mis en doute le caractère légitime des absences de Mme Desormeaux, il s’est inquiété de sa capacité, compte tenu de son état de santé, de faire preuve d’assiduité au travail. Dans son témoignage, Mme Desormeaux a dit avoir demandé à M. Marcotte de lui dire exactement combien de jours par année elle pourrait s’absenter. Il n’est pas contesté que M. Marcotte a refusé de répondre à la question, se contentant de dire qu’elle devait améliorer son niveau d’assiduité.

[22] Compte tenu de ses préoccupations quant à l’aptitude de Mme Desormeaux à travailler, M. Marcotte a invoqué l’article 15.3 de la convention collective liant OC Transpo au Syndicat uni du transport, dont Mme Desormeaux faisait partie. Cet article permet à OC Transpo de demander qu’un employé produise un certificat signé par son médecin attestant son aptitude à travailler, dans les cas où l’employeur a des motifs raisonnables de croire que l’intéressé est peut-être inapte du point de vue médical à travailler de façon régulière. En outre, la convention collective prévoit la possibilité que l’employeur ne soit pas satisfait du certificat médical produit par l’employé, auquel cas il peut diriger ce dernier vers un médecin choisi par OC Transpo en vue de l’obtention d’un nouveau certificat. M. Marcotte a expliqué qu’il se souciait d’obtenir plus de renseignements non pas à propos du diagnostic concernant Mme Desormeaux, mais plutôt au sujet du pronostic quant à son aptitude à travailler à l’avenir.

[23] Afin de préserver le caractère confidentiel des renseignements médicaux de l’employé, les demandes de cette nature sont acheminées à l’unité d’hygiène du travail d’OC Transpo. Le 30 septembre 1997, Louise Culham, infirmière en hygiène du travail, a écrit à Mme Desormeaux pour lui demander de fournir un avis de son médecin quant à son aptitude à travailler de façon régulière. En fait, Mme Culham a demandé à Mme Desormeaux de poser à son médecin les questions suivantes :

  1. Êtes-vous atteinte d’une affection médicale qui pourrait entraîner un niveau d’absentéisme dépassant les limites du raisonnable?
  2. Votre problème est‑il de nature temporaire ou chronique?
  3. Quelles sont les chances que vous puissiez en venir à exercer vos fonctions à temps plein et de façon régulière?

[24] Le médecin de famille de Mme Desormeaux, le Dr Anne Meehan, a répondu à la demande d’OC Transpo dans une lettre en date du 16 octobre 1997. Dans sa lettre, le Dr Meehan précisait ce qui suit :

[TRADUCTION]

... au cours de l’année écoulée [Mme Desormeaux] a éprouvé quelques problèmes qui ont entraîné des absences au travail. Le premier problème concerne ses migraines. Nous avons finalement constaté que ces migraines étaient causées par une dysfonction mécanique du cou. Elle a donc entrepris un programme d’exercices réguliers pour le cou tout en suivant des traitements de physiothérapie, ce qui a considérablement réduit l’acuité et la fréquence de ses maux de tête.

Un autre problème qu’elle a éprouvé au cours de l’année écoulée a été celui des calculs rénaux. Il a été réglé et n’est donc pas susceptible de constituer un malaise permanent. Enfin, Mme Desormeaux subit actuellement des examens pour vérifier la présence possible d’une masse sur ses ovaires. C’est le Dr Treehuba qui est chargé de vérifier la chose et qui, au besoin, déterminera le traitement qui pourrait être administré. Ce dérèglement ovarien ne lui cause pas de problème pour l’instant.

En réponse aux questions précises que vous avez posées, sachez que le seul problème dans la liste de ceux que je viens d’énumérer qui pourrait persister à long terme est celui des migraines. Compte tenu de la nette amélioration de l’état de santé de Mme Desormeaux, laquelle s’explique par les efforts qu’elle a elle-même déployés et les traitements de physiothérapie, je ne prévois pas que les migraines puissent entraver sensiblement sa capacité d’exercer ses fonctions de façon régulière et à temps plein. Les calculs rénaux et le dérèglement ovarien sont des malaises isolés qui ne sont pas susceptibles de devenir chroniques ou de resurgir…

Comme on ne lui avait pas expressément demandé si Mme Desormeaux était atteinte d’une déficience, le Dr Meehan n’a pas abordé cet aspect dans sa lettre. Rien dans la lettre du Dr Meehan n’indique que Mme Desormeaux devait faire l’objet de quelconques mesures d’adaptation.

[25] Louise Culham a ensuite transmis à M. Marcotte le message suivant :

[TRADUCTION]

[Mme Desormeaux] a peut-être un problème qui pourrait persister à long terme? . Toutefois, compte tenu de la nette amélioration de l’état de santé de Mme Desormeaux, laquelle s’explique par les efforts qu’elle a elle-même déployés , son médecin estime que ce problème ne devrait pas entraver sensiblement sa capacité d’exercer ses fonctions de façon régulière et à temps plein.

Bien que le Dr Meehan ait affirmé que Mme Desormeaux était atteinte d’une affection susceptible de persister à long terme, personne chez OC Transpo ne l’a consulté ni n’a fait quelque tentative que ce soit pour obtenir une évaluation médicale indépendante.

[26] La preuve donne à croire qu’OC Transpo traiterait aujourd’hui très différemment un cas comme celui de Mme Desormeaux. Lois Emberg, qui était à l’époque la coordonnatrice, Équité en matière d’emploi, chez OC Transpo et qui, à ce titre, était responsable notamment des questions touchant les droits de la personne, a indiqué que si l’organisation recevait maintenant une lettre comme celle que le Dr Meehan a écrite, son médecin relancerait vraisemblablement l’auteur pour tenter de déterminer si l’employé est atteint d’un déficience. On se demanderait également si des mesures d’adaptation s’imposent et, le cas échéant, ce qui pourrait être fait à cet égard.

[27] Mme Desormeaux, M. Vye et M. Marcotte se sont réunis à nouveau le 6 novembre 1997[2] afin d’examiner les résultats de l’enquête médicale et le pronostic quant à l’aptitude de Mme Desormeaux à faire montre d’assiduité au travail. Mme Desormeaux a indiqué dans son témoignage qu’elle avait affirmé à M. Marcotte qu’elle faisait tout en son pouvoir pour se présenter au travail de façon régulière. Elle a dit qu’elle avait demandé à nouveau à M. Marcotte de préciser combien de jours d’absence on tolérerait et qu’il avait refusé de répondre à la question, précisant qu’il voulait que son niveau d’assiduité s’améliore sensiblement.

[28] Mme Desormeaux a affirmé lors de son témoignage que M. Vye avait dit à M. Marcotte à cette occasion que ses migraines pourraient constituer une déficience et qu’il avait proposé qu’on examine des mesures d’adaptation possibles. M. Marcotte a admis que M. Vye avait abordé la question à un moment donné, bien qu’il ne fût pas certain qu’il l’ait fait à cette occasion. M. Vye n’a pas témoigné. La documentation établie par M. Marcotte ne fait aucunement mention d’une telle discussion.

[29] J’accepte le témoignage de Mme Desormeaux à cet égard et je conclus que, le 6 novembre 1997, OC Transpo a été mise au courant du fait que Mme Desormeaux pouvait être atteinte d’une déficience. M. Marcotte a affirmé dans son témoignage qu’il avait sous sa surveillance en 1998 entre 300 et 350 employés et qu’il avait, au cours de sa carrière chez OC Transpo, effectué 700 à 800 entrevues avec des employés au sujet de leur rendement. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il ne puisse se souvenir du moment où la question a été abordée la première fois. Étant donné que son emploi était en jeu, la rencontre revêtait de toute évidence une plus grande importance pour Mme Desormeaux que pour M. Marcotte, de sorte qu’elle est plus à même de se souvenir du moment où M. Vye a formulé les observations en question. Mme Desormeaux a affirmé que M. Marcotte [TRADUCTION] n’entendait pas ce que M. Vye disait; par conséquent, il n’est pas étonnant que la documentation faisant état de cette rencontre n’en fasse pas mention. D’après le témoignage de Mme Desormeaux, il ne semble pas que la question de l’accommodement ait été examinée à ce moment‑là.

[30] Selon Mme Desormeaux, M. Marcotte a conclu la réunion en disant : [TRADUCTION] Je ne veux pas avoir à vous convoquer à une autre rencontre ici en septembre prochain. Elle a interprété cette remarque comme signifiant qu’elle avait une autre année pour tenter d’améliorer son niveau d’assiduité.

[31] La lettre rédigée par M. Marcotte à la suite de cette réunion fait allusion aux assurances données par Mme Desormeaux quant aux mesures qu’elle prenait pour enrayer ses migraines :

[TRADUCTION]

«En outre, je suis encouragé d’entendre que vous êtes consciente du fait que vous pouvez prendre vous-même des mesures pour neutraliser les malaises dont vous souffrez et qu’il n’en tient qu’à vous de le faire.»

[32] Bien que la question de la déficience ait été soulevée à la réunion du 6 novembre, M. Marcotte n’a pas suivi la procédure décrite dans le programme de gestion des présences. Il n’a pas demandé à Mme Desormeaux de se soumettre à une évaluation médicale indépendante pour déterminer si elle était vraiment atteinte d’une déficience au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il n’a pas non plus demandé qu’on consulte le Dr Meehan à ce sujet.

[33] Entre le 6 novembre 1997 et la cessation de son emploi le 30 janvier 1998, Mme Desormeaux s’est absentée du travail à quatre occasions, soit l’équivalent de sept jours complets. Mme Desormeaux a affirmé que toutes ces absences étaient attribuables à des migraines. Elle a expliqué qu’elle prenait du Norgesic Forte, un médicament très puissant contre les maux de tête, et qu’elle n’aurait pu conduire un autobus en toute sécurité. Chacune de ces absences a été documentée à l’aide d’un formulaire de demande d’autorisation d’absence d’OC Transpo signé par le Dr Meehan et précisant le motif de l’absence.

[34] De surcroît, Mme Desormeaux est arrivée en retard deux fois durant cette période parce qu’elle n’avait pu se lever à temps.

C. La cessation d’emploi

[35] Le 30 janvier 1998, Mme Desormeaux a rencontré MM. Marcotte et Walton en compagnie de M. Vye. On l’a alors informée qu’OC Transpo mettait fin à son emploi. Elle a affirmé que la nouvelle l’avait abasourdie, car elle croyait avoir une autre année pour améliorer son rendement.

[36] Les notes prises à ce moment‑là par M. Walton confirment que Mme Desormeaux a dit à MM. Marcotte et Walton à cette occasion que toutes ses absences récentes avaient été causées par des migraines. Selon Mme Desormeaux, M. Vye a alors indiqué à nouveau que ses maux de tête constituaient une déficience et qu’OC Transpo devrait songer à des mesures d’adaptation. Au dire de Mme Desormeaux, M. Marcotte a répondu que la décision d’OC Transpo serait maintenue.

[37] M. Marcotte reconnaît que M. Vye a soulevé lors de cette rencontre la question de la déficience et de l’obligation de composer avec la déficience de Mme Desormeaux. Selon les notes de M. Walton, M. Marcotte aurait répondu que bien que les absences de Mme Desormeaux aient peut-être été attribuables à ses migraines, elle s’était également absentée pendant des périodes relativement longues pour d’autres motifs. M. Marcotte a précisé dans son témoignage que l’unité d’hygiène du travail d’OC Transpo ne lui avait pas fourni d’information indiquant qu’il était nécessaire d’examiner des mesures d’adaptation possibles. De même, M. Marcotte a dit n’avoir reçu aucune information indiquant qu’il fallait obtenir une évaluation médicale indépendante.

[38] S’appuyant sur l’avis fourni par le Dr Meehan, M. Marcotte a affirmé qu’en novembre 1997, OC Transpo s’attendait à ce que Mme Desormeaux puisse désormais faire preuve d’assiduité au travail. Selon M. Marcotte, l’avis du Dr Meehan indiquait que rien n’empêchait Mme Desormeaux de se présenter au travail de façon régulière. Dans les semaines qui ont suivi la réunion du 6 novembre, Mme Desormeaux s’est absentée du travail à plusieurs reprises (sept journées complètes et deux parties de journée). Ces absences ont amené l’employeur à conclure que les chances qu’elle puisse venir travailler de façon assidue étaient très minimes. C’est à ce moment‑là qu’on a pris la décision de mettre fin à son emploi pour absentéisme involontaire chronique.

II. LE CADRE JURIDIQUE

[39] La plainte de Mme Desormeaux a été présentée en vertu de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cet article précise que le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. Or, selon l’article 3 de la Loi, la déficience est un motif de discrimination illicite.

[40] Conformément à l’alinéa 15(1)a) de la Loi, un traitement différentiel fondé sur des exigences professionnelles justifiées ne constitue pas un acte discriminatoire.

[41] L’avocate d’OC Transpo a soutenu que la norme de preuve dans le cas d’une plainte relative aux droits de la personne est plus exigeante que celle qui s’applique dans les affaires civiles ordinaires, c’est‑à-dire la prépondérance des probabilités. À l’appui de cette assertion, elle a invoqué la décision rendue par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans l’affaire Berry c. Farm Meats Canada Ltd[3]. Je ne suis pas d’accord. Au niveau fédéral, la norme de preuve dans les affaires de discrimination est celle qui s’applique dans les causes civiles ordinaires, soit la prépondérance des probabilités [4].

[42] En outre, OC Transpo a prétendu que la jurisprudence arbitrale confirme le droit d’un employeur à la part qui leur revient aux termes du contrat d’emploi, c’est‑à‑dire à la prestation de services pour laquelle l’employé est rémunéré. Bien que les arbitres tiennent compte des principes des droits de la personne, l’avocate soutient qu’il est possible qu’un contrat d’emploi soit inexécutable sans que ce ne soit de la faute de l’employé.

[43] Ce Tribunal a traité du lien entre les droits de la personne et la jurisprudence arbitrale dans la décision qu’il a récemment rendue dans l’affaire Eyerley c. Seaspan International Ltd [5]. Je souscris au raisonnement exposé dans cette décision. Les concepts propres aux relations de travail ne s’appliquent pas dans l’absolu; ils sont assujettis aux paramètres fixés par la législation sur les droits de la personne.

[44] La Cour suprême du Canada a réexaminé la méthode à adopter relativement aux affaires touchant les droits de la personne dans deux arrêts : Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU[6] (l’arrêt Meiorin) et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights)[7] (l’arrêt Grismer). La distinction historique entre la discrimination directe et la discrimination indirecte fait place désormais à une méthode unifiée de traitement des plaintes relatives aux droits de la personne. Selon cette méthode, il incombe d’abord à la partie plaignante d’établir une preuve prima facie de discrimination. La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l’absence de réplique de la partie intimée[8].

[45] Une fois qu’une preuve prima facie de discrimination a été établie, il revient à la partie intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la politique ou norme discriminatoire constitue une exigence professionnelle justifiée. Dans cette optique, la partie intimée doit désormais prouver :

  1. qu’elle a adopté la norme dans un but qui est rationnellement lié à la fonction exécutée;
  2. qu’elle a adopté la norme en question en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;
  3. que la norme contestée est raisonnablement nécessaire pour atteindre le but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, l’employeur doit démontrer qu’il ne pouvait composer avec les employés présentant les mêmes caractéristiques que le demandeur sans subir une contrainte excessive[9].

[46] L’expression contrainte excessive n’est pas définie dans la Loi. Toutefois, la Cour suprême a fourni beaucoup de paramètres permettant de déterminer si une défense fondée sur la contrainte excessive a été établie. Dans l’arrêt Meiorin, la Cour suprême a fait observer que l’adjectif excessive laisse supposer qu’une certaine contrainte est acceptable; toutefois, il faut absolument, pour satisfaire à la norme, que la contrainte imposée soit excessive [10]. La Cour suprême a également fait observer que le défendeur, afin de prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, a toujours la charge de démontrer qu’elle inclut toute possibilité d’accommodement sans qu’il en résulte une contrainte excessive[11]. Il incombe au défendeur d’établir qu’il a examiné et raisonnablement rejeté toutes les formes d’accommodement possibles. Le défendeur doit démontrer qu’il était impossible d’incorporer dans la norme des mesures visant à répondre aux besoins individuels sans qu’il en résulte une contrainte excessive[12]. Afin d’évaluer le caractère adéquat des efforts du défendeur en matière d’accommodement, il faut tenir compte de la perspective d’atteinte réelle aux droits d’autres employés[13]. L’adoption de la norme du défendeur doit être étayée par des éléments de preuve convaincants. La preuve, constituée d’impressions, ne suffit pas généralement[14]. Enfin, les facteurs tels que le coût des mesures d’adaptation possibles devraient être appliqués d’une manière souple et conforme au bon sens, en fonction des faits de chaque cas[15].

[47] Pour faire droit à une plainte de discrimination, il n’est pas nécessaire que les considérations discriminatoires soient le seul motif des actes reprochés. Il suffit que la déficience du plaignant soit un des facteurs ayant influencé la décision de mettre fin à l’emploi[16].

III. L’ANALYSE

A. Conséquences de la décision Adams

[48] Le Syndicat uni du transport a contesté la cessation d’emploi de Mme Desormeaux. Le grief, qui a été soumis à la procédure de règlement accélérée, a été instruit par l’honorable George Adams, c.r., le 27 juillet 1998. Le 5 août 1998, Me Adams a rendu une décision dans laquelle il a conclu qu’OC Transpo avait congédié Mme Desormeaux pour un motif valable. Par conséquent, le grief a été rejeté.

[49] Avant le début de la présente audience, l’intimée a déposé une requête contestant la compétence du Tribunal pour plusieurs motifs. L’un des arguments invoqués par l’intimée voulait que, du fait du principe de la chose jugée, le Tribunal n’ait pas compétence pour entendre la plainte de Mme Desormeaux, car l’irrecevabilité fondée sur l’identité de la question était en cause.

[50] J’ai tranché cette requête à la faveur d’une décision préliminaire, dans laquelle j’ai conclu que l’irrecevabilité fondée sur l’identité de la cause d’action ne s’appliquait pas en l’espèce, étant donné que la question que devait trancher Me Adams n’était pas la même que celle soumise à ce Tribunal et que les parties aux deux instances n’étaient pas les mêmes.

[51] Dans le cas de la plainte instruite par Me Adams, on s’est fondé sur un exposé conjoint des faits. L’avocat de l’intimée a soutenu dans le cours de l’audience du Tribunal que s’il y avait litige relativement à un de ces faits, je devrais appliquer le principe de l’irrecevabilité fondée sur l’identité de la cause d’action et considérer que ces faits ont été démontrés dans le cadre de la procédure d’arbitrage.

[52] L’intimée ne peut remettre en litige une chose que j’ai déjà tranchée dans ma décision préliminaire. J’ai déjà décidé que je n’étais pas lié par les conclusions de l’arbitre Adams. Cependant, ayant soigneusement examiné les arguments présentés par l’avocate au nom de l’intimée, il me semble que ce que cette dernière prétend, en fait, c’est que Mme Desormeaux ne devrait pas être autorisée à modifier des aveux faits en son nom lors de la procédure d’arbitrage.

[53] À mon avis, je n’ai pas à me pencher sur cet argument, à la lueur des éléments de preuve dont j’ai été saisie à l’audience, car il ne semble pas que ni la Commission ni Mme Desormeaux ne conteste sérieusement les faits reconnus devant Me Adams.

B. Quelle est la norme?

[54] En l’espèce, la norme d’emploi est l’exigence d’OC Transpo voulant que ses employés fassent montre d’assiduité au travail.

C. Existe‑t‑il une preuve prima facie de discrimination?

[55] Dans le cas qui nous occupe, je dois d’abord déterminer si Mme Desormeaux et la Commission ont établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience. L’intimée soutient qu’on n’a pas établi de preuve prima facie, car on n’a pas prouvé que Mme Desormeaux était atteinte d’une déficience. OC Transpo prétend que la preuve ne démontre pas que Mme Desormeaux est en proie à des migraines et que toutes les autres maladies et blessures dont elle a souffert au fil des années étaient des maux passagers qu’on ne saurait qualifier de déficiences.

i) Mme Desormeaux était-elle atteinte d’une déficience?

[56] Dans son témoignage, Mme Desormeaux a affirmé qu’elle souffrait de maux de tête chroniques bien des années avant d’être embauchée par OC Transpo. D’après ses dires, ses maux de tête commencent habituellement durant la nuit par une douleur dans le cou. La douleur envahit graduellement l’un des côtés de sa tête. Si elle se lève alors qu’elle est en proie à un tel mal de tête, elle est prise de nausée et se met à vomir. Elle devient aussi très sensible à la lumière. Elle a historiquement été affligée de ce genre de mal de tête une ou deux fois par mois; de façon générale, le malaise dure d’un à trois jours. Durant la période où elle a travaillé chez OC Transpo, elle a continué d’être en proie à des maux de tête.

[57] Mme Desormeaux a souvent consulté des médecins au sujet de ses maux de tête. Au moment où elle est entrée au service d’OC Transpo, elle se faisait traiter par son médecin de famille, qui était à l’époque le Dr Lyla Graham. En 1990, le Dr Graham a dirigé Mme Desormeaux vers le Dr H. Rabinovitch, un neurologue, en vue d’un examen plus approfondi. Le Dr Rabinovitch a examiné Mme Desormeaux le 11 janvier 1990, puis a fait rapport de ses conclusions au Dr Graham. Voici un extrait du rapport du Dr Rabinovitch : [TRADUCTION] À mon avis, elle souffre probablement à la fois de migraines et de la céphalée de tension … Je vais prendre des dispositions en vue d’un électroencéphalogramme et d’un tomodensitogramme, mais il est douteux selon moi que nous découvrions beaucoup d’autres choses… Mme Desormeaux a dit qu’elle avait subi les deux examens, mais qu’elle n’avait jamais été informée des résultats. Elle a dit avoir compris qu’on communiquerait avec elle uniquement si les examens révélaient quelque chose digne de mention. Il n’y a aucune trace des conclusions de l’un ou l’autre examen.

[58] En juillet 1996, Mme Desormeaux a changé de médecin de famille et a commencé à consulter le Dr Meehan de façon régulière. Le Dr Meehan a témoigné à l’audience. Elle a décrit ses observations au sujet des maux de tête de Mme Desormeaux, ainsi que les diverses formes de traitement et les différents médicaments qu’elle lui a prescrits au fil des années.

[59] Selon le Dr Meehan, les symptômes décrits par Mme Desormeaux correspondaient à ceux dont elle avait fait part au Dr Rabinovitch en 1990. Ce sont les symptômes classiques de migraines aiguës. Le Dr Meehan a expliqué qu’on ne connaît pas la cause des migraines, mais qu’il existe certains éléments déclencheurs. Le traitement des migraines consiste à tenter de déterminer quels sont ces éléments déclencheurs en vue de les éviter et à administrer dans certains cas des prophylactiques afin de prévenir leur résurgence. En outre, divers genres d’analgésiques sont également prescrits pour réduire la douleur rapidement et efficacement avec le moins d’effets secondaires possible.

[60] On fait souvent appel à la méthode d’essais et d’erreurs pour le traitement des migraines, selon le Dr Meehan. Dans le cas de Mme Desormeaux, le Dr Meehan a recommandé de faire l’essai de traitements de physiothérapie afin de réduire la tension musculaire dans la région cervicale. En réduisant la tension au niveau du cou, on peut atténuer l’acuité des migraines. Le Dr Meehan a aussi fait prendre à Mme Desormeaux divers médicaments en vue de déterminer celui qui serait le plus efficace. Comme les fluctuations du niveau hormonal peuvent souvent déclencher des migraines chez la femme, le Dr Meehan a éventuellement prescrit à Mme Desormeaux du Depo-Provera, un médicament qui supprime l’ovulation et élimine les cycles menstruels qui, souvent, déclenchent des migraines[17].

[61] Le Dr Meehan a affirmé qu’elle n’avait pas senti le besoin de diriger Mme Desormeaux vers un neurologue en vue d’une autre évaluation. Selon le Dr Meehan, Mme Desormeaux avait déjà consulté un neurologue et ne manifestait aucun des symptômes qui auraient pu l’amener à mettre en doute le bien-fondé du diagnostic du Dr Rabinovitch.

[62] Depuis qu’elle était devenue le médecin de famille de Mme Desormeaux en 1996, le Dr Meehan avait également traité celle‑ci pour diverses autres affections : calculs rénaux, kystes ovariens, infection respiratoire, gastro-entérite virale.

[63] À l’automne 1997, lorsqu’on lui a demandé son avis au sujet de l’aptitude de Mme Desormeaux à travailler, le Dr Meehan a dit que tous les ennuis de santé de sa patiente, hormis ses migraines, avaient été résolus, de sorte qu’elle ne serait pas en proie à des problèmes permanents. En ce qui concerne les migraines de Mme Desormeaux, le Dr Meehan a dit qu’ils étaient davantage maîtrisés mais que, vu la nature de l’affection dont souffrait sa patiente, elle ne pouvait prédire quand le malaise réapparaîtrait. Ces maux de tête entravaient la capacité de Mme Desormeaux d’exercer ses fonctions. De plus, un grand nombre de médicaments auxquels on a recours pour traiter des migraines ont des effets secondaires qui rendraient dangereuse la conduite d’un autobus.

[64] Le point de départ de mon analyse de la question à savoir si Mme Desormeaux était atteinte ou non d’une déficience réside forcément dans la définition de ce mot, telle qu’elle figure à l’article 25 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Malheureusement, cet article n’est guère utile en l’espèce, étant donné que la définition qu’on y trouve est quelque peu tautologique. En effet, le mot déficience est défini comme suit : Déficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée… .

[65] L’arrêt le plus récent rendu par un tribunal judiciaire au sujet de ce qui constitue une déficience est celui prononcé par la Cour suprême du Canada dans Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville)[18]. La Cour suprême a jugé que le terme handicap (qui est utilisé comme synonyme du terme déficience qu’on emploie dans le contexte des droits de la personne)[19], … ne doit pas être enfermé dans une définition étanche et dépourvue de souplesse [20].

[66] L’avocate d’OC Transpo prétend que Mme Desormeaux n’était pas atteinte d’une déficience, soutenant qu’il n’a pas été dûment démontré qu’elle souffre effectivement de migraines. Elle est d’avis que le Dr Meehan, à titre de médecin de famille, n’a pas la compétence nécessaire pour diagnostiquer des migraines. À son avis, je ne puis, en l’absence d’un diagnostic établi par un neurologue, conclure que Mme Desormeaux souffre de migraines.

[67] Plusieurs raisons militent en faveur du rejet de l’argument de l’avocate. Je suis persuadée qu’un médecin de famille raisonnablement compétent est en mesure de diagnostiquer et de traiter des migraines. De plus, le cas de Mme Desormeaux a été évalué par un neurologue en 1990. Le Dr Rabinovitch a conclu que Mme Desormeaux souffrait probablement à la fois de migraines et de la céphalée de tension . Au cours de son témoignage, le Dr Meehan a affirmé que les symptômes de Mme Desormeaux étaient les symptômes classiques de migraines aiguës. On ne m’a présenté aucune preuve médicale qui pourrait m’amener à mettre en doute l’avis du Dr Meehan ou la conclusion du Dr Rabinovitch.

[68] En outre, même si j’acceptais la prétention de l’avocate à cet égard, je n’en conclurais pas moins que les maux de tête de Mme Desormeaux constituent une déficience au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il a été établi que Mme Desormeaux souffre depuis de nombreuses années de maux de tête débilitants chroniques. Il m’importe peu que ces maux de tête soient considérés formellement comme des migraines ou d’autres genres de maux de tête. On n’a contesté ni la description faite par Mme Desormeaux de ses symptômes ni celle de leurs incidences, ainsi que des effets des médicaments nécessaires sur sa capacité de fonctionner. Il est évident qu’elle souffre depuis longtemps de maux de tête qui la plongent périodiquement dans un état d’incapacité grave au point d’entraver sa capacité de faire son travail. À mon avis, cela constitue une déficience au sens de la Loi.

[69] Pour les motifs que j’énoncerai plus loin dans la présente décision, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si les autres maladies et blessures dont a souffert Mme Desormeaux au fil des années étaient des maux passagers ou des déficiences.

ii) La déficience de Mme Desormeaux a‑t‑elle influé sur la décision de mettre fin à son emploi?

[70] Ayant conclu que Mme Desormeaux était atteinte d’une déficience, il me reste à déterminer si celle‑ci a influé sur la décision d’OC Transpo de mettre fin à son emploi.

[71] OC Transpo soutient que Mme Desormeaux n’a pas été congédiée à cause d’une déficience. Compte tenu des antécédents de Mme Desormeaux et des renseignements médicaux dont elle disposait, OC Transpo en serait venue à la conclusion que Mme Desormeaux ne serait pas en mesure de faire montre d’assiduité au travail à l’avenir. En outre, OC Transpo, eu égard au rapport du Dr Meehan, était persuadée que les absences répétées de Mme Desormeaux n’étaient pas attribuables à une déficience.

[72] Je n’accepte pas les arguments d’OC Transpo à ce propos. Il est évident que la décision de mettre fin à l’emploi de Mme Desormeaux était fondée sur l’évaluation par l’employeur des chances qu’elle puisse se présenter à son travail de façon régulière, compte tenu notamment de ses antécédents d’assiduité. Que l’on considère ou non que les absences causées par ses autres maux étaient attribuables à une déficience, il reste qu’un pourcentage important de ses absences était attribuable à ses maux de tête. Comme je l’ai déjà fait remarquer, il n’est pas nécessaire, pour faire droit à une plainte de discrimination, que les considérations discriminatoires soient le seul motif des actes reprochés. Il est à première vue discriminatoire de tenir compte d’absences liées à une déficience pour décider de mettre fin à l’emploi d’une personne pour absentéisme excessif[21].

[73] Il faut également se rappeler que les incidents déterminants qui ont entraîné le congédiement de Mme Desormeaux ont été les absences survenues entre novembre 1997 et le 30 janvier 1998. Il n’est pas contesté que toutes ces absences (à l’exception de celles survenues les deux matins où elle est arrivée en retard au travail parce qu’elle ne s’était pas réveillée à temps) résultaient des maux de tête de Mme Desormeaux.

[74] Dans ces circonstances, je suis persuadée que la Commission et Mme Desormeaux ont établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience.

D. OC Transpo s’est‑elle acquittée de son fardeau?

[75] Comme nous avons conclu qu’il existe une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience, il incombe à OC Transpo de démontrer que la norme de l’assiduité imposée aux chauffeurs d’autobus constitue une exigence professionnelle justifiée. Afin de démontrer l’existence d’une exigence professionnelle justifiée, il faut établir trois éléments. Nous examinerons chacun de ces éléments à tour de rôle.

i) Lien rationnel

[76] OC Transpo doit d’abord établir qu’elle a adopté sa norme consistant à faire montre d’assiduité au travail à une fin ou dans un but qui est rationnellement lié à l’exercice des fonctions. L’analyse à cette étape ne porte pas sur la validité de la norme en cause, mais plutôt sur la validité de son objet plus général[22].

[77] Il n’est pas contesté en l’espèce que l’exigence voulant que les chauffeurs d’autobus fassent montre d’assiduité au travail est rationnellement liée à la prestation de services de transport en commun en temps opportun.

ii) Bonne foi

[78] Le deuxième élément que doit établir OC Transpo est qu’elle a adopté sa norme de l’assiduité au travail en toute bonne foi, estimant qu’elle était nécessaire à la prestation de services de transport en commun en temps opportun.

[79] Dans sa plaidoirie, l’avocat de la Commission a déclaré que cette dernière ne voulait pas insinuer qu’OC Transpo n’avait pas agi de bonne foi. Néanmoins, la Commission, au cours de l’audience, a contesté les faits et gestes d’OC Transpo, c’est‑à-dire le recours à la norme de l’assiduité au travail et la réticence à préciser à Mme Desormeaux le nombre tolérable de journées d’absence. Elle l’a fait une seule fois, en 1990, lorsqu’elle a dit à Mme Desormeaux qu’elle ne pourrait s’absenter du travail plus de cinq fois ou pendant plus de 12 jours sur une période de 12 mois. Selon la Commission, l’équité exigeait qu’on fixe aux employés un objectif numérique de présence. À son avis, on aurait pu décider, par exemple, que la norme était le taux moyen d’absentéisme de l’organisation.

[80] Ron Marcotte a expliqué qu’il n’y a pas de nombre maximum de jours où les employés d’OC Transpo peuvent s’absenter du travail. OC Transpo estime qu’il est du devoir des employés de se présenter au travail, bien qu’elle reconnaisse qu’il puisse arriver de temps à autre qu’ils ne soient pas en mesure de le faire pour des raisons de santé. Elle craint qu’en indiquant aux employés un nombre précis de jours où ils peuvent s’absenter, l’on donne l’impression que chacun d’eux peut s’absenter un certain nombre de jours sans conséquence. La norme de l’assiduité au travail offre la souplesse voulue, car elle permet à l’employeur d’adapter à chaque situation particulière sa façon de réagir. Dans son témoignage, M. Marcotte a indiqué, par exemple, que certains employés avaient en 1997‑1998 un dossier d’assiduité pire que celui de Mme Desormeaux, mais qu’ils en étaient à une étape moins avancée dans le programme de gestion des présences. On ne mettrait pas fin à l’emploi de ces personnes, car on voulait leur donner d’autres chances de parvenir à faire montre d’assiduité.

[81] Lors de sa plaidoirie, l’avocate d’OC Transpo a soutenu que les faits de l’espèce illustrent parfaitement les problèmes qui peuvent se poser lorsqu’on précise à un employé le nombre maximum de jours où ils peuvent s’absenter du travail. Mme Desormeaux a avoué lors de son témoignage que la fois où on lui a fixé un objectif numérique, elle avait conduit un autobus avec dans son système du Tylenol 3 afin de respecter l’objectif qu’on lui avait fixé.

[82] Je n’accepte pas les arguments de la Commission quant à la nécessité de préciser le nombre de jours où l’on peut s’absenter. La Cour suprême du Canada a indiqué que les normes d’emploi ne doivent pas être arbitraires et doivent permettre de tenir compte de la situation de chacun[23]. Il serait de toute évidence discriminatoire d’imposer une exigence arbitraire voulant que l’absentéisme d’un employé handicapé ne puisse dépasser le taux moyen de l’organisation, conditions auxquelles ne sont pas soumis les autres employés[24]. Par conséquent, OC Transpo a satisfait à mon avis à l’élément bonne foi du critère Meiorin.

iii) OC Transpo a‑t‑elle composé avec Mme Desormeaux sans qu’il en résulte une contrainte excessive?

[83] La dernière question à trancher est la suivante : OC Transpo a‑t‑elle démontré que sa norme de l’assiduité au travail est raisonnablement nécessaire à la prestation de services de transport en commun en temps opportun. Afin de démontrer que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut établir qu’il aurait été impossible de composer avec Mme Desormeaux sans qu’il en résulte pour l’employeur une contrainte excessive.

[84] Le point de départ de mon analyse consiste à déterminer l’état de santé de Mme Desormeaux au moment où OC Transpo a pris la décision de mettre fin à son emploi. Mme Desormeaux a éprouvé au fil des années toute une panoplie de problèmes de santé, sans parler des nombreuses blessures qu’elle a subies. Cependant, rien dans la preuve n’indique qu’il existe un lien entre les divers malaises qui expliquent son taux élevé d’absentéisme ou que son incapacité de faire montre d’assiduité au travail est attribuable à une seule et même cause. Il semble plutôt que Mme Desormeaux ait simplement été très malchanceuse au fil des années, étant en proie à une multitude de maux et de blessures non apparentés. La plupart de ces malaises semblent avoir été d’une durée limitée, et la preuve indique qu’à l’automne de 1997, seules ses migraines étaient susceptibles de persister à long terme. Autrement dit, rien dans la preuve médicale qui m’a été présentée n’indique que Mme Desormeaux risquait plus que tout autre employé d’OC Transpo d’éprouver des ennuis de santé (mis à part ses maux de tête).

[85] Dans son témoignage, Lois Emberg a affirmé que l’observation du Dr Meehan voulant que les migraines de Mme Desormeaux risquent de persister à long terme aurait dû susciter la crainte qu’elle soit atteinte d’une déficience. Dans les circonstances, on n’aurait pas dû, selon Mme Emberg, décider de mettre fin à son emploi avant d’avoir examiné comme il se doit la thèse de la déficience. OC Transpo a plutôt décidé de donner à Mme Desormeaux trois mois de plus pour démontrer qu’elle pouvait se présenter au travail de manière assidue. Elle n’a pas réussi à le faire en raison de ses maux de tête et on a mis fin à son emploi.

[86] Afin de déterminer s’il aurait été possible de composer avec Mme Desormeaux, je dois examiner dans quelle mesure ses migraines auraient vraisemblablement entravé sa capacité de faire montre d’assiduité au travail après janvier 1998. Une façon d’évaluer l’absentéisme futur consiste à examiner les antécédents de Mme Desormeaux. En janvier 1998, Mme Desormeaux était au service d’OC Transpo depuis environ 8,75 années. À l’époque, elle s’était absentée 57 journées complètes et 11 parties de journée en raison de maux de tête. Cela signifie qu’elle a été absente en moyenne 6,5 journées complètes et 1,25 partie de journée à cause de ses migraines. Ces chiffres doivent peut-être être révisés légèrement à la hausse afin de tenir compte du fait que Mme Desormeaux s’est aussi absentée pour d’autres motifs, notamment par suite d’une blessure au dos qui l’a tenue à l’égard du travail durant 79 jours. Durant ces absences, Mme Desormeaux a peut-être souffert de migraines qui ne lui auraient pas permis de se présenter au travail. De même, il se peut qu’il faille réviser les chiffres à la hausse afin de tenir compte des effets que les absences non consignées de Mme Desormeaux auraient eues sur son taux d’absentéisme. Cependant, la preuve ne permet pas d’établir clairement si ces absences non consignées étaient attribuables à des migraines.

[87] D’autre part, il semblerait qu’en ce qui concerne les absences attribuables à des migraines, les antécédents d’assiduité de Mme Desormeaux ne soient peut-être pas un indicateur précis de son assiduité future et qu’on pourrait raisonnablement s’attendre à une amélioration à cet égard. La preuve médicale non contredite dont disposait OC Transpo à l’époque où la décision a été prise de mettre fin à l’emploi de Mme Desormeaux était qu’on avait fait des progrès en ce qui touche l’isolement d’une des causes de ses maux de tête. Dans son rapport d’octobre 1997, le Dr Meehan a informé OC Transpo que des correctifs étaient en voie d’être apportés pour pallier la dysfonction mécanique du cou et qu’on avait noté une nette amélioration de l’état de Mme Desormeaux. Bien que Mme Desormeaux n’ait cessé de répéter à M. Marcotte que ses migraines étaient en voie d’être réprimées, OC Transpo avait pour la première fois une preuve médicale permettant de croire qu’on pouvait s’attendre à ce que les perspectives d’assiduité de Mme Desormeaux s’améliorent.

[88] Cependant, entre la rencontre du 6 novembre 1997 et la cessation de son emploi le 30 janvier 1998, Mme Desormeaux s’est absentée du travail à quatre occasions, soit sept jours au total, en raison de migraines. En outre, elle s’est présentée au travail en retard à deux reprises parce qu’elle ne s’était pas réveillée à temps. En ce qui concerne ses deux dernières absences, qu’il suffise de dire que le fait qu’elle ne se soit pas réveillée à temps et se soit présentée en retard deux fois au travail durant une période où son emploi était nettement en péril ne contribue certes pas à rehausser l’image que projette Mme Desormeaux du point de vue de l’éthique professionnelle.

[89] Pour ce qui est de l’absentéisme lié aux migraines, la fréquence des absences de Mme Desormeaux au cours de la période de trois mois qui a précédé la cessation de son emploi aurait raisonnablement pu amener OC Transpo à s’interroger sur l’exactitude du pronostic du Dr Meehan. Bien que M. Marcotte ait été mis au courant du motif des absences de Mme Desormeaux durant cette période, rien n’a été fait pour tirer au clair les conclusions du Dr Meehan. On n’a pas tenté de demander au Dr Meehan pour quelle raison Mme Desormeaux était aussi souvent en proie à des migraines au cours de cette période, et si les absences causées par ce problème modifiaient son opinion quant au pronostic d’assiduité concernant sa patiente. De même, rien n’a été fait en vue d’obtenir une évaluation médicale indépendante de l’état de Mme Desormeaux, malgré le fait que le programme de gestion des présences d’OC Transpo prévoyait expressément une telle évaluation.

[90] Par conséquent, en janvier 1998, une certaine incertitude planait au sujet du pronostic concernant Mme Desormeaux. Au regard de toutes les circonstances, je suis persuadée que les antécédents d’assiduité de longue date de Mme Desormeaux chez OC Transpo étaient l’indicateur le plus fiable de son assiduité future.

[91] La question suivante à examiner est celle à savoir si OC Transpo aurait pu composer avec un employé affichant un taux d’absentéisme attribuable à des migraines aussi élevé que celui de Mme Desormeaux. La prétention d’OC Transpo selon laquelle elle ne pouvait composer avec les absences sporadiques et constantes de Mme Desormeaux est fondée principalement sur des considérations opérationnelles. À cet égard, je note que la cessation d’emploi de Mme Desormeaux est survenue avant les modifications apportées par le projet de loi S‑5 à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le paragraphe 15 (2) de la Loi modifiée précise que les facteurs à examiner du point de vue de l’accommodement sont la santé, la sécurité et le coût[25]. Par conséquent, mon examen de la question de l’accommodement en l’espèce est soumis aux principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (commission des droits de la personne)[26] et les arrêts ultérieurs.

[92] Dans l’arrêt Dairy Pool, la Cour suprême donne une liste non exhaustive des genres de facteurs qui peuvent constituer une contrainte excessive et fait état notamment des considérations opérationnelles telles que l’importance de l’exploitation de l’employeur et l’interchangeabilité des effectifs. La Cour divisionnaire de l’Ontario a récemment statué que les difficultés logistiques que pose le remplacement de travailleurs absents constitue une contrainte excessive[27].

[93] M. Marcotte a expliqué que les sociétés qui exploitent des autobus suivent des horaires préétablis. Les usagers s’attendent à ce que leur autobus arrive et parte à temps afin de leur permettre de prendre leur correspondance et de vaquer à leurs affaires. Si un trop grand nombre de chauffeurs ne se présentent pas au travail un jour donné, il se peut qu’il n’y ait pas suffisamment de personnel pour que tous les autobus puissent prendre la route. Une telle situation cause des interruptions de service et occasionne des problèmes aux citoyens de la région de la capitale nationale, qui comptent sur OC Transpo pour leur transport. Contrairement aux absences à long terme, auxquelles OC Transpo peut suppléer, les absences intermittentes de dernière minute posent des défis particuliers.

[94] Les chauffeurs d’autobus d’OC Transpo peuvent choisir leurs itinéraires et leurs horaires de travail en fonction de leur ancienneté. Ces choix sont valables pour une durée de 17 semaines. Pour chaque bloc de 17 semaines, on dresse une liste des suppléants . Les 75 à 100 chauffeurs dont les noms figurent sur cette liste n’ont pas de trajet attitré. C’est à eux qu’il incombe de remplacer les chauffeurs absents, au besoin.

[95] De temps à autre, il n’y a pas suffisamment de noms sur la liste pour suppléer à toutes les absences. Dans ces cas‑là, on offre aux chauffeurs qui ont des trajets attitrés la possibilité de faire des heures supplémentaires. S’il n’y a pas suffisamment de chauffeurs prêts à faire des heures supplémentaires, les autobus ne sortent tout simplement pas du dépôt, ce qui occasionne des interruptions de service.

[96] OC Transpo a présenté, par l’entremise de M. Marcotte, un relevé indiquant le niveau de prestation de service pour la semaine du 21 au 27 janvier 2001. Selon ce relevé, on a annulé cette semaine-là 626 trajets sur un total de 37 445. Ces trajets ont été annulés pour diverses raisons : autobus présentant des problèmes mécaniques, retards au dépôt, accidents. Dans 106 cas, les autobus n’ont pas quitté le dépôt pour diverses raisons, notamment le manque de chauffeurs.

[97] Parmi les 626 trajets annulés, il semble que l’autobus ait finalement quitté le dépôt dans 395 cas. M. Marcotte a expliqué qu’on a alors fait appel à des extras . On ne sait pas exactement s’il entendait par là des employés dont le nom figurait sur la liste des suppléants ou d’autres employés. Par conséquent, 231 trajets sur les 37 445 prévus n’ont jamais été effectués. Cependant, ces statistiques doivent être interprétées avec prudence, car on ne sait pas exactement combien de ces 231 trajets ont été annulés en raison du manque de personnel plutôt qu’à cause de problèmes mécaniques ou d’autres facteurs.

[98] Selon Paul MacDonnell, l’ex‑président de la section locale 279 du Syndicat uni du transport, l’échantillon de janvier 2001 n’est peut-être pas indicatif des taux d’annulation typiques. À son avis, le mois de janvier, du fait qu’il se situe au milieu de l’hiver, est le pire mois de l’année pour ce qui est des annulations de trajets, vu le taux d’incidence élevé de défaillances mécaniques. M. Marcotte n’a pas répondu aux commentaires de M. MacDonnell à propos du pourcentage accru d’ennuis mécaniques durant les mois d’hiver, mais il a indiqué que les températures inclémentes de l’hiver n’étaient pas une grande entrave à la prestation de service, car Ottawa [TRADUCTION] a d’excellents nettoyeurs de rues . M. Marcotte a admis qu’il peut y avoir des problèmes dans le cas d’une grosse tempête de neige. Il a été incapable de préciser s’il y avait eu une tempête dans la semaine du 21 au 27 janvier 2001.

[99] M. Marcotte n’a pu fournir de données comparables au sujet du niveau de prestation de service au cours de la période où on a mis fin à l’emploi de Mme Desormeaux, mais il a précisé qu’il n’était pas rare que la liste des suppléants soit épuisée à cause des absences des employés. Dans un tel cas, on avait recours au surtemps afin que les autobus puissent partir à temps. Selon M. Marcotte, il y a [TRADUCTION] même eu des jours où nous n’avons pas pu travailler en surtemps , ce qui signifie sans doute que des trajets ont dû être annulés certains jours. Toutefois, il n’a pas fourni d’indications quant à la fréquence de ces annulations.

[100] OC Transpo est un important employeur. M. MacDonnell a affirmé dans son témoignage qu’OC Transpo compte toujours entre 1 200 et 1 500 chauffeurs d’autobus. Le budget annuel de l’organisation s’élève à 150 millions de dollars. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi OC Transpo n’embauchait tout simplement pas plus de chauffeurs afin d’être absolument sûre de pouvoir offrir le service, M. MacDonnell a répondu qu’il y avait eu des gels de recrutement et des compressions de personnel. Il a également précisé qu’il coûtait moins cher à OC Transpo de faire faire des heures supplémentaires que d’embaucher plus de chauffeurs.

[101] C’est dans ce contexte que je dois maintenant déterminer si le maintien en poste de Mme Desormeaux créerait une contrainte excessive pour OC Transpo, en raison de ses absences intermittentes. À cet égard, il convient de se référer au témoignage de Ron Marcotte à propos du programme de gestion des présences d’OC Transpo. Selon M. Marcotte, les employés soumis au programme de gestion des présences en 1995‑1996 étaient ceux qui s’absentaient au moins 18 jours par année. En 1997‑1998, le taux d’absentéisme avait légèrement diminué. M. Marcotte a indiqué que le seuil d’inclusion dans le programme était peut-être de 13 jours par année, même s’il ne semblait pas en être absolument sûr. J’ai conclu qu’un pronostic réaliste quant aux absences futures de Mme Desormeaux en raison de ses migraines serait de l’ordre de 6,5 journées complètes et de 1,25 partie de journée par année, ce qui est bien en deçà du taux d’absentéisme qui caractérise 25 % des chauffeurs d’autobus d’OC Transpo. Même si l’on alloue quelques jours de plus chaque année pour les maux passagers tels que les rhumes et les grippes, je ne puis conclure qu’en janvier 1998, le taux d’absentéisme futur de Mme Desormeaux aurait vraisemblablement dépassé celui d’une proportion importante de la main-d’œuvre d’OC Transpo[28].

[102] J’admets que des absences intermittentes sont susceptibles de constituer une contrainte excessive dans le cas, par exemple, d’un petit établissement où l’intéressé fournit des services uniques à son employeur. Toutefois, dans le cas qui nous occupe, OC Transpo possède un vaste effectif et les fonctions de ses chauffeurs sont dans une large mesure interchangeables. OC Transpo reconnaît que, chaque jour, un certain nombre de ses chauffeurs ne seront pas en mesure de se présenter au travail. Vu la nature du service qu’elle offre, OC Transpo pallie ces absences grâce à un système de suppléance, lequel semble généralement fonctionner très bien. Au regard de la preuve qui m’a été présentée, je ne suis pas persuadée que Mme Desormeaux imposerait un fardeau excessif au système de suppléance à l’avenir. Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’OC Transpo a établi qu’elle aurait subi une contrainte excessive en gardant Mme Desormeaux à son service.

[103] En outre, la preuve indique qu’il aurait peut-être été possible de réduire quelque peu le niveau d’absentéisme de Mme Desormeaux en modifiant ses fonctions. D’après le témoignage de Mme Desormeaux, il semble qu’elle était totalement inapte à travailler aux premiers stades d’une migraine, mais qu’elle pouvait fonctionner dans une certaine mesure lorsque le mal était en voie de se dissiper. Bien qu’elle soit incapable de conduire un autobus en toute sécurité lorsqu’elle est sous l’effet de médicaments, elle est en mesure d’exercer d’autres tâches utiles pour le compte d’OC Transpo. Selon M. MacDonnell, les chauffeurs d’autobus qui doivent faire l’objet de mesures d’adaptation peuvent remplir d’autres fonctions que celles qui consistent à conduire un autobus.

[104] De même, M. MacDonnell a indiqué dans son témoignage qu’il existe des façons pour OC Transpo d’atténuer les effets des absences intermittentes de Mme Desormeaux sur la prestation de service. Par exemple, le nom de Mme Desormeaux pourrait être inscrit sur la liste des suppléants. Les chauffeurs dont le nom se trouve sur cette liste n’ont pas toujours à prendre la route; par conséquent, l’absence d’un chauffeur dont le nom figure sur la liste des suppléants est moins susceptible de perturber l’exploitation.

[105] Aucune de ces solutions de rechange n’a été examinée avant la cessation d’emploi de Mme Desormeaux, étant donné que M. Marcotte estimait de toute évidence que la responsabilité d’améliorer la situation reposait uniquement sur les épaules de Mme Desormeaux.

[106] Avant de délaisser la question de l’accommodement, il convient de commenter plusieurs autres aspects. Bien qu’il y ait eu des témoignages au sujet du coût des congés de maladie, la preuve dont j’ai été saisie en ce qui concerne la situation financière d’OC Transpo est insuffisante pour que je puisse conclure qu’exiger qu’OC Transpo continue d’offrir de tels avantages à Mme Desormeaux constituerait une contrainte excessive[29].

[107] OC Transpo a déposé de la preuve par l’entremise de Lois Emberg, et du dépôt de ses rapports annuels sur l’équité en matière d’emploi, au sujet du nombre important de personnes handicapées qui sont à son service. J’ai examiné cette preuve qui, toutefois, ne m’a guère été utile pour déterminer ce qui s’est produit dans le cas de Francine Desormeaux. De même, il y a eu des témoignages au sujet du comité d’examen de la situation des employés handicapés, un comité mixte syndical-patronal mis sur pied pour examiner les mesures d’adaptation à prendre à l’égard des employés d’OC Transpo. Cette preuve doit être examinée à la lumière du témoignage de Mme Emberg selon lequel le comité n’entrait en scène que lorsqu’un employé devait faire l’objet de mesures d’adaptation durant une période de plus de quatre semaines consécutives. Par conséquent, le comité, au dire de Mme Emberg, ne serait pas intervenu dans un cas comme celui de Mme Desormeaux où il s’agissait d’absences intermittentes de courte durée.

[108] OC Transpo soutient que Mme Desormeaux n’a jamais dit ce dont elle avait besoin en termes d’accommodement et n’a, de surcroît, fourni aucune documentation médicale à l’appui d’une telle requête. Mme Desormeaux s’est plutôt contentée de répéter sans cesse à M. Marcotte qu’elle respecterait la norme de l’assiduité au travail. Par conséquent, Mme Desormeaux, selon OC Transpo, n’a pas satisfait à son obligation de faciliter la recherche d’un accommodement.

[109] Il est reconnu que Mme Desormeaux a toujours fait preuve d’une très grande candeur envers son employeur quant à ses problèmes de santé. Il est vrai également qu’elle a tenté au fil des années de fournir à son employeur l’assurance que la situation s’améliorerait à l’avenir. Cependant, alors que la cessation de son emploi était imminente, la question de l’accommodement a fait surface. J’ai conclu que M. Vye avait, lors de la rencontre du 6 novembre 1997, demandé si les migraines de Mme Desormeaux constituaient une déficience et donné à entendre qu’on devrait examiner des moyens de composer avec Mme Desormeaux. J’ai accepté le témoignage de Mme Desormeaux selon lequel M. Marcotte [TRADUCTION] n’entendait pas ce que M. Vye lui disait et selon lequel la question de l’accommodement n’avait pas vraiment été abordée. Il est évident que malgré le fait qu’il avait en sa possession un rapport médical indiquant que Mme Desormeaux avait d’un problème de santé susceptible d’avoir des conséquences à long terme, problème qui continuait de causer des absences, M. Marcotte n’était pas disposé à examiner ce qui pourrait être fait pour tenir compte des besoins de Mme Desormeaux.

[110] Le droit est clair au sujet des obligations de l’employeur et de l’employé en matière d’accommodement : il incombe à l’employé handicapé de porter à la connaissance de son employeur les faits liés à la discrimination. C’est ce qu’a fait Mme Desormeaux par l’entremise de M. Vye. Il n’appartient pas à l’employé de trouver une solution; cette responsabilité incombe à son employeur[30]. Dans les circonstances, je suis persuadée que Mme Desormeaux s’est acquittée de son obligation de faciliter la recherche d’un accommodement.

[111] La dernière question qu’il me reste à examiner est celle de la responsabilité du Syndicat uni du transport. À cet égard, l’avocat d’OC Transpo prétend que si l’on conclut qu’elle a exercé une discrimination envers Mme Desormeaux, le syndicat [TRADUCTION] n’a pas respecté son obligation de composer avec la déficience de celle-ci en omettant d’informer l’employeur, dès l’instauration du programme de gestion des présences, que Mme Desormeaux devait prendre un nombre excessif de congés à cause de ses migraines .

[112] Il convient de noter que le syndicat n’est pas partie à la plainte de Mme Desormeaux. Au début de l’audience, OC Transpo a présenté une requête visant à ajouter le nom du syndicat à titre d’intimé. Pour les motifs invoqués à l’époque, cette requête a été rejetée. L’examen des arguments de l’avocate ne permet pas d’établir clairement si elle tente d’obtenir une ordonnance contre le syndicat. Comme j’ai rejeté la requête visant à ajouter le nom du syndicat à titre d’intimé, je ne vois pas comment je pourrais rendre une ordonnance contre le syndicat, qui n’est pas partie à la plainte, même si j’étais disposée à le faire.

[113] Quoi qu’il en soit, je ne vois pas, compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, de fondement qui permettrait d’établir la responsabilité du syndicat en appliquant l’une ou l’autre des théories énoncées dans l’arrêt Renaud relativement à la responsabilité syndicale. Le fait que le syndicat ait pris part aux consultations au sujet de la politique de gestion des présences d’OC Transpo ne fait pas de celle‑ci une politique patronale-syndicale. De plus, le problème que j’ai décrit en l’espèce découle non pas de la politique d’OC Transpo, mais plutôt de la façon dont le cas de Mme Desormeaux a été traité par son employeur. De même, rien dans la preuve dont j’ai été saisie ne me donne à croire qu’à aucun moment avant le 30 janvier 1998, le syndicat ait fait quoi que ce soit pour nuire à des efforts visant à composer avec Mme Desormeaux.

[114] Pour les motifs invoqués ci‑dessus, je fais droit à la plainte de Mme Desormeaux.

IV. LES MESURES DE REDRESSEMENT

A. Réintégration

[115] Dans les cas où il juge qu’une plainte de discrimination est fondée, un tribunal des droits de la personne a le devoir de tenter de remettre la partie plaignante dans la position où elle aurait été, n’eût été de l’acte discriminatoire. En l’espèce, la meilleure façon d’exercer ce devoir est de réintégrer Mme Desormeaux dans son poste de chauffeur d’autobus chez OC Transpo. Mme Desormeaux doit recevoir les crédits d’ancienneté et les avantages, y compris les crédits de pension, dont elle aurait bénéficié si elle avait été employée sans interruption par OC Transpo. En outre, elle doit recevoir toute formation nécessaire pour parfaire ses compétences et se familiariser à nouveau avec les politiques et procédures de l’organisation.

[116] En ordonnant la réintégration de Mme Desormeaux dans son poste de chauffeur d’autobus, je laisse à OC Transpo, en consultation avec Mme Desormeaux et son syndicat, le soin de trouver un poste pour lequel ses absences intermittentes perturberont le moins possible le service. J’ordonne également à OC Transpo de consulter Mme Desormeaux et son syndicat, ainsi que le Dr Meehan, si nécessaire, afin de déterminer quelles mesures peuvent être prises en toute sécurité afin de réduire au minimum les absences de Mme Desormeaux tout en évitant qu’elle doive conduire un autobus sous l’influence de médicaments. À cet égard, je note que le Syndicat uni du transport s’est engagé à collaborer pleinement à la mise en œuvre de toute ordonnance que le Tribunal prononcerait contre OC Transpo en ce qui touche la réintégration de Mme Desormeaux dans ses fonctions.

[117] Enfin, Mme Desormeaux a demandé de ne pas avoir à expliquer ou justifier chacune de ses absences. À cet égard, je ne crois pas que Mme Desormeaux puisse s’attendre à pouvoir s’absenter impunément du travail. Son employeur a le droit de recevoir une explication légitime de façon à être convaincu que ses absences sont justifiées. Mme Desormeaux doit, tout comme les autres chauffeurs d’autobus d’OC Transpo, être tenue de produire des certificats médicaux et d’autres éléments d’information au sujet de ses absences.

B. Pertes salariales

[118] Conformément au principe selon lequel les tribunaux des droits de la personne doivent tenter, dans la mesure du possible, d’indemniser complètement la victime d’un acte discriminatoire, Mme Desormeaux doit recevoir la rémunération qu’elle a perdue par suite de la cessation de son emploi chez OC Transpo. Selon OC Transpo, l’indemnité à ce titre devrait être réduite puisque Mme Desormeaux n’a pas pris les mesures voulues pour atténuer ses pertes.

[119] Dès qu’OC Transpo a mis fin à son emploi, Mme Desormeaux a commencé à chercher du travail et a vite trouvé des emplois à temps partiel de travailleuse des services de l’aide à l’enfance et de chauffeur d’autobus scolaire. Elle a conduit une voiture taxi servant au transport scolaire. Mme Desormeaux s’est présentée à une entrevue pour un poste dans une compagnie offrant des randonnées en autocar, mais l’emploi ne lui a pas été offert après qu’elle eut expliqué les circonstances de son départ de chez OC Transpo. Après qu’elle eut présenté sans succès de nombreuses demandes d’emploi, le bureau d’assurance-emploi l’a dirigée vers un expert-conseil en vue de l’établissement d’un curriculum vitae selon les règles de l’art. Mme Desormeaux a également examiné la possibilité de fonder sa propre entreprise de taxi pour conduire des enfants à des rendez-vous. Cependant, elle n’a pas poursuivi dans cette veine lorsqu’elle s’est rendu compte que le directeur général d’OC Transpo participait au processus d’octroi de permis.

[120] En février 1999, Mme Desormeaux a décidé de s’inscrire au Mican Business College. Elle a expliqué qu’à ce moment‑là, son grief avait été rejeté et il lui fallait se recycler en vue de pouvoir gagner un salaire comparable à celui qu’elle touchait chez OC Transpo. Elle a suivi des cours d’informatique chez Mican en vue d’obtenir un poste d’adjointe administrative, tout en continuant de travailler à temps partiel comme chauffeur de voitures taxi servant de transport scolaire.

[121] Après avoir terminé avec succès son programme d’études chez Mican en juillet 1999, Mme Desormeaux s’est inscrite auprès d’une agence de placement temporaire avant d’obtenir un poste à temps plein à la bibliothèque publique de Gloucester, où elle est demeurée jusqu’en janvier 2000, date où elle a commencé à travailler comme examinatrice au ministère des Transports de l’Ontario. Au moment de l’audience, Mme Desormeaux était à l’emploi de ce ministère.

[122] OC Transpo a fait remarquer que de nombreux postes de chauffeur ont été annoncés au cours de la période qui a suivi la cessation d’emploi de Mme Desormeaux, faisant valoir que la décision de cette dernière de retourner à l’école plutôt que de postuler un emploi constituait un choix personnel. Par conséquent, OC Transpo ne devrait pas à son avis avoir à payer le salaire que Mme Desormeaux a perdu entre janvier et juillet 1999. Je ne suis pas d’accord.

[123] Au moment où elle a été congédiée par OC Transpo, Mme Desormeaux justifiait de près de neuf années de service. Elle avait travaillé chez OC Transpo pendant toute sa carrière de chauffeur et n’était pas en mesure de fournir des références susceptibles de l’aider à trouver un nouvel emploi. Mme Desormeaux s’est vite mise à la recherche d’un emploi. Après qu’elle eut cherché en vain un emploi à temps plein pendant un an à la suite de sa cessation d’emploi, sa décision de se recycler m’apparaît tout à fait raisonnable. Par conséquent, je suis persuadée que Mme Desormeaux a pris des mesures raisonnables pour atténuer ses pertes et qu’il n’y a pas lieu de rajuster son indemnité pour tenir compte du salaire qu’elle a perdu pendant sa période de recyclage.

[124] Par conséquent, Mme Desormeaux doit être entièrement dédommagée des pertes salariales qu’elle a subies entre le 30 janvier 1998 et la date de sa réintégration. Les parties s’entendent sur la rémunération qu’elle aurait touchée si elle était demeurée au service d’OC Transpo. Il convient de défalquer de cette rémunération ses revenus d’autres sources. Il incombe à Mme Desormeaux de veiller à rembourser à l’Assurance-emploi les prestations qu’elle a reçues au cours de cette période, conformément aux dispositions de la législation en matière d’assurance-emploi.

[125] Si les parties ne peuvent s’entendre sur les sommes dues à Mme Desormeaux conformément à la présente décision, elles peuvent communiquer avec moi.

C. Majoration

[126] Mme Desormeaux a droit à une indemnité forfaitaire au titre de ses pertes salariales. Il se peut que le versement d’une telle indemnité ait des conséquences fiscales négatives pour elle. À mon avis, il serait injuste de pénaliser Mme Desormeaux en lui imposant, par suite du versement de l’indemnité forfaitaire, un fardeau fiscal plus lourd que celui qu’elle aurait assumé si elle avait reçu un salaire de façon ininterrompue entre janvier 1998 et la date du paiement. Cela va à l’encontre de l’objectif, qui est d’indemniser complètement Mme Desormeaux. Par conséquent, OC Transpo doit verser à Mme Desormeaux un montant supplémentaire suffisant pour couvrir l’impôt excédentaire qu’elle devra payer en touchant l’indemnité forfaitaire.

[127] En outre, la Commission a demandé au Tribunal de rendre une ordonnance enjoignant OC Transpo de payer les frais actuariels associés au calcul des intérêts et de la majoration. Je ne suis pas persuadée que l’un ou l’autre de ces calculs soit complexe au point d’exiger de faire appel à un actuaire. Si les parties ne peuvent s’entendre sur les montants dus à cet égard, elles peuvent présenter d’autres observations au Tribunal.

D. Indemnité spéciale

[128] Le paragraphe 53(3) de la Loi, tel qu’il existait en janvier 1998, prévoyait le versement d’une indemnité spéciale de 5 000 $ dans le cas d’un acte délibéré ou inconsidéré ou lorsque la victime a subi un préjudice moral. Il existe une variété de cas qui justifient l’octroi d’une indemnité spéciale en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et l’indemnité maximale de 5 000 $ doit être réservée aux pires cas[31].

[129] OC Transpo soutient qu’elle n’a pas commis un acte délibéré ou inconsidéré en mettant fin à l’emploi de Mme Desormeaux, et que son personnel était [TRADUCTION] en voie de se familiariser avec ses obligations envers les employés handicapés. Quoi qu’il en soit, il est évident que Mme Desormeaux a été fortement ébranlée par la perte de son emploi. Le stress dont elle a souffert par suite de son congédiement a été aggravé par les pressions financières auxquelles elle a été en proie. À titre de célibataire, Mme Desormeaux s’inquiétait beaucoup de ne pouvoir faire face à ses obligations en étant privée de tout revenu et contrainte d’épuiser ses économies pour assurer sa subsistance. Elle est encore très émue lorsqu’elle décrit les effets que les événements entourant la cessation de son emploi ont eus sur elle.

[130] Au regard de l’ensemble des circonstances, j’accorde à Mme Desormeaux un montant de 4 000 $ à titre d’indemnité spéciale.

E. Intérêts

[131] L’indemnité spéciale et l’indemnité au titre des pertes salariales donnent droit au paiement d’intérêts[32]. Conformément à la règle 9(12) des Règles de procédure provisoires du Tribunal canadien des droits de la personne, j’ordonne que soient versés des intérêts sur les indemnités versées en vertu de la présente décision. Les intérêts sur l’indemnité au titre des pertes salariales commenceront à courir le 30 janvier 1998 et seront calculées en se fondant sur les sommes que Mme Desormeaux aurait reçues en guise de rémunération. Les intérêts à l’égard de l’indemnité spéciale commenceront à courir le 30 janvier 1998. Cependant, le montant total qui sera payé à titre d’indemnité spéciale, intérêts compris, ne doit pas dépasser 5 000 $[33].

F. Excuses

[132] Mme Desormeaux demande des excuses pour la façon dont elle a été traitée dans le cours de son emploi. Elle avait d’abord exigé des excuses de la part de M. Marcotte, mais elle s’est ravisée par la suite. Elle préfère maintenant que les excuses lui soient présentées par OC Transpo.

[133] OC Transpo soutient que je dois refuser de rendre l’ordonnance demandée, étant donné que la requête n’a pas fait l’objet du préavis prescrit en vertu des Règles de procédure provisoires du Tribunal. Ayant examiné les documents divulgués par la Commission, il est clair qu’OC Transpo a été sensibilisée au fait que des excuses seraient exigées, bien que la Commission n’ait pas précisé qui serait prié de les faire. Rien n’indique qu’OC Transpo aurait présenté sa défense différemment si elle avait été dûment informée que l’organisation serait priée d’offrir des excuses, ou qu’elle a subi un préjudice. Par conséquent, je suis persuadée qu’il n’y a pas lieu de refuser des excuses pour le motif qu’on n’a pas donné un préavis suffisant de la requête en ce sens.

[134] Fait plus important, OC Transpo soutient également que le Tribunal n’a pas la compétence voulue pour prononcer une telle ordonnance, car le fait de la contraindre à exprimer des opinions qu’elle ne partage pas porterait atteinte à sa liberté d’expression et irait ainsi à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.

[135] Depuis que j’ai reçu les observations écrites des parties à ce sujet, on m’a signalé que la Cour fédérale a été saisie de la question constitutionnelle soulevée dans l’affaire Stevenson c. Service canadien du renseignement de sécurité[34]. Toute décision que je pourrais rendre à cet égard étant susceptible d’être remplacée par celle de la Cour, j’entends différer ma décision sur la question des excuses jusqu’à ce que les parties aient pu prendre connaissance de la décision qui sera rendue dans l’affaire Stevenson et aient eu l’occasion de présenter des observations au sujet de ses effets.

[136] Si une des parties exige une décision immédiate de la part du Tribunal, il faudra l’en aviser; le cas échéant, je trancherai la question.

G. Salaire perdu au cours de l’audience

[137] La Commission et Mme Desormeaux ont demandé que le Tribunal ordonne que la plaignante soit indemnisée des pertes salariales qu’elle a subies en participant à l’audience. Comme j’ai déjà octroyé à Mme Desormeaux une indemnité pour ses pertes salariales jusqu’à la date de sa réintégration, je ne suis pas disposée à rendre l’ordonnance demandée, qui aurait pour résultat d’accorder à Mme Desormeaux une double rémunération pour la période en question.

H. Consultation auprès de la Commission canadienne des droits de la personne

[138] La Commission a demandé qu’OC Transpo soit enjointe de la consulter au sujet de sa politique en matière d’accommodement. Je ne crois pas qu’une telle mesure de redressement soit opportune en l’espèce, et ce pour plusieurs raisons.

[139] D’abord, le problème dont j’ai fait état en ce qui touche le traitement de la déficience de Mme Desormeaux découle non pas tant du libellé de la politique d’OC Transpo que du fait que cette politique n’a pas été appliquée en l’espèce. De plus, le temps qui s’est écoulé entre la cessation de l’emploi de Mme Desormeaux et l’audience a fait en sorte que les événements ont dans une large mesure pris le pas sur la réalité des choses – non seulement la politique en matière de gestion des présences qui était en vigueur en janvier 1998 n’existe‑t‑elle plus à OC Transpo, mais OC Transpo elle-même n’existe plus, ayant été intégrée à la Ville d’Ottawa à la faveur de la fusion municipale[35]. Par conséquent, je refuse d’ordonner une consultation.

I.Maintien de la compétence

[140] Je conserve ma compétence pour le cas où les parties seraient incapables de s’entendre sur les calculs à faire ou sur l’application des mesures de redressement décrites dans la présente décision.

V. L’ORDONNANCE

[141] Pour les motifs mentionnés ci‑dessus, je déclare qu’OC Transpo a porté atteinte aux droits de Mme Desormeaux aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne et j’ordonne :

  1. que Mme Desormeaux soit réintégrée dans son poste de chauffeur d’autobus à la première occasion raisonnable, conformément aux dispositions de la présente décision;
  2. que Mme Desormeaux soit indemnisée de ses pertes salariales, dont le total sera calculé conformément à la présente décision;
  3. qu’OC Transpo verse à Mme Desormeaux une somme suffisante pour couvrir l’impôt supplémentaire qu’elle aura à payer en raison de la façon dont lui seront versées les indemnités mentionnées ci‑dessus;
  4. qu’OC Transpo verse à Mme Desormeaux une somme de 4 000 $ en guise d’indemnité spéciale;
  5. que, conformément à la règle 9(12) des Règles de procédure provisoires du Tribunal canadien des droits de la personne, des intérêts soit payés à l’égard de l’indemnité au titre des pertes salariales et de l’indemnité spéciale versées en vertu de la présente décision. Les intérêts sur l’indemnité au titre des pertes salariales commenceront à courir le 30 janvier 1998 et seront calculés en fonction des dates où la rémunération aurait été payable à Mme Desormeaux. Les intérêts qui s’appliquent à l’indemnité spéciale commenceront à courir le 30 janvier 1998;
  6. qu’à moins que l’une d’elles ne demande au Tribunal de prendre une décision immédiate à ce sujet, les parties puissent présenter d’autres observations sur la question des excuses, une fois que la Cour fédérale aura rendu sa décision dans l’affaire Stevenson c. Service canadien du renseignement de sécurité.

Anne L. Mactavish

OTTAWA (Ontario)

Le 14 janvier 2003

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL No : T701/0602

INTITULÉ DE LA CAUSE : Francine Desormeaux c. Commission de transport régionale d’Ottawa-Carleton

LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

(les 2 et 3 octobre 2002, du 15 au 18 octobre 2002; du 28 au 30 octobre 2002)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 14 janvier 2003

ONT COMPARU :

Francine Desormeaux en son propre nom

Mark McDonald au nom de la Commission canadienne des droits de la personne

Marion Breen au nom de l’intimée


[1] Les fiches d’OC Transpo ne font pas état de l’absence de quelques heures du 29 octobre 1994, mais son journal indique qu’elle s’est absentée ce jour‑là dans l’après-midi en raison d’une migraine. L’absence du 29 octobre n’est pas incluse dans ce tableau, car il semblerait qu’OC Transpo n’en ait pas tenu compte dans sa décision de mettre fin à l’emploi de Mme Desormeaux.

[2] D’après la documentation établie à l’époque, il semble que cette rencontre avait initialement été prévue le 30 octobre.

[3] [2000] A.J. No. 1179.

[4] Canada (Procureur général) c. Anvari, [1993] A.C.F. no 317 (C.A.F.).

[5] (2001), 42 C.H.R.R. D/342, par. 134. Voir aussi Air B.C. and Canadian Airline Dispatchers Association, (1995), 50 L.A.C. (4th) 93.

[6] [1999] 3 R.C.S. 3.

[7] [1999] 3 R.C.S. 868.

[8] Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson Sears Limited, [1985], 2 R.C.S. 536, p. 558.

[9] Meiorin, précitée, par. 54.

[10] À cet égard, on a souscrit dans l’arrêt Meiorin au raisonnement présenté dans l’arrêt Central Okanagan School District c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 984.

[11] Grismer, précitée, par. 32.

[12] Grismer, précitée, par. 42.

[13] Meiorin, précitée, par. 63.

[14] Grismer, précitée, par. 41 et 42.

[15] Meiorin, précitée, par. 63.

[16] Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (C.A.F.), p. D/15.

[17] Le Dr Meehan et Mme Desormeaux ont tous deux décrit dans leur témoignage les bienfaits de ce traitement, qui permet de réduire à la fois la fréquence et l’intensité des maux de tête. Comme le Dr Meehan a commencé à prescrire des injections de Depo-Provera après que OC Transpo eut mis fin à son emploi, je n’ai pas tenu compte dans mes délibérations de l’amélioration de l’état de santé de Mme Desormeaux après la cessation d’emploi. Voir Compagnie minière Québec Cartier c. Québec, [1995] 2 R.C.S. 1095, et Canada (Procureur général) c. Beaulieu, (1993), 103 D.L.R. (4e) 217 (C.A.F.).

[18] [2000] 1 R.C.S. 665.

[19] Ibid., par. 46-47, et Michael Lynk, Disability and the Duty to Accommodate : An Arbitrator’s Perspective , dans K. Whitaker, J. Sack, M. Gunderson et R. Filion, éd., Labour Arbitration Yearbook 2001-2002, vol. I (Toronto : Lancaster House, 2002) 51, à la p. 61.

[20] Ville de Montréal, précitée, par. 76.

[21] Re Ontario Human Rights Commission et al. c. Gaines Pet Foods Corp. et al., 16 O.R. (3d) 290 (Cour div. de l’Ont.).

[22] Meiorin, précitée, par. 59.

[23] Meiorin, précitée, par. 68.

[24] Canadian Union of Postal Workers v. Canada Post Corp., [2001] B.C.J. No. 680, par. 16 (C.A. C.‑B.). Voir aussi Gaines Pet Foods, précitée, Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Community and Social Services), [1996] O.J. No. 608, (C. div. Ont.) et Lynk, précitée, p. 95.

[25] Voir le paragraphe 15(2) de la Loi, qui est apparu dans la législation par suite de l’adoption de la Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d’autres matières, et modifiant d’autres lois en conséquence, L.C. 1998, ch. 9.

[26] [1990] 2 R.C.S. 489, p. 520-521.

[27] Ontario (Human Rights Commission) v. Roosma, [2002] O.J. No. 3688

[28] Lors de l’audition du grief présenté par Mme Desormeaux après son congédiement, le représentant du syndicat a indiqué que 20 jours par année constituaient une estimation raisonnable de son taux d’absentéisme futur probable. Même s’il s’agit d’une estimation réaliste, ce taux doit être examiné à la lumière du témoignage de M. Marcotte selon lequel il y avait chez OC Transpo un certain nombre d’employés dont le niveau d’assiduité était pire que celui de Mme Desormeaux.

[29] À cet égard, M. MacDonnell a précisé dans son témoignage que le coût de 20 jours de congés de maladie par année serait de l’ordre de 2 000 $. On se rappellera que le budget annuel d’OC Transpo s’établit à 150 millions de dollars.

[30] Renaud, précitée, p. 994.

[31] Premakumar c. Air Canada, (2002) 42 C.H.R.R. D/63. Voir aussi Canada (Procureur général) c. Morgan, [1992] 2 C.F. 401 (C.A.F.).

[32] Morgan, précitée.

[33] Voir Hébert c. Canada (Forces armées canadiennes), (1993), 23 C.H.R.R. D/ 107 (C.F., 1re inst.).

[34] Dossier no T-9-02. La requête en contrôle judiciaire doit être instruite le 16 janvier 2003.

[35] Bien qu’OC Transpo n’existe plus, on ne m’a pas demandé de mettre en cause la Ville d’Ottawa.

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