Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Entre:

Jeanne d’Arc Vollant

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Sant é Canada

- et –

Reine Parenteau

- et –

Noëlla Bouchard

les intimées

Décision

Membre : Roger Doyon
Date : Le 6 avril 2001
Référence : D.T. 4/01

Table des matières

I. Introduction

II. Preuve de la commission

A. Jeanne-d'Arc Vollant

B. Alphonse Grégoire

C. Pierre Benjamin

D. Marie-Anne Cheezo

E. Claire Jourdain

III. Preuve de l'intimée Santé Canada

A. Francine Buckell

B. Claude Paradis

C. Michel Paul

D. Chantal Renaud

E. Richard Legault

F. Marie-Line Roy

G. Pierrette Chagnon

IV. Preuve des intimées Reine Parenteau et Noëlla Bouchard

A. Reine Parenteau

B. Noëlla Bouchard

C. Marguerite Quoquochi

D. Jeannine Quoquochi

V. Analyse de la preuve

A. Santé Canada n'a rien fait pour que cesse le harcèlement et le racisme à l'endroit de la clientèle autochtone et du personnel autochtone rattaché aux Services aux patients.

B. Santé Canada a défavorisé, en cours d'emploi, Jeanne-d'Arc Vollant, en diminuant ses heures de travail le 1er juillet 1994 par mesure de représailles suite à sa plainte de mai 1994.

C. Intervention de Santé Canada auprès du comité technique chargé de recommander un organisme autochtone pour gérer le transfert administratif des Services aux patients de Santé Canada aux organismes autochtones.

D. Intervention de Santé Canada auprès de Mamit Inuat pour empêcher l'embauche de Jeanne-d'Arc Vollant

E. Refus de Santé Canada de fournir un emploi à Jeanne-d'Arc Vollant

VI. Conclusion

I. Introduction

[1] Jeanne-d'Arc Vollant est à l'emploi, depuis 1986, de Santé Canada comme chauffeur/escorte/interprète.

[2] Le 28 avril 1995, elle dépose une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne où elle allègue que son employeur l'a défavorisée en cours d'emploi en réduisant ses heures de travail de quarante (40) heures à vingt (20) heures par semaine. En outre, son employeur a toléré du harcèlement à son endroit en raison de son origine nationale ou ethnique autochtone en contravention des articles 7 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[3] Parallèlement, Jeanne-d'Arc Vollant a déposé, le 11 mai 1995, auprès de la Commission canadienne des droits de la personne deux (2) plaintes où elle soutient que Reine Parenteau et Noëlla Bouchard, toutes deux à l'emploi de Santé Canada, l'ont harcelée en raison de son origine nationale ou ethnique autochtone violant les dispositions de l'article 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[4] Enfin, le 11 juin 1997, Jeanne-d'Arc Vollant a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne où elle estime que son employeur, Santé Canada, a fait preuve de discrimination à son endroit en la défavorisant en cours d'emploi et en refusant de lui fournir un emploi en raison de son origine nationale ou ethnique autochtone et ce, contrairement à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[5] Ces plaintes ont été réunies pour être entendues ensemble et les représentants des parties ont choisi de soumettre au tribunal une preuve commune.

II. Preuve de la commission

A. Jeanne-d'Arc Vollant

[6] Jeanne-d'Arc Vollant est une Innue native de Moïsie où elle a vécu jusqu'à l'âge de sept (7) ans. Elle a complété ses études primaires au couvent à Mani-Utenam où elle était pensionnaire et elle a débuté son cours secondaire à Québec. Avant d'avoir terminé son niveau de secondaire V, elle a rejoint sa famille à Schefferville et travaillé à l'hôpital de l'endroit. Elle s'est mariée en 1971. Son époux est membre de la Gendarmerie royale du Canada ; elle l'accompagne à divers postes d'affectation au Québec et à Montréal en 1980.

[7] Détentrice d'un permis de conduire et parlant la langue innue, elle répond aux conditions d'embauche comme chauffeur/escorte/interprète sur appel aux Services aux patients à Santé Canada, Montréal et ce, en 1986. Puis, le 1er novembre 1988, Jeanne-d'Arc Vollant accepte un contrat à durée indéterminée à raison de vingt (20) heures/semaine lui permettant un travail à raison de quarante (40) heures/semaine.

[8] Le travail de chauffeur/escorte/interprète consistait à conduire la clientèle en provenance des communautés autochtones et acheminées à Montréal par avion, train ou autobus jusqu'aux cabinets de professionnels de la santé, hôpitaux ou foyers d'hébergement. De plus, un service d'interprète devait être assuré en cas de besoin. Le chauffeur/escorte/interprète devait sécuriser les patients qui étaient effrayés et désespérés. Le personnel chauffeur/escorte/interprète se composait de cinq (5) personnes, toutes autochtones auxquelles se greffait une (1) superviseure chargée de transmettre les directives de travail, Hélène Raymond. Par la suite, une deuxième (2e) superviseure s'est ajoutée, Reine Parenteau, et la plaignante a travaillé sous sa gouverne. Les superviseures travaillent sous la responsabilité de l'infirmière surveillante des Services aux patients, Noëlla Bouchard.

[9] Jeanne-d'Arc Vollant déclare qu'elle aimait son travail. Elle se sentait utile à aider et à s'occuper de la clientèle. Toutefois, elle soutient qu'au début de 1989, elle a constaté qu'il existait un climat de paternalisme qui se manifestait lors des réunions du personnel. Selon le témoin, les dirigeants étaient arrogants, méprisants et avaient toujours des commentaires négatifs à adresser au personnel chauffeur/escorte/interprète. Ce climat de paternalisme se traduisait aussi auprès de la clientèle autochtone.

[10] En 1990, au cours de la crise d'Oka, le directeur régional des Services médicaux, Claude Paradis, lors d'une réunion du personnel, avait mentionné une éventuelle prise en charge des Services aux patients par les communautés autochtones. Jeanne-d'Arc Vollant se rappelle le commentaire d'une employée. Mais si on leur donne de l'argent, les Indiens vont acheter des mitraillettes. Or, un employé de la communauté autochtone d'Oka était présent. Il s'est levé et il a quitté la salle de réunion. Claude Paradis n'a formulé aucun commentaire et, à la connaissance du témoin, l'employée fautive n'a pas été réprimandée.

[11] Au cours des années 1990 à 1994, Jeanne-d'Arc Vollant affirme avoir été témoin de propos blessants de la part de Noëlla Bouchard à l'endroit des autochtones. Elle se souvient particulièrement d'un incident où elle a fait remarquer à Noëlla Bouchard qu'un patient n'avait pas d'argent pour se payer un repas. Noëlla Bouchard a répondu de le placer sur le coin de la rue et il en trouverait de l'argent. Elle a également entendu l'infirmière de liaison, Madeleine Hébert dire à Noëlla Bouchard que les autochtones abusaient du système.

[12] Elle relate également avoir mentionné à Noëlla Bouchard qu'elle ne comprenait pas pourquoi elle faisait ce travail et Noëlla Bouchard de rétorquer : Tu sauras Jeanne-d'Arc, si je ne travaillais pas ici, je ne serais par sur le Bien-être social, moi.

[13] Le témoin se souvient qu'au cours des années 1992 ou 1993, elle a été témoin d'un incident impliquant une cliente, Claire Jourdain de Sept-Îles. À son arrivée à l'aéroport de Dorval, la plaignante avait reçu instructions de la conduire dans un foyer d'hébergement. Claire Jourdain refusait ; elle désirait séjourner à l'hôtel. Elle a parlé par téléphone à Noëlla Bouchard. Suite à cette conversation, Claire Jourdain a demandé à la plaignante de la conduire au bureau de Noëlla Bouchard. En cours de route, Claire Jourdain a révélé à la plaignante les propos que lui aurait tenus Noëlla Bouchard ; elle aurait affirmé que son conseil de bande était incompétent et que ses taxes payaient tous les services. Claire Jourdain a rencontré le directeur régional, Claude Paradis et le docteur Lambert et elle a obtenu le droit de séjourner à l'hôtel.

[14] Appelée à décrire ce qu'elle entend par paternalisme, le témoin a expliqué : (page 49)

La direction nous traitait comme des enfants, n'avait jamais confiance en nous, surveillait tout ce qu'on faisait, le travail qu'on faisait. On nous harcelait continuellement à savoir : Est-ce qu'elle est bien là ? Est-ce qu'elle fait bien son travail ? Tu sais, le manque de confiance à notre travail.

[15] Le témoin ajoute qu'elle se sentait humiliée dans son travail à force de se voir toujours traitée comme une enfant d'autant plus que ce traitement était réservé uniquement aux chauffeurs/escortes/interprètes autochtones.

[16] À l'endroit de la superviseure Reine Parenteau, elle fait ainsi état de ses propos : (pages 56 et 57)

Allez avec le patient, prenez ses papiers, il va les oublier…amène le patient, laisse le pas… sois bien sûre qu'il a embarqué dans l'autobus, ne le quitte pas jusqu'à tant qu'il parte.  Souvent elle disait ; Si tu ne m'écoutes pas, je vais le dire à Noëlla à la prochaine réunion, vous allez vous faire parler. C'était toujours des menaces…tu sais, je me disais : Cou-don, on est tous des adultes ici, il ne faudrait pas nous traiter en enfant. On était venu à se dire : Est-ce que si on aurait été des non-autochtones, est-ce que madame Parenteau nous aurait traité comme cela.

[17] Après mûre réflexion, le témoin raconte qu'avec une collègue de travail, elles ont décidé de déposer une plainte verbale contre Reine Parenteau. Le 2 mai 1994, elles se sont rendues au bureau de Noëlla Bouchard pour lui faire part que le climat s'était détérioré depuis l'arrivée de Reine Parenteau comme superviseure et qu'elles ne voulaient plus travailler sous ses directives parce qu'elle les harcelait continuellement en les traitant comme des enfants. Noëlla Bouchard a écouté leurs doléances pour les convoquer ensuite à son bureau dans l'après-midi en présence de Reine Parenteau.

[18] Lors de cette rencontre, le témoin déclare qu'elle a reformulé les mêmes reproches devant Reine Parenteau. Celle-ci a rétorqué qu'elle ne comprenait pas, qu'elle croyait utiliser des gants blancs pour travailler avec son personnel, qu'elle aurait peut-être eu intérêt à suivre des cours sur la mentalité indienne. Elle aurait ajouté qu'elle croyait être du même beat que son personnel.

[19] Le témoin affirme qu'elle a immédiatement senti que Noëlla Bouchard se rangeait du côté de sa superviseure. Elle a mentionné clairement que Reine Parenteau ne quitterait jamais son poste et elle a ajouté : Vous n'êtes pas dans un conseil de bande ici.

[20] Le 9 mai 1994, une rencontre a eu lieu avec la gestionnaire Francine Buckell, de même que Louis Germain des ressources humaines et Claude Paradis. La plaignante était accompagnée de son représentant syndical, Normand Marchand. Il y a eu une seconde rencontre entre ces mêmes personnes le 24 mai 1994. Ils ont écouté ses doléances et Francine Buckell a suggéré l'intervention d'un conciliateur. Jeanne-d'Arc Vollant a refusé. Le témoin raconte que, lors d'une réunion du personnel tenue le 27 juin 1994, elle a été informée par Noëlla Bouchard que, dorénavant, ses services ne seraient requis qu'à raison de vingt (20) heures semaine.

[21] Le 27 septembre 1994, la plaignante déclare avoir adressé une lettre à Johanne Poulin, directrice des ressources humaines à Santé Canada (Pièce C-8) .  Substantiellement, cette lettre se veut une accusation formelle à l'endroit de Noëlla Bouchard qui se traduit comme suit : (Pièce C-8 - page 4, paragraphe 4).

Nous pouvons affirmer aujourd'hui que le problème réel au sein de notre secteur relève d'une idéologie raciste envers les autochtones en général et spécifiquement contre les employé(e)s autochtones du secteur Services aux patients où nous travaillons.

[22] La plaignante soutient également que le racisme se traduisait par des paroles, des gestes et une attitude paternaliste. Puis, elle ajoute, particulièrement à l'endroit de Noëlla Bouchard : (Pièce -8, page 5, paragraphe 3)

Madame Bouchard fait de la discrimination raciale subtilement tans en parole qu'en attitude en attaquant notre dignité et l'estime que nous portons pour nos peuples.

[23] Puis le 28 septembre 1994, Jeanne-d'Arc Vollant, comme elle l'indiquait dans sa lettre du 27 septembre 1994 transmet une lettre à la directrice des ressources humaines. Elle allègue avoir été victime de harcèlement en raison de la diminution de ses heures de travail décrétées par Noëlla Bouchard. Elle exige le maintien de ses heures de travail et d'être séparée physiquement et hiérarchiquement de Noëlla Bouchard et Reine Parenteau.

[24] Suite à la réception de ces correspondances, dont une copie avait été acheminée à la Ministre de la santé, le directeur régional, Claude Paradis, a reçu mandat de procéder à une enquête dirigée par Don Murray et France Dansereau. Cette enquête a débuté le 6 octobre 1994 et un rapport a été déposé le 15 février 1995. (Pièce C-10)

[25] Au cours de l'enquête, Jeanne-d'Arc Vollant a été rencontrée en compagnie de son représentant syndical. Pour elle, l'enquête n'a pas apporté les résultats escomptés puisqu'elle n'aurait pas été axée sur le racisme et le harcèlement dont elle-même et ses collègues de travail étaient victimes.

[26] Déçue des conclusions de ce rapport d'enquête, Jeanne-d'Arc Vollant a déposé une plainte le 11 juin 1997 alléguant que son employeur avait fait preuve de discrimination à son endroit en refusant de maintenir son emploi en raison de son origine ethnique autochtone. (Pièce C-3)

[27] À l'appui de cette plainte, Jeanne-d'Arc Vollant a produit une note de service du 29 mars 1995 adressée à tout le personnel chauffeur/escorte/interprète (Pièce C-11) et émanant de Noëlla Bouchard. Il s'agit d'une directive enjoignant au chauffeur/escorte/interprète d'aviser la surveillante des rendez-vous à venir des patients. La note de service indique également que le non-respect de la directive constitue de l'insubordination susceptible d'entraîner des mesures disciplinaires.

[28] De plus, elle a affirmé qu'à compter du 18 mai 1995, le personnel chauffeur/escorte/interprète s'est vu retirer le droit aux appels interurbains avec les appareils téléphoniques mis à leur disposition. Selon elle, seul le personnel de son secteur s'est vu priver de cette prérogative.

[29] Le témoin relate qu'à un moment qu'elle ne peut préciser le directeur régional, Claude Paradis, avait appris à tout le personnel des Services aux patients que le Ministère de la santé souhaitait une prise en charge de ces services par les communautés autochtones. À ce moment, aux dires du témoin, cette prise en charge existait déjà dans certaines communautés et était gérée par un organisme autochtone, Développement Mamit Inuat Inc. (Mamit) Si la prise en charge des Services aux patients se concrétisait, il en résulterait des pertes d'emploi.

[30] Jeanne-d'Arc Vollant se souvient qu'en juillet 1995, elle a appris que les communautés autochtones concernées envisageaient sérieusement une prise en charge des Services aux patients à Montréal sous la gestion d'un organisme autochtone. Jeanne-d'Arc Vollant a décidé qu'elle pourrait créer cet organisme autochtone susceptible d'obtenir le contrat de gestion des Services aux patients. Elle a fait part de son projet au directeur régional, Claude Paradis et son bras droit Richard Legault, et sollicité leur appui pour l'obtention d'une subvention éventuelle de Sciences Technologies. Claude Paradis et Richard Legault auraient invité Sciences Technologies à lui accorder une aide financière parce qu'elle disposait des qualités requises pour opérer la gestion des Services aux patients.

[31] Les communautés autochtones concernées ont accepté d'assumer les Services aux patients de Montréal. Le choix du gestionnaire a été confié à un comité technique composé de Michel Paul, Gilbert Courtois, Francine Buckell, tous autochtones, et Chantal Renaud.

[32] La plaignante a déposé une offre de services. Le comité technique a retenu la candidature de Mamit avec une prise en charge le 1er avril 1996. Jeanne-d'Arc Vollant prévoyait être embauchée par Mamit. De fait, le directeur de Mamit, Pierre Benjamin, a rencontré en entrevue tout le personnel chauffeur/escorte/interprète des Services aux patients. La plaignante a noté que son entrevue a eu lieu le 27 mars 1996 au bureau de son employeur. Elle se souvient que Pierre Benjamin lui ait fait part qu'il ne pouvait l'embaucher parce qu'elle était trop compétente et il n'aurait rien ajouté de plus. Jeanne-d'Arc Vollant raconte que, le 13 mai 1996, lors d'une conversation téléphonique avec sa sœur, cette dernière lui a appris que Pierre Benjamin avait refusé de l'embaucher parce qu'il avait eu des pressions de la part de Santé Canada en raison d'une plainte de racisme qu'elle avait formulée contre son employeur et deux employées.

[33] Le 7 mars 1996, Jeanne-d'Arc Vollant a été avisée que ses services ne seraient plus requis à compter du premier (1er) avril 1996. Jeanne-d'Arc Vollant a rencontré madame Beaulieu de Santé Canada qui l'aurait avisée qu'elle disposait de vingt-quatre (24) heures pour aviser son employeur de sa décision de quitter son emploi avec une prime de départ ou de demeurer à l'emploi avec le statut d'employé excédentaire à compter du 1er avril 1996. En raison du court délai qui lui était imposé pour faire connaître sa décision, la plaignante a fait appel aux services d'un procureur. Selon le témoin, une rencontre a eu lieu dans les jours qui ont suivi. Accompagnée de son procureur, elle a rencontré madame Chagnon le 22 avril 1996. Le témoin est persuadé que madame Chagnon ne lui a jamais offert un autre emploi.

[34] Suite à cette rencontre, Jeanne-d'Arc Vollant a été avisée que son statut d'employée excédentaire se terminerait le 30 octobre 1996. Elle a quitté son emploi le 31 mai 1996 avec obtention de la prime de départ s'y rattachant.

[35] À la terminaison de son emploi, Jeanne-d'Arc Vollant se sentait déçue par la tournure des événements. Elle avait la rage au cœur de constater que le dépôt d'une plainte de racisme à l'endroit de Santé Canada et ses employées lui avait valu la perte de son emploi. Pour elle, ces employées demeuraient aux services des autochtones alors qu'ils n'aimaient pas les autochtones. Elle ne comprenait pas que personne ne l'ait écoutée et ne l'ait crue.

[36] Pour essayer de surmonter la frustration qui l'habitait, elle a décidé de visiter les communautés autochtones du Colorado et de l'Arizona pour connaître plus à fond les rites spirituels de ces peuples. Elle a séjourné dans les communautés de ces états américains de novembre 1996 à avril 1997, puis de décembre 1997 à avril 1998 ainsi que de janvier 1999 à avril 1999 et de janvier 2000 à avril 2000.

[37] En définitive, la plaignante reconnaît qu'elle n'a pas travaillé, ni fait de démarches pour se trouver un autre emploi.

[38] Pour les fins de l'analyse des dommages pécuniers qu'elle a subis, la plaignante a déposé un état de ses revenus pour les années 1990 à 1997 inclusivement. Elle demande au Tribunal d'ordonner à Santé Canada de lui fournir un emploi de même nature que celui qu'elle détenait à raison de quarante (40) heures/semaine et le paiement de toute la rémunération qu'elle a perdue depuis la perte de son emploi. Elle requiert également, à titre de dommages moraux, le versement d'un montant de vingt mille dollars (20 000 $) de chacun des intimés et une lettre d'excuses publiée dans la revue interne de Santé Canada.

[39] En contre-interrogatoire, la plaignante a modifié une partie de son témoignage. Elle affirme que, lors des réunions précédant le dépôt de sa plainte verbale du 2 mai 1994, tant elle-même que ses collègues de travail se plaignaient fréquemment de l'attitude paternaliste de Reine Parenteau.

[40] Appelée à définir ce qu'elle entend par perfectionnisme et paternalisme, la plaignante répond : (page 231)

Pour moi, perfectionniste, c'est quand tu en demandes tellement beaucoup aux gens qui travaillent pour toi, tu leur fais pas confiance ; tu les suis pas à pas, tu regardes tout ce qu'ils font, tu essaies de les contrôler. Tu es tellement perfectionniste que tu es rendu paternaliste parce que tu ne fais pas confiance.

B. Alphonse Grégoire

[41] Alphonse Grégoire est un autochtone montagnais de Schefferville, natif de Sept-Îles, Mani‑Utenam. Il est le père d'un fils né en 1980. Souffrant d'une déformation cardiaque, il est décédé en 1996. Au cours des années 1990, il a bénéficié à maintes reprises des Services aux patients avec son fils qu'il accompagnait à Montréal pour des traitements médicaux à l'hôpital Sainte-Justine.

[42] Le témoin garde un bon souvenir de Jeanne-d'Arc Vollant, chauffeur/escorte/interprète. Il l'appréciait grandement d'autant plus qu'étant montagnaise elle lui servait d'interprète.

[43] Alphonse Grégoire se souvient qu'il éprouvait des difficultés à obtenir les services de taxi et de coupons-repas qui devaient lui être fournis. Il devait en assumer le coût et en obtenir par la suite le remboursement après de longs délais d'attente. Ces problèmes engendraient de vives discussions avec les gestionnaires, notamment Noëlla Bouchard. Il soutient qu'elle était très dure et très autoritaire. Lors d'une discussion visant un remboursement de frais de taxi, elle lui aurait mentionné qu'il voyageait grâce à ses taxes.

[44] Alphonse Grégoire se rappelle que pendant le temps d'attente pour la transplantation d'un cœur à son fils, Noëlla Bouchard lui refusait le droit de louer un appartement. Il a fallu l'intervention de son conseil de bande et du docteur Charles-André Lambert, directeur des Services de Santé, pour régler le problème.

[45] Le témoin dit s'être senti brimé, traité comme un animal qui doit obéir, se soumettre aux directives.

C. Pierre Benjamin

[46] Pierre Benjamin est natif de Mistassini. Il est autochtone de la bande Betsiamites. Il détient un baccalauréat en enseignement, un certificat en archéologie, une maîtrise en gestion de projets. Il a enseigné les mathématiques au niveau secondaire pendant deux (2) ans pour devenir ensuite directeur au développement économiques. Il a été directeur général à Mamit de 1993 à 1996.

[47] Pierre Benjamin relate que Mamit, fondé en 1988 ou 1989, est une corporation issue de la volonté des chefs de bande de Mingan, Natashquan, Romaine et Saint-Augustin. Cette corporation visait la gestion de programmes sociaux et de programmes de services de santé dans ces communautés. Au cours de l'année 1994, ces chefs de bandes lui ont parlé de l'éventualité d'un transfert des Services aux patients de Montréal aux communautés autochtones. Il en a été également informé par Claude Paradis et Richard Legault lors de rencontres à Montréal.

[48] Le témoin connaissait très bien Claude Paradis alors directeur régional des services médicaux à Santé Canada. Il avait fait sa connaissance alors qu'il était responsable de l'éducation au ministère des affaires indiennes. Quant à Richard Legault, adjoint de Claude Paradis, il ne le connaissait pas auparavant.

[49] Au cours de l'automne 1995, les chefs de bande ont décidé, après mûre réflexion, d'assumer la prise en charge des Services aux patients à Montréal et demandé à Mamit Inuat de déposer une offre de services.

[50] Selon le témoin, Claude Paradis lui a fortement suggéré de soumettre une offre de services au nom de Mamit en raison de l'expérience acquise par la gestion d'un programme similaire à Québec. Il ajoute : (page 483)

Il (Claude Paradis) recommandait fortement de ne pas transférer le dossier de madame Vollant à Mamit Inuat, donc de ne pas l'embaucher à l'intérieur du transfert de programme.

[51] Pierre Benjamin affirme que cette recommandation reposait sur le fait que Jeanne‑d'Arc Vollant avait déposé contre Santé Canada une plainte de traitements négatifs à l'endroit des employés autochtones travaillant au sein de l'organisme.

[52] Pierre Benjamin se souvient que Mamit a déposé une offre de services en janvier 1996 et Devina Copeau, gestionnaire de Mamit à Québec, a piloté le dossier. La candidature de Mamit a été retenue à la condition qu'il assume la gestion du programme à compter du 1er avril 1996.

[53] Quelques jours à peine avant la signature de l'entente de transfert des Services aux patients à Mamit, Pierre Benjamin a soumis le personnel chauffeur/escorte/interprète à des entrevues de sélection aux bureaux de Santé Canada à Montréal. Il soutient qu'avant ces rencontres avec le personnel, il a rencontré Noëlla Bouchard et Francine Buckell, au bureau de cette dernière. Toutes deux lui ont mentionné de ne pas embaucher Jeanne-d'Arc Vollant.

[54] Pierre Benjamin a rencontré Jeanne-d'Arc Vollant pour l'aviser qu'elle ne serait pas engagée par Mamit parce qu'elle était trop qualifiée.

[55] Le témoin déclare se souvenir d'une rencontre avec la sœur de la plaignante en mai 1996, dans un restaurant. Elle lui a demandé les raisons du refus de Mamit d'embaucher sa sœur. Il aurait répondu qu'il avait suivi les recommandations des fonctionnaires de Santé Canada qui lui reprochaient le dépôt d'une plainte. À défaut, il a mentionné que Mamit n'aurait pas obtenu le contrat de gestion du transfert des Services aux patients à Montréal.

D. Marie-Anne Cheezo

[56] Marie-Anne Cheezo est une autochtone algonquine de la bande de Lac Simon en Abitibi. Elle a grandi dans sa communauté. Après avoir complété son cours secondaire, elle s'est établie à Montréal en 1989 pour poursuivre ses études et obtenir un baccalauréat en sciences sociales. De 1989 à 1993, Santé Canada a retenu ses services comme chauffeur/escorte/interprète sur appel, surtout les fins de semaine et au cours de la période estivale. De novembre 1992 au printemps 1993, elle a assumé le poste d'agent d'admissibilité aux Services de santé non assurés.

[57] Le témoin raconte que les locaux des Services de santé non assurés étaient contigus à ceux des Services aux patients et séparés uniquement par des paravents. Ainsi, selon elle, il était très facile d'entendre les conversations d'un service à l'autre.

[58] Pendant qu'elle travaillait aux Services de santé non assurés, elle soutient avoir entendu Reine Parenteau, qui se trouvait aux Services aux patients, tenir les propos suivants à l'endroit des autochtones : (page 600)

Ah, les autochtones, ils ne sont pas capables de rien faire puis ils ne sont pas capables de s'occuper d'eux autres mêmes. Ils sont, je ne sais pas, des profiteurs, il faut qu'on les traite comme des enfants.

[59] Elle reproche également à Reine Parenteau de ne pas lui avoir fait confiance et d'avoir exercé un contrôle tel qu'elle se sentait humiliée et abaissée.

[60] En contre-interrogatoire, le témoin a prétendu qu'elle était la seule à avoir entendu les propos de Reine Parenteau parce que ses collègues de travail étaient trop éloignés.

[61] Elle a également soutenu que Hélène Raymond, qui travaillait près de Reine Parenteau, ne peut avoir entendu les remarques de celle-ci parce qu'elle était absente.

[62] Elle ne s'est jamais plainte de la situation soit à Hélène Raymond, sa cousine, soit à sa supérieure Francine Buckell parce qu'elle ignorait comment faire et qu'elle avait d'autres préoccupations plus importantes. Elle en aurait soufflé mot uniquement à Jeanne-d'Arc Vollant.

E. Claire Jourdain

[63] Claire Jourdain est montagnaise d'origine, membre de la Bande Mani-Utenam.

[64] Elle a utilisé les services aux patients offerts à Santé Canada à Montréal pendant de nombreuses années ; en premier lieu pour sa fille de 1958 à 1978 et, en second lieu, depuis 1990, pour son petit-fils, Tshapi, qui souffrait de sérieux problèmes cardiaques.

[65] Au cours du mois de mars 1994, Claire Jourdain doit se rendre à Montréal avec son petit-fils pour des examens de vérification de son rythme cardiaque. Dans le passé, lors de séjour à Montréal, l'accompagnateur du patient était logé et nourri dans un foyer d'hébergement réservé par Santé Canada. Cette politique lui déplaisait parce qu'elle cohabitait avec d'autres personnes la privant de toute intimité et aussi parce que la nourriture laissait à désirer. Avant son départ de Sept-Îles, les services de santé de sa communauté l'avait informée qu'elle pouvait dorénavant séjourner à l'hôtel. À son arrivée à l'aéroport de Dorval, sa conductrice/escorte/interprète, Jeanne‑d'Arc Vollant lui apprend qu'elle doit se rendre dans un foyer d'hébergement.

[66] En désaccord avec cette décision, elle communique au bureau de Santé Canada en utilisant le cellulaire de Jeanne-d'Arc Vollant. Reine Parenteau répond à l'appel et confirme au témoin que le règlement doit être respecté. Elle exige de parler à Noëlla Bouchard. La teneur de la conversation est la suivante : (page 954-955)

Noëlla Bouchard m'a dit : Les ententes, c'est que vous allez aller dans les foyers dès qu'il y a une hospitalisation, c'est ça les règlements. J'ai dit : Moi, je me fous des règlements, je ne veux pas aller dans un foyer, j'en ai assez des foyers, je veux aller absolument à l'hôtel. Elle m' a dit : Non J'ai dit : On m'a bien avertie pourtant quand je suis partie de Sept-Iles que je pouvais aller où je voulais. Elle a dit : Moi ce n'est pas de ma faute si les conseils de bande de Sept-Iles sont incompétents.. J'ai dit : Là, je ne suis pas d'accord puis j'arrive au bureau.

[67] Le témoin a dès lors exigé de Jeanne-d'Arc Vollant qu'elle la conduise aux bureaux de Santé Canada où elle a été reçue par Reine Parenteau. Elle a rencontré Noëlla Bouchard dans le corridor, en l'absence de Jeanne-d'Arc Vollant, et leurs propos se sont échangés ainsi : (page 955)

J'ai dit : C'est quoi ces affaires-là, on a des ententes. Elle a dit :Non, vous autres vous venez ici à Montréal pour vous promener, pour aller dans les magasins avec nos taxes que nous payons. Là, j'étais insultée. J'ai dit : Non, madame, parce que moi, mon mari en paie des taxes puis moi aussi, j'en paie des taxes. Je ne viens pas ici pour me promener, puis aller dans les magasins. Je pars à 7 h 30 du foyer où je suis puis je sors de l'hôpital, il est 21 h le soir, les magasins, je ne les connais pas.

[68] Claire Jourdain a demandé de rencontrer Claude Paradis, directeur régional des services médicaux, qu'elle connaissait bien. Rencontré à la cafétéria, Claude Paradis a écouté les doléances de Claire Jourdain et sa demande d'excuses de la part de Noëlla Bouchard. Claude Paradis lui a demandé de se calmer et ils se sont rendus au bureau du docteur Charles‑André Lambert, directeur des services de santé aux autochtones. Le témoin soutient qu'après avoir été mis au courant des faits, le docteur Lambert a fait venir Noëlla Bouchard et lui a demandé de s'excuser mais qu'elle a refusé. Il a donné instructions à Noëlla Bouchard d'héberger le témoin à l'hôtel et de la conduire en taxi.

[69] Claire Jourdain se plaint ainsi du sort qui lui était réservé : (page 960-961)

… Quand je viens ici, je me sens tellement brimée qu'on nous traite quasiment comme, je ne sais quoi là. Je veux dire, on n'est pas responsable de rien, on n'est pas capable de s'organiser, on n'est pas capable de rien faire. C'est toujours le ministère des affaires indiennes qui décide, c'est toujours la santé qui décide, c'est jamais nous… Bien oui, moi je suis une irresponsable, écoutez, une amérindienne. Mautadit paternalisme le ministère des affaires indiennes qui est toujours là à nous dicter quoi faire comme si on était des bébés.

[70] Quant au sentiment qui l'animait, elle ajoute : (page 362-363)

Brimée, monsieur, brimée, très brimée même encore aujourd'hui, je me sens comme ça parce que, voyez-vous ça fait mal ça de se faire dire qu'on se promène avec les taxes. Les taxes, les charmantes taxes. Moi, je ne peux pas accepter que les Affaires Indiennes puissent avoir un personnel qui puisse dire ça à des Indiens qui s'occupent des Indiens.

[71] Suite à cet événement, Claire Jourdain relate qu'elle n'a porté aucune plainte écrite à l'endroit de Santé Canada. De retour à Sept-Îles, elle raconte avoir formulé une plainte verbale, à sa fille, Luce Jourdain, alors directrice des services sociaux et de santé pour son conseil de bande. Elle ignore si le conseil de bande a donné suite à sa plainte et elle affirme ne pas avoir vérifié du suivi donné à cette plainte.

[72] Claire Jourdain relate également qu'à deux (2) reprises, lors d'un séjour à Montréal qu'elle situe en 1996, les dirigeants de Santé Canada ne lui ont pas livré ses billets d'avion pour le retour à Sept-Îles et que l'un de ces billets ne lui a pas encore été remboursé.

[73] Lors de son témoignage le 23 octobre 2000, elle a affirmé avoir à son domicile une lettre d'excuses de Claude Paradis pour les mauvais services qu'elle aurait reçus. Elle s'est engagée à transmettre une copie de cette lettre au procureur de la Commission. Lors des plaidoiries, les 7 et 8 novembre 2000, ce document n'a pu être produit parce que le témoin n'a pas donné suite à son engagement.

III. Preuve de l'intimée Santé Canada

A. Francine Buckell

[74] Francine Buckell est une Innue Montagnaise de Mashteuiateh. Elle a débuté sa carrière à Santé Canada en 1984 où elle a exercé successivement les fonctions d'agente régionale adjointe au programme national de lutte contre l'abus d'alcool et des drogues chez les autochtones, de directrice du service d'aide aux employés et de gestionnaire des services de santé non assurés de 1992 à 2000.

[75] Le témoin explique que les Services de santé non assurés dont elle a été gestionnaire englobaient les Services aux patients qui fournissent le transport, l'hébergement, les services d'interprète, l'accompagnement pour la clientèle autochtone qui transitait vers Montréal pour des raisons de santé. Le personnel affecté à ce service comptait des personnes d'origine autochtone, notamment pour assurer des services de qualité comme interprète ou accompagnateur.

[76] Les Services aux patients employaient des chauffeurs/escortes/interprètes qui conduisaient la clientèle au rendez-vous fixé ou au foyer d'hébergement, qui accompagnaient la clientèle pour l'aider en cas de besoin et servir également d'interprète, si nécessaire.

[77] Ces personnes travaillaient sous la supervision de surveillantes qui, à partir des informations transmises par les services de santé des communautés autochtones devaient coordonner les rendez-vous, planifier les besoins en transport, hébergement et services d'interprète. Les surveillantes travaillaient sous la supervision de l'infirmière surveillante de qui relevait l'infirmière de liaison et la travailleuse sociale. Le témoin relevait du directeur de santé et le tout était chapeauté par le directeur régional des services médicaux.

[78] Francine Buckell a été informée, en mai 1994, par Noëlla Bouchard que Jeanne‑d'Arc Vollant et Carmen McLean lui avaient fait une plainte à l'endroit de Reine Parenteau. On semblait lui reprocher sa façon de travailler comme surveillante, de transmettre les directives. Le témoin déclare qu'elle a été assommée par cette révélation car elle estime que la bonne humeur régnait dans l'équipe de travail et qu'elle n'avait jamais pressenti ce qui arrivait.

[79] Préalablement au dépôt de la plainte de Jeanne-d'Arc Vollant et Carmen McLean, le témoin ne se souvient d'aucun événement ou incident qui ait révélé que les plaignantes aient été victimes de discrimination en regard de leur statut autochtone et elle précise : (page 713)

Jusqu'au jour de la crise, monsieur, si je peux appeler ça comme ça, il n'y a rien qui m'indiquait, ni dans les propos qui avaient été tenus par madame Bouchard ou madame Parenteau, qu'il y avait du racisme, qu'il y avait des propos haineux, qu'il y avait des choses désobligeantes. Parce que je peux vous assurer, monsieur, que je ne l'aurais pas toléré. Je pense que je suis reconnu pour ça aussi ; j'ai toujours défendu les droits des  autochtones. Je suis allée travailler à Santé Canada justement pour pouvoir travailler sur une plus grande surface, si je puis dire, m'impliquer de façon plus grande encore que dans ma communauté.

[80] Le témoin révèle également qu'elle n'a jamais reçu de plainte de la clientèle alléguant des propos racistes ou discriminants à l'endroit de Reine Parenteau et Noëlla Bouchard. Les plaintes de la clientèle se limitaient à des changements de directives ou des lacunes sur le service obtenu.

[81] Le témoin a rencontré la plaignante et Carmen McLean pour connaître leurs doléances. Elles répétaient qu'elles ne voulaient plus travailler avec Reine Parenteau; elles contestaient ses méthodes de travail et la façon dont elle leur transmettait ses directives. Elles exigeaient que leur surveillante soit mutée dans un autre service. Francine Buckell a rencontré Reine Parenteau pour connaître sa version des faits. Celle-ci reconnaissait qu'elle pouvait faire des choses qui dérangeaient mais elle exigeait d'obtenir des précisions pour pouvoir s'amender s'il y avait lieu. Toutefois, elle maintenait que son travail de surveillante l'obligeait à transmettre des directives pour garantir la qualité des services. Au surplus, elle refusait d'être mutée dans un autre service alléguant qu'elle était heureuse dans la fonction qu'elle occupait.

[82] Francine Buckell a fait appel à l'agent de relation de travail et au représentant syndical pour régler le problème. Il fut alors décidé d'offrir aux plaignantes la médiation par un médiateur de leur choix mais elles ont refusé.

[83] Le témoin s'est adressé à son supérieur, le docteur Charles-André Lambert, directeur, Services de santé. Devant la gravité de la situation qui risquait d'envenimer les relations de travail qui avaient toujours été excellentes, ils ont fait appel au directeur régional - Services médicaux, Claude Paradis. Ils ont convenu d'offrir à nouveau la médiation aux plaignantes mais ils ont essuyé un second refus. Il fut alors décidé de procéder à une enquête interne.

[84] Le comité d'enquête a déposé son rapport le 17 février 1995 (Pièce C-10) et il tire les conclusions suivantes : (page 4)

De l'avis des enquêteurs, il n'y a pas de harcèlement selon la définition du Conseil du Trésor qui est citée au début de ce document. Par contre, la rotation du personnel en novembre a été un facteur déclenchant qui a mis en évidence l'absence d'uniformité dans le style de gestion des 2 unités. Il serait souhaitable que certaines pratiques de gestion soient revues et corrigées au besoin afin d'éviter que la situation ne se détériore encore plus.

[85] Le témoin déclare avoir pris connaissance et reçu instructions de Claude Paradis d'y donner suite. À l'aide de son personnel, le témoin a préparé et mis en application un manuel de politiques et procédures à l'endroit des employés des Services aux patients.

[86] Francine Buckell a été appelée à expliquer les motifs qui ont justifié la diminution des heures de travail de Jeanne-d'Arc Vollant en juin 1994. Elle a participé à la prise de décision avec Noëlla Bouchard. Elle a corroboré les motifs fournis par Noëlla Bouchard de sorte qu'il n'y a pas lieu de les décrire.

[87] Elle a précisé que Jeanne-d'Arc Vollant était une employée syndiquée et qu'elle n'a pas jugé opportun de formuler un grief suite à la modification de ses conditions de travail.

[88] Lors du transfert administratif des Services aux patients à l'Assemblée des Premières Nations du Québec, le témoin raconte qu'à titre de représentante de Santé Canada elle était l'un des membres du comité technique chargé de recommander l'organisme autochtone habile à gérer les Services aux patients.

[89] Le témoin affirme qu'elle n'a jamais exercé de pressions auprès des membres de ce comité pour que la candidature de Jeanne-d'Arc Vollant ne soit pas retenue. De plus, elle soutient n'avoir reçu aucune demande de la part de quiconque à Santé Canada pour faire en sorte que le contrat de gestion des Services aux patients ne soit pas accordé à Jeanne-d'Arc Vollant.

[90] Le témoin a admis qu'à l'époque où le contrat de gestion des Services aux patients a été adjugé à Mamit, elle connaissait son représentant, Pierre Benjamin, pour l'avoir rencontré à quelques reprises auparavant. Cependant, elle soutient qu'il est impossible qu'elle l'ait rencontré à la fin de mars 1996 parce qu'elle était en vacances.

[91] Francine Buckell a déposé un plan d'aménagement des locaux des Services de santé non assurés à Santé Canada (Pièce SC-11)

[92] À l'aide de ce plan, le témoin a fourni une description des lieux. Elle a indiqué que la superficie des locaux était emmurée par des paravents et se divisait en deux (2) sections séparées également par des cloisons d'une hauteur de six (6) à sept (7) pieds entrecoupées de deux (2) accès. Une section abritait les Services de Santé non assurés tandis que l'autre était réservée aux Services aux patients.

[93] Dans la section occupée par les Services aux patients, on retrouvait les bureaux des surveillantes, de l'infirmière de liaison, de la consultante en services sociaux et de la salle des chauffeurs/escortes/interprètes. On y remarque la présence de classeurs appuyés à la cloison du côté des Services de santé non assurés. De plus, cette salle est séparée des autres bureaux par des paravents entrecoupée d'un accès.

[94] La section occupée par les Services de santé non assurés disposait de six (6) bureaux avec ordinateurs pour les agents d'admissibilité aux Services de santé non assurés. On y constate aussi la présence de bibliothèques appuyées à la paroi du côté de la section des Services aux patients.

[95] Le témoin a également précisé qu'il est peu probable d'entendre les conversations d'un service à l'autre, à moins de parler très fortement.

B. Claude Paradis

[96] Actuellement à la retraite, Claude Paradis a été, de juillet 1982 à janvier 1996, directeur régional des services médicaux aux autochtones à Santé Canada.

[97] Il déclare que Santé Canada, par l'un de ses programmes appelé Direction des Services médicaux, fournissait des services de santé aux autochtones dans l'ensemble de la province de Québec sauf pour les Cris et les Inuits qui étaient couverts par l'entente de la Baie James et, par conséquent, sous la juridiction provinciale relativement aux soins de santé.

[98] Le programme de services médicaux dispensait des services de santé dans chacune des communautés autochtones par l'entremise des centres de santé, dont les infirmières qui donnaient les services de première ligne. Attaché à ces centres de santé on retrouvait du personnel autochtone pour fournir les services de secrétariat, traduction, conciergerie etc. L'ensemble du service constituait ce qu'il était convenu d'appeler les services assurés.

[99] Le programme de services médicaux comportait également les services de santé non assurés.

[100] Le témoin se souvient d'un incident survenu lors d'une réunion avec l'ensemble du personnel en 1990 ; on discutait du transfert d'argent occasionné par le transfert administratif des services médicaux autochtones. Une employée, Danièle Clément, a fait une remarque à l'effet que l'argent pourrait être utilisé pour l'achat d'armes. À l'époque, se déroulait la crise d'Oka et un employé présent à la réunion, Tom Canatonquin, était un autochtone d'Oka. Le témoin a répondu à l'intervenante que l'argent ne servirait pas à cette fin et d'éviter de causer des rumeurs non fondées.

[101] Interrogé à savoir s'il avait donné des directives écrites pour éviter la répétition de tels propos, le témoin déclare : (page 941)

Si je peux me permettre une opinion personnelle, ça me semblait tellement insignifiant que j'ai pensé que la meilleure des choses, c'était de ne rien ajouter pour ne pas en remettre parce que c'était insignifiant. C'était hors propos, ce n'était pas relié à rien de vrai, c'était peut-être juste de l'émotion de sa part, c'est tout. Non, je n'ai pas écrit de mémo.

[102] Lors d'une rencontre à son bureau au début de mai 1994, Jeanne-d'Arc Vollant lui a remis un document dans lequel elle portait une plainte contre Reine Parenteau contestant ses méthodes de travail, son attitude à l'égard des employés dont elle assumait la supervision et l'avisant de son refus de continuer de travailler avec elle. (Pièce C-18) C'était la première fois que la plaignante lui faisait part qu'elle vivait des problèmes dans son milieu de travail.

[103] Claude Paradis déclare que, devant le sérieux de la plainte, il a confié le dossier à la gestionnaire des services santé, Francine Buckell. Il est au courant que l'intervention d'un médiateur a été offerte à la plaignante, alternative qu'elle a refusée.

[104] Le 15 septembre 1994, le témoin a informé le plaignante que devant son refus d'accepter la médiation, il avait décidé de constituer un comité pour enquêter sur le bien-fondé de ses doléances. Le comité était formé de France Dansereau de la Direction de la protection de la santé et de Ronald Murray de la Commission de la Fonction Publique. (Pièce SC-4) Ces personnes avaient été désignées par la Commission de la Fonction Publique.

[105] Le 13 octobre 1994, la directrice régionale des ressources humaines à Santé Canada avisait la plaignante qu'elle avait le loisir d'indiquer au comité d'enquête les secteurs qu'elle désirait voir approfondir et les personnes à interroger. Il lui était également précisé que le comité d'enquête avait le mandat d'en arriver à des conclusions permettant de prendre des mesures correctives s'il y a lieu. Elle était également informée qu'au cours de la période d'enquête, elle ne relèverait plus de Reine Parenteau.

[106] Le témoin a rencontré les membres du comité d'enquête et il leur a remis la plainte de Jeanne‑d'Arc Vollant et le manuel de politiques en matière de harcèlement en milieu de travail. Le comité d'enquête a déposé son rapport le 17 février 1995. Suite au dépôt de ce rapport, le témoin a rencontré Francine Buckell pour l'inviter à établir les lignes directrices visant à appliquer les conclusions du comité d'enquête.

[107] Claude Paradis révèle qu'il avait peu de contact avec la clientèle. Il lui arrivait parfois de recevoir des plaintes de patients qui s'indignaient parce qu'on avait omis d'aller les chercher à l'aéroport ou à l'autobus. Il se souvient d'un incident survenu avec Claire Jourdain qu'il connaissait bien. Le témoin se trouvait à la cafétéria du complexe Guy Favreau en compagnie du docteur Charles-André Lambert, directeur des Services de santé. Claire Jourdain est arrivée ; elle était de mauvaise humeur. À son arrivée à l'aéroport de Dorval en compagnie de son petit-fils qui venait suivre des traitements, personne n'était venue la chercher. Le témoin a demandé à Claire Jourdain de se calmer et il s'est rendu avec elle rencontrer Noëlla Bouchard pour obtenir des explications. Noëlla Bouchard a dit qu'elle n'avait pas été informée de l'arrivée de Claire Jourdain par le Centre de santé à Sept-Îles. Claude Paradis est catégorique. Lors de cette rencontre, Noëlla Bouchard n'a prononcé aucune parole désobligeante à l'endroit des autochtones. Claire Jourdain ne lui a formulé aucune plainte en rapport avec l'attitude de Noëlla Bouchard. Elle était plutôt frustrée de l'erreur qui s'était produite.

[108] Le témoin raconte qu'à partir de 1990, il était possible de procéder au transfert administratif des services médicaux aux communautés autochtones et l'information était véhiculée auprès des diverses communautés et organismes autochtones pour connaître leur intérêt à prendre charge de ces services. Il se souvient que Jeanne-d'Arc Vollant l'a consulté pour connaître son opinion sur ses chances de réussite si elle posait sa candidature. Il lui a expliqué qu'elle devait faire la démonstration de sa capacité de fournir le service avec les ressources matérielles adéquates et le personnel compétent en la matière. De plus, elle se devait d'obtenir l'appui officiel, des bandes ou des associations autochtones intéressées à dispenser le service.

[109] Claude Paradis déclare qu'il a fait la connaissance de Pierre Benjamin lorsqu'il travaillait comme conseiller en éducation sur la réserve de Betsiamites et il l'a revue assez régulièrement par la suite.

[110] Au moment du transfert des Services aux patients le 1er avril 1996, le témoin était déjà à la retraite depuis janvier 1996. Toutefois, il reconnaît qu'il peut avoir discuté du sujet avec Pierre Benjamin. Questionné à savoir qu'il aurait promis à Pierre Benjamin que Mamit obtiendrait le contrat de transfert administratif des soins médicaux, il répond : (page 902)

Vous savez, j'ai appris une chose, j'ai travaillé avec les autochtones pendant 25 à 27 ans. J'ai appris très rapidement une chose, c'est que tu ne dis jamais oui quand tu n'es pas certain que tu vas être capable de livrer la marchandise et, dans ce cas-là, c'est encore plus vrai que n'importe lequel autre cas puisque je partais ; je ne me serais jamais permis de dire quelque chose du genre, en plus du fait que jamais je ne le faisais. Parce qu'il est très difficile de se faire accepter par les autochtones ; puis une fois que tu es accepté, il ne faut pas que tu fasses de gaffes pour être rejeté parce que le travail se fait dans un climat de confiance. S'il n'y a pas une confiance qui existe, tu ne peux pas faire grand chose.

[111] Claude Paradis nie catégoriquement être intervenu auprès du comité technique pour favoriser la candidature de Mamit, ni auprès de Pierre Benjamin pour qu'il ne retienne pas les services de Jeanne-d'Arc Vollant.

[112] Pendant les années où il a été directeur régional des services médicaux, le témoin affirme qu'il n'a jamais reçu de plaintes imputant à Noëlla Bouchard et à Reine Parenteau des propos désobligeants ou blessants à l'endroit des autochtones, sauf celle de Jeanne-d'Arc Vollant.

C. Michel Paul

[113] Michel Paul est un autochtone, membre inscrit de la réserve de Kitigan Zibi de Maniwaki. En plus d'être infirmier licencié de l'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec, il possède une formation universitaire en gérontologie.

[114] Sur le plan administratif, il détient un baccalauréat en administration des affaires et une maîtrise en administration des services de santé. Michel Paul occupe un poste de directeur des soins et des services à la clientèle dans un centre d'hébergement pour personnes âgées depuis cinq (5) ans. Au surplus, il est copropriétaire d'une firme de consultants en administration de services de santé, particulièrement auprès des organismes autochtones. Le rôle de consultant consiste à travailler, de concert avec les communautés autochtones, dans les programmes qui sont régis à partir de politiques gouvernementales et également à l'élaboration de programmes en santé communautaire.

[115] En 1994-1995, Michel Paul a été à l'emploi de la Commission de la Santé et des Services Sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador comme coordonnateur à la santé. La mission première de cette commission est de promouvoir le mieux-être des Premières Nations, notamment dans la prise en charge des dossiers ayant trait à la santé et aux services sociaux. Au cours de l'automne 1995, l'Assemblée des chefs des Premières Nations du Québec et du Labrador a confié à la Commission de la Santé et des Services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador le mandat d'informer les organismes autochtones, notamment les conseils tribaux et les conseils de bande que cette commission allait procéder à l'élaboration d'appel d'offres pour le transfert administratif des Services aux patients de Santé Canada aux organismes autochtones.  (Pièce SC-16)

[116] À titre de coordonnateur à la santé, il a été mandaté par le conseil d'administration de la Commission de la Santé et des Services Sociaux des Premières Nations pour la création d'un comité technique chargé d'évaluer les propositions reçues des organismes autochtones. Ce comité technique d'évaluation était composé de Michel Paul à titre de président, de Gilbert Courtois, désigné par le conseil d'administration de la Commission de la Santé et des Services Sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, de la gestionnaire en chef à Santé Canada, Francine Buckell et de Chantal Renaud, coordonnatrice de l'unité des services aux patients à Santé Canada. Le comité technique devait élaborer une grille d'évaluation des propositions à l'aide de critères ainsi qu'un questionnaire d'entrevue de sélection. Il devait effectuer l'étude des propositions reçues, les entrevues de sélection et présenter une recommandation aux instances concernées. (Pièce SC-7) Le comité a préparé les critères d'évaluation (Pièce SC-18) et le questionnaire d'entrevue (Pièce SC-19).  Pour l'évaluation des résultats, le comité technique s'était aussi donné des critères de pondération.  (Pièce SC-20)

[117] Le comité technique a analysé quatre (4) candidatures : Centre d'amitié autochtone de Montréal, Jeanne-d'Arc Vollant et Carmen McLean, Kanesatake Mobile Service et Mamit.

[118] Toutes les candidatures ont été analysées et le comité technique a retenu, par un vote unanime, celle de Mamit qui avait obtenu le résultat le plus élevé en regard des critères et de la pondération. (Pièce SC-20)

[119] Michel Paul explique le choix de Mamit par le comité technique : (page 1034-1035)

…Nous avons attribué le contrat à la firme Mamit Inuat qui était un organisme autochtone qui avait, entre autres, aussi une expertise de gestion dans ce service-là. Elle occupait déjà un mandat pour la gestion des Services aux patients pour la région de la Côte-Nord. Sa philosophie de gestion cadrait déjà avec celle recherchée. Elle disposait quand même d'une certaine solvabilité en tant qu'organisme auprès de Santé Canada. La proposition présentée répondait aussi aux standards. Les matières régissant les normes particulières en ce qui a trait à la gestion des dossiers étaient déjà aussi quelque chose que la firme Mamit Inuat disposait en terme de respect des normes, en ce qui a trait à la confidentialité des dossiers, en ce qui a trait au transport, notamment parce que c'était un volet qui était associé aux Services aux patients, les normes de sécurité.

Donc, ce qui faisait en sorte que c'était l'organisme que, nous, suite au niveau des résultats présentés et de l'échelle qu'on s'était donné, c'est celle qui a présenté au comité, je dirais, le résultat le plus élevé en fonction des échelles et de la pondération qu'on s'était donné.

[120] Chaque soumissionnaire a été informé des résultats obtenus. (Pièce SC-6) Cette recommandation a été transmise à la Commission de la Santé et des Services Sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (Pièce SC-22) qui l'a approuvée. L'Assemblée des Premières Nations du Québec a approuvé à son tour cette recommandation et demandé à la direction générale des services médicaux de la région du Québec de conclure une entente de contribution avec Mamit au plus tard le 1er avril 1996.

[121] Michel Paul a précisé qu'en aucun temps Francine Buckell n'est intervenue au cours du processus de sélection pour que la candidature de Jeanne-d'Arc Vollant ne soit pas retenue.

D. Chantal Renaud

[122] Infirmière bachelière, Chantal Renaud assume, depuis août 1999, à Santé Canada, la fonction de coordonnatrice régionale du programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations et des Inuits.

[123] Auparavant, elle agissait à titre d'infirmière de liaison au programme des Services de santé non assurés à Santé Canada. Elle explique que l'infirmière de liaison coordonne les services de santé dispensés aux patients lorsqu'ils viennent à Montréal. Elle doit obtenir les information des professionnels de la santé dans les communautés autochtones pour préparer la visite du patient chez le professionnel de la santé à Montréal et assurer le suivi des informations auprès des infirmières dans les communautés. Elle travaille en collaboration avec les surveillantes ainsi que les chauffeurs/escortes/interprètes pour coordonner les rendez-vous.

[124] Chantal Renaud raconte qu'elle était membre du comité technique chargé d'analyser les soumissions lors du transfert administratif du Service aux patients aux communautés autochtones. Elle déclare qu'en aucun temps, Francine Buckell ou une autre personne à Santé Canada n'est intervenue dans le processus de sélection pour que le comité ne recommande pas le candidature de Jeanne-d'Arc Vollant.

[125] Le témoin connaît Pierre Benjamin pour l'avoir rencontré aux bureaux de Santé Canada à Montréal. Il est à sa connaissance que Pierre Benjamin a tenu des entrevues de sélection du personnel avec l'assistance d'un consultant. Lorsqu'il est venu à Montréal pour signer l'entente de transfert administratif des Services aux patients, elle l'a rencontré dans le bureau de Francine Buckell en compagnie de Marie-Line Roy. Elle se souvient que Francine Buckell était en vacances et Marie‑Line Roy la remplaçait. Pierre Benjamin a dit qu'il avait fait une offre d'emploi à tous les employés, à l'exception de Jeanne-d'Arc Vollant parce qu'elle était surqualifiée.

E. Richard Legault

[126] Richard Legault est à l'emploi de Santé Canada. Depuis le 1er mai 1996, il occupe le poste de directeur régional pour la direction générale des Services de Santé aux Indiens et Inuits pour le Manitoba. Auparavant, il avait assumé le poste à Montréal pendant trois ans et demi (3 1/2).

[127] Le témoin relate qu'il a eu des échanges avec la plaignante lorsqu'elle a envisagé de soumissionner dans le cadre du transfert administratif des Services aux patients. Il lui a mentionné que l'expérience acquise, particulièrement au niveau des opérations, pouvait constituer un atout fort appréciable.

[128] Richard Legault révèle qu'il connaissait très bien Pierre Benjamin, représentant de Mamit, pour l'avoir côtoyé à plusieurs reprises lors de la négociation d'ententes déjà existantes entre Santé Canada et Mamit. Il nie catégoriquement avoir promis à Pierre Benjamin que l'entente de contribution serait accordée à Mamit si elle s'engageait à ne pas embaucher Jeanne‑d'Arc Vollant.

[129] Le témoin précise également que, lors de la signature de l'entente de contribution, Francine Buckell était en vacances ; il a signé l'entente.

[130] Appelé à donner sa version des faits lors de la rencontre avec Jeanne-d'Arc Vollant et son procureur, il corrobore en tous points le témoignage de Pierrette Chagnon.

F. Marie-Line Roy

[131] Marie-Line Roy est à l'emploi de Santé Canada à Ottawa, à titre de gestionnaire de liaison entre les régions pour les Services de santé non assurés.

[132] Auparavant, soit de 1988 à 1997, elle a assumé à Santé Canada, Montréal, la responsabilité de surveillante des ententes des Services de santé non assurés.

[133] Francine Buckell lui a remis la proposition de Mamit  pour qu'elle rédige l'entente de contribution. (Pièce SC-24) Selon les directives de Santé Canada, cette entente devait être signée avant le 1er avril 1996.

[134] Le 27 mars 1996, une rencontre a eu lieu à Santé Canada, Montréal, pour la signature de l'accord. Monsieur Pierre Benjamin représentait Mamit et Richard Legault a apposé sa signature à l'entente en raison de l'absence de Francine Buckell qui était en vacances. À ce moment, aucun commentaire n'a été formulé concernant Jeanne-d'Arc Vollant.

[135] Il incombait également à Marie-Line Roy la tâche de superviseure des opérations. Elle devait négocier avec Pierre Benjamin le transfert éventuel d'équipements et de personnel, si Mamit le désirait.

[136] Accompagné d'un consultant, Pierre Benjamin a soumis le personnel à des entrevues pour aviser ensuite Marie-Line Roy qu'il embauchait tout le personnel en place à l'exception de Jeanne d'Arc Vollant parce qu'elle était surqualifiée.

[137] Marie-Line Roy a demandé à Pierre Benjamin s'il avait obtenu des références. Il a répondu qu'il n'avait obtenu aucune référence de Santé Canada et il a précisé : (Volume 10, page 1248-1249)

Je me suis occupé de ça, j'ai déjà fait mes références avec les communautés de la Basse Côte-Nord et puis Madame Vollant n'était pas bien vue.

[138] Marie Line-Roy affirme qu'en aucun temps, à sa connaissance, Santé Canada n'avait exigé de Mamit de ne pas embaucher Jeanne-d'Arc Vollant.

G. Pierrette Chagnon

[139] En septembre 1995, Pierrette Chagnon était directrice régionale des ressources humaines de Santé Canada, région du Québec.

[140] De plus, elle était présidente du Secrétariat à l'emploi qui visait le réaménagement massif dans la fonction publique suite aux coupures budgétaires survenues de 1995 à 1998. Il s'agissait d'un organisme interministériel mis sur pied pour replacer, avec la collaboration des syndicats, le personnel excédentaire qui souhaitait demeurer au sein de la fonction publique. Cette initiative s'est avérée très fructueuse car, à l'intérieur de tous les ministères dans la région du Québec, une seule personne de statut excédentaire n'a pu être relocalisée dans un autre emploi.

[141] Pierrette Chagnon raconte qu'elle a été personnellement impliquée lorsqu'un problème particulier s'est présenté relativement à l'emploi de Jeanne-d'Arc Vollant. Au cours de l'automne 1995, les employés affectés au Service aux patients ont été informés que le Gouvernement du Canada envisageait, à brève échéance, des services médicaux aux patients aux Premières Nations. Conséquemment, des pertes d'emploi étaient susceptibles de se produire. En pareille circonstance, le personnel avec un statut d'employé temporaire est remercié à la fin du contrat de travail et celui ayant un statut d'employé permanent est considéré comme employé excédentaire. L'employé qui devient de statut excédentaire doit en être informé dans un délai raisonnable pour lui permettre d'exercer ses droits suivant les directives du réaménagement des effectifs. (Pièce SC-25)

[142] C'est ainsi que, le 7 mars 1996, Jeanne-d'Arc Vollant était avisée que ses services au poste de chauffeur/escorte/interprète ne seraient plus requis à compter du 1er avril 1996 et qu'elle bénéficiait d'un statut d'employée excédentaire pendant six (6) mois, soit jusqu'au 1er octobre 1996. (Pièce C-7) Selon les directives de réaménagement des effectifs, l'employé de statut excédentaire peut exercer deux (2) options : soit de demeurer employé de la fonction publique et être relocalisée dans un autre poste sans perte de ses avantages et privilèges pour une période de deux (2) ans, soit de quitter son emploi et recevoir une indemnité de départ équivalente à six (6) mois de rémunération depuis la date où ses services ne sont plus requis. Dans le cas de Jeanne‑d'Arc Vollant, elle demeurait à son emploi du 1er avril 1996 au 1er octobre 1996 et si, au cours de cette période, elle décidait d'opter pour l'indemnité de départ, celle-ci était diminuée selon la période encourue.

[143] Suite à la lettre du 7 mars 1996, il était très important pour l'employée visée de faire connaître sa décision dans les meilleurs délais. Dans les jours qui ont suivi l'envoi du 7 mars 1996, la gestionnaire du dossier de la plaignante a tenté de la rejoindre à plusieurs reprises mais elle était absente du travail. Ce n'est que le 28 mars 1996 qu'elle a pu la rencontrer et lui faire part qu'il devenait impératif qu'elle prenne une décision et qu'elle la fasse connaître le 29 mars 1996. Jeanne‑d'Arc Vollant a alors retenu les services d'un procureur qui a adressé à la gestionnaire du dossier une mise en demeure, le 1er avril 1996, contestant le bien-fondé de la demande de décision rapide de sa cliente. (Pièce C-13)

[144] La directrice des ressources humaines est alors intervenue personnellement au dossier ; elle a tenté sans succès de communiquer avec le procureur de la plaignante. Elle lui a adressé une lettre le 11 avril 1996 pour l'informer de l'importance de régler l'imbroglio qui semblait exister et solliciter une rencontre afin d'en arriver à une compréhension bien éclairée de la situation.

[145] Une rencontre a eu lieu vers la fin d'avril ou le début de mai 1996 à laquelle étaient présents Pierrette Chagnon, Richard Legault, et Jeanne-d'Arc Vollant accompagnée de son procureur. Pierrette Chagnon a réitéré à la plaignante l'importance de faire connaître sa décision en lui rappelant que, si elle désirait maintenir un emploi dans la fonction  publique, plusieurs avenues demeuraient accessibles dont un emploi de commis CR-3 à Santé Canada. Elle n'a pas manqué de lui faire part qu'en sa qualité de présidente du Secrétariat à l'emploi, elle était facilement en mesure de la relocaliser dans un poste d'adjointe ou dans un poste comme celui qu'elle occupait. Il fut également discuté de l'option de départ de la fonction publique. Toutefois, comme le délai écoulé à ce moment avait pour effet de diminuer l'indemnité de départ et qu'il pouvait résulter d'un défaut de compréhension bien involontaire de la part de la plaignante, la directrice des ressources humaines lui a expliqué qu'il était possible, vu les circonstances, d'obtenir du sous-ministre de la santé une prolongation de son statut d'employée excédentaire. Ainsi, elle pourrait bénéficier d'une pleine indemnité de départ.

[146] La plaignante a demandé et obtenu un délai de réflexion. Quelques jours plus tard, le procureur de la plaignante a communiqué avec M. Legault, le directeur du bureau, pour l'informer que sa cliente optait pour le versement d'un montant forfaitaire. Entretemps, une demande de prolongation de statut d'employée excédentaire a été acheminée au ministre et acceptée.

[147] Pierrette Chagnon reconnaît qu'elle n'a pas soumis une offre écrite d'emploi à la plaignante selon les directives de réaménagement des effectifs. Elle prétend que, dans les circonstances, il lui paraissait inhumain d'agir de la sorte et de risquer de la priver de son droit à la prime de départ si l'offre d'emploi était jugée raisonnable.

[148] Le 17 mai 1996, Jeanne-d'Arc Vollant était informée que son statut d'employée excédentaire était prolongé jusqu'à 30 novembre 1996 (Pièce C-12) et, le 31 mai 1996, elle décidait de quitter la fonction publique avec une indemnité de départ de six (6) mois. (Pièce C‑14)

IV. Preuve des intimées Reine Parenteau et Noëlla Bouchard

A. Reine Parenteau

[149] Reine Parenteau est à l'emploi de Santé Canada depuis 1982 aux Services aux patients comme secrétaire, commis et, à compter de 1990, comme surveillante en collaboration avec Hélène Raymond qui remplissait le même poste.

[150] Reine Parenteau supervisait le travail des chauffeurs/escortes/interprètes Jeanne‑d'Arc Vollant et Frances Couchees lesquelles desservaient principalement la clientèle de langue Montagnaise et Cri.

[151] Quant à Hélène Raymond, elle supervisait le travail des chauffeurs/escortes/interprètes Carmen McLean et Annette Cheezo lesquelles étaient affectées généralement à la clientèle de langue Attikamek et Algonquine.

[152] Son travail consistait à organiser et coordonner le service de transport et d'hébergement des patients qui arrivaient des communautés autochtones à Montréal, soit par train, avion ou autobus, suivant les informations transmises par les communautés autochtones. Elle devait planifier le travail des chauffeurs/escortes/interprètes pour s'assurer de leur présence à l'arrivée du patient, s'assurer qu'il soit amené à son lieu de rendez-vous ou à son foyer d'hébergement et s'assurer qu'il soit reconduit à son lieu de départ. Elle devait également vérifier et contrôler l'utilisation des véhicules mis à la disposition des Services aux patients pour le service de transport.

[153] Le témoin estime que, jusqu'en mai 1994, tout baignait dans l'huile. Pour elle toute l'équipe travaillait dans une atmosphère chaleureuse et le personnel faisait de son mieux pour fournir aux patients un service de qualité. Elle se rappelle que, lors de son anniversaire, le 31 mars 1994, elle a reçu une carte de Jeanne-d'Arc Vollant à l'intérieur de laquelle elle écrivait : Je t'aime beaucoup Elle avait toujours eu d'excellentes relations avec elle.

[154] Reine Parenteau raconte que le 2 mai 1994 Noëlla Bouchard, sa supérieure hiérarchique, l'a fait venir dans son bureau pour l'informer que Jeanne-d'Arc Vollant et Carmen McLean avaient fait une plainte contre elle. Le témoin croyait qu'il s'agissait d'une farce mais Noëlla Bouchard lui a dit que c'était sérieux et elle a demandé des explications. Elle a répondu qu'il ne s'était rien produit d'anormal. Sa supérieure lui a répondu que ces deux employées ne voulaient plus travailler avec elle. Pour le témoin, c'était d'autant plus surprenant qu'elle avait cessé de superviser le travail de Carmen McLean en 1993.

[155] Noëlla Bouchard a convoqué les deux plaignantes à son bureau en présence du témoin et elles ont répété qu'elles ne voulaient plus travailler avec elle. Interrogées sur les motifs qui les incitaient à refuser de travailler avec elle, Reine Parenteau dit que les plaignantes ont répliqué que les clients se plaignaient. Elles lui ont reproché de communiquer avec elles pendant leur travail pour vérifier leurs allées et venues et les surveiller.

[156] À ces reproches, le témoin répond qu'il est normal de communiquer avec l'employé pour connaître leur disponibilité en cas de besoin pour effectuer une autre assignation. Lorsqu'on lui reproche d'être perfectionniste, le témoin répond : (page 1103)

Perfectionniste ? Je sais qu'il y a deux (2) façons de le voir. En tout cas, moi, la façon que je le vois, c'est positif dans mon sens. C'est que j'essaie de faire mon travail du mieux possible dans les circonstances.

[157] Reine Parenteau raconte qu'elle a été bouleversée par les propos des plaignantes. Pour elle il s'agissait d'un malentendu. Il fallait rétablir la communication et tout faire pour ramener la bonne entente. Elle a même suggéré de suivre un cours sur la mentalité indienne. Elle s'est dite prête à faire sa part pour établir une compréhension entre les parties.

[158] Au reproche d'être paternaliste, le témoin révèle qu'elle ne connaissait pas le terme. Après vérification au dictionnaire, elle a compris qu'on lui imputait de traiter les plaignantes comme des enfants, comme des gens incapables de s'occuper d'elles.

[159] Reine Parenteau déclare : (page 1104-1105)

Mais moi, j'ai pas le sentiment d'avoir été paternaliste du tout. J'ai fait mon travail tel qu'on me l'a demandé pour assurer une qualité de services et je ne l'ai pas fait d'une façon autoritaire non plus. Je l'ai fait en collaboration, avec le souci de l'intégrité et de la justice pour que le monde soit heureux puis content. J'ai traité ceux avec qui j'ai travaillé de la même façon que j'aurais aimé qu'on agisse envers moi.

[160] Le témoin a été appelé à commenter le témoignage de Marie-Anne Cheezo qui a soutenu qu'elle aurait affirmé que les autochtones ne sont pas capables de s'occuper d'eux-mêmes ; ils sont paresseux et profiteurs. Reine Parenteau soutient qu'elle n'a jamais exprimé de tels propos, qu'elle n'a jamais tenu de propos désagréables ou désobligeants à l'endroit des autochtones et qu'elle a toujours traité la clientèle et ses collègues de travail autochtones avec respect.

[161] Le témoin a été appelé à donner sa version concernant un reproche qu'elle aurait adressé à Jeanne-d'Arc Vollant en raison d'un retard au travail. Le témoin précise que la plaignante faisait un excellent travail et qu'elle n'a jamais eu à lui adresser de reproche avant la plainte en mai 1994. Il lui est arrivé à une reprise d'adresser un reproche à Jeanne-d'Arc Vollant, après le dépôt de la plainte, non pas en raison d'un retard à se présenter au travail mais plutôt parce qu'elle n'avait pas avisé de son retard.

[162] Elle reconnaît toutefois que le dépôt de la plainte, sans apporter de changement dans la qualité du travail de Jeanne-d'Arc Vollant, a créé des relations qui étaient très tendues.

[163] Contre-interrogée par le procureur de la Commission, le témoin reconnaît qu'elle a été appelée à faire l'évaluation du rendement de la plaignante pour la période de septembre 1993 à octobre 1994 (Pièce SC-1). Toutefois, elle a refusé d'évaluer son rendement à compter du 2 mai 1994 pour les motifs suivants : (page 1137)

Parce que compte tenu de la plainte et de la tension qui existait dans le service et du changement de comportement de madame Vollant, je ne parle pas vis-à-vis la clientèle mais vis-à-vis moi, je ne voulais pas justement, son travail était satisfaisant. J'étais consciente que c'était compte tenu des circonstances, son comportement avait changé et je ne voulais pas que ça paraisse sur son évaluation.

B. Noëlla Bouchard

[164] Noëlla Bouchard est infirmière. Elle a commencé à travailler à Santé Canada en 1973. Jusqu'en 1980, elle a dispensé ses services d'infirmière dans les communautés autochtones à la Baie James, à la Baie d'Hudson et sur la Basse Côte-Nord. En 1980, elle a obtenu le poste d'infirmière surveillante, Services aux patients à Montréal, poste qu'elle a occupé jusqu'en juillet 1995 alors que le poste a été aboli. Elle a été relocalisée comme infirmière surveillante où elle assume la responsabilité du personnel infirmier, de la gestion des bâtisses et du logement dans les communautés autochtones qui n'ont pas encore pris charge de leurs services de santé.

[165] Le témoin relate qu'après son arrivée aux Services aux patients, les restrictions budgétaires ont amené une réduction des effectifs de sorte que le budget d'opérations permettait un effectif pour le personnel chauffeur/escorte/interprète de trois années/personnes seulement. Le terme une année/personne signifie quarante (40) heures/semaine peu importe le nombre d'heures accompli par une personne. À titre d'exemple deux (2) personnes peuvent se répartir quarante (40) heures au cours d'une semaine.

[166] En 1989, l'effectif conducteur/escorte/interprète se composait de Carmen McLean et Georgette Chartrand à 40 heures/semaine ; Jeanne-d'Arc Vollant et Hélène Raymond à 20 heures/semaine. Ce personnel était sous la responsabilité d'une dame Champagne, surveillante. Elle était assistée d'une secrétaire.

[167] En décembre 1989, Murielle Champagne a pris sa retraite et Noëlla Bouchard a décidé de fusionner le poste de secrétaire avec celui de surveillante de manière à créer deux (2) postes de surveillante confiés à Reine Parenteau, qui était secrétaire, et à Hélène Raymond qui a abandonné son travail de chauffeur/escorte/interprète.

[168] À la même époque, Georgette Chartrand a bénéficié d'une année sabbatique et elle a pris sa retraite par la suite.

[169] Pour combler ces départs, Noëlla Bouchard se souvient que Jeanne-d'Arc Vollant s'est vu offrir 20 heures/semaines de travail additionnel et les besoins ont été comblés par l'embauche de Frances Couchees et Annette Cheezo à raison de 20 heures/semaine pour chacune d'elles. Un personnel embauché à la pige venait combler les absences du personnel régulier et les surplus de travail. Cette équipe de travail est demeurée en fonction du 1er janvier 1990 au 27 juin 1994, et se composait exclusivement de personnel d'origine autochtone.

[170] Appelée à expliquer le bien-fondé des Services aux patients, Noëlla Bouchard soutient que son travail dans les communautés autochtones lui a appris que les patients étaient craintifs et complètement démunis lorsqu'ils arrivaient à Montréal. Ils craignaient qu'on ne vienne pas les chercher, qu'on ne s'occupe pas d'eux. Il fallait les rassurer et leur fournir toute l'aide dont ils avaient besoin. Le témoin soutient qu'elle avait un souci constant que le service n'ait aucune déficience. Elle exprime son mot d'ordre constant aux surveillantes : (page 961)

Quand vous avez une référence qui s'en vient, dites-vous que c'est un enfant qui arrive à Dorval - pas parce que je traite les Indiens d'enfants - parce que si c'est un enfant, il va être démuni en arrivant, donc vous allez tout faire pour qu'il arrive rien.

[171] Le témoin a tenu à préciser que son mot d'ordre n'était pas absolu car il s'appliquait à la clientèle qui n'avait pas l'habitude de venir à Montréal. Évidemment pour certains patients ou accompagnateurs qui venaient plus fréquemment à Montréal, il n'était pas nécessaire de leur accorder la même surveillance. L'aide leur était fournie à la mesure de leurs besoins.

[172] Le témoin a décrit la responsabilité des Services aux patients pour le suivi médical du client suite à l'obtention des services médicaux à Montréal. Les Services aux patients disposaient de formulaires que remplissait le médecin. Il indiquait le diagnostic, la médication et le suivi. C'était la responsabilité du chauffeur/escorte/interprète d'obtenir ce document. Les Services aux patients assuraient la liaison entre le médecin traitant et l'infirmière dans les communautés pour favoriser le meilleur suivi possible du patient à son retour.

[173] Le témoin a reconnu l'existence de problèmes survenus avec Alphonse Grégoire relativement à l'utilisation et au remboursement de frais de taxi. Elle relate que Santé Canada avait une entente avec des entreprises de taxi. Le transport préalablement autorisé par les Services aux patients était payé par le ministère. Alphonse Grégoire n'utilisait pas les services de l'entreprise de taxi alors qu'il savait qu'il était autorisé à le faire et il se plaignait d'avoir à payer son taxi. Il recevait un remboursement mais cela occasionnait des discussions. Il lui arrivait également de faire appel au service de transport mais de prendre un taxi. Il avait des difficultés à se soumettre aux directives.

[174] En ce qui a trait aux frais de repas, Noëlla Bouchard relate que Santé Canada avait une entente avec les aéroports et les hôpitaux pour les repas à des taux fixes. Le client recevait un coupon-repas qui était accordé selon le bon jugement de la surveillante ou du chauffeur/escorte/interprète.

[175] Noëlla Bouchard se souvient que le personnel affecté au transport chauffeur/escorte /interprète vivait des périodes de travail dures et exténuantes. Chacun accomplissait bien ses tâches. Les chauffeurs/escortes/interprètes faisaient un travail extraordinaire et, à ses yeux, il n'y avait aucune mésentente. Pour elle, le climat de travail était excellent jusqu'en mai 1994.

[176] Le 2 mai 1994, Noëlla Bouchard a rencontré Jeanne-d'Arc Vollant et Carmen McLean à son bureau. Elles lui ont appris qu'elles n'acceptaient pas le comportement de Reine Parenteau. Elles lui reprochaient d'être perfectionniste, trop paternaliste et de les traiter elles-mêmes et la clientèle comme des enfants. De plus, elles affirmaient ne plus vouloir travailler avec elle et exigeaient qu'elle soit mutée à son ancien poste de secrétaire. Enfin, elles prétendaient être le porte-parole de tous les chauffeurs/escortes/interprètes.

[177] Le témoin raconte qu'elle a rencontré Reine Parenteau pour l'informer des faits et connaître sa version. Selon elle, Reine Parenteau était stupéfaite. Elle ne comprenait pas le bien-fondé des reproches qui lui étaient adressés.

[178] Elle a suggéré une rencontre avec les plaignantes, ce que Reine Parenteau a accepté. Les plaignantes ont soulevé les mêmes doléances et exigences. Reine Parenteau leur aurait dit : Bien, dites-moi qu'est-ce que vous voulez que je change dans mes comportements puis je vais m'améliorer, je vais faire en sorte que ça change. Les plaignantes refusaient carrément ; elles voulaient qu'elle parte. Reine Parenteau refusait la mutation car elle disait se plaire dans le travail qu'elle accomplissait.

[179] À l'occasion de l'une ou l'autre de ces rencontres, le témoin admet avoir mentionné qu'on n'était pas dans un conseil de bande. Elle désirait que les plaignantes comprennent que dans un conseil de bande, il est plus facile de remercier une employée que dans la fonction publique laquelle est liée par une convention collective et où les motifs de renvoi d'une employée doivent être justifiés.

[180] Noëlla Bouchard a rencontré la surveillante, Hélène Raymond, pour l'informer de la plainte et connaître son opinion. Hélène Raymond lui a mentionné que des correctifs devaient être apportés aussi bien de la part de Reine Parenteau que de la part des chauffeurs/escortes/interprètes et elle a refusé d'être mêlée davantage au problème.

[181] Lors des rencontres avec les plaignantes, le témoin affirme qu'il n'a jamais été question de propos racistes discriminants ou désobligeants de la part de Reine Parenteau à l'endroit des autochtones. Leurs doléances se limitaient à son comportement paternaliste et à son perfectionnisme.

[182] Noëlla Bouchard a été appelée à fournir sa version des faits entourant la diminution des heures de travail de Jeanne-d'Arc Vollant.

[183] À l'automne 1993, le Centre d'amitié autochtone de Montréal avait manifesté l'intérêt de prendre en charge les Services aux patients de Montréal. C'était la première fois qu'un organisme autochtone démontrait un tel intérêt. À l'occasion d'une réunion avec le personnel dans les jours qui ont suivi, elle a fait part de cet intérêt aux employés en leur indiquant que la prise en charge des Services aux patients par les organismes autochtones était permise depuis 1989.

[184] De plus, au cours de l'automne 1993, le témoin avait appris qu'à compter du 1er janvier 1994 le gouvernement fédéral cesserait de dispenser les services de Santé aux Cris de Oujebougamou. Elle a donné cette information à Frances Couchees qui était interprète Cri et elle lui a fait part que son contrat se terminant le 30 juin 1994 ne serait pas renouvelé. Elle se souvient avoir rencontré Frances Couchees dans la salle des conducteurs/escortes/interprètes en présence de Jeanne‑d'Arc Vollant. Elle raconte avoir profité de l'occasion pour informer Jeanne-d'Arc Vollant, interprète montagnaise, qu'il était probable qu'à la même période ses heures de travail seraient diminuées à vingt (20) heures semaines en raison de l'augmentation de la clientèle Attikamek et de la diminution prévisible de la clientèle montagnaise.

[185] Le témoin déclare qu'une analyse de la clientèle lui a permis de constater qu'effectivement la clientèle Attikamek avait monté en flèche et qu'il y avait eu également une augmentation de la clientèle Montagnaise. Le service d'escortes disposait de deux interprètes Attikamek et d'une interprète Montagnaise, soit Jeanne-d'Arc Vollant. Après consultation auprès des surveillantes, le témoin a décidé que les besoins d'opération nécessitaient l'utilisation de deux (2) interprètes Montagnaises sans oublier l'interprète Algonquine qui était requise.

[186] Pour respecter les budgets d'opération de trois (3) années/personne seulement ainsi que les besoins d'opération, le témoin a réparti l'effectif en fonction à cinq (5) chauffeurs/escortes/interprètes soit : Carmen McLean, Attikamek, quarante (40) heures, Hélène Petitquai, Attikamek, vingt (20) heures, Annette Cheezo, Algonquin, vingt (20) heures, Victor McKenzie, Montagnais, vingt (20) heures et Jeanne-d'Arc Vollant, Montagnais, vingt (20) heures.

[187] Conséquemment, le 27 juin 1994, lors d'une réunion du personnel, Jeanne-d'Arc Vollant a été informée de la diminution de ses heures de travail à compter du 1er juillet 1994. Noëlla Bouchard a appris, en septembre 1994, qu'une plainte de racisme et de harcèlement avait été déposée contre elle. Cette plainte survenait après la prise de décision de diminuer les heures de travail de la plaignante.

[188] Le témoin a exprimé ce qu'elle a ressenti en apprenant ce qu'on lui reprochait : (page 811)

Terrible, terrible. Tu mets vingt (20) ans et plus à établir des relations de confiance avec un peuple et dans un tour de main, il y a quelqu'un qui va détruire tout ça, c'est épouvantable. Ça ne se décrit pas ce qu'on ressent devant une pareille connerie, un pareil mensonge, ce n'est pas décrivable, c'est épouvantable.

[189] Concernant les problèmes de logement qu'Alphonse Grégoire prétendait avoir vécus, le témoin rappelle qu'elle devait se soumettre à la politique d'hébergement établie par son employeur avec les communautés autochtones. Selon cette politique, le client était hébergé dans un foyer et le ministère versait un montant de quarante dollars (40 $) par jour. Si le client optait pour séjourner à l'hôtel, il devait absorber l'excédent du coût. Dans le cas précis d'Alphonse Grégoire, il accompagnait son fils qui attendait une transplantation cardiaque et il désirait qu'un loyer lui soit fourni. Le témoin déclare qu'elle ne pouvait déroger aux directives. Elle est au courant que le Conseil de bande de Schefferville a contacté le docteur Charles‑André Lambert et, après négociations, Alphonse Grégoire a bénéficié d'un loyer.

[190] Interrogée sur le reproche qu'on lui adressait d'avoir parlé des taxes qu'elle payait, Noëlla Bouchard réplique : (page 800)

Moi, je n'ai jamais parlé de taxes dans le cadre de mon travail, dire ce que j'ai entendu… que je coupais les services sous prétexte que c'était mes taxes qui payaient, c'est un non sens absolu. Je n'ai jamais prononcé de phrase comme ça, non, jamais.

[191] Ayant œuvré pendant vingt-sept (27) ans auprès des autochtones, le témoin soutient qu'elle n'a pas employé de termes désobligeants, racistes ou discriminants à leur endroit. Elle croit avoir toujours traité les autochtones avec respect et acquis leur estime.

[192] Noëlla Bouchard a quitté le Service aux patients le 1er juillet 1995. Après cette date, elle n'a aucune communication avec le personnel des Services aux patients car elle dit avoir éprouvé énormément de difficultés à accepter son départ des Services aux patients suite à l'abolition de son poste.

[193] Noëlla Bouchard se souvient qu'il lui est arrivé à une reprise de demander à Jeanne‑d'Arc Vollant de lui fournir le motif d'un retard au travail. Reine Parenteau l'avait informée que la plaignante n'était pas au travail et lui avait demandé si elle avait obtenu une autorisation de s'absenter. Jeanne-d'Arc Vollant s'était présentée au travail avec plus d'une (1) heure de retard. Noëlla Bouchard a avisé verbalement la plaignante qu'elle devait informer son employeur mais elle n'a reçu aucune mesure disciplinaire.

[194] Selon le témoignage de Jeanne-d'Arc Vollant, elle aurait avisé Noëlla Bouchard qu'un client n'avait pas d'argent et elle lui aurait dit de le laisser au coin de la rue et il en trouverait de l'argent. Le témoin a catégoriquement nié avoir tenu de tels propos.

[195] Les Services aux patients employaient une infirmière de liaison, Madeleine Hébert, en poste à compter du 7 mars 1994. Noëlla Bouchard a entendu cette infirmière émettre son opinion sur la politique des Services de santé aux autochtones. Plus précisément, le témoin relate que la politique veut que le patient autochtone soit traité dans la région la plus proche de sa communauté. Or, il arrivait que cette règle ne soit pas respectée. Madeleine Hébert estimait que le non-respect de la politique emportait des dépenses superflues.

[196] Noëlla Bouchard a convoqué Madeleine Hébert à son bureau pour lui dire qu'elle avait droit à ses opinions mais qu'elle devait cesser de les exprimer publiquement. Toutefois, ce n'était pas dans ses habitudes de gestion de réprimander publiquement une employée et elle croit qu'elle n'avait pas à informer le personnel de la réprimande adressée à cette employée.

[197] Noëlla Bouchard a nié catégoriquement les commentaires que lui attribuait Claire Jourdain dans son témoignage. Alors que Claire Jourdain affirmait dans son témoignage que Lauria Vollant avait été son chauffeur/escorte/enquêteur lors d'un voyage à Montréal en 1996. Noëlla Bouchard a soutenu que Lauria Vollant n'a jamais été à l'emploi de Santé Canada mais plutôt à l'emploi de Mamit. Concernant les commentaires émis par Claire Jourdain relativement aux foyers d'hébergement pour les clients ou leurs accompagnateurs lors de leur passage à Montréal, Noëlla Bouchard explique que les foyers d'hébergement étaient sous la supervision de la travailleuse sociale à Santé Canada. Le témoin a visité ces foyers d'hébergement qui, à son avis, étaient très bien tenus. Elle souligne également que, contrairement aux affirmations de Claire Jourdain, ces foyers étaient des maisons privées avec chambres privées. La seule exception fut l'Hôtel Pierre où il y avait au sous-sol quatre lits dans une seule pièce. Toutefois, le contrat d'hébergement avec cet hôtel n'a pas été renouvelé après 1989.

C. Marguerite Quoquochi

[198] Marguerite Quoquochi est autochtone de la nation Attikamek et agente de liaison en santé depuis quatorze ans ; d'abord à Santé Canada et, depuis 1994, au Conseil de bande de Mawantashi à La Tuque.

[199] Son travail consiste à organiser les rendez-vous, le transport et l'hébergement des autochtones qui doivent se rendre à La Tuque, Shawinigan ou Trois-Rivières pour des services médicaux. Elle a été initiée à l'exercice de ses fonctions par Noëlla Bouchard qui fut sa supérieure hiérarchique. Elle estime que cette dernière l'a toujours encouragée et conseillée lorsqu'elle rencontrait des difficultés. Pour Marguerite Quoquochi, Noëlla Bouchard l'a toujours traitée comme une adulte et non comme une enfant.

D. Jeannine Quoquochi

[200] D'origine autochtone de la nation Attikamek, Jeannine Quoquochi est, tout comme sa sœur, Marguerite, agente de liaison en santé pour le Conseil de bande, Mawantashi depuis 1994. Elle avait rempli la fonction auparavant à Santé Canada pendant deux (2) ans sous la gouverne de Noëlla Bouchard. Elle corrobore le témoignage de sa sœur relativement à l'attitude et au comportement de Noëlla Bouchard à son endroit. Elle soutient n'avoir jamais senti que Noëlla Bouchard la traitait comme une enfant.

V. Analyse de la preuve

[201] Est-ce que la plaignante a été victime de harcèlement de la part de Reine Parenteau et Noëlla Bouchard, harcèlement que l'employeur, Santé Canada a toléré par son laxisme à agir ?

[202] Avant de répondre à cette question, il y a lieu de s'interroger sur la notion de harcèlement. Dans l'affaire Daijit S. Dhanjal v. Air Canada (C.C.R.R., volume 28, décision 35, page D/412 - D/413) on peut lire :

En quoi consiste dès lors le harcèlement de façon concrète ? Quel genre de comportement peut être considéré comme tel ? On sait qu'il s'agit d'un abus de pouvoir. Bien que le chantage qu'on appelle harcèlement donnant-donnant (ou quid pro quo) en matière sexuelle ne peut guère trouver application en matière raciale, le harcèlement conduisant à un milieu hostile apparaît en revanche pleinement pertinent.

Le milieu de travail hostile se traduit alors par des gestes, paroles ou comportements qui sont de nature à offenser, à blesser ou à humilier un employé différent des autres de par sa race. Il s'agit d'un abus de pouvoir conduisant, comme le signale la Cour suprême dans Janzen, à une pratique dégradante et infligeant un grave affront à la dignité des employés forcés de le subir (à la p. 1284 [D/6227, par. 44451]).

Ainsi, le harcèlement racial peut prendre diverses formes : remarques désobligeantes, injures, insultes, agressions, caricatures, graffitis, imposition de tâches différentes, évaluations inadéquates ou dommages causés à la propriété de la victime. Dans tous les cas, cependant, ces comportements doivent comporter une dimension raciale et avoir pour effet d'humilier ou d'offenser la personne qui en est victime, c.-à-d. de porter atteinte à sa dignité et d'ainsi produire un effet défavorable sur le milieu de travail ou [avoir] des conséquences préjudiciables en matière d'emploi (Janzen supra, à la p. 1284 [D/6227, par. 44451]).

Ainsi, lorsqu'il s'agit de blagues de mauvaise goût, celles-ci doivent être persistantes et fréquentes pour constituer du harcèlement. Une remarque raciste isolée, même très dure, ne saurait constituer à elle seule du harcèlement au sens de la Loi : Pitawanakwat c. Canada (1994), 19 C.H.R.R. D/110  [aux pp. D/121 /D‑122], par. 40-41 (inf. en partie sur d'autres motifs par la Cour fédérale dans (1994), 78 F.T.R. 11 [21 C.H.R.B. D/355]).

Dans Hinds c. Canada, supra, le Tribunal a reconnu qu'un document insultant le plaignant en tant que Noir constituait du harcèlement racial. Il faut toutefois noter que non seulement les annotations que contenait ce document étaient excessivement blessantes à leur face même, mais que la plainte concernant ce document fut portée dans le contexte d'une suite d'actes antérieurs de harcèlement racial survenus sur une période de plusieurs années.

[203] Le harcèlement dont Jeanne-d'Arc Vollant prétend avoir été victime s'est produit d'une part par les propos désobligeants de la part de Reine Parenteau et de Noëlla Bouchard dans leurs relations avec la clientèle et le paternalisme qu'elles exerçaient à outrance à l'endroit de cette même clientèle et du personnel chauffeur/escorte/interprète.

[204] À l'appui de ses prétentions, Jeanne-d'Arc Vollant affirme que peu de temps après qu'elle ait obtenu un emploi permanent, elle s'est sentie victime de harcèlement de la part du personnel de Santé Canada.

[205] Elle se souvient des propos d'une collègue de travail lors de la crise autochtone d'Oka en 1990, qui s'interrogeait à savoir si les argents versés aux communautés autochtones serviraient à l'achat d'armes. Elle s'est sentie humiliée par de tels propos et brimée de l'inertie de son employeur à réagir à cet incident.

[206] Claude Paradis, directeur régional des services médicaux, a jugé à propos de ne pas donner suite à cet incident parce qu'il s'agissait d'un acte isolé et qu'il ne désirait pas envenimer la situation. Cette prise de position me semble tout à fait appropriée dans les circonstances.

[207] Je tiens immédiatement à souligner que cet incident est tellement éloigné de la plainte, en avril 1995, qu'il ne saurait être retenu.

[208] Au cours des années 1990, Alphonse Grégoire accompagnait fréquemment son fils de Sept‑Îles à Montréal pour des traitements médicaux à l'hôpital Ste-Justine. Il a fréquemment essuyé des refus de la part de Noëlla Bouchard de lui fournir les services de taxi, la remise de coupons-repas, et la possibilité de louer un appartement.

[209] En mars 1994, Claire Jourdain, une cliente venue de Sept-Îles à Montréal pour accompagner son petit-fils qui doit être hospitalisé, se voit refuser par Reine Parenteau et Noëlla Bouchard la possibilité de demeurer à l'hôtel plutôt que dans un foyer d'hébergement.

[210] Au cours de la discussion, Noëlla Bouchard lui aurait mentionné que les autochtones venaient à Montréal pour se promener et aller magasiner avec ses taxes.

[211] Noëlla Bouchard a tenté de lui expliquer qu'elle devait appliquer les règlements mais Claire Jourdain lui a dit qu'elle se foutait des règlements.

[212] Après avoir insisté auprès du directeur régional des services médicaux, Claude Paradis, et du directeur des services de santé aux indiens, le docteur Charles-André Lambert, Claire Jourdain a obtenu la permission de séjourner à l'hôtel.

[213] Claire Jourdain a tenu à préciser dans son témoignage que Claude Paradis lui avait transmis une lettre d'excuse pour cet incident, lettre d'excuse qu'elle était convaincue d'avoir conservée. Elle s'est engagée à la transmettre au tribunal mais elle n'a pas donné suite à son engagement.

[214] De 1989 à 1992, Marie-Anne Cheezo a été embauchée par Santé Canada à titre de chauffeur/escorte/interprète à la pige alors qu'elle poursuivait ses études à Montréal. Elle affirme, sans être en mesure de préciser la date, avoir entendu Reine Parenteau tenir des propos désobligeants à l'endroit des autochtones notamment : Il faut qu'on les traite comme des enfants. Elle ajoute qu'elle se sentait humiliée et abaissée par le contrôle que Reine Parenteau exerçait.

[215] Il est curieux de constater qu'elle ne se soit pas plainte à sa cousine, Hélène Raymond, ou à sa supérieure, Francine Buckell, toutes deux autochtones. Elle explique son refus d'agir par un manque de connaissance sur la façon de procéder et des préoccupations plus importantes.

[216] Tous ces événements survenus entre 1990 et 1994 sont à la connaissance de Jeanne‑d'Arc Vollant qui se sent humiliée et abaissée par la façon dont sont traités les autochtones. De plus, elle estime que l'attitude et le comportement de Reine Parenteau, surveillante des chauffeurs/escortes/interprètes créent un climat de travail inacceptable.

[217] Après mûre réflexion et consultation auprès de ses collègues de travail, Jeanne‑d’Arc Vollant décide de déposer une plainte verbale auprès de Noëlla Bouchard. La plaignante était accompagnée d'une collègue de travail, Carmen McLean. Cette plainte verbale s'adressait à l'endroit de Reine Parenteau.

[218] Noëlla Bouchard est informée que depuis l'arrivée de Reine Parenteau comme surveillante des chauffeurs/escortes/interprètes, des problèmes de relations de travail sont venus progressivement détériorer le climat de travail. Il est reproché à Reine Parenteau une attitude arrogante et paternaliste, tant à l'endroit de la clientèle que des employés chauffeurs/escortes/interprètes. Le perfectionnisme recherché par Reine Parenteau rend la vie au travail insupportable. Pour illustrer l'attitude de Reine Parenteau, elle donne les exemples suivants : (Pièce C-18)

Elle tempête contre les clients en leur présence et s'emporte souvent avec des commentaires genre : tu es payé pour faire ça, si tu ne m'écoutes pas, je vais en parler à Noëlla ou bien à la prochaine réunion, laissez pas les patients faire ceci ou cela, ils ne sont pas capables, va pas là, passe par là, dépêche-toi, viens ici, va là, tu peux pas faire.

[219] La plaignante et sa collègue informent Noëlla Bouchard qu'elles refusent de travailler dorénavant avec Reine Parenteau.

[220] Noëlla Bouchard est renversée par les propos qu'elle entend. Elle n'a jamais vu venir le coup car elle n'avait jamais entendu parler ou constater l'existence d'un climat de travail malsain au sein de l'équipe de chauffeurs/escortes/interprètes. Pour elle, le personnel chauffeur/escorte/interprète accomplissait un travail admirable. Il devait composer avec le stress et l'anxiété des patients, les difficultés de la traduction, le langage médical et les imprévus.

[221] Noëlla Bouchard a convoqué, au cours de la même journée, une rencontre avec Reine Parenteau, Jeanne-d'Arc Vollant et sa collègue. La plaignante a été très évasive dans ses propos de sorte que Reine Parenteau n'a pas été en mesure de cerner exactement les reproches qu'on lui adressait. Malgré tout, elle a manifesté une grande ouverture d'esprit en indiquant qu'elle était prête à s'amender si on lui expliquait exactement les points où elle devait s'améliorer. Elle s'est même permise de suggérer qu'elle était disposée à suivre des cours sur la mentalité indienne s'il était nécessaire de le faire. Jeanne-d'Arc Vollant s'est refusée à tout compromis exigeant plutôt qu'elle soit mutée à un autre service.

[222] Avant de discuter de l'attitude répréhensible ou non de l'employeur, j'entends disposer de la plainte à l'endroit de Reine Parenteau.

[223] Pour ce faire, il m'apparaît opportun d'analyser le rôle et les obligations des parties impliquées.

[224] Le manuel de politiques et procédures pour les employé(s) des Services aux patients de Montréal (Pièce SC-9) fait état de la philosophie du Service :

La philosophie des Services aux patients de Montréal prend racine d'une part dans une perspective de prise en charge des individus face à leur santé et, d'autre part dans l'autonomie des communautés autochtones face aux services de santé.

[225] Ce manuel décrit également la mission du service :

Accueillir tout bénéficiaire référé par les ressources médicales par le biais du personnel infirmier des postes de soins infirmiers ou centres de soins de la région de Québec ;

assurer un service de transport, d'hébergement et d'accompagnateur-interprète ;

offrir les services en conformité avec les directives nationales sur les Services de santé aux Indiens et aux Inuits, Services de santé non assurés.

[226] À ce manuel, on retrouve la description de tâches de Reine Parenteau dont j'ai retenu les éléments essentiels : (Pièce SC-9, page 18)

Article 5.3 b)  La répartitrice reçoit les télécopies provenant des centres de santé l'avisant des arrivées, des cliniques et des besoins particuliers des clients et de leurs escortes (s'il y a lieu). Elle s'assure de la présence de toutes les informations nécessaires ainsi que de la signature du personnel membre infirmier. Dans l'absence de certaines informations, elle communiquera avec le centre de santé concerné afin de les compléter.

5.3 g) La répartitrice planifie et assigne le travail des chauffeurs/accompagnateurs/interprètes selon les paramètres et les priorités qui suivent :

- accorder la priorité aux clients nécessitant les services d'un(e) interprète ;

- fournir un service de qualité en s'assurant qu'il sera le plus efficace et le plus économique possible ;

- garantir assez de temps au chauffeur/accompagnateur/interprète pour accomplir le travail de façon adéquate et sécuritaire pour lui/elle et son client.

5.3 i) La répartitrice s'assure que le chauffeur/accompagnateur/interprète la contacte après chaque déplacement et à la suite de chaque clinique.

Les principales tâches du chauffeur/accompagnateur/interprète sont les suivantes : (Pièce SC-9, page 20) :

5.4 b) Le chauffeur/accompagnateur/interprète  communique avec la répartitrice après chaque déplacement et à la suite de chaque clinique afin de connaître les consignes de travail suivantes:

5.4 d) Le chauffeur/accompagnateur/interprète ne peut en aucune circonstance changer le travail assigné sans en avoir discuté avec la répartitrice. La décision finale appartient à la répartitrice.

5.4 i) Le chauffeur/accompagnateur/interprète doit transmettre tout besoin particulier d'un client et tout imprévu à la répartitrice qui le transmettra à la coordonnatrice, s'il y a lieu.

5.4 j) Le chauffeur/accompagnateur/interprète doit acheminer le client vers sa clinique, s'assurer qu'il a tous les documents requis pour son rendez-vous et ou admission et voit à ce qu'il reçoive les services prévus.

[227] Reine Parenteau remplissait une tâche de supervision des chauffeurs/escortes/interprètes afin d'assurer le meilleur service à la clientèle autochtone. Dans l'accomplissement de sa tâche, elle devait s'assurer de la bonne exécution du travail des employés sous sa responsabilité. Logiquement, elle se devait de demeurer en contact permanent avec eux soit pour s'assurer que le patient reçoive toute l'assistance qu'il était en droit de s'attendre, soit pour régler les problèmes qui pouvaient survenir, soit pour assurer la répartition du travail à accomplir.

[228] La plaignante lui reproche son attitude qu'elle qualifie de perfectionniste et de paternaliste, c'est-à-dire, comme le définit le dictionnaire le Grand Robert : Tendance à imposer un contrôle, une domination, sous couvert de protection.

[229] À ce reproche, Reine Parenteau est convaincue qu'elle n'a jamais exercé de domination à l'endroit de la clientèle ou du personnel sous sa gouverne. Tout en reconnaissant qu'elle contrôlait l'exécution du travail, elle maintient qu'elle ne faisait que remplir la tâche qui lui était confiée. Elle estime avoir accompli son travail avec un souci constant du respect d'autrui.

[230] Il ne fait aucun doute que Reine Parenteau a accompli son travail au meilleur de sa connaissance avec une grande conscience professionnelle.

[231] Avec tout le respect pour l'opinion contraire, la prépondérance de la preuve démontre de manière objective que Reine Parenteau n'a pas exercé à l'endroit du personnel sous sa charge ou de la clientèle un contrôle, une domination, sous couvert de protection.

[232] La prépondérance de la preuve ne révèle pas non plus que Reine Parenteau a utilisé des remarques désobligeantes et de nature à humilier la plaignante. Vérifier la qualité et l'exécution du travail de façon constante ne constitue pas de manière objective une humiliation à l'endroit de la personne visée.

[233] Il est également difficile de concilier le fait que Jeanne-d'Arc Vollant se sente humiliée, brimée, traitée comme une enfant par Reine Parenteau et qu'elle juge approprié de lui remettre une carte soulignant son anniversaire de naissance où elle prend le temps de lui mentionner qu'elle l'aime. À peine deux (2) mois plus tard, Jeanne-d'Arc Vollant déposait une plainte auprès de son employeur exigeant de ne plus travailler avec elle et qu'elle soit mutée à un autre service.

[234] J'éprouve également beaucoup de difficultés à comprendre la prétention de Jeanne‑d'Arc Vollant voulant que, par ses agissements et son attitude, Reine Parenteau ait miné le climat de travail auprès de tout le personnel chauffeur/escorte/interprète au point de nécessiter son départ du service. Cette prétention n'est pas soutenue par l'ensemble de la preuve.

[235] Il est reconnu, dans le monde des relations de travail, que le climat de travail se dégrade généralement petit à petit. Or, Francine Buckell, Noëlla Bouchard et Reine Parenteau n'ont jamais senti la moindre détérioration du climat de travail. Au contraire, elles affirment que les relations de travail étaient harmonieuses. Si tel n'avait pas été le cas, elles auraient été mesure de le percevoir.

[236] La prépondérance de la preuve a démontré que Reine Parenteau a agi à l'endroit de la clientèle autochtone comme elle se devait le faire en favorisant le respect des règles établies à partir des ententes intervenues entre les communautés autochtones et le gouvernement.

[237] À l'endroit du personnel sous sa gouverne, elle a rempli les tâches qui lui étaient assignées et par son attitude, son comportement, sa façon d'agir, elle n'a pas fait preuve de ce perfectionnisme et ce paternalisme qui puissent objectivement être qualifiés de harcèlement à l'endroit de la plaignante.

Plainte à l'endroit de Noëlla Bouchard

[238] Les faits à l'appui de la plainte de Jeanne-d'Arc Vollant à l'endroit de Noëlla Bouchard tirent leur origine au moment de la rencontre du 2 mai 1994, en après-midi où Noëlla Bouchard, Reine Parenteau, Jeanne-d'Arc Vollant et sa collègue de travail étaient présentes.

[239] Jeanne-d'Arc Vollant exprime ainsi ses doléances à l'endroit de Noëlla Bouchard. (Pièce C-8, page 3) :

À l'origine, nous avons demandé que Mme Parenteau soit mutée à d'autres fonctions parce que c'est principalement d'elle que venait le harcèlement étant notre superviseure alternativement. Dans le fond, Mme Bouchard a ouvert son jeu et nous a rendu un grand service en se montrant partiale envers Mme Parenteau - cela nous permet aujourd'hui de lever le voile sur ce que nous considérons de la discrimination raciale systématiquement coordonnée par nulle autre que Noëlla Bouchard, infirmière responsable de l'unité Services aux patients du bureau régional du Québec à Montréal.

… Mme Bouchard fait de la discrimination raciale subtilement autant en parole qu'en attitude en attaquant notre dignité et l'estime que nous portons pour nos peuples. Nous estimons maintenant Mme Bouchard comme celle qui est à la source de tous les problèmes de discrimination raciale à notre bureau ; elle fait des commentaires genre : eux autres, on sait bien, il faut les traiter comme des bébés on peut pas leur faire confiance, ils oublient toutc'est mes taxes qui paient pour eux autres. (Eux, leurs, etc. dans le contexte utilisé référaient aux autochtones en général). Elle a toléré les remarques encore plus ouvertement racistes de sa subalterne Madeleine Hébert tout au long de son séjour parmi nous ; son silence ajouté aux commentaires tels que cités ci-haut et son harcèlement flagrant depuis le début du mois de mai dernier suite à notre plainte laissent aucun doute sur ses opinions et ses croyances.

[240] Jeanne-d'Arc Vollant reproche essentiellement à Noëlla Bouchard son manque d'impartialité dans la gestion du conflit entre le personnel chauffeur/escorte/interprète et Reine Parenteau.

[241] La preuve a révélé que Noëlla Bouchard, après avoir été informée par la plaignante et ses collègues, a agi sagement en obtenant la version des faits de Reine Parenteau. Elle s'empresse, la journée même, de convoquer les parties impliquées pour tenter de solutionner les problèmes.

[242] Devant l'intransigeance de la plaignante et sa collègue qui réclament le départ de Reine Parenteau, elle décide que cette dernière ne quittera pas le service.

[243] Noëlla Bouchard a réagi en disant que Reine Parenteau ne serait pas transférée dans un autre service. Elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait agir de la sorte sans le consentement de l'intéressée et sans motifs justifiés. Elle a mentionné qu'on était pas dans un conseil de bande où il est plus facile de remercier une employée de ses services que dans la fonction publique. Je suis convaincu que cette remarque n'avait aucune connotation raciste ou discriminatoire. Elle se voulait plutôt une illustration pour démontrer une plus grande flexibilité de gestion du personnel par une communauté autochtone que par la fonction publique.

[244] Il était tout à fait normal qu'elle adopte cette position. Eut-elle été impartiale si elle avait consenti à la demande de la plaignante ? Je ne le crois pas.

[245] Jeanne-d'Arc Vollant soutient que Noëlla Bouchard a fait de la discrimination raciale à l'endroit des autochtones en affirmant qu'il faut les traiter comme des enfants. Sur ce point, Noëlla Bouchard s'explique : (page 761-762)

Moi facilement, je pouvais me mettre à leur place, si on m'avait référée en Russie pour me faire traiter médicalement, puis d'arriver à l'aéroport en Russie, puis de ne pas trouver personne qui parle ma langue, personne qui s'occupe de moi, j'aurais été aussi stressée qu'un autochtone qui arrive à Dorval puis qu'il n'y a personne qui l'attend. Personne parle sa langue, ça doit être épouvantable à vivre.

C'est pour ça que j'avais ce souci constant que le service soit donné de A à Z pour ne pas que ça arrive et c'est l'ordre que je donnais aux surveillantes. Faites en sorte que ca n'arrive jamais. Moi, je leur disais tout le temps : Quant vous avez une référence qui s'en vient, dites-vous que c'est un enfant qui arrive à Dorval - pas parce que je traite les Indiens d'enfants - parce que si c'est un enfant, il va être démuni en arrivant, donc, vous allez tout faire pour qu'il arrive rien. Alors c'était le mot d'ordre que je leur donnais : Faites comme si c'était un enfant qui arrivait à Dorval, qui est tout seul pour vous assurer que tous les points sont bien respectés puis qu'il va y avoir quelqu'un qui va s'occuper d'eux autres.

[246] Noëlla Bouchard a consacré sa carrière d'infirmière aux autochtones. Pendant sept (7) ans elle a œuvré comme infirmière dans les communautés autochtones. Elle est en mesure de comprendre les sentiments qui animent ces personnes appelées à quitter leur milieu pour se rendre à Montréal. Sur ce point, Jeanne-d'Arc Vollant admet que la clientèle autochtone se sent démunie. Elle-même s'efforce de la rassurer, de la sécuriser. Pour illustrer l'importance qu'un service sans faille soit donné à cette clientèle, Noëlla Bouchard la compare à un enfant. Ce n'est pas la personne en tant qu'autochtone à laquelle elle tient à un service sans bavure, mais une personne à l'endroit de laquelle elle a l'obligation tant par elle-même que par ses subalternes de fournir un service irréprochable.

[247] Je ne vois pas en quoi l'autochtone est traité comme un enfant lorsqu'on lui fournit un service de transport depuis son point d'arrivée à Montréal jusqu'à son départ.

[248] Je ne vois non plus en quoi on traite l'autochtone comme un enfant lorsqu'on remplit son obligation de l'héberger, de l'accompagner à ses rendez-vous, de s'assurer de son suivi médical auprès de sa communauté, de lui assurer les services d'un interprète.

[249] Je ne vois pas non plus comment la personne autochtone puisse se sentir traitée comme une enfant alors qu'elle se plaint, à bon droit, lorsqu'elle ne reçoit pas tous les services que les Services aux patients s'engagent à lui dispenser.

[250] Des témoins ont affirmé avoir entendu dire par Noëlla Bouchard que les autochtones recevaient des services grâce au paiement de ses taxes. Noëlla Bouchard a nié catégoriquement avoir tenu de tels propos et je suis convaincu qu'elle a dit la vérité. Noëlla Bouchard a travaillé toute sa vie auprès des communautés autochtones. J'ai été impressionné par la sincérité de son témoignage qui a démontré son attachement à l'endroit des autochtones et son souci constant que la clientèle autochtone reçoive en tout temps le meilleur service.

[251] Conséquemment, la prépondérance de la preuve n'a pas démontré que Noëlla Bouchard ait fait, par ses paroles et son attitude, de la discrimination raciale vis-à-vis les autochtones et le personnel autochtone des Services aux patients.

[252] À l'endroit de son employeur, Santé Canada, Jeanne-d'Arc Vollant lui adresse quatre (4) reproches dont j'entends faire l'analyse.

A. Santé Canada n'a rien fait pour que cesse le harcèlement et le racisme à l'endroit de la clientèle autochtone et du personnel autochtone rattaché aux Services aux patients.

[253] Il m'apparaît opportun de souligner immédiatement qu'à Santé Canada il existe une politique sur le harcèlement en milieu de travail, une politique large qui s'étend sur tous les types de comportement.

[254] Cette politique crée l'obligation pour la victime de dénoncer immédiatement tout incident qui ne soit pas conforme à cette politique. Elle prévoit également des mesures disciplinaires à l'endroit de l'auteur de l'acte.

[255] Elle crée pour Santé Canada l'obligation d'entreprendre une démarche rapide et efficace dès qu'elle est informée du non-respect de la politique.

[256] Dès que Noëlla Bouchard a été saisie du problème, elle a immédiatement tenté un rapprochement des parties et l'établissement de dialogue de manière à cerner les véritables causes du conflit afin de trouver une solution. Elle s'est butée à un refus catégorique de la plaignante et sa collègue. Elles maintenaient leur ultimatum, soit de ne plus travailler sous les ordres de Reine Parenteau et que cette dernière quitte les Services aux patients.

[257] Devant son échec, Noëlla Bouchard s'est adressée à sa supérieure immédiate, Francine Buckell, gestionnaire des Services de santé non assurés. Francine Buckell a rencontré le représentant syndical et il fut convenu de recourir au service d'un médiateur désigné par la plaignante pour faciliter le règlement du litige. Cette approche a été carrément refusée. L'intervention du directeur régional, Claude Paradis, s'est avérée nécessaire mais également infructueuse devant le refus d'accepter, à une seconde reprise, l'intervention du médiateur.

[258] Les explications de la plaignante pour justifier son refus d'accepter un médiateur de son choix demeurent évasives et me laissent perplexe sur ses intentions véritables de solutionner le conflit. Plutôt que de réclamer le départ de Reine Parenteau, elle aurait pu accepter de participer au mécanisme de la médiation et de juger, par la suite, de la meilleure marche à suivre.

[259] Devant le refus de la médiation, l'employeur a décidé de procéder à une enquête interne.

[260] Le procureur de la commission a prétendu que les membres du comité d'enquête n'étaient pas impartiaux parce que l'une des membres du comité était une employée de Santé Canada. Rien dans la preuve me permet de tirer cette conclusion.

[261] La preuve a démontré que Santé Canada a agi avec diligence pour solutionner le conflit. Je ne crois pas qu'on pouvait lui en demander plus. Santé Canada n'a pas adopté la ligne dure mais plutôt la ligne douce, soit celle du dialogue et de la recherche de la compréhension mutuelle, mais sans succès. Avant de prendre une décision, Santé Canada a choisi la voie de l'enquête interne. Cette enquête n'a pas révélé la présence de harcèlement et de racisme de la part de Reine Parenteau et de Noëlla Bouchard à l'endroit de la clientèle autochtone et du personnel autochtone.

[262] En ce qui concerne l'incident impliquant Madeleine Hébert, Noëlla Bouchard a entendu les propos qu'elle a tenus. Elle s'est empressée de la rencontrer pour lui indiquer que ses remarques étaient désobligeantes et l'enjoindre d'y mettre fin. Il s'agissait, à mon avis, d'un acte isolé. Je ne crois pas que le maintien de bonnes relations de travail nécessitait qu'elle soit réprimandée publiquement.

B. Santé Canada a défavorisé, en cours d'emploi, Jeanne-d'Arc Vollant, en diminuant ses heures de travail le 1er juillet 1994 par mesure de représailles suite à sa plainte de mai 1994.

[263] En 1993, le budget d'opération pour le personnel chauffeur/escorte/interprète permettait le maintien en emploi de trois années/personne à raison de cent vingt (120) heures par semaine. Le personnel se composait d'une interprète Attikamek, Carmen McLean à raison de quarante (40) heures/semaine déterminées, d'une interprète montagnaise, Jeanne-d'Arc Vollant à raison de quarante (40) heures/semaine dont vingt (20) heures déterminées et vingt (20) heures indéterminées, d'une interprète cri, Frances Couchees à raison de vingt (20) heures/semaine et d'une interprète algonquine, Annette Cheezo à raison de vingt (20) heures/semaine.

[264] Au début de l'année 1994, les statistiques (Pièce SC-12) révèlent une montée en flèche de la clientèle Attikamek et une baisse de la clientèle montagnaise. S'ajoute également le fait que les Services aux communautés Cri sont abandonnés.

[265] Au cours de janvier 1994, Noëlla Bouchard a rencontré Frances Couchees, interprète cri, pour l'informer de la situation et que son contrat se terminant le 30 juin 1994 ne serait pas renouvelé. Elle a également rencontré Jeanne-d'Arc Vollant pour lui faire part d'une baisse éventuelle de la clientèle montagnaise et qu'il était possible que son contrat de travail de vingt (20) heures/semaine non déterminées ne soit pas renouvelé à son expiration le 30 juin 1994.

[266] Face à la situation qui prévalait, Noëlla Bouchard a consulté les surveillantes du personnel chauffeur/escorte/interprète pour connaître leur opinion sur la répartition du personnel afin de maintenir le meilleur service. Il s'est avéré que les besoins d'opération, tout en respectant le budget, nécessitaient l'emploi de deux (2) interprètes pour les besoins de la clientèle Attikamek et également de deux (2) interprètes pour les besoins de la clientèle montagnaise. Cette approche a été soumise à la gestionnaire Francine Buckell qui a donné son assentiment.

[267] Pour réaliser ces modifications, Noëlla Bouchard a utilisé le vingt (20) heures/semaine récupéré par le départ de Frances Couchees pour embaucher une interprète Attikamek. Puis, la diminution des heures de travail de Jeanne-d'Arc Vollant lui a permis d'embaucher une seconde personne, interprète montagnais, Victor McKenzie.

[268] La prépondérance de la preuve a démontré que la possibilité d'une diminution de ses heures de travail était connue de la plaignante plusieurs mois avant qu'elle ne se réalise et avant le dépôt de la plainte en mai 1994. De plus, les explications fournies par l'employeur pour justifier le remaniement de son équipe de chauffeurs/escortes/interprètes m'apparaissent bien fondées. J'en conclus que la diminution des heures de travail de la plaignante, en juillet 1994, n'était pas reliée à la plainte et que l'employeur n'a pas agi de la sorte par mesure de représailles à l'endroit de Jeanne‑d'Arc Vollant.

C. Intervention de Santé Canada auprès du comité technique chargé de recommander un organisme autochtone pour gérer le transfert administratif des Services aux patients de Santé Canada aux organismes autochtones.

[269] À l'automne 1995, l'Assemblée des chefs des Premières Nations du Québec et du Labrador a décidé d'une prise en charge des Services aux patients administrés par Santé Canada. Elle a confié à la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, par l'intermédiaire de son coordonnateur, Michel Paul, le mandat de former un comité technique chargé d'analyser les propositions des organismes autochtones intéressés à assumer la gestion des Services aux patients et de lui formuler une recommandation.

[270] Ce comité technique était composé de quatre (4) personnes dont trois (3) d'origine autochtone soit Michel Paul, Gilbert Courtois, Francine Buckell et de Chantal Renaud.

[271] Jeanne-d'Arc Vollant a déposé une soumission qui n'a pas été retenue par le comité technique qui a recommandé la firme Mamit Inuat. Elle prétend que son offre de services n'a pas été retenue en raison de la présence au comité technique de Francine Buckell et Chantal Renaud, employées de Santé Canada. Elle estime avoir été ainsi privée d'un choix juste et équitable en raison d'un processus de sélection biaisé.

[272] Le comité technique a préparé l'appel d'offres, une grille d'évaluation des propositions, les critères d'évaluation et un questionnaire d'entrevue. Pour s'assurer d'une évaluation objective des résultats, il s'était donné des critères d'évaluation. Le processus s'est déroulé au début de l'année 1996. Suite à l'analyse des quatre (4) proposition reçues, Mamit Inuat a obtenu les meilleurs résultats. (Pièce SC-21) Le contrat de gestion lui était adjugé conditionnellement à sa mise en application à compter du 1er avril 1996.

[273] La preuve a révélé de toute évidence que le comité technique n'a pas été influencé par les représentants de Santé Canada. Tant Michel Paul que Francine Buckell et Chantal Renaud ont affirmé qu'ils n'avaient pas été influencés, ni incités par quiconque pour rejeter l'offre de services de la plaignante. De plus, Claude Paradis, qui était alors à la retraite, a soutenu qu'il n'était jamais intervenu auprès des membres du comité technique, d'autant plus qu'il avait conseillé à Jeanne‑d'Arc Vollant de soumettre sa candidature en regard de son expérience et de ses connaissances des Services aux patients. Richard Legault a nié toute intervention auprès du comité. Quant à Noëlla Bouchard, il est difficile qu'elle puisse intervenir car elle avait quitté les Services aux patients en juillet 1995.

[274] Les membres du comité technique ont été unanimes à affirmer qu'il n'y a eu aucune pression, aucune intervention de Santé Canada relativement au choix du gestionnaire.

[275] Il ressort clairement de la preuve que Santé Canada n'est pas intervenu auprès du comité technique et que le processus de sélection élaboré par ce comité permettait de procéder au choix du gestionnaire en toute objectivité et impartialité. Il convient également d'ajouter qu'une fois son choix arrêté, sa recommandation devait recevoir l'approbation de l'Assemblée des Chefs des Premières Nations du Québec et du Labrador.

D. Intervention de Santé Canada auprès de Mamit Inuat pour empêcher l'embauche de Jeanne-d'Arc Vollant

[276] Jeanne-d'Arc Vollant s'est plainte de l'intervention de Santé Canada auprès de Mamit pour empêcher son embauche par cette entreprise. Le bien-fondé de cette prétention repose uniquement sur le témoignage de Pierre Benjamin, administrateur de Mamit. Ce témoin a soutenu que l'obtention du contrat de gestion des Services aux patients était conditionnel à la non-embauche de Jeanne‑d'Arc Vollant.

[277] Il affirme que cette condition lui a été imposée par Claude Paradis et Richard Legault lors de rencontres vers la fin de l'année 1994 et le début de 1995. Or, ces deux témoins ont nié cette prétention. Connaissant le mécanisme mis en place pour le choix du gestionnaire des Services aux patients, je ne vois pas comment il aurait été possible que la non-embauche de la plaignante soit une condition d'octroi du contrat.

[278] Pierre Benjamin a rencontré le personnel chauffeur/escorte/interprète pour l'évaluer. Il a décidé d'embaucher tout le personnel concerné à l'exception de la plaignante. Interrogé par celle-ci sur les raisons de son refus de l'embaucher, il lui donne comme raison qu'elle est surqualifiée. Pourquoi ne pas lui avoir dévoilé le véritable motif ?

[279] Pierre Benjamin soutient également qu'il s'est présenté, en mars 1996, au bureau de Santé Canada pour signer le contrat de transfert administratif du Service aux patients. Il ne se souvient pas de la date mais la preuve démontre que c'était le 27 mars 1996. Il affirme avec certitude qu'à cette occasion, il a rencontré Francine Buckell qui lui aurait suggéré de ne pas embaucher Jeanne‑d'Arc Vollant. Or, la preuve a démontré qu'à cette date, elle était en vacances. De plus, il a été clairement démontré qu'à cette date Pierre Benjamin a rencontré Marie-Line Roy, gestionnaire de liaison entre les régions pour les Services de santé non assurés aux autochtones. Elle remplaçait Francine Buckell. Marie-Line Roy a rédigé le contrat de transfert administratif avec Mamit Inuat et elle l'a signé à la place de Francine Buckell.

[280] Elle affirme qu'aucune remarque n'a été formulée à l'endroit de Jeanne-d'Arc Vollant. D'ailleurs, je ne vois aucun intérêt pour Santé Canada d'empêcher Mamit Inuat de retenir les services de la plaignante dont la qualité du travail n'a jamais été mise en cause.

[281] Il ne fait aucun doute que Santé Canada n'est aucunement intervenu auprès de Mamit Inuat pour empêcher l'embauche de Jeanne-d'Arc Vollant.

E. Refus de Santé Canada de fournir un emploi à Jeanne-d'Arc Vollant

[282] Le transfert administratif des Services aux patients aux communautés autochtones  emportait la perte d'emploi pour le personnel chauffeur/escorte/interprète des Services aux patients. Tout ce personnel, à l'exception de la plaignante, a été embauché par Mamit. Conséquemment, Jeanne‑d'Arc Vollant a été avisée que ses services n'étaient plus requis à compter du 1er avril 1996 et ce, par une lettre qui lui fut transmise le 7 mars 1996. (Pièce C-7)

[283] La plaignante est dès lors informée qu'en vertu de la Directive sur le réaménagement des effectifs, elle bénéficie d'un statut de fonctionnaire excédentaire pour une période de six (6) mois à compter du 1er avril 1996.

[284] Elle devait, avant le 1er avril 1996, faire connaître sa position à deux options qui lui étaient offertes : soit de demeurer employé dans la fonction publique et être relocalisée dans un autre poste sans perte de ses avantages et privilèges pour une période de deux (2) ans, soit de quitter son emploi avec une indemnité de départ de six (6) mois. Si Jeanne-d'Arc Vollant optait pour quitter la fonction publique après le 1er avril 1996, son indemnité de départ était diminuée pour la partie non expirée de sa période. Il était important qu'elle fasse connaître sa décision avant le 1er avril car si, par exemple, elle le faisait le 1er juin et optait pour quitter son emploi, elle recevrait une indemnité de départ diminuée d'un mois.

[285] Au cours du mois de mars 1996, la plaignante était absente du travail. Ce n'est que le 28 mars 1996 que la gestionnaire de son dossier a réussi à la rejoindre pour lui faire part de l'importance de faire connaître sa décision sans délai. La plaignante a jugé à propos de retenir les services d'un avocat.

[286] Pierrette Chagnon, directrice régionale des ressources humaines de Santé Canada, est alors personnellement intervenue au dossier. Une rencontre a eu lieu avec la plaignante et son procureur. Pierrette Chagnon a expliqué à la plaignante qu'elle occupait le poste de présidente du Secrétariat à l'emploi. À ce titre elle était capable de lui trouver un emploi satisfaisant. En outre, Pierrette Chagnon lui a expliqué que, même si elle n'avait pas fait connaître sa décision le 1er avril 1996, elle était en mesure d'obtenir du ministère une extension du délai de la période excédentaire. Ainsi, en optant, si elle souhaitait, pour quitter son emploi, il lui serait possible de maintenir une indemnité de départ de six (6) mois.

[287] Jeanne-d'Arc Vollant ne se sentait pas en mesure de prendre une décision sur le champ et Pierrette Chagnon a consenti à lui accorder un délai de réflexion.

[288] Quelques jours plus tard, le procureur de Jeanne-d'Arc Vollant informait Richard Legault, directeur régional en remplacement de Claude Paradis, que sa cliente avait décidé de quitter son emploi et recevoir l'indemnité de départ prévue.

[289] On a reproché à Pierrette Chagnon de ne pas avoir transmis à la plaignante une offre écrite d'emploi comme l'exigeait la directive sur le réaménagement des effectifs.

[290] Pierrette Chagnon a fourni une explication tout à fait acceptable dans les circonstances et cette irrégularité ne saurait à elle seule amener à conclure que Santé Canada a posé un acte discriminatoire à l'endroit de la plaignante.

[291] Je considère plutôt que Santé Canada a agi à l'endroit de la plaignante de la même façon que vis-à-vis de toute autre personne se retrouvant devant la perte d'un emploi. Le témoignage de Pierrette Chagnon était très impressionnant. Elle a cherché à traiter la plaignante avec justice et équité en lui démontrant qu'elle pouvait la relocaliser dans un autre emploi. Elle est allée même jusqu'à faire en sorte qu'elle reçoive l'indemnité de départ complète, même si elle n'y avait plus droit.

[292] De son côté, la plaignante avait eu la sagesse de retenir les services d'un avocat de manière à prendre une décision bien réfléchie et en toute connaissance de cause.

[293] Par conséquent, il ressort de la preuve que Santé Canada, dans la gestion visant la possibilité de perte d'emploi pour la plaignante n'a posé aucun acte démontrant le bien-fondé d'une discrimination.

VI. Conclusion

[294] Les faits révélés par la preuve et la balance des probabilités n'ont pas démontré le bien-fondé des actes discriminatoires reprochés par la plaignante aux intimées, Reine Parenteau et Noëlla Bouchard. Ils n'ont pas révélé non plus le bien-fondé des plaintes vis-à-vis l'employeur Santé Canada.

[295] En conséquent, toutes les plaintes sont rejetées.

Signée par

Roger Doyon

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 6 avril 2001

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T522/1799, T523/1899 et T524/1999

Intitulé de la cause : Jeanne-d'Arc Vollant c Santé Canada, Reine Parenteau et Noëlla Bouchard

Date de la décision du tribunal: Le 6 avril 2001

Date et lieu de l’audience : les 13, 14, 15 et 16 juin 2000
les 4, 5, 6, 23, 24 et 25 octobre 2000 et
les 7 et 8 novembre 2000

Montréal (Québec)

Comparutions :

John Norris, pour la plaignante

François Lumbu, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Nadine Perron, pour l'intimée, Santé Canada

François Parizeau, pour les intimées, Reine Parenteau et Noëlla Bouchard

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