Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 12/92

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE

CHANDER P. GROVER

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

l'intimé DÉCISION DU TRIBUNAL TRIBUNAL: CARL E. FLECK, c.r. - Président RUTH S. GOLDHAR - Membre KATHLEEN M. JORDAN - Membre

ONT COMPARU: Peter C. Engelmann, avocat de la Commission canadienne des droits de la personne Alain Préfontaine Brian Saunders, avocats du ministère de la Justice David Bennett, avocat du plaignant

DATES ET LIEU DE L'AUDIENCE: 24, 25, 26, 29, 30 et 31 janvier 1990 1er et 2 février 1990 4, 5, 6, 7 et 9 avril 1990 15 et 16 mai 1990 28 et 29 janvier 1991 2 février 1991 20, 21, 22, 23 et 25 mars 1991 22 et 23 mai 1991 24 juin 1991

TRADUCTION

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CONTEXTE

Chander P. Grover (aussi appelé le plaignant) a déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne (ci-après appelée la Commission) dans laquelle il allègue que, du mois de septembre 1986 au mois d'août 1987, son employeur, le Conseil national de recherches du Canada (ci-après appelé CNR ou l'intimé), a fait à son endroit des actes discriminatoires visés à l'art. 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (ci-après appelée la Loi) et fondés sur sa race (indo-pakistanais), sa couleur (brun) et son origine nationale (Inde). Les précisions contenues dans cette plainte concernent généralement les actions de deux membres du personnel de direction, M. H. Preston-Thomas et M. M. Laubitz. En termes généraux, le plaignant allègue qu'en raison des actions de ces deux personnes, sa carrière a été laissée en plan, il a été privé de la possibilité d'obtenir un poste de direction et de l'avancement et il a été privé systématiquement de responsabilités en tant que gestionnaire et que chercheur, et tout cela à cause de sa race, de sa couleur et de son origine nationale. On trouvera tous les détails de la plainte datée du 17 septembre 1987 dans le livre des pièces de la Commission (ci-après appelé le livre des pièces HR-1).

Vers le 1er août 1989, le plaignant a déposé devant la Commission une plainte modifiée sur une formule de plainte modifiée (ci-après appelée 1a première plainte modifiée) dans laquelle il répète les allégations de sa plainte du 17 septembre 1987 et allègue que le CNR a continué de le défavoriser en cours d'emploi, acte discriminatoire visé à l'art. 7 de la Loi. Dans cette plainte, il donne des exemples circonstanciés d'actes discriminatoires qui auraient été accomplis entre septembre 1987 et la date de la plainte, 1er août 1989. Il y relate dix incidents séparés dont il expose les détails: dates, lieux et personnes en cause.

Il faut noter que le présent tribunal a commencé son enquête sur la première plainte et sur la première plainte modifiée vers le 22 janvier 1990 et qu'il a par la suite reçu des témoignages les 24, 25, 26, 29, 30 et 31 janvier, les 1er et 2 février, les 4, 5, 6, 7 et 9 avril et les 15 et 16 mai 1990. Le tribunal a ensuite ajourné ses travaux pour permettre aux parties de discuter d'un règlement satisfaisant des plaintes. Les parties n'ont pu s'entendre. En effet, avant que le tribunal ne reprenne ses débats le 28 janvier 1991, le plaignant a été avisé par lettre du vice-président exécutif du CNR, en date du 7 novembre 1990, qu'on mettait fin à son emploi. Le renvoi prenait effet le 13 mai 1991.

Quand le tribunal a repris l'audience le 28 janvier 1991, il a reçu une nouvelle plainte modifiée (ci-après appelée deuxième plainte modifiée) dans laquelle M. Grover allègue que, du mois d'août 1989 au mois de janvier 1991, le CNR a continué de faire à son endroit des actes discriminatoires visés à l'art. 7 de la Loi. Le tribunal a continué d'entendre des témoignages les 28 et 29 janvier, 2 février, 20, 21, 22, 23 et 25 mars et 22 et 23 mai 1991. Puis, il a ajourné jusqu'au 24 juin pour les exposés de clôture des avocats de toutes les parties. Ce jour-là, le tribunal a été informé par l'avocat du CNR qu'en fait, celui-ci avait décidé d'annuler le renvoi du 7 novembre 1990. M. Grover devait être réintégré dans le poste que M. Perron lui avait offert dans une lettre en date du 8 août 1990. Ces faits inhabituels concernant l'emploi de M. Grover, survenus après la deuxième plainte modifiée, n'ont servi qu'à aggraver l'inquiétude du tribunal au sujet du traitement dont le plaignant

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a été l'objet de la part du CNR. Nous reviendrons plus en détail à ces faits nouveaux dans notre décision.

La deuxième plainte modifiée reprend les allégations faites dans les plaintes du 17 septembre 1987 et du 1er août 1989, et allègue d'autres actes discriminatoires défavorisant le plaignant en cours d'emploi et visés à l'art. 7 de la Loi. Les précisions sont énoncées dans neuf paragraphes annexés à la formule de plainte qui constitue la pièce HR-29. Pour bien comprendre ses plaintes, il importe d'examiner en détail les antécédents professionnels et la carrière du plaignant jusqu'aux événements qui sont exposés dans la première plainte.

M. Chander P. Grover est né en Inde le 10 août 1942 et est arrivé au Canada en 1978. Il est marié, a deux enfants et est canadien-hindou. En 1962, il est licencié ès sciences (physique, chimie et mathématiques) de l'Université de Delhi. En 1964, il obtient une maîtrise en physique de l'Université de Delhi. En 1966, il fait des études postdoctorales en physique à l'Indian Institute of Technology à Delhi. En 1971, il s'inscrit à l'Université de Paris (en France) et en 1973, obtient l'équivalent d'un doctorat, désigné Doctorat d'État ès sciences (D.Sc.) de l'Université de Paris VI. Au cours de ses études universitaires, il reçoit nombre de prix et de bourses de recherche, tant en Inde qu'à Paris. L'Université de Paris lui décerne son doctorat avec grande distinction. En plus de sa langue maternelle, il parle parfaitement l'anglais et le français, et il rédige sa thèse de doctorat en français.

Pendant ses études de maîtrise et de doctorat, il remplit diverses fonctions. De 1966 à 1970, il travaille au National Physical Laboratory of India à New Delhi et est chargé de mettre sur pied de nouvelles équipes de chercheurs pour répertorier, mettre à l'essai et concevoir des composants optiques. Ses fonctions consistent aussi à former un certain nombre de personnes. De 1975 à 1978, il est le chercheur principal de l'Indian Space Research et est chargé d'élaborer les programmes de recherche touchant la conception et la fabrication de composants optiques et la métrologie optique.

En 1978, M. Grover immigre au Canada et occupe des postes de durée déterminée à l'Université de Toronto et dans diverses sociétés de la région de Toronto; il travaille à la mise au point de systèmes dans le domaine de la métrologie optique, des capteurs à fibres optiques et de l'holographie. En 1980 et 1981, il travaille à l'Université Laval et continue ses recherches dans les domaines des fibres optiques, de l'interférométrie laser à granulation cohérente et de l'holographie.

Au début de 1981, M. Grover postule et accepte le poste de professeur agrégé au Conseil national de recherches. Il est choisi parmi vingt candidats qui ont répondu à une offre d'emploi pour un physicien spécialisé en optique. Selon la recommandation du directeur qui a approuvé la nomination de M. Grover, il est nettement le candidat le plus remarquable et le meilleur pour le poste, ayant une excellente formation en optique et un dossier exceptionnel en recherche. Le directeur estime en outre que M. Grover, lors de la visite du laboratoire d'optique du CNR, a montré qu'il avait une connaissance approfondie des projets et des installations, et qu'il a pris une part active aux discussions sur ces sujets (voir la pièce R-18, lettre de Carmen à Wyszecki). Le plaignant a témoigné qu'au moment où il a été recruté en 1981, il s'est vu confier la tâche de rajeunir les activités de la Section de physique dans le domaine

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de l'optique. Il a de plus reçu un appui généreux en ressources tant financières qu'humaines. C'est alors qu'il a commencé à travailler sous la direction de M. Gunter Wyszecki, qui a aussi été son guide. Le tribunal conclut des témoignages que M. Wyszecki était un scientifique de renommée mondiale et un spécialiste de divers domaines de l'optique. M. Grover et M. Wyszecki ont immédiatement noué des relations étroites et il va sans dire que M. Wyszecki était son mentor. Il a exercé une influence énorme sur la carrière de M. Grover jusqu'à sa mort en 1985.

En 1984, le CNR a mis sur pied un groupe de travail chargé d'étudier les besoins en matière de recherche et développement en optique au Canada. M. Wyszecki a été nommé président du groupe de travail et a invité Grover à devenir son adjoint. Ces deux hommes ont été les seuls membres du groupe de travail, qui a tenu des audiences entre le 9 février et le 5 avril 1984. Il a également tenu des réunions publiques avec des représentants d'universités canadiennes, de l'industrie et d'organismes publics à Ottawa, Toronto, Vancouver et Québec. En outre, le groupe de travail formé par MM. Grover et Wyszecki s'est rendu à l'Institute of Optics de l'Université de Rochester, à l'Optics Section du Imperial College à Londres, au Optical Science Centre de l'Université de l'Arizona, à Tucson, et au Centre de recherches en optique et en électro-optique, à Paris. Avant que le groupe de travail n'ait rédigé son rapport, quatre autres personnes s'y étaient jointes. Son rapport forme la pièce R-3.

De toute évidence, le rôle important joué par M. Grover dans ce groupe de travail lui a permis d'apprendre beaucoup de choses sur le marché et les besoins croissants de la recherche en optique. Il a pu aussi établir des contacts au niveau international qui lui ont été utiles pour ses travaux en cours. Durant l'été 1984, le groupe de travail a présenté une proposition au comité directeur du Parlement et le Cabinet a ensuite approuvé l'établissement de l'Institut d'optique. Cette annonce a été faite durant l'été 1984. Il convient de noter qu'à ce moment-là, l'Institut d'optique devait être créé au sein de la Division de physique du CNR. M. Wyszecki a été désigné premier directeur de l'Institut d'optique, qui a intégré au CNR à titre de nouvelle division. Il est devenu directeur en 1984 et M. Grover et lui ont commencé à constituer une équipe, qui allait être transférée de la division de physique du CNR à la nouvelle division, soit à l'Institut d'optique.

La pièce HR-20 est un mémoire rédigé par M. Wyszecki à l'intention de M. H.R.F. Pottie du CNR, exposant son plan d'action pour la mise sur pied de l'Institut d'optique au sein du CNR. Il y a lieu de noter que, selon ce plan, le personnel de l'Institut d'optique serait réparti en quatre sections sous la direction de chefs de section. Ces chefs de section seraient choisis parmi le personnel muté du CNR. Le tribunal conclut qu'étant donné la contribution importante de M. Grover à l'établissement de l'Institut d'optique et ses antécédents de chercheur en optique attestés par ses titres, il aurait été un candidat probable à un des postes de chef de section de l'Institut d'optique.

Malheureusement, en janvier 1985, M. Wyszecki est tombé gravement malade et le CNR a confié son poste et ses attributions à M. Grover à titre intérimaire. Le plaignant est alors devenu directeur de l'Institut d'optique par intérim. En cette qualité, il était habilité à signer les documents au nom de l'Institut. L'intimé a cherché à montrer que M. Grover n'était pas investi de tous les pouvoirs, mais la preuve documentaire

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produite à l'audience a confirmé qu'il remplissait toutes les fonctions du poste. Il a occupé ce poste pendant environ deux mois jusqu'en avril 1985. En avril 1985, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec ont décidé de financer conjointement l'Institut d'optique, qui serait un organisme indépendant du CNR, désormais appelé Institut national d'optique ou INO. Ils ont signé un accord de coopération dans les divers domaines de la technologie au sein de l'Institut d'optique. Suivant cet accord, le CNR s'est vu confier la construction de l'Institut d'optique jusqu'au stade opérationnel. C'est à ce moment-là que M. Grover s'est vu confier la tâche de poursuivre tous les travaux requis pour que l'Institut devienne opérationnel. Un comité interministériel a été désigné au sein de l'Institut d'optique; il comprenait des représentants du CNR, de Travaux Publics Canada et d'Approvisionnements et Services Canada. M. Grover a été chargé de coordonner la construction de l'Institut d'optique, y compris les spécifications des immeubles et des laboratoires, la mise en place des programmes et les offres d'emplois pour le recrutement.

Dans un état du projet en date du 22 mars 1985 (constituant la pièce HR-3, onglet 5), on trouve les grandes lignes de l'énoncé de mission fondamental de l'Institut d'optique et la composition de son organe de direction, qui comprend M. Grover, directeur adjoint intérimaire et chef de section intérimaire, groupe de l'électro-optique et groupe de l'imagerie.

Il faut noter que, parmi les chefs de section intérimaires proposés, figurent M. Cowan et M. Powell. A ce moment-là, environ quinze personnes, dont M. Cowan et M. Powell, ainsi que M. Grover, avaient été mutées de la Division de physique du CNR à une section de l'Institut d'optique. En 1986, les quinze personnes mutées à l'origine avaient été réaffectées à la Division de physique du CNR.

Au début de 1986, certains faits nouveaux se sont produits qui allaient déclencher la série d'événements qui intéressent M. Grover et qui ont abouti à ses plaintes. Un conseil d'administration a été nommé à l'Institut d'optique, qui devait en fin de compte s'appeler l'Institut national d'optique (ci-après INO). Ce nouveau conseil d'administration est entré en fonctions en janvier 1986 et a commencé à étudier l'aménagement de l'effectif au niveau des cadres de l'institut. Paul Major a été nommé premier directeur général de l'INO. Il est entré en fonctions officiellement en décembre 1985. M. Major a témoigné devant nous. Le tribunal a été impressionné par la franchise et l'objectivité de son témoignage. Il a témoigné avoir rencontré M. Grover en janvier 1986. Par suite de certaines discussions avec des membres du conseil, en particulier M. Gingras et M. Redhead, il a paru évident à M. Major que M. Grover serait tout désigné pour aider à la mise en place de l'INO. Il a fondé son opinion sur le fait que M. Grover avait participé aux premières études établissant l'INO et avait de plus été le bras droit de M. Wyszecki. Au surplus, M. Redhead a indiqué que le CNR était disposé à détacher M. Grover à l'INO. Par suite de ces discussions, M. Grover est devenu directeur scientifique intérimaire.

M. Major a témoigné qu'il s'était très rapidement aperçu que M. Grover était une autorité en matière d'optique. Il s'est rendu compte que M. Grover était reconnu dans les milieux scientifiques à cause des diverses conférences et symposiums auxquels il avait assisté. M. Major a fait signer à M. Grover une convention prévoyant son détachement, qui forme la pièce HR-3, onglet 9. La durée de cette convention était de dix-huit

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mois à partir d'avril 1986. Elle stipulait que M. Grover recevrait son traitement et ses avantages sociaux du CNR et l'INO s'engageait à défrayer le CNR du salaire de M. Grover ou de la partie de celui-ci que représentait la période de son détachement à l'INO. Il était entendu en outre qu'après son détachement, M. Grover retournerait au CNR. Selon son témoignage, il était clair dans l'esprit de M. Major que M. Grover ne voulait pas rompre tous ses liens avec le CNR à cause de ses travaux en cours au CNR.

M. Major a témoigné que le mandat donné par l'INO à M. Grover était triple: agir comme conseiller scientifique pour la construction des laboratoires, établir en détail les programmes scientifiques et en outre commencer à recruter des scientifiques et des techniciens pour l'institut. Il importe de noter que de l'avis de M. Major, M. Grover s'est très bien acquitté de toutes ces tâches. Il a été très satisfait de ses services.

Le 6 octobre 1986, M. Major a fait une offre à M. Grover: occuper le poste de directeur scientifique de l'INO. M. Grover a accepté de communiquer en temps utile sa décision à M. Major. En janvier 1987, M. Grover a refusé l'offre et le détachement a pris fin en février 1987.

Jusqu'en 1986, selon les témoignages entendus à l'audience, M. Grover a semblé suivre une carrière dynamique et en progression constante. M. Cowan, un collègue, a témoigné au sujet des connaissances spécialisées et des qualités exceptionnelles de M. Grover en tant que scientifique. Le présent tribunal a été impressionné par le témoignage de M. Cowan et accepte en totalité son appréciation de la compétence de M. Grover dans le domaine de l'optique. Compte tenu du témoignage de M. Major, le tribunal est convaincu que l'on peut à juste titre affirmer qu'en 1986, M. Grover suivait une carrière de scientifique remarquable, avait la considération de ses pairs au niveau international et était un scientifique qui exécutait au nom du CNR un travail important dans diverses branches de l'optique.

La note de service de M. A.R. Robertson (qui se trouve dans la pièce R-37, aux p. 189 à 191) confirme de plus que M. Grover faisait des recherches et dirigeait une équipe. Dans la note de service datée du 13 janvier 1986 (qui se trouve dans la pièce HR-3, onglet 7), M. Robertson remercie M. Grover d'avoir laissé Pierre Verly dans le groupe de l'électro-optique. M. Robertson estimait que le changement serait avantageux pour la carrière de M. Verly et qu'ainsi M. Grover disposerait de plus de personnel pour mener à bien les tâches qu'il tenait pour plus pressantes. Dans une note de service datée du 22 janvier 1986 (qui se trouve dans la pièce HR-3, onglet 8), M. Robertson a annoncé à la Section de photométrie et de radiométrie, à laquelle appartenait M. Grover, qu'il ressortait de ses discussions avec les directeurs que les activités actuelles de la section continueraient et qu'aucune ne prendrait fin à cause de la création de l'INO.

Il y a un autre aspect de la carrière de M. Grover sur lequel nous reviendrons plus en détail dans la présente décision: c'est le problème que posaient de plus en plus ses propositions d'avancement et la prise en compte exacte de ses années d'expérience pertinente (ci-après ses AEP). De 1981 à 1986, les propositions d'avancement favorisent fortement la promotion de M. Grover au niveau le plus élevé et le plus rapidement possible et il a obtenu des promotions sans aucun problème véritable.

Quant à ses AEP, il a attiré l'attention de M. Preston-Thomas et de Jill Baker au début de 1986 sur le fait que le nombre d'AEP auquel il avait

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droit ne lui avait pas été crédité. Il ressort de la preuve que le nombre de ses AEP avait été corrigé, mais il restait insuffisant et quand la correction a été apportée, M. Grover n'en a pas été informé. Il a appris en 1989 que cette correction avait été faite. Malgré la correction, il n'a reçu aucune indemnité pour le rajustement et, au moment de la présente audience, aucune compensation ne lui avait encore été versée.

Voici en résumé les conclusions du tribunal, tirées de la preuve, sur la carrière du plaignant et sur les faits qui ont précédé le dépôt de sa plainte en 1986:

  1. Entre 1981 et 1986, M. Grover est devenu rapidement l'un des scientifiques les plus en vue dans le domaine de l'optique tant à l'INO qu'au CNR.
  2. M. Grover n'a jamais vraiment quitté le CNR pour l'INO, mais il consacrait 60 p. 100 de son temps à ses recherches au CNR et 40 p. 100 au développement de l'INO en sa qualité de directeur adjoint.
  3. Le CNR s'inquiétait énormément de ce que, par suite du changement de structure de l'INO, savoir le financement conjoint par Québec et le gouvernement du Canada, il perdrait son rôle dans le domaine de l'optique.
  4. L'expérience de M. Grover à titre de conseiller durant les premières phases de la mise sur pied de l'INO lui a clairement permis d'acquérir les compétences requises pour un poste de haute direction soit à l'INO, soit au CNR.
  5. Malgré la suggestion de réductions au CNR au début de 1986, tous les projets de recherches concernant les quinze scientifiques mutés de la Division de physique à l'INO, dont M. Grover, sont restés intacts quand ces personnes sont revenues.
  6. M. Grover a repoussé l'offre de l'INO de devenir son directeur et a décidé de reprendre sa carrière de chercheur au CNR à plein temps. Son retour à plein temps a apparemment contrarié le nouveau directeur de la physique, soit M. M. Laubitz.
  7. En dépit de la volonté de M. Grover de reprendre son travail à plein temps au CNR, son retour n'allait pas être facilité par M. Laubitz ni par M. Preston-Thomas, directeur adjoint.

Comme nous l'avons vu, l'année 1986 a marqué le début des problèmes de M. Grover en ce qui a trait à sa carrière au CNR, lesquels ont ensuite donné lieu à des plaintes de discrimination. Lors du retour de M. Grover à son travail à plein temps à la Division de physique, un certain nombre de changements s'étaient produits. M. Redhead, directeur de la division, a pris sa retraite et il a été remplacé par M. M. Laubitz. La division appelée auparavant la Section d'optique est devenue la Section de photométrie et de radiométrie. Une réorganisation était en cours à la Division de physique et, de toute évidence, celle-ci avait beaucoup de mal à coopérer avec l'INO dans le domaine de l'optique. Or, le CNR lançait un consortium de quarante millions de dollars dans le domaine de l'optique et M. Laubitz et M. Vanier ont joué un rôle important dans ce projet.

L'annonce initiale de ce projet a suscité beaucoup d'inquiétude parmi les divers instituts dans les domaines connexes, ce qui a finalement mené à la signature d'un accord scientifique en 1988.

Il y a peu de doute que M. Grover aspirait à un poste de direction à la Division de physique et précisément au poste de chef de section. Les attributions de chef de section à la Division de physique

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auraient comporté des responsabilités supplémentaires, dont l'évaluation de rendement du personnel, la répartition des fonds, y compris les frais de déplacement, et la participation à la planification de la recherche et aux promotions. Il faut noter qu'avant le retour de M. Grover de l'INO, il avait rempli les fonctions de directeur adjoint et de directeur scientifique intérimaire, et que dans l'énoncé de mission de l'INO, il était proposé au poste de chef de section de même que d'autres employés de la Division de physique, soit MM. Cowan et Powell. Les premières évaluations en vue des promotions entre 1981 et 1984, ajoutées aux témoignages de M. Major et de M. Cowan, amènent nettement le tribunal à conclure que M. Grover avait les compétences pour occuper le poste de chef de section et était tout à fait apte à s'acquitter des fonctions de ce poste.

La preuve nous amène nettement à conclure que jusqu'en 1985, M. Grover était le chef d'un groupe d'Électro-optique qui se composait de M. Verly, de M. Agarwal, de M. Hane et de l'agent technique Ray Fink. Leur nom figure dans la pièce HR-4, rapports sur les activités en 1984-1985.

M. Laubitz, M. Preston-Thomas et M. Vanier ont mis beaucoup de temps au cours de leur témoignage à tenter de nier l'existence d'un tel groupe dont M. Grover aurait été le chef. Leurs efforts pour nier l'existence d'un tel groupe n'étaient, de l'avis du tribunal, qu'une tentative pour ravaler le statut de M. Grover au sein du CNR. Leur témoignage ne peut simplement pas être accepté car il n'est pas corroboré par les faits exposés dans les rapports d'activité, ni par les témoignages entendus au cours de la présente audience.

Le tribunal conclut que, parmi les personnes qui sont revenues de l'INO au CNR, aucune n'était plus compétente que M. Grover pour jouer un rôle important en optique à la Division de physique. A la lumière des témoignages entendus, l'estime qu'on avait pour lui et la considération dont il jouissait dans le domaine de l'optique, tant à l'INO que dans la communauté internationale, étaient manifestes pour le tribunal. Le fait que M. Grover s'attendait à jouer un rôle important en optique et qu'il aspirait à un poste de chef de section constituait, de l'avis du tribunal, une attente raisonnable quant à sa carrière au moment où il est revenu à plein temps à la Division de physique au début de 1986.

Les problèmes de M. Grover par rapport au nouveau directeur de la Division de physique, M. Laubitz, ont commencé peu de temps après son retour à plein temps au CNR. M. Major a témoigné qu'au milieu de 1986, après le départ à la retraite de M. Redhead, il avait organisé une réunion avec M. Laubitz et M. Vanier afin d'étudier la coordination des programmes scientifiques à l'INO et au CNR. Il est de fait qu'à ce moment-là, M. Grover était le directeur scientifique intérimaire de l'INO. En juin 1986, cette réunion a eu lieu et M. Major a suggéré à M. Laubitz d'y inviter M. Grover. M. Laubitz a repoussé l'idée de l'y faire participer et a dit qu'il préférait ne pas y voir Grover. M. Major a été manifestement étonné de l'exclusion de M. Grover et a estimé qu'il aurait été logique qu'il y assistât, étant donné sa situation et ses antécédents à l'INO. Le tribunal est d'avis que l'exclusion de Grover de cette réunion n'avait aucun sens et ne pouvait être tenue que pour le début d'une série d'actes orchestrés par M. Laubitz pour rabaisser, déprécier et contrecarrer la carrière de M. Grover.

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Dans son témoignage, M. Laubitz a expliqué les raisons pour lesquelles il avait exclu M. Grover. Elles se trouvent dans le volume 10, aux p. 1341 et 1342. Voici les termes qu'il a employés:

[TRADUCTION]

«Quel était le but de cette réunion?

R. Son but principal était de me permettre de faire connaissance avec M. Major. Je voulais aussi essayer de voir quels liens pouvaient être établis entre les programmes techniques de l'INO et ceux du CNR. Enfin, je comptais obtenir des renseignements généraux sur l'échelon auquel était le personnel technique qu'ils avaient nommé afin que le nôtre y corresponde de plus près.

Q. A-t-il été question de M. Grover à cette réunion?

R. Seulement en ce sens que M. Major avait demandé si M. Grover devrait y assister et que nous avions recommandé qu'il n'en soit pas.

Q. Pourquoi avez-vous recommandé cela?

R. Il s'agissait d'une réunion officielle en un sens. Je cherchais en général à créer une atmosphère de coopération et je ne voyais pas la nécessité de la présence de M. Grover.»

Le tribunal est d'avis que cette explication n'est qu'un prétexte. De toute évidence, comme M. Grover exerçait ses activités conformément à un accord prévoyant son détachement et qu'il consacrait quarante pour cent de son temps à l'INO, qui d'autre que M. Grover aurait pu logiquement mieux que lui faire office d'agent de liaison lors de cette réunion.

A un moment donné, entre le 6 et le 14 avril 1987, M. Grover a reçu un appel de M. André Fortier, ancien représentant du ministre d'État à la Science et à la Technologie, attaché à celui-ci et chargé de coordonner les travaux relatifs à l'Institut d'optique. M. Fortier était intéressé à obtenir des renseignements de M. Grover au sujet de l'Institut d'optique afin de rédiger un rapport. M. Fortier a demandé à M. Grover de rencontrer l'un de ses interlocuteurs dont les fonctions concernaient l'Institut d'optique et le gouvernement. M. Grover a pensé qu'il devait demander l'approbation de M. Laubitz et s'est rendu à son bureau pour demander qu'il réponde d'urgence à son message. M. Laubitz s'est finalement présenté au bureau de M. Grover le 13 avril 1987 et quand ils ont discuté de la demande de M. Fortier, M. Laubitz a informé M. Grover qu'il ne devait plus entrer en contact avec qui que ce soit à l'INO. Dans son témoignage, M. Major s'est dit étonné de ne plus avoir été en contact avec M. Grover, après l'expiration de son détachement en janvier 1987, même s'il s'attendait à ce que M. Grover, vu ses antécédents à l'INO, jouât un rôle important comme agent de liaison pour le compte du CNR. Le traitement que M. Laubitz a réservé à M. Grover relativement à l'expiration de son détachement ressort de son témoignage dans le volume 10, à la p. 1338.

La réunion du 13 avril 1987 a marqué un tournant décisif des rapports entre M. Grover et M. Laubitz. Nous nous arrêterons plus loin dans la présente décision au détail du compte rendu complet de la conversation entre M. Grover et M. Laubitz lors de la réunion. En ce qui concerne les contacts et la liaison avec l'INO, le tribunal estime que M. Laubitz avait nettement l'intention de neutraliser le statut de M. Grover et l'efficacité de ses rapports avec l'INO. Le tribunal estime à cet égard que la façon dont M. Laubitz a traité M. Grover était voulue et visait à déprécier sa carrière. Pendant plusieurs mois en 1986, M. Grover a appelé le bureau de M. Laubitz et tenté d'organiser une rencontre.

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M. Laubitz n'a pas répondu aux demandes de M. Grover. L'examen du témoignage de M. Laubitz, qui a pris une grande partie de l'audience, ne permet de trouver aucune explication raisonnable quant aux raisons pour lesquelles il a choisi de ne pas tenir compte des efforts de M. Grover pour le rencontrer. En effet, le témoignage de M. Laubitz sous ce rapport est vague et ne fournit pas d'explication véritable de son comportement.

L'intimé n'a fait entendre aucun témoin pour établir que c'était là l'attitude habituelle de M. Laubitz envers les gens. M. Grover a témoigné très précisément avoir tenté à maintes reprises d'appeler Laubitz et de lui laisser des messages. Le tribunal est d'avis que la façon dont M. Laubitz a traité M. Grover lorsqu'il a fait ces efforts atteste davantage non pas la piètre compétence administrative de M. Laubitz, mais plutôt son indifférence à l'endroit de la situation de M. Grover au CNR à son retour en 1986. Cette attitude d'indifférence était dévalorisante et inexcusable.

M. Grover a soulevé la question dans un grief qui se trouve dans la pièce R-4.

Le grief a été l'objet d'une décision écrite de D.D. Leddy qui renferme le passage suivant, à la p. 3:

[TRADUCTION]

«Constitue nettement un manque d'égards le temps qu'a pris le directeur à répondre à la demande d'un chercheur principal de sa division qui voulait discuter avec lui.»

Remarquons qu'au dernier palier de règlement de ce grief, M. Leddy cherche à expliquer, à l'intention de M. Grover, que ses plaintes représentent plutôt une série de malentendus entre lui et M. Laubitz, découlant de faits qui échappaient à la volonté des deux parties. Le tribunal ne peut pas souscrire aux conclusions de M. Leddy. Sa décision ne représente qu'une tentative pour excuser l'insensibilité et l'attitude d'indifférence de M. Laubitz à l'égard de la carrière de M. Grover.

Durant l'année 1986, les tentatives de M. Grover pour définir son rôle à la Division de physique, en particulier à la Section de photométrie et de radiométrie sont, pour l'essentiel, restées vaines. En janvier 1987, M. Grover a pu rencontrer M. Laubitz; il a confirmé qu'il n'accepterait pas le poste offert par M. Major à l'INO et qu'il reviendrait à plein temps à la Division de physique (CNR). Il a également dit à M. Laubitz que M. Major voulait mettre fin au détachement et Laubitz lui a répondu qu'il fallait que M. Major en fît la demande. C'est alors que M. Grover a discuté avec M. Laubitz de sa place au sein de la Division de physique.

M. Laubitz a demandé à Grover de lui dresser le compte rendu de ses activités à la Division de physique. M. Laubitz avait déjà laissé entendre lors d'une rencontre avec M. Grover en décembre 1986 qu'il y aurait peut-être une section d'optique et que la candidature de Grover serait étudiée pour le poste de chef de section. M. Grover a trouvé inhabituel que M. Laubitz lui demande un compte rendu d'activités à la Division de physique puisqu'il estimait que M. Laubitz devait déjà bien connaître ses activités. Laubitz a répondu qu'il demandait à tous les scientifiques de dresser un compte rendu. (Voir le volume 10, p. 1363, lignes 20 à 25.) Le tribunal a cependant appris au cours de la présente audience qu'en réalité, il n'était pas normal de demander à un scientifique de faire un compte rendu comme l'a fait M. Laubitz.

De toute façon, M. Grover a préparé un compte rendu, qui forme la pièce HR-3, onglet 13, et qui est daté du 3 février 1987.

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M. Grover a rencontré M. Laubitz en février et lui a remis le compte rendu de ses activités. Entre temps, M. Grover a continué de travailler à la Division de physique, notamment en collaboration avec un nommé Warenghem. Les parties se sont rencontrées de nouveau au début de mars; cette fois, M. Powell assistait à la réunion. M. Grover a témoigné qu'ils avaient discuté assez en détail de ses travaux en holographie et qu'après la discussion, M. Powell avait quitté la pièce. M. Grover a alors invité M. Laubitz à descendre au sous-sol pour voir ses travaux de recherche, ce qu'il a fait. M. Laubitz s'est montré très réservé au sujet du rôle futur de M. Grover à la Division de physique. M. Laubitz lui a demandé de faire un compte rendu plus détaillé de ses activités, ce que M. Grover a fait, et ce compte rendu se trouve dans la pièce HR-3, onglet 16.

Avant cette série de rencontres, un avis avait été affiché à la Division de physique le 2 janvier 1987. On y décrivait les changements dans les diverses sections. Cette annonce se trouve dans la pièce HR-3, onglet 12. Dans celle-ci, le nom de M. Grover ne figure plus dans la Section de photométrie et de radiométrie et M. Bedford est devenu le chef de section. D'après l'avis, M. Grover est muté au bureau du directeur, soit M. Laubitz. Il n'a pas été question de ce changement avec M. Grover et aucune raison n'a été donnée à ce dernier pour l'expliquer. Ce que M. Laubitz lui avait dit en septembre 1986, c'est que s'il appartenait au bureau de M. Laubitz, ce dernier serait peut-être mieux en mesure de suivre de plus près ses activités à l'INO. Laubitz lui avait toutefois assuré qu'il poursuivrait ses activités à la Section de photométrie et de radiométrie et, en décembre 1986, il avait indiqué à M. Grover que sa candidature était étudiée en vue d'une nomination au poste de chef de section.

Vu la preuve, il est apparu évident pour le tribunal qu'en mars 1987, les activités de recherche de M. Grover et sa position à la Division de physique avaient été sévèrement restreintes et que de fait son rôle était resté dans un état complètement incertain, tout comme sa sphère d'activité et son budget. En mars 1987, M. Powell est venu voir M. Grover et lui a dit que M. Laubitz l'avait envoyé l'inviter à se joindre à sa section. M. Powell avait été nommé chef d'une nouvelle section appelée Génie optique, qui comprenait les activités du laboratoire des composants optiques. M. Grover a été stupéfié. Il a témoigné que M. Powell était un scientifique ayant moins d'ancienneté que lui et que ses activités ne se rapportaient en rien aux activités de recherche antérieures de M. Grover.

M. Powell n'a pas témoigné dans la présente instance.

M. Powell n'est pas un scientifique appartenant à une minorité visible et, en fait, aucun scientifique appartenant à une minorité visible n'occupait de poste de chef de section ni de directeur ni aucun des quarante postes de la haute direction du CNR. M. Powell avait été sous la surveillance de M. Grover à l'INO et quand il était le directeur scientifique par intérim. Aucun de ces changements n'a été communiqué directement par M. Laubitz à M. Grover. M. Laubitz a témoigné ne pas se souvenir des détails de certaines des réunions. Le tribunal estime que ses souvenirs étaient vagues, incertains et dépourvus de la sincérité d'un témoin digne de foi.

En avril 1987, M. Grover n'avait pas de budget de recherches et M. Laubitz lui a ordonné de ne plus entrer en contact avec l'INO. Il a en

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outre été nommé au bureau du directeur, sans description de tâche, ni laboratoire ni quelque mandat que ce soit pour faire de la recherche, et on a préféré quelqu'un d'autre pour le poste de chef de section au moment de la réorganisation. Par surcroît, son espace de laboratoire a été réduit par M. Preston-Thomas et son groupe, formé de M. Verly, de M. Agarwal, de M. Hane et de M. Fink, a été dissous et ses membres affectés à d'autres travaux de recherche.

C'est dans le contexte de ces revers professionnels que M. Laubitz s'est présenté au bureau de M. Grover le 13 avril 1987. Il s'agit d'une réunion dont nous avons déjà fait état, au cours de laquelle M. Laubitz a demandé à M. Grover de restreindre ses contacts avec l'INO, par suite de sa conversation avec M. Fortier. Cette réunion présente de l'importance car elle indique à quel moment les rapports entre M. Laubitz et M. Grover ont été les plus mauvais. Le plaignant a témoigné que, lors de cette réunion, M. Laubitz était en colère et parlait d'une voix forte. M. Grover a tenté d'aborder la question du budget dont il était privé et par la suite, quand il a cherché à discuter de sa note du 6 avril 1987, M. Laubitz a commencé à l'accuser de toutes sortes de choses. Dans le volume 2, à la p. 236, on trouve le témoignage de M. Grover sur les détails de cette réunion:

[TRADUCTION]

«Il a dit tout d'abord que j'étais un fauteur de troubles. Il a dit que j'avais des problèmes avec mon chef de section. J'étais trop ambitieux. Il a dit qu'il avait entendu de nombreuses plaintes de M. Preston-Thomas et de M. Vanier. Il a dit qu'il savait que je voulais être chef de section. Il a dit qu'il savait que je voulais être directeur. Il a dit qu'il verrait à ce que je ne devienne jamais l'un ni l'autre.»

M. Laubitz a été interrogé et il a témoigné au sujet de ses souvenirs de la réunion. Ses souvenirs de la conversation sont vagues et incertains. Le tribunal accepte la version de M. Grover et estime qu'il est simplement impossible d'ajouter foi à la relation des faits de M. Laubitz. Ses réponses étaient évasives, ses conclusions totalement invraisemblables et ses explications, en particulier quant à sa conduite en tant que supérieur de M. Grover, étaient inexcusables, dénuées de sensibilité et tendaient à dénigrer son collègue.

M. Grover a témoigné que M. Laubitz avait mis fin à cette rencontre abruptement et lui avait dit qu'il lui enverrait une note de service. M. Laubitz a répondu par une note de service en date du 13 avril 1987 (contenue dans HR-3, onglet 18). Cette note de service est assez révélatrice de l'évolution de l'attitude de M. Laubitz à l'égard de la position de M. Grover au CNR. Il y insinue que M. Grover a été affecté au bureau du directeur à cause d'un problème qu'il avait avec M. Robertson.

La preuve n'étaye tout simplement pas cette assertion. Certes, M. Grover et M. Robertson ont parfois été en désaccord et, en fin de compte, M. Robertson a fini par perdre son poste de chef de section, mais il ressort clairement de la preuve que M. Robertson a eu des différends avec d'autres scientifiques, dont M. Cowan.

Quant au reste de la note de service, c'est nettement une directive aux termes de laquelle M. Grover doit opter à ce moment-là entre deux partis: soit être affecté à un projet minimal en holographie, ou travailler avec le groupe de génie optique de M. Powell. Ce projet, d'après la note de service, serait un projet secondaire qui pourrait

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peut-être être étendu. L'autre choix consistait à se joindre à la Section de photométrie et de radiométrie pour participer à leurs programmes. Il s'agissait de projets tels qu'approuvés à ce moment-là. Il est évident, à la lecture de cette note de service, que M. Laubitz avait décidé de gêner et de contrecarrer les activités de recherche de M. Grover et de le cantonner autant que possible dans un rôle insignifiant dans le domaine en plein essor de l'optique et d'exercer directement son autorité sur lui en l'affectant au bureau du directeur.

Au surplus, il ressort à l'évidence de cette note de service qu'en avril 1987, M. Laubitz avait systématiquement dépouillé M. Grover de l'estime et du prestige qu'il avait à l'INO, réduit ses travaux de recherche, dispersé son équipe de chercheurs, gelé son budget et laissé son avenir au CNR dans un état d'incertitude pénible.

Dans sa note de service, M. Laubitz a décidé que les dépenses exigées par les projets de M. Grover étaient trop élevées et excédaient le budget. Le fait est que M. Laubitz a mal interprété les demandes budgétaires de M. Grover et qu'il a calculé les coûts budgétés pour un an au lieu de les répartir sur cinq ans, comme le proposait le plan de M. Grover. M. Laubitz a admis au cours de son témoignage avoir mal interprété les chiffres et ne s'être rendu compte de son erreur que quelques jours avant de déposer à la présente audience. Il a confirmé aux membres du présent tribunal qu'il avait prêté peu d'attention, voire aucune attention, aux deux projets distincts préparés par M. Grover en 1987 et, en effet, nous concluons qu'en ce qui concerne M. Grover, celui-ci a répondu à ces demandes de propositions en pure perte. (Voir volume 7, p. 1207 et 1213.) M. Laubitz n'avait aucunement l'intention de jamais accepter un projet de M. Grover, quel qu'il soit, et il ne s'intéressait pas particulièrement au contenu des projets. Il s'est appliqué à critiquer le contenu des projets en disant qu'il était vague et ne donnait pas les détails dont il avait besoin. Aucun élément de preuve n'a été produit relativement à ce que M. Laubitz voulait voir dans ces projets et, en réalité, il a chargé M. Bedford d'en faire la critique, alors que ce dernier n'avait pas de compétence particulière dans les domaines relevant de la sphère d'activité de M. Grover, un fait que M. Bedford a reconnu volontiers. (Voir volume 24, p. 445, ligne 8.)

Tel que conçue au moment où l'on a mis fin aux fonctions de M. Grover en 1990, la méthode de gestion utilisée par M. Laubitz et, ensuite, par M. Perron et M. Vanier, c'est-à-dire demander à M. Grover de préparer une projet, était simplement un moyen de lui faire consacrer du temps et des efforts à la préparation d'un document qui était voué à l'échec. La direction se servait alors du projet comme exemple de l'incompétence de M. Grover en matière de recherche, de son incapacité de comprendre les programmes de recherches du CNR, et de divers autres défauts.

Le tribunal est d'avis que cette manière dont la direction du CNR traitait M. Grover, en lui demandant des propositions, n'était rien de plus qu'un stratagème qui était injuste, qui tenait de la manipulation et qui était destiné à entraver sa carrière.

A une note de service datée du 6 avril 1987 (qui se trouve dans la pièce HR-3, onglet 17) et remise à M. Laubitz, M. Grover avait joint un rapport d'activité. Ils se sont rencontrés le 14 avril 1987. M. Grover a témoigné qu'il avait essayé de discuter avec M. Laubitz de son rapport

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d'activité, parce qu'il voulait lui montrer qu'il avait participé activement aux activités de la Division de physique du CNR. M. Grover a dit que M. Laubitz lui avait renvoyé les copies du rapport d'activité à la figure et lui avait donné ce conseil:

[TRADUCTION]

«Je ne m'intéresse pas à votre passé. Si vous voulez rester ici, vous devez faire vos preuves encore une fois.»

M. Grover a également parlé à M. Laubitz de l'invitation de M. Powell à se joindre à sa section. Pour toute réponse, M. Laubitz lui a demandé quel mal il y avait à se joindre à cette section. (Voir volume 3, p. 266, lignes 13 et 14.)

En mars, M. Grover a reçu une invitation à participer en décembre 1988 à un atelier sur l'holographie et la granulation cohérente. Cet atelier devait avoir lieu à l'Indian Institute of Technology à Madras, en Inde. Cet institut devait payer tous les frais, sauf le billet d'avion.

M. Laubitz a refusé sa demande de déplacement. En outre, M. Grover avait reçu d'un scientifique israélien nommé Monashe Okum une demande d'emploi de chercheur. Il n'était pas exceptionnel pour M. Grover d'accueillir des scientifiques à titre de visiteurs qui collaboraient avec lui à des projets de recherche et en fait c'était devenu normal pendant la plupart des années qu'il a été au service du CNR. Cette demande a été rejetée par M. Laubitz sans explication. Avant que M. Laubitz ne devienne le directeur de la Division de physique, M. Grover avait reçu environ cinq demandes de scientifiques voulant travailler avec lui et il en avait pris deux sous sa surveillance. (Voir volume 3, p. 268, lignes 23 et 24.) Après la nomination de M. Laubitz au poste de directeur, M. Grover a reçu environ sept demandes de scientifiques. Bien qu'il ait demandé la permission d'accueillir au CNR seulement ceux qui avaient l'appui financier de leur établissement, la permission lui a été refusée dans ces cas-là. (Voir volume 3, p. 270 à 272.)

Par suite de la réunion du 14 avril 1987, M. Grover a décidé de porter à la connaissance de la haute direction le traitement que lui réservait M. Laubitz. Il a parlé à M. Gingras, vice-président du CNR, qui était étroitement associé au programme de l'INO. M. Gingras a organisé une rencontre avec le vice-président de la Division de physique, M. Clive Willis. En raison du climat désagréable créé par M. Laubitz, on a conseillé à M. Grover de prendre un congé de maladie pendant quelques semaines. A son retour, on l'a informé qu'une réunion avec M. Laubitz et M. Willis avait été organisée. Elle devait avoir lieu le 10 juin 1987.

M. Grover a témoigné que, lors de la réunion avec M. Willis, il a donné un aperçu du contenu de sa réunion du 14 avril avec M. Laubitz. Il a également dit à M. Willis qu'il estimait que les actions de M. Laubitz étaient discriminatoires envers lui. Il se souvient que M. Laubitz était tranquille et que, dans l'ensemble, il ne réagissait pas beaucoup à cette conversation. M. Grover se rappelle bien que M. Laubitz a marmonné plusieurs fois ceci:

[TRADUCTION]

«Maintenant, vous me mettez vraiment en colère. Il va falloir que je m'occupe de vous.»

Lorsqu'on lui a demandé s'il avait fait ces remarques à M. Grover, M. Laubitz a témoigné ne pas se rappeler. Son témoignage se trouve au volume 10, à la p. 1391:

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[TRADUCTION]

«Q. Avez-vous, à un moment quelconque pendant la réunion, dit à propos de M. Grover, Maintenant, vous me mettez vraiment en colère. Il va falloir que je m'occupe de vous?

R. Je ne me souviens pas avoir rien dit de semblable.

LE PRÉSIDENT: Affirmez-vous que vous n'avez pas dit cela ou que vous ne vous en souvenez pas?

LE TÉMOIN: A strictement parler, je ne me souviens pas, Monsieur le président.»

Deux autres faits se sont produits en 1987, qui tous deux ont confirmé aux yeux du présent tribunal que la façon dont M. Laubitz a traité M. Grover, quoique de manière subtile, visait délibérément à ravaler le statut de M. Grover au CNR.

Le 28 avril 1987, M. Laubitz a reçu une lettre de M. George Fraser demandant la désignation d'un agent de liaison pour le projet Afficheur à cristaux liquides informatisé, présenté par Xtalite Technology Limited. Dans cette lettre (qui se trouve dans la pièce HR-3, onglet 21), il soulignait que c'était M. Grover qui avait fait l'évaluation initiale du projet. M. Vanier a demandé à M. Grover d'assurer le suivi de la demande de M. Fraser. La tâche consistait pour M. Grover à se rendre à l'Ile-du-Prince-Édouard pour étudier le projet.

M. Grover a écrit à M. Laubitz le 21 juillet malgré le fait que M. Fraser avait fait une demande en avril. Le déplacement à l'I.-P.-É. était payé par le PARI et le CNR n'aurait aucunement à supporter les frais que représentait le temps de déplacement de M. Grover pour ce travail.

M. Laubitz a été contre-interrogé sur les raisons pour lesquelles il n'avait pris aucune mesure pour que M. Grover soit affecté au projet du PARI. M. Laubitz a reconnu (volume 12, à la p. 1673) qu'il avait refusé de prendre des mesures au nom de Grover parce que ce dernier avait déposé un grief. Dans le volume 12, à la p. 1674, il a témoigné que sa décision reposait sur le fait que M. Grover n'aurait pas été un bon représentant parce qu'il n'aimait pas l'orientation de la division et qu'il n'aurait pas été un ambassadeur convenable de la Division de physique auprès de la Xtalite Technology Company. En réalité, M. Laubitz disait que, parce que M. Grover et lui ne s'entendaient pas sur certains principes et parce qu'il avait déposé un grief, M. Grover ne ferait pas un bon représentant et aucune mesure n'avait été prise.

Les actions accomplies par M. Laubitz pour contrecarrer la participation de M. Grover au projet du PARI ont une fois de plus confirmé aux yeux du présent tribunal que c'est intentionnellement qu'il avait abusé de sa situation d'autorité pour diminuer l'envergure de M. Grover et entraver sa carrière.

L'autre incident qui s'est passé durant l'été 1987, mettant encore une fois en cause M. Laubitz, concernait un communiqué de presse relatif à une conférence sur l'optique à Québec. L'ébauche du communiqué (pièce HR-3, onglet 20, p. A) contient une citation de M. Grover. Cette ébauche rédigée par Patricia Montreuil de la Division des affaires publiques du CNR a été soumise à l'approbation de M. Grover. Celui-ci a eu une longue conversation téléphonique avec Mme Montreuil afin de lui fournir les renseignements touchant la conférence en préparation. M. Grover faisait partie du comité organisateur de la conférence. A la p. 21B, M. Grover a apporté certaines corrections à la demande de Mme Montreuil.

Toutefois, dans la version définitive, qui se trouve à la p. 21C, un

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paragraphe a été supprimé, le seul où il est fait mention de M. Grover, représentant du CNR au comité organisateur du colloque de l'I.C.O. C'est M. Laubitz qui était à l'origine de la suppression et, une fois de plus, le tribunal estime qu'il s'agit d'un autre exemple clair des efforts évidents de M. Laubitz pour diminuer l'importance de M. Grover aux yeux de ses pairs. La conférence de Québec était importante pour M. Grover et il a pris une part active à son organisation. Nous jugeons que l'action de M. Laubitz a été délibérée, abusive et discriminatoire.

M. Laubitz a témoigné qu'il avait rayé la mention de M. Grover parce qu'il n'avait pas l'habitude de mentionner de personnes dans ses communiqués. Toutefois, les exemples d'autres communiqués cités dans la présente instance contenaient souvent la mention d'un organisateur ainsi que des propos qu'il avait tenus. Le présent tribunal constate le fait que le témoignage de M. Laubitz sur ce point n'était pas vrai.

En juillet 1987, M. Grover a déposé un grief (qui se trouve dans HR-4, à la p. 1). Ce grief est daté du 15 juillet 1987. Dans ce grief, M. Grover se plaint de l'abus de la direction, qui l'a isolé, a aboli ses programmes sans le consulter et a rabaissé son statut au CNR. Il demande que son programme d'optique soit rétabli et qu'il soit reconnu à nouveau comme chef d'équipe. Il importe de noter qu'il appartient au directeur de la division, en l'occurrence M. Laubitz, de répondre au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Ce qu'il y a de ridiculement ironique, bien sûr, c'est que la personne contre qui sont dirigées les plaintes est celle-là même qui statue sur le bien-fondé du grief.

M. Grover a témoigné que son syndicat avait cependant demandé que l'on passât outre au premier palier et que cela avait été refusé par la direction du CNR. Même s'il a concédé qu'il aurait pu renoncer à y répondre, M. Laubitz a témoigné qu'il avait estimé de son devoir de répondre à ce grief, étant donné que les principales plaintes portaient sur sa conduite envers M. Grover.

De toute façon, ce grief est passé aux paliers suivants et l'on trouvera à R-4, à la p. 2, la réponse au deuxième et dernier palier. Une partie de la décision de M. Leddy sur ce grief a déjà été citée; il y expose en détail divers faits qui ont conduit au grief ainsi que les mauvaises décisions de la direction à ce sujet. Dans sa conclusion, il a toutefois rejeté le grief de M. Grover.

Dans sa réponse au premier palier, M. Laubitz avait ordonné à M. Grover de se joindre à la Section de photométrie et de radiométrie; M. Grover a donc écrit une note de service à M. Laubitz le 2 septembre 1987 pour demander un budget de fonctionnement de 10 000 $ prenant effet immédiatement. Il a de plus informé M. Laubitz qu'il allait se joindre à la Section de photométrie et de radiométrie.

Au deuxième palier, le grief a été entendu en octobre 1987 et, après la décision de M. Leddy, M. Grover a été prié de voir M. Vanier.

Celui-ci a proposé à M. Grover de lui confier d'autres recherches. Il lui a attribué plus d'espace de laboratoire, mais il n'avait l'usage exclusif que d'une partie seulement de cet espace. M. Grover avait demandé un stagiaire estival, mais aucun ne lui a été prêté; il en a été de même en 1988 et en 1989. Il avait aussi demandé la permission d'assister à une conférence scientifique à Birmingham, en Angleterre, en mars 1988, et cela lui a été refusé en dépit du fait que M. Vanier avait d'abord donné son approbation. Pour une raison quelconque, M. Vanier a changé d'avis. Le

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mieux que M. Vanier pouvait faire pour M. Grover était de lui suggérer de présenter un exposé aux organisateurs de la conférence après la date limite. M. Grover a répondu à M. Vanier qu'il n'était pas possible dans un délai aussi court de présenter un tel exposé.

Lors de cette rencontre avec M. Grover, M. Vanier a émis l'opinion que, pour être totalement réintégré dans la division, M. Grover devait retirer toutes ses plaintes concernant la division. Il convient de noter ici que, lorsque M. Leddy, dans son rapport sur le grief, parle de la direction de la division, il s'agit de M. Laubitz, de M. Preston-Thomas et de M. Vanier. En plus de déposer un grief, M. Grover s'est entretenu, en juillet 1987, avec un agent des droits de la personne au bureau de la Commission canadienne des droits de la personne. A ce moment-là, il n'avait pas encore de résultat de sa rencontre avec M. Willis et M. Laubitz. M. Grover a témoigné que l'agent des droits de la personne l'avait écouté et lui avait conseillé de chercher à épuiser ses recours internes conformément à la procédure de grief. M. Grover s'est alors adressé à son syndicat. Le délégué lui a dit que ses questions relevaient des droits de la personne. Il lui a dit aussi que le CNR avait un conseiller en droits de la personne et l'a prié de s'adresser à une nommée Lorraine Collette. Le plaignant a rencontré celle-ci en juillet 1987.

Après avoir entendu toute la preuve, le présent tribunal se pose encore des questions au sujet de la rencontre avec Mme Collette. Celle-ci n'a pas été citée comme témoin dans la présente instance. La préoccupation du tribunal concerne la manière dont son rôle en tant que conseillère en droits de la personne compromet les chances du plaignant qui décide d'engager une action. En l'espèce, M. Grover a vu Mme Collette en juillet 1987, au bureau de celle-ci dans l'immeuble M58 du CNR. C'est également dans cet immeuble que sont les bureaux de la direction du CNR.

Mme Collette a informé M. Grover que son bureau était insonorisé de façon à préserver le secret de leur entretien et elle lui a assuré que tout ce dont ils discuteraient resterait strictement confidentiel. M. Grover a alors eu une très longue rencontre durant laquelle il a exposé en détail ses problèmes avec M. Preston-Thomas et M. Laubitz. Elle lui a dit que s'il signait une plainte, elle ferait certaines recommandations à M. Pottie, vice-président exécutif du CNR en vue de corriger la situation. Elle lui a dit en outre que, bien que certaines mesures correctives puissent être prises, telle la suspension de M. Laubitz pendant deux semaines, aucune indemnité ne pourrait lui être versée. De toute évidence, M. Grover a été découragé de s'engager plus avant dans cette voie.

Le présent tribunal est également préoccupé par la production de la pièce HR-3, onglet 30, soit le bulletin appelé Sphère que publie le CNR.

Le numéro de juillet/août 1989 contenait un article signé par Mme Collette donnant un aperçu de la politique du CNR sur le harcèlement et l'abus d'autorité, qui se produit quand un supérieur entrave ou contrarie la carrière d'un employé. Selon elle, cela peut comprendre l'intimidation, les menaces ou la contrainte, et cela peut s'appliquer à la répartition des tâches, aux possibilités de formation, aux possibilités d'avancement, aux évaluations de rendement ou à la communication de références. Le reste de l'article expose en détail la nature de la plainte qu'une personne peut déposer et la manière de procéder, et donne des exemples de discrimination en milieu de travail. A la fin de l'article figurent son nom, son titre (conseillère, droits de la personne) et son numéro de téléphone.

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A aussi été versée en preuve, comme pièce HR-3, onglet 23, une lettre en réponse à la plainte de M. Grover, en date du 25 janvier 1988.

Cette lettre indique que Lorraine C. Collette

[TRADUCTION] représentera le Conseil national de recherches dans cette enquête.

Le présent tribunal conclut que le rôle de Mme Collette dans la présente instance la place en situation de conflit et porte atteinte à la garantie de secret et d'impartialité dont M. Grover doit jouir en ce qui concerne le règlement de ses plaintes. Après avoir entendu sous le sceau du secret la relation des faits de M. Grover au sujet du traitement dont il se plaignait de la part de M. Laubitz et d'autres, Mme Collette se retourne et devient la représentante du Conseil national de recherches pour toutes ces plaintes et durant l'audience qui s'ensuit. Le tribunal estime que son rôle dans toute cette affaire était déplacé et préjudiciable au règlement impartial et équitable des plaintes de M. Grover, savoir la première plainte déposée en 1987 et les deux plaintes modifiées. Plusieurs des témoins qui ont déposé au nom du CNR, dont M. Laubitz, M. Preston-Thomas et M. Willis, ont dit qu'ils avaient eu des séances de consultation avec Mme Collette sur les plaintes de M. Grover pour préparer la présente audience.

A l'automne 1987, M. Grover a eu plusieurs entretiens avec M. Vanier au sujet de ses recherches en cours. Au début, M. Vanier a tenu des propos encourageants quant aux recherches futures de M. Grover, mais celui-ci a vite constaté que M. Vanier n'était pas vraiment intéressé à élargir en quoi que ce soit la portée de ses projets à la Section de photométrie et de radiométrie. En effet, dans une note de service datée du 26 novembre 1987 (qui se trouve à l'annexe 4, onglet 24, HR-3), il trace nettement des limites aux projets de recherches de M. Grover. Dans cette pièce, il n'est pas fait mention de son budget pour l'exercice suivant.

Comme nous l'avons déjà noté, en plus de restreindre ses projets de recherches, M. Vanier a également annulé une conférence scientifique à Birmingham, en Angleterre, à laquelle M. Grover devait assister et pour laquelle il avait donné provisoirement son approbation. M. Vanier n'a pas pu expliquer de manière satisfaisante pourquoi il a fini par annuler ce voyage.

En septembre 1988, M. Grover a reçu de M. Matsuda du Japon une invitation à conclure un accord sur la science et la technologie.

M. Grover a soumis la proposition (qui se trouve dans HR-3, onglet 26) à M. Bedford et il lui a dit très clairement qu'il s'agissait d'un important projet de collaboration et qu'il demandait des fonds pour cette activité.

Une partie des fonds servirait à payer son déplacement au Japon pour visiter les laboratoires de M. Matsuda. Ni le programme de collaboration, ni le déplacement n'ont jamais été approuvés par M. Bedford ou par un supérieur de ce dernier. Il faut noter que le projet de collaboration de M. Matsuda portait sur le développement de nouveaux systèmes de traitement optique de l'information. Au surplus, il concernait l'utilisation de cristaux liquides dans le traitement de l'information, qui était l'une des spécialités de M. Grover.

A la même époque où ce programme de collaboration a été refusé, M. Grover a appris que le CNR avait en fait donné une extension à la sphère de l'optoélectricité et même formé une nouvelle section. Il n'a pas été consulté au sujet de cette expansion et on ne lui a pas demandé d'y

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participer d'aucune façon. La nouvelle section a été mise sur pied sous la direction de M. Normandin, chef de section. Ce scientifique avait moins d'ancienneté que M. Grover. En plus de créer une nouvelle section, le CNR s'est associé à un consortium qui impliquait une collaboration avec l'industrie à l'échelle nationale. Cela exigeait un financement de plusieurs millions de dollars et c'est M. Laubitz qui était chargé principalement de s'occuper de ce projet de consortium. M. Grover n'a, à aucun moment, été autorisé à participer à ce projet de consortium, de quelque manière que ce soit, pour y collaborer, donner son avis ou en discuter.

Durant toute l'année 1988, M. Grover a tenté d'entreprendre ses activités de recherche. Il a éprouvé beaucoup de difficulté à acheter une pièce dont il avait besoin. Les délais et le retrait de l'approbation qu'a subis M. Grover étaient difficiles à comprendre. Dans son budget pour l'exercice 1988-1989, il avait obtenu l'approbation du matériel. En octobre 1988, on lui a finalement dit d'en faire l'acquisition, mais il a ensuite appris que M. Vanier avait fait arrêter l'achat. La demande a finalement été autorisée en janvier 1989, après un long délai.

Au début de mars 1989, M. Grover a appris que ses activités avaient de nouveau été réduites par suite de restrictions budgétaires.

Malgré les diverses propositions qu'avait préparées M. Grover et dans lesquelles il donnait les grandes lignes des activités concernant l'holographie, nous constatons que le 23 mars 1989, M. Bedford refusait tout appui aux activités touchant l'holographie. Il invoquait les raisons suivantes: on ne pouvait discerner dans la proposition aucun impact, aucun progrès, aucun objectif, aucune description de projet ni résultat prévu.

Le tribunal a lu les diverses propositions en cette matière qu'a préparées M. Grover. Nous sommes d'avis que la note de service de M. Bedford en date du 23 mars 1989 est difficile à comprendre en ce qui a trait aux activités concernant l'holographie. Nous en concluons toutefois qu'un membre de la haute direction lui avait donné l'ordre de restreindre à nouveau les activités de M. Grover. En mars 1989, les activités de recherche de M. Grover auxquelles des fonds étaient affectés ont été limitées à la sensitométrie, qui représentait environ dix pour cent de ses travaux de recherche. D'après le témoignage de M. Grover, les restrictions de ses recherches l'ont obligé à diminuer ses publications. Les répercussions sur sa carrière ont été considérables. Il est apparu évident au présent tribunal, sur le vu du témoignage de M. Cowan, que le statut, le prestige, voire le progrès d'un scientifique dans ce domaine sont directement fonction de sa capacité de publier des rapports, des textes et des exposés sur ses recherches et de participer et d'assister à des conférences de chercheurs.

Le tribunal conclut qu'à partir du début de 1986, quand M. Grover est revenu à plein temps au CNR, jusqu'en 1990, ses activités de recherche et les fonds attribués à ses activités ont été diminués et systématiquement restreints par la direction du CNR. Les effets de leurs actions sur sa carrière étaient évidents et dévastateurs.

Un nombre imposant de témoignages ont été présentés durant la présente audience au sujet du calcul erroné des années d'expérience pertinente (AEP) de M. Grover et de la tendance systématique vers des propositions d'avancement progressivement moins favorables. Le tribunal est grandement redevable à Sally Deihl, agent de recherches du service de

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recherches du CNR. Son travail consistait principalement à faire des recherches exigées par les négociations collectives et les questions de rémunération. M. Grover faisait partie de l'unité de négociation sur laquelle portaient ses recherches. Elle a préparé les diagrammes, les tableaux et les graphiques qui sont contenus dans la pièce C-3.

Mme Deihl a témoigné que, lorsque M. Grover a été recruté par le CNR, on lui avait crédité quatorze années d'expérience pertinente, soit la combinaison de son expérience de travail et de ses études. A ce moment-là, le salaire correspondant à quatorze AEP était de 34 415 $. Immédiatement après son embauchage, une nouvelle convention a été négociée, comportant une augmentation salariale. Constituent pour elle des augmentations salariales celles qui sont négociées et celles que représentent des propositions d'avancement rentrant dans diverses catégories. La catégorie 4 indique qu'une personne progresse plus vite que le taux moyen et que son rendement dépasse la moyenne. M. Grover appartenait à la catégorie 4 environ un an après son embauchage.

Après une année et demie d'avancement accéléré, M. Grover a été promu à une catégorie de chercheurs principaux et son salaire a été fixé à 52 129 $. A compter de ce moment-là, toutefois, excepté pour une promotion additionnelle, toutes les augmentations de salaire qu'il a reçues ont résulté désormais des nouvelles conventions négociées pour tout employé par opposition aux augmentations attribuables à un avancement accéléré.

Mme Deihl a témoigné que M. Grover n'avait obtenu aucune promotion depuis le 1er janvier 1987, autre que les augmentations d'échelon.

Elle a également préparé un diagramme relatif aux AEP et un diagramme montrant la progression salariale, qui constituent la pièce C-3-c. Mme Deihl a témoigné que le salaire de base de M. Grover aurait dû s'accroître naturellement à raison de l'augmentation du nombre de ses AEP.

La pièce C-3 indique un plafonnement des augmentations salariales de M. Grover en décembre 1988. Le témoignage de Mme Deihl illustre par des graphiques que si la rémunération de M. Grover avait augmenté même suivant une échelle normale après 1984, ses hausses salariales à la date de la présente audience auraient dû être beaucoup plus importantes, surtout si l'on tient compte de l'augmentation de ses AEP qui lui a apparemment été créditée en 1986, sans qu'il en soit avisé. Le tribunal ne peut que conclure que M. Grover a été victime d'un traitement incorrect tant du point de vue des propositions d'avancement que sur le plan des augmentations de salaire conformes aux échelons prévus.

Pour ce qui est des propositions d'avancement, la preuve indique clairement un réduction progressive et systématique tant du détail que de la qualité des propositions que la direction a présentées à l'égard de M. Grover. Diverses propositions d'avancement et une documentation connexe sont contenues dans la pièce HR-2, onglet 2.

Durant les premières années de la carrière de M. Grover, au moins jusqu'en 1985, les propositions d'avancement qui le concernaient ont été formulées par M. Wyszecki, après qu'il eut consulté ce dernier. Cette pratique, qui consiste à discuter une proposition d'avancement possible avec le candidat, afin de veiller à ce que tous les renseignements pertinents soient fournis au nom du candidat, n'est pas suivie uniformément par tous les chefs de section. De l'avis du tribunal, cette pratique qui a

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depuis été abandonnée par le CNR encourageait une discrimination qui était cachée et systémique.

M. Willis a témoigné avoir essayé pendant quelques années de persuader la direction du CNR de changer de méthode d'évaluation de carrière, mais sans succès.

L'examen des diverses propositions d'avancement confirme encore une fois aux yeux du tribunal que la direction du CNR, en particulier M. Laubitz et M. Preston-Thomas, cherchait systématiquement à diminuer l'envergure de M. Grover et à nuire à sa carrière. A partir de 1982, soit environ un an après que ce dernier se fut joint au CNR, M. Wyszecki a fait la proposition d'avancement suivante:

[TRADUCTION]

«M. Grover s'est joint à la Section d'optique il y a environ un an, déjà reconnu comme étant un chercheur expérimenté et qui a du succès en électro-optique. Il répond à nos attentes de façon très satisfaisante pour ce qui est de renforcer nos activités de recherche en optique et peut-être d'en élargir le champ. Grover montre des connaissances et une compétence nettement supérieures dans de nombreuses branches du domaine de l'optique. Il a pris l'initiative de la reconstruction de nos installations d'optique en vue de la mise en place d'un nouveau programme d'optique axé sur l'électro-optique. Les premières études de Grover portent sur l'holographie, les interférences en lumière diffuse et le traitement optique des images. Il a aussi entrepris d'étudier les instabilités électro-hydrodynamiques dans les prismes de cristaux liquides nématiques. Grover est un chercheur énergique, bien organisé et disposé à coopérer avec les autres chercheurs de notre laboratoire ainsi qu'avec les chercheurs de l'extérieur, notamment avec les opticiens de l'Université Laval. Il est nettement de calibre SRO et devrait être classé rapidement à ce niveau.»

La proposition d'avancement de 1984 est contenue dans la pièce HR-3, onglet 2-14. Les extraits de cette proposition formulée par M. Wyszecki en consultation avec M. Grover indiquent encore clairement la progression de la carrière de M. Grover. Voici des remarques tirées de cette proposition:

[TRADUCTION]

«Grover S'Est Joint Au Cnr En 1981 Et Est Devenu Rapidement Notre SpÉCialiste Principal En Optique Moderne, Surtout Dans Le Domaine Important Et En Plein Essor De L'ÉLectro-Optique, De L'Holographie, Des Capteurs Optiques, Des Dispositifs À Optique IntÉGrÉS. Ses Recherches Ont ÉTÉ Reconnues À L'ÉChelle Nationale Et Internationale, SpÉCialement Ses Contributions Originales À L'Holographie En LumiÈRe Blanche [...]

Grover a obtenu un rendement supérieur en tirant profit de connaissances remarquables, approfondies et diversifiées, en optique [...]

Il est nettement un chercheur brillant dont les chances d'atteindre un jour le niveau P.R.O. sont excellentes [...]

En reconnaissance des réalisations de Grover, il est recommandé qu'il soit promu au niveau S.R.O. dans un délai moins long que le temps que prend l'employé moyen: 18 mois au lieu de 24.»

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Dans les documents qui renferment l'évaluation détaillée de M. Grover pour la proposition de 1984, ses diverses compétences sont qualifiées soit d'excellentes ou très bonnes, soit de bonnes. La qualité de sa recherche et sa capacité de résoudre des problèmes, le niveau et l'étendue de ses connaissances scientifiques et son aptitude à planifier sont tous jugés excellents. Il est clair pour le présent tribunal que, par comparaison avec M. Laubitz, M. Preston-Thomas et M. Vanier, M. Wyszecki et M. Cowan ont apprécié de façon très différente les compétences de M. Grover. Cowan a témoigné que feu M. Wyszecki, scientifique de renommée mondiale, avait vraiment la pénétration qui permet de juger les gens et d'évaluer les aptitudes, et qu'il avait soutenu la carrière de bien d'autres jeunes scientifiques. Il tenait manifestement Grover pour un scientifique au-dessus de la moyenne, fait que M. Laubitz et M. Preston-Thomas ont refusé d'admettre durant leur témoignage. Tout au plus ont-ils bien voulu reconnaître que M. Grover était peut-être un bon scientifique.

Étant donné l'opinion que ces dirigeants du CNR avaient de M. Grover, il n'est pas difficile de voir que l'avancement du plaignant en 1986 a été radicalement différent de son avancement en 1982 et 1984.

Répétons-le, lorsque M. Grover est revenu à plein temps au CNR, il a été sous la direction de M. Laubitz, dont l'adjoint était M. Preston-Thomas.

M. Laubitz a témoigné qu'il avait destitué M. Robertson du poste de chef de section en 1986 en raison des problèmes que posait son style de gestion et, en particulier, des problèmes qu'il avait avec M. Grover et M. Cowan.

M. Laubitz a aussi témoigné que l'une des raisons principales pour lesquelles il avait affecté M. Grover au bureau du directeur en janvier 1987 était sa volonté de le séparer de M. Robertson. Malgré ces préoccupations, M. Robertson a été chargé de préparer les premiers documents pour la proposition d'avancement de M. Grover en 1986. Ses remarques introductives se trouvent dans la pièce R37, à la p. 229, où il donne dans une note de service envoyée à M. Vanier, en date du 2 septembre 1986, cette description de M. Grover:

[TRADUCTION]

«M. Chander Grover est un membre de la Section de photométrie et de radiométrie depuis 1981. Il est notre spécialiste principal en optique moderne (holographie, interférométrie, capteurs à fibres optiques et matériaux d'électro-optique). Il est un scientifique exceptionnellement productif qui ne devrait avoir aucune difficulté à atteindre le dernier échelon du niveau agent principal de recherche.»

Puis, il conclut:

«Vu ses contributions continues, je recommande que M. Grover soit promu à l'échelon suivant du niveau agent principal de recherche.»

Au volume 11, à la p. 1638, M. Laubitz a témoigné que M. Preston-Thomas avait modifié la proposition d'avancement de M. Robertson sous des aspects importants. Au lieu de la formulation préliminaire de M. Robertson:

«Il est notre spécialiste principal en optique moderne»,

M. Preston-Thomas écrit:

«Il est un spécialiste de l'optique moderne.»

Puis, M. Robertson conclut:

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«Il est un scientifique exceptionnellement productif qui ne devrait avoir aucune difficulté à atteindre le dernier échelon du niveau agent principal de recherche».

M. Preston-Thomas reformule ainsi:

«Grover est un scientifique productif qui devrait atteindre le dernier échelon du niveau agent principal de recherche».

Il est évident aux yeux du présent tribunal que la reformulation de Preston-Thomas (par suppression de spécialiste principal, exceptionnellement productif, aucune difficulté) était une modification voulue et totalement inutile d'une description par ailleurs juste des aptitudes et du statut de M. Grover. Le tribunal n'accepte simplement pas l'explication qu'a donnée M. Preston-Thomas de ces changements (tirée du volume 18, à la p. 3127). Ironiquement, en revanche, dans la proposition d'avancement de M. Grover de 1988, les remarques introductives sont totalement dépourvues de toute description des compétences de M. Grover.

Voici le début de ces remarques: durant les deux dernières années, les activités de recherche de M. Grover ont été interrompues par des changements de structure à la Division de physique.

La seule recommandation faite en 1988 était fondée sur son dossier des dernières années et portait sur la promotion à un échelon du niveau SRO en janvier 1989.

Après avoir examiné la documentation relative aux propositions d'avancement de 1982 à 1989 ainsi que les témoignages de MM. Vanier, Laubitz, Preston-Thomas et Bedford, le tribunal conclut que les modifications apportées après 1986 aux propositions d'avancement étaient voulues et visaient à décrire M. Grover comme un scientifique au-dessous de la moyenne. Les modifications devaient avoir pour résultat d'arrêter brusquement la progression de sa carrière.

Quant à la proposition d'avancement de 1988, le présent tribunal ferait observer que la preuve relative à sa préparation et à son utilisation peut être qualifiée au mieux de bizarre.

En janvier 1989, M. Grover a eu certaines réunions avec son chef de section, M. Bedford, au sujet de sa promotion. Ces réunions ont apparemment eu lieu les 6 et 9 janvier; M. Grover a alors exprimé son inquiétude à propos du manque de détails concernant le refus de son avancement. Il a fait valoir à ce moment-là que ni M. Bedford, son chef de section, ni M. Preston-Thomas ne lui avaient demandé de participer à l'évaluation de son rendement et de faire état de ses titres universitaires, de ses recherches ou de données pertinentes. Apparemment, il a aussi été question de son avancement et ils ont discuté d'une manière générale des craintes de harcèlement qui auraient fondé en partie les présentes plaintes. Il faut noter que durant le même mois, le président du CNR, M. L. Kerwin, a été avisé par une lettre du 19 janvier que la Commission canadienne des droits de la personne avait décidé de faire enquête sur les plaintes de M. Grover. Les inquiétudes de M. Grover sont exposées en détail dans une note de service adressée à M. Bedford. Cette note a été suivie d'une autre, datée du 1er février 1989. (Ces notes de service constituent la pièce HR-38, aux p. 39 et 422, respectivement.) En tout, M. Grover a envoyé à M. Bedford trois notes distinctes en janvier.

Qu'il suffise de dire qu'il a clairement soulevé auprès de M. Bedford la question des précisions sur le refus de promotion et que ce dernier a promis d'établir les faits justifiant le refus d'approbation de la

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proposition d'avancement. Il a répondu en détail à la note de M. Grover par une note de service datée du 10 février 1989 (pièce R-38, à la p. 436).

Dans sa note de service en date du 10 février 1989, M. Bedford indique qu'il avait recommandé qu'une augmentation de salaire soit versée à M. Grover en janvier 1989. Les directeurs avaient accepté d'appuyer une demande de promotion. Il reconnaît que certains documents qu'il a préparés ont probablement été modifiés par M. Preston-Thomas, qui a fait en sorte qu'ils soient conformes aux exigences de la direction. Répétons-le, les modifications apportées par M. Preston-Thomas étaient destinées, de l'avis du tribunal, à réduire au minimum les possibilités de promotion de M. Grover et de les contrecarrer.

Il faut conclure que ni M. Preston-Thomas, ni M. Laubitz n'ont fourni à M. Bedford les raisons du refus de la proposition d'avancement.

Jill Baker, agent administratif de la division, en réponse à la demande de M. Bedford, explique dans une note de service portant la même date que la note de service de M. Bedford, soit le 10 février 1989, quelle est la façon de procéder au CNR en matière d'avancement.

Le 21 mars 1989, M. Grover a demandé par note de service adressée à M. Bedford une copie de tous les documents qu'il avait préparés et soumis aux directeurs en vue de la promotion donnant droit à une augmentation de salaire. Le 10 avril 1989, M. Bedford a répondu par note de service qu'il [TRADUCTION] n'avait pas de copie des projets qu'il avait soumis aux directeurs relativement à l'augmentation de salaire, ni la proposition définitive qui a été présentée au comité d'avancement. M. Grover a répondu par note de service datée du 21 avril qu'il serait reconnaissant à M. Bedford de se procurer les dossiers contenant les documents, car il savait que ces documents [TRADUCTION] étaient conservés dans le micro-ordinateur de la section. Ou encore, lui a-t-il suggéré, M. Bedford pouvait demander une copie à la secrétaire préposée aux archives électroniques de la section. M. Bedford a répondu par une note de service datée du 2 mai 1989 qui renfermait entre autres le passage suivant:

[TRADUCTION]

«Je n'ai pas de copie de ces documents; ils n'ont pas non plus été conservés dans le micro-ordinateur de la section. Je me suis adressé aux directeurs; ils n'ont pas non plus de copie de mes projets. L'agent administratif de la division (non souligné dans le texte original) m'a informé qu'une copie du dossier d'avancement était versée au dossier individuel de l'employé. Dans ce cas, si vous voulez, il vous est loisible d'y consulter le dossier d'avancement qui a été présenté par la division au comité d'avancement.»

Il convient de noter qu'en l'occurrence l'agent administratif de la division est Jill Baker.

Compte tenu du contexte fourni par ces divers documents et notes de service, le tribunal a entendu, au sujet de la façon dont le CNR intimé s'est occupé de l'avancement de M. Grover, des témoignages qui l'ont inquiété, et qui, en fait, ont confirmé ses conclusions sur le fait qu'on a défavorisé M. Grover. Celui-ci a témoigné qu'en janvier 1989, il était dans le bureau d'une nommée Gloria Dumoulin, secrétaire de la Section de photométrie et de radiométrie. A ce moment-là, il a remarqué à l'écran de son micro-ordinateur certains mots le concernant, savoir [TRADUCTION] promotion de C.P. Grover. M. Grover a demandé à Mme Dumoulin une copie de la recommandation et elle lui a dit qu'il devait obtenir la permission de M. Bedford pour qu'une copie pût être faite. M. Grover a demandé à

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M. Bedford les documents relatifs à sa proposition d'avancement et l'échange de notes de service susmentionné s'est ensuivi. Pour l'essentiel, ces notes disaient que M. Bedford n'avait pas la proposition d'avancement, qu'elle n'était pas dans le micro-ordinateur et que ni M. Laubitz, ni M. Preston-Thomas ne pouvaient la fournir, mais qu'elle pouvait se trouver dans le dossier individuel de M. Grover.

Ray Fink, technicien qui travaillait avec M. Grover à certains de ses travaux, était avec celui-ci quand il a vu les informations sur l'écran du micro-ordinateur de Mme Dumoulin. Ray Fink n'a pas été cité à comparaître dans la présente instance. M. Grover a témoigné en outre qu'au début de mai, Mme Dumoulin l'avait informé qu'elle avait retiré les informations de son micro-ordinateur. Elle a aussi témoigné que l'agent administratif Jill Baker l'avait convoquée à son bureau pour lui dire de lui remettre la disquette d'ordinateur contenant les renseignements sur la promotion. Il importe pour comprendre ce témoignage de remarquer que M. Grover avait déjà reçu la note de service de M. Bedford du 2 mai avant que l'on ait demandé à Mme Dumoulin de rendre la disquette. Gloria Dumoulin a témoigné et son témoignage a été très peu convaincant. Elle a reçu un subpoena de Me Bennett, avocat de M. Grover. Son témoignage a été évasif, contradictoire, et n'a que contribué à rendre cet incident plus bizarre. Elle a témoigné qu'elle était la secrétaire de MM. Bedford et Embleton. Elle a dit se souvenir que M. Grover était venu dans son bureau et avait regardé son écran. Elle ne se rappelait pas quel mois c'était.

Elle a témoigné qu'on lui avait demandé plus tard de copier sur une disquette les données concernant la promotion qu'elle avait entrées dans son ordinateur et de remettre la disquette à Mme Jill Baker. Bien qu'elle ne se soit pas souvenue à quel moment on le lui avait demandé, elle était certaine que c'était Jill Baker et que c'était en 1989. Elle a témoigné que, lorsque M. Grover lui avait demandé ensuite une copie de la proposition d'avancement, elle lui avait dit qu'elle ne l'avait plus, mais qu'elle était en la possession de Mme Baker. Elle a dit l'avoir remise en main propre à Mme Baker dans son bureau. Elle a en outre témoigné avoir vu Mme Baker prendre la disquette et la ranger dans son coffre-fort. Quand on lui a demandé si elle se souvenait avoir jamais acquiescé à une telle demande dans le passé, elle a dit ne pas s'en souvenir.

A propos du même incident, on a demandé à Mme Dumoulin de se rappeler la réunion à laquelle assistait Lorraine Collette, conseillère en droits de la personne, et durant laquelle elle a apporté la disquette au bureau de Jill Baker. Mme Dumoulin est devenue très méfiante quand on lui a parlé de la présence de Lorraine Collette et, quand Me Bennett l'a interrogée, elle a nié l'existence d'une telle réunion. Me Bennett avait interrogé Mme Dumoulin chez elle et était assisté d'une étudiante en droit, nommée Clare Barcik. Me Bennett avait alors montré à Mme Dumoulin une déclaration dont elle aurait fait part à M. Grover, au sujet de la réunion de Mme Baker et de Lorraine Collette. Cette déclaration aurait été faite par Mme Collette quand Mme Dumoulin a apporté la disquette au bureau de Mme Baker et elle aurait consisté dans ceci:

[TRADUCTION]

«Vous pouvez soutenir la cause de Grover et la direction pourra vous congédier tous les deux en même temps.»

Clare Barcik a témoigné au sujet de la réunion avec Mme Dumoulin à son domicile. Mme Barcik a témoigné d'une manière franche et directe et le tribunal a été impressionné par la clarté de ce témoignage. Mme Barcik

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a témoigné que Dumoulin lui avait dit qu'elle avait peur de témoigner parce qu'elle devrait témoigner contre ses supérieurs et qu'elle avait beaucoup d'inquiétude au sujet de sa sécurité d'emploi. Nous devons faire remarquer que, d'après le comportement de Mme Dumoulin à la barre, elle avait manifestement peur de représailles de son employeur malgré les assurances que lui avaient données des membres du tribunal qu'elle devait dire la vérité et ne pas craindre de sanctions de son employeur. Elle a dit aussi à Mme Barcik et à Me Bennett qu'elle craignait de ne plus avoir de promotion si elle témoignait. Elle craignait surtout de témoigner contre Jill Baker car sa propre sécurité d'emploi était en jeu.

Mme Barcik a passé en revue le contenu de la discussion relative à la réunion entre Mme Dumoulin, Lorraine Collette et Mme Baker.

Mme Barcik a témoigné que Mme Dumoulin ne s'était pas souvenue d'abord de la déclaration, mais quand la question lui a été posée une seconde fois, elle a dit que ce que Lorraine Collette lui avait dit dans son bureau à ce moment-là ne concernait que Lorraine Collette et elle-même, et qu'elle craignait beaucoup de dire quelque chose contre ses supérieurs à l'audience devant le tribunal.

Jill Baker a témoigné à la demande du présent tribunal étant donné la nature inhabituelle de ce témoignage de Mme Dumoulin. Jusqu'à ce point de l'audience, Mme Baker avait assisté l'avocat Donohue dans la préparation de la preuve de l'intimé. Après qu'elle a témoigné, l'intimé a mis fin à sa participation et lui a retiré le titre auquel elle agissait devant le tribunal. Le tribunal a jugé qu'on ne pouvait absolument pas ajouter foi à son témoignage.

Elle a témoigné qu'elle avait reçu un appel de Mme Dumoulin en avril ou en mai 1989. Dumoulin était apparemment plongée dans l'affliction et lui a dit que M. Grover avait vu sur l'écran sa proposition d'avancement qu'elle avait tapée en janvier 1989. Mme Baker a témoigné que Mme Dumoulin était dans tous ses états; elle lui a donné l'ordre d'aller voir M. Bedford. Puis, elle a dit que Mme Dumoulin lui avait demandé si elle pouvait venir la voir; Mme Baker a accepté. Elle a témoigné que Mme Dumoulin était très inquiète au sujet de M. Grover et qu'elle devenait apparemment un peu hystérique.

Quand on l'a interrogée au sujet de la déclaration de Mme Dumoulin selon laquelle Mme Baker lui avait demandé d'apporter la disquette, cette dernière a dit au tribunal que c'était complètement faux.

Les documents concernant la promotion qu'elle a dit avoir obtenus de Mme Dumoulin avaient déjà été versés au dossier individuel de M. Grover.

Elle a expliqué que les documents originaux relatifs à la proposition d'avancement comprenaient environ trois pages, c'est-à-dire les renseignements de base ayant servi à la rédaction des deux premières pages de la proposition d'avancement. Elle a dit que la pièce R-11, aux p. 1 et 2, serait contenue dans le dossier individuel de M. Grover.

Mme Baker a témoigné que, lorsqu'elle a vu que Mme Dumoulin était bouleversée, elle lui avait dit ce qui suit:

[TRADUCTION]

«Écoute, Gloria, si cela t'inquiète tant que cela, pourquoi ne le mets-tu pas sur une disquette, que tu me remettras, et je vais la laisser dans un tiroir jusqu'à ce que les gars règlent leurs problèmes.»

Apparemment, les gars s'entendait de M. Grover et de M. Bedford et peut-être de M. Laubitz et de M. Preston-Thomas. Ce témoignage de

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Mme Baker ne concordait pas avec les déclarations faites par M. Bedford dans ses notes de service précitées, ni ne les confirmait. Jill Baker avait en sa possession les renseignements que demandait M. Grover depuis un certain temps avant que M. Bedford ne lui ait demandé des précisions sur les documents relatifs à la proposition. Elle a témoigné de plus qu'elle n'avait pas placé la disquette dans un coffre-fort, mais dans un petit classeur, et qu'elle avait dit à Mme Dumoulin qu'elle pourrait la récupérer quand les problèmes auraient été réglés. Elle a nié que Lorraine Collette ait été présente quand Mme Dumoulin était dans son bureau. A cet égard, elle a témoigné comme suit durant l'audience (volume 6, à la p. 702):

[TRADUCTION]

«LE PRÉSIDENT: Lorraine Collette a-t-elle jamais été présente?

LE TÉMOIN: Non. Lorraine a un bureau dans un autre immeuble. Elle n'aurait eu aucune raison de s'y trouver pour ce genre de chose qui ne concernait que la division. Il s'agissait en quelque sorte de faire tenir Gloria tranquille.» (Gloria désigne Gloria Dumoulin.)

Quand on lui a demandé ce que voulait dire faire tenir Gloria tranquille, elle a témoigné que c'était parce qu'elle était excitée, qu'elle prenait cela à coeur et que cela était malsain. Quand on a insisté sur la question, Baker et Mme Goldhar, membre du tribunal, ont échangé les mots suivants (à la p. 703):

[TRADUCTION]

«MME GOLDHAR: Faire tenir tranquille. Je me demande à qui cela s'adressait.

LE TÉMOIN: Non, non. Je n'aurais pas dû dire cela. C'est une façon de parler, mais quand Gloria s'excite, nous tentons de la calmer. Nous avons essayé de la mettre à l'abri de tout problème.»

Quand les membres du tribunal ont insisté sur la question, Mme Baker n'a pas pu donner dans son témoignage de raison convaincante pour laquelle Mme Dumoulin aurait dû être stupéfiée ou étonnée que M. Grover ait vu sa proposition et ait demandé une copie de celle-ci. En effet, elle a déclaré que M. Grover aurait dû pouvoir en obtenir une en s'adressant à M. Bedford. On lui a demandé pourquoi M. Grover ne pouvait pas avoir une copie et elle a répondu que ce document appartenait à M. Bedford. Elle a aussi témoigné que Gloria Dumoulin aurait tapé d'autres propositions d'avancement dont le contenu aurait pu être sur son écran. On a demandé en outre à Mme Baker si, étant donné que l'affaire intéressant les Droits de la personne avait commencé par une lettre de la Commission en date de janvier 1989, cela aurait changé quelque chose à la réaction de Mme Dumoulin à la demande de M. Grover et elle a répondu que cette dernière prenait peut-être cette affaire trop à coeur.

Mme Baker a alors été contre-interrogée sur un point très important relatif à sa crédibilité. Au volume 6, à la p. 710, elle a témoigné que M. Grover n'avait qu'à demander à consulter son dossier individuel pour voir la proposition d'avancement originale. Quand on lui a montré la pièce C-1 et en particulier la note de service du 21 avril 1989, envoyée par Grover à Bedford, elle a nié l'avoir jamais vue. Elle a fait ce témoignage en dépit du fait qu'elle a été associée de près à la préparation de la preuve de l'intimé en vue de la présente audience. Elle a aussi nié avoir jamais parlé à M. Bedford du fait que M. Grover voulait consulter les documents relatifs à sa proposition d'avancement. Elle a

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aussi nié avoir parlé à Lorraine Collette de la preuve et des notes de service concernant la demande de M. Grover. On lui a ensuite posé des questions au sujet de la note de service adressée à M. Grover par M. Bedford en date du 2 mai 1989, dans laquelle il a dit qu'il n'avait pas de copie des documents et qu'ils n'avaient pas été conservés dans le micro-ordinateur de la section. Quand on lui a demandé comment M. Bedford aurait appris ce fait, à moins d'avoir parlé à Baker ou à Dumoulin, elle a répondu qu'elle ignorait quelle était sa source d'information. Elle a nié que M. Bedford lui ait posé des questions au sujet des renseignements contenus dans le micro-ordinateur; il ignorait qu'il y avait une disquette.

Les propos qui suivent et qui ont été échangés avec Jill Baker lors de son interrogatoire ont confirmé ensuite le type de traitement discriminatoire dont M. Grover a été l'objet de la part de l'intimé et de ce témoin, et qui tendait à le défavoriser. Cet échange se trouve au volume 6, à la p. 716:

[TRADUCTION]

«Q. Et je présume que Gloria Dumoulin était bien au courant de votre position au Conseil national de recherches?

R. Oui.

Q. Et vous voulez nous faire croire ce matin que vous ne lui avez pas demandé de vous donner cette disquette?

R. Oui.

Q. Avez-vous jamais demandé à une secrétaire de vous donner une copie d'une disquette?

R. Non.

Q. Avez-vous jamais retenu des propositions d'avancement d'un autre scientifique?

R. Sous quelle forme? J'ai des copies de toutes les promotions. J'ai des copies de toutes les promotions.

LE PRÉSIDENT: La disquette dans votre tiroir.

LE TÉMOIN: Non.

Interrogée au sujet des raisons pour lesquelles elle n'avait pas informé M. Grover du rajustement de ses AEP en 1986, et en outre des raisons pour lesquelles il ne l'avait appris qu'en 1989, en examinant son dossier individuel, elle a dit au tribunal que M. Grover aurait dû savoir qu'elle l'avait fait. Quand on a insisté pour savoir comment il aurait pu l'apprendre, à moins d'en être informé par elle, elle a dit qu'il aurait dû le lui demander et elle le lui aurait dit. Elle n'a pas donné d'explication quant à cette façon de traiter M. Grover. Au surplus, elle n'a pas donné d'explication plausible de tout cet épisode concernant la proposition d'avancement de 1988-1989 et la confiscation qu'elle a faite de la disquette de Gloria Dumoulin. Le présent tribunal ne peut simplement pas accorder la moindre crédibilité à son témoignage et est d'avis que son témoignage est en grande partie faux.

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On a demandé à M. Bedford à qui il avait demandé des renseignements pour savoir où se trouvait son projet de proposition concernant M. Grover. Il a témoigné qu'il avait demandé à MM. Preston-Thomas et Laubitz et à Mme Baker s'ils avaient des copies. Ils ont tous dit ne pas en avoir, mais à aucun moment, Jill Baker n'a dit à M. Bedford qu'elle possédait une disquette contenant les documents de M. Grover rangée sous clef dans son bureau. Nous ne pouvons tirer qu'une seule conclusion de tous ces témoignages relatifs à cet incident: la possibilité que M. Grover apprenne, d'une part, que sa proposition d'avancement initiale avait été appuyée par M. Bedford et, d'autre part, que dans le dossier définitif de sa promotion, modifié par M. Preston-Thomas, son avancement était refusé, était un sujet d'inquiétude pour Jill Baker, M. Laubitz et M. Preston-Thomas.

En juin 1989, M. Grover a été élu fellow de l'Optical Society of America. Cette récompense est apparemment réservée à ceux des membres de la Society qui se sont hautement distingués dans le domaine des sciences optiques. Le nombre de fellows est apparemment limité à environ dix pour cent du nombre total des membres, lequel est de plusieurs milliers.

M. Bedford avait appris la nomination de M. Grover et en fait l'en avait félicité. Cette nomination remarquable n'avait cependant pas été annoncée dans le journal interne du CNR Sphère. Un collègue de M. Grover au CNR, Paolo Cielo, a aussi été nommé fellow de l'Optical Society of America en septembre 1989 et sa photo a été publiée dans le magazine accompagnée d'un article qui fait ressortir le caractère prestigieux de cette récompense.

Cet article constitue la pièce HR-3, onglet 31. Selon l'intimé, toutes les récompenses ne sont pas mentionnées dans Sphère. Le tribunal estime que cette explication n'est qu'un prétexte.

M. Grover a témoigné qu'avant son retour à plein temps à la Division de physique, sous la direction de M. Laubitz en 1986, il avait normalement la possibilité de travailler avec des scientifiques visiteurs et des étudiants l'assistaient dans ses recherches durant l'été. Comme on l'a vu plus haut, la possibilité de collaboration avec des scientifiques visiteurs et des étudiants a été réduite radicalement après 1986. En 1989, M. Grover s'est vu refuser les services d'un étudiant pour l'été et a déposé un grief qui a été entendu au dernier palier par M. Leddy. La réponse de ce dernier au grief constitue la pièce R-38; à la p. 536, il décide le grief en faveur de M. Grover et lui accorde cinq mois-personnes à l'égard d'un étudiant pour l'été. La réponse à ce grief est datée du 27 septembre 1989. De tous les griefs que M. Grover a déposés entre 1986 et 1990, c'est l'un des rares que M. Leddy ait tranchés en faveur de M. Grover. Malheureusement, malgré la décision favorable, M. Grover s'est fait dire par Jill Baker qu'il devait utiliser les cinq mois-personnes avant la fin de l'exercice, soit le 31 mars 1990. M. Grover n'aurait évidemment pas été en mesure d'utiliser les services de l'étudiant pour l'été parce que cette période commençait longtemps après le 31 mars 1990.

Dans une note de service qu'elle a envoyée à M. Grover, Jill Baker répète que les cinq mois-personnes doivent être utilisés avant le 31 mars 1990.

M. Grover a parlé à Mme Berndt, employée du service du personnel du CNR chargée des emplois d'été pour étudiants, et lui a demandé de vérifier si la note de service de Mme Baker ne comportait pas d'erreur car la décision de M. Leddy ne précisait pas que les mois-personnes devaient être utilisés avant le 31 mars 1990. Mme Berndt a envoyé une note de

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service à M. Leddy qui a répondu que sa décision ne fixait pas de délai, mais qu'il espérait qu'on y donnerait suite durant l'année. En fin de compte, M. Grover a obtenu un étudiant pour l'été. Le fait que M. Grover ait dû tout d'abord déposer un grief pour obtenir les services d'un étudiant et ait ensuite reçu la directive de Jill Baker (qui était nettement mal fondée dans ce contexte) a confirmé encore une fois aux yeux du présent tribunal que l'on continuait de défavoriser le plaignant en cours d'emploi.

Le 29 janvier 1990, M. Grover a reçu par télécopieur de M. Kay Matsuda du Japon une invitation à un atelier tenu au Japon du 25 au 31 mars, qui était destiné à encourager la collaboration entre le Canada et le Japon en matière de recherche. Ce programme était organisé par le Science and Technology Agency du Japon. Le gouvernement japonais devait payer tous les frais de déplacement et de séjour. M. Grover devait répondre immédiatement s'il était en mesure d'y assister. La lettre d'invitation se trouve dans la pièce R-38, à la p. 546.

M. Grover est entré immédiatement en contact avec son chef de section, M. Bedford, et après en avoir discuté avec lui, il a donné une acceptation provisoire qu'il a confirmée par téléphone. Dans une note de service datée du 29 janvier 1990, il a demandé à M. Bedford d'obtenir l'approbation du président pour le voyage avant le 7 février 1990.

L'approbation a été donnée le 31 janvier 1990. M. Grover a reçu une lettre du ministère des Affaires extérieures et du Commerce extérieur du Canada le 28 février 1990 rédigée par Stuart Wilson, agent du Ministère pour la Science et la Technologie. Cette lettre contenait un énoncé des objectifs des ateliers conjoints Canada/Japon, ainsi que des attentes à cet égard, et elle précisait ce qu'on attendait de M. Grover et de tout autre participant. Entre autres, elle disait que les participants devaient être prêts à discuter des activités de recherche pertinentes que leur propre institut serait à même d'exercer et à donner un aperçu des activités en cours au Canada dans leur domaine de spécialité. En substance, cette lettre disait donc que le participant à l'atelier devait être prêt à discuter des activités générales dans sa sphère et s'être préparé en conséquence. Il ne s'agissait pas d'une conférence ou d'un atelier auquel on assiste comme simple auditeur.

Le 7 mars, M. Grover a donc fait parvenir à M. Bedford une note de service qui se trouve dans la pièce HR-38, à la p. 557 et qui donne un aperçu de la nature et du but de l'atelier. Il a demandé en outre à M. Bedford de lui fournir des renseignements sur les programmes de recherche de la division et du CNR dans les domaines pertinents par rapport à l'atelier. Il a décrit ensuite les divers aspects des travaux en optique sur lesquels il aurait souhaité être renseigné. Il a conclu en disant qu'il aurait aimé être mis au courant des travaux dans ces divers domaines de façon à représenter le mieux possible le CNR à l'atelier. La conférence était censée commencer le 25 mars. Le 14 mars, M. Grover n'avait pas reçu de réponse de M. Bedford. Il a envoyé une note de service ce jour-là (pièce HR-38, à la p. 559) et il a répété sa demande de renseignements.

Le 16 mars 1990, M. Grover a reçu une note de service en réponse à ses deux notes précédentes (pièce R-38, à la p. 560). La note de service de M. Bedford était sèche, insensible et, de l'avis du tribunal, dénotait l'intention de réduire au minimum l'importance de la participation de M. Grover à l'atelier. Non seulement la note de service n'offrait aucune

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aide quelle qu'elle soit pour répondre à une demande de renseignements tout à fait légitime de M. Grover, mais encore le ton de cette note était complètement négatif et pas du tout coopératif. Il est difficile de comprendre une telle réponse et cette façon de traiter négativement un collègue scientifique qui s'apprête à participer à un atelier international.

Comme nous l'avons dit dans l'introduction de nos motifs, le tribunal a ajourné cette audience le 16 mai 1990 pour permettre aux parties de discuter le règlement satisfaisant de la plainte. Ce qui s'est passé durant la période d'ajournement, qui a duré jusqu'au 28 janvier 1991, c'est que l'intimé a mis fin aux fonctions de M. Grover. Le tribunal a continué d'entendre d'autres témoins et l'argumentation jusqu'au 24 juin 1991; à ce moment-là, nous avons appris que le renvoi de M. Grover avait été annulé et qu'il avait été réintégré dans un poste tel que proposé dans une lettre de M. Perron en date du 8 août 1990 (pièce HR-29, à la p. 73).

Les faits qui ont abouti à la lettre de M. Perron, ainsi que le renvoi et la réintégration qui s'en sont ensuivis, ont été examinés attentivement et pesés par le présent tribunal. Il a été difficile au tribunal de comprendre ce qui a poussé l'intimé à suivre cette ligne de conduite à l'endroit du plaignant pendant la présente instance. Le façon dont M. Grover a été traité durant cette période n'a servi qu'à confirmer aux yeux du présent tribunal le bien-fondé des plaintes exprimées dans les trois formulaires de plainte.

Il ressort de la preuve que, vers la fin de 1989 et au début de 1990, le CNR a connu une autre période de réorganisation. Le 27 juin 1990, M. Vanier a annoncé au personnel de l'Institut des étalons nationaux de mesure (IENM) qu'une nouvelle structure allait être mise en place. On trouve cette annonce dans la pièce HR-29, à la p. 52. A cet avis était joint un organigramme et le nom de M. Grover figurait dans la Section de photométrie et de radiométrie réorganisée. M. Vanier était le directeur général et M. A.R. Robertson était le chef de service de diverses sections.

M. Bedford était nommé chef de la Section de photométrie et de radiométrie.

M. Grover a témoigné qu'en plus de recevoir cette annonce, il avait assisté à deux réunions, l'une avec M. Clive Willis, vice-président aux Sciences et l'autre avec M. Alan Robertson. Ces réunions ont eu lieu peu après l'annonce faite par M. Vanier. M. Robertson a informé le personnel de l'IENM, dont M. Grover, que le nombre de postes approuvé pour l'IENM était de 95. Par la suite, M. Grover a parlé à M. Robertson vers le 20 juin 1990 et celui-ci lui a dit alors qu'il ne serait pas mis à pied. Apparemment, M. Robertson avait déjà chargé de ce message l'adjoint technique de M. Grover, Ray Fink. Le 20 juin, M. Grover voulait simplement faire confirmer par M. Robertson le message dont il avait chargé Ray Fink, c'est-à-dire qu'il ne serait pas mis à pied.

Le 5 juillet 1990, M. Willis a pris la parole devant une réunion du personnel scientifique de l'IENM. Il a dit qu'il n'y aurait pas d'autres mises à pied à l'Institut et que l'effectif actuel autorisé était de 95 employés et pourrait être porté à 115. A ce moment-là, l'IENM comptait environ 90 employés. M. Willis était le vice-président aux Sciences et l'IENM relevait de lui. En plus d'annoncer qu'il n'y aurait plus de mises à pied, M. Willis a informé le personnel de l'existence de fonds disponibles additionnels, soit onze millions de dollars, et il a

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assuré au personnel qu'il y aurait des fonds suffisants pour les programmes de l'IENM.

M. Grover a également reçu le 16 juillet 1990 un bulletin du président du CNR qui était adressé à tous les employés (pièce HR-29, à la p. 72). Voici un extrait du deuxième paragraphe de ce bulletin:

[TRADUCTION]

«Tout d'abord, je peux vous dire que le CNR a mis un terme au processus requis pour réduire son effectif de 296 postes pour équilibrer son budget pour 1990-1991 et pour atteindre l'objectif fixé dans les réductions à l'échelle du gouvernement en 1985-1986.»

A la lumière des annonces faites par M. Vanier et M. Willis et des assurances données par M. Robertson, il était difficile à M. Grover d'évaluer avec exactitude l'effet et le but de la lettre de M. Perron du 8 août 1990.

Cynthia Sams, agent des relations avec les employés de l'Institut professionnel de la fonction publique, chargée de représenter les employés auprès du CNR, a témoigné que M. Grover était le seul employé qui avait reçu une lettre du président mettant fin à ses fonctions et qui était censée conforme à la politique sur le réaménagement des effectifs du CNR.

C'est un autre exemple de la façon dont M. Grover a été défavorisé en cours d'emploi. Mme Sams a en outre témoigné que la façon dont on avait mis fin aux fonctions de M. Grover différait de la manière dont d'autres personnes avaient été mises à pied. La lettre comportait une annexe A qui était une offre de poste de chercheur à l'IENM. Le paragraphe 3, à la p. 2, de la lettre de M. Perron est ainsi conçu:

[TRADUCTION]

«Veuillez me faire savoir d'ici le 30 août si vous acceptez cette offre. Dans l'affirmative, des discussions peuvent être entreprises immédiatement avec votre chef de section afin de mieux définir les paramètres

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du projet. Entre temps, il vous est loisible de discuter de cette proposition avec M. Vanier.»

Par une lettre envoyée à M. Perron et datée du 28 août 1990, M. Grover a accepté l'offre. Cette acceptation se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 81. M. Grover a témoigné qu'il était très inquiet de la possibilité de perdre son emploi s'il n'acceptait pas l'offre avant le 30 août 1990. Il s'est alors mis à se préparer pour le travail décrit dans la proposition de M. Vanier (annexe A de la lettre de M. Perron) et il a rempli des formules de demande d'approvisionnement pour le matériel devant servir au projet. Cette demande a été approuvée par M. Bedford et a été exécutée le 17 août 1990.

Le 10 septembre 1990, M. Perron a écrit à M. Grover (cette lettre se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 82). Il a accusé réception de l'acceptation de M. Grover du 28 août et a ajouté ce qui suit:

[TRADUCTION]

«Toutefois, ce serait négligent de ma part de ne pas vous rappeler que vous devez, au plus tard le 15 octobre 1990, présenter un projet de recherches mutuellement acceptable, faute de quoi il sera mis fin à vos fonctions au CNR. Ce projet doit être conforme aux instructions contenues dans l'annexe A de la lettre que je vous ai envoyée le 8 août 1990.

Je suis sûr que vous comprendrez que cela faisait partie intégrante de notre discussion du vendredi 10 août 1990, tel que confirmé dans notre procès-verbal de règlement que notre conseiller juridique, Me Brian J. Saunders, vous a fait parvenir par l'entremise de votre avocat Me Bennett. »

Il va sans dire que la mention du procès-verbal de règlement a posé des difficultés au tribunal car les avocats des parties avaient apparemment convenu avant la reprise de notre audience le 29 janvier 1991 qu'il ne serait pas produit. Nous ne sommes donc pas en mesure d'en inférer la teneur de la discussion du 10 août 1990. Nous pouvons toutefois inférer tout à fait clairement de la lettre de M. Perron en date du 10 septembre qu'il faisait un ultimatum dont le terme était le 15 octobre 1990, date à laquelle le renvoi prendrait effet. Il est très clair aux yeux du tribunal que la position était très différente de l'offre du 8 août 1990 que M. Grover avait acceptée.

En septembre 1990, M. Grover s'est rendu compte de l'existence de fonds importants disponibles pour des projets d'immobilisations. C'est Joanne Zwinkels, adjointe de M. Bedford, qui le lui a appris. Elle lui a raconté qu'elle avait assisté à une réunion au cours de laquelle M. Vanier a annoncé à tous les chefs de section que des fonds étaient disponibles pour des projets et qu'ils devraient voir à ce que leurs demandes d'affectation de ressources soient faites promptement. Prenant en considération les fonds disponibles, M. Grover a préparé un projet conformément aux instructions contenues dans les lettres de M. Perron en date du 8 août et du 10 septembre 1990 et il l'a soumis par lettre à ce dernier en date du 15 octobre 1990. (Ce projet se trouve dans la pièce HR-29, aux p. 90 à 98.) M. Grover a témoigné que, lorsqu'il avait préparé le projet, il avait tenu compte des fonds disponibles et il avait examiné les diverses études et prévisions faites par M. Bedford et par M. Robertson en ce qui a trait au Laboratoire des étalons fondamentaux (LEF). (Ces études et prévisions se trouvent dans la pièce HR-29, aux p. 100 et 113.) M. Grover a témoigné que, lorsqu'il a reçu la lettre de M. Perron du 8 août, il a tenté d'organiser une réunion avec M. Vanier afin de

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discuter du projet tel que proposé dans la lettre de M. Perron. Il a pris rendez-vous avec M. Perron le lundi 13 août à 15 h 30. Il s'est rendu au bureau de M. Vanier et, à 15 h 30, on lui a dit de retourner à son bureau et d'attendre un appel, ce qu'il a fait. Il a été appelé à 16 h et quand il est arrivé à la réunion, il a été étonné de constater que M. Bedford y assisterait. M. Grover a discuté du contenu de la lettre de M. Perron et il a dit combien il était heureux que le CNR entreprît des travaux dans le domaine des fibres optiques et qu'il ait été invité à établir un programme pour le CNR dans ce secteur. Il a dit à M. Vanier qu'il avait demandé cette réunion afin de discuter des lignes directrices pour les programmes du CNR et pour ce programme en particulier. M. Vanier lui a dit que ni lui, ni M. Bedford n'avaient de compétences dans le domaine des fibres optiques. M. Grover a ensuite analysé en détail tous les éléments qu'il insérerait dans son projet. MM. Vanier et Bedford l'ont écouté presque en silence, sans faire de commentaires.

M. Grover a fait un compte rendu détaillé des activités dans la sphère des fibres optiques et M. Vanier lui a dit qu'ils avaient décidé de mettre fin au projet de recherches de M. Grover dans le domaine de la métrologie optique, de la détection optique et de la métrologie, toutes des activités relevant du mandat de l'IENM. Cette réponse n'était pas logique pour M. Grover et

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signifiait que le nouveau projet concernant les fibres optiques n'était dû qu'à l'interruption de ses autres recherches. Il a dit qu'il aurait besoin d'une personne ayant une formation de scientifique pour réaliser le travail mentionné dans la lettre de M. Perron. A ce moment-là, M. Bedford a dit qu'il ne serait pas autorisé à faire des recherches et M. Vanier a dit à Grover que sa tâche serait limitée aux mesures. M. Grover n'en croyait pas ses oreilles à cet instant précis, car ce type de travail de mesure est effectué par un technicien et non par un scientifique expérimenté.

M. Grover a alors demandé à M. Bedford de le rencontrer pour élaborer le projet énoncé dans la lettre de M. Perron. M. Bedford a répondu qu'il ignorait ce qu'on avait demandé à M. Grover de faire dans la lettre; il a témoigné qu'il n'avait pas vu ce document et qu'il ne savait rien du projet. Par surcroît, il a dit à M. Grover qu'il n'avait pas de compétences dans le domaine des fibres optiques. Il a alors informé M. Grover qu'il devait élaborer le projet tout seul.

M. Grover a conclu de cette réunion que MM. Vanier et Bedford cherchaient simplement à diminuer la portée de son programme et n'étaient pas disposés à lui prêter une assistance quelconque ni à lui fournir de renseignements pour l'aider à élaborer et planifier le programme.

Par la suite, M. Grover a rencontré M. Bedford immédiatement après leur réunion avec Vanier et il lui a demandé d'approuver sa demande de matériel. M. Grover a discuté alors en

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détail de son projet et lui a communiqué d'autres renseignements sur la façon dont il élaborait le projet en réponse à la lettre de M. Perron.

M. Grover a reçu un document qui constitue la pièce R-41 et qui semble être un résumé fait par M. Vanier de la réunion qu'il a eue avec M. Grover. Ce dernier a témoigné qu'il était en désaccord avec lui sur le contenu de ce résumé. M. Grover a témoigné en outre qu'il n'avait pas rédigé de note de service pour le réfuter parce que, sur l'avis de son avocat, il tentait de résoudre les points soulevés dans la lettre de M. Perron du 8 août et qu'il ne voulait pas créer de friction additionnelle. Le tribunal accepte le témoignage de M. Grover quant à la nature générale des actions de MM. Bedford et Vanier lors de cette réunion et, quand ce témoignage diffère de celui de ces derniers, le tribunal préfère le témoignage de M. Grover sous ce rapport.

Le 3 octobre 1990, M. Bedford a apporté à M. Grover une photocopie d'un bulletin de l'INO. Il lui a demandé s'il l'avait vu et M. Grover lui a dit qu'il avait un exemplaire dans son bureau et, après une brève discussion au sujet du projet, M. Bedford lui a laissé une copie du bulletin de l'INO. Quelques jours plus tard, M. Grover s'est fait remettre une note de service qui se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 85, et à laquelle était joint le bulletin de l'INO. Ce qu'il y avait d'inhabituel dans la copie reçue le 5 octobre, c'est le mot fibre encerclé à toutes les pages du bulletin. Il est évident aux yeux du tribunal que M. Bedford voulait dire que tout ce que

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proposerait M. Grover dans le domaine des fibres optiques n'aurait aucune importance, car l'INO exerçait déjà des activités dans ce domaine.

M. Grover a témoigné -- témoignage que nous acceptons -- que le fait que l'INO faisait des recherches sur les fibres optiques ne posait aucun problème pour le CNR, qui effectuait des travaux dans ce domaine à une échelle beaucoup plus grande.

Après l'acceptation du projet de M. Grover le 15 octobre, il a reçu une note de service de M. Vanier en date du 19 octobre, qui se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 164. D'après la note de service, tant M. Vanier que M. Bedford ont étudié le projet et informé M. Perron qu'il était inacceptable. M. Grover a appris le 1er novembre de son avocat que M. Perron avait rejeté son projet. Il s'est rendu immédiatement au bureau de M. Vanier, a préparé un autre projet et a demandé une réunion.

M. Vanier était assis dans son bureau, la porte était ouverte et, quand la secrétaire a demandé à M. Vanier s'il avait le temps de rencontrer M. Grover, il lui a dit qu'il ne le verrait pas et qu'il devait revenir le lendemain. Le deuxième projet se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 170.

Le jour suivant, M. Grover est revenu voir M. Vanier et a été étonné que Me John Leman, conseiller juridique du CNR, ait été là. M. Vanier a dit à M. Grover qu'il ne voulait pas discuter avec lui du projet ni d'aucune question concernant ce projet. M. Grover a insisté pour que M. Vanier accepte une copie du nouveau projet. Quand M. Grover a dit à Vanier qu'il allait discuter du nouveau projet

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avec M. Bedford, Vanier lui a dit de ne plus penser à voir Bedford car il allait tenir une réunion urgente avec lui. M. Grover a laissé une copie de son nouveau projet à M. Bedford le 2 novembre en y joignant une demande de rendez-vous. M. Grover tenait beaucoup à rencontrer M. Bedford le 2 novembre car il était supposé se rendre à un congrès à Boston le lundi suivant. M. Grover n'a pas réussi à trouver M. Bedford le 2 novembre.

Pour ce qui est du projet de voyage à Boston de M. Grover, il a reçu une note de service de M. Vanier datée de ce jour-là qui annulait l'approbation et le soutien financier pour assister à l'assemblée de l'Optical Society qui devait commencer le 5 novembre. M. Grover était un fellow de cette association et selon le programme, il devait y faire une communication. Il avait demandé l'approbation du voyage et il avait obtenu la recommandation de M. Bedford le 10 octobre 1990. Répétons-le, M. Grover devait faire une communication à ce colloque et l'Optical Society of America était l'une des associations d'opticiens les plus prestigieuses.

M. Grover avait reçu sa trousse de voyage qui comprenait des chèques de voyage.

M. Grover a reçu la note de service de M. Vanier à 15 h 45 le 2 novembre (pièce HR-29, à la p. 41). Cette note de service annulait son autorisation de déplacement et l'informait que s'il se rendait à l'assemblée à Boston, il devrait en supporter les frais. La note l'informait de plus que M. Vanier allait évaluer son projet révisé au nom de M. Perron. Le 5

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novembre, M. Grover a reçu une note de service manuscrite de M. Vanier, qui se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 40. Cette note confirmait la conversation qu'avait eue M. Vanier avec M. Grover le 2 novembre, annulant le voyage à Boston et confirmant que s'il se rendait à Boston, il ne serait défrayé en aucun cas.

L'annulation du voyage à Boston jetait M. Grover dans un embarras épouvantable sur le plan professionnel. L'association lui avait récemment conféré le titre honorifique de fellow et, d'après le programme, il devait faire une communication à Boston. Il a été obligé d'annuler son inscription au programme en prétextant une urgence au CNR. Le tribunal est d'avis que l'annulation du voyage à Boston a été occasionnée par le projet de l'intimé de renvoyer M. Grover, qui a été mis à exécution le 7 novembre 1990 par une lettre de M. R.F. Pottie, vice-président exécutif du CNR.

Cette lettre de renvoi se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 186. De toute évidence, l'intimé ne pouvait guère se permettre de déléguer M. Grover à une conférence prestigieuse qui était susceptible de favoriser sa carrière alors qu'il avait déjà décidé de le renvoyer. Le tribunal estime que l'action de l'intimé -- l'annulation du voyage à Boston -- se rattachait à un ensemble d'actes faits délibérément en vue du renvoi de M. Grover et que sous cet aspect, c'est-à-dire le congrès de Boston, son renvoi a été pour lui une expérience tout ce qu'il y a de dure et d'humiliante.

M. Vanier a préparé une note de service adressée à M. Perron, qui se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 176. On trouve dans cette note la mention de projets antérieurs soumis par M. Grover depuis 1987. Le tribunal estime qu'à ces diverses occasions, y compris les deux projets soumis en réponse à la demande de M. Perron, l'intimé a simplement recouru à une méthode propre à frustrer M. Grover dans ses tentatives. Le témoignage le plus révélateur sous ce rapport a été fait par M. Bedford.

Il a témoigné qu'à la demande de M. Vanier il avait critiqué les deux projets préparés par M. Grover en réponse à la lettre de M. Perron du 8 août. Ce qu'il y a de plus incroyable dans son témoignage, c'est qu'il affirme n'avoir jamais vu l'annexe A de la proposition de M. Vanier jointe à la lettre de M. Perron. Quand le tribunal l'a interrogé au sujet de ce témoignage surprenant, M. Bedford a déclaré ce qui suit (volume 24, à la p. 4425):

[TRADUCTION]

«LE PRÉSIDENT: Pouvons-nous nous arrêter là?

Selon ce que vous avez compris dans l'aperçu du projet joint à la lettre de M. Perron, quel devait être le champ d'application de l'étalonnage?

LE TÉMOIN: Je ne crois pas avoir jamais vu cet aperçu dont vous parlez.

LE PRÉSIDENT: Oh! vous devez l'avoir vu, bonté divine! Vous ne sauriez pas ce sur quoi vous travaillez à moins de l'avoir vu. Voulez-vous lui donner une copie de la ... de M. Vanier, qui est jointe à la lettre de Perron du 8 août.

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Monsieur Bedford, au cas où vous ne comprendriez pas, cette description de projet a été préparée par M. Vanier. L'avez-vous déjà vue?

LE TÉMOIN: Je ne pense pas l'avoir jamais vue.

LE PRÉSIDENT: Vous n'avez jamais vu cela?

LE TÉMOIN: Non, autant que je sache.»

Encore une fois, quand on a interrogé M. Bedford sur les raisons pour lesquelles on ne lui avait pas remis tous les documents connexes de la lettre de M. Perron, dont l'annexe A, de sorte qu'il fût tout à fait en mesure de faire en connaissance de cause la critique des nouveaux projets de M. Grover, il a répondu ce qui suit (à la p. 440):

[TRADUCTION]

«LE PRÉSIDENT: Ne pensez-vous pas qu'il y a quelque chose d'injuste dans ce processus?

LE TÉMOIN: Oui.»

M. Pottie, auteur de la lettre de renvoi du 7 novembre 1990, a témoigné au sujet du traitement particulier dont M. Grover, selon lui, aurait bénéficié. Il estimait que Grover avait bénéficié d'un traitement particulier parce qu'on lui avait donné la possibilité de soumettre des projets alors que d'autres qui ont été renvoyés n'ont pas eu cette possibilité. Quand le tribunal l'a interrogé, cependant, M. Pottie a résumé, pour l'essentiel, l'opinion du tribunal sur ce processus de renvoi qui a commencé le 8 août. Son témoignage se trouve dans le volume 24, à la p. 4584:

[TRADUCTION]

«LE PRÉSIDENT: Nous avons entendu ce matin M. Bedford dire qu'avant de faire la critique des deux projets de M. Grover, il n'avait pas pris connaissance des critères que M. Vanier avait énoncés dans sa lettre annexée à la lettre de M. Perron. Il nous a dit aujourd'hui qu'à sa connaissance il n'avait jamais vu cette lettre. Est-ce là le genre de traitement particulier dont vous parliez?

LE TÉMOIN: Cela m'étonne, il n'y a pas à dire.

LE PRÉSIDENT: Oui, cela nous étonne aussi.

LE TÉMOIN: Je me serais attendu à ce que ...

LE PRÉSIDENT: Quiconque s'apprête à faire la critique de quelque chose doit connaître les règles de base. Il n'avait aucune idée de ce en quoi elles consistaient.

LE TÉMOIN: C'est très étonnant.

LE PRÉSIDENT: Trouvez-vous cela juste?

LE TÉMOIN: Non.»

Le tribunal conclut des témoignages entendus et des pièces produites au sujet des faits qui sont survenus entre le 8 août et le 7 novembre 1990 que l'intimé avait l'intention dès le début de renvoyer

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M. Grover. Le processus par lequel on a permis à M. Grover de soumettre des projets qui seraient rejetés en fonction de certains critères énoncés au préalable faisait partie du subterfuge destiné à donner l'apparence de l'équité à ce processus. En fait, le tribunal conclut que les actions de l'intimé durant toute cette période participaient d'une combinaison et de la volonté d'humilier davantage M. Grover et de mettre fin à sa carrière au CNR. On trouve dans une note de service de Jacques Vanier à Clive Willis, en date du 30 octobre, qui se trouve dans la pièce HR-29, à la p. 235, la meilleure illustration de cette stratégie préconçue et bien planifiée.

Elle est ainsi libellée:

[TRADUCTION]

«Note de service à: Jacques Vanier De: Clive Willis Date: 30 octobre 1990 Objet: Note de service à C. Grover

J'ai reçu votre note demandant des directives sur l'ordre dans lequel les lettres doivent être envoyées à M. Grover s'il ne soumet pas de projet de recherches acceptable avant l'échéance de jeudi.

Il y a deux questions:

1. Utilisation par Grover des installations du CNR s'il choisit de continuer de faire partie du personnel du CNR pendant la période de mise en disponibilité.

Nous pouvons pas préjuger de cette question et, par conséquent, nous devons attendre que Grover ait eu la possibilité de faire part de son choix. Quand il aura reçu la lettre de M. Perron, il aura un délai de 15 jours pour décider s'il accepte une indemnité ou s'il reste en fonction pendant six mois. Vous ne pourrez prendre les mesures qui s'imposent que lorsqu'il aura fait ce choix. Vous ne devez pas en faire mention dans votre note de service du 2 novembre.

Votre note de service à M. Fink doit être envoyée après le même délai de 15 jours.

2. Présence à l'assemblée de l'Optical Society à Boston.

Votre note de service doit porter seulement sur ce sujet et doit être brève et précise. Je vous suggère quelque chose comme ceci:

"L'approbation de votre demande d'assister à l'assemblée de l'Optical Society à Boston du 5 au 11 novembre était fondée sur le profit susceptible d'être tiré de votre participation possible à la recherche sur les étalons des fibres optiques. Par suite de la lettre que vous envoie M. Pottie aujourd'hui, aucun profit ne pourrait être tiré de l'engagement de fonds publics et l'approbation de votre demande est annulée par la présente. Si vous choisissez d'assister à l'assemblée, sachez que vous le

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ferez à vos frais. Vous êtes bien sûr tenu de rembourser toute avance que vous a consentie le CNR à l'égard de ce voyage."

J'ai soumis une copie de ce projet de note à l'examen de John Leman. S'il recommande des modifications, il entrera lui-même en contact avec vous.

c.c. M. Pierre O. Perron Me John Leman Me Brian Saunders

Cette note de service fournit en partie l'explication des actions de M. Vanier et elle propose à l'avance un prétexte pour le traitement qui sera réservé à M. Grover lorsque son voyage à Boston sera annulé. Il y a lieu de noter de plus qu'on y fait mention de la lettre de M. Pottie qui ne devait être remise que huit jours plus tard, le 7 novembre. M. Grover n'avait pas encore soumis son deuxième projet quand cette note de service a été préparée.

M. Grover a déposé un grief tant au sujet de l'annulation de son voyage à Boston qu'au sujet de son renvoi. Comme nous l'avons vu, Cynthia Sams, agent des relations avec les employés de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, a témoigné (volume 18, à la p. 2940). Elle a fait une comparaison détaillée de la façon dont M. Grover a été traité durant le processus de renvoi et de celle dont l'ont été d'autres personnes visées par le programme de mises en disponibilité. Nous acceptons son témoignage selon lequel M. Grover a été défavorisé et traité de manière discriminatoire.

La situation professionnelle de M. Grover est restée telle que précisée dans la lettre de M. Pottie en date du 7 novembre 1990 jusqu'au dernier jour de la présente audience, soit le 24 juin 1991. Ce jour-là, l'avocat de l'intimé a informé le tribunal que M. Grover avait été réintégré et que cette mesure avait pris effet le 13 mai 1991. Il avait été réintégré dans le poste offert par M. Perron dans sa lettre du 8 août.

A ce moment de l'audience, nous avions fini d'entendre les témoins et nous entendions l'argumentation finale. Ni l'avocat de l'intimé ni le plaignant n'ont cité d'autres témoins pour expliquer cet retournement insolite, important, mais l'avocat de l'intimé a produit deux documents. Afin de brosser un tableau complet de la situation professionnelle de M. Grover à la fin de la présente audience, le 24 juin, nous reproduisons une lettre en date du 28 mai 1991 adressée par Me Saunders, avocat de l'intimé, à Me Dougall Brown, du cabinet Nelligan, Power (pièce R-50) qui relate les faits de la manière la plus éloquente:

[TRADUCTION]

«Me Dougall Brown Nelligan, Power Avocats Porte 1900 66, rue Slater Ottawa (Ontario) K1P 5H1

Maître,

43

Objet: Dossier Grover

Nous confirmons notre conversation téléphonique du 28 mai 1991 dans laquelle je vous ai dit que le CNR retirera la lettre du 7 novembre 1991 mettant fin aux services de M. Grover et réintégrera M. Grover à compte du 13 mai 1991.

M. Grover est réintégré dans le poste que M. Perron lui a offert dans une lettre datée du 8 août 1990 et qu'il a accepté dans sa réponse à M. Perron en date du 28 août 1990, savoir agent principal de recherche affecté aux étalons et aux techniques de mesure dans les communications par fibre optique. On m'a informé que cette fonction relevait du chef d'équipe du programme de photométrie et de radiométrie de la Section des normes de radioprotection et de thermométrie de l'Institut des étalons nationaux de mesure.

Par suite de sa réintégration, M. Grover touchera son salaire à compter du 13 mai 1991. Il ne subira donc aucune perte de salaire à cause de la mise en disponibilité maintenant annulée. M. Grover doit se présenter au CNR immédiatement. Le CNR communiquera avec M. Grover à bref délai pour l'informer des fonctions exactes de ce poste.

Je crois comprendre que M. Grover a reçu une somme représentant ses crédits de congés annuels accumulés par suite de sa mise en disponibilité maintenant annulée. Si M. Grover souhaite conserver ses crédits de congés annuels, il devra rembourser au CNR la somme représentant ces crédits.

Par suite de la présente décision, la réparation que M. Grover demande devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique a été accordée. Je crois comprendre qu'en conséquence, vous retirerez le grief de M. Grover relatif à son renvoi. Je vous prie de bien vouloir me dire si vous retirerez aussi le grief de M. Grover concernant l'annulation du voyage à Boston.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments distingués,

Brian J. Saunders Section du contentieux des affaires civiles (613) 957-4865»

Cette lettre a été suivie d'une lettre adressée par M. Vanier à M. Grover en date du 3 juin 1991. Cette lettre constitue la pièce R-49. A la p. 2 de cette lettre, le premier paragraphe commence par ce qui suit:

[TRADUCTION]

«Il est évident que la communication entre vous et la direction du CNR a été mauvaise et qu'en conséquence, il est devenu difficile d'élaborer un projet de recherches acceptable [...]»

Il appartient alors au tribunal d'inférer que l'intimé a jugé que sa position relativement au renvoi de M. Grover était insoutenable quand il a dû faire face à la procédure de règlement des griefs et qu'il l'a

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réintégré pour éviter d'autres procédures. Cette réintégration était subordonnée en partie au retrait par M. Grover de ses griefs concernant son renvoi et l'annulation du voyage à Boston. Le tribunal peut seulement inférer que l'intimé s'est finalement rendu compte que la seule façon dont il pouvait remédier au traitement infligé au plaignant durant ce processus de renvoi consistait à le réintégrer.

L'intimé a tenté de justifier le fait que M. Grover a été défavorisé en cours d'emploi en faisant comparaître des témoins qui ont insinué qu'il était un élément perturbateur au CNR. Et qu'en outre, ses titres n'étaient pas ceux d'un scientifique important, mais peut-être ceux d'un scientifique moyen et que ses attentes sur le plan de la carrière dépassaient de beaucoup ses aptitudes. La plupart des témoignages produits par l'intimé laissent supposer que M. Grover a été davantage victime de réductions budgétaires et de problèmes de réorganisation au CNR que d'actes discriminatoires ou d'actes le défavorisant en cours d'emploi. Certains témoins cités par l'intimé ont affirmé que M. Grover n'avait pas été traité mieux ou moins bien qu'aucun autre scientifique et qu'en réalité, dans certains cas, il avait joui d'un traitement préférentiel par rapport à d'autres scientifiques. Le tribunal n'estime pas que les témoignages produits par l'intimé sur ces points constituent une explication convaincante de ce que le tribunal considère comme un traitement discriminatoire réservé à M. Grover.

Le tribunal préfère nettement les témoignages de M. Cowan, de M. Major et de M. Chapman, qui ont tous attesté uniformément l'habileté prééminente de M. Grover en tant que scientifique dans sa sphère de compétence, son aptitude à bien s'entendre avec les autres, son aptitude à gérer ainsi que son aptitude à organiser et à faire des communications et des propositions. Leur témoignage était indépendant et franc et le tribunal accepte leurs opinions sur le caractère et les aptitudes de M. Grover.

Tout au long des témoignages qu'il a entendus, le tribunal s'est inquiété si le CNR avait été correct dans cette affaire. Voici le résumé de nos observations sous ce rapport:

  1. M. Cowan a témoigné que, lorsque Me John Leman, avocat du CNR, est entré en contact avec lui, celui-ci lui a laissé entendre que s'il témoignait, il risquait de compromettre sa carrière. M. Cowan a trouvé ces remarques inopportunes et offensantes. Nous avons assigné Me Leman afin qu'il explique ses actions et, pour l'essentiel, il a nié avoir fait ces remarques à M. Cowan. Le tribunal préfère le témoignage de M. Cowan à celui de Me Leman et est d'avis que non seulement de tels propos étaient peu opportuns de la part d'un représentant du ministère de la Justice, mais encore qu'ils visaient à intimider un témoin susceptible de déposer à la présente audience;
  2. Le témoin Gloria Dumoulin a de toute évidence été intimidée à l'idée de témoigner dans la présente instance. Elle a dit très clairement qu'elle avait peur d'autres représailles au CNR si elle témoignait et elle avait l'impression que ses chances d'avancement avaient été réduites à rien.
  3. Dans son témoignage, Jill Baker a tenté d'expliquer pourquoi la disquette avait été retirée de l'appareil de Mme Dumoulin. Jill Baker n'a pas donné au tribunal d'explication convaincante à l'égard du fait que la disquette a été enlevée et dissimulée. Ses actions à elles
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    seules après cet incident ont renforcé le tribunal dans son opinion que M. Grover a vraiment été défavorisé, que les actes le défavorisant avaient une portée considérable et, dans le cas de cet incident en particulier, qu'il s'agissait d'une tentative pour faire obstacle à la divulgation complète des faits.

  5. Le tribunal est d'avis que, dans la présente instance, Lorraine Collette s'est placée en situation de conflit et qu'en conséquence, elle s'est occupée d'une manière extrêmement inopportune des premières plaintes de M. Grover devant la Commission. Il est significatif que Lorraine Collette n'ait pas témoigné devant le présent tribunal malgré sa situation et son comportement douteux en tant que conseillère en droits de la personne du CNR.
  6. Nous acceptons le témoignage de Cynthia Sams qui a dit avoir été frustrée dans ses tentatives pour obtenir la communication du dossier de M. Grover et s'être heurtée à la résistance du personnel du CNR qui refusait de lui remettre les documents et les renseignements relatifs à son renvoi.
  7. Dans la pièce HR-29, à la page 235, une note de service de Vanier à Willis est reconstituée en totalité. Cette note commence par les mots J'ai reçu votre note demandant des directives [...]. Nous n'avons pas pu obtenir de copie de cette note malgré nos demandes.

Le tribunal conclut de ces incidents, pris isolément et dans leur ensemble, que de la première plainte de M. Grover jusqu'au dernier jour de la présente audience, le CNR a cherché à faire pression sur les témoins, et à contrôler et empêcher la production de certains des témoignages devant le présent tribunal. Ces actions en soi ont amené le tribunal à conclure que M. Grover a été défavorisé. Les incidents exposés ci-dessus aux paragraphes a) à f) inclus constituent, de l'avis du tribunal, une transgression claire de l'article 59 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, le tribunal tire les conclusions suivantes:

  1. De 1981 à 1986, la carrière de M. Grover au CNR et à l'INO a été en progrès. Il était un scientifique au-dessus de la moyenne spécialisé en optique.
  2. Après le retour de M. Grover à plein temps au CNR en 1986, nous sommes d'avis qu'il a été l'objet d'un traitement défavorable, imputable à la direction du CNR et, surtout, à MM. M. Laubitz, Preston-Thomas, Bedford et Vanier.
  3. Nous sommes d'avis que la façon dont la direction du CNR a traité M. Grover visait à diminuer son statut de scientifique et à réduire ses activités de recherche, à gêner son avancement, à réduire sa capacité pour faire une carrière internationale et enfin à le soumettre à un processus de renvoi mal conçu qui était à la fois humiliant et difficile.
  4. Nous sommes d'avis que la conduite des dirigeants du CNR a non seulement entraîné la destruction de la carrière de M. Grover, mais encore lui a causé de la peine et l'a rendu malade, a perturbé sa famille et sa vie de famille, et a engendré inutilement une tension nerveuse chez les membres de sa famille.
  5. Que les explications fournies par l'intimé pour la façon dont la direction a traité M. Grover, savoir les restrictions budgétaires, les
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    réductions de dépenses en recherches, les changements de programmes, les conflits de personnalité et la réorganisation des services, n'étaient que des prétextes.

  7. Au moment où M. Grover a déposé sa plainte devant la Commission, aucun des quelque 43 postes de direction clefs au CNR n'était occupé par une personne appartenant à une minorité visible.
  8. M. Grover a été défavorisé en cours d'emploi et ce traitement a été décrit en détail dans les présents motifs. Aucun autre scientifique n'a été traité comme M. Grover, à partir du moment où il est revenu à plein temps au CNR en 1986 jusqu'à son renvoi le 7 novembre 1990.

LE DROIT

Dans les formules de plainte, le plaignant allègue des actes discriminatoires commençant en septembre 1987 et allant jusqu'en janvier 1991, fondés sur les motifs de la race, de la couleur et de l'origine nationale, en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Les dispositions pertinentes de la Loi sont ainsi conçues:

3.(1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects:

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi.

Le tribunal a étudié la jurisprudence qui suit concernant la charge de la preuve et l'ordre de présentation de la preuve dans les instances intéressant la discrimination:

Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202; Morisette c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (1987), H.C.H.R.R. D/4390 (Trib. féd.); Basi c. Les chemins de fer nationaux du Canada (1989), 9 C.H.R.R. D/5029 (Trib. féd.); Karaumanchiri v. Liquor Control Board of Ontario (1987), 8 C.H.R.R. D/4076 (Comm. ont.) conf. (1988), 9 C.H.R.R.D/4868 (C. Div. Ont.); Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne et Commission de la fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616.

Dans l'affaire Basi, on trouve au paragraphe 38474 le résumé qui suit en ce qui a trait à la charge de la preuve:

«Le fardeau et l'ordre de la preuve dans les causes de discrimination pour refus d'embaucher sont des mécanismes d'ores et déjà bien établis dans toutes les provinces canadiennes: le plaignant doit d'abord établir que l'acte reproché a toutes les apparences d'un acte discriminatoire; après quoi, il incombe au mis en cause de fournir une explication raisonnable de l'acte qui lui est reproché. En supposant que l'employeur ait fourni une explication, il revient alors au

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plaignant de démontrer que celle-ci ne constitue qu'un prétexte et que le comportement de l'employeur était effectivement empreint de discrimination.»

La décision traite ensuite de la difficulté dans les causes de discrimination de prouver ses allégations au moyen de preuves directes. Au paragraphe 38479, on lit ce qui suit:

«En soi, l'explication fournie semble répondre au critère du fardeau de présentation d'une explication raisonnable qui concourt à établir que la discrimination pour des motifs prohibés par le Code n'est pas la bonne explication aux événements survenus.

La réponse de l'employeur connue, il incombe en dernier lieu au plaignant de démontrer que l'explication fournie ne constitue qu'un prétexte et que les actes de l'employeur ont réellement été motivés par des considérations discriminatoires.

Pour faire cette démonstration, le plaignant doit établir, à l'aide de preuves directes, que la discrimination est ce qui a motivé la décision de l'employeur, ce qui n'est pas une mince tâche. La discrimination n'est pas un phénomène qui se manifeste ouvertement, comme on serait porté à le croire. Il est rare en effet qu'on puisse prouver par des preuves directes qu'un acte discriminatoire a été commis intentionnellement. (mis en caractères gras par le tribunal) Comme le plaignant dispose rarement de preuves directes dans des causes comme celle-ci, il appartient alors à la Commission d'établir si le plaignant a été ou non en mesure de prouver que l'explication est un prétexte en faisant des déductions à partir de ce qui, le plus souvent, constitue des preuves circonstancielles.»

Dans l'affaire Basi, le président s'est arrêté ensuite aux exigences qui régissent l'établissement de la preuve circonstancielle et il cite un passage du livre de B. Vizkelety, Proving Discrimination in Canada, Toronto, Carswell, 1987:

«Tout le monde pratiquement s'entend pour dire qu'en général, dans les causes de discrimination, c'est le degré de preuve civile, soit la prépondérance, qui est la norme applicable. Le critère à retenir dans les questions faisant intervenir des preuves circonstancielles, qui devrait être en accord avec cette norme, peut donc être formulé de la manière suivante: on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l'appui rend cette conclusion plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible.»

Dans l'affaire Karaumanchiri en appel, le juge Rosenberg, à propos des motifs d'appel concernant la charge de la preuve, s'est exprimé en ces termes:

[TRADUCTION]

«Les requérants/appelants ont soutenu que la Commission d'enquête avait mal compris et mal appliqué la charge de la preuve. C'est toujours à la Commission qu'incombe la charge ultime de la preuve quant à la discrimination pure et simple par opposition à la discrimination par suite d'un effet préjudiciable en vertu de l'article 10 du Code. En cas de plainte en matière de droits de la personne, l'intimé ne doit s'acquitter que d'une charge secondaire ou charge de présentation. Le plaignant doit donc faire une preuve suffisante à première vue. L'intimé doit alors s'acquitter de la charge secondaire ou charge de présentation d'une preuve justifiant

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son action. Le plaignant peut ensuite réfuter cette preuve en établissant que l'explication fournie ne constitue qu'un prétexte. (suit une liste de jurisprudence).»

En l'espèce, comme les requérants/appelants ont présenté des preuves très détaillées durant une très longue audience, la charge n'est pertinente que si Baum, après avoir examiné toute la preuve, ne peut pas décider, selon la prépondérance des probabilités, s'il y a eu discrimination. L'un des éléments fondamentaux des motifs de Baum a été sa conclusion selon laquelle la preuve et les explications fournies par la R.A.O. par l'entremise des témoins Clark, Couillard et Parker n'étaient pas vraisemblables.

S'efforçant de donner au plaignant et à l'intimé la possibilité de présenter toute leur preuve, le tribunal a reçu un certain nombre de documents, ainsi que des témoignages oraux, qui n'ont été que de peu de secours pour trancher les questions dont nous étions saisis. Après avoir étudié la preuve à fond, nous avons toutefois conclu qu'au vu des conclusions et des constatations exposées ci-dessus, le plaignant M. Grover s'est nettement acquitté de la charge qui lui incombait et présenté une preuve suffisante à première vue des actes discriminatoires de l'intimé, le CNR, qui sont visés à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous estimons que l'intimé n'a fourni aucune explication vraisemblable de ses actes discriminatoires, dont témoigne clairement en l'espèce la façon dont il a traité M. Grover relativement à son emploi et à sa carrière. Comme nous l'avons précisé dans nos conclusions, les explications fournies par l'intimé du traitement qui a été réservé au plaignant et que le tribunal a exposé en détail ne constituent, à notre avis, qu'un prétexte.

Nous ne pouvons passer à autre chose avant d'avoir fait des remarques supplémentaires sur la preuve produite par l'intimé par l'entremise des témoins Jill Baker, M. M. Laubitz, M. Preston-Thomas et M. Vanier. Leur témoignage est dans bien des cas vague, contradictoire et pas assez détaillé. Nous avons jugé ces témoins peu dignes de foi. En revanche, M. Grover a témoigné d'une manière claire, détaillée, précise, et avec beaucoup de franchise. Son témoignage n'a pas du tout été ébranlé par le contre-interrogatoire. Nous acceptons son témoignage quant aux détails de ses plaintes et, lorsque son témoignage diffère de celui des témoins cités par l'intimé, le tribunal choisit d'accepter le témoignage de M. Grover. Son caractère et sa crédibilité ont été corroborés en grande partie par les témoins M. Cowan, M. Chapman et M. Major. Nous acceptons leurs témoignages à cet égard.

Dans le contexte du développement des droits de la personne et comme la jurisprudence l'a exposé, on remarque que la discrimination raciale est le plus souvent subtile et cachée. En appréciant la preuve, on doit souvent évaluer des preuves circonstancielles afin de déceler ce que l'on a appelé dans l'affaire Basi, de subtiles odeurs de discrimination.

Après avoir examiné en détail la preuve produite durant la présente audience, le tribunal est d'avis qu'il y a eu discrimination. Les actions de la direction du CNR, la façon dont on s'est occupé de la carrière de M. Grover, de ses propositions d'avancement, de ses possibilités de reconnaissance professionnelle et de ses perspectives de carrière, et surtout tout le processus de renvoi et de réintégration, depuis la lettre ultimatum de M. Perron, sont loin d'être des actions cachées ou subtiles

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accomplies au nom de l'intimé. Le tribunal estime que, pour une large part, ce traitement, tel qu'exposé en détail dans les présents motifs, était flagrant et visait à humilier et à rabaisser le plaignant, M. Grover.

L'avocat de l'intimé était prêt à reconnaître que le processus de renvoi de M. Grover, qui s'est déroulé avant la fin de la présente audience, était effectivement dur. M. Bedford et M. Pottie étaient prêts à concéder que ce processus de renvoi était injuste sous certains aspects. L'annulation du voyage à Boston a été justifiée comme un élément nécessaire du licenciement de M. Grover, peu importe l'humiliation causée par le retrait au dernier instant d'une conférence scientifique à laquelle il devait participer. Le présent tribunal estime que les mots employés pour décrire ce traitement -- dur ou injuste -- sont tout à fait inadéquats pour rendre la conduite du CNR envers M. Grover.

Le tribunal a relaté en détail ses préoccupations relativement à la manière dont l'intimé s'est occupé de certaines questions qui font l'objet de la présente instance. En particulier, le fait que Jill Baker a retenu la disquette contenant la proposition d'avancement de M. Grover, le témoignage de Gloria Dumoulin, celui de M. Cowan et ses inquiétudes au sujet de l'avocat du CNR, John Leman, la conduite répréhensible et le conflit d'intérêts manifeste de la conseillère en droits de la personne, Lorraine Collette, et le témoignage de M. Grover selon lequel M. Vanier lui a dit qu'il n'aurait pas de possibilités de carrière à moins de retirer un grief contre le CNR.

A cet égard, le tribunal doit signaler que l'article 59 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est ainsi conçu:

«59. Est interdite toute menace, intimidation ou discrimination contre l'individu qui dépose une plainte, témoigne ou participe de quelque façon que ce soit au dépôt d'une plainte, au procès ou aux autres procédures que prévoit la présente partie, ou qui se propose d'agir de la sorte.»

Étant donné nos préoccupations au sujet des témoignages reçus par le tribunal, nous recommandons fortement que ces témoignages en ce qui concerne les points qui ont été soulignés soient renvoyés par la Commission canadienne des droits de la personne au procureur général du Canada pour examen et poursuites conformément à l'article 60 de la Loi.

Pour terminer, en ce qui a trait à nos conclusions sur les questions de droit en l'espèce, l'avocat de M. Grover nous a cité l'extrait qui suit du rapport d'enquête sur l'affaire Donald Marshall:

[TRADUCTION]

«Le racisme constitue à l'évidence un élément des rapports sociaux au Canada [...] Une volonté politique résolue est indispensable pour que l'existence du racisme soit reconnue publiquement et que l'on commence à l'éliminer en intégrant cet objectif à la politique officielle. Les responsables de l'action gouvernementale, les assemblées législatives et le gouvernement ont en outre la responsabilité de créer un climat plus défavorable au racisme.»

Le tribunal conclut que, manifestement, l'intimé, le CNR, a la responsabilité de créer un climat favorable, comme l'a recommandé l'enquête Marshall, et qu'il a totalement manqué à son obligation à cet égard en traitant M. Grover comme on l'a vu dans les présentes.

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RÉPARATION

L'avocat de M. Grover nous a exhortés à accorder diverses réparations qui lui semblaient convenir au cas où nous conclurions à la transgression de l'article 7 de la Loi. Or, c'est la conclusion que le tribunal a tirée. On nous a priés de nous reporter à l'arrêt Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84, dans lequel la Cour étudie les objets du Code des droits de la personne, à la p. 90:

«Le Code vise la suppression de la discrimination. C'est là l'évidence. Toutefois, sa façon principale de procéder consiste non pas à punir l'auteur de la discrimination, mais plutôt à offrir une voie de recours aux victimes de la discrimination.»

ainsi qu'à la p. 92:

«Elle est de nature réparatrice. Elle vise à déceler les actes discriminatoires et à les supprimer. Pour ce faire, il faut que les redressements soient efficaces et compatibles avec la nature quasi constitutionnelle des droits protégés.»

Après avoir examiné les réparations dans l'ordre qu'elles ont été abordées devant nous, ainsi que le droit applicable pour ce qui est de décider si elles sont convenables, nous en arrivons aux conclusions suivantes:

a) Des excuses. Étant donné les faits inhabituels, voire bizarres, qui ont marqué la fin de la présentation de la preuve durant la présente audience, savoir le renvoi, puis la réintégration de M. Grover, il faut manifestement faire remarquer que M. Grover est encore un employé de l'intimé. Nous avons conclu et décidé que la façon dont, en général, l'intimé a traité M. Grover et l'effet de ce traitement sur sa santé et sa vie de famille l'ont rabaissé et accablé. Par conséquent, nous estimons qu'une lettre d'excuses pour le traitement que l'intimé a réservé à M. Grover et pour sa conduite envers lui serait un moyen convenable pour le rassurer peut-être quant à la répétition d'une telle conduite et d'un tel traitement, et pour rassurer peut-être d'autres employés quant au refus de tolérer à l'avenir un tel traitement d'employés de l'intimé. Sous ce rapport, nous avons été priés de nous reporter à la décision Hinds c. Forces armées canadiennes, (1989), 10 C.H.R.R. D/5683 (Trib. féd.). Nous ordonnons donc qu'une lettre d'excuses soit préparée par le président de l'intimé et qu'elle soit publiée dans le bulletin Sphère du CNR.

Nous ordonnons de plus que le président rédige et envoie à l'Optical Society of America une lettre d'excuses dans laquelle il sera fait mention des difficultés qu'a eues M. Grover parce qu'il n'a pas pu présenter sa communication par suite de l'annulation par l'intimé de son voyage à Boston.

b) Une ordonnance de mettre fin aux actes discriminatoires conformément à l'alinéa 53(2)a). Comme l'a souligné à propos l'avocat de M. Grover, la conduite discriminatoire de l'intimé n'a pas cessé au moment du dépôt de la plainte de M. Grover. En effet, s'il y a eu un changement, le traitement défavorable a semblé empirer sous certains aspects, après que la première plainte et les deux plaintes modifiées eurent été déposées. On nous a cité l'affaire McCreary c. Greyhound Lines of Canada (1986), 7 C.H.R.R. D/3250 (Trib. d'appel féd.). Le tribunal a décidé que c'était la coutume de rendre une telle ordonnance, lorsqu'il avait conclu à l'existence d'actes

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discriminatoires; or, nous en sommes arrivés à cette conclusion en l'espèce. Par conséquent, le présent tribunal rend une ordonnance conformément à l'alinéa 53(2)a): l'intimé doit mettre fin immédiatement aux actes discriminatoires et faire, en consultation avec la Commission, un examen approfondi du programme et de la politique du CNR en ce qui concerne les activités de l'intimé en matière de droits de la personne.

c) Indemnisation pour perte de salaire:

(i) Perte de salaire par suite du calcul inexact des AEP. Cet aspect des réparations suggérées a causé au tribunal certaines préoccupations; il s'interroge sur les modalités de correction de ces erreurs d'un point de vue pratique. La preuve nous a appris que certains rajustements ont été faits en 1986 par Jill Baker et par M. Preston-Thomas, qui n'ont été signalés à M. Grover qu'en 1989, au moment où il a examiné son dossier individuel. En outre, la question des AEP a été l'objet d'un grief qui a été partiellement accordé au dernier palier. M. Grover affirme que ses AEP n'ont pas encore été calculées exactement, malgré qu'il ait fait tout son possible. L'intimé a soutenu que la question des AEP est distincte de celle de la discrimination et qu'elles constituent un fait qui échappe à la compétence du présent tribunal, car elles ont été établies au moment de son embauchage, soit en 1981. Par conséquent, l'intimé émet l'avis que cette question n'est pas comprise dans la compétence du tribunal, car la première plainte de M. Grover n'a été déposée qu'en 1987.

L'intimé nous a exhortés à ne prendre en considération que les faits remontant à un an au maximum avant le dépôt de cette plainte. Nous ne souscrivons pas à la thèse de l'intimé à cet égard. Le témoignage de Sally Deihl nous a été d'un grand secours pour expliquer les pertes qu'a subies M. Grover par suite du calcul inexact de ses AEP ainsi que de l'interruption de ses possibilités d'avancement en 1986. Nous estimons que le calcul inexact des AEP de M. Grover fait partie intégrante de ses plaintes et qu'il faut le corriger dans le contexte de la présente instance.

(ii) Progression salariale refusée. Comme on l'a indiqué dans la pièce C-3B, l'absence de promotions après 1986 a eu, au regard de la structure des emplois, des répercussions sur le salaire et sur le bien-être économique de M. Grover.

L'alinéa 53(2)c) est ainsi conçu:

«d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu'il juge indiquée, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte;»

Le présent tribunal conclut que, n'eût été le traitement discriminatoire de M. Grover, après son retour à plein temps au CNR, il aurait eu plus d'avancement que la moyenne jusqu'à aujourd'hui. Nous avons conclu que son avancement a été entravé ouvertement par les actions de MM. Laubitz, Preston-Thomas et d'autres au CNR. On a soutenu qu'un arbitre indépendant serait le plus à même, d'une part, de corriger le salaire auquel il aurait droit, et d'autre part, de calculer la perte de salaire découlant de l'absence d'avancement. En conséquence, nous

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ordonnons qu'un seul arbitre, désigné conjointement par les parties dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance, soit chargé de corriger les AEP et la perte de salaire en résultant, ainsi que la perte de salaire découlant de l'absence d'avancement. Au cas où les parties ne s'entendraient pas sur la nomination d'un arbitre, le présent tribunal réserve sa compétence et résoudra la question directement en entendant d'autres témoins là-dessus.

Je tiens à souligner qu'au regard de la question de la perte pécuniaire résultant de l'absence d'avancement, le présent tribunal conclut qu'étant donné la compétence indiscutable de M. Grover dans le domaine de l'optique, la progression de sa carrière avant 1986 et le crédit dont il jouit au niveau international auprès de ses pairs, malgré son mauvais traitement par le CNR, lui donnent droit à une indemnité pour la perte de la possibilité d'être candidat à des promotions. Nous concluons donc que, selon la prépondérance des probabilités, sa carrière aurait progressé régulièrement après 1986.

d) Avancement. On a fait valoir devant nous qu'obliger l'intimé à nommer M. Grover à un poste correspondant à ses compétences scientifiques serait une réparation appropriée. Le tribunal est convaincu que M. Grover remplissait, et qu'il remplit encore, les conditions nécessaires, sur les plans du leadership administratif et de l'aptitude à organiser et à gérer, pour obtenir au moins une promotion normale à un poste de chef de section ou d'équipe. Le témoignage de M. Major, qui a fait état des compétences administratives que M. Grover a manifestées en s'acquittant à titre provisoire des fonctions de directeur de l'INO, nous renforce dans notre opinion. Il ressort à évidence du témoignage de M. Major que M. Grover était responsable de la planification de l'INO ainsi que de la sélection du personnel. C'est là une tâche importante que M. Grover a accomplie au nom de l'INO. Vu les circonstances, nous sommes d'avis qu'à tout le moins, un poste de chef de section ou de chef d'équipe doit être offert à M. Grover le plus tôt possible. Nous nous rendons bien compte du fait que l'intimé a adopté une nouvelle ligne de conduite en matière d'avancement, mais les actes discriminatoires envers M. Grover qui ont nui à son avancement sont bien antérieurs. Pour le cas où l'intimé opposerait une résistance à la nomination du plaignant à un poste approprié, le présent tribunal réserve sa compétence afin d'entendre d'autres témoins sur cette question.

e) Correction du dossier individuel. On a soutenu devant le tribunal que le dossier individuel de M. Grover n'indiquait pas équitablement et exactement la progression de sa carrière à cause de la modification et de la falsification de ses propositions d'avancement par Jill Baker, M. Preston-Thomas et d'autres. Le tribunal craint qu'en effet, le dossier individuel de M. Grover n'ait été l'objet de beaucoup de pression et d'ingérence de la part de la direction du CNR, qui s'est rendue coupable de manquement à la déontologie. Par conséquent, nous sommes d'avis qu'il convient de rendre une ordonnance rectifiant le dossier individuel dans la mesure où cela est possible. On nous a

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cité l'affaire Engell v. Mount Sinai Hospital (1989), 11 C.H.R.R. D/68 (Comm. ont.), à la p. d.75.

f) Dommages-intérêts pour préjudice moral. Conformément à l'alinéa 53(3)b) de la Loi, la victime d'un acte discriminatoire a droit à une indemnité spéciale:

«[...] le tribunal peut ordonner à l'auteur d'un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de cinq mille dollars, s'il en vient à la conclusion [...]

b) que la victime en a souffert un préjudice moral.»

Le tribunal a eu l'occasion d'observer M. Grover qui a témoigné durant plusieurs jours à l'audience et il a aussi entendu son épouse. Nous avons eu l'impression qu'il était quelqu'un de très fier, d'honnête, de travailleur et qui avait un profond attachement à sa famille. La façon dont l'intimé a traité M. Grover tendait, à notre avis, à l'humilier et à le rabaisser, et elle a eu de graves effets sur sa carrière. De plus, nous avons entendu des témoignages au sujet de problèmes de santé dus à la tension qu'a provoquée ce traitement ainsi qu'à la pression qu'ont subie son épouse et ses enfants. On nous a priés de nous reporter à la décision Morgan c. Forces armées canadiennes (1989), 10 C.H.R.R. D/6386 (trib. féd.). La question de l'échelle d'indemnisation prévue à l'alinéa 53(3)b) est étudiée à la p. D60403 de cette décision et on y lit les observations suivantes:

«D'après les éléments de preuve dont je dispose, le préjudice en question n'est en rien comparable à l'humiliation et à l'embarras dont souffrent les personnes victimes d'une discrimination publique fondée sur la race, la religion, la couleur ou le sexe, en particulier lorsqu'il y a perpétration répétée et que le préjudice moral subi entraîne des manifestations physiques ou mentales de stress. A mon avis, le haut de l'échelle s'applique à cette dernière catégorie de situations.»

Le présent tribunal en arrive à la conclusion que l'indemnité convenable pour le préjudice moral, pour l'humiliation et pour l'embarras subis par M. Grover se situe vraiment en haut de l'échelle prévue par cette disposition. Par conséquent, nous ordonnons que l'intimé verse au plaignant à ce titre la somme de 5 000 $.

g) Intérêts. Le tribunal est d'avis qu'en ce qui a trait à l'adjudication d'intérêts sur les sommes accordées, tant pour le préjudice moral que pour la perte de salaire, le droit est bien établi. Dans l'affaire Morgan c. Forces armées canadiennes, précitée, on trouve à la p. D/6407 les observations qui suivent, auxquelles nous souscrivons, concernant le droit à des intérêts:

«Le début de cette période doit varier selon la nature du dédommagement. En ce qui concerne l'indemnisation pour préjudice moral, l'intérêt doit commencer à courir le jour où le plaignant commence à subir le tort. Normalement, il s'agit de la date où le plaignant apprend que le mis en cause a exercé contre lui une discrimination illicite. [...] En ce qui concerne l'indemnisation pour pertes de salaire, normalement, les intérêts doivent commencer à s'accumuler à la date où la rémunération aurait dû être versée. Si nous appliquions ce principe d'une façon stricte, il nous faudrait calculer les intérêts sur les salaires perdus à partir de la fin de chaque période de paie.»

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En conséquence, nous ordonnons que des intérêts soient versés de la manière qui suit, au taux préférentiel demandé par la Banque canadienne impériale de commerce, à compter de la date indiquée ci-après:

  1. dans le cas de l'indemnité pour perte de salaire résultant du calcul inexact des AEP et de l'avancement, à partir de la date à laquelle ces pertes ont commencé, mais au plus tôt en 1986.
  2. dans le cas du préjudice moral, à partir de la date à laquelle M. Grover est revenu à plein temps au CNR, sous la direction de M. Laubitz, c'est-à-dire en 1986.

h) Dépens. A notre avis, Me Bennett, avocat de M. Grover, a ajouté une dimension particulièrement importante à la présentation de la preuve du plaignant. Les rôles de Me Bennett et de Me Engelman, avocat de la Commission, sont très bien définis et les témoignages et l'essentiel de leur argumentation ont rarement chevauché. Pour ce qui est des irrégularités imputables à l'intimé relativement aux éléments de preuve et aux témoins, la façon dont Me Bennett a présenté la preuve nous a été d'un grand secours, comme nous l'avons exposé en détail dans les présents motifs. Au surplus, son argumentation concernant les réparations et, surtout, la preuve du préjudice moral a été, à notre avis, particulièrement éloquente et d'un grand secours.

Bien qu'on nous ait cité plusieurs décisions, aucune n'a paru utile pour établir notre compétence sur ce point. Dans l'affaire Karaumanchiri, la Cour divisionnaire de l'Ontario, traitant de la question des dépens en vertu du Code des droits de la personne ontarien, dit ce qui suit (à la p. D4875):

[TRADUCTION]

«Les requérants/appelants ont soutenu que Baum avait commis une erreur de droit et excédé sa compétence en adjugeant des dépens aux intimés Karaumanchiri, Ng et Yan. Aucune cour, ni aucun autre organisme quasi judiciaire, n'a de compétence inhérente pour accorder des dépens [...] Selon le principe d'interprétation des lois expressio unius exclusio alterius, en ne conférant expressément aux organismes d'enquête qu'au paragraphe 40(6) du Code le pouvoir d'adjuger des dépens, le législateur a exclu la compétence pour accorder des dépens dans d'autres cas prévus au Code.»

A l'alinéa 53(2)c), il est fait mention du pouvoir du tribunal de faire indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu'il juge indiquée, [...] des dépenses entraînées par l'acte. La Loi canadienne sur les droits de la personne est muette sur l'adjudication des dépens et le seul pouvoir dont il est fait mention et qui puisse être analogue à l'adjudication de dépens est celui de dédommager la victime des dépenses, qui est énoncé à l'article 53.

Dans la décision Banca Nazionale del Lavoro of Canada c. Lee-Shanok (1988), 22 C.C.E.L. 59 (C.A.F.), il est fait mention du pouvoir d'adjuger des dépens en vertu du Code canadien du travail. Le juge Stone y traite la question des réparations, y compris l'adjudication de dépens en vertu de l'alinéa 61.5(9)c) du Code, en ces termes:

«[...] de faire toute autre chose qu'il juge équitable d'ordonner afin de contrebalancer les effets du congédiement ou d'y remédier.»

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Au sujet de l'alinéa 69.5(9)c), le juge Stone fait les observations suivantes (à la p. 77):

«Les frais juridiques engagés réduiraient effectivement l'indemnité visant la perte de salaire, alors que leur recouvrement semblerait remédier à un effet du congédiement, ou tout au moins le contrebalancer. La prétention de la requérante ne me persuade pas que l'alinéa c) ne permet pas d'accorder des frais parce que la seule indemnité pécuniaire que le parlement a envisagée est celle de l'alinéa a). Selon moi, l'alinéa c) élargit l'éventail des redressements possibles au-delà de ceux déjà spécifiés dans les alinéas a) et b). Nous n'avons pas à définir en l'espèce la portée exacte de l'alinéa c), et je suis convaincu qu'il englobe sûrement le recouvrement de frais par un plaignant dans des circonstances appropriées.» (mis en caractères gras par le tribunal)

Si les réparations ont pour but d'indemniser intégralement et suffisamment le plaignant qui a été victime d'actes discriminatoires, alors à coup sûr la conséquence que constituent les dépens fait partie intégrante d'une réparation adéquate pour le plaignant qui a gain de cause. Nous estimons que la représentation de M. Grover par Me Bennett était tout à fait nécessaire et a constitué un élément très utile de la présentation de toute cette affaire. Nous ne voulons d'aucune façon laisser entendre que la preuve de la Commission n'a pas été présentée d'une manière totalement satisfaisante par Me Engelman, qui a occupé pour elle tout au long de l'instance. En effet, sa présentation a été également utile au tribunal. Nous accorderions donc à M. Grover les frais de son avocat dans la présente instance selon le tarif de la Cour fédérale.

CONCLUSION

Pour les motifs énoncés dans les conclusions de notre décision, nous déclarons que l'intimé a porté atteinte aux droits de M. Grover protégés par l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et nous rendons l'ordonnance suivante:

  1. L'intimé doit faire parvenir au plaignant une lettre d'excuses dans laquelle il s'excusera du traitement réservé au plaignant et de sa conduite envers lui. Cette lettre officielle doit être préparée par le président de l'intimé dans les quinze jours de la date de la présente ordonnance et elle doit être publiée au plus tard dans le numéro qui suivra le prochain numéro de Sphère. La lettre d'excuses adressée à l'Optical Society et concernant l'annulation du voyage à Boston doit être envoyée à cette association dans un délai de 30 jours de la date des présentes.
  2. Conformément à l'alinéa 53(2)a), l'intimé sera tenu de mettre fin immédiatement aux actes discriminatoires envers le plaignant. En outre, il doit faire, en consultation avec la Commission, un examen approfondi du programme et de la politique du CNR en matière de droits de la personne.
  3. Les parties aux présentes doivent, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente ordonnance, s'entendre pour nommer un arbitre qui sera chargé de déterminer et de calculer ce qui suit:

(i) le nombre exact d'AEP du plaignant;

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(ii) la perte de salaire, s'il en est, résultant de la modification du nombre d'AEP du plaignant;

(iii) la perte de salaire découlant de l'absence d'avancement de 1986 à aujourd'hui.

Au cas où les parties ne s'entendraient pas sur la nomination d'un arbitre dans un délai de trente (30) jours, le présent tribunal réserve sa compétence et résoudra la question en entendant d'autres témoins là-dessus.

d) Le plaignant sera nommé à un poste de chef de section ou de chef d'équipe le plus tôt possible. Pour le cas où l'intimé opposerait une résistance à la présente ordonnance quant à l'avancement, le tribunal réserve sa compétence afin d'entendre d'autres témoins sur cette question.

e) Le dossier individuel du plaignant doit être réexaminé et toutes les erreurs ou omissions concernant tous les renseignements pertinents jusqu'à ce jour doivent être corrigées immédiatement.

f) Conformément à l'alinéa 53(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le tribunal ordonne à l'intimé de verser au plaignant la somme de 5 000 $ pour le préjudice moral.

g) Les sommes accordées dans les présentes ordonnances relativement au calcul inexact des AEP et à l'absence d'avancement rapporteront un intérêt au taux préférentiel demandé par la Banque canadienne impériale de commerce à partir de la date indiquée ci-après:

(i) dans le cas de l'indemnité pour perte de salaire résultant du calcul inexact des AEP et de l'avancement, à partir de la date à laquelle ces pertes ont commencé, mais au plus tôt en 1986.

(ii) dans le cas du préjudice moral, à partir de la date à laquelle M. Grover est revenu à plein temps au CNR, sous la direction de M. Laubitz, c'est-à-dire en 1986.

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h) L'intimé doit payer les frais de l'avocat du plaignant immédiatement après qu'ils auront été fixés selon le tarif de la Cour fédérale.

Fait le 29 juillet 1992.

CARL E. FLECK, c.r., président

RUTH S. GOLDHAR, membre

KATHLEEN M. JORDAN, membre

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