Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

la plaignante

- et -

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

l'intimée

DÉCISION PORTANT SUR LA REQUÊTE DE L'INTIMÉE

AU SUJET DE LA CONTRE-PREUVE ARMSTRONG

Décision no 5

26/04/2002

MEMBRES INSTRUCTEURS : Benjamin Schecter, président

Elizabeth Leighton, membre

Gerald Rayner, membre

[TRADUCTION]

I. CONTEXTE

[1] Le 30 août 2000, le Tribunal a rendu oralement une décision au sujet des rapports souscrits par le Dr Pat Armstrong, que la Commission désirait produire en contre-preuve.

[2] La décision rendue était essentiellement à l'effet que le libellé des rapports souscrits par le Dr Armstrong comportait des éléments pouvant être caractérisés comme exprimant en fait une opinion juridique ou de l'argumentation juridique. Par conséquent, lesdits rapports identifiés sous les cotes I-22 et I-23 ont été jugés inadmissibles tel que rédigés.

[3] La Commission a alors eu à choisir parmi les trois solutions suivantes, à savoir :

  1. demander que le Dr Armstrong reformule ses rapports, de manière à ce que l'opinion qu'elle émettait se limite à son champ d'expertise, en la prévenant … de ne pas émettre d'opinion juridique;
  2. de permettre le témoignage du Dr Armstrong tout en excluant ses rapports de la preuve; ou
  3. de demander qu'un autre témoin soit appelé à témoigner.

[4] La Commission a décidé de demander que l'on produise en preuve une nouvelle version, dûment revue et corrigée, des rapports du Dr Armstrong et, une fois ces rapports présentés à nouveau au Tribunal et à toutes les parties en l'instance, qu'elle soit alors appelée à témoigner dans la cause à titre de témoin expert. Le présent Tribunal est maintenant saisi de la version revue et corrigée desdits rapports présentés sous les cotes I-29 et I-30.

II. LA QUESTION À TRANCHER

[5] Considérant la décision de la Commission à l'effet de procéder en recourant à une version revue et corrigée des rapports souscrits par le Dr Armstrong, le Tribunal estime que la question à trancher est maintenant à savoir si les rapports ainsi présentés sous les cotes I-29 et I-30 sont conformes à la décision et aux directives du Tribunal suivant la décision rendue par celui-ci le 30 août 2000.

III. LES ARGUMENTS DES PARTIES

[6] L'intimée s'objecte à l'admission en preuve des nouveaux rapports revus et corrigés.

[7] Dans son plaidoyer, l'intimée plaide que les nouveaux rapports ne constituent pas une contre-preuve valable, et qu'en outre ils constituent une duplication de la preuve déposée par le Dr John Kervin, notamment en ce qui a trait à la question du dégroupement (unbundling). L'intimée plaide abondamment que lesdits rapports contreviennent à la règle de l'arrêt Browne c. Dunn, et que leur libellé continue à constituer la formulation d'une opinion juridique et de l'argumentation juridique.

[8] L'intimée plaide de plus que lesdits rapports déposés sous les cotes I-29 et I-30 renfermement des éléments de preuve qui ont pour objet de confirmer des éléments de preuve présentés par le Dr Armstrong dans le rapport qu'elle a déposé antérieurement (sous la cote PSAC-2). Pour tous ces motifs, l'intimée plaide que le fait d'admettre en preuve lesdites versions revues et corrigées des rapports du Dr Armstrong causerait préjudice aux intérêts de l'intimée dans la présente instance.

[9] La Commission et la plaignante plaident par ailleurs, et avec vigueur, que la seule question devant être tranchée par le Tribunal est celle à savoir si les versions revues et corrigées des rapports du Dr Armstrong sont conformes à la décision et aux directives du Tribunal suivant la décision rendue par celui-ci le 30 août 2000.

[10] Ils plaident que le Dr Armstrong, d'ailleurs l'un des experts les plus chevronnés du Canada en matière d'équité salariale, a effectivement revu et corrigé les rapports auxquels elle avait souscrit à l'origine, antérieurement produits sous les cotes I-22 et I-23, de manière à ce qu'ils soient conformes aux directives données par le Tribunal à cet égard.

[11] La Commission et la plaignante plaident en outre que, ce que l'intimée considère comme étant des affirmations de nature confirmative traduit plutôt le souci du Dr Armstrong de chercher à situer la question en litige dans son contexte véritable.

[12] En ce qui concerne l'argumentation de l'intimée se rapportant à la règle énoncée dans l'arrêt Browne c. Dunn, la Commission et la plaignante plaident qu'en l'instance, personne n'a mis en cause la crédibilité des témoins de l'intimée, le Dr Mark Killingsworth et le professeur Paul Weiler. Par conséquent, la règle énoncée dans l'arrêt Browne c. Dunn, traitant essentiellement de la question de la crédibilité des témoins, n'aurait rien à voir avec les circonstances en l'espèce.

IV. CONCLUSION

[13] Après avoir dûment entendu les plaidoiries des parties en l'instance, le Tribunal en arrive à la conclusion qu'il n'y a pas lieu de revoir tous les éléments de sa décision rendue en août 2000.

[14] Le Tribunal conclut notamment que la question de ce qui constitue une contre-preuve admissible a été dûment traitée dans le cadre de sa décision rendue en août 2000, et que ces considérations ne sont pas par ailleurs incontournables en ce qui concerne le fait de trancher si les rapports revus et corrigés présentés par le Dr Armstrong sont effectivement admissibles.

[15] Par ailleurs, le Tribunal ne souscrit pas à l'argument à l'effet que les rapports revus et corrigés déposés par le Dr Armstrong constituent une duplication de la preuve déposée par le Dr Kervin. L'expertise du Dr Kervin est essentiellement dans le domaine de l'analyse de données et de la méthodologie statistique. L'expertise du Dr Armstrong en ce qui concerne le travail effectué par les femmes, la rémunération des femmes et l'aspect sociologique des lois en matière d'équité salariale ajoute une perspective différente qui se retrouve dans les rapports auxquels elle a souscrit.

[16] La règle énoncée dans l'arrêt Browne c. Dunn n'a pas fait l'objet de la décision rendue en août 2000; le Tribunal est toutefois disposé à convenir que les rapports revus et corrigés souscrits par le Dr Armstrong n'ont aucunement pour objet de mettre en cause la crédibilité du Dr Killingsworth ni du professeur Weiler.

[17] Le Tribunal n'attribuera qu'une importance contextuelle à quelque référence qui pourrait être faite au rapport souscrit à l'origine par le Dr Armstrong (PSAC-2).

[18] Le Tribunal conclut que la question principale dont il doit disposer est celle à savoir si les rapports révisés souscrits par le Dr Armstrong sont conformes à la décision et aux directives du Tribunal dans sa décision rendue en août 2000, à l'effet qu'elle s'en tienne dans ses rapports à ses champs d'expertise et qu'elle se garde de formuler des opinions juridiques ou de l'argumentation juridique. Le Tribunal estime que les rapports révisés souscrits par le Dr Armstrong ne formulent en principe aucun argument ni opinion juridique. Elle y fait nécessairement référence aux lois en matière d'équité salariale, alors qu'elle a été par ailleurs dûment admise à témoigner à titre de témoin expert en l'instance, en ce qui touche les aspects sociologiques des questions en litige. Le Tribunal trouverait d'ailleurs inconvenant qu'un témoin expert omette de mentionner de telles références dans le cadre de ses rapports déposés devant le Tribunal.

[19] Le Tribunal conclut donc que lesdits rapports, tels que reformulés, sont conformes à la décision rendue à cet égard en août 2000. Par conséquent, par souci d'équité, les pièces I-29 et I-30 sont admises en preuve. Évidemment, le Tribunal attribuera à cette preuve la force probante qu'il convient en l'espèce.

Originale signée par

Benjamin Schecter, président

Elizabeth Leighton, membre

Gerald Rayner, membre

OTTAWA (Ontario)

Le 26 avril 2002

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE : T299/1392

INTITULÉ DE LA CAUSE : Alliance de la fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes

LIEU DE L'AUDITION : Ottawa (Ontario)

(Le 25 avril 2002)

DATE DE LA DÉCISION : Le 26 avril 2002

ONT COMPARU :

Me James Cameron pour l'Alliance de la fonction publique du Canada

Me Peter Engelmann pour la Commission canadienne des droits de la personne

Me Guy Dufort et Me Jennifer Perry pour la Société canadienne des postes

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