Tribunal canadien des droits de la personne

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I.  Le contexte

  • [1] Le 20 janvier 2010, M. Geevarughese Johnson Itty, aussi connu sous le nom de M. Johnson Itty (le plaignant) a déposé une plainte (la plainte) auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) contre l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC ou l’intimée), alléguant qu’il avait été victime de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique et l’âge, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, c. H-6, dans sa version modifiée (la Loi).

  • [2] Le 24 avril 2012, la Commission a envoyé une lettre (la lettre de renvoi) à laquelle elle a joint une copie de la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) pour lui demander d’instruire la plainte, conformément à l’alinéa 44(3)a) de la Loi.

  • [3] La Commission a fait savoir qu’à moins que de nouvelles circonstances l’amènent à modifier sa position, elle ne prendrait pas part à l’audience.

  • [4] Le 31 janvier 2013, le plaignant a déposé son exposé des précisions. Outre les précisions relatives aux allégations de discrimination commises à son endroit par l’intimée en contravention de l’article 7 de la Loi, le plaignant prétend qu’il a été victime de discrimination systémique, en contravention de l’article 10 de la Loi. Son exposé des précisions précise également qu’il envisage de présenter une requête en modification de sa plainte de manière à y inclure les allégations de contravention à l’article 10.

  • [5] Le 8 mars 2013, l’intimée a déposé son exposé des précisions. L’intimée s’oppose à ce que le plaignant formule dans sa plainte des allégations relatives à l’article 10. Toutefois, l’exposé des précisions de l’intimée contient des réponses ainsi qu’une défense à ces allégations au titre de l'article 10.

  • [6] Le plaignant n’a pas déposé de réponse à l’exposé des précisions de l’intimée et n’a pas l’intention de le faire.

  • [7] Le 11 avril 2013, les parties, représentées par leurs avocats, et moi, en l’absence de l’avocat de la Commission,avons pris part à une conférence de gestion de l’instance, au cours de laquelle le plaignant a déclaré qu’il présenterait une requête en modification de la plainte de manière à y inclure les allégations d’infraction à l’article 10 (la requête en modification).

  • [8] L’avocat de l’intimée a informé le Tribunal qu’il présenterait une requête afin d’obtenir une ordonnance de confidentialité de certaines parties de la preuve de sa cliente (la requête en confidentialité). La décision relative à cette requête sera rendue séparément.

  • [9] Les parties ont présenté leurs documents relatifs à la requête par écrit. Il n’y a pas eu d’audience.

  • [10] Le plaignant fait valoir qu’il a été victime de discrimination fondée sur l’âge, l’origine nationale ou ethnique et la race, en contravention de l’article 7 de la Loi, dans le contexte de l’administration par l’intimée du Programme de formation des recrues pour les points d’entrée (le FORPE). On trouvera ci-dessous un résumé de la plainte.

  • [11] Le plaignant, citoyen naturalisé canadien, a postulé auprès de l’intimée en vue de devenir agent des services frontaliers (ASF). Il a passé avec succès la vérification initiale de l’intimée et a ensuite été invité à prendre part au programme FORPE d’une durée de neuf semaines, lequel comporte deux étapes d’évaluation, appelées étapes de détermination : l’étape de détermination I (D-I) et l’étape de détermination II (D-II). Le plaignant a réussi tous les examens comportementaux et écrits de l’étape D-I et a ensuite entrepris la seconde partie du programme FORPE, à la fin de laquelle se trouvait l’examen D-II. Cette dernière étape de détermination est constituée d’un autre ensemble d’examens écrits et d’évaluations comportementales, y compris de scénarios de simulation dans le contexte desquels dix compétences (les compétences) sont évaluées.

  • [12] Pour devenir un ASF, une recrue doit obtenir la note « satisfaisant » (il doit réussir) à tous les examens et les évaluations comportementales des étapes D-I et D-II, y compris l’évaluation des compétences. Le plaignant n’a pas satisfait à trois des compétences évaluées à l’étape D-II, obtenant ainsi une note « insatisfaisante » et il a été éliminé du bassin des ASF potentiels.

  • [13] Le plaignant soutient qu’au cours de la formation et des évaluations de l’étape D-II, les éléments suivants ont donné lieu aux motifs de distinction illicites susmentionnés et à une différence préjudiciable de traitement à son égard, ce qui a conduit au rejet de sa candidature à un poste d’ASF :

II.  La plainte

  • 1) Deux des trois examinateurs qui ont évalué ses compétences dans le contexte de l’étape D-II ont jugé qu’il était inapte à l’égard d’au moins trois compétences; ils n’ont pas motivé leurs observations et les raisons pour lesquelles ils avaient tiré cette conclusion; cela était inapproprié vu que l’évaluation de ces compétences est un exercice subjectif et qu’il peut par conséquent faire l’objet de préjugés, ce dont les deux examinateurs ont fait preuve; le plaignant a souligné le fait que les trois examinateurs étaient blancs;

  • 2) le plaignant devait satisfaire à des normes plus rigoureuses que ses condisciples blancs et plus jeunes, qui n’appartenaient pas à la même race que le plaignant ni n’avaient les mêmes origines nationales ou ethniques, mais qui ont été admis en dépit du fait que certains ont commis de graves erreurs;

  • 3) le plaignant croit que l’intimée voulait le faire échouer en raison de son âge et il fait valoir que deux autres [traduction] « messieurs âgés de plus de 50 ans ont aussi été jugés inaptes […] »;

  • 4) un des examinateurs qui l’a fait échouer occupait un poste inférieur à celui d’un surintendant et manquait d’expérience, et c’est ce manque d’expérience qui a eu un effet préjudiciable sur l’évaluation du plaignant; le fait que ce soit une personne occupant un poste d’un tel niveau qui ait évalué le plaignant plutôt que quelqu’un occupant au moins un poste de surintendant contredisait ce que les représentants de l’intimée avaient dit au plaignant lors de l’évaluation initiale;

  • 5) on lui a demandé de changer de place à au moins deux reprises pendant les sessions de formation en classe, deux semaines avant les examens de simulation de l’étape D-II; personne d’autre n’a eu à changer de place plus d’une fois; cela l’a également rendu nerveux et inquiet;

  • 6) à plusieurs reprises, le formateur n’a pas répondu aux questions du plaignant ou aux demandes d’éclaircissements de celui-ci à l’égard des sujets abordés lors de la formation, et le plaignant a dû poser ses questions plusieurs fois avant que le formateur lui réponde; le plaignant a aussi trouvé cela insultant;

  • 7) le plaignant n’a pas eu droit au nombre prévu de congés rémunérés pour rentrer chez lui, en contravention des directives du Conseil du Trésor;

  • 8) lors de la séance de rétroaction qui a eu lieu à la fin du programme FORPE, le responsable de la rétroaction a empêché le plaignant de prendre des notes quand les examinateurs lui expliquaient pourquoi il n’avait pas été retenu; quand le plaignant a essayé de poser des questions et d’obtenir des éclaircissements au sujet des raisons pour lesquelles il avait échoué, le responsable de la rétroaction l’a de nouveau traité de manière injuste en lui criant après devant tout le monde.

III.  La requête en modification du plaignant

  • [14] Par sa requête en modification, le plaignant souhaite ajouter à sa plainte l’allégation selon laquelle il a été victime de discrimination dans le contexte du programme FORPE administré par l’intimée, pour les mêmes motifs que les allégations au titre de l’article 7, mais également en contravention de l’article 10 de la Loi.

  • [15] L’article 10 de la Loi est ainsi libellé :

Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

IV.  La question en litige

  • [16] La question en litige en l’espèce est de savoir si le Tribunal doit accueillir la requête en modification et ajouter à la plainte l’allégation de discrimination en contravention de l’article 10 de la Loi.

V.  Le droit relatif à la modification des plaintes

En général

  • [17] Le Tribunal a la compétence voulue pour autoriser des modifications en vue de définir « […] les véritables questions litigieuses entre les parties » et de s’assurer que le fait d’autoriser les modifications « […] serve les intérêts de la justice » (Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 CF 3 (CAF) (Canderel), cité dans la décision Canada (Procureur général) c. Parent, 2006 CF 1313, au paragraphe 30 (Parent); et dans Tabor c. La Première nation Millbrook, 1013 TCDP 9 (Tabor) au paragraphe 4.

  • [18] Pour décider s’il doit autoriser la modification, « […] le Tribunal n’examine pas en détail le fond de la modification proposée » (Tabor, précitée, au paragraphe 4).

  • [19] Une modification ne peut pas servir à introduire fondamentalement une nouvelle plainte, ce qui contournerait ainsi le processus de renvoi prévu par la Loi (Tabor, précitée, au paragraphe 5, citant Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 1 (Gaucher). En général, « […] les questions qui découlent d'un même ensemble de circonstances factuelles devraient normalement être entendues ensemble » (Cook c. Première nation d’Onion Lake, 2002 CanLII 45929 (TCDP), au paragraphe 17 (Cook), citée dans Parent (précitée), au paragraphe 33.

  • [20] Autrement dit, il doit y avoir un lien, en fait et en droit, entre la plainte et la modification demandée.

  • [21] Toutefois, le Tribunal ne peut pas autoriser la modification si un préjudice a été « effectivement subi » par l’autre partie, et que ce préjudice est « réel et important » (Cook, précitée), citée dans Société du musée canadien des civilisations c. Alliance de la fonction publique du Canada (section locale 70396), 2006 CF 704, au paragraphe 28 (Musée des civilisations). La partie qui prétend qu’elle a subi un préjudice doit démontrer que ce préjudice est « suffisamment grave pour compromettre l’équité de l’audition », Cook, précitée, au paragraphe 20.

  • [22] Dans Musée des civilisations, précitée, au paragraphe 52, la Cour fédérale a adopté deux paragraphes de la décision Gaucher, précitée, lesquels prévoient essentiellement ce qui suit :

Le lien entre la plainte et la modification proposée

Le préjudice

a) La position du plaignant

Le lien entre la plainte et la modification proposée

  • a) il est inévitable que de nouveaux faits et de nouvelles circonstances soient souvent révélés au cours de l’enquête;

  • b) il s’ensuit que les plaintes sont susceptibles d’être précisées;

  • c) dans la mesure où le fond de la plainte initiale est respecté, un plaignant devrait être autorisé à clarifier et à expliquer les allégations initiales avant la tenue d’une audience relative à l’affaire en cause;

  • d) la Loi est une loi réparatrice et les tribunaux qui traitent des droits de la personne ont ainsi adopté une démarche libérale à l’égard des modifications, plutôt que d’opter pour une interprétation étroite ou technique;

  • e) dans l’arrêt Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 A.C.S. n° 75 (QL), la Cour suprême a approuvé une modification à une plainte qui « a simplement rendu la plainte conforme aux procédures », et, à l’égard d’une modification similaire à celle qui a été proposée dans Gaucher, il s’agit simplement de s’assurer que la forme de la plainte reflète avec précision le fond des allégations que la Commission a renvoyées au Tribunal.

  • [23] La modification proposée a trait à l’objet et au fond de la plainte originale parce que les faits qui étayent les allégations du plaignant au titre de l’article 7 sont les mêmes faits que ceux qui étayent ses allégations au titre de l’article 10. La modification proposée fait simplement en sorte que la plainte soit conforme aux faits déjà allégués.

  • [24] Les allégations de discrimination systémique (en contravention de l’article 10) découlent des allégations de discrimination en matière d’emploi et de différence préjudiciable de traitement dont le plaignant prétend avoir été victime.

  • [25] Du fait qu’elle a enquêté sur les faits de la plainte qui étayent les allégations au titre de l’article 7 et qu’elle les a examinés, la Commission a également enquêté sur les faits justifiant l’ajout à la plainte d’allégations au titre de l’article 10 et les a examinés, parce qu’il s’agit des mêmes faits. La Commission a renvoyé l’ensemble de la plainte au Tribunal, et la plainte comprend également les faits relatifs à l’article 10. Par conséquent, le Tribunal a la compétence voulue pour accorder la modification.

  • [26] La plainte contient les allégations de fait suivantes à l’appui des allégations de discrimination systémique au titre de l’article 10 :

  • a) le plaignant et deux hommes d’âge mûr, dans la cinquantaine, ont échoué au programme FORPE;

  • b) un agent occupant un poste inférieur à celui de surintendant a évalué le plaignant, contrairement à ce que l’intimée avait dit au plaignant au sujet de la procédure qui serait suivie;

  • c) les évaluations des compétences sont subjectives, et elles peuvent par conséquent être exposées aux préjugés individuels des évaluateurs, comme l’illustre la situation du plaignant;

  • d) la différence préjudiciable de traitement dont le plaignant a été victime dans le contexte du programme FORPE témoigne de l’application de pratiques discriminatoires de plus grande ampleur lors des évaluations dont le plaignant a fait l’objet;

  • e) l’intimée a imposé un seuil déraisonnable au plaignant (c.-à-d. une norme plus élevée) quand elle a évalué ses compétences.

  • [27] La lettre adressée par la Commission au plaignant en date du 24 avril 2012 (la lettre de la Commission), (décrite par le plaignant comme la lettre de renvoi de l’affaire devant le Tribunal) contenait une déclaration selon laquelle [traduction] « […] la preuve donne à entendre que […] le plaignant a échoué à l’examen normalisé [du] programme de formation du fait de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de son âge ». Le fait que la lettre de la Commission fasse référence à des examens [traduction] « normalisés » invoque les motifs prévus par l’article 10.

  • [28] La modification proposée fait état d’un nouveau fondement juridique comportant de nouvelles allégations de discrimination systémique, et elle ouvre une nouvelle voie non prévue à l'égard d'une instruction, ce qui revient à introduire fondamentalement une nouvelle plainte, qui n’était pas prévue dans la plainte originale et qui va largement au-delà de la portée et du contenu factuel de cette plainte.

  • [29] Cela soulève la même question que celle qui a été décrite par la Cour fédérale dans la décision Musée des civilisations, précitée, au paragraphe 30, à savoir que la modification aurait pour effet de modifier les allégations exposées dans la plainte « […] de façon à ce que celle‑ci porte sur une nouvelle question qui n’a pas été renvoyée au Tribunal par la Commission ».

  • [30] Il existe une distinction entre une plainte de discrimination personnelle en contravention de l’article 7 et une plainte selon laquelle une pratique ou une politique est, en soi, discriminatoire en contravention de l’article 10. Cette distinction en fait des plaintes distinctes. Compte tenu de cette distinction, la modification proposée consistant à invoquer l’article 10 constitue une nouvelle plainte. Le Tribunal a adopté la distinction établie dans Cook, précitée. La question de savoir si le programme en cause « […] présente un caractère discriminatoire inhérent est une question distincte. Elle n'a jamais fait partie de la plainte initiale » (ibid, précitée, au paragraphe 24).

  • [31] Par conséquent, la modification proposée ne découle pas du fond et des faits de la plainte existante, pas plus qu’elle ne fait que rendre la plainte conforme aux faits déjà allégués.

  • [32] Le Tribunal n’a pas la compétence voulue pour accorder la modification. Premièrement, il ressort du paragraphe 44(3) et de l’article 49 de la Loi que le Tribunal n’a la compétence voulue pour connaître d’une affaire que si la Commission lui renvoie une plainte. Le fait de permettre une modification dans les circonstances présentes irait à l’encontre des conditions d’exercice de la compétence du Tribunal prévues par la Loi. À ce sujet, l’intimée se fonde également sur la décision Musée des civilisations, précitée, au paragraphe 28.

  • [33] Deuxièmement, la plainte ne comprend pas d’allégations fondées sur l’article 10 – elle ne contient que des allégations fondées sur l’article 7. Par conséquent, lors de son enquête, la Commission n’a pas tenu compte du régime de l’article 10, mais seulement de celui de l’article 7. La Commission n’a pas considéré l’article 10, pas plus qu’elle n’en a traité, et, par conséquent, elle n’aurait pas pu renvoyer une allégation fondée sur l’article 10 devant le Tribunal. Pour ce motif également, le Tribunal n’a pas la compétence voulue pour ajouter la modification à la plainte.

  • [34] En fait, le rapport d’enquête (RE) de la Commission a été expressément élaboré au regard de l’article 7 (RE, le 5 décembre 2011, au paragraphe 1, cité dans la réponse à la requête de l’intimée). Ainsi, quand la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal, la lettre de renvoi de la Commission ne faisait pas état de l’article 10, et le Tribunal n’a pas la compétence voulue pour autoriser la modification.

  • [35] Selon le plaignant, les faits de la plainte justifient l’ajout d’allégations fondées sur l’article 10, mais ce n’est pas le cas en réalité. Le plaignant interprète des expressions et des phrases contenues dans la plainte hors de leur contexte. La plainte ne fait état que d’allégations relatives à la discrimination dont le plaignant aurait été victime personnellement, et non à de la discrimination systémique dans le programme FORPE en tant que tel.

  • [36] En outre, le plaignant ne précise clairement ni dans sa plainte ni dans son exposé des précisions quelles sont les lignes de conduite qui sont selon lui discriminatoires en contravention de l’article 10.

  • [37] Le fait d’interpréter l’expression [traduction] « examen normalisé » qui apparaît dans la lettre de la Commission comme englobant une modification qui consiste à ajouter des allégations relatives à l’article 10 à la plainte qui a été renvoyée au Tribunal revient à donner à cette expression un sens que ne justifie ni la plainte en tant que telle ni l’enquête de la Commission.

  • [38] Le plaignant affirme qu’il s’appuie sur toutes les allégations de fait relatives à l’article 7 pour fonder ses allégations au titre de l’article 10. J’ai examiné l’exposé des précisions du plaignant. Le seul changement qui apparaît dans les allégations de fait dont il est fait état, si on les compare aux allégations contenues dans la plainte, est l’ajout d’un incident au cours duquel le plaignant aurait fait l’objet d’une différence de traitement lors de la simulation sur les tactiques et les contrôles de défense dans le contexte de la partie D-II (la simulation TCD). Par conséquent, le lien factuel requis entre la plainte et la modification est présent. La modification requise ne peut pas être à juste titre qualifiée de plainte nouvelle et distincte.

  • [39] DansCook, précitée, la Commission a ajouté l’alcoolisme comme étant un autre motif de discrimination fondée sur la déficience. Le Tribunal a refusé la modification au motif qu’elle équivaudrait à présenter une nouvelle plainte. Toutefois, cette raison s’est ajoutée à la conclusion du Tribunal selon laquelle la modification en question soulevait des « questions profondes » pour l’intimée, qui subirait un préjudice dans le cas où il accorderait la modification.

  • [40] Le plaignant soutient que l’intimée a fait preuve de discrimination à son endroit lorsqu’elle a évalué son aptitude à occuper un emploi. Les examens et les pratiques mêmes auxquels on a eu recours dans le contexte de ces évaluations devraient être soigneusement examinés en preuve afin tout à la fois de donner un aperçu exhaustif des questions en litige et de définir « […] les véritables questions litigieuses entre les parties » (Canderel, précitée, citée dans Parent, précitée, et Tabor, précitée). Les processus d’examens et d’évaluation en tant que tels constituent un lien matériel avec la plainte et découlent des allégations formulées sous le régime de l’article 7.

  • [41] Je conclus que la modification requise ne constitue pas une plainte distincte et nouvelle. Je conclus que la modification proposée et la plainte ont des liens factuels et de fond. Quand la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal, ce renvoi comprenait toutes les circonstances de la plainte, y compris la discrimination systémique au sens de l’article 10. Par conséquent, le Tribunal ne passe pas outre le processus de renvoi prévu par la Loi et il a la compétence voulue pour accorder la modification.

  • [42] Le plaignant a joint le rapport d’enquête (RE) de la Commission aux documents et aux arguments relatifs à sa requête. Je note que le RE recommandait à la Commission de rejeter la plainte. Après avoir reçu les réponses des parties au RE, la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction.

  • [43] Compte tenu des circonstances, on ne peut accorder que peu de poids au RE.

  • [44] La question de savoir si les documents et la preuve avancés par le plaignant établissent que les allégations relatives à l’article 10 sont fondées sera tranchée après l’audience.

  • [45] En ce qui concerne la question de savoir si les documents du plaignant informent l’intimée des lignes de conduite qui selon le plaignant contreviendraient à l’article 10, je note les éléments suivants :

b) La position de l’intimée

Le lien entre la plainte et la modification proposée

c) Analyse

  • a) le plaignant fait valoir que l’intimée voulait le faire échouer du fait de son âge et que l’intimée a par ailleurs fait échouer deux autres [traduction] « messieurs plus âgés, dans la cinquantaine »;

  • b) la plainte fait état du fait que les trois évaluateurs des compétences du plaignant étaient blancs;

  • c) au paragraphe 33 de son exposé des précisions, le plaignant qualifie les évaluations des compétences sous forme de simulation de [traduction] « […] plus subjectives et pouvoir faire l’objet de davantage de préjugés et de discrimination » [que les autres examens administrés dans le contexte du programme FORPE];

  • d) au paragraphe 34 de son exposé des précisions, le plaignant fait valoir que de nombreux candidats d’autres classes qui ont échoué au programme FORPE étaient aussi d’âge moyen;

  • e) le plaignant affirme que les évaluations des compétences sont subjectives et qu’elles peuvent par conséquent faire l’objet des préjugés individuels des évaluateurs;

  • f) au paragraphe 52 de son exposé des précisions, le plaignant soutient que, dans les faits, la pratique consistant à faire appel à un évaluateur occupant un poste inférieur à celui de surintendant a nui à son évaluation;

  • g) au paragraphe 54, encore une fois, le plaignant qualifie l’évaluation des compétences, y compris celles auxquelles il a échoué, de [traduction] « hautement subjectives », ce qui a eu [traduction] « des conséquences négatives sur les résultats du plaignant » parce que sa [traduction] « […] race, son origine nationale ou ethnique et son âge ont joué un rôle significatif dans ses évaluations »; de ce fait, le programme FORPE est [traduction] « discriminatoire, en contravention de l’article 10 […] »;

  • h) au paragraphe 55, le plaignant soutient que l’évaluation des compétences administrée par l’intimée était discriminatoire, en contravention des articles 7 et 10, vu que [traduction] « […] dans le contexte de cette évaluation, au terme de laquelle il a échoué, on s’est fondé sur certains aspects relatifs à sa race, sa couleur [sic], son origine nationale ou ethnique et son âge »;

  • i) au paragraphe 57, le plaignant affirme que l’intimée s’est servie d’une norme de compétence plus élevée pour évaluer ses compétences que celle dont elle s’est servie à l’égard des autres candidats, qui n’avaient aucun attribut commun avec le plaignant sur les plans de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de l’âge; le plaignant fait valoir que le fait que les autres candidats aient fait des erreurs et aient néanmoins été acceptés, alors qu’il a échoué, prouve qu’il y a eu discrimination en contravention des articles 7 et 10.

  • [46] Les allégations formulées ci‑dessus servent tant à établir quelles sont les lignes de conduite qui, d’après le plaignant, contreviennent à l’article 10 de la Loi qu’à en informer l’intimée.

  • [47] La lettre de la Commission n’est pas utile pour évaluer la portée de la plainte. La lettre de la Commission était une communication entre la Commission et le plaignant, et non entre la Commission et le Tribunal. Il ne s’agit pas de la lettre de renvoi que la Commission a envoyée au Tribunal pour lancer le processus d’instruction.

  • [48] La lettre de renvoi, à laquelle la plainte était jointe, est la base sur laquelle le Tribunal agit – elle lance le processus d’instruction du Tribunal. Dans la lettre de renvoi dont il est question en l’espèce, on demandait au Tribunal d’instruire la plainte parce que [traduction] « […] compte tenu de toutes les circonstances, une instruction s’impose ». L’expression [traduction] « […] compte tenu de toutes les circonstances » est large et générale, et il convient de l’interpréter dans un sens large et général. Cette expression invite le Tribunal à mener une instruction à l’égard de tous les aspects pertinents d’une plainte.

  • [49] Le plaignant fait valoir que la modification proposée ne porterait aucun préjudice à l’intimée parce qu’elle ne fait que rendre la plainte conforme aux faits qui ont été déjà allégués. Elle ne consiste pas à présenter une nouvelle plainte parce qu’il n’est pas question de nouveaux faits. Elle n’ouvre pas « […] une nouvelle voie non prévue à l'égard d'une instruction » (Gaucher, précitée, au paragraphe 18).

  • [50] Contrairement aux allégations de retard de l’intimée, le plaignant a en fait demandé la modification très tôt dans le processus – dans son exposé des précisions, présenté le 31 janvier 2013, il présentait ses allégations au titre de l’article 10 ainsi que son intention de demander la modification. En outre, le Tribunal n’a pas fixé de dates pour l’audience. Par conséquent, l’intimée était avisée de la modification proposée depuis le 31 janvier 2013, et elle a été informée et au courant des faits sur lesquels le plaignant se fonde pour demander la modification depuis que la plainte a été déposée. L’intimée aura largement le temps de se préparer pour l’audition de la plainte modifiée. Il s’ensuit qu’il ne s’agit pas d’un cas où le fait d’autoriser la modification porterait atteinte au droit de l’intimée à la justice naturelle en privant celle-ci de son droit à l’équité procédurale et à une audition équitable.

  • [51] L’intimée soutient que la modification proposée lui porterait préjudice pour les raisons suivantes.

  • [52] La modification proposée modifierait la plainte dans une mesure telle qu’elle ouvrirait « une nouvelle voie non prévue à l'égard d'une instruction », introduisant « fondamentalement une nouvelle plainte ».

  • [53] Le retard du plaignant à invoquer la discrimination systémique a déjà porté préjudice à l’intimée au stade de l’enquête menée par la Commission parce que l’intimée n’a pas pu se prévaloir de l’examen de la Commission à l’égard de l’article 10.

  • [54] Le fait que le Tribunal autorise la modification porterait gravement préjudice à l’intimée parce que cela priverait cette dernière de l’occasion de défendre sa cause devant la Commission. La plainte et l’enquête ont été établies en fonction de l’article 7, et non de l’article 10. Toutes les réponses que l’intimée a données lors de la procédure menée par la Commission, y compris de l’enquête, étaient axées sur l’article 7. L’intimée fait valoir qu’elle n’a eu accès à aucune des procédures de la Commission à l’égard de l’article 10, qu’il s’agisse d’enquête, de conciliation ou de médiation. Il s’agit d’un préjudice réel et important pour l’intimée.

  • [55] Si le Tribunal autorisait la modification, il en découlerait une violation des droits de l’intimée à l’équité procédurale, et plus précisément, de son droit à se voir offrir une juste possibilité de se défendre devant la Commission des allégations portées contre elle au titre de l’article 10. C’est similaire à ce que la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a décidé dans Dillman v. IMP Group Ltd., 1995 CanLII 4254 (NSCA) (Dillman), arrêt dans lequel elle a renversé la décision d’accorder une modification qu’une commission d’enquête avait rendue lors de l’audition de la demande.

  • [56] En outre, l’intimée subira un préjudice parce qu’elle devra produire une [traduction] « pléthore » de témoins, de rapports d’experts et d’analyses statistiques supplémentaires afin de répondre aux allégations portées au titre de l’article 10, ce qui aura pour effet de retarder de manière significative la date de l’audience. Cela aurait également pour effet d’allonger la durée de l’audience en tant que telle, ce qui causerait un préjudice additionnel à l’intimée.

  • [57] La modification proposée causerait un tel préjudice à l’intimée que celle‑ci serait privée de sa capacité à compter sur une instruction équitable.

  • [58] J’ai conclu ci-dessus que la modification proposée consistant à ajouter à la plainte des allégations de discrimination systémique au titre de l’article 10 ne constituait pas une plainte nouvelle et distincte.

  • [59] Le fait de présenter une requête en modification d’une plainte en vue d’y ajouter des allégations de discrimination au titre de l’article 10 trois ans après la date du dépôt de la plainte constitue un long retard. Toutefois, ce retard n’est pas de l’ordre d’un préjudice réel et important interdisant la modification.

  • [60] L’intimée est au courant des allégations du plaignant au titre de l’article 10 depuis le 31 janvier 2013, date à laquelle le plaignant a inclus ces allégations dans son exposé des précisions. L’intimée a été informée de presque tous les faits et incidents sur lesquels le plaignant se fonde, à une exception près, depuis que le plaignant a déposé sa plainte. Le retard relatif à la présentation de la requête ne porte pas atteinte au droit de l’intimée à une instruction équitable devant le Tribunal. Si l’intimée a besoin de davantage de temps pour se préparer en vue de l’audience, y compris pour produire des éléments de preuve documentaire et des témoins additionnels avant l’audience, une demande raisonnable de temps sera accueillie favorablement. Bien qu’il soit malencontreux, ce retard n’empêcherait pas injustement l’intimée de se préparer à l’audience du Tribunal.

  • [61] En ce qui concerne l’enquête, l’exposé des précisions du plaignant, la preuve documentaire et les documents relatifs à la requête étayent les allégations de fait sur lesquelles le plaignant se fonde. Dans son exposé des précisions, ce dernier précise quelles sont les procédures et les pratiques qui sont selon lui discriminatoires au sens de l’article 10. Le plaignant a inclus une allégation additionnelle d’incident qui n’apparaît pas dans la plainte, la simulation TCD, au cours de laquelle le plaignant soutient qu’il a été victime de discrimination de la part de l’intimée. Cette dernière peut répondre à cela dans un exposé des précisions modifié, en appelant des témoins additionnels à comparaître, ou de la manière qu’elle choisira.

  • [62] Il est également possible d’avoir recours à la médiation au Tribunal, au moment où les parties le désirent, et ce, jusqu’au commencement de l’audience. Aussi, les parties sont libres de discuter d’une entente privée en tout temps au cours de la procédure du Tribunal.

  • [63] Bien que le fait d’accorder la modification puisse retarder la date de l’audience et allonger la durée de celle-ci parce que l’intimée souhaite appeler d’autres témoins et produire d’autres éléments de preuve documentaire, le plaignant fait face au même retard et au même allongement de l’audience. Je ne vois pas cela tant comme un préjudice que comme un contretemps.

  • [64] Je tiens également compte des éléments suivants.

  • [65] Au paragraphe 47 de son exposé des précisions, l’intimé réfute les allégations du plaignant au titre de l’article 10. Au paragraphe 58, l’intimée réfute le fait que les examens des compétences administrés dans le contexte du programme FORPE sont subjectifs et ont privé le plaignant de l’accès à des occasions d’emploi, ou que ces examens ont pour effet de tendre à refuser des occasions d’emploi à d’autres personnes ayant les caractéristiques du plaignant, et ce, en contravention de l’article 10.

  • [66] Au paragraphe 59, l’intimée fait valoir que si le Tribunal conclut qu’il y a bien eu discrimination, cela exigerait que le plaignant soit reçu à l’examen des compétences de l’étape D-II, y compris aux trois examens des compétences auxquels il a échoué, compétences qui constituent des exigences professionnelles justifiées (EPJ) du poste d’ASF, et on ne peut pas donner de suite favorable à une telle demande sans causer de contrainte excessive.

  • [67] Les paragraphes susmentionnés de l’exposé des précisions de l’intimée correspondent aux allégations du plaignant au titre de l’article 10, et ils établissent également une défense fondée sur les EPJ au sens de la Loi.

  • [68] À l’heure actuelle, les documents suivants sont énumérés à l’annexe « A » de l’intimée :

Le préjudice 

a)  La position du plaignant 

b)  La position de l’intimée

c)  Analyse

L’exposé des précisions de l’intimée

[traduction]

1) no 3, Rapport sur l’analyse de l’effectif relatif aux minorités visibles de l’ASFC, daté de mars 2007 au 1er avril 2012

2) no 6, Manuel relatif au programme de formation des recrues pour les points d’entrée, juillet 2008;

3) no 7, Livret sur les objectifs des examens du programme de formation des recrues pour les points d’entrées, le 7 octobre 2008;

4) no 37, ASFC – Profil démographique des minorités visibles de la Grande Région de Toronto, du 31 mars 2009 au 1er avril 2012;

5) no 53, Énoncé des critères de mérite, non daté;

6) no 55, Programme de formation des recrues pour les points d’entrées – Un aperçu, non daté;

7) no 67, Résumé du processus de formation, non daté

Les témoins proposés par l’intimée

  • [69] Je résume ci-dessous les déclarations des témoins de l’intimée en me limitant à la date et aux parties de leur témoignage anticipé qui semblent pertinentes dans le contexte de la présente requête :

1) en plus des détails relatifs au processus d’évaluation individuelle du plaignant, les témoins a), b) et c), les trois examinateurs qui ont évalué les simulations du plaignant à l’étape D-II, témoigneront au sujet [traduction] « des objectifs et des buts des évaluations sous forme de simulation de l’étape D-II » et de leurs priorités dans la conduite des évaluations menées sous forme de simulations en général;

2) le témoignage du témoin d) portera sur la structure générale et la procédure relative au processus de recrutement des ASF, y compris le programme FORPE, l’objet et les objectifs de ce programme ainsi que sur le programme de formation des examinateurs;

3) le témoin f) témoignera au sujet de l’établissement des horaires et des pratiques relatives aux évaluations de simulations TCD;

4) en plus des détails concernant le plaignant, le témoignage du témoin g) portera sur les pratiques en salle de classe dans le contexte du programme FORPE;

5) le témoin h), directeur de l’organisme qui a élaboré les simulations et les processus d’évaluation pour le programme FORPE de concert avec l’ASFC, témoignera à titre d’expert, en sa qualité de psychologue industriel, afin de réfuter tout témoignage d’expert relatif aux évaluations des simulations que le plaignant pourrait produire;

6) le témoin i), surintendant administratif de l’ASFC pour la Région du Grand Toronto, témoignera au sujet des horaires et des pratiques relatives à la paie qui s’appliquent aux ASF dans la Région du Grand Toronto;

7) le témoin j), témoin expert, exprimera son opinion sur l’emploi à l’ASFC.

  • [70] Sous réserve du fait que je n’ai pas vu les documents de l’annexe « A » énumérés ci‑dessus en tant que tels, et que je ne les verrai pas avant l’audience, la combinaison des parties mentionnées ci-dessus de l’exposé des précisions de l’intimée et de la partie des témoignages anticipés des témoins mentionnés ci-dessus portent sur les allégations formulées par le plaignant au titre de l’article 10 parce qu’elles semblent porter, tout du moins en partie, sur la structure générale, la procédure et les pratiques du système de recrutement administré par l’intimée. Elles indiquent que l’intimée est en position de monter sa défense à l’égard des allégations du plaignant au titre de l’article 10. Ces éléments de preuve proposés démentent le fait que l’intimée subirait un préjudice dans le cas où le Tribunal accorderait la modification proposée au titre de l’article 10.

  • [71] En outre, si elle le souhaite, l’intimée peut produire d’autres éléments de preuve documentaire ou d’autres témoins, en avisant dûment les autres parties (le plaignant peut en faire de même en réponse). Des dates d’audience n’ont pas encore été établies et les parties ont par conséquent le temps d’agir dans le contexte de leur préparation et de la divulgation continue.

  • [72] L’intimée cite Cook, précitée, pour étayer sa position. La plainte originale de Mme Cook consistait à dire qu’en refusant de l’admettre dans le programme d’apprentissage de l’autonomie fonctionnelle du fait de sa déficience (l’hépatite C), l’intimée s’était rendue coupable de discrimination à son endroit, en contravention de l’article 5 de la Loi. Après qu’elle a renvoyé la plainte de Mme Cook devant le Tribunal, la Commission a demandé que la plainte soit modifiée de telle sorte qu’on y ajoute que l’intimée s’était rendue coupable de discrimination à l’endroit de Mme Cook du fait de sa déficience que constitue l’alcoolisme.

  • [73] Le Tribunal a refusé la demande de modification en partie parce qu’il a conclu qu’elle constituait une plainte nouvelle et distincte, que la Commission ne pouvait pas renvoyer devant lui, et, par conséquent, qu’il n’avait pas la compétence voulue pour traiter de cette question. L’autre fondement sur la base duquel le Tribunal a refusé d’autoriser la modification était que, pour reprendre les termes du Tribunal, l’intimée devrait faire face à des « […] questions profondes » et « […] toute attaque contre cet aspect du programme mine l'une des politiques fondamentales [aucun alcool ni aucune drogue ne sont autorisés dans la réserve] qui sous-tend le fonctionnement de la réserve [de l’intimée] » (ibid, précitée, au paragraphe 25). J’interprète cette déclaration comme une conclusion selon laquelle la bande d’Onion Lake subirait un véritable préjudice si le Tribunal accordait la modification demandée.

  • [74] L’intimée cite également Dillman, précité. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a infirmé une décision de modification, question qui n’avait été introduite qu’au stade de l’audience devant la commission d’enquête, à laquelle l’intimée n’était nullement représentée. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a conclu qu’il ne pouvait être présumé que l’intimée avait été avisée de la modification accordée par la commission d’enquête, et par conséquent, que cette modification, que la Commission n’avait jamais renvoyée devant la commission d’enquête, lui causerait un réel préjudice. En l’espèce, le plaignant a demandé la modification en cause avant l’établissement de la date de l’audience et l’intimée en a été avisée, comme il a été précisé ci‑dessus.

  • [75] Pour ce qui est de la question du préjudice, je dois également tenir compte du préjudice potentiel qui serait causé au plaignant si le Tribunal concluait que la modification demandée était une plainte nouvelle et distincte. Cela n’aurait aucun sens, que ce soit sur le plan de la justice naturelle ou de l’économie judiciaire, de demander au plaignant de tout recommencer depuis le début et de déposer devant la Commission une autre plainte de discrimination au titre de l’article 10 dans le contexte du programme FORPE à l’encontre de la même intimée et sur le fondement des mêmes faits. Les deux parties devraient repasser de nouveau par l’ensemble du processus.Le faitd’autoriser la modification éviterait de porter préjudice au plaignant.

  • [76] Pour l’ensemble des motifs énoncés ci-dessus, je conclus qu’il y a un lien tant sur le fond que sur la forme entre la plainte et la modification proposée; l’intimée ne subira pas de préjudice si la modification est autorisée; et le fait d’autoriser la modification ne compromettra pas l’équité de l’audience.

  • [77] Il convient de noter que le fait d’accorder la modification ne signifie pas que le plaignant a établi le bien-fondé de sa plainte, qu’il s’agisse de l’article 10 ou de l’article 7. Cette question ne pourra être tranchée qu’au terme de l’audience.

  • [78] La plainte est modifiée de telle manière que l’expression [traduction] « en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne » qui apparaît à la dernière ligne du paragraphe 1 de la plainte soit supprimée et remplacée par l’expression [traduction] « en contravention de l’article 7 et de l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ».

  • [79] Le Tribunal tiendra une conférence de gestion de l’instance (CGI) aussitôt que possible, à une date convenant aux parties, afin de discuter de l’établissement du calendrier pour que l’intimée dépose un exposé des précisions modifié, comme le prévoit le paragraphe 6(1) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04), si l’intimée souhaite déposer un tel document compte tenu de la modification, et pour que le plaignant dépose une réponse à l’exposé des précisions modifié, s’il le souhaite. Les parties pourront aborder toute autre question de leur choix lors de la CGI.

VI.  Décision

Signée par

Olga Luftig

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 16 décembre 2013

 

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