Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE:

HENRY VLUG

Plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

Commission

- et -

SOCIÉTÉ RADIO CANADA

Intimée

MOTIFS DE LA DÉCISION

D.T. 6/00

2000/11/15

TRIBUNAL: Anne Mactavish, présidente

[TRADUCTION]

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION

II. PREUVE

A. Contexte

B. Plainte de M. Vlug concernant la programmation de la SRC

C. La programmation télévisuelle et la communauté des personnes sourdes et malentendantes

D. L'histoire de la réglementation

E. Effet des décisions du CRTC

F. Types de sous-titrage

G. Mandat de la SRC

H. Le sous-titrage à la SRC

(i) Réseau de langue anglaise

(ii) Annonces publicitaires et promos

(iii) Newsworld

(iv) Réponse de la SRC aux exemples précis donnés par M. Vlug

III. PRINCIPES JURIDIQUES

A. Le cadre analytique

B. Mesures destinées à répondre aux besoins jusqu'au point de subir une contrainte excessive

IV. ANALYSE

A. Quelle est la norme?

B. Y a-t-il une apparence de cas justifié?

C. Est-ce que la SRC s'est acquittée de son fardeau de la preuve?

(i) Lien rationnel

(ii) Bonne foi

(iii) Mesure destinées à répondre aux besoins

a) Réseau de langue anglaise de la SRC - Émissions de télévision

b) Réseau de langue anglaise de la SRC - Contenu non relié à l'émission

1) Annonces publicitaires

2) Promos

3) Nouvelles de dernière heure imprévues

c) Newsworld

d) Conclusion quant à la responsabilité

V. RÉPARATION

A. Sous-titrage

B. Consultation de la communauté des personnes sourdes et malentendantes

C. Perte de salaire

D. Préjudice moral..

E. Paiement pour acte délibéré ou inconsidéré

F. Intérêt

VI. ORDONNANCE

I. INTRODUCTION

[1] Comme de nombreuses personnes, Henry Vlug aime beaucoup regarder la télévision. Cependant, contrairement à la majorité des Canadiens, M. Vlug ne peut entendre la partie audio des émissions de télévision étant donné qu'il est sourd (1). L'enjeu dans le présent cas est de déterminer si la Loi canadienne sur les droits de la personne exige que la Société Radio-Canada mette toute la programmation télévisuelle de NewsWorld et de son réseau de langue anglaise accessible aux personnes sourdes et malentendantes.

II. PREUVE

A. Contexte

[2] M. Vlug est un ancien enseignant qui pratique maintenant le droit à Vancouver. Il est marié, père et grand-père. M. Vlug est actif au sein de la communauté des personnes sourdes et malentendantes et il participe depuis longtemps aux efforts de défense en son nom.

[3] Lorsque son étude et ses nombreux autres engagements le lui permettent, M. Vlug aime regarder la télévision. Ses goûts en la matière sont éclectiques. M. Vlug aime particulièrement les émissions d'actualités, les films, les séries dramatiques (en particulier celles qui ont un thème juridique) et les sports. Il préfère regarder des émissions sous-titrées (2), et il regardera rarement une émission qui n'est pas sous-titrée.

[4] Selon M. Vlug, ce ne sont pas toutes les émissions qui sont sous-titrées. Il y en a certaines qui sont censées l'être, mais dont il manque des parties du sous-titrage. Parfois, la qualité de ce dernier est tellement mauvaise que les émissions pourraient tout aussi bien ne pas être sous-titrées. Le sous-titrage peut couvrir des parties de l'écran de télévision qui contiennent de l'information pertinente - identité d'un intervenant dans une émission d'actualités, ou les résultats dans une émission sportive.

[5] M. Vlug dit qu'il arrive souvent que les annonces publicitaires à la télévision ne sont pas du tout sous-titrées. Tout en reconnaissant qu'un grand nombre de personnes seraient heureuses de ne pas être bombardées par une suite sans fin de publicité, il trouve insultant que d'autres prennent la décision de l'exclure de pouvoir saisir entièrement les annonces publicitaires. Il constate également le rôle dominant de la publicité dans une culture populaire - une culture dont lui et d'autres personnes sourdes et malentendantes sont exclues.

B. Plainte de M. Vlug concernant la programmation de la SRC

[6] Dans sa plainte, M. Vlug allègue que la SRC a une pratique ou une politique continue de ne pas sous-titrer ses émissions. Les parties s'entendent pour dire que la plainte de M. Vlug se limite au réseau de langue anglaise de la SRC, y compris les stations locales affiliées, et à Newsworld.

[7] Dans son témoignage, M. Vlug a dit qu'il ne regarde pas très souvent les émissions de télévision de la SRC en raison de la performance médiocre de cette dernière sur la question du sous-titrage. Cependant, il a fait référence à un certain nombre d'exemples précis de problèmes qu'il a rencontrés en ce qui concerne les émissions de la SRC.

[8] Le premier exemple donné par M. Vlug portait sur la cinquième partie du championnat de division des séries éliminatoires du Baseball majeur, diffusée par le réseau de langue anglaise de la SRC le 8 octobre 1995. Il s'agissait d'une partie mettant en présence les Mariners de Seattle et les Yankees de New-York. M. Vlug suivait les séries d'après-saison de près, ayant regardé les quatre premières parties de cette série, qui avaient toutes été sous-titrées. Il avait hâte de regarder le match et il a été consterné de se rendre compte qu'il n'était pas sous-titré. M. Vlug a décrit sa colère et sa frustration, expliquant que c'était comme lire un roman et se rendre compte que le dernier chapitre manquait.

[9] Les 30 et 31 mars 1996, le réseau de langue anglaise de la SRC présentait les finales du championnat mondial de curling, émissions qui n'étaient pas sous-titrées ou qui n'étaient pas autrement accessibles aux téléspectateurs sourds et malentendants. Selon M. Vlug, toutes les parties précédant les finales avaient été diffusées sur TSN, et comprenaient le sous-titrage des commentaires. M. Vlug a dit dans son témoignage qu'il est lui-même un joueur de curling, et que le curling est très populaire au sein de la communauté des personnes sourdes et malentendantes. Environ quatre années plus tard, il ressent encore la colère causée par le non-sous-titrage de cette émission par la SRC.

[10] Le 28 mai 1998, l'émission d'actualités The National présentait un reportage sur le premier ministre d'Indonésie, M. Suharto. Selon M. Vlug, ni le reportage sur M. Suharto ni le reste de l'émission d'actualités étaient sous-titrés.

[11] M. Vlug a également dit dans son témoignage que les grandes manchettes du programme d'actualités du National le 23 août 1999, le 1er juin 2000 et le 3 juillet 2000 n'étaient pas sous-titrées. Dans le cas des manchettes du 1er juin et du 3 juillet 2000, les deux portaient sur des questions de sécurité du public : la première avait trait à un incident survenu à l'Université Laval dans lequel on avait ajouté un produit dans les boissons vendues dans les machines distributrices, et le deuxième portait sur le décès d'une athlète olympique attaquée par un ours.

[12] Pendant qu'il attendait le début d'une émission le 17 août 2000, M. Vlug a regardé le début d'une émission mettant en vedette David Suzuki. Les sous-titres de l'émission ont disparu, laissant les dernières minutes de l'émission sans sous-titrage.

[13] M. Vlug a aussi mentionné avoir regardé un reportage concernant la récente poussée d'infections aux E. coli à Walkerton, en Ontario, qui n'était pas sous-titré. Il n'a pas donné une date relativement à cet incident. De même, il a mentionné une expérience au sujet d'un incident mettant en cause des otages vietnamiens mais n'a pas donné une date pour cette émission. En contre-interrogeant un témoin de la SRC, M. Vlug a mentionné avoir regardé une séquence en provenance des Jeux olympiques de Sydney à NewsWorld qui n'était pas sous-titrée. Cette émission était présentée tôt le matin du 18 septembre 2000 (3).

[14] Selon M. Vlug, la publicité à la SRC portant sur les émissions prochaines (promos) n'est jamais sous-titrée. Il se plaint également que la SRC omet fréquemment de sous-titrer les matchs de hockey, et il indique que lorsque les parties sont sous-titrées, une grande partie du déroulement du jeu est laissée de côté.

[15] Outre les préoccupations qui déroulent du non-accès aux actualités et renseignements qui ont trait à la sécurité du public, M. Vlug a résumé de façon éloquente l'effet de marginalisation que l'absence de sous-titrage à la télévision pour les émissions de divertissement a eu sur lui et d'autres membres de la communauté des personnes sourdes et malentendantes. Il a fait référence à des événements importants de la culture populaire telle la participation des Beattles au Ed Sullivan Show dans les années 1960, et la création du personnage Archie Bunker dans l'émission All in the Family quelques années plus tard, comme des événements qui font partie d'une histoire culturelle commune, une histoire qui n'est pas partagée par les membres de la communauté des personnes sourdes et malentendantes qui n'ont pas eu accès à ces programmes. M. Vlug a résumé la situation en disant que le sous-titrage à la télévision lui donne non seulement accès à du divertissement, mais l'inclut aussi comme faisant partie de sa collectivité.

[16] En réponse à la suggestion que certains types d'émissions ne se prêtent pas au sous-titrage, M. Vlug est d'avis que toutes les émissions télévisuelles, y compris les émissions pour enfants et les émissions musicales, devraient être offertes dans un format accessible aux personnes sourdes et malentendantes. Pour ce qui est des émissions musicales, M. Vlug a dit dans son témoignage qu'il y a des membres de la communauté des personnes sourdes et malentendantes qui s'intéressent à la musique - il suffit de penser à l'exemple de Ludwig Von Beethoven qui est un exemple éloquent. À tout le moins, M. Vlug dit qu'il devrait y avoir une indication à l'écran qu'on joue de la musique. Il remarque également que des chants d'opéra en direct sont souvent sous-titrés dans les salles, et qu'il n'y a aucune raison qui pourrait expliquer qu'on ne puisse le faire pour les émissions de télévision.

[17] Pour ce qui est des émissions destinées aux enfants d'âge préscolaire, M. Vlug a dit dans son témoignage que sa jeune petite-fille aime une émission intitulée Blues Clues et qu'il aime regarder l'émission (qui est sous-titrée) avec elle. Il est important pour lui de pouvoir partager avec elle une expérience importante à ses yeux. Il remarque aussi qu'il est important que les parents sourds et malentendants puissent surveiller ce que leurs enfants d'âge préscolaire regardent à la télévision.

C. La programmation télévisuelle et la communauté des personnes sourdes et malentendantes

[18] James Roots a témoigné au nom de la Commission canadienne des droits de la personne. M. Roots est le directeur exécutif de l'Association des sourds du Canada depuis 14 ans. Le mandat de l'ASC est de protéger et de promouvoir les droits des Canadiens et des Canadiennes qui sont victimes d'une surdité profonde. Selon M. Roots, il y a environ 300 000 Canadiens qui ont une déficience auditive profonde, et 2,5 millions d'autres qui ont une forme quelconque de déficience auditive.

[19] M. Roots a expliqué le rôle important de la télévision dans la vie d'un grand nombre de membres de la communauté des personnes sourdes et malentendantes, à la fois comme source d'information et de divertissement. Selon M. Roots, le niveau moyen d'alphabétisation au sein de la communauté des personnes sourdes et malentendantes est de 5e année. L'anglais ou le français est une deuxième langue pour un grand nombre de personnes sourdes ou malentendantes, le langage gestuel étant leur première langue. En général, les journaux sont écrits pour un niveau correspondant à la 7e année et, en conséquence, un grand nombre de personnes sourdes n'en saisissent pas une grande partie lorsqu'elles lisent le journal. Les émissions de télévision sont généralement écrites pour des personnes de 3e ou de 4e année, et les sous-titrages à la télévision sont donc plus facilement compris par les personnes sourdes.

[20] Les preuves présentées par M. Roots quant au rôle important de la télévision dans la vie des personnes sourdes et malentendantes sont confirmées par un récent sondage d'Angus Reid selon lequel 40 % des membres de l'Association des malentendants canadiens regardent plus de 21 heures d'émissions de télévision par semaine, tandis que seulement 17 % de la population générale regardent pendant autant d'heures la télévision.

[21] Des recherches menées par l'ASC indiquent qu'environ 80 % de la communauté des personnes sourdes et malentendantes n'ont pas d'emploi ou sont sous-employées. Il s'ensuit qu'un grand nombre des membres de la communauté des personnes sourdes et malentendantes ne peuvent s'acheter un ordinateur ou avoir accès à Internet. De toute évidence, la programmation radiophonique n'est pas accessible aux personnes sourdes. Les films présentés dans des salles de cinéma ne sont pas sous-titrés, et seulement le tiers des bandes vidéo de films sont sous-titrées. Par conséquent, pour un grand nombre des membres de la communauté des personnes sourdes et malentendantes, la télévision avec sous-titrage représente la seule façon pour elles d'obtenir de l'information sur ce qui se passe dans le monde.

[22] M. Roots a décrit l'effet d'isolement que le non-accès à l'information sur des évènements d'actualité peut avoir sur les personnes sourdes et malentendantes, et sur leur capacité de participer au discours social quotidien. Il a également identifié des préoccupations en matière de sécurité qui peuvent survenir lorsque les personnes sourdes et malentendantes ne sont pas en mesure d'avoir accès à l'information relative aux alertes météorologiques ou à d'autres renseignements relatifs à la sécurité du public.

[23] Dans le cadre de ses responsabilités au sein de l'ASC, M. Roots a participé de façon active aux activités de groupe de pression dans le but de faire augmenter la mesure dans laquelle les émissions de télévision sont rendues accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. À cette fin, M. Roots a contribué aux interventions de l'ASC devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Selon M. Roots, la technologie existe pour sous-titrer toutes les émissions de télévision. Il fait également remarquer que les coûts associés au sous-titrage ont diminué de façon importante au fil du temps. La position adoptée par l'ASC devant le CRTC a été que la totalité de la programmation de la SRC devrait être rendue accessible aux personnes sourdes et malentendantes. M. Roots a exprimé une frustration considérable vis-à-vis de l'approche progressive adoptée par le CRTC relativement à cette question.

D. L'histoire de la réglementation

[24] La SRC est réglementée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes qui lui octroie sa licence. Pour mieux comprendre l'historique des exigences en matière de licence en ce qui concerne la SRC, pour ce qui a trait à la question du sous-titrage codé, le Tribunal a reçu l'aide du témoignage de M. Nicholas Ketchum, le directeur de la politique en matière de radio et de télévision du CRTC.

[25] Conformément aux dispositions du paragraphe 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion, le mandat du CRTC est de réglementer et de superviser tous les aspects du système canadien de radiodiffusion énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi. (4) Le paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion énumère une série d'éléments englobant la politique canadienne de radiodiffusion, y compris la nécessité que le système de radiodiffusion canadien appartienne aux Canadiens, l'utilisation du français et de l'anglais, et des dispositions ayant trait au contenu canadien de la programmation. Selon l'alinéa 3(1) p) de la Loi sur la radiodiffusion, la politique canadienne de radiodiffusion veut que le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d'une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens.

[26] Selon M. Ketchum, la question du sous-titrage a été soulevée à chaque audience sur le renouvellement d'une licence majeure mettant en cause les grands radiodiffuseurs depuis au moins 1986. Le CRTC a adopté une approche progressive relativement à cette question, imposant des obligations de plus en plus rigoureuses aux radiodiffuseurs à mesure que la technologie s'améliore et que les coûts baissent.

[27] En ce qui concerne le réseau de langue anglaise de la SRC, le CRTC a établi en 1987 un objectif à long terme du sous-titrage complet de toute la grille-horaire. Cet objectif a été fixé en ce qui concerne l'obligation de la SRC d'offrir ses services à tous les Canadiens et Canadiennes. Le CRTC a aussi fait savoir qu'il s'attendait à ce que le sous-titrage augmente et passe à au moins 15 heures par semaine. (5)

[28] En 1994, le CRTC a constaté que la SRC avait dépassée les attentes au chapitre de sa licence, le réseau anglais ayant offert 63½ heures de programmation avec sous-titrage codé par semaine au cours de l'année de radiodiffusion 1993-1994 (6), ce qui correspondait à 58 % de la grille-horaire complète, dont 92 % des émissions aux heures de grande écoute étaient sous-titrées. Réitérant l'objectif à long terme du sous-titrage complet, le CRTC a fait part de son attente (7) que pour la durée d'application de la prochaine licence, la SRC devrait, à tout le moins, maintenir les niveaux de sous-titrage de 1993-1994. (8)

[29] Les stations de la SRC peuvent obtenir leur licence séparément des réseaux. En 1989, le CRTC a renouvelé la licence de CBUT, la station de Vancouver de la SRC. La décision relative au renouvellement faisait part de l'attente que CBUT fasse l'acquisition, le plus rapidement possible, du matériel nécessaire pour sous-titrer, au minimum, les grands titres et les parties scénarisées appropriées de son téléjournal de début de soirée pendant la durée de la nouvelle licence (9). Dans une décision de 1995, le CRTC a constaté que son attente n'avait pas été satisfaite, et a exprimé son inquiétude relativement au fait qu'une aussi longue période se soit écoulée sans qu'elle soit mise en oeuvre. Le CRTC a alors imposé, comme condition à la licence de CBUT, que CBUT sous-titre toutes les actualités locales/régionales, y compris les segments en direct, à l'aide soit du sous-titrage en temps réel, soit d'une autre méthode capable d'effectuer le sous-titrage d'une émission en direct, avant la fin de la durée de sa licence (10). Une condition semblable a été imposée à toutes les stations de la SRC. Selon M. Ketchum, il s'agissait de la première fois que le CRTC imposait une condition à un radiodiffuseur pour ce qui est du sous-titrage. La seule autre occasion où cette situation s'est répétée, c'est lorsque la condition a été imposée de nouveau aux stations de la SRC lors d'un renouvellement ultérieur de licence.

[30] Les licences des deux réseaux et des stations de la SRC ont été renouvelées en janvier de cette année. Dans sa décision, le CRTC a loué la SRC pour avoir dépassé de façon importante les niveaux attendus de sous-titrage. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des émissions de langue anglaise de la SRC aux heures de grande écoute diffusées à des auditoires nationaux étaient sous-titrées, de même que 74 % de la programmation pendant la journée de radiodiffusion. En renouvelant la licence du réseau de langue anglaise, le CRTC a indiqué qu'il s'attendait à ce que la SRC maintienne ses niveaux actuels de sous-titrage, et a exigé qu'au moins 90 % des émissions diffusées à l'échelle nationale soient sous-titrées. Le CRTC a imposé de nouveau la condition antérieure relative aux émissions d'actualités produites localement, et a indiqué qu'il s'attendait à ce que la SRC respecte son engagement de sous-titrer la totalité des émissions produites et diffusées par les stations de télévision appartenant à la SRC ou exploités par cette dernière. Le sous-titrage de toutes les émissions d'actualités locales/régionales, à l'aide du sous-titrage en temps réel ou d'une autre méthode capable de sous-titrer des émissions en direct, était une condition du renouvellement des licences des stations de la SRC.

E. Effet des décisions du CRTC

[31] Mme Noonan, avocate de la SRC, dit que les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion et la compétence du CRTC n'ont pas préséance sur la compétence du Tribunal canadien des droits de la personne, mais que ce dernier devrait accorder une attention minutieuse et un poids important aux décisions du CRTC et au fondement de ces décisions, étant donné que selon ses arguments, ces décisions examinent la question de ce qui constitue des mesures destinées à répondre de façon raisonnable aux besoins des personnes sourdes et malentendantes.

[32] À mon avis, les décisions du CRTC, lorsqu'elles ont trait à la mesure dans laquelle la SRC devrait sous-titrer les émissions, sont utiles mais non déterminantes pour ce qui est de la question dont je suis saisie. Un examen des dispositions de la Loi sur la radiodiffusion, en particulier l'alinéa 3(1) p) de cette loi, ainsi que les décisions mêmes, indique clairement que le CRTC applique un test différent pour déterminer la mesure dans laquelle le sous-titrage doit être fourni, test différent de celui qu'utilise le Tribunal dans le cas d'une plainte relative aux droits de la personne (11). Cependant, à mon avis, les constatations du CRTC relativement aux aspects techniques, notamment l'évaluation par le CRTC de la disponibilité de techniques appropriées de sous-titrage, et toutes les contraintes qui peuvent exister quant à l'utilisation de cette technologie, sont très persuasives. Ce sont des questions qui relèvent de l'expertise du CRTC, et qui ne sont pas de celles du Tribunal. Par conséquent, bien que les décisions du CRTC relativement à des questions techniques puissent ne pas être exécutoires en ce qui me concerne, je suis prête à accorder un poids considérable aux constatations du CRTC à cet égard.

F. Types de sous-titrage

[33] Marc Landry a témoigné relativement aux aspects techniques du sous-titrage. M. Landry est un technicien superviseur au Service de radiodiffusion des émissions du réseau anglais de la SRC. Le service de radiodiffusion des émissions est chargé de la distribution des émissions sur le réseau. M. Landry se décrit lui-même comme un dépanneur, supervisant d'autres techniciens et les aidant à résoudre des problèmes techniques, y compris des problèmes relatifs au sous-titrage.

[34] Selon M. Landry, le sous-titrage peut être fait à l'avance - une méthode connue sous l'appellation de sous-titrage tout fait à l'avance. Le sous-titrage peut également être fait au moment de la diffusion - ce que l'on décrit comme le sous titrage en direct ou en temps réel.

[35] Le sous-titrage tout fait à l'avance peut se faire dans le cas d'émissions déjà enregistrées. Une copie vidéo de l'émission est remise à un sous-titreur qui regarde la bande vidéo et insère les sous-titres. La bande peut être arrêtée et être réécoutée si le sous-titreur oublie quelque chose, et l'orthographe des noms peut être vérifiée. On peut également modifier la position des sous-titres de façon à ne pas nuire à ce qui se déroule à l'écran. Une fois que les sous-titres ont été préparés, ils sont enregistrés sur un disque et confiés à un programme d'édition, accompagnée de la bande vidéo. Les sous-titres sont alors synchronisés avec les images au moyen de codes temporels, puis insérés dans le signal. Ce type de sous-titrage est le plus dispendieux, et il donne la plus grande précision dans le produit fini. Nous avons entendu dire que le sous-titrage tout fait à l'avance d'une émission d'une heure coûte environ 1 000 $.

[36] Le sous-titrage en temps réel se fait lorsque des sous-titres sont insérés au fur et à mesure de la diffusion de l'émission. Les sous-titres sont produits à mesure que les images défilent à l'écran par un sous-titreur qui utilise un clavier de sténographe. Souvent, le sous-titreur sera dans un autre lieu et acheminera les sous-titres au studio par moyen électronique. Les avantages de ce type de sous-titrage comprennent la capacité de sous-titrer des émissions en direct telles les émissions d'actualités et les émissions sportives, ainsi que le fait qu'il est moins dispendieux que le sous-titrage tout fait à l'avance. Nous avons entendu dire que le réseau de langue anglaise et Newsworld paient 145 $ de l'heure pour le sous-titrage en temps réel. Les principaux inconvénients de cette méthode sont la fréquence des fautes d'orthographe et la perte possible de contenu lorsque l'action qui se déroule à l'écran est plus rapide que la vitesse à laquelle le sous-titreur peut effectuer son travail. En outre, les problèmes techniques qui peuvent survenir peuvent être difficiles à régler de façon opportune.

[37] M. Landry et M. Ketchum ont confirmé que la technologie existe à l'heure actuelle pour sous-titrer tout ce qui est diffusé à la télévision. Cependant, M, Landry laisse entendre qu'il peut y avoir des problèmes de logistique à le faire, et que des erreurs se produiront inévitablement.

G. Mandat de la SRC

[38] La SRC est créée en vertu de dispositions de la partie III de la Loi sur la radiodiffusion. Elle occupe une place de choix au sein de la société canadienne, et constitue un instrument de la politique sociale (12). À titre de radiodiffuseur public national, la SRC devrait offrir des services de radio et de télévision qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit (13). La Loi sur la radiodiffusion stipule aussi que la programmation de la SRC devrait être principalement et typiquement canadienne et rendre compte des aspects culturels, régionaux et linguistiques (14). Une des tâches précisément confiées à la SRC est de contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales (15).

H. Le sous-titrage à la SRC

i. Réseau de langue anglaise

[39] Sheelagh Strang est la directrice commerciale du service de radiodiffusion des émissions à la SRC. À ce titre, elle est l'employée de la SRC chargée de la mise en oeuvre du sous-titrage pour le réseau de langue anglaise, y compris la programmation régionale. Elle a décrit l'approche progressive que le réseau de langue anglaise de la SRC a adoptée vis-à-vis du sous-titrage, c'est-à-dire augmenter le pourcentage des émissions sous-titrées à mesure que les ressources le permettent.

[40] Dans son témoignage, Mme Strang a dit qu'en 1997-1998, le réseau de langue anglaise de la SRC a sous-titré 81,1 heures d'émission chaque semaine, ce qui correspondait à 62 % de la journée de radiodiffusion. En 1998-1999, ce nombre est passé à 91,4 heures, soit 68,1 % de la journée de radiodiffusion. Pour 1999-2000, 102,5 heures d'émission ont été sous-titrées, ce qui correspondait à 76,8 % de la journée de radiodiffusion. Ces données font référence au sous-titrage des émissions mêmes de télévision, et n'incluent pas le temps de publicité. Autrement dit, une émission de télévision d'une heure sous-titrée représentait une heure de programmation sous-titrée, sans tenir compte qu'il peut y avoir jusqu'à 12 minutes, ou 20 % de l'heure, de publicité. M.me Strang a dit dans son témoignage que les messages publicitaires ne sont pas automatiquement sous-titrés, quoique certains publicitaires fournissent les messages sous-titrés. Elle n'était pas en mesure de donner des renseignements quant au pourcentage des annonces publicitaires qui parvenaient déjà sous-titrées.

[41] Les publicités de la SRC relativement à des émissions à venir - que l'on appelle les promos - ne sont pas non plus en temps normal sous-titrées. Mme Strang a expliqué que la fréquence à laquelle les promos sont modifiées rend leur sous-titrage difficile. Lorsqu'on lui a demandé combien de promos la SRC passait dans une journée au réseau de langue anglaise, Mme Strang a dit que ce serait quelque part entre 50 et 100, mais elle a ajouté que ce n'était que pure spéculation de sa part.

[42] Bien que la SRC ait auparavant pris la position que certains types d'émission, notamment les émissions destinées aux enfants d'âge préscolaire, ne convenaient pas pour le sous-titrage (16), au début de la nouvelle saison de télévision le 2 octobre 2000, le réseau de langue anglaise de la SRC sous-titrera toutes les émissions destinées aux enfants d'âge préscolaire. Toutes les émissions de télévision diffusées entre 6 h (8 h le samedi et le dimanche) et 23 h 30 seront maintenant sous-titrées. Le samedi soir, les émissions sous-titrées se poursuivront jusqu'à la fin du deuxième match de Hockey Night in Canada, soit 1 h. En d'autres mots, toutes les émissions de télévision du réseau de langue anglaise de la SRC, à l'exception des émissions de fin de soirée, seront sous-titrées. Les émissions de fin de soirée sont principalement des films et certains d'entre eux peuvent, en fait, être sous-titrés. Les annonces publicitaires et les promos ne seront pas automatiquement sous-titrés. Avant l'entrée en vigueur des changements du 2 octobre, le réseau de langue anglaise de la SRC sous-titrait 117,5 heures d'émissions, soit 89,9 % de la grille-horaire, le calcul se faisant de la même façon que ce qui est indiqué au paragraphe précédent. Avec l'augmentation du sous-titrage qui se produira à compter du 2 octobre, Mme Strang estime que le pourcentage des émissions sous-titrées augmentera aux environs de 93 à 95 %. Mme Strang a dit dans son témoignage que les changements entrant en vigueur le 2 octobre sont en préparation depuis un an et demi. Cependant, Mme Strang n'a pas été en mesure de quantifier les coûts associés à l'augmentation du sous-titrage du 2 octobre, et ne pouvait que donner une approximation à cet effet (17).

[43] Les émissions locales représentent 30 minutes de la journée de radiodiffusion, et il s'agit du journal télévisé local. À l'occasion, il peut y avoir d'autres émissions locales telle la couverture régionale des élections.

[44] Mme Strang est en charge du sous-titrage au réseau de langue anglaise de la SRC depuis 1997. Depuis qu'elle est en poste, le budget annuel pour le sous-titrage à la SRC est demeuré constant, soit 400 000 $. Mme Strang a expliqué qu'il y avait plusieurs raisons qui permettaient au réseau d'accroître la quantité du sous-titrage tout en maintenant son budget constant. Mme Strang indique qu'elle a tenté de sensibiliser ses collègues de travail à la question du sous-titrage, et d'examiner la question sous l'angle des décisions en matière de production et d'achats. Les coûts du sous-titrage ont diminué au fil du temps. Finalement, il y a eu des efforts concertés de promouvoir la commandite du sous-titrage par des publicitaires, et les recettes de commandite ont augmenté au cours des dernières années. Selon Mme Strang, le réseau a dépensé en réalité 1,3 million de dollars pour le sous-titrage au cours du dernier exercice.

[45] En raison de l'exigence selon laquelle la SRC doit présenter une programmation canadienne, le réseau de langue anglaise diffuse un plus grand nombre de productions originales que les autres diffuseurs. Cela oblige la SRC à sous-titrer ses propres productions. D'autres radiodiffuseurs canadiens achètent des émissions américaines dont la plupart sont déjà sous-titrées. Cette situation a une incidence sur la position concurrentielle de la SRC.

[46] Mme Strang estime que le coût pour le réseau de langue anglaise de la SRC en ce qui concerne le sous-titrage du reste de la grille-horaire qui n'est pas à l'heure actuelle sous-titré revient entre 1,2 et 1,7 million de dollars par année, quoique la donnée la plus souvent mentionnée était de 1,2 million de dollars. (18). Ces estimations supposent que les proportions du sous-titrage fait à l'avance et du sous-titrage en temps réel que doit faire la SRC par rapport aux émissions achetées qui sont déjà sous-titrées demeurent constantes.

[47] Selon Mme Strang, pour veiller à ce que tout ce que la SRC diffuse soit sous-titré, il serait nécessaire d'avoir en poste des sous-titreurs en temps réel, depuis l'entrée en ondes jusqu'à la fin des émissions (19 heures par jour), à chacune des 14 stations locales. À raison de 145 $ de l'heure, cela représenterait un coût de 14 078 050 $ pour la SRC par année. Sans tenir compte du fardeau financier que cette situation imposerait à la SRC, Mme Strang dit qu'il n'y a tout simplement pas suffisamment de sous-titreurs disponibles pour fournir ce niveau de service. Lorsque M. Vlug a demandé à Mme Strang en contre-interrogatoire si c'était la seule façon pour obtenir le sous-titrage total des émissions, elle a dit : Il faudrait que je vérifie. Mais à ma connaissance, à ce moment-ci, je crois que c'est la seule façon (19).

[48] Michael Harris est le directeur exécutif de la politique de réglementation au réseau de langue anglaise de la SRC. À ce titre, il est chargé du renouvellement des licences du réseau de langue anglaise et de Newsworld, ainsi que des relations avec l'industrie. De par son poste, M. Harris est tout à fait au courant de l'établissement des coûts et de la télévision de langue anglaise.

[49] M. Harris a témoigné au sujet des antécédents financiers de la SRC. Selon M. Harris, la SRC dépend beaucoup des affectations du gouvernement, qui ont été réduites de façon constante depuis de nombreuses années, et qu'il décrit comme instables. Il en est résulté d'importantes mises à pied et réductions dans la programmation. M. Harris a décrit la SRC comme une organisation sous l'effet d'une tension considérable. Malgré ces réductions, il dit que la SRC a augmenté l'affectation budgétaire pour le sous-titrage (20) et a augmenté le nombre d'émissions sous-titrées. L'objectif de la SRC est de faire tout ce qui est raisonnable de faire, compte tenu de toutes les autres choses qu'elle essaie de faire. À cette fin, il faut parvenir à un équilibre des priorités opposées.

[50] M. Harris a dit que le montant mentionné par Mme Strang comme étant le coût du sous-titrage pour le reste des émissions de télévision non sous-titrées au réseau de langue anglaise était calculé sans tenir compte des frais généraux. La SRC n'a pas déterminé le coût intégralement réparti du sous-titrage. M. Harris suppose que si ces coûts étaient répartis, ils représenteraient une somme additionnelle de 1,3 million de dollars. M. Harris a également fait référence en passant aux coûts supplémentaires indirects pour la SRC en raison des montants versés au Fonds canadien de télévision, quoique ces montants n'étaient ni quantifiés ni expliqués. M. Harris a indiqué que bien qu'il n'ait pas le montant à sa disposition, il s'attend à ce que le coût total du sous-titrage dépasse 3 millions de dollars. Selon M. Harris, cela correspond au coût pour le réseau de 60 employés. La mise à pied de 60 employés aurait une incidence sur les activités du réseau. Dans ce contexte, M. Harris a fait remarquer qu'à la suite des contraintes financières en vertu desquelles la SRC doit évoluer, personne fait quoi que ce soit à la SRC sans connaître exactement ce qu'il en coûte (21).

[51] En contre-interrogatoire, M. Harris a reconnu qu'à compter du 2 octobre 2000 il y aura environ 10 heures d'émission chaque semaine qui ne seront pas sous-titrées, ce qui donne 520 heures par année. À raison de 1 000 $ de l'heure pour sous-titrer les émissions à l'aide de la méthode du sous-titrage fait à l'avance, le coût total du sous-titrage des émissions de télévision serait de 520 000 $. Le coût serait réduit si on avait recours à la méthode du sous-titreur en direct (22).

[52] M. Harris dit qu'il croyait comprendre que le coût pour le réseau de langue anglaise du sous-titrage de tout ce qui est diffusé sur le réseau, y compris les annonces publicitaires et les promos, serait d'environ 10 millions de dollars, ou l'équivalent de la valeur de 200 employés.

[53] Le budget annuel du réseau de langue anglaise pour 1998-1999 était de 417 millions de dollars, selon M. Harris. Aucun renseignement n'a été fourni en ce qui concerne le budget pour l'exercice actuel. Le budget global de la SRC est de 1,2 milliard de dollars. Ce budget comprend la télévision de langue française, le Service du Nord, la radio, le réseau de langue anglaise et NewsWorld, ainsi que les activités de la société. M. Harris a indiqué que la SRC reçoit entre 800 et 900 millions de dollars du gouvernement fédéral chaque année. La SRC n'a pas pressenti le gouvernement pour obtenir des fonds supplémentaires afin de couvrir les coûts du sous-titrage.

[54] M. Harris a dit dans son témoignage que le vice-président de la SRC a un budget discrétionnaire auquel on pourrait avoir accès si c'était nécessaire pour permettre au réseau de continuer de sous-titrer au niveau jugé approprié. M. Harris n'a jamais demandé au vice-président des fonds supplémentaires, étant donné qu'il prétend que jusqu'à maintenant la SRC a été en mesure de dépasser les exigences du CRTC en matière de sous-titrage.

[55] En ce qui concerne les commandites, M. Harris a dit dans son témoignage que la SRC a engagé un employé à plein temps en 1997, employé qui était chargé d'obtenir des commandites pour le sous-titrage. Les recettes produites par le sous-titrage d'émissions populaires telles The National et Hockey Night in Canada sont réinvesties afin de subventionner les coûts du sous-titrage d'émissions moins populaires.

ii. Annonces publicitaires et promos

[56] Bien que la vaste majorité du contenu des émissions du réseau de langue anglaise soit diffusée à l'échelle nationale, M. Landry a expliqué que la publicité peut être soit nationale, soit régionale. À titre d'exemple, une diffusion de Hockey Night in Canada peut être vue d'un bout à l'autre du pays, des annonces publicitaires différentes étant présentées dans des endroits différents. Les annonces publicitaires sont enregistrées à l'avance, et peuvent être insérées dans la programmation soit à Toronto, soit à la station locale, selon que l'annonce doit être diffusée à l'échelle nationale ou locale. M. Landry a indiqué qu'aucun motif technique ferait en sorte que les annonces publicitaires ne pourraient pas être sous-titrées. Selon M. Landry, c'est davantage une question de logistique faisant intervenir temps, argent et établissement de l'horaire.

[57] M. Harris a expliqué qu'en vertu de l'entente actuelle entre la SRC et ses publicitaires, la SRC n'a pas le droit de modifier le contenu créateur des annonces publicitaires et, de ce fait, n'est pas en mesure d'insérer le sous-titrage. M. Harris a fait remarquer que de plus en plus d'annonces publicitaires sont livrées déjà sous-titrées. Du point de vue de M. Harris, il est ridicule que toutes les annonces publicitaires ne soient pas sous-titrées. Les publicitaires dépensent habituellement entre 10 000 et 100 000 $ pour les publicités nationales. M. Harris a dit dans son témoignage que : pour le montant supplémentaire de 500 $ ou de 1 000 $, il est insensé qu'elles ne soit pas sous-titrées (23).

[58] Malgré ces sentiments, M. Harris a dit dans son témoignage que la SRC n'est peut être pas dans une situation concurrentielle pour insister que les publicitaires sous-titrent toutes les annonces publicitaires diffusées par la SRC, et que si elle le faisait, elle mettrait à risque des dizaines de millions de dollars de recettes en publicité. Selon M. Harris, la SRC est particulièrement vulnérable à cet égard. Le réseau doit se battre pour les recettes de publicité contre les diffuseurs privés, qui peuvent offrir du temps de publicité à l'égard des principales émissions de télévision américaines diffusées simultanément au Canada, tandis que la SRC se concentre sur la programmation canadienne qui peut présenter un attrait commercial moins important pour les publicitaires. M. Harris a indiqué que la SRC serait fière de diriger une initiative de toute l'indutrie visant à demander avec insistance que les publicitaires sous-titrent leurs annonces publicitaires, mais ne pourrait pas le faire de sa propre initiative. Bien qu'il participe à divers forums où il pourrait soulever la question, M. Harris n'a pas eu jusqu'à maintenant d'entretiens avec les membres de l'industrie à ce sujet.

[59] En contre-interrogatoire, M. Harris a reconnu qu'il n'a pas fait une analyse des coûts pour les publicitaires si la SRC exigeait que toutes les annonces publicitaires soient sous-titrées, et il n'a pas pensé non plus de quantifier le désavantage commercial qui en résulterait. M. Harris indique qu'on ne sait jamais ce qui entraîne un publicitaire à aller ailleurs, et qu'il ne saurait pas de quelle façon mesurer le risque. Son avis que le fait d'exiger des publicitaires qu'ils sous-titrent les annonces publicitaires entraînerait un désavantage concurrentiel se fonde sur une discussion qu'il a eue avec les responsables du département des ventes de la SRC. Le département des ventes n'a procédé à aucune étude visant à déterminer l'incidence qu'il y aurait si la SRC exigeait que toutes les annonces publicitaires diffusées par la SRC soient sous-titrées. M. Harris ne peut pas dire si la SRC a fait quoi que ce soit pour inciter les publicitaires à sous-titrer les annonces publicitaires.

[60] M. Harris a dit dans son témoignage qu'il ne sait pas si la SRC serait en mesure d'acheter les droits des publicitaires pour lui permettre de sous-titrer des annonces publicitaires. Il a aussi reconnu que la SRC n'a jamais demandé à ses publicitaires s'ils auraient une objection à ce que la SRC sous-titre leurs annonces publicitaires.

[61] La SRC a des politiques qui traitent de la représentation des femmes et des hommes, de la violence à l'endroit des enfants, de la publicité dans les émissions destinées aux enfants, et ainsi de suite. Les annonces publicitaires contrevenant à ces politiques ne sont pas acceptées en vue de leur diffusion par la SRC.

[62] M. Harris a indiqué que chaque station a son propre menu de promos, et que le sous-titrage des promos ne figurait pas en tête de liste des priorités de la SRC. L'information contenue dans les promos est simple, et elle est largement diffusée sous forme graphique dans la promo même. Plus précisément, le titre de l'émission et l'heure de diffusion seront affichés de façon générale sous forme écrite à l'écran.

iii. Newsworld

[63] Brian McArthur est un analyste financier principal à Newsworld. Une partie de ses responsabilités a trait au suivi de la progression de Newsworld en ce qui concerne la fourniture du sous-titrage.

[64] Selon M. McArthur, Newsworld est la chaîne thématique nationale d'information et d'actualités de langue anglaise exploitée par la SRC. Newsworld est autonome sur le plan financier et n'a aucun accès aux affectations du gouvernement à la SRC. Son budget annuel est de 62 millions de dollars. De ce montant, une somme de 775 000 $ est mise de côté chaque année pour le sous-titrage.

[65] Au cours des dernières années, Newsworld a augmenté le pourcentage de ses émissions pour lesquelles il y a soit le sous-titrage, soit l'interprétation gestuelles. Au moment de l'audience, environ 90 % des émissions de Newsworld étaient sous-titrées, ce qui porte Newsworld deux années en avance sur la date cible établie par le CRTC pour atteindre la marque des 90 %.

[66] Environ 80 % des émissions de Newsworld pendant la semaine sont diffusées en direct. Pendant la fin de semaine, les émissions en direct représentent environ 50 % de la journée de radiodiffusion (24). Les émissions de Newsworld sont sous-titrées à l'aide de la méthode en temps réel, ce qui lui permet de sous-titrer les nouvelles de dernière heure. Newsworld paie 145 $ de l'heure pour ce service. En outre, Newsworld a une entente avec les fournisseurs de services de sous-titrage selon laquelle ils doivent avoir suffisamment de personnel en attente tout au long de la journée de radiodiffusion afin que les événements en direct non prévus soient sous-titrés. Ces personnes ne sont payées que lorsqu'on fait appel à leurs services.

[67] Newsworld concentre ses efforts de sous-titrage pour les émissions présentées aux heures de grande écoute et sur les émissions qui sont diffusées plus d'une fois. La plus grande partie des émissions qui ne sont pas sous-titrées à l'heure actuelle sont diffusées tard le soir, et la plupart sont enregistrées à l'avance. Newsworld diffuse un journal télévisé de 10 minutes sur l'heure tout au long de la nuit. Il n'était pas clair selon le témoignage si le journal télévisé de 10 minutes était diffusé en direct, s'il était enregistré à l'avance ou s'il y avait une combinaison des deux.

[68] M. McArthur estime qu'il coûterait 1,3 million de dollars pour sous-titrer la totalité des émissions de la journée de radiodiffusion, y compris la somme de 775 000 $ qui est déjà consacrée au sous-titrage, soit une augmentation nette des dépenses de 525 000 $. Cette augmentation représente 0,85 % du budget annuel de Newsworld. M. McArthur n'a pas fourni une ventilation de ce que représente cette somme de 1,3 million de dollars. Il a dit qu'en raison du risque que des émissions prévues à l'horaire puissent être interrompues en tout temps pour présenter un événement en direct, Newsworld devrait avoir des sous-titreurs à l'effectif 24 heures sur 24.

[69] En 1998, Newsworld a commencé à chercher des commanditaires pour le sous-titrage. Au cours de sa première année de recherche, Newsworld a obtenu 8 000 $ en recettes de commandite. En 1999, ces commandites ont rapporté 173 000 $. Selon M. McArthur, les recettes de commandite, tout comme les recettes de publicité, sont de nature spéculative et on ne peut s'y fier. Par conséquent, les recettes de commandite sont incluses dans les recettes de publicité générales aux fins budgétaires, mais ne sont pas réinvesties dans le sous-titrage. Le personnel de Newsworld n'a accès qu'à la somme de 775 000 $ affectée au sous-titrage, et doit respecter ce budget.

iv. Réponse de la SRC aux exemples précis donnés par M. Vlug

[70] Pour ce qui est de l'exemple du match de baseball d'octobre 1995 mentionné par M. Vlug, Mme Strang a reconnu que le match n'était pas sous-titré. Selon Mme Strang, la SRC n'a pas été en mesure de capter l'alimentation réseau de ABC. Elle a décrit la situation comme étant une situation technique. Mme Strang dit que les émissions sportives diffusées aux heures de grande écoute sont maintenant sous-titrées. M. Landry a émis des hypothèses quant à des explications techniques de l'incapacité d'obtenir l'alimentation sous-titrée, mais n'avait aucune connaissance réelle de ce qui s'est passé dans cette situation particulière.

[71] Mme Strang confirme que les finales du championnat mondial de curling n'étaient pas sous-titrées. En 1996, la SRC ne sous-titrait pas toutes les émissions sportives. M. Harris a dit dans son témoignage qu'à l'époque, le curling n'était pas une priorité pour la SRC, tandis que les émissions dramatiques et d'actualités l'étaient. Tous les événements de ce genre sont maintenant sous-titrés, dans la mesure où ils sont diffusés avant minuit.

[72] Pour ce qui est de la plainte de M. Vlug quant à la façon dont les matchs de hockey sont sous-titrés, Mme Strang a indiqué qu'il y aura inévitablement des retards entre le déroulement de l'action à l'écran et le moment où la personne chez elle voit le sous-titrage à l'écran. Les principaux éléments du jeu à mesure qu'il se déroule sont sous-titrés, quoique certains des commentaires puissent être laissés de côté. Les sous-titres s'affichent dans la partie supérieure de l'écran afin qu'ils n'empêchent pas de suivre la rondelle. Mme Strang indique que ce processus pour le sous-titrage représente la norme au sein de l'industrie, et qu'elle n'a pas eu auparavant de plaintes au sujet de la façon dont c'était fait.

[73] Mme Strang a expliqué que l'émission d'actualités The National a, jusqu'à maintenant, été sous-titrée à l'avance de la diffusion, les sous-titres étant préparés à partir d'un synopsis. Ce travail est effectué dans le souci de l'exactitude. À un certain moment à l'avenir, The National commencera à utiliser le sous-titrage en temps réel, étant entendu qu'il vaut mieux sous-titrer la majorité du contenu, avec la possibilité de fautes d'orthographe, que de risquer d'omettre un élément du contenu. Aucune date n'a été fixée pour cette conversion, et on n'a pas non plus préparé de coûts estimatifs à cet égard. M. Harris a dit dans son témoignage que la mise en oeuvre du sous-titrage en temps réel pour l'émission The National fait intervenir des changements technologiques, des mises à pied et la supplantation - des questions de relations industrielles qui mettent en cause des audiences et qui prennent plusieurs mois à terminer. M. Harris dit que la SRC fait enquête sur les procédures appropriées pour procéder au changement, et qu'il prévoit que le sous-titrage en temps réel de l'émission The National sera mis en oeuvre dans un avenir prochain.

[74] Selon Mme Strang, le reportage d'actualité concernant le président Suharto diffusé le 28 mai 1998 était une nouvelle de dernière heure. Lorsqu'il est prévu qu'une histoire puisse changer à la dernière minute, des ententes sont prises pour disposer de sous-titreurs en temps réel. Dans le cas qui nous occupe, l'évolution de la nouvelle était imprévue, et on ne disposait d'aucun sous-titreur en temps réel. En outre, une alimentation non sous-titrée de l'émission d'actualités a été acheminée à la station affiliée locale à Vancouver. Ici, une fois de plus, M. Landry a présenté un certain nombre d'explications techniques possibles pour la perte des sous-titres, mais il n'avait aucune connaissance réelle de ce qui s'est passé dans cette situation particulière.

[75] En ce qui concerne les trois autres exemples d'émissions d'actualités non sous-titrées mentionnées par M. Vlug, Mme Stang a dit dans son témoignage que la SRC n'a pas été en mesure d'identifier des problèmes concernant le sous-titrage de l'émission aux dates précisées par M. Vlug. Mme Strang fait remarquer qu'il peut y avoir des problèmes dans la distribution du signal par les câblodistributeurs ainsi qu'avec le fonctionnement des décodeurs des différents appareils de télévision, deux possibilités qui peuvent nuire à la réception du sous-titrage.

[76] Mme Strang a indiqué que l'émission de David Suzuki à laquelle a fait référence M. Vlug semble être un épisode de l'émission The Nature of Things, une émission qui est habituellement sous-titrée. La SRC n'a pas diffusé l'émission le 17 août 2000. L'émission est de toute évidence vendue à d'autres radiodiffuseurs.

[77] M. McArthur a témoigné au sujet de la diffusion dans le cadre de Newsworld d'une séquence en provenance des Jeux olympiques de Sydney. Il a confirmé que le reportage faisait partie d'une émission d'actualités présentée la nuit. Aucun sous-titreur n'est en service la nuit et, par conséquent, les segments d'actualités ne sont pas sous-titrés.

III. PRINCIPES JURIDIQUES

A. Le cadre analytique

[78] La plainte de M. Vlug a été déposée le 22 août 1997, et elle allègue une pratique ou politique discriminatoire continue de la part de la SRC. Les parties s'entendent à dire que dans la mesure où la plainte de M. Vlug fait référence à des incidents survenus avant le 30 juin 1998, la plainte est régie par l'ancienne Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans le mesure où la plainte porte sur des incidents survenus après le 30 juin 1998, il n'est pas contesté que les amendements au projet de loi S-5 (25), la Loi canadienne sur les droits de la personne, s'appliquent.

[79] Un examen de l'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne permet de constater que l'objet de la Loi, à la fois avant et après les amendements de 1998, est libellé dans le langage de l'égalité des chances. Dans Andrews c. Law Society of British Columbia (26), la Cour suprême du Canada a fait remarquer ce qui suit :

[Traduction]

L'exclusion du courant dominant de la société provient de la création d'une société fondée uniquement sur les attributs de la population en général auxquels les personnes ayant des déficiences ne pourront jamais avoir accès… [I] il s'agit d'un échec de faire des aménagements raisonnables, de mettre au point une société afin que ses structures et hypothèses ne débouchent pas sur le déclassement des personnes handicapées et leur interdiction de participer, ce qui donne lieu à une discrimination à leur endroit.»

[80] La présente plainte est déposée conformément aux dispositions de l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Selon les dispositions de l'article 5, constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de services habituellement offerts au public, d'en priver un individu ou le défavoriser à l'occasion de leur fourniture.

[81] L'article 3 de la Loi fait de la déficience un motif de distinction illicite.

[82] Conformément aux dispositions de l'alinéa 15(1) g) (27) de la Loi, ne constitue pas un acte discriminatoire le fait qu'un fournisseur prive un individu d'un service s'il a un motif justifiable de le faire.

[83] Depuis le 30 juin 1998, le paragraphe 15(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne stipule que, pour démontrer qu'un motif est justifiable en vertu de l'alinéa 15 g) de la Loi, il doit être démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visée constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[84] La Cour suprême du Canada a eu récemment l'occasion de réexaminer l'approche à prendre dans des cas comme celui-ci dans ses décisions dans British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) v. BCGSEU (28) ('Meiorin') et British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) v. British Columbia (Council of Human Rights) (29) ('Grismer'). La distinction historique entre la discrimination directe et la discrimination indirecte a maintenant été remplacée par une approche unifiée du règlement des plaintes relatives aux droits de la personne. En vertu de cette approche unifiée, le fardeau initial est toujours à l'égard du plaignant qui doit démontrer qu'il y a un cas apparemment fondé de discrimination. Un cas apparemment fondé est un cas qui couvre les allégations faites et que, si on leurs donnent foi, est complet et suffit à justifier un verdict en faveur du plaignant en l'absence d'une réponse de la part de l'intimée (30).

[85] Une fois qu'un cas apparemment fondé de discrimination a été démontré, il revient alors à l'intimée de prouver, selon une prépondérance des probabilités, que la politique ou norme discriminatoire comporte un motif justifiable. Dans le but de démontrer une telle justification, l'intimée doit maintenant prouver :

  1. qu'elle a adopté la norme pour une fin ou un objectif qui est rationnellement lié à la fonction exécutée;
  2. qu'elle a adopté la norme de bonne foi, en croyant qu'elle est nécessaire pour l'atteinte de la fin et de l'objectif; et
  3. que la norme est raisonnablement nécessaire pour accomplir sa fin ou son objectif, en ce sens que l'intimée ne peut tenir compte des besoins des personnes qui ont les caractéristiques du plaignant sans subir une contrainte excessive.

[86] Bien que les deux jugements Meiorin et Grismer aient été rendus en vertu du Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique pour les motifs énoncés dans Entrop c. Compagnie pétrolière Imperial Ltée (31), je suis convaincue que les deux cas s'appliquent aux allégations de discrimination faites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le jugement dans Meiorin étudie son application générale aux plaintes de discrimination, à moins que le libellé de la loi précise en question ne l'interdise. Dans la mesure où le présent cas prend en considération la Loi canadienne des droits sur les droits de la personne non modifiée, rien dans l'ancienne Loi n'est incompatible avec le jugement rendu dans l'affaire Meiorin. En effet, l'approche analytique bifurquée maintenant discréditée était dans une grande mesure une création de la jurisprudence (32). Pour ce qui est de la Loi modifiée, dans l'affaire Meiorin, le juge McLaughlin a précisément fait référence aux modifications récentes apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne comme étant un reflet de l'approche unifiée.

[87] Là où l'application des jugements dans les affaires Meiorin et Grismer aux allégations faites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne modifiée peut être limitée, en rapport avec les facteurs qui peuvent être pris en considération pour déterminer si une partie intimée a répondu aux besoins d'un plaignant au point d'en subir une contrainte excessive. Le jugement Meiorin fait référence aux jugements antérieurs de la Cour suprême du Canada dans des affaires telles la Central Alberta Dairy Pool qui portait sur les types de facteurs dont on peut tenir compte dans une analyse de contrainte excessive. Ces facteurs comprennent des considérations telles une rupture dans une convention collective et une ingérence dans les droits des autres employés. La Cour suprême a fait remarquer que la liste des facteurs n'est pas enchâssée, sauf dans la mesure où certains facteurs peuvent être expressément exclus ou inclus par la loi. Le paragraphe 15(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne fait référence uniquement aux considérations de santé, de sécurité et de coûts. Il n'est pas nécessaire de décider de cette question ici. Cependant, comme je suis convaincue que toutes les considérations avancées par la SRC dans ses efforts pour démontrer que d'autres aménagements pour tenir compte des besoins des personnes sourdes et malentendantes constitueraient une contrainte excessive peuvent être classées comme des considérations reliées aux coûts.

B. Mesures destinées à répondre aux besoins jusqu'au point de subir une contrainte excessive

[88] Le principal point d'intérêt de la présente enquête était la question de la contrainte excessive et il est par conséquent utile de revoir les principes applicables à la détermination pour savoir si oui ou non une défense fondée sur la contrainte excessive a été établie :

  1. L'utilisation du mot excessive laisse supposer qu'une certaine contrainte est acceptable - ce n'est que la contrainte excessive qui satisfera au test. (33)
  2. Pour démontrer qu'une norme est raisonnablement nécessaire, il incombe toujours à une partie intimée de démontrer que la norme incorpore tous les accomodations possibles jusqu'au point de subir une contrainte excessive. (34)
  3. Il incombe à une partie intimée de montrer qu'il a envisagé et raisonnablement rejeté toutes les formes viables d'accomodations. Il appartient à la partie intimée de démontrer qu'il était impossible, à moins d'en subir une contrainte excessive, d'incorporer des aspects d'accomodations individuels dans la norme. (35)
  4. Dans certains cas, un coût excessif peut justifier un refus de ne pas tenir compte des besoins des personnes qui ont des déficiences. Cependant, il faut faire attention de ne pas mettre trop peu de valeur sur les accomodations à l'endroit des personnes ayant des déficiences. Il est trop facile de parler de coûts accrus pour refuser d'accorder un traitement égal aux personnes ayant des déficiences. (36)
  5. L'adoption de la norme de la partie intimée doit être étayée par des preuves convaincantes. Des preuves impressionnistes de coûts accrus ne suffiront pas de façon générale. (37)
  6. Lorsque le coût est un enjeu, la partie intimée doit examiner des façons de réduire les coûts. (38)
  7. Des facteurs tel le coût financier de méthodes de prise en compte des besoins devraient être appliqués avec bon sens et souplesse dans le contexte de la situation de fait à l'étude. (39)

IV. ANALYSE

A. Quelle est la norme?

[89] Les deux jugements des affaires Meiorin et Grismer examinent les obstacles à l'emploi ou aux services sous la forme de normes relatives à la condition physique. Dans le présent cas, on examine un type différent d'obstacle qui est l'inaccessibilité pour les personnes sourdes et malentendantes à la portion audio d'émissions de télévision. Cependant, rien n'empêche d'appliquer le même type d'analyse des besoins ici. (40)

[90] M. Vlug et la Commission ont laissé entendre que la norme en cause ici est une pratique ou une politique de la part de la SRC de ne pas sous-titrer la totalité de ses émissions. Mme Noonan prétend que la norme est la politique qu'a la SRC d'intégrer de façon active le sous-titrage dans ses émissions aux heures de grande écoute, et le plus grand nombre possible d'autres émissions, tout en essayant de maintenir ses autres objectifs et de parvenir à un équilibre.

[91] En appliquant le cadre analytique des affaires Meiorin/Grismer aux faits de la présente affaire, je suis venue à la conclusion que la norme en cause ici est la politique qu'a la SRC d'utiliser une approche progressive au sous-titrage, avec le résultat qu'une partie, mais non la totalité, des émissions de télévision de Newsworld et du réseau de langue anglaise sont sous-titrées.

B. Y a-t-il une apparence d'un cas justifié?

[92] Mme Noonan prétend que, d'après la description que M. Vlug fait de ses habitudes télévisuelles, il n'a pas réussi à démontrer un cas apparemment fondé de discrimination. Selon Mme Noonan, toutes les émissions de la SRC dont le sous-titrage pendant les heures habituelles auxquelles M. Vlug regarde la télévision relève du pouvoir de la SRC sont maintenant sous-titrées. Par conséquent, elle dit qu'on ne peut conclure à un cas apparemment fondé de discrimination.

[93] En supposant, pour le moment, que la SRC sous-titre maintenant tout ce qui relève de son pouvoir pendant les heures auxquelles M. Vlug regarde habituellement la télévision, il y a, à mon avis, un certain nombre de problèmes associés à cet argument :

[94] Tout d'abord, la description faite par M. Vlug avait trait à ses habitudes télévisuelles normales. Les preuves n'établissent pas que ce sont les seules heures auxquelles il regarde la télévision. Entre autres, l'exemple donné par M. Vlug concernant la séquence sur les Jeux olympiques présentée à Newsworld avait trait à un reportage diffusé tard la nuit.

[95] Ensuite, le témoignage de M. Vlug au sujet des émissions sportives de baseball et de curling illustrent qu'il n'a pas été en mesure d'avoir pleinement accès aux émissions de la SRC en raison de sa déficience par le passé. Le fait que ces types d'émissions puissent maintenant être sous-titrées est un aspect qui peut être pertinent à la question de réparation, mais qui n'enlève rien, à mon avis, à la responsabilité de la SRC en l'absence d'une défense établie.

[96] Enfin, l'argument comporte un élément de cercle vicieux compte tenu du témoignage de M. Vlug selon lequel il a une forte préférence pour les émissions de télévision sous-titrées, et qu'il ne regarderait qu'en de rares occasions une émission qui ne l'était pas.

[97] Le témoignage de M. Vlug démontre que des émissions de Newsworld et du réseau de langue anglaise de la SRC, des services habituellement offerts au public, ne lui étaient pas accessibles en raison de sa déficience. À mon avis, cela suffit à démontrer un cas apparemment fondé de discrimination, ce qui fait qu'il appartient maintenant à la SRC de démontrer qu'elle avait un motif justifiable de ne pas fournir des émissions complètement accessibles.

C. Est-ce que la SRC s'est acquittée de son fardeau de la preuve?

i. Lien rationnel

[98] Si on se sert de l'approche Meiorin/Grismer pour démontrer l'existence d'un motif justifiable concernant la norme en question, la SRC doit d'abord établir qu'elle a adopté la norme pour une fin ou un objectif qui est relié rationnellement à la fonction exécutée. L'attention à ce moment-ci n'est pas sur la validité de la norme en question, mais plutôt sur celle de son but plus général. (41)

[99] Je suis convaincue que l'existence d'un tel lien rationnel a été démontrée dans le présent cas : la SRC a adopté la politique d'atteindre progressivement le niveau de sous-titrage dans un effort de parvenir à un équilibre dans son obligation de rendre ses émissions accessibles aux personnes sourdes et malentendantes et ses autres exigences réglementaires et en matière de licence, et ce dans le contexte de ses contraintes financières actuelles.

ii. Bonne foi

[100] Le deuxième élément que la SRC doit démontrer en se servant du test Meiorin/Grismer, c'est qu'elle a adopté la norme en question de bonne foi, en croyant qu'elle est nécessaire pour l'atteinte de son objectif ou but. Bien que M. Vlug conteste la bonne foi de la SRC en ce qui concerne cette question, d'après l'ensemble de la preuve, je suis convaincue que la SRC a agi de bonne foi dans son approche vis-à-vis du sous-titrage. Des ressources considérables ont été consacrées au sous-titrage, et des progrès importants ont été réalisés dans le domaine au cours de la dernière décennie. En effet, la SRC a, au moins au cours des dernières années, satisfait ou dépassé les niveaux de sous-titrage exigées par le CRTC.

iii. Mesures destinées à répondre aux besoins

[101] Enfin, pour démontrer l'existence d'un motif justifiable, il incombe à la SRC de démontrer que la norme est raisonnablement nécessaire pour atteindre son objectif, en ce sens qu'elle ne peut pas tenir compte des besoins des personnes qui ont les caractéristiques du plaignant sans subir une contrainte excessive.

[102] Les témoignages de M. Landry et de M. Ketchum démontrent que la technologie existe à l'heure actuelle pour sous-titrer tout ce que la SRC diffuse. Ce qu'il reste à examiner, c'est de déterminer si le coût pour sous-titrer toutes les émissions diffusées par Newsworld et le réseau de langue anglaise de la SRC créerait une contrainte excessive pour la SRC. En outre, les préoccupations d'ordre logistique et la disponibilité d'un nombre suffisant de sous-titreurs pour fournir le service ont également été soulevées en ce qui concerne le sous-titrage des annonces publicitaires, des promos et des nouvelles de dernière heure. Ces arguments seront examinés dans le contexte de chaque type d'émission.

a) Réseau de langue anglaise de la SRC - Émissions de télévision

[103] Mme Strang a estimé qu'il en coûterait au réseau de langue anglaise de la SRC une somme supplémentaire de 1,2 million de dollars par année pour sous-titrer le reste des émissions de télévision du réseau qui ne sont pas encore à l'heure actuelle sous-titrées, à l'exclusion des frais généraux. M. Harris suppose que les frais généraux associés au niveau accru de sous-titrage s'élèveraient à une somme additionnelle de 1,3 million de dollars par année, soit un coût total de 2,5 millions par année. Il a également dit dans son témoignage que les coûts intégralement répartis pour la SRC du sous-titrage de toutes les émissions de télévision seraient aux environs de 3 millions de dollars par année. Le budget annuel du réseau de langue anglaise est de 417 millions de dollars. Ainsi, d'après les données avancées par la SRC, le coût du sous-titrage du reste des émissions de télévision du réseau de langue anglaise serait quelque part entre 0,60 % et 0,72 % du budget annuel du réseau.

[104] Cependant, je ne suis pas persuadée que les données relatives aux coûts fournies par la SRC soient fiables. Mme Strang a parlé de 1,2 million de dollars comme estimation, mais n'a fourni aucune ventilation de la façon de parvenir à cette somme. En outre, cette estimation doit être prise avec prudence, compte tenu du témoignage antérieur de Mme Strang selon lequel aucune tentative n'a été faite de calculer le coût du sous-titrage des émissions de télévision présentées en fin de soirée. (42)

[105] En outre, la SRC a fourni la même estimation de coût à la Commission canadienne des droits de la personne avant mai 1999 (43). On nous a dit que le coût du sous-titrage a diminué au fil du temps. Depuis le moment que le coût estimatif initial a été fourni, le réseau de langue anglaise a décidé de mettre en oeuvre le sous-titrage des émissions destinées aux enfants d'âge préscolaire, coût que Mme Strang a estimé être de l'ordre de 300 000 à 500 000 $ par année, ce qui laissait encore moins d'émissions à sous-titrer. Il ne semble pas qu'un rajustement au coût estimatif ait été fait pour tenir compte du niveau accru de sous-titrage qui entrera en vigueur le 2 octobre 2000.

[106] Mme Strang a également dit dans son témoignage qu'elle fondait son estimation de 1,2 million de dollars pour sous-titrer le reste de la journée de radiodiffusion sur l'hypothèse qu'aucune des émissions dans les heures autres que les heures de grande écoute n'était à l'heure actuelle sous-titrées. Cependant, elle a reconnu qu'elle ne savait pas si les émissions de fin de soirée étaient ou n'étaient pas déjà sous-titrée. On nous a dit que les films constituent la plus grande partie des émissions de fin de soirée. M. Vlug a fait remarquer qu'un grand nombre de films ont déjà été sous-titrés. Mme Strang a également admis qu'au moins une émission de fin de soirée qui n'était pas un film peut déjà être sous-titrée et qu'elle ne nécessitait donc pas un sous-titrage. Ainsi, il semble, que, en essayant de calculer le coût du sous-titrage des émissions aux heures autres qu'aux heures de grande écoute, aucun effort n'ait été fait pour identifier exactement le pourcentage de la grille-horaire de fin de soirée qu'il faudrait, en fait, réellement sous-titrer.

[107] J'ai des préoccupations semblables pour ce qui est de la fiabilité de l'estimation donnée par M. Harris des frais généraux associés au sous-titrage du reste des émissions de télévision. M. Harris a dit qu'il suppose que les coûts intégralement répartis seraient supérieurs à 3 millions de dollars, mais qu'il n'avait pas les chiffres à sa disposition. Il ne semble pas qu'une tentative significative ait été faite d'évaluer l'augmentation des frais généraux qui seraient attribuables au sous-titrage des émissions de fin de soirée. On doit donc tenir compte de tout cela en fonction du témoignage de M. Harris selon lequel personne fait quoi que ce soit à la SRC sans savoir exactement ce qu'il en coûte.

[108] En outre, il semble que le coût pour la SRC du sous-titrage de sa grille-horaire de fin de soirée pourrait être réduit si le sous-titrage d'émissions était pris en considération dans les décisions d'achats du réseau. Aucune des preuves qui m'ont été présentées me portent à croire qu'il en coûte davantage au réseau d'acheter un film déjà sous-titré que d'acheter un film non sous-titré. En achetant des émissions déjà sous-titrées, le réseau n'aurait pas à assumer les coûts de fournir lui-même le sous-titrage. Cependant, il ne semble pas, d'après les preuves qui m'ont été présentées, que la SRC donne actuellement la préférence aux émissions déjà sous-titrées lorsqu'elle prend ses décisions d'achats. (44)

[109] Je ne suis pas non plus convaincue que le réseau de langue anglaise ait encore optimisé ses recettes éventuelles provenant de la vente de commandites de sous-titrage. Il s'agit d'une entreprise relativement nouvelle pour le réseau - ayant d'abord engagé une personne pour vendre des commandites de sous-titrage en 1997. Selon Mme Strang, les recettes de commandite ont augmenté au cours des dernières années, mais elle ne pouvait pas dire de combien. M. Harris a confirmé que les recettes de commandite ont augmenté rapidement depuis 1997, mais il a dit qu'à son avis, il ne pensait pas que les recettes de commandite augmenteraient beaucoup plus. Cependant, M. Harris n'a pas offert de fondement pour son opinion, et en l'absence de preuve pour l'étayer, je ne suis pas prête à l'accepter.

[110] Le fardeau de démontrer la prise de mesures destinées à répondre aux besoins jusqu'au point de subir une contrainte excessive appartient à la SRC. Tel que l'a fait remarquer la Cour suprême dans l'affaire Grismer, bien que le coût excessif puisse justifier un refus de tenir compte des besoins des personnes ayant des déficiences, l'adoption d'une norme de la partie intimée doit être appuyée par des preuves convaincantes. Des preuves impressionnistes d'une augmentation du coût ne suffiront pas de façon générale. Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincue que la SRC se soit acquittée du fardeau de démontrer que les coûts associés au sous-titrage du reste des émissions de télévision de sa grille-horaire constitueraient une contrainte excessive.

b) Réseau de langue anglaise de la SRC - Contenu non relié à l'émission

[111] Outre le sous-titrage du reste de la grille-horaire de la SRC, M. Vlug a également demandé que la SRC soit tenue de sous-titrer tout ce que son réseau de langue anglaise diffuse tout au long de la journée de radiodiffusion, y compris les annonces publicitaires, les promos et ses nouvelles de dernière heure qui sont imprévues. Selon Mme Strang, le coût du sous-titrage de ce contenu supplémentaire serait de 14 millions de dollars par année. Cela repose sur l'hypothèse qu'il serait nécessaire de compter sur des sous-titreurs en temps réel en poste, depuis l'entrée en ondes jusqu'à la fin des émissions, dans chacune des 14 stations affiliées locales. M. Harris a estimé le coût de la fourniture de ce niveau de sous-titrage à 10 millions de dollars, bien qu'il ait semblé prêt à se rallier à l'avis de Mme Strang sur cette question.

[112] Outre le fardeau financier important que cela imposerait au réseau, Mme Strang a dit qu'il n'y a tout simplement pas le nombre suffisant de sous-titreurs disponibles pour offrir ce niveau de service. M. Landry a également fait référence aux préoccupations d'ordre logistique qu'il y aurait si le réseau devait sous-titrer les annonces publicitaires et les promos.

[113] Pour les motifs énoncés ci-dessous, je n'accepte pas les coûts estimatifs avancés par la SRC à cet égard.

1) Annonces publicitaires

[114] Pour ce qui est d'abord du sous-titrage des annonces publicitaires, à la fois Mme Strang et M. Landry ont reconnu que la technologie existe pour sous-titrer les annonces publicitaires télévisuelles. En effet, un grand nombre d'annonces publicitaires sont déjà sous-titrées - selon M. Harris, quelque part entre 70 et 75 % des annonces publicitaires diffusées à l'échelle nationale sont déjà sous-titrées par les publicitaires. Cependant, nous ne connaissons par le pourcentage de la publicité locale par rapport à la publicité nationale que chaque station peut diffuser, et nous ne possédons aucun renseignement quant au pourcentage de la publicité locale qui est déjà sous-titré.

[115] Il semble que le montant de 14 millions de dollars avancé par la SRC repose, en partie, sur l'hypothèse qu'il reviendrait au réseau de langue anglaise de sous-titrer les annonces publicitaires diffusées sur le réseau. Quoi qu'il en soit, la SRC soutient qu'en vertu des dispositions de ses ententes avec les publicitaires, elle n'a pas le droit de toucher au contenu créateur des annonces publicitaires diffusées à la télévision.

[116] La SRC soutient qu'elle ne peut pas insister pour que les publicitaires qui cherchent à acheter du temps d'antenne au réseau de langue anglaise fournissent leurs annonces publicitaires déjà sous-titrées en raison du désavantage commercial qui en résulterait. À mon avis, je dois examiner le témoignage de M. Harris pour ce qui est du désavantage concurrentiel éventuel avec une certaine prudence. Le témoignage de M. Harris à cet égard est largement impressionniste, fondé sur une conversation qu'il a eue avec les dirigeants du département des ventes de la SRC. Aucune étude de quelque sorte que ce soit n'a été faite pour essayer de quantifier les conséquences économiques pour le réseau qui résulteraient si le réseau devait insister pour que toutes les annonces publicitaires soient fournies en format sous-titré. En effet, aucune tentative n'a été faite même de discuter de la question avec les publicitaires dans le but de déterminer si une telle initiative ferait effectivement l'objet de réticences, ou si, avec une certaine éducation, les publicitaires pourraient ne pas être persuadés d'embarquer dans le concept. En effet, M. Harris a dit lui-même dans son témoignage que l'aspect économique de la production d'annonces publicitaires est tel qu'il était stupide pour les publicitaires de ne pas payer un peu plus pour sous-titrer leurs produits, en particulier compte tenu de l'auditoire supplémentaire qu'ils pourraient rejoindre avec un investissement supplémentaire minime.

[117] À mon avis, il faut souligner que la SRC place déjà des contraintes sur le contenu commercial en ce qui a trait à des questions tels la représentation des hommes et des femmes, la violence et le racisme.

[118] Selon M. Harris, toute tentative d'exiger des publicitaires qu'ils sous-titrent les annonces publicitaires ne pourrait fonctionner que si elle était faite à l'échelle de l'industrie. Bien que M. Harris ait accès à des réunions au cours desquelles la question pouvait être soulevée et bien qu'il ait exprimé sa volonté de le faire au cours de l'audience, rien n'indique qu'un effort ait été fait à cet égard par la SRC.

[119] Pour satisfaire au troisième élément du test Meiorin/Grismer, la SRC doit démontrer qu'elle a exploré au complet toutes les formes viables de prise de mesures destinées à répondre aux besoins. En fonction des preuves invoquées par la SRC pour ce qui est du sous-titrage des annonces publicitaires, je ne suis pas persuadée que la SRC se soit acquittée de son fardeau à cet égard.

[120] Au cours de l'argumentation, j'ai soulevé la question de la nature et de la suffisance des preuves de la SRC relativement au sous-titrage des annonces publicitaires, et les répercussions que le fait d'exiger des publicitaires qu'ils fournissent des annonces publicitaires déjà sous-titrées aurait sur la position concurrentielle de la SRC. Mme Noonan prétend que la nature de la plainte de M. Vlug a changé constamment au fil du temps et que la SRC n'était pas tout à fait au courant de la cause à laquelle elle devait se préparer, en particulier pour ce qui est de son exigence que les annonces publicitaires soient sous-titrées, jusqu'à ce que M. Vlug témoigne à l'audience. C'est ce que Mme Noonan qualifie d'erreur de bonne foi de la part de l'intimée. Selon Mme Noonan, lorsque la SRC s'est rendu compte que les annonces publicitaires et les promos étaient des aspects dont elle devrait traiter à l'audience, des questions ont été posées, et le témoignage de M. Harris sur la question était le meilleur disponible dans les circonstances.

[121] Pour plusieurs motifs, je n'accepte pas que des considérations d'équité de la procédure interviennent ici pour alléger le fardeau de preuve qui incombe à la SRC en ce qui concerne le sous-titrage des annonces publicitaires :

  1. Le montant de 14 millions de dollars sur lequel se fondait la SRC pour estimer le coût du sous-titrage de toutes les émissions de la SRC, y compris la publicité, a été préparé le 27 juillet 2000, quelque trois semaines et demi avant le début de l'audience, et presque huit semaines avant que la SRC ait à répondre de la question. Il est évident que le témoignage de Mme Stang au sujet de la préparation des estimations de coût que la SRC comprenait clairement que M. Vlug demandait que tout ce que le réseau de langue anglaise de la SRC diffusait soit sous-titré et que la publicité était, par conséquent, en cause dans la présente affaire.
  2. Le témoignage de M. Vlug au sujet de l'absence de sous-titrage des annonces publicitaires télévisuelles a été présenté sans qu'il y ait d'objection de la part de Mme Noonan, bien qu'elle ait soulevé rapidement des objections à d'autres occasions lorsqu'elle estimait que la preuve présentée dépassait les paramètres de la plainte.
  3. Au moment de clore la preuve de la Commission et de M. Vlug, une requête a été présentée dans le but de limiter la portée de la plainte au réseau de langue anglaise de la SRC, y compris les émissions régionales, et à Newsworld. Cette requête reposait sur des préoccupations au sujet du manque de préavis donné à la SRC au sujet de ses autres services de télévision. Aucune requête semblable n'a été présentée relativement à la publicité à la SRC.
  4. La SRC n'a à aucun moment demandé un ajournement afin de lui permettre de mener une enquête appropriée et de répondre à ce qu'elle soutient maintenant comme étant des allégations tout à fait inattendue.
  5. Le mémoire écrit de la SRC traitant du sous-titrage des annonces publicitaires ne fait aucune mention des préoccupations au sujet de la suffisance du préavis concernant la question.
2) Promos

[122] Pour ce qui est du sous-titrage des messages publicitaires ou des promos de la SRC, il semble qu'une partie, mais non la totalité du contenu des promos, puisse être représentée de façon graphique. Il y a des renseignements dans les promos, en particulier la portion audio de la séquence de l'émission en question, qui ne seront pas accessibles aux personnes sourdes et malentendantes.

[123] Les éléments de preuve présentés par la SRC pour étayer son argument que l'obliger à sous-titrer les promos constituerait une contrainte excessive sont de la même façon insatisfaisants. Par exemple, en fait de fréquence à laquelle les promos sont diffusées, tout ce que nous avons, c'est une approximation de Mme Strang qui dit que le réseau de langue anglaise diffuse des promos de 50 à 100 fois par jour. On ne dispose pas de précisions non plus quant au nombre de promos qui peuvent être diffusées plus d'une fois.

[124] Mme Strang et M. Harris ont dit dans leurs témoignages que le sous-titrage des promos n'était tout simplement pas une priorité pour le réseau, compte tenu de ses autres obligations. Mme Strang a également expliqué que la fréquence à laquelle les promos sont modifiées rend difficile leur sous-titrage.

[125] Les promos sont enregistrées à l'avance. L'argument de Mme Strang selon lequel il serait nécessaire d'avoir sur place des sous-titreurs dans chacune des stations affiliées locales 24 heures sur 24, et le montant de 14 millions de dollars qui en découle, ne tient tout simplement pas lorsque tout ce dont il est question, ce sont des annonces enregistrées à l'avance. Aucune preuve satisfaisante n'a été présentée en ce qui concerne le coût supplémentaire que le réseau de langue anglaise devrait assumer s'il était obligé de sous-titrer la totalité de ses promos.

[126] Encore une fois, il incombe à la SRC de démontrer que sa norme devrait être adoptée, et de le faire en présentant des éléments de preuve probants. À mon avis, elle ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve à cet égard.

3) Nouvelles de dernière heure imprévues

[127] Le CRTC a déjà stipulé que toutes les émissions d'actualités locales et régionales, y compris les segments en direct, doivent maintenant être sous-titrés. Selon M. Harris, c'est ce qui se fait. La question à régler dans le présent cas, c'est le sous-titrage des nouvelles de dernière heure qui sont diffusées à l'extérieur des émissions d'actualités prévues à la grille-horaire.

[128] Les nouvelles de dernière heure imprévues constituent une forme particulièrement importante des émissions de télévision. De par leur nature même, les nouvelles de dernière heure comportent des renseignements importants - des renseignements considérés d'une telle importance que le réseau (ou la station locale) interrompt sa programmation régulière pour en faire part à ses téléspectateurs. Comme nous l'a dit M. Roots, les nouvelles de dernière heure imprévues peuvent être des alertes météorologiques et peuvent soulever de graves questions de sécurité, ce qui nécessite qu'il faut en informer immédiatement le public.

[129] Tel que je crois comprendre le témoignage de Mme Strang, son estimation de 14 millions de dollars quant au coût du sous-titrage de tout ce que le réseau de langue anglaise diffuse repose sur l'hypothèse qu'il incomberait à la SRC de sous-titrer toutes les publicités nationales et locales, ainsi que les promos. Cette question soulève d'importantes préoccupations quant au volume. Le deuxième fondement sur lequel repose l'estimation est la nécessité d'avoir des sous-titreurs en poste 24 heures sur 24, de façon à pouvoir sous-titrer toutes les nouvelles de dernière heure en temps réel.

[130] J'ai déjà traité des questions du sous-titrage des promos et annonces publicitaires locales et nationales. Le cauchemar de logistique décrit par M. Landry qui, selon lui, résulterait d'un système centralisé de sous-titrage, repose sur un arrangement selon lequel le réseau serait tenu de sous-titrer à partir d'un lieu central les promos et les annonces publicitaires nationales et locales. En exigeant des publicitaires qu'ils fournissent des annonces publicitaires déjà sous-titrées, le volume du sous-titrage qui incomberait au réseau serait réduit grandement. Les promos sont enregistrées à l'avance et ne nécessitent donc pas une capacité de sous-titrage de 24 heures sur 24.

[131] Il reste la question du sous-titrage des nouvelles de dernière heure. Ces dernières ne peuvent être sous-titrées qu'à l'aide de la méthode en temps réel. Nous savons d'après le témoignage de M. Landry que le sous-titrage en temps réel peut être fait par des sous-titreurs qui sont situés dans d'autres locaux que ceux de la station de radiodiffusion. Compte tenu que les nouvelles de dernière heure surviennent de façon exceptionnelle, je n'accepte pas le témoignage de Mme Strang selon lequel il serait nécessaire d'avoir des sous-titreurs en temps réel dans chacune des 14 stations régionales 24 heures sur 24 de façon à pouvoir fournir le sous-titrage advenant la présentation d'un bulletin de nouvelles de dernière heure à toute heure du jour et de la nuit. Il est évident que la technologie existe pour fournir ce service à partir d'un point central, selon le besoin.

[132] Bien qu'il n'y ait aucune preuve directement pertinente au coût de la prestation d'un service de sous-titrage en temps réel à partir d'un point central, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, on pourrait supposer que ce coût pourrait être de l'ordre de 1/14 de la somme de 14 millions avancée précédemment, soit 1 million de dollars par année. Rien n'indique que les sous-titreurs devraient même être payés par le réseau de langue anglaise 24 heures sur 24, que leur service soit ou non requis. Selon la documentation déposée concernant Newsworld, ce dernier compte sur des sous-titreurs en disponibilité 24 heures sur 24 pour pouvoir sous-titrer les reportages en direct imprévus. Ces personnes ne sont rémunérées que si l'on fait appel à leurs services. Bien que ces preuves aient été présentées en rapport avec Newsworld, cela nous indique qu'il est possible d'avoir recours à des ressources en disponibilité, et ce à un coût limité. Il semble également qu'il y a suffisamment de sous-titreurs disponibles pour fournir ces services à Newsworld.

c) Newsworld

[133] La plupart des preuves présentées au cours de la présente audience relativement à la situation à Newsworld l'ont été par M. McArthur. Fait intéressant, bien que M. McArthur nous ait dit ce que Newsworld consacrait au sous-titrage, aucune preuve n'a été présentée principalement quant au coût pour Newsworld de sous-titrer le reste de ses émissions non sous-titrées de sa journée de radiodiffusion. Les renseignements dont nous disposons à cet égard ont été obtenus principalement en contre-interrogatoire.

[134] Selon M. McArthur, il en coûterait en tout à Newsworld 1,3 million de dollars par année pour sous-titrer toutes les émissions de la grille-horaire de Newsworld. Comme on l'a signalé plus tôt, M. McArthur n'a pas donné une ventilation de cette somme de 1,3 million de dollars. Newsworld consacre déjà 775 000 $ par année au sous-titrage et aurait donc besoin d'une somme additionnelle de 525 000 $ chaque année pour fournir un service de sous-titrage 24 heures sur 24.

[135] Dans son témoignage, M. McArthur a dit qu'en raison du risque que des émissions prévues à la grille-horaire puissent être interrompues à tout moment pour présenter un reportage en direct, Newsworld devrait avoir sur place des sous-titreurs 24 heures sur 24. Cependant, selon la documentation présentée par la SRC, il semble que Newsworld a déjà en place un système qui lui permet de sous-titrer des reportages imprévus en direct 24 heures sur 24. M. McArthur n'a pas fourni une explication satisfaisante quant à la raison des coûts supplémentaires, ou de la façon dont ces coûts sont calculés.

[136] Pour ce qui est du recouvrement éventuel d'une plus grande partie des coûts du sous-titrage de Newsworld par le biais d'augmentations de la vente de commandites, M. McArthur n'a pas laissé entendre que Newsworld avait déjà réalisé la totalité des recettes éventuelles provenant de cette source. En effet, M. McArthur a dit dans son témoignage que c'était parce que Newsworld venait tout juste de commencer à vendre des commandites qu'il a été en mesure d'augmenter ses recettes de commandite de façon si importante, passant de 8 000 $ en 1998 à 173 000 $ en 1999.

[137] M. Harris était d'avis que les recettes éventuelles de commandite pouvaient avoir déjà été réalisées. Pour les mêmes motifs mentionnées plus tôt, je ne suis pas convaincue que ce soit une évaluation exacte de la situation.

[138] À mon avis, les preuves présentées par la SRC relativement à Newsworld ne répondent pas à la norme requise par la jurisprudence pour démontrer que Newsworld a tenu compte des besoins de personnes sourdes et malentendantes comme M. Vlug au point de subir une contrainte excessive.

d) Conclusion quant à la responsabilité

[139] La conseillère de la SRC prétend que je dois tenir compte de l'avantage supplémentaire minime que retirerait M. Vlug si toutes les émissions prévues à la grille-horaire du réseau de langue anglaise de la SRC et de Newsworld étaient sous-titrées, compte tenu des heures auxquelles il regarde habituellement la télévision. Cela, selon elle, doit être pris en compte par rapport au désavantage que subirait la SRC - en particulier la perte d'un grand nombre d'emplois - qui en résulterait inévitablement. Bien que le désavantage que subirait la SRC soit certainement un aspect dont je dois tenir compte de façon très attentive, comme je l'ai déjà signalé, je n'accepte pas que les conséquences du sous-titrage complet pour la SRC seraient aussi graves que ce que l'on a laissé entendre.

[140] Je devrais également faire remarquer que la référence à l'avantage supplémentaire minime que retirerait M. Vlug, à mon avis, banalise la nature essentielle de la plainte de M. Vlug. Tout d'abord, je n'accepte pas que l'avantage supplémentaire qu'en retirerait M. Vlug soit limité. L'incapacité d'avoir accès aux nouvelles de dernière heure présentées tard - ou aux alertes météorologiques - peut difficilement être caractérisée de peu d'importance. Même l'accès aux annonces publicitaires télévisuelles ne peut pas, à mon avis, être caractérisé de banal : que nous aimions cela ou non, la publicité occupe une place importante dans le tissu de la culture populaire. En outre, il ne faut pas confondre un argument relatif à la banalité éventuelle du service avec l'importance du droit en jeu, dans le présent cas, le droit de M. Vlug à ne pas faire l'objet d'une discrimination fondée sur une déficience (45).

[141] Il ne fait aucun doute que la SRC est une organisation qui subit une tension importante en raison des récentes réductions budgétaires. Il se peut fort bien qui suite à ces pressions, la SRC n'ait pas accordé toute son attention à la question de l'accès pour les personnes sourdes et malentendantes. Elle peut ne pas avoir ressenti le besoin de le faire étant donné qu'au cours des dernières années, la SRC a atteint les objectifs que lui avait fixés le CRTC. Cependant, après avoir tenu compte de toutes les preuves présentées par la SRC dans la présente affaire, j'avais la nette impression que, bien que des améliorations importantes au niveau du sous-titrage aient été mises en oeuvre au cours des récentes années, si la Société faisait preuve d'un peu de bonne volonté et d'imagination, on pourrait réaliser des progrès considérables relativement au sous-titrage par rapport à ce qui s'est produit jusqu'à maintenant.

[142] Pour tous ces motifs, il est fait droit à la plainte de M. Vlug.

V. RÉPARATION

[143] Ayant déterminé une responsabilité de la part de la SRC, il reste à déterminer la réparation appropriée, le cas échéant, pour M. Vlug. Pour déterminer cette réparation, la compétence du Tribunal est régie par l'article 53 de l'ancienne Loi comme de la nouvelle.

A. Sous-titrage

[144] Le réseau de langue anglaise de la SRC et Newsworld doivent sous-titrer la totalité de leur programmation télévisuelle, y compris les émissions de télévision, les annonces publicitaires, les promos et les nouvelles de dernière heure imprévues, dès l'entrée en ondes et jusqu'à la fin des émissions. Conformément aux dispositions de l'alinéa 53(2) b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ceci doit se faire dès que les circonstances le permettent.

[145] En rendant cette ordonnance, je suis confiante, d'après les preuves qui m'ont été présentées, qu'il y a un processus à suivre avant que le sous-titrage en temps réel puisse être mis en oeuvre pour The National. Cette question est prise en compte par l'exigence que le sous-titrage complet, qui devrait inclure le sous-titrage des nouvelles de dernière heure diffusées à l'émission The National, soit mis en oeuvre dès que les circonstances le permettent.

[146] Je suis également au courant des préoccupations soulevées en ce qui concerne les problèmes techniques et les erreurs humaines qui surviennent de temps à autre. Je constate que les preuves démontrent que ces erreurs surviennent aussi en ce qui concerne les portions audio et vidéo des émissions de télévision. Comme dans toute entreprise humaine, il y aura inévitablement des accrocs dans la prestation du sous-titrage. Comme c'est le cas pour les transmissions audio et vidéo, ces accrocs devraient être les exceptions. La règle devrait être le sous-titrage complet.

B. Consultation de la communauté des personnes sourdes et malentendantes

[147] Nous avons entendu des témoignages relativement aux diverses façons de sous-titrer différents types d'émissions, et des différences d'opinion qui peuvent exister au sein de la communauté des personnes sourdes et malentendantes quant à la façon dont certains types d'émissions devraient être sous-titrés. Dans le but de veiller à ce que le sous-titrage soit fait de la façon la plus bénéfique pour la communauté des personnes sourdes et malentendantes, j'inviterais fortement la SRC à consulter les représentants et représentantes de la communauté des personnes sourdes et malentendantes de façon continue relativement à la prestation des services de sous-titrage.

C. Perte de salaires

[148] M. Vlug a demandé qu'on lui accorde la somme de 2 000 $, ce qui représente l'argent qu'il a perdu pour devoir assister à l'audience relative à la présente affaire. Nous savons que M. Vlug pratique le droit à temps partiel. Bien qu'il puisse être raisonnable de supposer qu'il retire un certain revenu de cette pratique, le Tribunal n'a aucune preuve quant au niveau de revenu de M. Vlug pour supporter sa demande. En l'absence d'une telle preuve, je ne rends pas d'ordonnance à cet égard.

D. Préjudice moral

[149] Tel qu'il a été indiqué plus tôt, les parties s'entendent à dire que que dans la mesure où la plainte de M. Vlug fait référence à des incidents survenus avant le 30 juin 1998, la plainte est régie par l'ancienne Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans la mesure où la plainte porte sur des incidents survenus après le 30 juin 1998, les parties s'accordent pour reconnaître que les amendements au projet de loi S-5, Loi canadienne sur les droits de la personne, régissent. En vertu de l'ancienne Loi, les montants adjugés pour préjudice moral étaient limités à un maximum de 5 000 $. La nouvelle Loi permet d'adjuger des montants pouvant aller jusqu'à 20 000 $ pour préjudice moral. Il est évident d'après le témoignage de M. Vlug que les agissements de la SRC l'ont profondément affecté. M. Vlug a bien décrit le sentiment d'exclusion et de marginalisation qu'il a ressenti suite à son incapacité d'avoir pleinement accès à la programmation de la SRC. Compte tenu de toutes les circonstances, j'ordonne à la SRC de payer à M. Vlug la somme de 10 000 $ relativement à ses demandes à cet égard.

E. Paiement pour acte délibéré ou inconsidéré

[150] Ayant conclu que la SRC a agi de bonne foi dans son approche du sous-titrage, et qu'elle a atteint les objectifs en matière de sous-titrage que le CRTC avait établis, je ne suis pas disposée à adjuger un montant à ce chapitre.

F. Intérêt

[151] Un intérêt doit être versé à l'égard des montants adjugés suite à la présente décision, conformément à la règle 9 (12) des Règles provisoires de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne. L'intérêt doit être versé à compter de la date de la présente décision jusqu'à la date à laquelle le paiement est effectué à M. Vlug.

VI. ORDONNANCE

[152] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal déclare que la SRC a contrevenu aux droits de M. Vlug en vertu de la Loi canadienne des droits de la personne, et ordonne ce qui suit :

  1. Que le réseau de langue anglaise de la SRC et Newsworld sous-titrent la totalité de leur programmation télévisuelle, y compris les émissions de télévision, les annonces publicitaires, les promos et les nouvelles de dernière heure imprévues, depuis l'entrée en ondes jusqu'à la fin des émissions. Cela doit se faire dès que les circonstances le permettent.
  2. Que la SRC paie à M. Vlug la somme de 10 000 $
  3. Qu'un intérêt doit être versé à l'égard des montants adjugés suite à la présente décision, conformément à la règle 9(12) des Règles provisoires de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne. L'intérêt doit être versé à compter de la date de la présente décision jusqu'à la date à laquelle le paiement est effectué à M. Vlug.

«Originale signée par»


Anne L. Mactavish

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO. DU DOSSIER DU TRIBUNAL: T557/1500

INTITULÉ DE LA CAUSE: Henry Vlug v. Canadian Broadcasting Corporation

LIEU DE L'AUDIENCE: Ottawa (Ontario)

Les 21 au 24 août, les 18 au 20 et le 21 septembre 2000

DÉCISION DU TRIBUNAL RENDUE LE: 15 novembre 2000

COMPARUTIONS:

Henry Vlug En son propre nom

René Duval et Philippe Dufresne Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Joy Noonan et Gary Bennett Pour la Société Radio-Canada (réseau de langue anglaise et NewsWorld)

1. 1 M. Vlug se décrit lui-même comme Sourd, ayant perdu l'ouïe pendant son enfance; selon M. Vlug, les personnes qui ont perdu l'ouïe à un moment autre qu'à la naissance sont sourdes. Les personnes qui ont perdu une partie de leur ouïe sont correctement décrites comme étant malentendantes. Collectivement, on peut faire référence à toutes ces personnes comme étant les personnes sourdes et malentendantes. Cette terminologie servira tout au long de la présente décision.

2. 2 Le sous-titrage à la télévision peut être ouvert c'est-à-dire accessible à toutes les personnes qui regardent la télévision ou codé - accessible seulement aux personnes dont les téléviseurs sont munis de décodeurs. La programmation peut également être rendue accessible grâce à l'utilisation d'interprètes gestuels, une méthode favorisée par CPAC, la chaîne d'affaires publiques par câble. Les diverses méthodes qui permettent de donner accès aux personnes sourdes et malentendantes seront traitées de façon beaucoup plus détaillée plus loin dans la présente décision. Pour faciliter la référence, on utilisera le mot sous-titrage pour représenter collectivement les diverses méthodes permettant de rendre la programmation télévisuelle accessible aux personnes sourdes et malentendantes.

3. 3 M. Vlug n'a pas mentionné cet incident pendant son témoignage officiel, la séquence ayant été diffusée après son témoignage. Cependant, je suis prête à tenir compte de cet exemple supplémentaire d'une émission de la SRC qui n'était pas entièrement accessible à M. Vlug. Le Tribunal n'est pas tenu par les règles rigoureuses de la preuve. Bien que la SRC n'ait pas eu l'occasion de contre-interroger M. Vlug pour ce qui est de cette émission précise, l'incident a fait l'objet d'un examen complet dans les témoignages, et M. McArthur a admis que la séquence sur les Jeux olympiques n'était pas sous-titrée. En conséquence, il ne semble pas qu'il y ait un préjudice fait à la SRC suite à la façon dont la question a été soulevée.

4. 4 L.C., 1991, ch. 11.

5. 5 Décision du CRTC 1987-140

6. 6 Une année de radiodiffusion va du 1er septembre au 31 août.

7. 7 Selon M. Ketchum, une attente du CRTC est une expression de la volonté du Conseil. Elle indique clairement au titulaire de la licence ce que le CRTC veut que ce dernier fasse, et fait savoir au titulaire de la licence qu'il devra rendre compte de sa performance à ce chapitre lors des prochaines audiences pour l'obtention de sa licence. Une attente n'est pas une ordonnance du CRTC, et ne peut pas être mise en application à l'aide de moyens juridiques. Le CRTC peut aussi imposer des conditions à des titulaires de licence. Selon M. Ketchum, une condition est un outil de poids : le fait de ne pas se conformer à une condition de délivrance d'une licence peut entraîner la perte d'une licence dans le cas des radiodiffuseurs privés, ou la présentation d'un rapport du CRTC au cabinet des ministres dans le cas de la SRC. Le CRTC peut également imposer une exigence au titulaire d'une licence. M. Ketchum décrit une exigence comme étant quelque part entre une attente et une condition. Une exigence est une ordonnance formelle du CRTC, et peut être transformée en une ordonnance de la Cour fédérale et être appliquée à ce titre.

8. 8 Décision du CRTC 1994-437

9. 9 Décision du CRTC 89-104

10. 10 Décision du CRTC 95-514

11. 11 Un examen de la Loi sur la radiodiffusion permet de constater que le CRTC est tenu de réglementer le système de radiodiffusion canadien conformément à la politique prescrite en matière de radiodiffusion. La politique énonce environ 20 éléments dont il faut tenir compte et qu'il faut soupeser, l'accès par les personnes ayant une déficience n'étant que l'un d'entre eux.

12. 12 Décision du CRTC 1987-140, p. 7

13. 13 Alinéa 3(1) l) de la Loi sur la radiodiffusion

14. 14 Paragraphe 3 (1) m) de la Loi sur la radiodiffusion

15. 15 Sous-alinéa 3(1) m) (vi) de la Loi sur la radiodiffusion

16. 16 Décision du CRTC 95-514, à la p. 7

17. 17 La meilleure approximation du moment de Mme Strang était que l'ajout fait le 2 octobre des émissions destinées aux enfants d'âge préscolaire aux émissions qui sont déjà sous-titrées de façon régulière coûterait au réseau entre 300 000 et 500 000 $ annuellement.

18. 18 Ces données font référence uniquement au sous-titrage des émissions de télévision, et n'incluent pas le coût de sous-titrage des messages publicitaires, des promos ou des nouvelles de dernière heure qui ne sont pas prévues.

19. 19 Transcription, p. 630

20. 20 Le témoignage de M. Harris à cet égard doit être mis en contraste avec celui de Mme Strang qui a dit dans son témoignage que l'affectation budgétaire pour le sous-titrage au réseau de langue anglaise est demeuré constante depuis plusieurs années.

21. 21 Transcription, p. 906

22. 22 Selon les renseignements en matière d'établissement des prix fournis au Tribunal, le sous-titrage de 520 heures d'émissions, à l'aide de la méthode en temps réel, à un taux de 145 $ de l'heure, représenterait 75 400 $ annuellement pour le réseau.

23. 23 Transcription, p. 845

24. 24 M. McArthur a dit dans son témoignage que Newsworld a une journée de radiodiffusion de 24 heures

25. 25 Voir Loi modifiant la loi sur la preuve au Canada et le Code criminel relativement aux personnes atteintent de déficiences et la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui concerne les personnes atteintent de déficience et d'autres questions et modifiant d'autres lois en conséquence, S.C. 1998, ch. 9

26. 26 [1989] 1 R.C.S. 143, à la p. 169, citation autorisée dans Eldridge et al. c. British Columbia (Attorney General) et al., (1997) 218 N.R. 161 à la p. 217

27. 27 Alinéa 15 g) de la Loi non amendée

28. 28 [1999] 3 R.C.S. 3

29. 29 [1999] 3 R.C.S. 868

30. 30 Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson Sears Limited, [1985], 2 R.C.S. 536 à 558

31. 31 [2000] O.J. 2689, par. 77-81

32. 32 Voir, par exemple, O=Malley, supra, note 17, Ontario (Commission des droits de la personne) c. Borough of Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202, Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), [1990] 2 R.C.S. 489.

33. 33 À cet égard, la décision dans l'affaire Meiorin adopte la décision dans Central Okanagan School District c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 984.

34. 34 Grismer, supra., au par. 32

35. 35 Grismer, supra., au par. 42

36. 36 Grismer, supra., au par. 41

37. 37 Grismer, supra., aux par. 41 et 42

38. 38 Grismer, supra., au par. 41

39. 39 Meiorin, supra., au par. 63. Voir aussi Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525 à la p. 546

40. 40 Tarnopolsky et Pentney, Discrimination and the Law, Carswell, à la p. 7A-70

41. 41 Meiorin, au par. 59

42. 42 Transcription, p. 533. Mme Strang a expliqué qu'elle n'a pas essayé de calculer ces coûts, parce que les coûts varieraient, et qu'elle avait déjà de la difficulté à payer pour ce qui était déjà sous-titré.

43. 43 Cette estimation de coût était incluse dans le rapport d'enquête de la Commission du 28 mai 1999.

44. 44 Mme Strang a dit qu'elle a essayé de sensibiliser ses collègues de travail à la question du sous-titrage et d'inclure ce dernier dans les discussions sur l'achat ou la production des émissions. Cependant, cela ne démontre pas que la SRC donne en réalité la préférence à l'achat d'émissions sous-titrées par rapport aux émissions non sous-titrées.

45. 45 Smith c. 599449 Ontario (1991), 15 C.H.R.R. D/324 à la p. D/327

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.