Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

MELISSA KHALIFA

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

PÉTROLE ET GAZ DES INDIENS DU CANADA

l'intimée

DÉCISION

2010 TCDP 21
2010/08/24

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios Hadjis

I. Quels sont les faits allégués par Mme Khalifa dans sa plainte?

II. Quel est l'état du droit concernant la plainte pour discrimination que Mme Khalifa a déposée relativement à son renvoi?

A. Mme Khalifa a-t-elle établi une preuve prima facie de discrimination montrant qu'en la congédiant le 2 août 2005, PGIC a commis un acte discriminatoire visé par l'article 7 de la LCDP?

B. PGIC a-t-elle fourni une explication raisonnable pour justifier son comportement par ailleurs discriminatoire?

(i) Quelles étaient les lacunes alléguées de Mme Khalifa en termes d'assiduité et de ponctualité?

(ii) Quels ont été les indicateurs du rendement en déclin de Mme Khalifa?

(iii) Comment Mme Khalifa a-t-elle développé une relation tendue avec Mme Murphy et comment lui a-t-elle manqué de respect?

(iv) Quelle est l'explication donnée par PGIC relativement à la résiliation du contrat de travail de Mme Khalifa?

(v) M. Currie et Mme Murphy ont-ils abordé avec Mme Khalifa le sujet de sa situation de famille et cela a-t-il été un élément ayant motivé leur conduite ainsi que les décisions qu'ils ont prises à son égard?

(vi) L'explication de PGIC est-elle raisonnable ou s'agit-il d'un prétexte pour se livrer à des actes discriminatoires?

III. Quel est l'état du droit concernant la plainte de Mme Khalifa pour harcèlement?

A. Mme Khalifa a-t-elle rempli toutes les conditions nécessaires pour fonder sa plainte de harcèlement?

[1] Melissa Khalifa prétend que du fait de sa situation de famille de mère célibataire de quatre enfants, Pétrole et gaz des Indiens du Canada (PGIC) a fait preuve de discrimination à son endroit dans le cadre de son emploi, ce qui a conduit à son renvoi. Elle affirme également avoir été victime de harcèlement dans le cadre de son emploi pour le même motif de discrimination.

[2] Dans la présente décision, j'ai d'abord exposé les faits tels que Mme Khalifa les a relatés, ce qui m'a amené à conclure qu'elle avait établi une preuve prima facie de discrimination prouvant que son congédiement était discriminatoire en application de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). J'ai ensuite examiné les explications de PGIC, que j'estime être raisonnables et non fondées sur des prétextes. Pour finir, j'ai examiné la plainte pour harcèlement que Mme Khalifa a présentée en application de l'article 14 de la LCDP et j'ai conclu que les évènements auxquels elle a fait référence ne constituaient pas du harcèlement au sens de la LCDP.

I. Quels sont les faits allégués par Mme Khalifa dans sa plainte?

[3] PGIC est chargée de la gestion et de l'administration des ressources pétrolières et gazières sur les terres des réserves des Premières nations. Il s'agit d'un organisme spécial relevant du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Entre le 25 octobre 2002 et le 2 août 2005, Mme Khalifa a rempli diverses fonctions dans les bureaux de PGIC situés au sud de Calgary. Toutefois, tout au long de cette période, elle n'a jamais été à proprement parler employée par PGIC, mais plutôt par l'agence de placement Spirit Staffing and Consulting Inc. (Spirit).

[4] Lors de l'audience, PGIC a informé le Tribunal qu'elle n'alléguerait pas que les conditions d'emploi de Mme Khalifa privaient le Tribunal de sa compétence à l'égard de la plainte. J'en conclus que PGIC accepte par conséquent que sa relation avec Mme Khalifa soit qualifiée de relation d' emploi au sens des articles 7 et 14 de la LCDP.

[5] Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a attribué une offre à commandes à Spirit afin que celle-ci fournisse au gouvernement du Canada des travailleurs temporaires. Ainsi, des organismes gouvernementaux, tels que PGIC, avaient le pouvoir de [TRADUCTION] passer commande de travailleurs temporaires auprès de Spirit en fonction de leurs besoins ponctuels.

[6] Mme Khalifa a d'abord été envoyée à PGIC afin d'y remplir les fonctions de réceptionniste au sein de la division des services professionnels et des services aux entreprises. PGIC a renouvelé le premier contrat de Mme Khalifa, lui demandant finalement de remplacer l'agent administratif de la division de la production, qui avait été muté ailleurs. La division de la production était dirigée par le directeur général de la production, Bill Currie.

[7] En 2004, M. Currie a été nommé président-directeur général (PDG) par intérim de PGIC, poste relevant de la haute direction de l'organisme. Le poste d'agent administratif du PDG était déjà pourvu. Aux dires de Mme Khalifa, le 12 octobre 2004, M. Currie l'a néanmoins [TRADUCTION] emmenée avec lui à la haute direction, pour qu'elle y travaille sous la supervision d'un autre directeur. Elle a été chargée de tâches relatives aux communications, de la production de rapports annuels ainsi que de toute autre tâche que M. Currie aurait pu lui demander d'accomplir.

[8] Au début de l'année 2005, M. Currie a repris son poste de directeur général de la production. En février 2005, il a passé en entrevue et engagé, à titre d'employée à temps plein de PGIC, sa nouvelle assistante administrative, Laurie Murphy. Mme Khalifa a déclaré que bien que M. Currie ait alors eu une assistante administrative à temps plein à la division de la production, il avait tout de même fait en sorte que Mme Khalifa revienne également travailler pour lui dans cette même division, à partir du 1er avril 2005. Le contrat devait prendre fin le 19 août 2005. Selon les termes dudit contrat, Mme Murphy était la superviseure désignée de Mme Khalifa.

[9] Mme Khalifa affirme avoir, à l'époque, remis en question le fait que ses services soient encore requis dans la division, compte tenu des fonctions que Mme Murphy remplissait déjà, mais M. Currie a conseillé à Mme Khalifa de continuer à travailler selon les termes du nouveau contrat, sans rien changer. Elle a suivi ses conseils et a été agréablement surprise de se voir attribuer des projets qui lui plaisaient. En outre, en plus des fonctions qu'elle devait accomplir pour le compte de la division de la production, Mme Khalifa effectuait aussi des heures supplémentaires pour le compte des divisions de la haute direction et des terres; il s'agissait de tâches qui lui plaisaient beaucoup également.

[10] Par opposition, Mme Khalifa affirme avoir observé, autour de la fin avril 2005, que Mme Murphy n'était pas satisfaite de son poste et des tâches administratives plutôt banales qu'on lui demandait d'accomplir, comme l'organisation des déplacements de M. Currie. Selon Mme Khalifa, Mme Murphy était jalouse des tâches attribuées à Mme Khalifa, et elle a exprimé son mécontentement en formulant des commentaires discriminatoires à l'endroit de cette dernière, relativement à sa situation de famille. Mme Khalifa était une mère célibataire de quatre enfants, dont trois étaient encore mineurs à l'époque. Elle devait parfois s'absenter du bureau pour des raisons liées à leur éducation ou à leur santé. De plus, un de ses enfants souffrait de troubles d'apprentissage, ce qui exigeait parfois de Mme Khalifa qu'elle l'accompagne à des rendez-vous avec divers spécialistes.

[11] Un jour de la fin avril 2005, Mme Khalifa a dû s'absenter de son travail pour régler un problème d'ordre scolaire concernant un de ses enfants. Elle a affirmé que quand elle avait par la suite informé Mme Murphy (qui occupait le cubicule voisin du sien) de ce qui s'était passé, Mme Murphy avait réagi en lui disant qu'en tant que mère célibataire, elle devrait envisager de chercher un emploi ailleurs, dans un endroit [TRADUCTION] qui conviendrait mieux à une mère célibataire.

[12] Mme Khalifa affirme avoir été tellement [TRADUCTION] outrée par ce commentaire qu'elle s'est immédiatement levée pour se rendre dans le bureau de Darryl Jaques, qui occupait le poste d'ingénieur principal à PGIC. Le bureau de M. Jaques se trouvait de l'autre côté du couloir. Mme Khalifa a fermé la porte et lui a dit : [TRADUCTION] Savez-vous ce que Laurie Murphy vient de me dire?, avant de lui répéter le commentaire de Mme Murphy. Mme Khalifa a déclaré que M. Jaques lui avait suggéré de faire part de la situation directement à M. Currie.

[13] Mme Khalifa a appelé M. Jaques à témoigner lors de l'audition de sa plainte. Celui-ci se rappelait avoir entendu Mme Khalifa se plaindre des [TRADUCTION] moments difficiles qu'elle vivait sous la supervision de Mme Murphy, mais il ne se rappelait pas qu'elle lui ait jamais dit que Mme Murphy avait formulé des remarques au sujet de son statut de mère monoparentale.

[14] Mme Khalifa a affirmé qu'un jour ou deux après ces évènements, elle avait répété à M. Currie la remarque de Mme Murphy et qu'elle avait été [TRADUCTION] sidérée par la réponse qu'il lui avait faite. Elle a prétendu que M. Currie avait laissé entendre qu'il se pouvait que Mme Murphy ait les intérêts de Mme Khalifa à cur et que le fait de [TRADUCTION] chercher du travail ailleurs puisse être une bonne option compte tenu de sa [TRADUCTION] situation familiale. Mme Khalifa n'a pas non plus été contente d'entendre M. Currie lui demander ensuite quels étaient les arrangements qu'elle avait pris concernant la garde de ses enfants pendant l'été à venir. Mme Khalifa lui a expliqué qu'elle ferait appel à temps plein aux services de garderie auxquels elle avait déjà recours après l'école. Elle a affirmé avoir été mécontente du fait que M. Currie n'ait pas examiné les remarques formulées par Mme Murphy de manière satisfaisante lors de cette rencontre.

[15] Mme Khalifa a prétendu qu'après avoir eu cette discussion avec M. Currie, elle avait commencé à se faire une idée de ce qu'il pensait de sa situation de famille. Elle en a été surprise étant donné qu'avant que Mme Murphy formule son commentaire, elle n'avait jamais entendu personne exprimer d'inquiétudes au sujet du fait qu'elle était une mère célibataire.

[16] Dans les mois qui ont suivi cet incident, Mme Khalifa a remarqué qu'à chaque fois qu'elle évoquait une activité concernant ses enfants, Mme Murphy soupirait bruyamment ou levait les yeux au ciel. En juin 2005, après avoir entendu Mme Murphy soupirer de nouveau en pareille occasion, Mme Khalifa lui a demandé des explications. Mme Khalifa a fait remarquer à Mme Murphy qu'elle avait elle aussi un enfant et elle lui a demandé pourquoi sa situation devrait être perçue différemment de la sienne. Mme Murphy lui aurait répondu que dans son cas, il était acceptable qu'elle travaille parce qu'elle bénéficiait du soutien de son mari, ce qui n'était pas le cas de Mme Khalifa.

[17] Mme Khalifa a déclaré qu'une autre fois, M. Currie l'avait invitée dans son bureau, mais le témoignage relatif à cette rencontre n'était pas très clair. Elle a semblé dire que M. Currie lui avait alors posé des questions d'ordre personnel, y compris au sujet de l'endroit où elle habitait, et qu'il lui aurait dit qu'il savait à quel point il était difficile d'être une mère célibataire.

[18] À la suite de cette conversation, Mme Khalifa a apparemment rencontré Susan McCurdie, qui était la conseillère en ressources humaines de PGIC. Lorsqu'elle a témoigné, Mme Khalifa ne se rappelait pas toujours avec précision de l'enchaînement des évènements, de sorte qu'il se peut que cette rencontre ait eu lieu avant la conversation qu'elle avait eue avec M. Currie, conversation dont il est question ci dessus. Mme McCurdie était notamment chargée de toutes les questions de droit de la personne et de harcèlement soulevées à PGIC. Mme Khalifa lui a rapporté les questions et commentaires formulés par M. Currie et Mme Murphy, et a demandé à présenter une plainte pour harcèlement. Mme McCurdie lui a dit qu'elle ne pourrait pas accepter de plainte de sa part parce qu'elle n'était pas une employée de PGIC, mais un membre du personnel temporaire employé par Spirit. Mme McCurdie a néanmoins écouté le récit de Mme Khalifa. D'après Mme Khalifa, Mme McCurdie lui aurait répondu que M. Currie, en sa qualité de directeur, aurait dû savoir qu'il ne fallait surtout pas laisser passer le genre de commentaires formulés par Mme Murphy et qu'il n'aurait pas dû poser à Mme Khalifa le genre de questions personnelles qu'il lui a posées.

[19] Mme McCurdie a ajouté que si M. Currie devait lui poser le même genre de questions de nouveau, Mme Khalifa devrait lui répondre qu'elle ne se sentait pas à l'aise et qu'il ne devrait pas poser de telles questions. Sur les conseils de Mme McCurdie, Mme Khalifa a aussi parlé à Bryan Potter, qui était directeur des contrats et de l'administration à PGIC, et qui était par conséquent chargé des contrats d'embauche des membres du personnel temporaire comme Mme Khalifa. M. Potter a confirmé que Mme McCurdie n'était pas autorisée à recevoir une plainte pour harcèlement de la part de Mme Khalifa. Il a toutefois suggéré à Mme Khalifa que considérant ses difficultés avec sa superviseure, elle pourrait envisager de chercher du travail ailleurs à PGIC.

[20] Mme Khalifa a déclaré que l'attitude de Mme Murphy envers sa situation de famille était devenue tellement perturbante que le 22 juillet 2005, elle était allée voir M. Currie en larmes et lui avait dit qu'elle ne pourrait pas supporter la situation plus longtemps et qu'elle voulait s'en aller. Les [TRADUCTION] insinuations, commentaires et questions au sujet de ses enfants lui pesaient. Elle avait effectivement commencé à douter du fait qu'elle pouvait concilier un travail avec sa situation de mère célibataire. Il devenait évident à ses yeux qu'elle ne pouvait s'acquitter correctement de ses tâches en raison de ses obligations familiales et elle se sentait mal à l'aise. Toutefois, elle a affirmé que Mme Murphy, avec sa propension à [TRADUCTION] tout exagérer en ce qui concernait son incapacité à s'acquitter de ses fonctions, était la source de ses problèmes. Au cours de cette rencontre, M. Currie l'a priée de se montrer patiente. Il devait partir en vacances le jour suivant, mais il l'a assurée qu'il s'occuperait d'elle à son retour.

[21] Le 2 août 2005, soit le jour où M. Currie est rentré de vacances, celui ci a prié Mme Khalifa de le rejoindre dans son bureau pour une rencontre. La conversation a été de courte durée. D'après Mme Khalifa, M. Currie lui a dit que sa situation de mère célibataire [TRADUCTION] interférait trop avec son travail et que son contrat prendrait par conséquent fin le jour même, soit 17 jours avant la fin prévue dudit contrat (le 19 août 2005). Elle a affirmé que M. Currie lui avait alors demandé de [TRADUCTION] rassembler ses affaires et de s'en aller. Elle a affirmé être ensuite retournée dans son cubicule en état de choc. Tandis qu'elle commençait à rassembler certaines de ses affaires, elle a remarqué que M. Currie faisait les cent pas devant son cubicule, en jetant des coups d'il à l'intérieur. Il lui a semblé difficile de rester plus longtemps; elle a donc quitté les locaux de PGIC en n'emportant que quelques-unes de ses affaires. Elle avait prévu de retourner chercher le reste de ses possessions, mais elle n'a pas pu s'y résoudre; elle a donc envoyé sa fille à sa place.

[22] Mme Khalifa a déclaré que son rendement à PGIC avait toujours été satisfaisant ou plus que satisfaisant. À l'audience, M. Jaques a témoigné qu'à sa connaissance, le travail de Mme Khalifa n'avait jamais posé problème, ajoutant qu'il l'avait toujours trouvée [TRADUCTION] serviable. M. Jaques a déjà occupé le poste de directeur général par intérim de la division de la production, mais il ne se rappelait pas vraiment avoir supervisé Mme Khalifa.

[23] M. Potter, pour sa part, a déclaré que Mme Khalifa avait travaillé au sein de sa division au début, quand elle venait d'arriver à PGIC, en tant que réceptionniste. Selon lui, elle a fourni un excellent service du temps où elle occupait ce poste. Mme McCurdie a été la superviseure de Mme Khalifa pendant environ huit semaines, du temps où Mme Khalifa était employée à la réception. Mme McCurdie a déclaré que le travail de Mme Khalifa n'avait jamais posé problème, qu'il s'agisse de qualité du service, de ponctualité ou d'assiduité.

[24] Alexandra Steinke est agente des communications à PGIC et elle a travaillé au sein de la division de la haute direction en même temps que Mme Khalifa. Mme Steinke a déclaré que Mme Khalifa avait été capable d'effectuer toutes les tâches qui lui avaient été confiées et qu'elle avait fait du [TRADUCTION] vraiment bon travail. Mme Steinke n'a eu aucun problème concernant l'assiduité de Mme Khalifa et elle croyait savoir que M. Currie [TRADUCTION] avait une très haute opinion de Mme Khalifa.

[25] La propriétaire de Spirit, Janice Larocque, a également témoigné que PGIC ne s'était jamais plainte à elle de la qualité du travail de Mme Khalifa ou de son assiduité. Elle a souligné que selon les termes de l'offre à commandes conclue par le gouvernement du Canada avec Spirit, le personnel temporaire ne pouvait pas être engagé pour une période de plus de six mois. Mme Khalifa a travaillé pour PGIC de manière continue pendant une période de presque trois ans, sur différents contrats, ce qui constitue la plus longue période pendant laquelle un employé de Spirit a jamais travaillé chez un même employeur. Mme Laroque a par conséquent présumé que Mme Khalifa avait dû faire du bon travail. Depuis juin 2007, Mme Khalifa travaille dans les bureaux de Spirit et occupe les postes de réceptionniste et de recruteure. Mme Laroque a affirmé que Mme Khalifa était une des employées les plus dévouées que la société avait jamais eues, qu'elle effectuait souvent des heures supplémentaires et travaillait pendant son heure de repas. Il y avait jamais eu de problème relativement à son assiduité ou à sa ponctualité.

[26] Mme Khalifa prétend qu'au cours de la dernière période qu'elle a passée chez PGIC, avant qu'on ne mette un terme à son contrat, les services qu'elle offrait allaient bien au-delà des attentes de ses employeurs. Elle a produit en preuve les feuilles de présence qu'elle remplissait pour Spirit, sur lesquelles figuraient les heures de travail effectuées. Spirit la rémunérait pour les services rendus en fonction de ces feuilles de présence. Ces feuilles montraient qu'au cours de 13 semaines sur les 18 semaines pendant lesquelles Mme Khalifa avait travaillé pour la division de la production en 2005, elle avait également rempli des feuilles de présence relatives à des heures supplémentaires effectuées pour le compte des divisions des terres, de la haute direction et des communications, soit entre 16 et 30 heures pour la plupart des semaines. Elle a effectué ces heures supplémentaires en plus de ses heures de travail normales pendant la semaine.

[27] Mme Khalifa a déclaré s'être raisonnablement attendue à continuer de travailler pour PGIC après l'expiration du contrat allant d'avril à août 2005, étant donné que plusieurs employés de la section de la comptabilité et de la division des services professionnels (dont Mme Khalifa avait oublié les noms) lui avaient dit qu'un budget était prévu pour payer ses services pour le reste de l'exercice, même si les contrats devraient quand même être renouvelés toutes les 20 semaines.

[28] Mme Khalifa soutient par conséquent qu'étant donné ses états de service plus que satisfaisants, la seule explication plausible qu'elle donnait à la rupture prématurée de son contrat devait être liée à l'attitude de M. Currie et de Mme Murphy envers sa situation de famille de mère célibataire d'enfants mineurs. Elle a prétendu également que la conduite de ces derniers constituait du harcèlement au sens de l'article 14 de la LCDP. J'examinerai chacune de ces deux allégations d'acte discriminatoire séparément.

II. Quel est l'état du droit concernant la plainte pour discrimination que Mme Khalifa a déposée relativement à son renvoi?

[29] Aux termes de la LCDP, il est discriminatoire de refuser de continuer d'employer une personne du fait de sa situation de famille (article 3 et alinéa 7a)).

[30] Un plaignant doit d'abord établir une preuve prima facie de discrimination (

  • Commission
  • ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd.,1985 CanLII 18 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 (O'Malley)). En l'espèce, une preuve prima facie doit appuyer les allégations qui ont été formulées et, si on ajoute foi à ces allégations, la preuve doit être complète et suffisante pour justifier qu'un jugement soit rendu en faveur du plaignant en l'absence de réponse de l'intimé. Une fois la preuve prima facie établie, il appartient alors à l'intimé de réfuter les allégations ou de fournir des explications raisonnables.
  • [31] Pour que la plainte soit fondée, il n'est pas nécessaire que les considérations discriminatoires soient le seul motif des actes reprochés. Il suffit que la discrimination soit un des facteurs ayant influencé la décision de l'employeur (Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1991), 14 C.H.R.R. D/12, au paragraphe 7 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Uzoaba, 1995 CanLII 3589 (C.F.), [1995] 2 C.F. 569 (1re inst.)).

    [32] Dans la décision Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, (1988) 9 C.H.R.R. D/5029, au paragraphe 38481 (TCDP), le Tribunal a déclaré que rares étaient les cas de discrimination pratiqués ouvertement. Tout tribunal devrait donc tenir compte de l'ensemble des circonstances en vue d'établir s'il se dégage de subtiles odeurs de discrimination.

    A. Mme Khalifa a-t-elle établi une preuve prima facie de discrimination montrant qu'en la congédiant le 2 août 2005, PGIC a commis un acte discriminatoire visé par l'article 7 de la LCDP?

    [33] Je suis convaincu que Mme Khalifa a établi une preuve prima facie de discrimination en ce qui concerne son congédiement. La preuve qu'elle a produite à l'appui de ses allégations, si on y ajoute foi, est complète et suffisante pour qu'un jugement soit rendu en sa faveur en l'absence de réponse de PGIC.

    [34] Mme Khalifa a été congédiée 17 jours avant la fin prévue de son contrat et elle a affirmé qu'étant donné ses états de service plus que satisfaisants depuis qu'elle avait commencé à travailler pour PGIC ainsi que les informations qui lui ont été données au sujet du fait qu'il y avait un budget suffisant pour payer son salaire jusqu'au 31 mars 2006, il était raisonnable de s'attendre à ce que PGIC retienne ses services de nouveau après l'expiration du contrat de travail qui la liait alors à PGIC.

    [35] En outre, Mme Khalifa a déclaré que M. Currie avait ouvertement déclaré, lors de leur dernière rencontre, que le motif de son congédiement était que ses responsabilités de mère célibataire avaient des répercussions sur son travail. Ces commentaires étaient du même ordre que ceux qu'il avait formulés lors de rencontres précédentes, au sujet de la garde des enfants de Mme Khalifa. Pour ces motifs, si on y ajoute foi, la preuve présentée par Mme Khalifa est bien une preuve prima facie de discrimination montrant que sa situation de famille a été un facteur dans la décision ayant conduit à mettre fin à son contrat prématurément.

    B. PGIC a-t-elle fourni une explication raisonnable pour justifier son comportement par ailleurs discriminatoire?

    [36] PGIC a affirmé que la situation de famille de Mme Khalifa n'avait jamais été un facteur dans son congédiement. PGIC a plutôt expliqué avoir mis fin au contrat de Mme Khalifa pour les raisons suivantes :

    1. son incapacité à satisfaire aux exigences de ponctualité et d'assiduité,
    2. son rendement en déclin,
    3. la relation tendue qui s'était créée entre elle et le personnel permanent de PGIC (soit sa superviseure, Mme Murphy) et le manque de respect que Mme Khalifa témoignait à cette dernière.

    [37] M. Currie a témoigné au sujet du contrat que Mme Khalifa avait obtenu auprès de la division de la production à compter du 1er avril 2005. Son contrat précédent devait se terminer le 31 mars 2005. Il n'avait pas l'intention de faire appel à des employés temporaires à la division de la production. Toutefois, il a déclaré qu'un certain nombre de personnes d'autres divisions pour lesquelles Mme Khalifa avait travaillé souhaitaient continuer d'avoir recours à ses services, mais qu'ils n'avaient pas le budget suffisant pour continuer de l'employer. Ces personnes avaient donc demandé à M. Currie d'engager Mme Khalifa par le truchement de la division de la production, qui disposait d'un budget plus important que les autres divisions, et de financer ses services au moyen de ce budget. M. Currie a déclaré que s'il n'avait pas alors consenti à ce que sa division donne les fonds nécessaires pour financer les services que Mme Khalifa allait rendre essentiellement à d'autres divisions, le contrat de cette dernière n'aurait pas été renouvelé et elle aurait cessé de travailler pour PGIC le 31 mars 2005.

    [38] Le nouveau contrat de Mme Khalifa a été rédigé et devait couvrir la période allant du 1er avril 2005 au 19 août 2005, soit un total de 20 semaines. Elle devait être payée à un taux horaire de 21,75 $, pour un total de 37,5 heures par semaine. M. Currie a affirmé s'être attendu à ce que Mme Khalifa soit en mesure d'effectuer le travail pour le compte de la division de la production et des autres divisions dans le [TRADUCTION] courant d'une journée de travail normale, en commençant à une [TRADUCTION] heure raisonnable, entre 8 h et 9 h. Il lui a fait part de ses attentes, sachant qu'il y aurait une certaine [TRADUCTION] souplesse en ce qui concernait les heures de début et de fin de la journée de travail.

    [39] Quand M. Currie a fait appel aux services de Mme Khalifa, il s'est inquiété de la capacité de sa division à surveiller les heures de travail de celle-ci. Considérant les nombreuses tâches qu'il devait accomplir dans le cadre de ses fonctions de directeur général, il était préoccupé par le fait qu'il ne serait pas en mesure de superviser adéquatement Mme Khalifa. Des membres du personnel qui avait déjà eu l'occasion de travailler avec Mme Khalifa par le passé avaient prévenu M. Currie qu'ils avaient eu de la difficulté à surveiller ses heures de travail et son rendement, ajoutant que son assiduité et ses habitudes de travail étaient [TRADUCTION] très fluctuantes. Il a affirmé qu'il s'agissait des [TRADUCTION] informations générales dont il disposait au sujet du rendement potentiel de Mme Khalifa.

    [40] M. Currie a reconnu que dans le passé, quand Mme Khalifa lui avait fourni des services sur une base temporaire, il avait trouvé son travail satisfaisant. Il a toutefois souligné que pendant la période où il avait exercé les fonctions de président-directeur général par intérim, il avait sous ses ordres une agente administrative à temps plein chargée de toutes les tâches administratives. Ainsi, ses interactions avec le personnel auxiliaire, y compris Mme Khalifa, avaient été réduites au minimum pendant la période qui a précédé le contrat de Mme Khalifa auprès de la division de la production, à compter d'avril 2005.

    [41] Étant donné que M. Currie était trop occupé, en sa qualité de directeur général de la production, pour surveiller le travail de Mme Khalifa lui-même et faire le compte de ses heures de travail, il en a chargé Mme Murphy. Il a rencontré cette dernière le 11 avril 2005 et lui a demandé de superviser les heures de travail de Mme Khalifa et de le tenir au courant du rendement de cette dernière par rapport aux tâches qui lui étaient confiées. Il a expliqué à Mme Murphy qu'il avait certaines préoccupations relativement à l'horaire de Mme Khalifa ainsi qu'à ses heures de travail. En vue de s'assurer que le travail serait effectué conformément aux termes du contrat, M. Currie a chargé Mme Murphy de contrôler les heures de Mme Khalifa pour s'assurer qu'elle faisait son travail et de lui présenter un rapport hebdomadaire au sujet du rendement de Mme Khalifa.

    (i) Quelles étaient les lacunes alléguées de Mme Khalifa en termes d'assiduité et de ponctualité?

    [42] Mme Murphy a déclaré avoir pris très tôt dans sa carrière l'habitude de toujours tenir un journal dans lequel elle consignait les tâches effectuées par le personnel placé sous ses ordres ainsi que les évènements liés au travail, et ce, de manière quotidienne. Mme Murphy a déposé en preuve des extraits de son journal rédigés pendant la période au cours de laquelle elle avait travaillé avec Mme Khalifa en 2005. À la suite de sa rencontre avec M. Currie le 11 avril, Mme Murphy a commencé à noter dans son journal les heures de présence de Mme Khalifa ainsi que les heures auxquelles cette dernière arrivait au travail et en partait chaque jour. Mme Murphy a souligné qu'en notant ces informations, son objectif principal n'était pas de vérifier si Mme Khalifa arrivait à une heure précise le matin (8 h 45 ou 9 h par exemple), mais surtout de savoir si elle faisait les journées complètes de 7,5 heures qu'on s'attendait à ce qu'elle fasse (soit 37,5 heures par semaine).

    [43] Le 12 avril, soit le lendemain de sa rencontre avec M. Currie, Mme Murphy a noté dans son journal que Mme Khalifa n'était pas venue au bureau de la journée et qu'elle n'avait pas non plus appelé le matin pour justifier son absence. Plus tard ce jour-là, Mme Khalifa a téléphoné pour prévenir qu'elle avait eu une crevaison et qu'elle ne viendrait pas au bureau. Le 18 avril, Mme Murphy a écrit dans son journal que Mme Khalifa était arrivée à 8 h 45, mais qu'elle était partie du bureau à 14 h, et qu'elle n'avait donc travaillé que 5,25 heures. Le 19 avril, Mme Khalifa est arrivée au travail à 14 h, expliquant qu'elle avait eu de nouveau des problèmes de pneu sur sa voiture.

    [44] Mme Murphy se rappelait que le 25 avril, elle avait dû parler à Mme Khalifa au sujet d'une incohérence dans ses feuilles de présence. D'après les registres de Mme Murphy, Mme Khalifa n'avait travaillé que 32,5 heures au cours de la semaine précédente (du 18 au 22 avril), mais Mme Khalifa avait rempli ses feuilles de présence comme si elle avait travaillé une semaine complète de 37,5 heures. Après que Mme Murphy lui eut parlé, Mme Khalifa a modifié le document pour qu'il fasse état du nombre exact d'heures de travail effectuées.

    [45] Mme Murphy a déclaré avoir porté cet incident à l'attention de M. Currie, qui lui a demandé de continuer à assurer le suivi des heures de travail de Mme Khalifa, affirmant que si de tels problèmes persistaient, il devrait s'en occuper.

    [46] Le 27 avril, Mme Murphy a noté dans son journal que Mme Khalifa n'était pas dans son bureau et que cette dernière ne l'avait pas prévenue de son absence et ne lui avait pas non plus donné d'explications à ce sujet. Mme Murphy ne se rappelait pas si Mme Khalifa avait fini par lui donner une explication, ou encore si cette absence avait duré toute la journée ou seulement une partie de celle-ci.

    [47] Le 28 avril, Mme Murphy a écrit dans son journal avoir parlé à M. Currie de la [TRADUCTION] question de la supervision. Elle lui a dit que compte tenu des absences et arrivées tardives à répétition de Mme Khalifa, elle se sentait mal à l'aise de devoir la superviser. M. Currie lui a répondu qu'il aborderait le problème avec Mme Khalifa directement. Mme Murphy a déclaré qu'ils n'avaient pas parlé de la vie privée ou de la situation de famille de Mme Khalifa au cours de cette conversation.

    [48] À la suite de sa conversation avec Mme Murphy, le jour suivant (le 29 avril), M. Currie a invité Mme Khalifa à venir dans son bureau afin de discuter des problèmes d'assiduité et d'horaire soulevés par Mme Murphy. D'après M. Currie, Mme Khalifa s'est plainte au cours de cette rencontre de la [TRADUCTION] supervision étroite dont elle faisait l'objet de la part de Mme Murphy. M. Currie a déclaré qu'il ne croyait pas que Mme Khalifa ait déjà été supervisée d'aussi près à PGIC auparavant.

    [49] M. Currie a également confirmé qu'au cours de cette rencontre, Mme Khalifa lui avait fait part de ses objections à l'égard des commentaires que Mme Murphy aurait faits, selon lesquels Mme Khalifa devrait travailler ailleurs, à un endroit où son emploi du temps serait plus souple et plus adapté à ses besoins familiaux. M. Currie a déclaré qu'après la rencontre, il avait demandé à Mme Murphy si elle avait dit quoi que ce soit donnant à entendre (ou pouvant être interprété de manière à donner à entendre) que Mme Khalifa devrait travailler ailleurs, comme cette dernière le lui avait dit. Mme Murphy lui a répondu que ce n'était pas le cas.

    [50] Lors du contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Murphy si lors de sa conversation avec M. Currie, elle avait abordé la question de l'état de mère célibataire de Mme Khalifa et de la possibilité qu'il serait préférable qu'elle se trouve un emploi ailleurs du fait de sa situation de famille. Mme Murphy a affirmé ne pas se rappeler avoir eu une telle conversation avec M. Currie. Elle se rappelait que M. Currie lui avait dit que Mme Khalifa avait exprimé du ressentiment à l'égard de la supervision étroite dont elle faisait l'objet de la part de Mme Murphy. M. Currie a déclaré qu'au cours de cette rencontre avec Mme Murphy, celle-ci avait soulevé un problème concernant un autre employé de PGIC, qui avait obtenu un emploi auprès d'un autre organisme gouvernemental. Cet ancien employé avait appelé Mme Khalifa pour lui faire savoir qu'il se pouvait que son nouvel employeur ait un emploi pour elle. Mme Murphy a également évoqué cette discussion dans son témoignage, même si elle pensait qu'elle avait eu lieu en juin 2005. Elle se rappelait avoir dit à Mme Khalifa que s'il s'agissait d'une occasion qu'elle souhaitait saisir, elle devrait y penser.

    [51] Mme Murphy a déclaré qu'après sa rencontre du 29 avril avec M. Currie, Mme Khalifa était revenue la voir dans son cubicule et lui avait dit d'une voix forte et avec colère que si elle avait un problème avec elle, elle aurait dû lui en parler directement plutôt que d'aller voir M. Currie. Mme Murphy se rappelait que Mme Khalifa avait renversé avec fracas des objets qui se trouvaient sur son bureau. Dans son journal, pour cette journée, Mme Murphy a noté : Discussion avec Bill au sujet de MK [Melissa Khalifa], MK a réagi avec colère.

    [52] Mme Murphy a déclaré qu'après avoir été témoin de la réaction de Mme Khalifa, elle s'était rendue dans le bureau de M. Currie afin de décider d'une manière de régler le problème. M. Currie lui a expliqué que Mme Khalifa avait exprimé son ressentiment au sujet de la supervision étroite dont elle faisait l'objet de sa part en ce qui avait trait à son horaire et à son travail. Mme Khalifa éprouvait des [TRADUCTION] difficultés à organiser son horaire. Pour régler la question et lui offrir une certaine souplesse d'horaire, Mme Murphy a suggéré à M. Currie d'offrir à Mme Khalifa la possibilité de travailler selon les termes d'une [TRADUCTION] entente d'horaire comprimé avec PGIC. De telles ententes permettent aux employés de travailler une demi-heure de plus chaque jour, ce qui leur permet d'accumuler 13 jours de vacances supplémentaires chaque année. Ainsi, pour chaque tranche de 19 jours de travail effectuée, l'employé obtient un jour de congé (auquel s'ajoute un autre jour de congé par année). La politique de PGIC voulait que de telles ententes soient seulement accessibles à ses employés à durée indéterminée ou aux employés temporaires travaillant en vertu de contrats d'une durée minimale de six mois, et non aux employés temporaires comme Mme Khalifa. M. Currie a néanmoins approuvé la solution de Mme Murphy et a convenu d'offrir cette possibilité à Mme Khalifa plus tard ce jour-là (le 29 avril). Ils espéraient que Mme Khalifa accueillerait favorablement la perspective de disposer de ces jours de congé, ce qui lui permettrait peut-être de s'acquitter de certaines de ses responsabilités familiales, comme emmener ses enfants à leurs rendez-vous chez le médecin ou prendre part à leurs activités scolaires.

    [53] D'après Mme Murphy, Mme Khalifa a répondu qu'elle était reconnaissante de la solution qui lui était offerte. L'entente a été préparée et Mme Khalifa, Mme Murphy (en tant que superviseure) et M. Currie (en tant que directeur général de la division) l'ont signée plus tard le même jour. L'entente a été déposée en preuve. Elle prévoyait que Mme Khalifa travaillerait huit heures par jour, qu'elle arriverait au bureau à 8 h 45 et qu'elle en partirait à 16 h 45. Ces informations ont été données par Mme Khalifa elle-même, qui a déclaré n'avoir inséré aucune clause concernant une heure de pause étant donné qu'elle quittait rarement le bureau à midi. Elle avait pour habitude de manger tout en travaillant. Mme Murphy a affirmé avoir prévenu Mme Khalifa qu'elle pourrait quand même prendre une demi-heure de pause à midi si elle le souhaitait, à la condition qu'elle rallonge sa journée de travail en conséquence, c'est-à-dire qu'elle aurait des journées de travail de 8,5 heures incluant sa pause. PGIC a produit en preuve une copie de sa politique relative aux ententes d'horaire comprimé. Cette politique prévoit que les heures d'arrivée et de départ des employés doivent être conformes aux [TRADUCTION] heures d'activité de l'organisme, soit 8 h 30 à 11 h 30 et 13 h 30 à 15 h 30.

    [54] Mme Murphy a déclaré qu'en dépit de la mise en uvre de l'entente d'horaire comprimé, Mme Khalifa avait continué à avoir des difficultés à être ponctuelle et assidue. Il continuait également d'y avoir des incohérences entre les heures que Mme Khalifa inscrivait sur ses feuilles de présence et les observations de Mme Murphy. Lorsqu'elle a déposé, Mme Murphy a fait la liste des dates auxquelles elle avait noté dans son journal qu'il y avait eu des manquements :

    Le 4 mai - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 9 h 30.

    Le 6 mai - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 9 h, mais en est partie à 14 h 15. Mme Murphy ne se rappelait pas si Mme Khalifa lui avait donné une explication à ce sujet ou si elle avait jamais rattrapé ces heures. Dans sa feuille de présence, Mme Khalifa avait noté être partie du bureau à 16 h 55.

    Le 12 mai - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 10 h 45, après avoir appelé Mme Murphy pour la prévenir qu'elle serait en retard. Sur sa feuille de présence, Mme Khalifa a noté être arrivée au bureau à 9 h ce jour-là.

    Le 16 mai - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 10 h, après avoir appelé Mme Murphy pour la prévenir qu'elle serait en retard. Sur sa feuille de présence, Mme Khalifa a noté être arrivée au bureau à 9 h ce jour-là.

    Le 24 mai - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 9 h 20 et est partie à 14 h 45. Mme Murphy ne se rappelait pas si elle l'avait prévenue ou si elle lui avait donné une explication à cette occasion. Elle ne se rappelait pas si Mme Khalifa avait récupéré ses heures d'absence. Sur sa feuille de présence, Mme Khalifa a noté être partie du bureau à 17 h ce jour-là.

    Le 31 mai - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 13 h 40. Mme Murphy a noté dans son journal que Mme Khalifa avait dû se rendre chez le dentiste en urgence.

    Le 7 juin - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 9 h 15 et en est partie à 15 h 30. Mme Murphy ne se rappelait pas que Mme Khalifa lui ait donné d'explication à ce sujet ou qu'elle ait rattrapé ses heures d'absence.

    Le 16 juin - Mme Khalifa a pris une pause de deux heures à midi. Mme Murphy ne se rappelait pas en avoir été prévenue à l'avance. Sur sa feuille de présence, Mme Khalifa a noté avoir pris une pause de 30 minutes.

    Le 21 juin - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 9 h 10 et en est partie à 15 h. Mme Murphy ne se rappelait pas avoir été prévenue que Mme Khalifa partirait plus tôt.

    Le 28 juin - Mme Khalifa n'est pas arrivée au bureau avant 13 h 30. Mme Khalifa n'a pas appelé Mme Murphy pour la prévenir qu'elle serait en retard et lui donner des explications à ce sujet. Dans son journal, Mme Murphy a noté avoir vérifié avec la réception si Mme Khalifa avait appelé et on lui a répondu que non. À partir de cette date, Mme Murphy a changé de cubicule et elle n'occupait donc plus l'espace voisin de celui de Mme Khalifa. Toutefois, Mme Murphy a affirmé qu'en vue de surveiller les heures d'arrivée et de départ de Mme Khalifa, elle se levait toutes les 10 minutes pour se rendre au bureau de Mme Khalifa pour vérifier si elle était là. Ainsi, les heures qu'elle a notées dans son journal ne dépassaient jamais de 10 à 15 minutes l'heure d'arrivée réelle de Mme Khalifa.

    Le 29 juin - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 10 h. Elle n'a pas appelé pour prévenir qu'elle serait en retard. Sur sa feuille de présence, Mme Khalifa a noté être arrivée à 9 h 30 ce jour-là.

    Le 30 juin - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 9 h 30.

    Le 4 juillet - Mme Khalifa est arrivée au bureau à 9 h 30.

    Le 7 juillet - Mme Khalifa a appelé Mme Murphy à 8 h 55 pour la prévenir qu'elle serait en retard parce qu'elle avait un rendez-vous chez le médecin. Elle lui a dit qu'elle arriverait à 10 h 30. À 12 h 20, alors que Mme Murphy était sur le point de sortir du bureau, elle a noté dans son journal que Mme Khalifa n'était pas encore arrivée et qu'elle n'avait pas appelé pour expliquer son retard. Sur sa feuille de présence, Mme Khalifa a noté être arrivée à 12 h 30, mais être restée jusqu'à 19 h 30 ce soir-là.

    Le 8 juillet - Mme Khalifa est arrivée à 10 h. Sur sa feuille de présence, elle a noté être arrivée à 9 h.

    Le 15 juillet - Mme Khalifa est arrivée à 10 h 15.

    Le 27 juillet - Mme Khalifa s'est absentée du bureau entre 11 h 45 et 14 h. Sur sa feuille de présence, elle a noté n'avoir pris que 30 minutes pour manger.

    Le 29 juillet - Mme Khalifa s'est absentée du bureau entre 11 h 45 et 13 h 15. Sur sa feuille de présence, elle a noté n'avoir pris que 30 minutes pour manger.

    [55] Mme Murphy a déclaré avoir parlé à Mme Khalifa des incohérences qu'il y avait entre le fruit de ses observations et les heures que cette dernière avait entrées sur sa feuille de présence. Par exemple, comme je l'ai déjà mentionné, le 25 avril, une incohérence a été signalée à Mme Khalifa, qui a modifié sa feuille de présence en conséquence. Le 6 juin, Mme Murphy a remarqué que sur sa feuille de présence, Mme Khalifa avait noté avoir travaillé 35 heures la semaine précédente, alors que selon les observations de Mme Murphy, elle n'avait travaillé que 28 heures. Mme Murphy a abordé la question avec Mme Khalifa, qui lui a expliqué qu'elle avait alors quelques difficultés financières et qui lui a demandé de signer la feuille de présence faisant état d'un nombre d'heures de travail exagéré en considérant qu'il s'agissait d'une avance pour le travail qu'elle effectuerait plus tard. Mme Murphy a dit avoir accepté la demande de Mme Khalifa et avoir signé le document [TRADUCTION] en toute bonne foi, afin de donner à Mme Khalifa une certaine souplesse et lui permettre d'effectuer le travail quand elle le pourrait. Mme Murphy ne se rappelait pas avoir été avisée d'une quelconque manière que Mme Khalifa avait jamais récupéré les heures dues.

    [56] Le 4 juillet, Mme Khalifa a soumis une feuille de présence faisant état de 27,5 heures de travail à Mme Murphy pour qu'elle la signe, mais les notes de Mme Murphy montraient que Mme Khalifa avait travaillé 25 heures cette même semaine. Mme Murphy a affirmé que Mme Khalifa prétendait souvent effectuer une partie de son travail chez elle. Compte tenu de la différence relativement faible de 2,5 heures, et du fait de son incapacité à vérifier les prétentions de Mme Khalifa, Mme Murphy a accepté ses explications en toute bonne foi et n'a pas jugé utile de lui parler de ce décalage dans les heures.

    [57] Le 20 juillet, tandis qu'elle évaluait le rendement de Mme Khalifa, Mme Murphy a remarqué qu'une feuille de présence soumise par Mme Khalifa relativement à une semaine de travail antérieure faisait état de 37,5 heures de travail effectuées. Or, il ressortait des notes de Mme Murphy que Mme Khalifa n'avait travaillé que 30,5 heures cette semaine-là. Étant donné que Mme Murphy était absente du bureau quand Mme Khalifa a soumis sa feuille de présence pour approbation, un autre superviseur, qui n'était sans doute pas au courant du nombre d'heures exact effectué par Mme Khalifa, tel qu'il apparaissait dans les notes de Mme Murphy, l'avait signée.

    [58] Le 25 juillet, Mme Murphy a étudié la feuille de présence de Mme Khalifa pour la semaine précédente; à en croire le document, elle avait effectué un total de 27,5 heures de travail. Mme Murphy a déclaré ne pas avoir jugé utile de parler du décalage à Mme Khalifa étant donné qu'elle était toujours incapable de vérifier si Mme Khalifa disait vrai quand elle affirmait travailler chez elle. En outre, Mme Murphy avait l'impression que compte tenu de tous les désaccords qu'elle avait eus avec Mme Khalifa jusqu'alors, ce [TRADUCTION] n'était plus la peine de soulever la question.

    [59] Le 2 août, qui s'est avéré être le dernier jour de Mme Khalifa à PGIC, celle-ci a présenté à Mme Murphy sa feuille de présence pour la semaine précédente. Mme Murphy a noté dans son journal que le nombre d'heures de travail que Mme Khalifa prétendait avoir effectué (25) excédait le nombre d'heures qu'elle avait elle-même noté (21). Vu que Mme Khalifa a quitté PGIC, elle ne lui a jamais parlé de ce décalage.

    [60] Sur bon nombre de feuilles de présence, pour plusieurs jours, Mme Khalifa avait noté être arrivée de 10 à 30 minutes plus tôt que les heures notées par Mme Murphy dans son journal. Mme Murphy a déclaré n'avoir parlé à Mme Khalifa que des décalages les plus importants, plus particulièrement ceux survenus pendant les premiers mois pendant lesquels Mme Khalifa avait travaillé pour la division de la production. Dans presque tous les cas, Mme Murphy a quand même signé les feuilles de présence, sans qu'aucune correction n'y ait été apportée, ayant décidé de [TRADUCTION] ne pas couper les cheveux en quatre, mais plutôt de donner [TRADUCTION] le bénéfice du doute à Mme Khalifa, étant donné que les écarts n'étaient pas importants.

    (ii) Quels ont été les indicateurs du rendement en déclin de Mme Khalifa?

    [61] Les tâches que Mme Khalifa a effectuées entre avril et août 2005 étaient divisées en deux catégories générales (la coordination de projets / la production de rapports et les tâches administratives), comme il en est fait état dans un document intitulé [TRADUCTION] contrat qu'elle et Mme Murphy ont rédigé de concert et qui a été prêt le 12 avril 2005. Les tâches de coordination de projets et de production de rapports étaient attribuées à Mme Khalifa par la division de la production ainsi que par d'autres divisions. Ces tâches devaient comprendre la production de rapports de PGIC, des activités de communication relative au site Internet de PGIC, la préparation de résumés statistiques ainsi qu'une participation à la rédaction d'un document intitulé [TRADUCTION] Simplification des redevances et lignes directrices (les lignes directrices). Mme Khalifa était chargée de tâches administratives; elle devait notamment organiser les déplacements d'autres membres du personnel, planifier des réunions, distribuer le courrier, fournir du soutien administratif à Mme Murphy et remplacer la réceptionniste pendant ses pauses les mardis et les jeudis.

    [62] Mme Murphy a déclaré qu'à plusieurs reprises, Mme Khalifa ne s'était pas acquittée de cette dernière tâche. Le 9 juin, comme Mme Murphy l'a noté dans son journal, Mme Khalifa n'est pas venue remplacer la réceptionniste comme prévu et personne n'a été en mesure de dire où elle était. Mme Murphy a déclaré avoir dû remplacer la réceptionniste elle-même. Au cours de son contre-interrogatoire, Mme Khalifa a laissé entendre que ce jour-là, elle s'était arrangée pour qu'un autre employé la remplace, mais Mme Murphy a affirmé ne pas avoir été prévenue d'un tel arrangement et Mme Khalifa n'a présenté aucune preuve appuyant ses affirmations. Mme Murphy a également déclaré que le 26 juillet, Mme Khalifa avait appelé à 9 h pour dire qu'elle ne viendrait pas au bureau parce qu'un de ses proches résidant à l'étranger était venu lui rendre visite de manière inattendue. Par conséquent, Mme Murphy a dû remplacer Mme Khalifa à la réception ce matin-là.

    [63] Une des tâches que M. Currie avait assignées à Mme Khalifa pendant son contrat consistait à préparer le plan de travail de la division de la production, c'est-à-dire un document définissant les activités de la division. Mme Murphy a affirmé que ce projet faisait l'objet de [TRADUCTION] contraintes de temps, ce qui signifiait que certaines échéances devaient être respectées. Conformément aux instructions de M. Currie, qui lui avait demandé de surveiller la progression du travail de Mme Khalifa, Mme Murphy a rencontré Mme Khalifa le 26 mai afin de discuter de l'état d'avancement du projet. À l'époque, Mme Murphy n'avait pas d'inquiétudes concernant l'avancement du projet et Mme Khalifa n'a pas signalé avoir quelque problème que ce soit relativement aux échéances qui lui avaient été fixées ou avoir besoin de plus de temps pour terminer le projet. Toutefois, le 9 juin, M. Currie a convoqué Mmes Khalifa et Murphy à une réunion portant sur le projet en question. M. Currie s'inquiétait du fait que le projet concernant le plan de travail de la division avait pris du retard. Mme Murphy a déclaré qu'en entendant ces commentaires, Mme Khalifa avait adopté une attitude [TRADUCTION] plutôt défensive, mais qu'elle avait assuré M. Currie que le plan de travail serait terminé dans les temps. Je ne dispose d'aucun élément de preuve montrant si Mme Khalifa a finalement terminé le plan de travail à temps ou non.

    [64] Une autre des tâches que M. Currie avait assignées à Mme Khalifa pendant son contrat consistait à coordonner la partie du compte rendu trimestriel de PGIC concernant la division de la production. Le compte rendu trimestriel est un document clé produit au sein de PGIC et transmis au PDG; il est la base sur laquelle sont mesurés les progrès de chaque division dans la poursuite de leurs objectifs respectifs. Ce document permet également à chaque division d'informer les autres divisions de l'état d'avancement de leurs activités. Dans le cas qui nous intéresse, il était très important pour M. Currie que ce rapport soit préparé correctement parce qu'il s'agissait du premier échange important entre sa division et le nouveau PDG. Le 22 juin, M. Currie et Mme Murphy ont rencontré Mme Khalifa pour définir la procédure de rédaction du rapport ainsi que le rôle que Mme Khalifa jouerait à titre de coordonnatrice de la collecte des informations requises. Mme Khalifa devait travailler en collaboration avec d'autres employés de PGIC en vue de rassembler les informations nécessaires. M. Currie a envoyé des courriers électroniques à tous les membres du personnel de la division qui devaient fournir les informations requises aux fins de la préparation du compte rendu trimestriel, en précisant les dates auxquelles ils devraient avoir fait parvenir lesdites informations à Mme Khalifa. M. Currie a déclaré que Mme Khalifa n'avait pas terminé le projet dans les délais qu'il lui avait fixés.

    [65] Lorsqu'elle a déposé, Mme Murphy a confirmé que lors de la réunion qui avait eu lieu le 22 juin, Mme Khalifa avait reçu l'ordre de compiler les renseignements et de rédiger une ébauche du compte rendu final avant la date d'échéance du projet. M. Currie a souligné qu'il voulait que le rapport de sa division soit entre les mains du PDG le 23 juillet au plus tard. Il a expliqué qu'il s'agissait d'un document faisant l'objet de [TRADUCTION] contraintes de temps, ce dont Mme Khalifa aurait dû être consciente étant donné qu'elle avait déjà eu l'occasion de préparer de tels documents dans le passé. Le 5 juillet, Mme Murphy a noté dans son journal avoir parlé à Mme Khalifa de l'état d'avancement du rapport. Mme Murphy a rappelé à Mme Khalifa que le rapport devrait être remis sous peu et elle lui a demandé où elle en était dans sa préparation. D'après Mme Murphy, Mme Khalifa n'a pas été en mesure de lui fournir de [TRADUCTION] détails. Par conséquent, Mme Murphy a commencé à se demander si le rapport serait prêt à temps.

    [66] Le 12 juillet, Mme Murphy a rencontré Mme Khalifa afin de revoir la mise en page du rapport. Le 18 juillet, Mme Khalifa a téléphoné pour dire qu'elle prenait la journée en congé dans le cadre de son entente d'horaire comprimé, parce qu'elle avait de nouveau eu un pneu crevé. Elle s'est néanmoins engagée à envoyer une ébauche du document par courrier électronique plus tard ce jour-là. Ce courrier n'est jamais arrivé. Le jour suivant, le 19 juillet, Mme Murphy a de nouveau parlé à Mme Khalifa pour lui rappeler qu'elle attendait toujours qu'elle lui fasse parvenir l'ébauche du rapport. Mme Khalifa lui a fourni l'ébauche plus tard ce jour-là. Lors d'une rencontre qu'elle a eue plus tard dans la journée avec M. Currie, Mme Murphy a informé M. Currie, à la demande de celui-ci, de la difficulté que Mme Khalifa avait à respecter ses échéances ainsi que de ses problèmes de ponctualité et d'assiduité.

    [67] Mme Murphy a déclaré qu'au cours du temps, Mme Khalifa avait adopté une attitude de plus en plus hostile lors des échanges relatifs à la production du rapport, au point qu'il arrivait que Mme Khalifa refuse de répondre aux questions de Mme Murphy ou lui réponde très sèchement. Le 19 juillet, Mme Murphy a mentionné cette attitude hostile dans son journal.

    [68] Le matin suivant (le 20 juillet), Mme Murphy a de nouveau parlé à M. Currie au sujet du manque d'engagement manifesté par Mme Khalifa en vue de s'acquitter de ses obligations et de fournir le rapport ainsi que de l'hostilité croissante que cette dernière manifestait à son endroit. Mme Murphy a dit à M. Currie que toute cette situation la plaçait dans une position extrêmement inconfortable. M. Currie a déclaré qu'il étudierait le rapport produit par Mme Khalifa, mais que quoi qu'il en soit, compte tenu des difficultés de cette dernière à respecter ses échéances, il lui semblait nécessaire de procéder à une réattribution des tâches au sein de la division. Il a par conséquent dit à Mme Murphy qu'elle assumerait désormais les responsabilités de Mme Khalifa relatives à la production du rapport trimestriel. M. Currie lui a dit qu'il expliquerait lui-même ces changements à Mme Khalifa. Mme Murphy a dû se dépêcher d'apporter un certain nombre de corrections nécessaires au rapport, mais elle est parvenue à fournir une ébauche à M. Currie pour examen avant la fin de la journée.

    [69] Le 21 juillet, M. Currie a rencontré Mme Khalifa et l'a informée de la réattribution des responsabilités au sein de la division. Mme Murphy était également présente pendant la deuxième partie de cette rencontre. Elle et M. Currie ont tous deux déclaré que Mme Khalifa n'avait pas été satisfaite des changements proposés ainsi que du degré de supervision dont elle faisait l'objet de la part de Mme Murphy. Elle a insisté auprès de M. Currie pour qu'il [TRADUCTION] choisisse qui d'elle ou de Mme Murphy travaillerait pour lui à la division de la production parce qu'elle se sentait incapable de travailler avec Mme Murphy. M. Currie lui a répondu qu'il n'était pas question de démettre Mme Murphy de ses fonctions. Elle était une employée permanente à plein temps de PGIC alors que Mme Khalifa était une employée temporaire contractuelle.

    [70] Mme Khalifa a fait savoir qu'elle était [TRADUCTION] malheureuse de la situation; M. Currie lui a alors demandé ce qu'il lui fallait pour être [TRADUCTION] heureuse. Plus précisément, il lui a demandé si elle avait des suggestions susceptibles d'arranger la situation avec Mme Murphy. M. Currie a affirmé que Mme Khalifa s'était dérobée et qu'elle n'avait ni demandé ni proposé que soient mise en uvre des solutions qui lui permettraient de s'acquitter de ses tâches conformément aux attentes et dans les délais requis.

    [71] M. Currie a suggéré à Mme Khalifa et à Mme Murphy de trouver des solutions pour résoudre le problème. Mme Murphy se rappelait avoir dit, à l'occasion de cette rencontre, qu'elle était disposée à s'attaquer à tous les problèmes qui se posaient, mais qu'elle restait néanmoins déterminée à répondre aux attentes que M. Currie, ce qui consistait notamment à fournir du travail à Mme Khalifa.

    [72] Mme Khalifa était visiblement bouleversée par la situation. M. Currie se rappelle lui avoir suggéré que vu son insatisfaction, elle serait peut-être plus heureuse ailleurs.

    [73] M. Currie a affirmé qu'à l'occasion de cette rencontre, il avait informé Mme Khalifa qu'il penserait à des manières de résoudre le problème pendant ses vacances. Il lui a également demandé de s'acquitter de ses tâches et de respecter ses échéances pendant son absence.

    [74] Mme Murphy a déclaré que jusqu'à cette rencontre du 21 juillet, sa relation de travail avec Mme Khalifa connaissait [TRADUCTION] des hauts et des bas. Elle avait parfois l'impression que Mme Khalifa avait à cur d'accomplir son travail et de s'acquitter des tâches qui lui avaient été confiées, mais à d'autres moments, elle trouvait que Mme Khalifa semblait faire peu de cas de ses obligations en tant qu'employée contractuelle de PGIC. Mme Murphy a décrit ses difficultés à superviser les heures de travail de Mme Khalifa et son incapacité à trouver des solutions pour résoudre le problème comme la plaçant dans une situation [TRADUCTION] extrêmement inconfortable, ce qu'elle a dit à M. Currie. Mme Murphy a également déclaré que jusqu'alors, lors de ses discussions avec M. Currie, il n'avait jamais été question de l'annulation du contrat de Mme Khalifa.

    [75] Dans le courant du mois de juillet, avant son départ en vacances le 22 juillet, M. Currie a attribué une autre tâche à Mme Khalifa : la préparation des lignes directrices (dont il a été déjà question ci-dessus), qui contiennent des informations relatives au calcul des redevances que l'industrie pétrolière et gazière doit payer. Il est important pour l'industrie que les lignes directrices soient publiées en temps opportun. M. Currie avait fourni à Mme Khalifa une ébauche de document comptant 80 pages, sur laquelle il avait apporté un certain nombre de changements. Il a chargé Mme Khalifa de préparer les lignes directrices, y compris de les faire traduire en français, avant son retour de vacances le 2 août. Il s'attendait à ce qu'il faille plus d'une semaine à Mme Khalifa pour effectuer le travail. Lorsqu'elle a déposé, Mme Murphy a souligné qu'au 25 juillet, Mme Khalifa n'avait fait état d'aucun progrès relativement à ce travail. Ainsi, le 2 août, quand M. Currie est rentré de vacances, Mme Khalifa n'avait toujours pas pris les dispositions nécessaires pour que le document soit traduit et le document final n'était toujours pas prêt.

    (iii) Comment Mme Khalifa a-t-elle développé une relation tendue avec Mme Murphy et comment lui a-t-elle manqué de respect?

    [76] PGIC a prétendu qu'il ne faisait aucun doute que la relation de Mme Khalifa et Mme Murphy était devenue de plus en plus tendue au fil du temps. Par exemple, comme je l'ai déjà mentionné, Mme Murphy a déclaré que le 29 avril, Mme Khalifa était venue la voir à son bureau après sa rencontre avec M. Currie et qu'elle avait, dans un mouvement de colère, renversé plusieurs objets qui se trouvaient sur son bureau, tout en se plaignant d'une voix forte que Mme Murphy aurait dû lui parler directement de son problème de ponctualité plutôt qu'aller voir M. Currie.

    [77] Mme Murphy a affirmé que les choses ne s'étaient pas améliorées au fil des semaines suivantes. Comme je l'ai déjà mentionné, Mme Murphy a parlé à M. Currie à plusieurs reprises des difficultés qu'elle éprouvait à superviser l'assiduité et le travail de Mme Khalifa. Cette tension a connu son point culminant le 20 juillet, ce qui s'est traduit par l'interruption totale des communications entre elle et Mme Khalifa, quand Mme Murphy a demandé à Mme Khalifa si elle avait progressé dans la préparation du rapport trimestriel. Mme Khalifa s'est alors montrée [TRADUCTION] hostile et [TRADUCTION] fermée à toute conversation. Mme Khalifa a refusé de répondre aux questions de Mme Murphy, qui lui a rappelé que le document aurait déjà dû être prêt. M. Currie souhaitait le réviser avant son départ en vacances deux jours plus tard. Mme Murphy a déclaré que Mme Khalifa avait fait preuve d'une attitude [TRADUCTION] bourrue en refusant de répondre à ses questions.

    [78] Deux jours plus tard, le 22 juillet, Mme Murphy a écrit dans son journal que Mme Khalifa s'était montrée [TRADUCTION] extrêmement impolie à son endroit. Quand elle a dit [TRADUCTION] Bonjour à Mme Khalifa, cette dernière n'a rien répondu. Mme Murphy a également noté que pendant la majeure partie de la journée, elle avait pu entendre Mme Khalifa parler au téléphone et se plaindre du fait que Mme Murphy l'avait dépossédée de toutes ses responsabilités professionnelles. Mme Murphy se rappelait également avoir vu Mme Khalifa parler à deux autres employés de PGIC ailleurs dans le bureau ce jour-là. Elle a entendu environ 30 secondes de leur conversation, au cours de laquelle Mme Khalifa a blâmé Mme Murphy de tous les changements apportés à ses responsabilités. Plus tard dans la journée, un des deux employés en question est venu voir Mme Murphy et lui a carrément demandé quel [TRADUCTION] était son rôle dans les changements qui avaient été apportés aux tâches de Mme Khalifa. À partir de ce jour, ces deux employés ont adopté une attitude [TRADUCTION] glaciale à l'endroit de Mme Murphy.

    [79] Le jour ouvrable suivant, le lundi 25 juillet, Mme Murphy a noté dans son journal que Mme Khalifa était de meilleure humeur. Elle avait emmené ses enfants au bureau et les avait présentés à Mme Murphy. Autour de 11 h 30, sa famille et elle avaient quitté le bureau et Mme Khalifa n'est pas revenue du reste de la journée parce qu'un des enfants avait rendez-vous chez le médecin. Le jour suivant (le 26 juillet) était le jour où un proche de Mme Khalifa résidant à l'étranger était venu lui rendre visite. Mme Khalifa est venue lui faire visiter le bureau pendant une vingtaine de minutes et ils sont ensuite partis pour le reste de la journée.

    [80] Pendant les trois jours ouvrables suivants (du 27 au 29 juillet), qui ont précédé la rencontre finale de Mme Khalifa et de M. Currie le 2 août, Mme Murphy n'a inscrit aucune note dans son journal concernant l'attitude de Mme Khalifa à son endroit, pas plus qu'elle n'a fait de remarques à ce sujet lors de son témoignage.

    (iv) Quelle est l'explication donnée par PGIC relativement à la résiliation du contrat de travail de Mme Khalifa?

    [81] Le 2 août, à son retour de vacances, M. Currie a demandé à Mme Murphy s'il y avait eu des changements concernant les problèmes relatifs au travail de Mme Khalifa. Mme Murphy l'a informé que Mme Khalifa n'avait toujours pas honoré ses engagements à l'égard de la division de la production (la traduction des lignes directrices n'avait toujours pas été effectuée), qu'elle n'effectuait toujours pas les heures de travail attendues d'elle et que son attitude à l'endroit de Mme Murphy avait empiré après la rencontre de Mme Khalifa et de M. Currie le 21 juillet.

    [82] M. Currie a conclu que les problèmes relatifs à Mme Khalifa sur les plans du respect des échéances, de l'assiduité et de sa relation avec Mme Murphy ne pourraient pas être résolus pendant les deux semaines de travail que Mme Khalifa devait encore effectuer par contrat, lequel contrat prenait fin le 19 août. Il a déclaré avoir alors décidé de ne plus intervenir de manière à obtenir la prolongation dudit contrat. Il savait que la division de la production avait les ressources nécessaires pour que les tâches de Mme Khalifa soient immédiatement attribuées à d'autres employés et il a donc décidé de ne plus lui attribuer de tâches jusqu'à la fin de son contrat.

    [83] Avant d'aller de l'avant, M. Currie a rencontré le directeur de la division des contrats et de l'administration de PGIC, M. Potter, ainsi que Mme Murphy. M. Potter lui a expliqué que PGIC pouvait mettre fin au contrat d'un employé temporaire tel que Mme Khalifa en tout temps avant la fin d'un contrat, si cela s'avérait nécessaire. M. Potter a déclaré avoir compris que l'intention de M. Currie était de mettre fin au contrat de Mme Khalifa le jour même. M. Potter a par conséquent offert de parler à Mme Khalifa de la résiliation de son contrat, ou d'être présent aux côtés de M. Currie si ce dernier voulait lui annoncer la nouvelle lui-même. M. Currie a décliné ces deux propositions.

    [84] Après sa rencontre avec M. Potter, M. Currie est allé trouver Mme Khalifa et l'a invitée à le rejoindre dans la petite salle de conférence. Il lui a expliqué qu'étant donné que ses problèmes de respect des échéances, d'assiduité, de performance et de comportement ne pouvaient être résolus, il avait conclu qu'il était peu probable que la division de la production fasse de nouveau appel à ses services à la fin de son contrat. Il lui a également dit qu'il ne lui assignerait plus aucune tâche d'ici la fin dudit contrat et qu'au cours de cette période, il voulait travailler avec elle à mettre au point une [TRADUCTION] stratégie de transition en vue de transférer à d'autres employés les dossiers sur lesquels elle travaillait, et de lui permettre de restituer tout document de PGIC qui serait en sa possession. Dans le cadre de cette stratégie, il avait aussi l'intention d'aider Mme Khalifa à étudier la possibilité qu'une autre division retienne ses services dans le cadre d'un nouveau contrat. M. Currie a déclaré qu'à cette fin, plus tard ce jour-là, il avait parlé à plusieurs directeurs de PGIC pour lesquels Mme Khalifa avait déjà travaillé pour leur dire qu'il ne renouvellerait pas son contrat, mais qu'ils pouvaient faire appel aux services de celle ci en puisant dans leurs propres budgets les fonds nécessaires.

    [85] Au fur et à mesure que sa rencontre avec Mme Khalifa avançait, M. Currie avait l'impression que cette dernière paraissait [TRADUCTION] dépassée et qu'elle n'était plus [TRADUCTION] capable de traiter les informations qu'il lui communiquait. Elle paraissait [TRADUCTION] monologuer. M. Currie a déclaré qu'à ce stade, il lui avait suggéré de finir sa journée de travail ou de rentrer chez elle immédiatement, à sa convenance, ajoutant qu'elle serait payée pour la totalité de la journée. Il a affirmé qu'il s'attendait pleinement à ce que Mme Khalifa revienne travailler le jour suivant et mette en uvre la stratégie de transition pendant les derniers jours de son contrat. Il a déclaré que le jour suivant, quand il avait constaté que Mme Khalifa n'était pas revenue au bureau, il avait appelé chez elle et lui avait laissé un message. Mme Khalifa ne l'a jamais rappelé.

    [86] Les témoignages de M. Potter et de Mme Murphy semblent diverger quelque peu de celui de M. Currie en ce qui a trait à la date de résiliation du contrat. D'après M. Potter, lors de sa rencontre avec M. Currie le 2 août au matin, il a compris que M. Currie avait l'intention de [TRADUCTION] mettre fin au contrat de Mme Khalifa le jour même. Pour sa part, Mme Murphy se rappelait que M. Currie était venu la voir à son bureau après la rencontre pour lui dire qu'il avait été incapable de résoudre les problèmes relatifs à Mme Khalifa et que bien qu'il ait l'intention de mettre fin à son contrat le jour même, il lui avait donné l'option de rester travailler le reste de la journée. Comme Mme Murphy l'a noté dans son journal, Mme Khalifa a choisi de ne pas rester, mais plutôt de rentrer chez elle à 11 h 30.

    [87] M. Currie a nié être resté à l'extérieur du cubicule de Mme Khalifa, à attendre qu'elle parte, contrairement à ce que cette dernière a déclaré. Il a admis être passé devant son cubicule un certain nombre de fois, mais seulement pour aller rencontrer différents directeurs dans leurs bureaux respectifs au sujet de la disponibilité de Mme Khalifa, comme il en a été question ci dessus.

    (v) M. Currie et Mme Murphy ont-ils abordé avec Mme Khalifa le sujet de sa situation de famille et cela a-t-il été un élément ayant motivé leur conduite ainsi que les décisions qu'ils ont prises à son égard?

    [88] Mme Murphy a maintenu que la situation de famille de Mme Khalifa n'avait en aucune manière été un élément dans les échanges d'ordre professionnel qu'elle avait eus avec Mme Khalifa à PGIC. Mme Murphy a bien reconnu que Mme Khalifa et elle avaient eu de temps en temps des conversations d'ordre général au sujet de leurs vies personnelles respectives, comme il est souvent d'usage entre collègues. Elles se demandaient comment leurs week-ends s'étaient passés ou comment allaient leurs enfants. Mme Murphy a affirmé que Mme Khalifa ne lui avait jamais dit qu'elle ne voulait pas parler de sa famille ou qu'elle se sentait mal à l'aise de discuter de sa vie personnelle.

    [89] Mme Murphy a nié catégoriquement avoir dit à Mme Khalifa que les mères célibataires comme elle devraient chercher un emploi ailleurs, contrairement à ce Mme Khalifa a prétendu. Comme il a été mentionné ci-dessus, Mme Murphy se rappelait bien que Mme Khalifa lui avait déclaré qu'elle envisageait d'accepter un emploi à temps plein auprès d'un autre organisme gouvernemental où un ancien employé de PGIC travaillait. Mme Murphy a déclaré avoir alors dit à Mme Khalifa que s'il s'agissait d'un emploi qu'elle aimerait occuper, elle devrait examiner cette possibilité. La vie privée et la situation de famille de Mme Khalifa n'ont pas été abordées au cours de cette discussion.

    [90] M. Currie a affirmé que quand il avait rencontré Mme Khalifa le 29 avril, elle s'était plainte du fait que Mme Murphy avait formulé des commentaires sous-entendant qu'elle devrait chercher un emploi ailleurs, à un endroit où l'horaire de travail serait plus souple et lui permettrait de satisfaire à ses obligations familiales. M. Currie a ensuite soulevé la question avec Mme Murphy en lui demandant si elle avait dit quoi que ce soit à Mme Khalifa donnant à entendre (ou qui pouvait être interprété de manière à donner à entendre) qu'elle devrait travailler ailleurs. Mme Murphy a répondu qu'elle ne se rappelait pas avoir formulé un tel commentaire, ce qu'elle maintient toujours aujourd'hui. En ce qui a trait aux questions de M. Currie, Mme Murphy se rappelait seulement qu'il lui avait dit que Mme Khalifa éprouvait du ressentiment à l'égard de la supervision étroite dont elle faisait l'objet de la part de Mme Murphy et que Mme Khalifa avait fait savoir que les difficultés relatives à son travail étaient liées à ses difficultés à gérer son temps. D'après Mme Murphy, c'est en réponse à cette préoccupation qu'elle a proposé à M. Currie d'offrir une entente d'horaire comprimé à Mme Khalifa.

    [91] Pour sa part, M. Currie a insisté sur le fait que la situation de famille de Mme Khalifa n'avait joué aucun rôle dans les échanges qu'il avait eus avec elle ou dans sa décision finale de mettre fin à son emploi auprès de la division de la production. Il a nié avoir jamais dit à Mme Khalifa, contrairement à ce qu'elle a prétendu, qu'elle devrait chercher un emploi ailleurs, un emploi qui conviendrait mieux à sa [TRADUCTION] situation familiale. Il admet qu'un matin, il a vu Mme Khalifa arriver au travail en retard, stressée et troublée. Il l'a invitée dans son bureau pour une discussion en privé. Il lui a demandé si elle et sa famille allaient bien et si elle avait besoin d'aide. Elle lui a répondu que tout allait bien, mais elle lui a également dit que ses questions la mettaient mal à l'aise. M. Currie a déclaré qu'il lui avait immédiatement présenté ses excuses et qu'il lui avait expliqué qu'il ne lui avait posé ces questions que parce qu'il s'inquiétait pour elle. Il lui a également dit qu'il éprouvait de l'empathie à son endroit parce que sa propre fille était aussi une mère célibataire.

    (vi) L'explication de PGIC est-elle raisonnable ou s'agit-il d'un prétexte pour se livrer à des actes discriminatoires?

    [92] Je conclus que PGIC a fourni une explication raisonnable en réponse à la preuve prima facie établie par Mme Khalifa.

    [93] La preuve m'a convaincu que Mme Khalifa éprouvait de sérieuses difficultés à être ponctuelle. Le journal de Mme Murphy était particulièrement convaincant sur ce point. Ce journal était très détaillé et Mme Murphy s'est montrée très crédible quand elle a raconté le soin qu'elle prenait à y consigner toutes ses activités quotidiennes. Je suis convaincu que toutes les informations qu'elle a notées dans son journal constituaient le récit des évènements tels qu'elle les avait observés à l'époque. Elle m'a paru être une employée consciencieuse qui prenait son travail au sérieux, et le fait qu'elle ait tenu un journal de ses activités quotidiennes confirme totalement mon impression.

    [94] Un autre élément que j'ai pris en considération lorsque j'ai examiné le témoignage de Mme Murphy est le fait qu'elle a cessé de travailler pour PGIC en 2005, seulement quelques mois après que l'emploi de Mme Khalifa eut pris fin. En 2004, Mme Murphy avait quitté le Nouveau Brunswick et était allée s'installer à Calgary pour accompagner son mari qui y avait été muté. Le couple est retourné vivre au Nouveau Brunswick en octobre 2005. Ainsi, à l'époque où Mme Murphy a témoigné, elle n'avait plus eu de lien avec PGIC depuis près de quatre ans et aucun élément de preuve n'a été présenté donnant à entendre qu'elle ait eu quelque intérêt que ce soit dans l'issue du présent litige. À mes yeux, tout cela rend son témoignage d'autant plus crédible.

    [95] Mme Khalifa a souligné les heures d'arrivée et de départ dont il était fait état sur ses feuilles de présence, qui avaient toutes été signées soit par Mme Murphy soit par d'autres directeurs de PGIC. Beaucoup de ces heures diffèrent des heures consignées par Mme Murphy dans son journal. Il convient toutefois de souligner que c'est Mme Khalifa qui remplissait toujours ses feuilles de présence et non les directeurs. En outre, il est arrivé à plusieurs reprises que Mme Murphy ne signe pas les feuilles de présence, lorsque les écarts étaient trop importants. Lorsque c'est arrivé, Mme Khalifa a reconnu ses erreurs et a soit modifié les feuilles de présence en conséquence, soit a demandé à Mme Murphy de passer outre l'erreur en lui promettant qu'elle rattraperait le temps perdu. J'accepte l'explication de Mme Murphy en ce qui a trait aux écarts les moins importants; elle a décidé de donner à Mme Khalifa [TRADUCTION] le bénéfice du doute ou alors, considérant que leur relation devenait tendue, elle a simplement évité de s'engager dans un conflit à ce sujet. Lors du contre-interrogatoire de Mme Murphy, Mme Khalifa a paru sous entendre qu'en certaines occasions, quand elle s'absentait de son bureau à midi, c'était dans le but d'aller rencontrer des directeurs d'autres divisions au sujet du travail qu'elle effectuait pour leur compte. Mme Khalifa n'a présenté aucun élément de preuve appuyant cette allégation, même si cela était vrai, cela n'expliquerait en rien ses autres manquements en termes de ponctualité et d'assiduité. Dans l'ensemble, si ce n'est qu'elle a renvoyé aux feuilles de présence en tant que telles, Mme Khalifa n'a jamais affirmé qu'elle se trouvait bien au bureau pendant les heures apparaissant sur les feuilles de présence.

    [96] PGIC a également établi que le travail de Mme Khalifa posait des problèmes importants, ayant démontré que Mme Khalifa n'avait pas respecté ses échéances à de nombreuses reprises, y compris en ce qui concernait la production du rapport trimestriel et des lignes directrices. PGIC a également établi que M. Currie en était venu à constater qu'une relation tendue s'était instaurée entre un membre de son personnel permanent (Mme Murphy) et Mme Khalifa.

    [97] Lors du contre-interrogatoire de M. Currie, Mme Khalifa a donné à entendre que le rapport trimestriel avait été finalement terminé et envoyé au PDG, et que PGIC avait accordé un délai général à toutes les divisions pour la remise du rapport, sous-entendant ainsi que son rendement n'avait pas vraiment été remis en question en ce qui a trait au rapport. Toutefois, il n'en demeure pas moins que M. Currie lui avait déclaré explicitement qu'à titre de directeur général de la production et de personne qui lui assignait cette tâche, il s'attendait à ce qu'elle termine le rapport et le lui remette avant le 23 juillet. Il s'était engagé envers le PDG à remettre le rapport à cette date (c'est-à-dire avant de partir en vacances le jour suivant). Le fait que Mme Khalifa ait tardé à s'acquitter de cette tâche (elle n'a envoyé les ébauches de rapport à Mme Murphy que quelques jours avant la date d'échéance) avait mis l'engagement de M. Currie en péril. Je ne considère pas que de telles circonstances soient un prétexte donné par PGIC en guise d'explication.

    [98] Mme Khalifa a attiré l'attention du Tribunal sur le témoignage d'autres employés de PGIC ainsi que sur celui de Mme Larocque, selon lesquels ils n'étaient pas au courant de problèmes affectant son travail. Je suis d'avis que ces témoignages ne remettent pas en question le caractère raisonnable des explications de PGIC dans la présente affaire. M. Jaques a supervisé Mme Khalifa de manière limitée et il se rappelait seulement qu'elle s'était montrée [TRADUCTION] serviable. Une employée de PGIC, Alexandra Steinke, avec laquelle il était arrivé à Mme Khalifa de travailler au sein de la division de la haute direction, a déclaré avoir observé que Mme Khalifa faisait du [TRADUCTION] vraiment bon travail et qu'elle avait pu s'acquitter de toutes les tâches qui lui avaient été confiées. Toutefois, elle a admis n'avoir jamais observé le travail accompli par Mme Khalifa au sein de la division de la production, pas plus qu'elle n'a contrôlé ou vérifié aucune de ses feuilles de présence à PGIC. Elle travaillait dans un bureau éloigné de celui de Mme Khalifa et elle ne pouvait pas voir si celle-ci venait au travail tous les jours.

    [99] M. Potter a supervisé Mme Khalifa du temps où elle travaillait à la réception, quand elle a commencé à travailler pour PGIC. Il a déclaré qu'elle avait fourni un excellent service dans ce poste, mais qu'il n'avait plus eu l'occasion de superviser son travail par la suite. De même, Mme McCurdie a affirmé que sa division était responsable des activités de la réception. Elle a déclaré n'avoir jamais eu de problème avec Mme Khalifa du temps où celle-ci travaillait à la réception, que ce soit sur le plan du travail, de l'assiduité ou de la ponctualité. Mme Larocque a déclaré que Mme Khalifa était maintenant une des meilleures employées de Spirit et une des plus dévouées. Elle n'avait aucun problème avec elle sur les plans de l'assiduité ou de la ponctualité. Mme Larocque a également souligné le fait que PGIC avait renouvelé le contrat de Mme Khalifa à maintes reprises, ce qui était un bon indicateur du fait que son travail donnait toute satisfaction.

    [100] Ce témoignage ne remet toutefois pas en cause le caractère raisonnable de l'explication donnée par PGIC en ce qui concerne la qualité du travail de Mme Khalifa. Certains témoignages font référence à une époque antérieure, celle où Mme Khalifa a commencé à travailler pour PGIC, ou alors à une période beaucoup plus récente, dans un environnement de travail différent. Aucun de ces témoignages n'a trait à la période pendant laquelle Mme Khalifa était employée par la division de la production. Mieux encore, la preuve relative à la qualité du travail accompli par Mme Khalifa pour le compte de la division de la production n'a pas été remise en question et était cohérente avec les feuilles de présence (que Mme Khalifa a accepté de modifier plusieurs fois, quand Mme Murphy a porté les écarts à son attention). À l'audience, plutôt que de nier avoir effectué les tâches qui lui avaient été confiées en retard, Mme Khalifa a affirmé qu'il importait peu que ses rapports aient été produits en retard étant donné que PGIC avait finalement accordé un délai à toutes les divisions pour la production du rapport trimestriel.

    [101] Mme Khalifa a également suggéré qu'il existait une contradiction entre les souvenirs de M. Currie et ceux de Mme Murphy au sujet des questions que M. Currie avait posées à celle-ci au cours de leur conversation du 28 avril, relativement à la capacité de Mme Khalifa de travailler tout en étant une mère célibataire. M. Currie a déclaré avoir demandé à Mme Murphy si elle avait dit quoi que ce soit qui pouvait être interprété comme un commentaire signifiant que Mme Khalifa devrait travailler ailleurs, dans un endroit où l'horaire lui permettrait de mieux s'acquitter de ses obligations familiales. Mme Murphy a déclaré qu'ils n'avaient jamais abordé la question de la [TRADUCTION] situation familiale de Mme Khalifa en tant que mère célibataire. M. Currie a déclaré qu'il ne considérait pas que la question qu'il avait posée à Mme Murphy constituait une discussion au sujet de la [TRADUCTION] situation familiale de Mme Khalifa et PGIC a de la même manière fait valoir qu'il n'y avait aucune contradiction entre les souvenirs de Mme Murphy et ceux de M. Currie. Quoi qu'il en soit, même s'il y a une différence entre les déclarations des deux témoins, je ne suis pas convaincu que ces différences soient suffisamment significatives pour remettre en question la crédibilité de leurs témoignages dans leur ensemble ou pour remettre en question le caractère raisonnable de l'explication de PGIC.

    [102] Mme Khalifa a soutenu que si son travail soulevait vraiment des problèmes sur les plans de la qualité et de la rapidité d'exécution, elle aurait dû en être avisée. Toutefois, j'accepte la réponse de PGIC selon laquelle Mme Khalifa en a effectivement été avisée, ne serait-ce qu'à l'occasion des nombreuses discussions qu'elle a eues avec Mme Murphy au sujet des décalages dans ses feuilles de présence ainsi qu'au sujet du retard avec lequel elle a produit le rapport, un sujet que M. Currie a également abordé avec elle, et l'attitude des deux superviseurs à son égard est totalement cohérente avec la décision finale de M. Currie de ne pas renouveler le contrat de Mme Khalifa.

    [103] Mme Khalifa a également prétendu qu'il y avait une différence entre le témoignage de M. Currie, qui a dit qu'il n'avait pas l'intention de renouveler son contrat lorsqu'il parviendrait à son terme, et les déclarations de M. Potter et de Mme Murphy, qui ont compris que M. Currie avait l'intention de mettre fin au contrat de Mme Khalifa immédiatement. De la même manière qu'en ce qui concerne la question de la situation familiale de Mme Khalifa évoquée ci-dessus, je ne vois pas d'intérêt à soulever une telle différence, si différence il y a. Le fait est que M. Currie ne souhaitait plus continuer d'employer Mme Khalifa. Tous les témoins en conviennent. Toute confusion au sujet de sa volonté de mettre immédiatement fin à l'emploi ou d'aider Mme Khalifa à effectuer une transition pendant la durée restante de son contrat n'est pas pertinente. Cela ne remet pas en cause la preuve dans son ensemble.

    [104] Les récits de Mme Khalifa et de M. Currie divergent en ce qui a trait aux points abordés par M. Currie lors de leur dernière rencontre. D'après Mme Khalifa, M. Currie lui a dit que son statut de mère célibataire lui imposait trop de contraintes et l'empêchait d'accomplir son travail et que, par conséquent, il la congédiait. M. Currie a nié avoir tenu de tels propos. J'accepte sa version des faits parce qu'elle est cohérente avec le reste de son témoignage. Ses raisons de renvoyer Mme Khalifa étaient claires et elles sont bien documentées, comme le montre notamment le journal de Mme Murphy. Ses raisons n'avaient pas seulement trait aux retards de Mme Khalifa ou au fait qu'elle s'absentait du travail, mais à l'incapacité de cette dernière à effectuer les tâches qui lui étaient confiées ainsi qu'à sa mauvaise relation avec sa superviseure immédiate. Il est compréhensible que Mme Khalifa ait associé les préoccupations de M. Currie au sujet de son absentéisme et de ses retards aux obligations qu'elle sentait reposer sur ses épaules, obligations découlant du fait qu'elle devait s'occuper de sa famille. Cela peut expliquer qu'elle ait interprété d'une certaine manière sa conversation avec M. Currie.

    [105] Toutefois, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les seuls éléments ayant poussé M. Currie à mettre fin au contrat de Mme Khalifa avaient trait au travail de celle-ci, y compris à ses problèmes d'assiduité et à sa relation avec sa supérieure, Mme Murphy, qui allait en se dégradant. La situation familiale de Mme Khalifa n'a jamais été un élément de la décision. Mme Khalifa a elle-même déclaré avoir refusé de donner à M. Currie des informations concernant sa vie de famille parce qu'elle se sentait mal à l'aise de le faire. En outre, Mme Khalifa n'a produit aucun élément de preuve montrant que ses problèmes de ponctualité ou de rendement étaient liés à sa situation familiale. Par exemple, la preuve montre que la plupart de ses arrivées tardives au bureau n'ont fait l'objet d'aucune explication et qu'elles n'étaient pas causées par des raisons familiales, comme l'illustrent ses problèmes de voiture. Mme Khalifa n'a jamais prétendu être incapable d'accomplir le travail attendu d'elle en raison de difficultés ou d'entraves relatives à sa situation de famille, pas plus qu'elle n'a demandé à bénéficier d'accommodements qui lui auraient permis de s'acquitter de ses obligations.

    [106] Au lieu de cela, Mme Khalifa a essentiellement allégué que Mme Murphy éprouvait à son endroit une antipathie personnelle du fait qu'elle était mère célibataire et que Mme Murphy était parvenue à rallier M. Currie à son opinion. Mme Khalifa a soutenu que M. Currie avait changé d'attitude envers elle après l'arrivée de Mme Murphy, un changement qu'elle a affirmé découler du fait que Mme Murphy et M. Currie croyaient tous deux que Mme Khalifa ne devrait pas travailler parce qu'elle était une mère célibataire. Cette allégation n'est pas fondée et la preuve montre finalement que la perception de Mme Khalifa était erronée. M. Currie a effectivement durci le ton à l'égard de Mme Khalifa, mais cela découlait directement du travail de Mme Khalifa ainsi que de son comportement avec sa superviseure immédiate, Mme Murphy. La situation de famille de Mme Khalifa n'est pas entrée en ligne de compte, que ce soit dans la façon dont elle a été traitée en tant qu'employée ou dans la décision ayant finalement conduit à la résiliation de son contrat.

    [107] Pour tous ces motifs, je conclus que la plainte pour discrimination que Mme Khalifa a présentée en application de l'alinéa 7a) de la LCDP n'est pas fondée.

    III. Quel est l'état du droit concernant la plainte de Mme Khalifa pour harcèlement?

    [108] Aux termes de l'alinéa 14(1)c) de la LCDP, constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu en matière d'emploi.

    [109] Au sens de la LCDP, le harcèlement est une conduite non sollicitée fondée sur un motif de distinction illicite, laquelle a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d'emploi pour les victimes (Janzen c.

  • Platy Entreprises Ltd
  • ., [1989] 1 R.C.S. 1252, à la page 1284; Rampersadsingh c. Wignall (n° 2) (2002), 45 C.H.R.R. D/237, au paragraphe 40 (T.C.D.P.)). Dans la décision Canada (CDP) c. Canada (Forces armées) et Franke, [1999] 3 F.C. 653, aux paragraphes 29 à 50 (1re inst.) (Franke), madame la juge Tremblay-Lamer a défini le critère permettant d'établir qu'il y a eu harcèlement au regard de la LCDP. Pour qu'une plainte soit fondée, il faut démontrer :
    1. que la conduite que l'intimé a adoptée est liée au motif de distinction illicite allégué dans la plainte;
    2. que les actes faisant l'objet de la plainte n'étaient pas sollicités;
    3. qu'il y a eu un élément de persistance ou de répétition dans la conduite reprochée. Toutefois, en certaines circonstances, un seul incident peut être suffisamment grave pour instaurer un environnement hostile. Cet élément doit faire l'objet d'une analyse de la part d'une personne objective et raisonnable;
    4. que quand une plainte est déposée à l'encontre d'un employeur en ce qui a trait à la conduite d'un de ses employés, la victime du harcèlement a, si possible, avisé l'employeur de la conduite prétendument offensante.

    A. Mme Khalifa a-t-elle rempli toutes les conditions nécessaires pour fonder sa plainte de harcèlement?

    [110] La plaignante a affirmé que Mme Murphy et M. Currie l'avaient harcelée en raison de sa situation de famille. Les incidents sur lesquels elle appuie ses allégations sont les suivants :

    • En avril 2005, quand Mme Khalifa a dû partir du bureau après avoir reçu un appel, Mme Murphy a déclaré qu'en tant que mère célibataire, elle devrait envisager de trouver du travail ailleurs, dans un endroit [TRADUCTION] qui conviendrait mieux à une mère célibataire.
    • Quand Mme Khalifa parlait d'activités auxquelles ses enfants avaient pris part, Mme Murphy soupirait bruyamment ou levait les yeux au ciel. Après un de ces incidents, Mme Murphy a déclaré que dans son cas, il était acceptable de travailler parce qu'elle avait le soutien de son mari, ce qui n'était pas le cas de Mme Khalifa.
    • M. Currie a invité Mme Khalifa dans son bureau et lui a posé des questions personnelles au sujet de l'endroit où elle vivait et de ses difficultés en tant que mère célibataire. Il lui a aussi dit de chercher un autre travail convenant mieux à sa [TRADUCTION] situation familiale.

    [111] Je ne suis pas convaincu que la preuve confirme que ces incidents se soient déroulés de la manière exacte dont Mme Khalifa les a décrits. En ce qui a trait au commentaire fait en avril 2005 par exemple, M. Jaques ne se rappelait pas que Mme Khalifa ait été bouleversée par des remarques relatives à sa situation de mère célibataire, mais plutôt par les [TRADUCTION] temps difficiles qu'elle connaissait sous la supervision de Mme Murphy. Cela est cohérent avec les témoignages de M. Currie et de Mme Murphy concernant la [TRADUCTION] supervision étroite qu'ils avaient instaurée et à l'égard de laquelle Mme Khalifa avait des objections.

    [112] Comme je l'ai mentionné plus tôt, j'ai conclu que Mme Murphy avait été un témoin très crédible. Elle a nié avoir dit à Mme Khalifa qu'elle devrait travailler ailleurs parce qu'elle était une mère célibataire. Toutefois, Mme Murphy s'est souvenue que Mme Khalifa ait mentionné envisager d'accepter un poste auprès d'un autre organisme pendant cette période, ce à quoi Mme Murphy aurait répondu qu'elle l'encourageait à explorer cette possibilité. Mme Murphy a soutenu ne pas avoir levé les yeux au ciel ou soupiré quand il était question de sujets d'ordre familial, contrairement à ce que Mme Khalifa a prétendu. Elle a également nié avoir dit que dans son propre cas, contrairement à Mme Khalifa, il était acceptable de travailler parce qu'elle était mariée et qu'elle bénéficiait du soutien de son mari.

    [113] M. Currie, pour sa part, a nié avoir dit à Mme Khalifa de [TRADUCTION] chercher un autre emploi, mais il a reconnu lui avoir dit que considérant qu'elle était malheureuse au travail, elle pourrait vouloir envisager de travailler à un endroit qui la rendrait [TRADUCTION] plus heureuse. Il a également admis lui avoir demandé comment sa famille allait un jour où il avait remarqué qu'elle était troublée. Quand Mme Khalifa lui a dit que ces questions la mettaient mal à l'aise, il lui a présenté ses excuses et n'a pas insisté. Il est intéressant que M. Currie ait tout de suite reconnu avoir formulé ces remarques, et je trouve que sa franchise ajoute du crédit à l'ensemble de son témoignage. En outre, il a déclaré que Mme Khalifa lui avait demandé de ne plus aborder le sujet avec elle, ce qui est cohérent avec le témoignage de Mme Khalifa elle même, selon lequel Mme McCurdie lui aurait précisément conseillé d'agir ainsi si M. Currie lui parlait de quelque chose qui ne lui convenait pas.

    [114] Compte tenu des différences existant entre le témoignage de Mme Khalifa et celui des autres témoins, et considérant la conclusion que j'ai tirée plus tôt relativement au témoignage de Mme Murphy, qui s'est montrée particulièrement crédible, je ne suis pas convaincu que les incidents au cours desquels Mme Khalifa aurait été victime de harcèlement se soient déroulés exactement comme elle l'a prétendu.

    [115] Toutefois, même si les incidents de harcèlement se sont passés comme Mme Khalifa l'a prétendu, je conclus que les incidents allégués n'établissent pas qu'il y a eu un élément de persistance ou de répétition, ce qu'il est nécessaire d'établir pour fonder une plainte de harcèlement. Sur une base raisonnable et objective, le fait que Mme Murphy ait levé les yeux au ciel et soupiré, même si on l'associe au fait que M. Currie ait posé à Mme Khalifa des questions au sujet de sa famille à une ou deux reprises et au fait que Mme Murphy ait prétendument fait remarquer à Mme Khalifa qu'elle devrait envisager de travailler ailleurs ne permettent pas de remplir la troisième condition du critère défini dans la décision Franke. Même s'il est possible que Mme Khalifa ait perçu la situation comme étant déstabilisante, une personne raisonnable n'aurait pas considéré qu'une telle conduite avait eu un effet défavorable sur le milieu de travail ou avait instauré un environnement hostile. Plus particulièrement, je conclus que dans le contexte où M. Currie a formulé ses commentaires relatifs à la famille de Mme Khalifa, une personne raisonnable n'aurait pas considéré ces commentaires comme étant autre chose qu'un effort de sa part de faire preuve d'empathie à l'égard de la situation qui avait pu la troubler. Quoi qu'il en soit, il a mis fin à ses questions quand Mme Khalifa l'en a prié.

    [116] Pour finir, je conclus que la preuve ne confirme pas que les épisodes de harcèlement dont Mme Khalifa s'est plainte se sont produits de la manière dont elle les a relatés. En outre, les évènements, même s'ils se sont produits comme Mme Khalifa l'a allégué, n'étaient pas suffisamment répétitifs, persistants ou sérieux pour constituer du harcèlement au sens de la LCDP.

    [117] Pour ces motifs, je conclus que les allégations de harcèlement formulées par Mme Khalifa en application de l'article 14 de la LCDP n'étaient pas non plus fondées. Sa plainte est par conséquent rejetée.

    Signée par

    Athanasios D. Hadjis

    OTTAWA (Ontario)

    Le 24 août 2010

    PARTIES AU DOSSIER

    DOSSIER DU TRIBUNAL :

    T1334/6408

    INTITULÉ DE LA CAUSE :

    Melissa Khalifa c. Pétrole et gaz des indiens du Canada

    DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

    Les 17, 18, 19, 20, 21 août 2009

    le 26 août 2009 via vidéconférence entre Calgary (Alberta) et Ottawa (Ontario).

    DATE DE LA DÉCISION
    DU TRIBUNAL :

    le 24 août 2010

    ONT COMPARU :

    Melissa Khalifa

    Pour elle-même

    (Aucune représentation)

    Pour la Commission canadienne des droits de la personne

    Raymond Lee / Frank Durnford

    Pour l'intimée

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