Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

LUCE BLONDIN

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

COURRIER PUROLATOR LTE

l'intime

DCISION CONCERNANT LA MODIFICATION DE LA PLAINTE

2005 TCDP 7
2005/02/09

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

[1] La plaignante a prsent une requte visant modifier la plainte initiale qu'elle a dpose auprs de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) le 12 janvier 2003. La plaignante prtend dans sa plainte que son employeur, l'intime, a fait de la discrimination son endroit en raison de son tat matrimonial, en contravention de l'article 7 de la Loi. L'poux de la plaignante, qui travaillait galement pour l'intime, a t congdi en novembre 2001. Il a par la suite intent une poursuite pour contester son congdiement. La plaignante prtend que, le 12 juin 2002, l'intime a rduit ses droits d'anciennet parce que son poux avait poursuivi l'intime. La Commission a renvoy la plainte au Tribunal le 19 aot 2004.

[2] Le 22 novembre 2004, la plaignante a crit au greffe du Tribunal pour demander que sa plainte soit modifie afin d'inclure une allgation selon laquelle l'intime avait exerc des reprsailles son endroit en contravention de l'article 14.1 de la Loi. Elle expliquait dans sa lettre que, depuis 2003, elle a dpos plusieurs plaintes auprs de l'intime l'gard de nombreuses questions se rapportant son emploi. Elle prtend que l'intime a choisi de ne pas traiter des proccupations exposes dans ses plaintes par reprsailles son endroit parce qu'elle avait dpos une plainte relative aux droits de la personne.

[3] Le 12 novembre 2004, l'intime a congdi la plaignante. Elle prtend qu'elle a t congdie par reprsailles en raison de sa plainte relative aux droits de la personne et elle fait remarquer que la dcision de l'intime a t prise seulement quelques mois aprs que la Commission eut renvoy sa plainte au Tribunal.

[4] Le congdiement est survenu peu aprs que la plaignante eut protest auprs de l'intime le 25 octobre 2004 l'gard de la mauvaise conduite allgue de plusieurs autres employs. L'intime a dclar dans son avis de congdiement la plaignante qu'il avait t dmontr que ses accusations taient non fondes et diffamatoires et avaient t faites avec la seule intention de discrditer les employs en question. L'intime jugeait ce comportement inacceptable et a congdi la plaignante sans autre avis ou dlai.

[5] L'intime conteste la requte visant modifier la plainte relative aux droits de la personne. L'intime prtend que les nouvelles allgations de la plaignante sont non fondes et que, de toute faon, la question du congdiement de la plaignante n'a absolument aucun rapport avec la plainte relative aux droits de la personne. Selon ce que l'intime prtend, elle a t congdie non pas en raison de sa plainte, mais cause de la propagation de commentaires diffamatoires l'endroit d'autres employs de son lieu de travail. La plaignante prtend que cette explication est simplement un prtexte invoqu pour camoufler la vritable intention de l'intime, savoir se dbarrasser de la plaignante et de sa plainte relative aux droits de la personne en la congdiant directement.

[6] Comme il a t mentionn dans la dcision Bressette c. Kettle and Stoney Point First Nation Band Council, 2004 TCDP 2, au paragraphe 16, le Tribunal ne devrait pas, lorsqu'il value la question de savoir s'il doit accueillir une requte visant modifier une plainte, se lancer dans un examen approfondi du bien-fond de la modification. Un tel examen ne devrait tre effectu qu'aprs que le Tribunal a reu toute la preuve la suite d'une audience complte. Une modification devrait tre autorise sauf s'il est clair et vident que les allgations nonces cet gard ne peuvent possiblement pas tre acceptes.

[7] Dans la prsente affaire, il ne me semble pas clair et vident que la plaignante serait incapable d'tablir qu'elle a t congdie par reprsailles sa plainte relative aux droits de la personne. Compte tenu des allgations comme elles ont t faites, rien n'empche qu'elle puisse dmontrer que les reprsailles constituaient au moins l'un des facteurs de son congdiement.

[8] L'intime conteste l'affirmation de la plaignante selon laquelle les proccupations qu'elle avait souleves avant son congdiement n'ont jamais t traites. L'intime prtend au contraire qu'un bon nombre de ces questions ont t traites par le processus de grief ou autrement. L'intime peut certainement soulever ces points devant le Tribunal qui examine le fond de la plainte relative aux droits de la personne, mais ces points ne font pas qu'il est clair et vident que les allgations modifies de la plaignante ne seront pas fondes.

[9] De la mme faon, l'intime a mentionn dans ses observations crites qu'un grief avait t prsent au nom de la plaignante afin de contester son congdiement, grief dont l'issue tablira si son congdiement tait injustifi. L'intime semblait insinuer que toutes les proccupations de la plaignante seraient traites de cette manire. Cependant, il est loin d'tre certain que l'arbitre de griefs tirera des conclusions quant la question de savoir si l'article 14.1 de la Loi a t enfreint. Il n'est par consquent pas clair et vident que la plaignante sera empche d'tablir devant le Tribunal que ses allgations de reprsailles sont bien fondes.

[10] Dans ses observations, l'intime a renvoy la dcision du Tribunal Uzoaba c. Canada (Service correctionnel) (1994), 26 C.H.R.R D/361 (T.C.D.P.), confirme par (1995), 26 C.H.R.R. D/428 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, la Commission tentait de fournir des lments de preuve qui remontaient aussi loin que vingt ans avant la date de la plainte relative aux droits de la personne et qui se rapportaient des incidents qui n'taient pas expressment mentionns dans la plainte. Le Tribunal a conclu que compte tenu de l'coulement du temps et du vague souvenir que les tmoins avaient, de faon comprhensible, l'gard des vnements en question, il aurait t injuste d'accepter ces lments de preuve. L'intime prtend qu'il y aurait de la mme faon un prjudice pour elle si la porte de la prsente affaire s'tendait de faon inclure les allgations de reprsailles.

[11] Cette prtention ne me convainc pas. La situation dans la prsente affaire n'est d'aucune faon similaire celle dcrite dans la dcision Uzoaba. Tous les incidents de reprsailles allgus dans la modification de la plaignante sont survenus aprs le dpt de la plainte et, en fait, il serait facile pour les tmoins de se souvenir de ces incidents plutt que de ceux se rapportant la plainte actuelle. En outre, la prsente affaire ne consiste pas tellement tendre la porte de la cause, mais plutt inclure une allgation additionnelle de discrimination qui par dfinition se rapporte directement l'actuelle plainte relative aux droits de la personne. Comme il a t mentionn dans la dcision Bressette, des individus ne devraient pas tre obligs de faire des allgations l'gard de reprsailles survenues aprs le dpt d'une plainte au moyen de procdures distinctes. Le bon sens veut que toutes ces allgations soient soumises au Tribunal en mme temps.

[12] De plus, l'volution de la prsente affaire, de son renvoi jusqu' l'audience, est encore ses premires tapes. Les parties doivent encore changer leur expos de prcisions et fournir leur divulgation, conformment aux Rgles de procdure du Tribunal. De plus, la date de l'audience elle-mme n'est pas fixe. Par consquent, je suis d'avis que l'intime recevra un avis adquat l'gard de ce qu'il doit dmontrer et qu'il ne subira pas injustement un prjudice si la modification est autorise.

[13] La requte visant modifier la plainte initiale prsente par la plaignante afin d'y inclure une allgation l'gard de reprsailles suivant l'article 14.1 de la Loi est par consquent accueillie.

Sign par
Athanasios D. Hadjis

Ottawa (Ontario)

Le 9 fvrier 2005

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T982/10204

INTITUL DE LA CAUSE :

Luce Blondin c. Courrier Purolator Lte.

DATE DE LA DCISION DU TRIBUNAL :

Le 9 fvrier 2005

ONT COMPARU :

Luce Blondin

en son propre nom

Franois Lumbu

au nom de la Commission canadienne des droits de la personne

Nicola Di Iorio

au nom de l'intime

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