Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

CHARLES A. BREAST

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

PREMIÉRE NATION DE WHITEFISH LAKE # 128

l'intimée

DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Shirish P. Chotalia, c.r. 2010 TCDP 10
2010/05/07

I. LA PLAINTE

A. A. Déficience physique et situation de famille - emploi

II. LES CONCLUSIONS DE FAIT

A. Conclusions en l'espèce

(i) Congé médical

(ii) Billet médical exigé pour le retour au travail

(iii) Contenu des documents médicaux requis pour le retour au travail

B. Les faits non contestés et l'accès à la justice

C. Désaccord au sujet des questions de fait

III. LE DROIT

A. Établissement d'une preuve prima facie de discrimination

B. Défenses

C. La preuve

IV. ANALYSE

A. Situation de famille

(i) Traitement différent préjudiciable en milieu de travail

a) Aucune preuve prima facie établie et explication raisonnable fournie

B. Déficience

(i) Traitement défavorable

a) Preuve prima facie établie

b) M. Breast n'a pas facilité le processus d'accommodement

(ii) Les renseignements médicaux

a) Whitefish a offert une mesure d'accommodement raisonnable - le poste substitut vacant de conducteur de camion d'égout

(iii) Licenciement

a) Aucune preuve prima facie établie

V. DÉCISION

I. LA PLAINTE

A. A. Déficience physique et situation de famille - emploi

[1] Le plaignant, Charles Breast, est un membre de la Première Nation de Whitefish Lake no 128 (Whitefish ), située à 220 kilomètres au nord-est d'Edmonton (Alberta). M. Breast est diabétique. Pendant environ 13 ans, il a conduit le camion d'eau et les autobus scolaires de Whitefish. En janvier 2007, il a subi une perte temporaire de la vision dans son il droit. Il a demandé un congé du travail, qu'il a obtenu. À la fin avril 2007, M. Breast a tenté de retourner au travail, soutenant que sa vision était revenue à la normale. M. Breast déclare que lorsqu'il a approché les employés de Whitefish afin de discuter de son retour au travail, il a été menacé et on lui a dit qu'il n'était plus le bienvenu. Depuis ce moment, Whitefish a demandé à M. Breast de fournir des renseignements médicaux précis afin qu'il puisse retourner au travail. À la fin juillet 2007, M. Breast a donné à Whitefish une note de son médecin à l'appui de son désir de retourner au travail. Whitefish a alors demandé d'autres précisions médicales, que M. Breast a fournies en juillet 2008. Peu après la réception de ces précisions, Whitefish lui a offert, sous conditions, un poste de conducteur de camion d'égout. M. Breast a rejeté cette offre.

[2] M. Breast soutient que Whitefish a exercé à son endroit de la discrimination du fait de sa déficience en refusant de lui redonner son emploi et en le congédiant de façon déguisée. Il fait aussi valoir que Whitefish a fait preuve de discrimination envers lui du fait de sa situation de famille en donnant son poste de conducteur de camion d'eau au frère de l'ancien chef.

II. LES CONCLUSIONS DE FAIT

A. Conclusions en l'espèce

(i) Congé médical

[3] M. Breast conduisait de gros camions pour transporter de l'eau et il travaillait souvent seul. Il travaillait environ 13 à 14 heures par jour. Le poste comprenait parfois le fait de conduire des autobus scolaires. Il conduisait alors des autobus scolaires de la plus petite à la plus grande taille, transportant de 20 à 60 enfants âgés de 15 à 16 ans.

[4] Le 8 janvier 2007, il terminait le transport du matin par autobus scolaire et, après avoir laissé les enfants à l'école, il est retourné à la maison pour dîner. Soudainement, il a perdu sa vision dans son il droit, sans avertissement ou symptôme. Il a communiqué avec les employés de Whitefish et a déclaré : [TRADUCTION] Il y a quelque chose qui ne va pas avec mon il... Trouvez quelqu'un d'autre... Je ne peux pas le faire... Il a déclaré qu'il ne conduirait plus jusqu'à ce que sa vision revienne à la normale.

[5] Cleo Hunter était le superviseur de M. Breast. M. Hunter était responsable des travaux publics de Whitefish et il supervisait les conducteurs. Peu après le 8 janvier 2007, lorsqu'il est devenu évident que M. Breast ne reviendrait pas au travail dans un avenir proche, il a pris des mesures pour trouver un conducteur de relève pour occuper le poste. M. Hunter a téléphoné à Walter Houle et lui a demandé de travailler comme conducteur de relève pour le camion d'eau de façon temporaire. La livraison de l'eau est un service essentiel à Whitefish. En décembre 2007, Walter Houle avait communiqué avec M. Hunter pour lui dire qu'il se portait volontaire comme conducteur de relève pour Whitefish si nécessaire. Walter Houle était le frère du chef à l'époque, M. Tom Houle.

[6] Au même moment, M. Breast a communiqué avec son médecin, qui l'a renvoyé à un spécialiste. Le 8 février 2007, M. Breast a rencontré le spécialiste. Ce dernier a confirmé qu'il souffrait de paralysie du nerf oculomoteur causée par son diabète. La paralysie du nerf oculomoteur causée par le diabète est une complication du diabète mal soigné. Il s'agit du trouble le plus commun des nerfs crâniens chez les personnes souffrant de diabète. Les patients se plaignent parfois de vision double qui apparaît soudainement, de l'abaissement d'une paupière ou de douleur à la tête ou derrière l'il. Il n'existe aucun traitement précis pour soigner la blessure au nerf. Le traitement principal consiste à contrôler de près les niveaux de glycémie. Parfois, on applique un pansement oculaire. Bien que de nombreux patients voient une amélioration avec le temps, certains souffrent de faiblesse permanente au muscle oculaire. Le spécialiste ne pouvait pas dire à M. Breast à quel moment son il guérirait. Le spécialiste lui a donné une note d'une seule ligne qui précisait : [TRADUCTION] En raison de son état de santé, M. Breast ne peut pas conduire de véhicule motorisé . Il n'y avait aucune précision au sujet de l'état exact de M. Breast ou au sujet de savoir s'il s'agissait d'un état temporaire ou permanent. La note était datée du 8 février 2007. M. Breast a donné cette note à Whitefish, qui lui a alors accordé un congé de maladie sans date prévue de retour.

[7] Peu après avoir reçu cette note, M. Hunter a affiché un avis pendant deux semaines au bureau de Whitefish, dans les deux magasins de Whitefish et au centre de santé, demandant des candidats pour le poste de conducteur de camion d'eau. Il n'a reçu qu'une candidature, celle de Walter Houle. Comme Walter Houle avait fait du bon travail en tant que conducteur de camion d'eau temporaire, M. Hunter l'a embauché. Il n'a pas consulté le chef et le Conseil et il a pris cette décision lui-même. Compte tenu du climat économique à l'époque, Whitefish avait de la difficulté à embaucher et à garder des conducteurs, que ce soit pour le camion d'eau ou le camion d'égout. M. Hunter a avisé le chef et le Conseil de l'embauche seulement après qu'il eut embauché Walter Houle. Ni le chef ni le Conseil n'a dit à M. Hunter d'embaucher Walter Houle.

(ii) Billet médical exigé pour le retour au travail

[8] En avril 2007, M. Breast a recouvré sa vision. À la fin d'avril 2007, M. Breast a dit à M. Hunter qu'il était prêt à retourner au travail et M. Hunter lui a dit qu'il devait obtenir [TRADUCTION] l'accord du médecin afin de prouver qu'il était en état de revenir au travail. M. Breast lui a dit qu'il ne pouvait pas fournir une telle note à Whitefish parce qu'il avait eu recours à un guérisseur. M. Hunter lui a dit qu'il y avait une ouverture pour le poste de conducteur de camion d'égout et que cet emploi [TRADUCTION] lui était ouvert s'il obtenait un billet médical confirmant qu'il pouvait retourner au travail. Le salaire et les avantages du poste de conducteur de camion d'égout et de celui de conducteur de camion d'eau sont les mêmes. Le poste de conducteur de camion d'égout comprenait la manutention d'eaux sanitaires et l'exposition occasionnelle à des odeurs déplaisantes.

[9] M. Breast n'était pas satisfait de cette offre. Vers le 27 avril 2007, il a téléphoné au chef Houle, qui au moment de l'audience était un conseiller de Whitefish. M. Breast lui a dit qu'il souhaitait retourner au travail et qu'il ne pouvait pas obtenir de billet médical parce qu'il voyait un guérisseur. Le chef Houle lui a dit : [TRADUCTION] Charles, tu n'as pas besoin de lui dire que tu vois un guérisseur. Tu peux subir un examen médical en tout temps. M. Breast a aussi dit au chef que M. Hunter lui avait offert le poste de conducteur de camion d'égout et qu'il était [TRADUCTION] rétrogradé . La réception téléphonique du cellulaire était mauvaise pendant l'appel et, à ce moment, la réception a été coupée. Le chef Houle est sorti et a téléphoné à M. Hunter. Le chef Houle a témoigné qu'il avait demandé à M. Hunter de lui dire quel était l'état du poste de conducteur de camion d'eau parce qu'il [TRADUCTION] ne savait pas ce qui se passait . M. Hunter a dit au chef Houle que [TRADUCTION] nous avons affiché le poste et que [TRADUCTION] Wally conduit le camion . Le chef Houle lui a demandé : [TRADUCTION] Est ce qu'il y a un autre poste que nous pouvons donner à Charles? M. Hunter lui a dit qu'il y avait effectivement une ouverture pour le poste de conducteur de camion d'égout, sous condition que M. Breast obtienne un billet médical. M. Hunter a mentionné que comme M. Breast avait pris un congé médical, il devait fournir un billet médical pour retourner au travail.

[10] Le même jour, M. Breast a téléphoné à un certain nombre d'autres membres du Conseil pour essayer de retourner au travail sans fournir de billet médical. Il a téléphoné au conseiller James Jackson (qui était chef au moment de la présente audience). M. Jackson lui a dit de présenter quelque chose pour prouver qu'il était [TRADUCTION] apte au travail . M. Breast lui a expliqué qu'il voyait un guérisseur traditionnel. M. Jackson l'a renvoyé à M. Hunter et à M. Steinhauer, l'administrateur des ressources humaines de Whitefish, parce que le Conseil ne s'immisçait pas dans les questions individuelles d'emploi. M. Breast a alors communiqué avec le conseiller Sandy Jackson au sujet des mêmes questions et lui a dit qu'il avait eu recours à un guérisseur. M. Sandy Jackson a témoigné qu'il lui avait dit de présenter un billet médical pour pouvoir retourner au travail parce que [TRADUCTION] la Première Nation demande un certificat médical .

[11] Pendant son absence, M. Breast a subi des difficultés financières personnelles. Peu de temps après leur conversation téléphonique, le chef Houle s'est rendu au domicile de M. Breast pour essayer de l'aider. Le chef a communiqué avec un travailleur social pour lui demander de l'aide. Le travailleur social a dit au chef Houle qu'il avait suivi la politique en place et qu'il ne pouvait plus rien faire pour M. Breast. Le chef Houle a donné à M. Breast de l'argent, dans ses mots, [TRADUCTION] pour mettre de la nourriture sur la table .

[12] À un certain moment après le 26 avril 2007, M. Breast a découvert que le poste de conducteur de camion d'eau avait été donné à Walter Houle, mais il n'a pas soulevé ce point auprès de Whitefish avant qu'il dépose sa plainte en janvier 2008. M. Breast lui-même était parent avec de nombreuses personnes dans la communauté de Whitefish, y compris au moins trois membres du Conseil en date de l'audience. Les employés de Whitefish étaient constitués d'environ 130 personnes, et bon nombre d'entre elles sont des membres de la Première Nation de Whitefish. De nombreux membres et employés sont parents avec d'autres membres ou employés, par les liens du sang ou du mariage.

(iii) Contenu des documents médicaux requis pour le retour au travail

[13] [13] À la fin juillet, M. Breast a donné à Whitefish un billet médical daté du 27 juillet 2007, signé par son médecin, qui expliquait en une phrase ce qui suit : [TRADUCTION] Cette lettre vise à confirmer que M. Charles Breast est apte au travail depuis le 26 avril 2007 . Peu de temps après, le 31 juillet 2007, Melvin Steinhauer a envoyé à M. Breast une lettre à laquelle était annexé un formulaire 17 intitulé [TRADUCTION] Demande de renseignements médicaux . Le formulaire 17 demandait au médecin de décrire la nature de l'état de l'employé. Le médecin devait aussi décrire tous les symptômes ou toutes les caractéristiques de l'état qui pourraient nuire à la capacité de l'employé à effectuer ses tâches régulières ainsi qu'à la capacité de l'employé à se présenter au travail de façon régulière. Le formulaire demandait au médecin de préciser si les symptômes ou les caractéristiques de l'état qui pouvaient nuire au rendement de l'employé ou à la présence de l'employé au travail pouvaient être gérés ou contrôlés adéquatement par des médicaments, des traitements ou d'autres façons, et le cas échéant, dans quelle mesure. On demandait au médecin le pronostic de l'état de santé de l'employé, à savoir s'il s'agissait d'un état permanent ou temporaire, s'il était probable que cet état s'améliore et en combien de temps. Le formulaire demandait si les symptômes de l'état pouvaient s'aggraver et, le cas échéant, de décrire toute répercussion prévue sur la capacité de l'employé à effectuer ses tâches ou à se présenter au travail. Au haut du formulaire, le médecin devait inscrire le titre du poste en question. Le formulaire demandait aussi l'avis du médecin au sujet des mesures précises (médicaments, traitements, adaptations en milieu de travail) qui permettraient à l'employé d'effectuer adéquatement les tâches essentielles du poste (y compris, mais sans s'y limiter, le maintien d'un niveau de présence au travail qui permettrait à l'employé d'effectuer les tâches essentielles). Enfin, on y demandait tout renseignement additionnel qui, selon l'avis du médecin, pourrait aider à tenter d'accommoder de façon adéquate l'employé en milieu de travail.

[14] Dans la lettre d'accompagnement, M. Steinhauer demandait à M. Breast de présenter le formulaire à son médecin avec une copie de la lettre, afin que Whitefish puisse obtenir les renseignements nécessaires pour confirmer qu'il était apte au travail à titre de conducteur. La lettre confirmait que cette demande était conforme aux nouvelles politiques en matière d'emploi récemment établies. M. Steinhauer confirmait aussi dans la lettre que lorsque Whitefish recevrait les renseignements médicaux du formulaire 17 prouvant son aptitude au travail, Whitefish rendrait à M. Breast un emploi à titre de conducteur de camion d'égout, qui comportait le même salaire et les mêmes avantages sociaux qu'il recevait avant son congé.

[15] Dans la même lettre, M. Steinhauer a confirmé que M. Breast avait avisé Whitefish qu'il avait eu recours à un guérisseur et qu'il croyait être était apte à retourner au travail. La lettre précisait que l'une des causes de son congé de maladie était liée à ses difficultés à maintenir son niveau de glycémie. À ce sujet, Whitefish avait besoin de renseignements supplémentaires de son médecin au sujet de la façon dont ce problème était géré. Whitefish a confirmé que le poste de conducteur était un poste où la sécurité est primordiale et que Whitefish devait garantir la sécurité de M. Breast ainsi que la sécurité des autres et qu'elle devait gérer toute responsabilité qui pouvait en découler.

[16] Le 31 juillet 2007, Whitefish se préparait à établir des politiques en matière d'emploi qui portaient sur les questions d'accommodement. Les politiques et le formulaire 17 ont officiellement été approuvés par le Conseil de Whitefish le 31 août 2007. Selon ces politiques, les employés avaient l'obligation de fournir à Whitefish un avis raisonnable pour tout besoin d'accommodement. Les employés devaient aussi présenter un rapport de leur médecin comprenant suffisamment de renseignements pertinents pour permettre à Whitefish de vérifier le besoin en matière d'accommodement. Dans la plupart des cas, un formulaire 17 de Demande de renseignements médicaux rempli était suffisant. Les employés devaient rencontrer l'administrateur des ressources humaines pour discuter des options d'accommodement et devaient participer à ces discussions de bonne foi. Les politiques précisaient que les employés devaient accepter un accommodement raisonnable.

[17] Le 6 septembre 2007, M. Breast a envoyé à Alberta Driver Fitness un rapport médical confirmant que son diabète était stable. Le 7 septembre 2007, Alberta Driver Fitness a écrit à M. Breast pour l'aviser qu'elle approuvait qu'il continue à conduire un camion, à la condition qu'il soumette un rapport annuel au sujet de son diabète et qu'il porte les verres correcteurs adéquats. Cependant, M. Breast n'a pas donné cette lettre à Whitefish.

[18] Le 22 janvier 2008, M. Breast a déposé la plainte en l'espèce. L'avocat de Whitefish, après cette date, a demandé plusieurs fois à M. Breast de présenter le formulaire 17 rempli. Le 26 juin 2008, Whitefish a de nouveau demandé les renseignements et a indiqué qu'elle tentait de travailler avec la Commission afin de résoudre la plainte. M. Breast a vu son médecin et a fait remplir le formulaire le 7 juillet 2008 pour le poste de conducteur . La Commission a ensuite transféré le formulaire à l'avocat de Whitefish le 10 juillet 2008. Le formulaire 17 confirmait que le diabète de M. Breast était bien contrôlé, qu'il n'avait pas de symptômes persistants, que la paralysie du nerf oculomoteur s'était résorbée et que sa vision était revenue. Le formulaire confirmait que la blessure au nerf était temporaire et que l'état de M. Breast ne devrait pas s'aggraver. Dans une des sections intitulée [TRADUCTION] Accommodements , le formulaire demandait au médecin de préciser s'il fallait mettre en place des mesures précise pour permettre à M. Breast d'effectuer les tâches essentielles de son travail et le médecin a inscrit qu'aucune mesure n'était nécessaire.

[19] Le 16 juillet 2008, Whitefish a écrit à M. Breast pour accuser réception du formulaire 17. Elle a aussi confirmé qu'elle avait reçu une copie de la lettre d'Alberta Driver Fitness qui approuvait sous condition qu'il continue de travailler comme conducteur de véhicule motorisé. Compte tenu de ces renseignements, Whitefish a offert à M. Breast le poste de conducteur de camion d'égout sous quatre conditions. M. Breast devait :

  1. contrôler son niveau de glycémie à tous les jours et au moins toutes les quatre heures lorsqu'il travaillait;
  2. ne pas conduire si son niveau de glycémie était bas et aviser immédiatement son superviseur de toute situation d'hypoglycémie;
  3. garder de la nourriture d'urgence dans son camion en tout temps;
  4. fournir le rapport annuel sur son état de santé et son diabète requis par Alberta Driver Fitness à titre de condition pour qu'il puisse garder son permis de conducteur de camion.

Dans la lettre se trouvait ensuite un paragraphe où M. Breast devait signer, indiquant ainsi qu'il acceptait les conditions de la lettre et acceptait de reprendre le travail en fonction de ces conditions.

[20] M. Breast a discuté de la lettre avec sa femme. Il a témoigné qu'il ne voyait pas de problème avec ces conditions, puisqu'il contrôlait déjà son taux de glycémie deux fois par jour et qu'il ne conduirait pas si son taux de glycémie était bas. De plus, il apportait toujours son goûter avec lui et il respectait les conditions d'Alberta Driver Fitness. Mme Breast a témoigné qu'elle avait imploré son mari : [TRADUCTION] Prends l'emploi [...] regarde comment nous vivons.

[21] Par conséquent, à la fin juillet 2008, M. Breast et son épouse ont rencontré Melvin Steinhauer afin de discuter du retour au travail de M. Breast. Cependant, lorsque ce dernier a rencontré M. Steinhauer dans son bureau, il lui a dit que Whitefish n'avait pas le droit de lui imposer des conditions médicales puisque seul son médecin pouvait lui dire quoi faire. M. Breast lui a dit qu'il ne voulait pas du poste de conducteur de camion d'égout et il a refusé de signer la lettre d'acceptation de poste. M. Steinhauer était mécontent parce qu'il avait espéré que M. Breast était venu le rencontrer pour accepter le poste et les conditions. M. Breast s'est aussi fâché. M. Steinhauer a pointé M. Breast du doigt et a secoué son doigt en lui disant de se calmer. M. Steinhauer a alors dit merci à Mme Breast et le couple a quitté son bureau.

[22] M. Breast n'a jamais signé la lettre acceptant le poste de conducteur de camion d'égout sous les conditions précisées.

[23] À la fin août 2008, M. Breast a déposé une plainte en vertu du Code canadien du travail, dans laquelle il soutenait qu'il n'avait pas reçu d'indemnité de départ ni d'indemnité de fin d'emploi de Whitefish, comme le Code l'exigeait.

B. Les faits non contestés et l'accès à la justice

[24] Grâce à une active gestion préparatoire à l'audience et une exploration des questions avec les avocats au début de l'audience, les avocats ont convenu d'un certain nombre de faits. De plus, les questions ont été ramenées à quelques questions distinctes. Les conférences préparatoires à l'audience ont permis de raccourcir à une semaine une affaire qui aurait duré au moins deux semaines. L'entente sur les faits et la précision des questions lors de l'instruction a aussi permis d'accélérer l'audience, qui a duré deux jours plutôt que les cinq jours prévus. De plus, la preuve médicale du médecin de famille de M. Breast et de son spécialiste ainsi que celle de l'expert de Whitefish, le Dr Francescutti, a été déposée sans que des assignations à témoigner soient envoyées à ces médecins, ce qui a aussi économisé des frais aux parties, qui auraient probablement eu à couvrir les frais nécessaires pour que les médecins témoignent. La preuve médicale été présentée pour établir la véracité de son contenu et les parties ont renoncé à leur droit respectif de contre interroger les médecins à ce sujet. En restreignant les questions à celles contestées, les parties ont accepté de réduire le témoignage des témoins et les arguments.

[25] De plus, du début de l'audience jusqu'à la conclusion, j'ai encouragé les parties à s'entendre à l'extérieur de l'audience, puisque la plainte avait été déposée par un membre de la Première Nation contre sa Première Nation. Malheureusement, les parties ne sont pas parvenues à une entente. Cependant, je reconnais que les deux avocats ont tenté de faciliter une entente tout au long de l'audience, et je les en remercie.

C. Désaccord au sujet des questions de fait

[26] En arrivant aux conclusions de fait ci-dessous, j'ai examiné attentivement toute la preuve. Il y avait des divergences entre le témoignage de M. Breast et celui des témoins de Whitefish, ainsi que dans la preuve documentaire. Lorsqu'il y avait divergence entre la preuve de M. Breast et les autres éléments de preuve, j'ai choisi d'accepter les autres éléments de preuve pour les raisons suivantes :

[27] M. Breast a témoigné qu'il ne se souvenait pas bien des événements importants. Il était incapable d'expliquer les divergences dans les dates et les heures, y compris celles qui faisaient partie de sa plainte. Par exemple, sa plainte est datée du 22 janvier 2008; pourtant, elle porte sur un événement qui a eu lieu après cette date. La plainte précise que M. Breast a apporté le formulaire 17 à son médecin. En fait, M. Breast a apporté le formulaire à son médecin vers le 7 juillet 2008 et le médecin l'a rempli le 7 juillet 2008, soit six mois après que la plainte eut été déposée. Un autre exemple encore plus pertinent se trouve dans la plainte, où M. Breast déclare que [TRADUCTION] mon congé médical n'a rien à voir avec mon diabète , soutenant plutôt qu'il avait pris congé en raison d'une infection à son il gauche. Cette déclaration affecte de façon défavorable sa crédibilité, puisque M. Breast savait, au moment où il a déposé sa plainte, que son problème à l'il était une paralysie du nerf oculomoteur causée par son diabète. À la première page de son formulaire de plainte, M. Breast a inscrit ses initiales à côté de la déclaration suivante : [TRADUCTION] J'ai de bons motifs de croire que j'ai été victime de discrimination. Je déclare que les renseignements suivants contenus dans ma plainte sont vrais au meilleur de ma connaissance.

[28] M. Breast a témoigné qu'il n'avait pas avisé Whitefish qu'il avait eu recours à un guérisseur. Ce témoignage a été contredit par celui du chef Houle, de James Jackson et de Sandy Jackson. Il a aussi été contredit par la lettre de M. Steinhauer, datée du 31 juillet 2007, dont la justesse n'a pas été contestée par M. Breast lorsqu'il l'a reçue ni lors de l'audience. De plus, une conclusion selon laquelle il a bel et bien avisé Whitefish qu'il avait eu recours à un guérisseur est raisonnable et cohérente compte tenu des autres éléments de preuve. Elle explique la première raison pour laquelle M. Breast n'a pas fourni à Whitefish un billet médical d'avril 2007 à juillet 2007 pour son retour au travail et pourquoi son billet médical du 27 juillet 2007 confirmait qu'il avait été apte au travail depuis le 26 avril 2007. Au départ, M. Breast ne croyait pas qu'il pourrait obtenir un billet médical.

[29] M. Breast a témoigné qu'il ne se souvenait pas si le formulaire 17 avait été annexé à la lettre du 31 juillet 2007 envoyée par M. Steinhauer. Compte tenu du libellé clair de la lettre et du témoignage des autres témoins, j'accepte que le formulaire 17 était annexé à cette lettre. Je conclus que M. Breast a été inexplicablement évasif au sujet de questions importantes à l'audience.

[30] En ce qui a trait aux allégations de M. Breast selon lesquelles, pendant la réunion de juillet 2008, M. Steinhauer l'aurait frappé agressivement trois fois sur le front avec son doigt, j'accepte le témoignage de Mme Breast plutôt que celui de son époux, puisque j'ai conclu que son témoignage était plus crédible que celui de M. Breast. Elle a témoigné en sa faveur et elle aurait pu exagérer son témoignage à l'avantage de son mari, mais elle ne l'a pas fait. Elle a témoigné que M. Steinhauer a secoué son doigt devant M. Breast.

[31] Je préfère aussi le témoignage du chef Houle à celui de M. Breast. J'ai conclu que le chef Houle est un témoin largement impartial et une personne qui a fait preuve, et qui fait encore preuve, de sympathie envers M. Breast. Il n'a montré aucune malveillance envers M. Breast. Il a tenté de l'aider et lui a dit de ne pas s'inquiéter du fait qu'il n'avait pas vu de médecin; qu'il pouvait obtenir un billet médical, même après le fait, pour retourner au travail. Le chef Houle a communiqué avec les employés de Whitefish pour se renseigner au sujet de l'état du poste de conducteur de camion d'eau et pour savoir s'il existait d'autres possibilités d'emploi pour M. Breast. Le chef Houle a rendu visite à M. Breast à son domicile pour lui prêter assistance et il l'a aidé financièrement et a tenté de convaincre un travailleur social de l'aider. Je conclus que le chef Houle était franc et direct et qu'il avait fait preuve d'une empathie sincère envers M. Breast lorsqu'il a témoigné que lui aussi avait conduit un camion, qu'il était aussi diabétique et qu'il devait se soumettre à des examens médicaux annuels. Par conséquent, j'accepte le témoignage de M. Hunter et celui du chef Houle selon lequel le chef et le Conseil ne participaient pas aux décisions individuelles en matière d'emploi et que le chef ne savait pas, en avril 2007, que son frère conduisait le camion d'eau de façon permanente à ce moment là.

[32] Finalement, je préfère le témoignage de M. Hunter à celui de M. Breast, parce que M. Hunter a été direct et franc, même lorsque son témoignage pouvait être vu comme négatif pour Whitefish. Par exemple, en contre-interrogatoire, on lui a demandé s'il était au courant de l'existence du formulaire 17 en avril 2007. Il a franchement répondu qu'il ne connaissait pas le formulaire 17 à cette époque, ou subséquemment, jusqu'à ce que l'avocat de Whitefish lui en parle en préparation pour l'audience. Il a aussi reconnu que d'autres conducteurs diabétiques n'avaient pas eu à présenter de formulaire 17, bien qu'il n'ait pas précisé à quel moment c'était le cas et si d'autres employés avaient pris un congé médical après juillet 2007. Par conséquent, bien qu'il aurait pu s'agir d'un témoignage dommageable pour l'intimée, la preuve a démontré que M. Breast était le premier employé à recevoir un formulaire 17, près de la date où le formulaire est entré en vigueur en juillet 2007. Il n'existe pas suffisamment d'autres éléments de preuve à savoir si d'autres employés, diabétiques ou non, avaient pris un congé de maladie et avaient tenté de retourner au travail et auraient donc eu à présenter un formulaire 17.

III. III LE DROIT

A. Établissement d'une preuve prima facie de discrimination

[33] L'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP ) dispose que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects, de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu ou de le défavoriser en cours d'emploi. La déficience fait partie des motifs de distinction illicite établis à l'article 3 de la LCDP. Selon l'article 25, déficience , aux fins de l'application de la LCDP, signifie [...] déficience physique ou mentale, qu'elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l'alcool ou la drogue . La situation de famille constitue également un motif de distinction illicite établi à l'article 3.

[34] Dans une affaire portant sur les droits de la personne présentée au Tribunal, le plaignant doit d'abord établir une preuve prima facie de discrimination. La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l'absence de réplique de la partie intimée. La réponse de l'intimé ne devrait pas être prise en compte dans la décision à savoir si le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination. (Voir Ontario (Commission des droits de la personne) et O'Malley c. Simpson Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, et Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204.) Il a été décidé que les affirmations du plaignant doivent être crédibles pour qu'on autorise la conclusion selon laquelle il existait une preuve prima facie (Dhanjal c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1997), 139 F.T.R. 37, au paragraphe 6). Lorsqu'on examine une action, plutôt qu'une politique existante, il faut commencer par examiner si les rapports entre les parties, dans son ensemble, entraîne un traitement préjudiciable fondé sur des motifs de distinction illicites (Hutchinson c. Canada (Ministre de l'Environnement) (C.A.), 2003 CAF 133, [2003] 4 C.F. 580).

B. Défenses

[35] Une fois que la preuve prima facie de discrimination est établie, le fardeau incombe par la suite à l'intimé, qui doit fournir une explication raisonnable établissant que l'acte discriminatoire allégué ne s'est pas produit tel qu'allégué ou que l'acte était d'une manière ou d'une autre non discriminatoire ou justifié. (Maillet c. Canada (Procureur général), 2005 TCDP 48, au paragraphe 4; LCDP, article 15; voir aussi Canada c. Lambie, 1996 CanLii 3940 (C.F.).) Il n'est pas nécessaire que la discrimination soit l'unique raison de l'acte reproché pour qu'une plainte soit accueillie. Il suffit que la discrimination ne soit que l'une des raisons de l'acte ou de la décision de l'employeur. (Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (C.A.F.).)

[36] Si l'intimé souhaite se prévaloir de la justification de bonne foi portant sur l'exigence occupationnelle, il doit établir qu'il a satisfait à son devoir d'accommodement jusqu'à contrainte excessive, au sens de l'article 15 de la LCDP. La recherche de mesures d'accommodement fait intervenir plusieurs parties et, dans le cas d'une déficience, le plaignant doit faciliter la recherche d'une mesure d'accommodement en se conformant aux demandes raisonnables de l'employeur de fournir des renseignements médicaux pertinents au sujet de ses limites, afin de permettre à l'employeur de procéder à une proposition (Tweten c. RTL Robinson Enterprises Ltd., 2005 TCDP 8; Graham c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 40, aux paragraphes 91 à 94). Il est de jurisprudence constante qu'un employé ne peut pas dicter à l'employeur les termes précis d'un accommodement. Voir, par exemple, Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l'Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4. Au paragraphe 22 de cet arrêt, la Cour suprême a noté que l'accommodement n'est pas nécessairement une voie à sens unique et que, lorsque l'employeur fait une proposition raisonnable, l'employé a le devoir de faciliter l'application de la mesure d'accommodement. Si l'absence de coopération de l'employé est à l'origine de l'échec du processus d'accommodement, sa plainte pourra être rejetée. Le plaignant ne peut s'attendre à une solution parfaite. (Voir également la décision Hutchinson, précitée, au paragraphe 77.) Il n'existe aucune obligation d'accommodement instantané ou parfait, seulement un accommodement raisonnable. Le caractère raisonnable de l'accommodement de l'employeur doit être évalué en fonction de la connaissance de l'employeur ainsi que du coût, de la complexité et des dépenses de tout accommodement physique requis, et d'autres facteurs semblables. (Voir Callan c. Suncor Inc., 2006 ABCA 15, au paragraphe 21.)

C. La preuve

[37] La jurisprudence reconnaît la difficulté d'établir des allégations de discrimination au moyen d'une preuve directe. Comme le Tribunal l'a noté dans la décision Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1988), 9 C.H.R.R. D/5029 (T.C.D.P.), la discrimination n'est pas un phénomène qui se manifeste ouvertement comme on serait porté à le croire. Il est rare en effet qu'on puisse démontrer par des preuves directes qu'un acte discriminatoire a été commis intentionnellement. On doit plutôt tenir compte de l'ensemble des circonstances afin de déterminer s'il existe de subtiles odeurs de discrimination. Essentiellement, cependant, le plaignant doit établir un lien entre sa déficience, ou sa situation de famille, et la décision de l'employeur de le congédier (Mills c. Culp Transport Inc. 2009 TCDP 17). (Voir aussi Benoit c. Bell Canada, 2005 CF 926, aux paragraphes 15 et 16.)

IV. ANALYSE

A. Situation de famille

(i) Traitement différent préjudiciable en milieu de travail

a) Aucune preuve prima facie établie et explication raisonnable fournie

[38] Au départ, M. Breast a soutenu que son poste de conducteur de camion d'eau avait été donné au frère du chef en raison de cette relation fraternelle. Par conséquent, M. Breast a soutenu qu'il avait établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la situation de famille. Je ne souscris pas à cette affirmation. Sauf pour les arguments du plaignant, aucune preuve n'a été présentée permettant de croire que la relation de Walter Houle avec le chef à cette époque était un facteur dans la décision initiale de l'embaucher comme conducteur de relève; ni qu'elle a été un facteur dans la décision subséquente de l'embaucher comme conducteur permanent du camion d'eau. De plus, la preuve a démontré que M. Breast lui-même était lié à de nombreuses personnes dans la communauté de Whitefish, y compris au moins trois membres du Conseil. Alors qu'au départ, M. Breast supposait que Walter Houle avait été embauché sans suivre le processus établi, ses suppositions n'étaient pas suffisantes pour établir que c'était bien le cas. Suivant la décision McAdam c. Big River First Nation, 2009 TCDP 2, au paragraphe 47, un plaignant ne peut pas simplement présenter ses croyances abstraites ou ses soupçons quant au fait qu'il a été victime de discrimination, sans présenter des observations concrètes ou des renseignements indépendants pour appuyer ou confirmer cette croyance. (Voir aussi Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2006 CF 785, aux paragraphes 30 et 31.)

[39] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la preuve présentée par M. Breast n'était pas complète et suffisante pour établir une preuve prima facie pour ce motif (O'Malley).

[40] De plus, même s'il avait établi une preuve prima facie, à la fin de l'audience, l'avocat de M. Breast, M. Stolfa, a accepté dans son argument que Whitefish avait établi une explication raisonnable qui n'était pas un prétexte pour l'embauche du frère du chef. Le poste de conducteur de camion d'eau était un service essentiel; Whitefish devait combler le poste immédiatement. De plus, après que Walter Houle eut comblé le poste à titre de conducteur de relève pendant une période de deux semaines, l'affiche de Whitefish demandant des candidats pour le poste a été placée dans les bureaux de Whitefish, et Whitefish n'a reçu que la candidature de Walter Houle pour le poste. Le chef et le Conseil n'ont pas participé à la décision d'embaucher Walter Houle de façon temporaire, puis de façon permanente. En effet, Whitefish avait de la difficulté à embaucher et à garder des conducteurs, que ce soit pour le camion d'eau ou le camion d'égout.

B. Déficience

(i) Traitement défavorable

a) Preuve prima facie établie

[41] M. Breast était atteint d'une déficience, soit le diabète, et son retour au travail reposait sur des preuves médicales portant sur l'accommodement de sa déficience. Une manifestation particulière de sa déficience, soit le diagnostic de paralysie du nerf oculomoteur causée par le diabète, a été un facteur dans la décision de Whitefish au sujet de son retour au travail. Je conclus donc que M. Breast a établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience.

b) M. Breast n'a pas facilité le processus d'accommodement

(ii) Les renseignements médicaux

[42] L'exigence de Whitefish que M. Breast obtienne des renseignements médicaux au sujet de ses incapacités et de ses limites qui pouvaient affecter sa capacité d'effectuer son travail de conducteur était une demande raisonnable et cohérente par rapport à son obligation d'accommodement et, en particulier, à son obligation de garantir la sécurité de M. Breast à titre d'employé et la sécurité des autres membres de la communauté de Whitefish. Le billet médical d'une phrase que M. Breast a fourni à Whitefish ne comprenait pas suffisamment de renseignements médicaux pour permettre à Whitefish d'établir une proposition viable d'accommodement. Compte tenu des circonstances en l'espèce, M. Breast avait le devoir d'aviser adéquatement Whitefish de ses capacités et de ses limites physiques - une obligation qu'il n'a pas respectée.

[43] L'accommodation est une voie bilatérale et, en l'espèce, je conclus que M. Breast n'a pas satisfait à son obligation de coopérer au processus d'accommodement. Il n'a pas présenté les renseignements médicaux nécessaires de juillet 2007 jusqu'à juillet 2008. C'est la Commission, en juillet 2008, qui a transféré les renseignements médicaux du formulaire 17 à Whitefish. Dès lors, Whitefish a proposé un plan d'accommodement qui, selon son propre témoignage, convenait à M. Breast, puisqu'il respectait déjà les pratiques proposées lorsqu'il conduisait son propre camion tous les jours. Il a témoigné qu'il contrôlait son taux de glycémie deux fois par jour, qu'il gardait un goûter avec lui, qu'il respectait les exigences de l'Alberta Driver Fitness pour son permis de conducteur et qu'il ne conduirait pas s'il avait des problèmes d'hypoglycémie. Le plan d'accommodement était conforme à l'avis du médecin expert de Whitefish qui se spécialise en médecine communautaire. Son rapport confirmait que le plan de retour au travail de Whitefish pour M. Breast, dans un environnement non supervisé, respectait les guides de l'Association médicale canadienne et de l'Association canadienne du diabète pour les conducteurs diabétiques.

[44] Il convient de noter qu'en date de l'audience, M. Breast refusait toujours de signer l'offre conditionnelle de juillet 2008 pour son retour au travail, ce qui démontre qu'il refusait toujours de coopérer avec les demandes raisonnables de Whitefish et d'accepter le poste de conducteur du camion d'égout. En l'espèce, comme c'était le cas dans l'affaire Tweten, M. Breast n'a pas participé de façon adéquate à la recherche d'accommodements et il ne s'est nullement engagé sur une voie bilatérale .

[45] J'ai examiné si l'exigence du formulaire 17 pour le retour au travail avait été appliquée de façon arbitraire et je conclus qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve pour appuyer une telle allégation, c'est-à-dire que je ne peux pas conclure, en fonction de la preuve, si d'autres employés, diabétiques ou non, avaient eu un congé de maladie et avaient tenté de retourner au travail et aurait donc dû présenter un formulaire 17, mais on ne leur a pas demandé. Bien que certains témoins aient déclaré que M. Breast était la seule personne qui avait eu à présenter un formulaire 17 et qu'ils avaient eux-mêmes une connaissance limitée, ou aucune connaissance, au sujet du formulaire 17, on ne m'a pas présenté suffisamment d'éléments de preuve sur la situation des autres membres qui ont quitté leur poste au sein de Whitefish pour des raisons médicales et qui seraient retournés au travail après le 31 juillet 2007.

a) Whitefish a offert une mesure d'accommodement raisonnable - le poste substitut vacant de conducteur de camion d'égout

[46] M. Breast m'a demandé de conclure que l'offre de Whitefish de lui donner le poste vacant de conducteur de camion d'égout était déraisonnable parce que, à son avis, il s'agissait d'un emploi de statut moindre et comprenait l'exposition occasionnelle à un environnement où il régnait une mauvaise odeur. Il a soutenu que Whitefish lui avait offert cet emploi de mauvaise foi, croyant qu'il ne l'accepterait pas. Ses arguments étaient difficiles à suivre, parce qu'il a témoigné qu'il n'avait [TRADUCTION] jamais eu de problèmes à accepter le poste de conducteur de camion d'égout. Lorsque son avocat lui a demandé si le poste de conducteur de camion d'égout était de statut moindre, il n'a pas été en mesure de le confirmer. De plus, à l'audience, il a demandé à être rétabli dans le poste de conducteur de camion d'égout. Comme les deux postes de conducteur de camion comportaient le même revenu et les mêmes avantages sociaux, même si le poste de conducteur de camion d'égout comprenait occasionnellement des mauvaises odeurs, je conclus, compte tenu de la preuve dont je suis saisi, que Whitefish a fourni un plan d'accommodement raisonnable pour accommoder la déficience de M. Breast. Dans les circonstances, son refus d'accepter le poste vacant de conducteur de camion d'égout au lieu de son poste de conducteur de camion d'eau n'était pas raisonnable et il ne pouvait pas continuer à revendiquer son emploi préféré. Il n'a pas facilité le processus d'accommodement.

(iii) Licenciement

a) Aucune preuve prima facie établie

[47] M. Breast a soutenu qu'il avait été congédié de façon déguisée de son poste : à la suite de sa rencontre avec Melvin Steinhauer à la fin juillet 2008, le poste de conducteur de camion d'égout, tel qu'offert dans la lettre de Whitefish du 16 juillet 2008, ne lui était plus offert. M. Breast a soutenu que malgré le libellé clair de la lettre, lorsque M. Steinhauer l'aurait censément frappé sur le front avec son doigt, cela constituait une communication non verbale selon laquelle le poste de conducteur de camion d'égout n'était pas offert à M. Breast et qu'il n'était pas le bienvenu au travail. Je n'accepte pas cet argument, comme j'ai conclu pour les motifs précédents que M. Steinhauer a simplement pointé et secoué son doigt vers M. Breast. J'ai aussi conclu que le poste de conducteur de camion d'égout était offert à M. Breast dès le printemps 2007, jusqu'à la présente audience, peu importent les événements qui se sont déroulés lors de la rencontre de juillet 2008; plus précisément, M. Breast pouvait, du printemps 2007 jusqu'à l'audience, communiquer à Whitefish qu'il souhaitait accepter le poste de conducteur de camion d'égout. À partir du 16 juillet 2008, il n'avait qu'à signer l'offre officielle de Whitefish et à la renvoyer au bureau de Whitefish. Depuis qu'il a reçu la lettre d'offre, M. Breast ne l'a pas acceptée. Je conclus qu'il n'a pas été congédié par Whitefish, de façon déguisée ou autrement.

[48] L'avocat de Whitefish a soutenu que la détermination préliminaire de la conformité par un inspecteur au sujet de la plainte de M. Breast présentée en vertu du Code canadien du travail démontrait qu'il n'avait pas été congédié de façon déguisée. Cependant, pour trancher la présente affaire, je n'accorde aucun poids à la détermination préliminaire de l'inspecteur du Code canadien du travail.

V. DÉCISION

[49] Pour ces motifs, je rejette la plainte puisqu'elle n'est pas fondée. J'ai examiné la preuve, tant chacun de ses éléments que l'ensemble qu'ils forment collectivement, et je n'y ai relevé aucune discrimination au sens de l'article 7 de la LCDP.

Signée par
Shirish P. Chotalia, c.r.

OTTAWA (Ontario)

Le 7 mai 2010

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T1397/2309
INTITULÉ DE LA CAUSE : Charles A. Breast c. Première nation Whitefish Lake # 128
DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE : le 7 mai 2010
DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 8 février 2010
le 11 février 2010
ONT COMPARU :
Christopher Stolfa Pour le plaignant
(Aucune représentation) Pour la Commission canadienne des droits de la personne
J. Trina Kondro Pour l'intimée
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