Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Entre :

Micheline Montreuil

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Forces canadiennes

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Pierre Deschamps
Date : Le 5 avril 2007
Référence : 2007 TCDP 8

[1] Lors de la reprise de l’audience dans le présent dossier, le 26 mars 2007, la plaignante a présenté une requête visant à faire modifier le calendrier d’audience établi lors des semaines d’audience d’octobre et de décembre 2006.  Cette requête faisait suite à une lettre que la plaignante avait fait parvenir aux parties, ainsi qu’au Tribunal, le 22 mars 2007, dans laquelle elle annonçait qu’une telle requête serait présentée.

I. La position des parties

A. La plaignante

[2] La plaignante fonde sa requête sur le fait que, depuis l’établissement du calendrier d’audience, sa situation personnelle a changé en ce qu’elle détient, depuis le 11 décembre 2006, un emploi au Conseil de la justice administrative du Québec, organisme qui surveille la conduite déontologique de quelque 500 juges administratifs.

[3] La plaignante soutient qu’il lui est impossible de s’absenter plus de deux semaines par mois de son emploi actuel, que si elle était contrainte de le faire, elle devrait démissionner de son emploi.  Par ailleurs, à défaut de démissionner de son emploi, la plaignante soutient qu’elle serait alors contrainte de n’être présente devant le Tribunal que lorsque son horaire de travail le lui permettrait.

[4] Selon la plaignante, l’organisme pour lequel elle travaille ne peut se passer d’elle durant 6 ou 7 semaines consécutives.  Dans son argumentation, la plaignante fait valoir qu’elle représente le tiers des effectifs de l’organisme et que son absence priverait plus de 6 millions de justiciables québécois de ses services.

[5] Dans une lettre datée du 23 février 2007, la plaignante affirme, par ailleurs, ne pas être en mesure de trouver un accommodement raisonnable avec son employeur en ce qui concerne ses périodes d’absence continue reliées à l’audition de la présente plainte.

[6] La plaignante demande donc au Tribunal de se conformer à la pratique usuelle du Tribunal, à savoir deux semaines d’audition au maximum à la fois (Lettre du 22 mars 2007).

[7] Cela dit, à l’audience du 26 mars 2007, la plaignante a, par ailleurs, soutenu devant le Tribunal qu’elle serait prête à démissionner de son emploi si l’audition de sa plainte se déroulait durant deux mois consécutifs.

[8] Enfin, la plaignante a informé le Tribunal qu’en cas d’élections fédérales, elle serait vraisemblablement candidate pour le Parti néo-démocrate.  Elle devrait alors s’absenter pour une période indéterminée, soit le temps de la campagne électorale.  La plaignante a fait valoir qu’elle envisageait mal que près de 85 000 électeurs soient privés d’elle durant le temps de la campagne électorale.  Pour ce qui est de son emploi, la plaignante a précisé que sa convention collective lui permettait d’avoir un congé sans solde.

B. La Commission

[9] Pour sa part, la Commission soutient que la demande de la plaignante vise à l’accommoder et ne constitue par un caprice de la part de cette dernière.  Elle invoque la difficulté pour les personnes transgendres à trouver un emploi.

[10] Pour la Commission, demander à la plaignante d’être présente pour quatre semaines consécutives est extrêmement difficile pour celle-ci.  En outre, ne pas faire droit à la demande de la plaignante empêcherait cette dernière de participer pleinement à l’audition de sa plainte.  La Commission fait valoir que la plaignante a le droit d’être accommodée et réitère que la Commission se rendra disponible quoi qu’il advienne.

[11] À l’audience, la Commission n’a fait aucune suggestion concrète quant à la façon dont elle envisageait la reprise des audiences si le Tribunal faisait droit à la requête de la plaignante.

C. La position de l’intimée

[12] Pour l’intimée, les Forces armées canadiennes, il ne saurait être question de modifier le calendrier d’audience déjà établi, qu’il s’agit, en l’espèce, d’une demande exorbitante de la part de la plaignante et qu’aucune preuve ne fut entendue justifiant quelque modification que ce soit au calendrier d’audience.  Selon l’intimée, le calendrier actuel doit être maintenu, sous réserve de modifications mineures.

[13] L’intimée soutient que la modification du calendrier actuel lui causerait préjudice alors qu’elle s’apprête à débuter sa preuve.  L’intimée affirme que ses témoins sont appelés dans un ordre logique et que déplacer l’ordre des témoins de l’intimée à ce stade-ci des audiences lui causerait préjudice.

[14] En outre, l’intimée fait valoir que modifier le calendrier d’audition aurait pour effet d’annuler plusieurs semaines d’audition déjà prévues.  L’intimée soutient que le Tribunal, contrairement à ce qu’allègue la plaignante, doit garder le contrôle sur le déroulement de l’audience et la détermination des dates d’audition dans le respect des droits des parties.  Elle rappelle que le calendrier d’audience, tel qu’établi, ne résulte pas de la décision d’une des parties mais d’une concertation de toutes les parties.

[15] Selon l’intimée, la plaignante doit accepter les conséquences associées à l’audition de sa plainte et les engagements pris par les procureurs.  Elle souligne que les multiples activités de la plaignante ne devraient pas dicter le déroulement de la présente instance et le calendrier d’audience.

[16] L’intimée estime que le présent dossier mérite une gestion étroite, serrée et qu’il incombe au Tribunal de s’assurer que les audiences procèdent de façon raisonnable.

[17] L’intimée demande donc au Tribunal de maintenir le présent calendrier d’audience.

II. Discussion

[18] Le Tribunal constate que la plaignante est une personne fort occupée.  En plus de son emploi actuel, elle est la webmestre du site internet du Conseil de la justice administrative.  En outre, elle enseigne l’éthique au Campus de Lévis de l’Université du Québec à Rimouski, siège ou siégeait sur plusieurs comités ou commissions, entend être candidate aux prochaines élections fédérales.  La plaignante est, en outre, engagée dans des litiges devant la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel.  Deux causes où elle est la plaignante sont actuellement pendantes devant le Tribunal.

[19] À cet égard, le Tribunal a connaissance du fait que la plaignante est impliquée dans une cause qui doit procéder devant le Tribunal dans les semaines du 17 et du 24 avril 2007.  Ces dates furent fixées une fois les dates dans la présente instance connues.  L’acceptation de ces dates par la plaignante fait en sorte qu’elle doit affronter 6 semaines consécutives d’audience en avril et mai, ce qui ne semble pas être acceptable pour son employeur.

[20] Eu égard à ses multiples activités et au nouvel emploi qu’elle occupe, la plaignante fait valoir qu’il serait préférable pour elle que le Tribunal ne siège que deux semaines par mois.  Ceci lui permettrait de ne pas avoir à démissionner de son emploi actuel.  Soit dit en passant, aucune preuve n’a été présentée au Tribunal voulant que la plaignante serait tenue de démissionner de son emploi si le Tribunal ne faisait pas droit à sa requête.

[21] En l’espèce, le Tribunal est conscient que le présent calendrier d’audience impose de multiples contraintes aux parties, ainsi qu’au Tribunal.  Cela dit, le Tribunal entend rappeler aux parties que les dates d’audience dans le présent dossier ont été fixées, pour l’essentiel, en octobre et décembre 2006 avec l’accord de toutes les parties.  Plusieurs journées d’audience ont alors été consacrées à la confection du calendrier d’audience.  Une fois le calendrier établi, le Tribunal a pris les dispositions nécessaires pour réserver des salles d’audience dans divers emplacements.  La fixation des dates d’audience dans le présent dossier a eu également un impact sur la disponibilité du membre instructeur pour entendre d’autres plaintes et sur la fixation de dates dans d’autres causes dont le Tribunal est saisi.

[22] En l’état actuel du dossier, quatre semaines d’audience sont prévues en mai, cinq semaines d’audience en juillet et une semaine en octobre.  Il y a possibilité d’une autre semaine d’audience en octobre pour permettre, le cas échéant, à la plaignante de présenter une contre-preuve.

[23] Modifier le calendrier actuel à cette étape-ci des procédures, alors que l’intimée s’apprête à présenter sa preuve, en suivant la suggestion de la plaignante, à savoir fixer deux semaines d’audience par mois au maximum afin de l’accommoder signifierait :

  1. l’annulation de deux semaines d’audience en mai et leur report en juillet en raison de la non disponibilité du membre instructeur en juin; l’annulation des arrangements pris pour la réservation de salles d’audience; le déplacement des témoignages des médecins-experts de l’intimée en juillet, sans égard à leur disponibilité ;
  2. le report des cinq semaines d’audience du mois de juillet en octobre et novembre, le membre instructeur n’étant pas disponible en août et septembre ; l’annulation des arrangements pris pour la réservation de salles d’audience ; l’incertitude quant à la disponibilité des témoins experts de l’intimée à des dates ultérieures ;
  3. le report du témoignage du Dr. Beltrami, prévu pour la semaine du 22 octobre 2007 ;
  4. la fixation de deux semaines d’audition en octobre pour la suite de la preuve de l’intimée ;
  5. la fixation de deux semaines d’audition en novembre pour la suite de la preuve de l’intimée ;
  6. la fixation de deux semaines d’audition en décembre, une semaine pour compléter la preuve de l’intimée et une semaine pour entendre le témoignage du Dr. Beltrami dans le cadre de la preuve de la Commission ;
  7. la fixation d’une autre semaine d’audition en janvier pour une éventuelle contre-preuve de la plaignante.

[24] Dans les faits, une modification du calendrier actuel selon la proposition initiale de la plaignante, qui a terminé de présenter sa preuve, signifierait que l’intimée serait contrainte d’étaler sa preuve sur une période de huit mois, soit de mai à décembre 2007, alors que, suivant le calendrier actuel, la preuve de l’intimée serait close au début du mois d’août.  De l’avis du Tribunal, cette façon de faire ne servirait pas les intérêts de la justice et serait préjudiciable à l’intimée qui, à ce stade-ci des procédures, s’est assurée de la présence de ses témoins, tant ordinaires qu’experts et ce, depuis fort longtemps.

[25] À l’audience, la plaignante, bien qu’elle ait proposé que les audiences soient limitées à deux semaines par mois afin d’éviter, selon elle, qu’elle perde son emploi, a soutenu néanmoins qu’elle était prête à démissionner de son emploi si les audiences avaient lieu sur une période de deux mois consécutifs.

[26] Pour assurer le bon déroulement de l’audition de la présente plainte, il ne suffit pas pour une partie de simplement suggérer un nouveau modus operandi sans en préciser les tenants et aboutissants et laisser à plus tard la détermination d’un nouveau calendrier d’audience, sans égard à la disponibilité du membre instructeur, des procureurs, des témoins.  La saine gestion d’une audience ne le permet pas.

[27] Le calendrier d’audience présentement en vigueur était connu de la plaignante au moment où elle a accepté son nouvel emploi.  En décembre 2006, lorsque la plaignante a obtenu son nouvel emploi, elle aurait dû informer son employeur de l’état de ses contestations judiciaires devant le Tribunal et du temps qui devrait leur être consacré.

[28] Le Tribunal est prêt à accommoder les parties en autant que la demande d’une partie est raisonnable et que les alternatives proposées sont viables.  Les alternatives proposées par la plaignante, en l’espèce, soit deux mois d’audience consécutifs ou deux semaines d’audience par mois, ne sont pas, à ce stade-ci de l’audition de sa plainte, raisonnables.

[29] En l’espèce, il est du devoir des parties de respecter les engagements pris, en connaissance de cause, en ce qui a trait au déroulement de la présente instance.

[30] Il importe de noter, enfin, qu’une fois la preuve de l’intimée close, il restera encore plusieurs journées d’audience à l’égard desquelles le calendrier n’a pas encore été fixé, si ce n’est pour le témoignage du Dr. Beltrami dans la semaine du 22 octobre 2007.

[31] En ce qui a trait à la poursuite des auditions dans la présente instance, les parties pourront faire, en temps opportun, toutes les représentations qu’elles jugent utiles de faire.  Pour l’heure, il importe de respecter le calendrier déjà établi.

III. Décision

[32] Pour les considérations exprimées ci-dessus, la requête de la plaignante visant à faire modifier le calendrier d’audience déjà arrêté est rejeté.  La reprise des auditions aura donc lieu, tel que prévu, le 30 avril 2006 et les auditions se dérouleront selon le calendrier d’audience déjà transmis aux parties.

Signée par

Pierre Deschamps

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 5 avril 2007

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1047/2805

Intitulé de la cause : Micheline Montreuil c. Les Forces canadiennes
Date de la décision sur requête du tribunal : Le 5 avril 2007

Comparutions :

Micheline Montreuil, pour elle même

Ikram Warsame, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Guy Lamb et Pauline Leroux, pour l'intimée

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