Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

CECIL BROOKS

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

MINISTÈRE DES PÊCHES ET OCÉANS

l'intimé

DÉCISION SUR REQUÊTE

2007 TCDP 4
2007/02/15

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

[1] L'intimé a présenté une requête demandant l'ajournement de la nouvelle audience portant sur une partie de la plainte.

[2] Le 3 décembre 2004, le Tribunal qui a entendu le premier la preuve relative à la plainte en l'espèce a rendu une décision portant que les allégations de discrimination raciale relatives à la méthode de concours pratiquée par l'intimé étaient fondées (Brooks c. Ministère des Pêches et Océans, 2004 TCDP 36). L'intimé a demandé à la Cour fédérale de réviser cette décision du Tribunal.

[3] Le Tribunal a également conclu dans sa décision que le plaignant n'aurait pas obtenu un poste à durée indéterminée, même si le concours avait été tenu de façon régulière. Cette conclusion a eu pour incidence que le plaignant a vu rejeter sa demande d'intégration dans l'emploi pour lequel il avait posé sa candidature ainsi que sa demande d'indemnisation des pertes de salaire qu'il a subies en n'obtenant pas le poste. Par conséquent, le plaignant a également demandé le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal, mais uniquement en ce qui a trait à la conclusion susmentionnée.

[4] Le 18 octobre 2006, le juge Michael A. Kelen a rendu un jugement rejetant la demande de contrôle judiciaire de l'intimé mais accueillant la demande du plaignant (Canada (Procureur général) c. Brooks, 2006 CF 1244). La Cour a jugé que le Tribunal n'avait pas appliqué le critère juridique approprié pour conclure que le plaignant n'aurait pas obtenu un poste permanent même s'il n'y avait pas eu discrimination. La Cour, par conséquent, a rejeté cette conclusion et a renvoyé l'affaire au Tribunal pour qu'une nouvelle décision soit rendue par un tribunal différemment constitué au vu du dossier dont le Tribunal est déjà saisi. La Cour a également ordonné que les parties se voient donner l'occasion de présenter des observations au Tribunal quant à cette question. Par conséquent, le Tribunal a récemment informé les parties qu'une date (probablement en avril ou mai 2007) sera fixée quant à la tenue de cette nouvelle audience, laquelle ne devrait pas durer plus d'une journée.

[5] Le 17 novembre 2006, l'intimé a interjeté appel du jugement de la Cour fédérale à la Cour d'appel fédérale. L'intimé présente maintenant une requête au Tribunal demandant que la nouvelle audience soit ajournée en attendant que l'appel soit tranché par la Cour d'appel fédérale.

[6] Selon le paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, l'instruction des plaintes se fait sans formalisme et, de façon particulièrement pertinente en l'espèce, de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. Toutefois, en tant que maître de sa propre procédure, le Tribunal peut, néanmoins, ajourner une instance lorsqu'il estime que cela est approprié (Voir Léger c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [1999] D.C.D.P. no 6 (TCDP), paragraphe 4; Baltruweit c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2004 TCDP 14, paragraphe 15). Le Tribunal doit exercer ce pouvoir discrétionnaire en tenant compte des principes de la justice naturelle (Baltruweit, paragraphe 17). On pourrait donner comme exemples de problème en matière de justice naturelle auquel le Tribunal pourrait être confronté, la non-disponibilité de la preuve, la nécessité d'ajourner afin que l'on puisse se prévaloir des services d'un avocat ou une divulgation tardive de la part de la partie adverse.

[7] L'intimé ne m'a pas convaincu que, en l'espèce, nous sommes en présence d'un problème de ce genre.

[8] L'intimé a soulevé la possibilité que la Cour d'appel fédérale puisse renverser la décision de la Cour fédérale ainsi que celle du Tribunal, en tout ou en partie, ce qui pourrait avoir comme conséquence que l'on conclut qu'il n'y a jamais eu discrimination. Si, dans l'intervalle, le Tribunal entend de nouveau l'affaire qui a été renvoyée pour nouvelle décision par la Cour fédérale, la décision qu'il rendra sera frappée de nullité. Le temps et les efforts consacrés par les parties dans le cadre de ce processus auraient été inutiles, surtout si, comme l'intimé le donne à penser dans ses observations écrites, [traduction] il y a lieu de présumer que le Tribunal arrivera à la même conclusion [après la nouvelle audience] que celle à laquelle il est arrivé antérieurement. Cette situation, prétend-on, serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

[9] Pourquoi prétendrait-on une telle chose? Il est également possible que le Tribunal différemment constitué arrivera à une conclusion différente de celle à laquelle est arrivé l'autre Tribunal et que la Cour d'appel fédérale maintiendra la décision de la Cour fédérale, auquel cas, si le présent ajournement est accordé, le processus de tenue d'une nouvelle audience aura été retardé inutilement pendant des mois, voire même des années. Le processus devra alors être recommencé à nouveau et le règlement ultime de la plainte sera retardé davantage. Cela constituerait difficilement une exécution expéditive des instances devant le Tribunal.

[10] Il est impossible de prédire quel sera, en l'espèce, le résultat final des procédures. Toutefois, pour que l'intimé obtienne un ajournement, il doit établir que si l'on permet que les procédures suivent leur cours normal, notamment que l'on se conforme à l'ordonnance du juge Kelen de tenir une nouvelle audience, il en résultera un déni de ses droits à la justice naturelle. L'intimé n'a pas démontré qu'il subirait nécessairement un tel préjudice.

[11] La requête de l'intimé est par conséquent rejetée.

Athanasios D. Hadjis

OTTAWA (Ontario)
Le 15 février 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T838/8803

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Cecil Brooks c. Ministère des pêches et océans

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 15 février 2007

ONT COMPARU :

Davies Bagambiire
Stephen Flaherty

Pour le plaignant

Aucun représentant

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Scott McCrossin
Melissa Cameron

Pour l'intimé

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