Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

RICHARD HARKIN ET AL.

les plaignants

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL (CANADA)

l'intimé

DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis 2010 TCDP 11
2010/05/17

I. Le contexte factuel

A. La fondation de la CRTFP et sa relation avec le CT

B. Comment la CRTFP est-elle devenue un employeur distinct?

C. Les plaintes de 1984 relatives à la disparité salariale au sein de la fonction publique centrale

D. Les répercussions des rajustements de 1990 sur la CRTFP et les autres employeurs distincts

E. La plainte relative aux droits de la personne déposée par l'AFPC en 1990

F. Dans quelle mesure les employeurs distincts étaient-ils concernés et touchés par les plaintes déposées par l'AFPC en 1984 et en 1990?

G. Les plaintes relatives à la parité salariale concernant la catégorie professionnelle PE

H. Les attentes de M. Harkin relativement aux paiements compensateurs.

I. La présente plainte

J. Comment les autres employeurs distincts ont-ils géré la question de la parité salariale?

II. Analyse

A. Une preuve prima facie de discrimination a-t-elle été établie?

B. L'article 7 de la LCDP

C. L'article 10 de la LCDP

III. Conclusion

[1] Les plaignants ont tous été, à un moment ou à un autre, employés par la Commission des relations de travail dans la Fonction publique (la CRTFP), agence qui a été remplacée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique le 1er avril 2005. Le Conseil du Trésor du Canada (le CT) est l'employeur de la plupart des fonctionnaires fédéraux, mais depuis 1968, la CRTFP a agi à titre d'employeur distinct .

[2] En 1999, le CT a convenu d'effectuer des paiements aux employés de la fonction publique fédérale relevant notamment des catégories professionnelles Commis aux écritures et aux règlements (CR), Bibliothéconomie (LS), Secrétariat, sténographie et dactylographie (ST), Gestion du personnel (PE) et Traitement mécanique - Conversion des données (DA-CON). Ces paiements ont fait suite à plusieurs plaintes en matière de droits de la personne déposées devant la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) entre 1984 et 1991. Les plaignants alléguaient que l'employeur pratiquait la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutaient, dans le même établissement, des fonctions équivalentes, ce qui constitue un acte discriminatoire aux termes de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), couramment appelé disposition relative à la parité salariale.

[3] Les plaignants affirment avoir occupé à la CRTFP des postes relevant des mêmes catégories professionnelles que celles dont il était question dans les plaintes fondées sur l'article 11. Toutefois, les plaignants n'ont pas reçu les mêmes paiements au titre de la parité salariale, autrement dit les sommes correspondant aux salaires qui leur étaient dus rétroactivement pour la période comprise entre 1985 et 1999. Les plaignants prétendent qu'en leur refusant ces paiements, la CRTFP et le CT ont fait preuve de discrimination à leur égard, en violation des articles 7 et 10 de la LCDP.

[4] Dans la présente décision, je présenterai d'abord le contexte factuel, décrivant comment la CRTFP a acquis le statut d'employeur distinct. J'expliquerai ensuite comment des employés de la fonction publique centrale ont eu droit à un certain nombre de rajustements au titre de la parité salariale au fil des années, rajustements qui ont finalement été accordés aux employés de la CRTFP, à l'exception notable des paiements rétroactifs susmentionnés, effectués entre 1985 et 1999, lesquels sont à l'origine de la présente plainte. Au terme de mon analyse, je conclurai que la plainte n'était pas fondée.

I. Le contexte factuel

[5] En l'espèce, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits exhaustif d'où sont extraits la plupart des faits énoncés dans la présente décision.

A. La fondation de la CRTFP et sa relation avec le CT

[6] Pour comprendre les faits ayant conduit au dépôt de la présente plainte, il est important de considérer l'histoire organisationnelle de la CRTFP ainsi que la relation de cette dernière avec le CT.

[7] Instituée en 1967, avec l'entrée en vigueur de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (la LRTFP), la CRTFP devait agir comme tribunal quasi judiciaire indépendant chargé par le législateur d'administrer les systèmes de négociation collective et d'arbitrage des griefs au sein de la fonction publique fédérale. En application de la Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.C. 1985, ch. 33 (2e suppl.), la CRTFP a reçu un mandat similaire en ce qui a trait aux employés des institutions parlementaires. En 2005, la LRTFP a été abrogée et la CRTFP a été remplacée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, en application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2.

[8] Le financement de la CRTFP provenait de crédits parlementaires versés par le CT. Le CT est un comité du Conseil privé de la Reine (un comité du cabinet) institué par l'article 5 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11 (la LGFP). Il est constitué du président du CT, du ministre des Finances et de quatre autres membres du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Le Secrétariat du Conseil du Trésor (le SCT), organisme fédéral constitué d'un secrétaire nommé par le gouverneur en conseil ainsi que de dirigeants et d'employés, prête assistance au CT.

[9] Le CT était responsable de la gestion du personnel des ministères, agences, tribunaux administratifs et commissions énumérés à la partie I de l'annexe I de la LRTFP, qu'on appelle couramment la fonction publique centrale . Cette liste était longue et incluait par exemple, dès 1984, des organismes tels que le Bureau du conseil privé, Statistiques Canada, la Gendarmerie royale du Canada, le Conseil canadien des relations industrielles et la CCDP. Les pouvoirs du CT relatifs à la gestion du personnel étaient énoncés au paragraphe 11(2) de la LGFP et comprenaient la classification des postes et l'établissement des taux de rémunération, des horaires et du droit aux congés.

[10] La compétence du CT en matière de gestion du personnel ne s'étendait pas au personnel des agences, commissions et tribunaux énumérés à la partie II de l'annexe I de la LRTFP, qui ont le statut d'employeurs distincts . Aux termes du paragraphe 11(2) de la LGFP, le Conseil du Trésor devait exercer ses pouvoirs relatifs à la gestion du personnel sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct . Le groupe d'employeurs distincts comprenait notamment l'Office national du film, la Commission de contrôle de l'énergie atomique, le Bureau du vérificateur général et, ce qui est particulièrement pertinent en l'espèce, la CRTFP.

[11] Aux termes du paragraphe 12(2) de la LGFP, le gouverneur en conseil pouvait déléguer les pouvoirs relatifs à la gestion du personnel des employeurs distincts au ministre, au sous-ministre ou au premier dirigeant de l'employeur distinct.

B. Comment la CRTFP est-elle devenue un employeur distinct?

[12] Dans l'année qui a suivi sa fondation en 1967, la CRTFP a fait partie de la fonction publique centrale. Ainsi, le CT était responsable de la gestion de son personnel, y compris de la classification des postes et de l'établissement des taux de rémunération, des horaires et du droit aux congés.

[13] Le 8 juillet 1968, le président de la CRTFP, Jacob Finkelman, a écrit au CT pour lui demander d'exclure la CRTFP du champ d'application des pouvoirs du CT en matière de gestion de personnel. M. Finkelman a souligné que certaines parties qui avaient comparu devant la CRTFP avaient commencé à remettre en question l'indépendance et l'objectivité de l'organisme, considérant que le CT était le principal employeur tombant sous la juridiction de la CRTFP. Prenant acte de ces préoccupations, le SCT a proposé, en guise de solution de rechange à l'exclusion totale demandée par M. Finkelman, que la CRTFP devienne un employeur distinct. Cette proposition s'est finalement concrétisée, et le 28 octobre 1968, le gouverneur en conseil a accordé à la CRTFP le statut d'employeur distinct au sens de la LRTFP (P.C. 1908-2302), en application de l'article 5, autorisant son président (P.C. 1968-18/1998) à exercer les pouvoirs et fonctions du CT à l'égard de ses employés, et ce, à compter du 1er novembre 1968, en application du paragraphe 12(2) de la LGFP.

[14] Bien que la CRTFP ait acquis le statut d'employeur distinct, sa situation en ce qui concerne les relations de travail était à certains égards différente de celle d'autres employeurs distincts. En application de la LRTFP, les employés de la CRTFP étaient exclus des négociations collectives. Par conséquent, tandis que d'autres employeurs distincts négociaient leurs taux de rémunération avec les agents négociateurs de leurs employés, la CRTFP pouvait établir unilatéralement les conditions d'emploi, y compris les taux de rémunération. Par conséquent, par les pouvoirs qui lui ont été conférés par voie de décret en vue d'exercer les fonctions et attributions du CT, M. Finkelman a simplement décidé que les conditions d'emploi de la fonction publique centrale s'appliqueraient mutatis mutandis aux employés de la CRTFP, à compter du 1er novembre 1968.

[15] À la suite de la directive donnée par M. Finkelman, la CRTFP a effectivement adopté, pour chacune de ses catégories professionnelles, les mêmes échelles salariales que celles qui avaient été adoptées pour ces mêmes catégories au sein de la fonction publique centrale, par le truchement du processus de négociation collective. Yvon Tarte, qui a été président de la CRTFP, puis de la Commission des relations de travail dans la fonction publique entre 1996 et 2006, a été appelé à témoigner par la CCDP. Son témoignage a porté sur ce qu'il comprenait des raisons pour lesquelles M. Finkelman avait émis la directive en cause. Étant donné que la CRTFP agit à titre d'arbitre, en toute neutralité, dans les plaintes découlant d'ententes collectives, il aurait été inapproprié que les conditions d'emploi des employés de la CRTFP servent de norme ou soient conformes à celles des employés soumis à sa juridiction. Ainsi, ni les syndicats ni les employeurs comparaissant devant la CRTFP ne seraient en mesure d'appuyer leurs positions respectives en se réclamant de similitudes ou de différences avec les échelles salariales et autres conditions d'emploi des employés de la CRTFP.

[16] La décision de la CRTFP d'adopter les échelles salariales du CT a été d'autant plus facile que la CRTFP avait déjà appliqué, à l'égard de la plupart de ses employés, un grand nombre des normes de classification des postes que le CT avait établies pour la fonction publique centrale, pratique qu'elle a appliquée à l'endroit de la plupart de ses employés dès sa fondation en 1967 et qui s'est poursuivie jusqu'à sa dissolution en 2005. Toutefois, la preuve montre que la CRTFP a eu recours à cinq groupes de classification qui n'avaient pas cours dans la fonction publique centrale. M. Tarte a affirmé que pendant son mandat, la CRTFP avait envisagé de mettre en place son propre système exhaustif de normes de classification, engageant un consultant afin de conduire certaines études préliminaires sur le sujet. La CRTFP n'a finalement pas poursuivi dans cette voie, en partie du fait de la résistance de certains gestionnaires relativement aux ressources nécessaires pour mener à bien les changements, ainsi qu'en raison d'inquiétudes relatives au fait que le changement pourrait faire obstacle aux employés de la CRTFP souhaitant obtenir un autre emploi au sein du gouvernement. Toutefois, M. Tarte a déclaré qu'il était effectivement plus facile pour les employés de la CRTFP d'obtenir un poste au sein de la fonction publique centrale en ayant la même classification que celle dudit poste, mais il a souligné qu'il n'aurait pas été impossible à ces employés de changer de poste si le système de classification avait été différent. Des méthodes avaient été mises au point en vue d'établir des parallèles entre des classifications comparables dans le cadre des processus de dotation.

[17] M. Tarte a ajouté que compte tenu des circonstances, le degré de mobilité de la main-d'uvre de la CRTFP était [traduction] acceptable . Les employés de la CRTFP pouvaient participer aux concours internes de la fonction publique (qui s'entend aussi bien de la fonction publique centrale que des employeurs distincts). Une entente particulière avait été conclue avec les organismes de taille plus réduite, aux termes de laquelle l'accès au bassin de candidats admissibles à certains concours serait limité à leur propre personnel. M. Tarte a expliqué que certains de ces organismes étaient des employeurs distincts, tandis que d'autres relevaient de la fonction publique centrale.

[18] On a demandé à M. Tarte de comparer les tâches accomplies par les employés de la CRTFP relevant de la catégorie CR à celui des employés CR de la fonction publique centrale. Il a déclaré que s'il se fiait à son expérience du secteur public, les tâches accomplies par les employés CR de la CRTFP étaient essentiellement les mêmes que celles des employés CR de la fonction publique centrale. Toutefois, il a reconnu que ses affirmations étaient uniquement fondées sur ses propres observations. Il n'a effectué aucune évaluation comparative formelle des tâches accomplies par les employés CR, ne détient aucun diplôme en gestion des ressources humaines et n'a pas de connaissances spécialisées en évaluation des emplois.

[19] Un des plaignants, Richard Harkin, a été employé comme bibliothécaire par la CRTFP de 1985 à 2002. Il a affirmé avoir eu l'occasion de rédiger les descriptions de tâches de plusieurs employés CR de la CRTFP qu'il avait supervisés. À titre de preuve de la similarité des tâches accomplies par ces employés CR avec celles accomplies par les employés CR de la fonction publique centrale, il a fait valoir que pour rédiger les descriptions de tâches susmentionnées, il s'était appuyé sur les normes de classification du CT et avait consulté les descriptions de tâches d'employés CR travaillant dans des bibliothèques relevant de ministères ou d'organismes de la fonction publique centrale.

C. Les plaintes de 1984 relatives à la disparité salariale au sein de la fonction publique centrale

[20] En 1984, l'Alliance de la fonction publique du Canada (l'AFPC) a déposé une plainte devant la CCDP, alléguant que le CT, en sa qualité d'employeur de la fonction publique centrale, avait fait preuve de discrimination à l'égard des employés de la catégorie professionnelle CR relevant de la fonction publique centrale, à prédominance féminine, en violation des articles 7 et 11 de la LCDP. L'AFPC soutenait que les employés CR étaient moins payés que ceux de la catégorie PM (administration des programmes), à prédominance masculine, lesquels exécutaient, dans le même établissement, des fonctions équivalentes. Le paragraphe 11(1) de la LCDP prévoit que constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur d'instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

[21] La CCDP a maintenu la plainte de 1984 en suspens en attendant les conclusions de l'Initiative conjointe syndicale-patronale relative à la parité salariale entre les employés exécutant des fonctions équivalentes (l'Initiative), entreprise par le SCT en collaboration avec huit agents négociateurs, dont l'AFPC, en mars 1985.

[22] Le personnel des employeurs distincts, y compris celui de la CRTFP, n'étaient pas parties à cette plainte, qui ne comprenait aucune allégation selon laquelle les employeurs distincts, au nombre desquels figurait la CRTFP, avaient fait preuve de discrimination à l'égard de leurs employés CR, en violation de l'article 11 de la LCDP.

[23] L'Initiative était dirigée par un comité mixte (le Comité) qui a accepté de conduire une étude visant à établir l'ampleur de la discrimination fondée sur le sexe au regard de l'article 11 de la LCDP et à élaborer des méthodes correctives pour le système dans son ensemble afin d'éliminer la disparité salariale fondée sur le sexe.

[24] En se fondant sur les données de mars 1985, le Comité a finalement distingué neuf catégories professionnelles à prédominance féminine et 53 catégories à prédominance masculine, comme le prévoit l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale (DORS/86-1082) (l'Ordonnance), au regard de l'article 11 de la LCDP, pour le personnel de la fonction publique dont le CT est l'employeur. Le Comité a convenu que ces catégories professionnelles comprendraient les paramètres de l'étude. L'Ordonnance a été rendue par le TCDP en vertu du pouvoir que lui confère le paragraphe 27(2) de la LCDP de préciser, par ordonnance, les limites et les modalités de l'application de la LCDP dans une catégorie de cas donnés.

[25] Le Comité a convenu d'avoir recours à un plan d'évaluation des emplois pour évaluer les postes relevant des catégories professionnelles à prédominance masculine et féminine, au moyen d'un échantillon de postes représentatif. L'échantillon était constitué de 3 185 postes. Le processus d'évaluation des postes, y compris la collecte de données relatives à l'emploi, a été entrepris à l'automne 1987 et s'est conclu à l'automne 1989. Des questionnaires ont été envoyés aux employés occupant les postes compris dans l'échantillon. Les questions visaient à évaluer les qualifications, les efforts, la responsabilité et les conditions de travail des postes inclus dans l'échantillon. Les réponses des employés ont été révisées et signées par leurs superviseurs, afin d'en confirmer l'exactitude.

[26] Les comités d'évaluation mis en place par le Comité ont procédé à l'évaluation des postes compris dans l'échantillon. L'étude du Comité a été interrompue en 1990. À ce stade, plusieurs phases de l'étude avaient été terminées, mais aucune conclusion finale n'avait encore été rendue quant au degré de disparité salariale et aucune recommandation n'avait été formulée.

[27] Quoi qu'il en soit, le 26 janvier 1990, le président du CT, l'honorable Robert De Cotret, a pris la parole à la Chambre des communes et a annoncé que bien que la phase finale de l'étude n'ait pas été terminée, le gouvernement avait tranché que toutes les conclusions qui pourraient encore être rendues ne seraient pas suffisamment significatives pour l'empêcher de prendre des mesures visant à immédiatement mettre en uvre des mesures correctrices. Il a ainsi déclaré que des rajustements unilatéraux aux fins de la parité salariale seraient accordés aux employés des catégories CR et ST relevant du CT.

[28] Ces rajustements de parité salariale ou paiements compensateurs accordés aux employés des catégories professionnelles CR et ST incluaient :

Un paiement rétroactif forfaitaire, pour la période allant du 1er avril 1985 au 31 mars 1990, proportionnel à la durée de la période visée par la rétroaction pendant laquelle l'employé concerné a été employé dans la catégorie CR ou ST;

Des rajustements de salaire annuels et progressifs à compter du 1er avril 1990, pour les employés des catégories CR et ST.

D. Les répercussions des rajustements de 1990 sur la CRTFP et les autres employeurs distincts

[29] Le 28 février 1990, des représentants des employeurs distincts, au nombre desquels la CRTFP, ont rencontré des représentants du SCT et les ont informés que du fait de la relation étroite entre les taux de rémunération de la fonction publique centrale et ceux des employeurs distincts, le personnel des employeurs distincts et leurs agents négociateurs exerçaient des pressions en vue d'obtenir des rajustements compensateurs similaires à ceux accordés aux employés de la fonction publique centrale. Le CT a d'abord répondu qu'il ne financerait aucun rajustement de salaire dans la mesure où les organismes demandeurs étaient des employeurs distincts.

[30] D'après le rapport interne de la CRTFP donnant suite a cette rencontre, deux options s'offraient alors : demander à la direction des programmes du CT d'augmenter son budget en vue d'accorder aux employés de la CRTFP des rajustements de salaire similaires à ceux de la fonction publique centrale ou enjoindre la CRTFP à conduire sa propre étude interne sur la parité salariale. D'après le rapport, si l'étude interne avait pour effet de rajuster les salaires à des niveaux inférieurs à ceux des employés de la fonction publique centrale, la CRTFP risquerait de [traduction] mécontenter ses employés.

[31] Le 23 mars 1990, malgré le refus du SCT de financer les rajustements de salaire des employeurs distincts, le président de la CRTFP de l'époque, Ian Deans, a envoyé une note de service aux employés, les informant de sa décision d'approuver des rajustements aux fins de la parité salariale pour les employés CR et ST équivalents à ceux consentis par le CT aux employés de ces groupes relevant de la fonction publique centrale. Toutefois, M. Deans a souligné que ces paiements seraient conditionnels à [traduction] l'octroi des fonds nécessaires par le CT, en réponse à la présentation qu'il avait adressée au CT en ce sens.

[32] Apparemment en réponse aux demandes de la CRTFP et des autres employeurs distincts, le CT a finalement modifié sa position relativement aux rajustements de salaire. Le 15 juin 1990, le CT a informé M. Deans et les autres employeurs distincts qu'il les autoriserait à effectuer des paiements annuels progressifs compensateurs aux employés CR et ST, équivalents à ceux que le CT versait aux employés CR et ST de la fonction publique centrale. Toutefois, cette autorisation était soumise à la condition que chaque employeur distinct conduise une étude relative à la parité salariale au sein de son organisme. Les paiements progressifs devaient prendre fin le jour où l'employeur distinct aurait terminé son étude relative à la parité salariale, ou le 31 mars 1992 si l'étude n'était pas terminée avant cette date. En accordant pareille autorisation aux employeurs distincts, le CT a clairement affirmé qu'il s'était soucié de maintenir un [traduction] certain parallélisme des salaires entre les employés de la fonction publique centrale et ceux des employeurs distincts. Le CT a déclaré que son objectif n'était pas d'autoriser des rajustements de [traduction] parité salariale pour les employés exécutant des fonctions équivalentes .

[33] La décision du CT s'appliquait à la CRTFP selon les mêmes modalités que celles qui s'appliquaient aux autres employeurs distincts. Dans une lettre qu'il a envoyée au SCT le 20 juin 1990, M. Deans a exprimé son désaccord relativement à cette approche uniforme. Il a fait valoir que la CRTFP avait un statut distinct de celui des autres employeurs distincts. Il a souligné que la CRTFP était le seul employeur distinct dont le personnel était exclu des négociations collectives, et que de ce fait, depuis la fondation de l'organisme en 1967, les normes de classification de la fonction publique centrale s'appliquaient de manière constante aux postes créés par la CRTFP.

[34] Dans sa lettre, M. Deans a ajouté que les échelles salariales et autres avantages établis par le processus de négociation collective de la fonction publique centrale s'appliquaient de la même manière aux employés de la CRTFP. Il a soutenu qu'il était essentiel pour la CRTFP d'appliquer à ses employés les mêmes conditions et avantages que ceux ayant cours dans la fonction publique centrale afin d'éviter qu'une partie comparaissant devant la CRTFP à l'occasion de la résolution d'un différend ne prenne celle-ci comme exemple. M. Deans a conclu que pour ces raisons, la CRTFP avait [traduction] toujours suivi de très près la classification et le régime de rémunération de la fonction publique centrale et que, [traduction] par conséquent, c'est dans ce contexte que ses relations en matière de parité salariale devaient être considérées . M. Deans a ainsi informé le CT de son intention de rajuster les salaires des employés CR et ST de la CRTFP, afin qu'ils soient conformes aux salaires accordés par le Conseil du Trésor à ses employés CR et ST. Il est probable que cela concernait aussi les paiements rétroactifs.

[35] Le 20 août 1990, M. Deans a écrit de nouveau au SCT, affirmant que les rajustements aux fins de la parité salariale, y compris les paiements rétroactifs, qui avaient été accordés aux employés CR et ST de la fonction publique centrale avaient [traduction] mis fin au parallélisme historique entre les conditions d'emploi du personnel de la CRTFP et celles de la fonction publique centrale. Il a ajouté que le fait de ne pas recevoir des rajustements similaires pour une période indéterminée avait eu un [traduction] effet désastreux sur le moral des employés de la CRTFP, et que cela affecterait la capacité de la CRTFP à recruter et à retenir du personnel qualifié. M. Deans affirmait qu'il était [traduction] extrêmement artificiel pour le CT de soutenir que si on devait conclure à des inégalités entre les catégories professionnelles à prédominance masculine et féminine relevant de la CRTFP, les employés concernés n'auraient droit qu'à des rajustements de salaire après 1992. Il a affirmé qu'on [traduction] ne pouvait pas sérieusement prétendre que des échelles salariales fondées sur des [traduction] taux de rémunération discriminatoires dans la fonction publique centrale n'étaient pas elles-mêmes [traduction] entachées de discrimination .

[36] Toutefois, il convient ici de noter que dans une note de service antérieurement envoyée au personnel de la CRTFP (le 20 juillet 1990), M. Deans avait fait savoir que la direction de la CRTFP avait conduit une étude comparative interne informelle sur les catégories professionnelles à prédominance masculine et féminine, laquelle étude n'avait pas révélé l'existence de [traduction] problèmes internes de parité salariale .

[37] Dans sa lettre du 20 août, M. Deans a également informé le SCT qu'en dépit de la position de celui-ci, il avait l'intention de [traduction] restaurer le parallélisme au profit des employés CR et ST de la CRTFP (probablement pour une durée indéterminée), en envoyant directement au CT une présentation pour lui demander d'approuver le financement.

[38] Le 29 août 1990, la CRTFP a présenté une note de breffage au ministre (le président du CT), invoquant les mêmes arguments que ceux que M. Deans avait déjà soulevés auprès du SCT et demandant que la présentation de la CRTFP soit approuvée afin d'obtenir le financement nécessaire à l'octroi de paiements visant à rétablir le parallélisme.

[39] Ces efforts semblent avoir eu un certain effet sur le SCT et, le 15 septembre 1990, celui-ci a prévenu M. Deans qu'il avait demandé à son personnel de réexaminer la demande de financement de la CRTFP. Le 1er novembre 1990, le CT a écrit à M. Deans et à d'autres dirigeants d'employeurs distincts, reconnaissant qu'ils étaient nombreux à avoir envoyé des présentations au CT pour lui demander d'approuver le financement nécessaire aux rajustements rétroactifs (forfaitaires). Le CT les informait alors de sa décision de rendre ces paiements possibles à la condition que chaque employeur [traduction] mette en place, au sein de son propre organisme, des mesures visant à éliminer la disparité salariale, s'il y a lieu, en application de l'article 11 de la LCDP. Par conséquent, le 6 novembre 1990, M. Deans a approuvé la mise en place de taux de rémunération révisés, y compris les paiements rétroactifs et les rajustements de salaire progressifs.

[40] La preuve montre que bien que la CRTFP n'ait jamais mené d'étude interne relative à la parité salariale, elle n'avait jamais cessé de payer les rajustements de salaire progressifs, même après la date limite du 31 mars 1992, date que le CT avait fixée dans sa lettre du 15 juin 1990 adressée à M. Deans et aux autres employeurs distincts.

E. La plainte relative aux droits de la personne déposée par l'AFPC en 1990

[41] En février 1990, l'AFPC a déposé auprès de la CCDP une seconde plainte fondée sur l'article 11 à l'encontre du CT, prétendant que les résultats obtenus dans le cadre de l'Initiative démontraient que les employés de six catégories professionnelles à prédominance féminine touchaient de plus bas salaires que les employés des 53 catégories professionnelles à prédominance masculine étudiées, lesquels exécutaient des fonctions équivalentes.

[42] Les six catégories professionnelles à prédominance féminine nommées dans la plainte étaient les CR, ST, DA-CON, LS, Soutien de l'enseignement (EU) et Services hospitaliers (HS). L'AFPC a également fait valoir que les rajustements compensateurs destinés aux CR et aux ST, que le président du CT avait annoncés en janvier 1990, ne suffisaient pas à remédier à la violation de l'article 11. L'AFPC a demandé réparation pour les employés touchés, pour toutes les pertes directes et indirectes subies depuis le 8 mars 1984.

[43] Le 6 octobre 1990, la CCDP a demandé au TCDP de se prononcer sur une partie de la plainte de l'AFPC de 1984 (l'allégation de violation de l'article 11 de la LCDP) ainsi que sur l'intégralité de la plainte de 1990. Le TCDP a finalement conclu, dans sa décision du 29 juillet 1998, que le CT avait commis un acte discriminatoire au sens de l'article 11 de la LCDP et il lui a ordonné d'effectuer des paiements aux employés des catégories professionnelles CR, ST, DA-CON, LS, HS et EU relevant de la fonction publique centrale, conformément aux conditions définies dans l'ordonnance. Ces paiements étaient les suivants :

Des paiements annuels forfaitaires compensatoires pour la période allant du 8 mars 1985 au 29 juillet 1998, à calculer en se servant des données d'évaluation des emplois de 1987-1988 tirées de l'étude réalisée dans le cadre de l'Initiative ainsi que des taux de rémunération en vigueur pendant l'exercice en cause (des paiements rétroactifs);

Des rajustements de salaire aux fins de la parité salariale pour des périodes ultérieures au 29 juillet 1998, qui devaient être assimilés aux salaires et en devenir partie intégrante (des paiements progressifs).

[44] Le CT a demandé le contrôle judiciaire de l'ordonnance du TCDP, mais le 19 octobre 1999, la Cour fédérale a rejeté sa demande, avec dépens. Le 29 octobre 1999, les représentants du SCT et de l'AFPC ont conclu une entente afin de mettre en uvre la décision du TCDP du 29 juillet 1998. Les conditions de cette entente ont finalement été incorporées dans une ordonnance sur consentement rendue par le TCDP le 16 novembre 1999.

F. Dans quelle mesure les employeurs distincts étaient-ils concernés et touchés par les plaintes déposées par l'AFPC en 1984 et en 1990?

[45] Dans les plaintes déposées devant la CCDP en 1984 et en 1990, l'AFPC n'a nommé aucun employeur distinct, y compris la CRTFP, à titre d'intimés. Dans le détail des plaintes déposées par l'AFPC auprès de la CCDP en 1984 et en 1990, il n'y a aucune allégation selon laquelle des employeurs distincts, dont la CRTFP, auraient commis des actes discriminatoires à l'endroit de leurs employés CR, ST, DA-CON et LS au sens de l'article 11 ou de toute autre disposition de la LCDP.

[46] En l'espèce, toutes les parties conviennent du fait que l'étude réalisée dans le cadre de l'Initiative ne visait pas le personnel des employeurs distincts, pas plus qu'elle ne s'appliquait à eux. Aucun représentant d'employeur distinct ne faisait partie du Comité. Les employeurs distincts n'ont eu aucune voix au chapitre dans le choix d'un système d'évaluation des emplois choisi par le Comité en vue de l'évaluation des emplois ou dans le choix des modalités de modification du système d'évaluation des emplois. L'échantillon constitué aux fins de l'étude réalisée dans le cadre de l'Initiative ne comprenait aucun poste relevant d'un employeur distinct et aucun de ces postes n'a été étudié par les comités d'évaluations sur le plan des qualifications, des efforts, de la responsabilité et des conditions de travail (soit les quatre critères définis au paragraphe 11(2) de la LCDP). Sur les 15 comités d'évaluation, il n'y avait aucun dirigeant d'employeurs distincts.

[47] La décision que le TCDP a rendue le 29 juillet 1998 et l'ordonnance sur consentement du 29 octobre 1999 ne s'appliquaient qu'aux employés des ministères, agences, tribunaux administratifs et commissions énumérés à la partie I de l'annexe I de la LRTFP, autrement dit la partie de la fonction publique relevant du CT. La décision et l'ordonnance sur consentement susmentionnées ne visaient pas le personnel des employeurs distincts.

[48] Le 28 juillet 1998, juste avant que le TCDP rende sa décision, le secrétaire du CT a écrit à tous les employeurs distincts afin de les informer que ladite décision ne s'appliquerait qu'au personnel de la fonction publique relevant du CT et qu'elle ne s'étendrait donc pas [traduction] automatiquement aux employeurs distincts.

[49] Le 16 novembre 1999, le secrétaire du CT a écrit de nouveau à tous les employeurs distincts, répétant que la plainte d'origine déposée par l'AFPC, la décision rendue par le TCDP le 29 juillet 1998 et l'ordonnance sur consentement ne s'appliquaient qu'au personnel de la fonction publique relevant du Conseil du Trésor, et non au personnel des employeurs distincts.

[50] Des représentants du SCT ont réaffirmé cette position lors d'une réunion d'employeurs distincts tenue par le SCT le 21 janvier 2000. Même s'ils ont fait savoir qu'aucun paiement rétroactif ne serait versé aux employeurs distincts, les représentants du SCT ont proposé d'étudier les demandes de rajustements de salaire au cas par cas, en fonction des taux de rémunération modifiés des employés du CT, et d'étudier les demandes de rajustement à des fins de parité salariale à la lumière des études afférentes réalisées par des employeurs distincts au sein de leurs propres établissements . Le SCT a continué de fournir du soutien et des conseils techniques aux employeurs distincts procédant à l'étude de leur situation en matière de parité salariale.

[51] Le 25 février 2000, M. Tarte, qui avait remplacé M. Deans comme président de la CRTFP en 1996, a écrit au secrétaire adjoint du SCT. M. Tarte a fait valoir que la situation de la CRTFP était différente de celle des autres employeurs distincts et que, par conséquent, le SCT devrait reconsidérer sa position selon laquelle l'ordonnance sur consentement ne s'appliquait pas à la CRTFP. M. Tarte a soulevé des arguments similaires à ceux que M. Deans avait avancés en 1990, quand il a essayé de renverser la position du SCT ayant trait au financement de la CRTFP pour maintenir le parallélisme entre les paiements. M. Tarte a répété que la CRTFP se démarquait des autres employeurs distincts, soulignant que ses employés étaient exclus des négociations collectives et insistant sur la nécessité opérationnelle de ne pas adopter des salaires et des avantages différents de ceux du personnel de la fonction publique centrale. M. Tarte a soutenu que, compte tenu des circonstances, le personnel de la CRTFP faisait partie du groupe visé par l'ordonnance sur la parité salariale. Il a fait valoir qu'étant donné que la CRTFP versait à son personnel un salaire identique à celui que le TCDP et la Cour fédérale ont jugé [traduction] discriminatoire , il était alors impossible de prétendre que les salaires versés par la CRTFP n'étaient pas également discriminatoires.

[52] Dans sa lettre, M. Tarte a aussi affirmé que compte tenu du parallélisme [traduction] traditionnel qui avait été maintenu avec la fonction publique centrale au niveau des conditions d'emploi, y compris des taux de rémunération, il n'y avait aucune raison que la CRTFP entreprenne une étude relative à la parité salariale de son côté. Lors de l'audition de la présente plainte, M. Tarte a affirmé être d'avis que le fait de conduire une étude distincte sur la parité salariale serait un [traduction] exercice futile et une [traduction] perte d'argent , parce qu'une telle étude n'aurait pas démontré que l'organisme se rendait coupable de discrimination salariale. Il a ajouté qu'on l'avait informé à l'époque du fait que certaines catégories professionnelles à prédominance féminine dont il était question dans les plaintes de l'AFPC relatives à la parité salariale étaient, à la CRTFP, soit neutres, soit à prédominance masculine. M. Tarte a déclaré qu'à ses yeux, la question centrale du différend qui l'opposait au SCT était une question d'équité. Il était tout simplement inéquitable, à la lumière des conditions particulières régissant la CRTFP, que ses employés ne soient pas traités de la même manière que le personnel de la fonction publique centrale relevant des mêmes catégories professionnelles.

[53] Le 10 juillet 2000, le SCT a répondu à la lettre de M. Tarte du 25 février, l'informant qu'il était d'avis qu'aucun motif valide ne justifiait que le personnel de la CRTFP soit concerné par l'ordonnance sur consentement. Le SCT a soutenu que la CRTFP n'était pas différente des autres employeurs distincts et que par conséquent, elle était un établissement distinct, au sens de l'article 11 de la LCDP et de l'article 10 de l'Ordonnance. Le SCT a renouvelé ses assurances, affirmant qu'il financerait la CRTFP si celle-ci choisissait de mener sa propre étude sur la parité salariale. Si une telle étude permettait de conclure que ses taux de rémunération étaient discriminatoires, le SCT serait prêt à envisager et à analyser toute requête de financement additionnel, au cas où la CRTFP serait incapable de corriger l'acte discriminatoire avec ses propres ressources.

[54] M. Tarte a déclaré qu'en plus de ces échanges écrits avec le SCT, il avait eu de nombreuses conversations avec des représentants du SCT à ce sujet, mais qu'ils étaient demeurés inébranlables.

[55] À la lumière de la lettre du SCT du 10 juillet, M. Tarte a envoyé une note de service au personnel de la CRTFP le 28 juillet 2000, dans laquelle il a informé les employés qu'en dépit des [traduction] efforts renouvelés de la CRTFP, il avait le regret de les informer que le SCT avait refuser de leur accorder [traduction] le bénéfice des dispositions de l'entente relative à la parité salariale qui avait été conclue entre le CT et l'AFPC .

[56] Il semblerait toutefois que le CT soit par la suite revenu sur sa décision en partie, en autorisant les fonds et en les fournissant à la CRTFP à la seule fin du rajustement des taux de rémunération en vigueur pour les catégories professionnelles CR, ST et LS, en fonction des taux de rémunération modifiés des employés du CT en vigueur après le 29 juillet 1998. On ne m'a présenté aucun élément de preuve montrant comment ou pourquoi ce changement avait eu lieu.

[57] En conséquence de ce rajustement, au fil des années, la seule différence entre la rémunération du personnel de la CRTFP et celle du personnel du Conseil du Trésor relevant de la fonction publique centrale, pour ces catégories professionnelles, a trait aux paiements forfaitaires rétroactifs compensatoires effectués du 8 mars 1985 au 29 juillet 1998. La présente plainte en matière de droits de la personne a été déposée en vue de corriger cette différence ainsi que celle ayant trait aux paiements rétroactifs versés aux employés PE, dont il est question ci-dessous.

G. Les plaintes relatives à la parité salariale concernant la catégorie professionnelle PE

[58] De 1991 à 1994, plusieurs plaintes ont été déposées devant la CCDP à l'encontre du CT, affirmant que ce dernier versait des salaires plus faibles aux employés de la catégorie professionnelle PE, à prédominance féminine, qu'aux employés des cinq catégories professionnelles à prédominance masculine exécutant des fonctions équivalentes dans le même établissement, ce qui constitue un acte discriminatoire au sens de l'article 11 de la LCDP. Les plaintes ne concernaient que les employés de la catégorie PE relevant de la partie de la fonction publique dont il est question à la partie I de l'annexe I de la LRTFP (la fonction publique centrale). Étant donné que les employés de la catégorie PE étaient exclus des négociations collectives, l'Assemblée nationale des PE (l'ANPE) a été constituée afin de représenter les employés PE dans le cadre des plaintes.

[59] La catégorie professionnelle PE n'a pas été couverte par l'étude menée dans le cadre de l'Initiative. Le SCT et l'ANPE ont plutôt entrepris de mener une étude conjointe visant à examiner les allégations de disparité salariale soulevées dans les plaintes relatives à la parité salariale déposées devant la CCDP.

[60] Le 26 novembre 1999, sur la foi des conclusions de l'étude, les parties ont réglé les plaintes en appliquant le protocole d'entente conclu entre l'APNE et le SCT. L'entente prévoyait une augmentation des taux de rémunération à compter du 1er octobre 1999 ainsi que le paiement d'une somme forfaitaire rétroactive aux employés concernés, pour la période allant du 1er octobre 1991 au 30 septembre 1999.

[61] L'entente s'appliquait aux employés PE, anciens et actuels, des ministères et organismes énumérés à la partie I de l'annexe I de la LRTFP (la fonction publique centrale) pendant la période en cause, à partir du 1er octobre 1991.

[62] Ces plaintes relatives à la parité salariale ne consistaient pas à prétendre que le personnel des employeurs distincts occupant des postes relevant de la catégorie professionnelle PE étaient victimes de discrimination. Les employeurs distincts n'ont pas pris part à l'étude relative aux PE que le SCT et l'APNE ont conduite, et ils n'ont pas non plus eu voix au chapitre dans le choix d'un système d'évaluation des emplois ou de ses modalités d'application. L'étude n'a pas porté sur des postes relevant d'employeurs distincts. Les employés PE des employeurs distincts n'ont pas pris part à l'entente et n'ont pas reçu de compensation en application de l'entente du fait qu'ils étaient employés par des organismes distincts. Toutefois, la CRTFP a formulé une requête, qui lui a finalement été accordée, afin de faire ajuster le taux de rémunération de ses employés PE pour qu'il corresponde au taux de rémunération modifié des employés de la fonction publique centrale à compter du 1er octobre 1999. Par ailleurs, le CT n'a pas autorisé le financement nécessaire au versement d'autres paiements rétroactifs aux employés PE de la CRTFP entre le 1er octobre 1991 et le 30 septembre 1999.

H. Les attentes de M. Harkin relativement aux paiements compensateurs.

[63] Comme je l'ai mentionné plus tôt, un des 66 plaignants, Richard Harkin, a été employé comme bibliothécaire par la CRTFP de 1985 à 2002. Il a été le seul plaignant à témoigner à l'audience. Son poste relevait de la catégorie LS. Il a déclaré qu'en 1979, l'AFPC avait déposé une plainte relative aux droits de la personne devant la CCDP à l'encontre du CT, prétendant que les employés LS de la fonction publique centrale, à prédominance féminine, recevaient des salaires plus faibles que ceux des employés de la catégorie servant de point de comparaison, à prédominance masculine, lesquels exécutaient des fonctions équivalentes. En 1980, une entente a été conclue, aux termes de laquelle une somme additionnelle (appelée [traduction] paiement compensateur ) devait être versée chaque année aux employés LS. Les termes de cette entente ont été incorporés dans l'entente collective qu'ont conclue l'AFPC et le CT.

[64] Quand la CRTFP a embauché M. Harkin en décembre 1985, son offre d'emploi précisait que son salaire avait été fixé conformément aux [traduction] dispositions régissant les conditions d'emploi dans la fonction publique , ce qui, aux yeux de M. Harkin, désignait les taux de rémunération et les autres conditions négociées par l'AFPC avec le CT relativement aux employés de la fonction publique centrale. En outre, cette offre d'emploi précisait que les [traduction] rajustements compensateurs des employés LS faisaient partie de son [traduction] taux de rémunération . M. Harkin a affirmé avoir continué de recevoir les paiements compensateurs pendant tout le temps où il a été employé comme LS par la CRTFP, en dépit du fait que ce paiement soit fondé sur une entente conclue entre l'AFPC et le CT, entente à laquelle la CRTFP n'a pas été partie.

[65] D'après M. Harkin, cette pratique confirme que les salaires des employés de la CRTFP ont toujours [traduction] suivi de très près ceux de la fonction publique centrale. Il a déclaré que vu que la CRTFP n'avait jamais cessé de lui verser les paiements compensateurs destinés aux LS pendant qu'il y travaillait, il avait raisonnablement pensé que la même pratique serait adoptée si d'autres paiements compensateurs étaient ordonnés ou consentis à l'endroit des bibliothécaires de la fonction publique centrale. Ainsi, quand il a appris que son employeur ne lui verserait pas les paiements prévus par l'ordonnance sur consentement de 1999, il lui a semblé que son contrat d'embauche, signé en décembre 1985, avait été [traduction] mis en pièces .

I. La présente plainte

[66] Le 27 novembre 2001, M. Harkin et 65 autres employés de la CRTFP, anciens ou actuels, ont réagi à la décision consistant à ne pas leur accorder de paiements rétroactifs en déposant la présente plainte à l'encontre du CT et de la CRTFP, affirmant qu'il y avait eu violation des articles 10 et 11 de la LCDP. Après que la CCDP eut renvoyé la plainte devant le TCDP, les plaignants ont abandonné la partie de leur plainte relative à la violation de l'article 11 et, le 18 février 2009, le TCDP leur a permis de modifier leur plainte de manière à leur permettre de se réclamer de l'article 7 pour alléguer qu'un autre acte discriminatoire avait été commis.

[67] Il ne s'agissait pas de la première plainte d'employés de la CRTFP relative à de la discrimination salariale. En avril 1991, 32 employés ont déposé une plainte fondée sur l'article 11 à l'encontre du CT et de la CRTFP, affirmant que les catégories professionnelles CR et ST relevant de la CRTFP, à prédominance féminine, faisaient l'objet de discrimination fondée sur le sexe, étant donné que les salaires de ces employés étaient plus bas que ceux des employés des catégories à prédominance masculine. Les plaignants ont fait valoir que le CT et la CRTFP étaient le même employeur et que le personnel de la CRTFP travaillait dans le même établissement que celui de la fonction publique centrale. Le 19 décembre 1994, la CCDP a rejeté cette plainte au motif que, à des fins de parité salariale, la CRTFP et le CT ne font pas partie du même établissement et que les conditions prévues par le paragraphe 11(1) de la LCDP n'avaient donc pas été remplies.

J. Comment les autres employeurs distincts ont-ils géré la question de la parité salariale?

[68] Au fil des années, certains employeurs distincts ont étudié leurs systèmes de rémunération en vue de s'assurer de leur conformité avec les principes de parité salariale. Par exemple, le Bureau du Surintendant des institutions financières (le BSIF) et le Conseil de recherches médicales ont conduit leurs propres études relatives à la parité salariale. Le Service canadien du renseignement de sécurité, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada et le BSIF ont mis en place des systèmes de classification neutres afin de s'attaquer à la question de la parité salariale. La CRTFP, comme je l'ai déjà mentionné, n'a jamais conduit sa propre étude relative à la parité salariale.

II. Analyse

[69] Dans le cadre du règlement des plaintes relatives aux droits de la personne, le plaignant doit d'abord présenter une preuve prima facie de discrimination (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 (l'arrêt O'Malley)). Dans le présent contexte, une preuve prima facie est une preuve qui appuie les allégations, et, si on ajoute foi à ces allégations, qui doit être exhaustive et suffisante pour justifier qu'une décision soit rendue en faveur du plaignant, en l'absence de réponse de la part de l'intimé. Une fois qu'une preuve prima facie a été établie, le fardeau de la preuve incombe alors à l'intimé, qui doit fournir une explication raisonnable et non discriminatoire à la conduite contestée.

[70] Pour que la plainte soit fondée, il n'est pas nécessaire que la discrimination constitue le seul motif des actes en cause. Il suffit qu'elle soit l'un des facteurs qui ont joué un rôle dans la conduite de l'intimé (Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, (1991) 14 C.H.R.R. D/12, au paragraphe 7 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Uzoaba, [1995] 2 C.F. 569 (1re inst.)).

A. Une preuve prima facie de discrimination a-t-elle été établie?

[71] La CCDP et M. Harkin, s'exprimant au nom des autres plaignants, ont affirmé qu'en l'espèce, il s'agissait essentiellement d'une question d'équité. Selon eux, il est inéquitable que les détenteurs de postes tels que ceux de commis, d'assistants administratifs et de bibliothécaires, qui ont été employés au sein de la fonction publique centrale, reçoivent des rajustements rétroactifs aux fins de la parité salariale tandis que le personnel de la CRTFP relevant des mêmes catégories ne reçoit rien.

[72] Toutefois, la question précise sur laquelle le TCDP doit se prononcer n'est pas de savoir s'il est équitable d'avoir refusé ces paiements aux plaignants et aux autres employés de la CRTFP, mais bien de savoir si la décision de leur refuser ces paiements constituait un acte discriminatoire au sens des articles 7 ou 10 de la LCDP. Je me pencherai d'abord sur l'article 7, laissant l'examen de l'article 10 pour plus tard.

B. L'article 7 de la LCDP

[73] L'alinéa 7b), qui est la disposition pertinente de l'article 7 que la CCDP et les plaignants ont invoquée en l'espèce, prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects de défavoriser un individu en cours d'emploi. En l'espèce, comment les plaignants ont-ils été défavorisés ? En réponse à cette question, la CCDP a fait valoir que les 66 plaignants étaient tous employés dans des postes ou des catégories professionnelles à prédominance féminine et qu'il avait été conclu que leurs taux de rémunération avaient été diminués comparativement à ceux des employés des catégories à prédominance masculine. Ils ont par conséquent été sous-payés. Pour l'essentiel, la CCDP soutient que les personnes employées par la CRTFP dans des postes à prédominance féminine étaient moins payées que les personnes employées dans des postes à prédominance masculine qui exécutaient des fonctions équivalentes.

[74] Toutefois, quelle preuve a été présentée pour établir que les salaires ont été diminués? Habituellement, les plaintes consistant à alléguer ce type de discrimination sont fondées sur l'article 11 de la LCDP, qui prévoit que constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur d'instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes. Il semble s'agir du type de discrimination alléguée par les plaignants en l'espèce, d'où il ressort que les catégories professionnelles CR, ST, LS et PE relevant de la CRTFP devraient être considérées comme des [traduction] emplois féminins , et que dans la mesure où ces emplois sont sous-évalués par rapport aux [traduction] emplois masculins , les individus occupant ces postes féminins (y compris les hommes, comme M. Harkin) ont droit aux rajustements salariaux à titre de réparation.

[75] À l'origine, les plaignants ont allégué qu'il y avait eu violation de l'article 11, mais après que la CCDP eut renvoyé la plainte devant le TCDP, ils ont renoncé à fonder leur plainte sur cet article. Il n'ont fourni à cela ni raison ni explication. Nous savons toutefois qu'aucune étude comparative n'a jamais été conduite au sujet des catégories professionnelles à prédominance féminine et masculine au sein de la CRTFP en vue d'évaluer la valeur des fonctions exécutées par ces employés, conformément aux définitions et aux facteurs énoncés à l'article 11 et dans l'Ordonnance. Ainsi, le type d'éléments de preuve habituellement produit dans de telles affaires n'était pas disponible. Pourquoi une telle étude n'a-t-elle pas été entreprise en l'espèce? Cité à comparaître par la CCDP, M. Tarte a déclaré qu'une étude relative à la parité salariale n'aurait pas prouvé qu'il y avait discrimination salariale à la CRTFP, au sens de l'article 11. Mme Nan Weiner, que la CCDP a citée comme experte des principes de parité salariale, entre autres champs de spécialisation, s'est dite d'avis qu'il n'y avait pas suffisamment de catégories professionnelles à prédominance masculine au sein de la CRTFP pour pouvoir les comparer à des catégories professionnelles à prédominance féminine dans le cadre d'une étude relative à la parité salariale. Par ailleurs, un spécialiste de l'évaluation des postes en termes de parité salariale, Bob Bass, que l'intimé a cité à comparaître, a déclaré qu'il y avait suffisamment de classes de postes appelant à exercer des fonctions uniques à la CRTFP pour mener une étude sur la parité salariale.

[76] Peu importe la raison pour laquelle un tel exercice d'évaluation des postes n'a pas été entrepris, compte tenu de l'absence de ce genre d'étude, il n'y avait aucun élément de preuve disponible pour appuyer ou fonder une plainte de discrimination salariale fondée sur l'article 11, et ce, même si une telle plainte avait été déposée.

[77] Toutefois, la CCDP fait valoir qu'aucune disposition de la LCDP ne l'empêche de prouver que ce type de discrimination salariale a été commis par des moyens autres que ceux prévus à l'article 11. La CCDP propose une méthode simple de prime abord, laquelle vise à établir que les salaires des plaignants ont été [traduction] diminués et sous-évalués. Elle demande au TCDP d'examiner ce qui s'est passé dans la fonction publique centrale. Après tout, comme l'affirme la CCDP, les plaignants occupaient des postes relevant de la même classification et recevaient les mêmes salaires que ceux du groupe de la fonction publique centrale qui avait déposé une plainte fondée sur l'article 11. Par conséquent, si les salaires des employés de la fonction publique centrale ont été [traduction] diminués , ceux de la CRTFP doivent l'avoir été également.

[78] Je suis d'avis que cet argument ne tient pas. Il n'est pas ressorti de l'ordonnance sur consentement et de l'entente concernant les PE que les salaires des catégories professionnelles en cause étaient intrinsèquement discriminatoires parce que ces catégories étaient à prédominance féminine ou qu'il s'agissait d'accomplir ce que la société perçoit traditionnellement comme du [traduction] travail féminin , mais plutôt parce qu'il s'agissait du résultat d'un exercice relatif à la parité salariale, en application de l'article 11 de la LCDP. On ne conclura qu'une différence de salaire entre des employés relevant de catégories professionnelles à prédominance masculine et féminine exécutant des fonctions équivalentes dans un même établissement constitue un acte discriminatoire au sens de la LCDP que si une évaluation du travail accompli, menée conformément aux définitions et aux facteurs définis dans la LCDP et dans l'Ordonnance, en conclut ainsi. La différence de salaire n'est pas intrinsèquement discriminatoire dans le cadre législatif fédéral; on ne considère que c'est le cas que lorsque l'exercice prévu par l'article 11 et par l'Ordonnance a été mené à bien.

[79] En l'espèce, il n'a été conclu que les salaires de la fonction publique centrale étaient discriminatoires qu'au terme d'une étude relative à la parité salariale conduite conformément aux principes de l'article 11, un de ces principes étant que la discrimination présumée doit avoir cours dans le même établissement. Comme l'intimé le souligne, le législateur a voulu limiter l'obligation pour l'employeur de s'assurer que ses employés et employées exécutant des fonctions équivalentes au sein de son établissement touchent un salaire égal. Aux termes de l'Ordonnance, un établissement est constitué de tous les employés au service de l'employeur qui sont visés par la même politique en matière de personnel et de salaires. C'est sur ce fondement qu'en avril 1991, la CCDP a conclu, en rejetant la plainte déposée par 32 employés de la CRTFP, que celle-ci constituait un établissement distinct de la fonction publique centrale. Au début des années 1980, la CCDP avait rendu une décision similaire à l'égard d'un autre employeur distinct, le Centre national de recherches, décision qui a été confirmée par la Cour fédérale du Canada (Institut professionnel de la fonction publique c. Canada, A-844-81 (CAF), la requête d'autorisation d'en appeler devant la Cour suprême du Canada a été rejetée [1983] C.S.C.R. n° 452).

[80] Lorsqu'elle a témoigné, Mme Weiner a donné à entendre que, selon elle, étant donné qu'il n'y avait pas suffisamment de postes masculins susceptibles de servir de points de comparaison au sein de la CRTFP pour conduire une étude conforme à la méthode visée par l'article 11 et par l'Ordonnance, il serait légitime d'user d'une autre méthode, consistant notamment à se fonder sur les comparaisons entre catégories professionnelles à prédominance masculine qui avaient été effectuées en application de l'article 11, dans le contexte de l'étude effectuée dans le cadre de l'Initiative, et finalement, de l'ordonnance sur consentement. Un tel exercice pourrait être effectué en comparant les emplois féminins à la CRTFP aux emplois masculins de la fonction publique centrale ou alors, en effectuant une comparaison au moyen d'un point de comparaison [traduction] de substitution ou [traduction] témoin . La dernière approche convient aux organismes où il y a une majorité de femmes et trop peu de points de comparaison masculins. Ces emplois féminins seraient comparés à des emplois à prédominance féminine dans un organisme témoin comptant suffisamment de points de comparaison masculins et où il y a déjà parité salariale. Si on conclut que les emplois féminins des deux organismes sont de valeur égale, alors les salaires de l'organisme demandeur devraient être rajustés en conséquence. Apparemment, les régimes législatifs du Québec et de l'Ontario relatifs à la parité salariale permettent expressément d'avoir recours à cette approche dans certaines circonstances.

[81] Toutefois, les suggestions de Mme Weiner ne s'accordent pas avec le régime en place au niveau fédéral. L'article 11 et l'Ordonnance prévoient une analyse interne uniquement fondée sur les évaluations du travail du personnel employé dans le même établissement. Des comparaisons externes au moyen d'établissements de substitution ou témoins ne sont pas envisagées.

[82] Toutefois, la proposition de Mme Weiner pose la question de savoir si une plainte relative à une question de salaires inégaux pour des fonctions équivalentes peut être tranchée en se fondant sur l'article 7 ou sur l'article 10 plutôt que sur l'article 11, en faisant appel à une analyse ou à une méthodologie que l'article 11 ne prévoit pas, comme celles qu'elle a proposées.

[83] Je suis d'avis que c'est impossible. Comme il a été noté dans les observations finales de l'intimé, en édictant l'article 11, le législateur a souhaité cerner quelle était la situation en matière de discrimination salariale découlant de la sous-estimation et de la rétribution insuffisante du travail des femmes comparativement à celui des hommes et améliorer cette situation. Dans la décision que la Cour fédérale à rendue relativement aux plaintes déposées par l'AFPC en 1990 (Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [2000] 1 C.F. 146 (1re inst.)), la Cour fédérale a souligné que l'article 11 visait principalement à remédier au problème de l'écart salarial défavorable aux femmes, lequel résulte d'une ségrégation relative au marché du travail et fondée sur le sexe et de la sous-évaluation institutionnelle des tâches habituellement exécutées par les femmes (voir aussi Canada (Procureur général) c. Walden, 2010 CF 490, au paragraphe 90).

[84] Le législateur s'est expressément penché sur cette question dans l'article 11, énonçant les moyens par lesquels cette forme de discrimination devait être établie. Si une partie a l'impression qu'elle est incapable de prouver, en se prévalant des moyens prévus à l'article 11, que le travail des femmes a été sous-estimé et qu'elles ont été sous-employées peut-elle sous couvert de la disposition générale de la LCDP relative à la discrimination dans le cadre de l'emploi (l'alinéa 7b)) établir l'existence de la disparité salariale au moyen d'une autre méthode que celle prévue à l'article 11, en usant par exemple d'un point de comparaison témoin ou de substitution? Je ne le pense pas, dans la mesure où cette approche irait à contre-courant des intentions explicites du législateur, qui voulait que les plaintes relatives à des questions de salaires inégaux pour des fonctions équivalentes soient résolues au moyen de l'analyse prévue à l'article 11.

[85] Je souscris à l'observation de l'intimé, selon lequel ce raisonnement s'appuie sur la règle d'interprétation des lois generalia specialibus non derogant, plus connue sous le nom de règle de l'exception implicite. Cette règle stipule que lorsqu'une disposition légale portant expressément sur le problème en cause entre en conflit avec une autre disposition dont le champ d'application est plus large, on résout la question en appliquant la disposition qui s'applique expressément à la question en cause, au détriment de la disposition plus générale. De toute évidence, le législateur a défini la méthode à appliquer pour établir qu'il y a parité salariale au sein de la fonction publique fédérale. S'écarter de cette méthode et en importer d'autres, même adoptées par d'autres provinces, serait selon moi inapproprié.

[86] La Cour du Banc de la Reine s'est prononcée sur une question similaire dans Saskatchewan in University of Saskatchewan c. Dumbovic, 2007 SKQB 182, en ce qui concerne les lois provinciales relatives aux droits de la personne. La Cour du Banc de la Reine a souligné que même si la législation de la Saskatchewan exigeait que les employés et les employées touchent un salaire égal s'ils exécutent des fonctions équivalentes, ou largement équivalentes, aucune loi provinciale n'exige que les fonctions équivalentes soient rémunérées par un salaire égal. Dans cette affaire, la plaignante avait par conséquent fondé sa plainte sur la disposition générale relative à la discrimination (paragraphe 16(1)) du Saskatchewan Human Rights Code (le Code), qui stipule qu'aucun employeur ne peut faire preuve de discrimination à l'égard d'une personne ou d'une classe de personne en cours d'emploi pour un motif illicite. Cette disposition est similaire à l'alinéa 7b) de la LCDP. La Cour du Banc de la Reine a conclu que le Tribunal des droits de la personne de la Saskatchewan n'avait pas la compétence voulue pour connaître des plaintes relatives aux questions d'inégalité salariale pour des fonctions équivalentes déposées sous le régime de l'article 16 du Code.

[87] La Cour du Banc de la Reine a fait référence à des raisonnements complexes nécessaires à la mise en uvre, à l'administration et à l'application d'un régime d'égalité salariale pour les fonctions équivalentes, citant certaines conclusions du rapport final du groupe de travail sur la parité salariale, intitulé Équité salariale : une nouvelle approche à un droit fondamental (Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2004). La Cour du Banc de la Reine a souligné que l'introduction de dispositions relatives à la parité salariale dans le Code soulèverait des questions d'incompatibilité avec d'autres dispositions légales provinciales, prenant note de la recommandation du groupe de travail selon laquelle la législation relative à la parité salariale devrait comprendre certains critères, structures, méthodologies et procédures spécifiques. La Cour du Banc de la Reine a conclu que ces derniers éléments d'une analyse relative à la parité salariale ne pouvaient naître de l'interprétation de la formulation générale l'article 16. Il est nécessaire de disposer d'une législation spécifique.

Au paragraphe 108, la Cour du Banc de la Reine a ajouté :

[traduction]

Les arbitres doivent comprendre la différence qui existe entre l'interprétation et l'application de la loi d'une part, et l'élaboration de celle-ci d'autre part. En l'espèce, seule une législation appropriée peut instituer la structure légale et réglementaire nécessaire à la création, à l'administration et à la mise en uvre d'un régime d'égalité salariale pour des fonctions équivalentes dans les lieux de travail de la Saskatchewan. Toute velléité de les bâtir à partir de l'interprétation du paragraphe 16(1) du Code irait bien au-delà des limites acceptables de l'interprétation des lois. Cela aurait pour effet d'empiéter sur le rôle et la responsabilité du législateur.

[88] Même si je suis conscient que cette décision avait trait à une question de compétence d'un tribunal des droits de la personne provincial plutôt qu'à un exercice d'interprétation d'une loi, comme c'est le cas en l'espèce, je pense que le raisonnement de la Cour du Banc de la Reine peut, par analogie, s'appliquer aux efforts visant à introduire dans la LCDP, au moyen de son article 7, d'autres formes d'analyses relatives à la parité salariale que celle prévue par l'article 11 ainsi que par l'Ordonnance.

[89] La CCDP prétend que l'intention du législateur d'exiger que les plaintes relatives à des questions de salaires inégaux pour des fonctions équivalentes soient uniquement fondées sur l'article 11 n'est pas nécessairement aussi évidente que l'intimé le prétend. La CCDP a renvoyé à la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, L.C. 2009, ch. 2, art. 394 (la LERSP), tout récemment promulguée, en application de laquelle la CRTFP a reçu le pouvoir de connaître des plaintes relatives aux questions de rémunération équitable dans le secteur public. Les dispositions transitoires de la LERSP prévoient, au paragraphe 396(1), que les plaintes ci-après dont la CCDP était saisie avant l'entrée en vigueur de la LERSP seront renvoyées devant la CRTFP par la CCDP :

  1. les plaintes fondées sur les articles 7 ou 10 de [la LCDP], dans le cas où celles-ci portent sur la disparité salariale entre les hommes et les femmes instaurée ou pratiquée par l'employeur;
  2. les plaintes fondées sur l'article 11 de la [LCDP].

[90] La CCDP fait valoir qu'en regroupant de la sorte ces trois dispositions de la LCDP, le législateur a démontré son intention de voir les questions de parité salariale examinées à la lumière d'au moins une de ces dispositions de la LCDP. Je ne suis pas d'accord. Le premier paragraphe ne fait pas référence à des différences de salaire entre des employés et des employées exécutant des fonctions équivalentes.

[91] Comme il a été souligné au paragraphe 86 de Dumbovic, la discrimination salariale fondée sur le sexe peut également revêtir d'autres formes. Par exemple, le fait de verser des salaires différents à des employés et à des employées exécutant des fonctions équivalentes reviendrait à défavoriser les employées, au sens de l'alinéa 7b) de la LCDP. Le fait de verser des salaires différents aux hommes et aux femmes pour exécuter des fonctions équivalentes ou largement équivalentes peut également constituer un acte discriminatoire au sens de l'alinéa 7b). Une telle situation survient quand les employés exécutent des fonctions largement équivalentes tout en ayant des titres différents. Par exemple, dans la décision Walden, précitée, on a conclu que des conseillers médicaux (ou médecins), relevant d'une catégorie professionnelle à prédominance masculine, et des évaluateurs médicaux (ou infirmiers), relevant d'une catégorie professionnelle à prédominance féminine, uvrant ensemble à l'administration du Programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada exécutaient des fonctions équivalentes, ou largement équivalentes. Toutefois, seuls les conseillers médicaux étaient classés comme étant des professionnels de la santé, ce qui leur permettait de bénéficier des avantages additionnels et de la reconnaissance attachée à ce titre.

[92] Ces types de discrimination salariale fondée sur le sexe doivent être distingués des plaintes relatives à des questions de salaires inégaux pour des fonctions équivalentes, qui sont fondées par une évaluation de la valeur relative des emplois en fonction de facteurs spécifiques. Au niveau du gouvernement fédéral, le cadre de ces évaluations est défini par l'article 11 de la LCDP et par l'Ordonnance.

[93] En outre, l'intimé a affirmé que la formulation des dispositions transitoires de la LERSP peut traduire l'intention du législateur de voir toutes les plaintes fondées sur l'article 11 (y compris les plaintes fondées sur l'article 7 ou 10) entendues en totalité par la CRTFP plutôt que de voir le TCDP mener un processus parallèle visant à étudier les parties de la plainte relatives aux articles 7 et 10 de la LCDP, en ce qui a trait au même ensemble de faits.

[94] Quoi qu'il en soit, je ne suis pas convaincu que la LERSP et ses dispositions transitoires aient des répercussions sur ma conclusion selon laquelle l'intention du législateur était, et demeure, de s'assurer que les plaintes relatives aux droits de la personne qui ont trait aux questions de salaires inégaux pour des fonctions équivalentes soient uniquement fondées sur l'article 11 de la LCDP.

[95] Dans ses arguments, la CCDP a fait référence au principe selon lequel les lois relatives aux droits de la personne doivent recevoir une interprétation large et libérale afin de s'assurer que leurs objectifs soient atteints. Toutefois, ce principe ne s'applique que lorsque la loi est d'ambiguë (Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, 2003 CSC 36, au paragraphe 26). Je suis d'avis qu'il n'y aucune ambiguïté en l'espèce. Le législateur a défini la méthode visant à établir si on était en présence d'une question de salaires inégaux pour des fonctions équivalentes, intention traduite par l'article 11 et la publication subséquente par la CCDP de l'Ordonnance, en application de la LCDP.

[96] La CCDP a formulé un argument subsidiaire visant à établir que les plaignants avaient été défavorisés au sens de l'alinéa 7b). L'ordonnance sur consentement et l'entente sur les PE ont permis de conclure que les employés de certaines catégories de la fonction publique centrale à prédominance féminine étaient sous-payés. Ils gagnaient donc des [traduction] salaires féminins . Sachant que ses employés occupant des postes relevant des mêmes catégories recevaient ces mêmes [traduction] salaires féminins , la CRTFP et, ce qui est plus important, le CT, auraient dû [traduction] se pencher sur la [traduction] forte probabilité que les employés de la CRTFP soient victimes de la même discrimination. D'après la CCDP, le fait que le CT n'ait pas remédié à cette situation en approuvant le financement des paiements compensateurs rétroactifs a eu pour effet de défavoriser ces employés, ce qui constituait de la discrimination fondée sur le sexe.

[97] Je ne vois pas comment le fait que la CRTFP et le CT n'aient pas considéré, ou ne se soient pas [traduction] penchés , sur la possibilité soulevée par la CCDP ait eu pour effet de défavoriser les employés en question. Les plaignants ne recevaient pas des [traduction] salaires féminins intrinsèquement discriminatoires. Aux termes de la LCDP, la question de savoir si des salaires inégaux sont versés pour exécuter des fonctions équivalentes est visée par l'article 11 et par l'Ordonnance. Mme Weiner a déclaré qu'elle était en désaccord avec la méthode adoptée par le gouvernement fédéral aux fins de la parité salariale, et selon sa méthode de prédilection, un salaire devrait être considéré comme féminin si, à la lumière des normes établies par la société, l'emploi associé à ce salaire est vu comme féminin . Il se peut qu'il s'agisse d'une méthode légitime et appropriée pour conduire une analyse à des fins de parité salariale, mais elle n'est pas cohérente avec l'approche définie dans la LCDP et dans l'Ordonnance.

[98] Le fait est que la CRTFP était un employeur distinct au sens de la LRTFP et de la LGFP, et un établissement distinct au sens de l'article 11 de la LCDP, comme la CCDP l'a elle-même établi en 1991. L'ordonnance sur consentement et l'entente sur les PE ne s'appliquaient pas à la CRTFP. Je n'en conclus pas que le fait que l'employeur distinct ait prétendument omis de considérer la [traduction] probabilité que ses taux de rémunération soient également discriminatoires a défavorisé les employés concernés, ce qui constituerait de la discrimination fondée sur le sexe. Il y avait certainement une distinction, fondée sur l'employeur des plaignants (la CRTFP plutôt qu'un ministère ou un organisme de la fonction publique centrale). Le personnel de la CRTFP a fini par toucher un salaire qui n'intégrait pas le rajustement rétroactif que les employés de la fonction publique centrale avaient reçu. Cela peut sembler inéquitable, mais cela ne prouve pas que les plaignants ont été défavorisés et victimes de discrimination fondée sur le sexe.

[99] En outre, le CT s'est penché sur l'existence possible d'un problème relatif à la parité salariale en recommandant que les employeurs distincts, dont la CRTFP, conduisent leurs propres études relatives à la parité salariale, en s'engageant à les y aider et, finalement, en étant disposé à envisager d'accorder le financement nécessaire au versement des rajustements de salaire jugés nécessaires au terme de ces études.

[100] Dans ses observations finales, la CCDP a souligné qu'il y avait dans la preuve de nombreux indicateurs donnant à penser que le CT devrait être considéré comme le véritable employeur du personnel de la CRTFP, y compris des plaignants. Après tout, les emplois de la plupart des employés de la CRTFP (mais pas de tous) étaient classés selon les normes de classification du CT et M. Tarte a déclaré qu'il lui semblait que les employés CR de la CRTFP accomplissaient des tâches similaires à celles des employés CR de la fonction publique centrale. D'après les bulletins du personnel de la CRTFP déposés en preuve, les décisions relatives à la classification des postes au sein de l'organisation devaient être rendues en fonction des normes de classification en vigueur dans la fonction publique centrale. Les salaires des plaignants évoluaient parallèlement à ceux des employés de la fonction publique centrale, y compris les paiements relatifs de 1990 et les paiements compensateurs de 1980 destinés aux employés LS. Les mesures de dotation prises à la CRTFP étaient régies par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33, tout comme celles concernant la fonction publique centrale. Les employés de la CRTFP pouvaient s'en aller travailler à la fonction publique centrale et en revenir assez facilement. Le CT exerçait le contrôle sur l'octroi des fonds à la CRTFP et aux autres employeurs distincts, le Conseil du Trésor ayant en fait le contrôle sur le salaire du personnel des employeurs distincts. Historiquement, n'eut été de la nécessité de conserver sa neutralité, comme M. Finkelman l'a déclaré le premier, la CRTFP serait restée partie de la fonction publique centrale et ne serait jamais devenue un employeur distinct. Pour résumer, la CCDP affirme que le CT exerçait de facto le contrôle sur la gestion du personnel de la CRTFP. Par conséquent, la CCDP prétend que, comme M. Tarte l'a déclaré dans sa lettre au SCT du 25 février 2000, même si la CRTFP est un employeur distinct et n'est partie à aucune plainte relative aux droits de la personne, ses employés faisaient partie du groupe visé par l'ordonnance sur consentement.

[101] Toutefois, peu importe que le CT soit l'employeur de facto, je ne vois pas comment cela modifie ou influence mes conclusions antérieures relatives à l'application de l'alinéa 7b) en l'espèce. Que l'employeur soit la CRTFP, le CT, ou comme la CCDP l'a également souligné, Sa Majesté la Reine en dernier ressort, il n'en demeure pas moins qu'il n'a pas été établi qu'il avait été fait preuve de discrimination à la CRTFP, sous la forme de salaires inégaux pour des fonctions équivalentes, au moyen de la méthodologie définie par le législateur, comme le prévoit l'article 11 de la LCDP.

[102] Je n'ai fait aucune distinction entre les rôles de la CRTFP et du CT dans ma précédente réflexion concernant la plainte déposée sous le régime de l'alinéa 7b) et mes conclusions sont essentiellement interchangeables entre les deux employeurs possibles en ce qui a trait à la question de savoir si, en l'espèce, une preuve prima facie de discrimination avait été établie au sens de l'alinéa 7b).

[103] En outre, même si le CT est considéré comme l'employeur aussi bien de la CRTFP que de la fonction publique centrale, la CRTFP n'en constitue pas moins un établissement distinct de la fonction publique centrale au sens de l'article 11, ce que la CCDP avait déjà conclu en 1991. Comme je l'ai déjà mentionné, il n'est pas possible de conclure automatiquement, à partir de l'étude relative à la parité salariale et des conclusions d'une entité ou d'un établissement distincts, soit la fonction publique centrale, que les taux de rémunération de la CRTFP sont discriminatoires.

[104] Il se peut que la suggestion voulant que les employés de la CRTFP soient de facto employés par le CT milite en faveur de l'argument selon lequel ils ont directement droit aux paiements compensateurs rétroactifs prévus par l'ordonnance sur consentement et par l'entente concernant les PE, à titre d'employés du CT. Toutefois, il s'agirait d'une question d'application d'une ordonnance du TCDP, ou de non-application de l'entente concernant les PE. Le moyen de répondre à ces questions est d'assimiler l'ordonnance du TCDP ou l'entente concernant les PE à une ordonnance de la Cour fédérale, comme le prévoient le paragraphe 48(3) et l'article 57 de la LCDP.

[105] Pour tous ces motifs, je conclus que même si on donnait foi aux allégations et aux éléments de preuve présentés par les plaignants et la CCDP, aucune preuve prima facie de discrimination n'a établi que les plaignants avaient été défavorisés, au sens de l'alinéa 7b).

C. L'article 10 de la LCDP

[106] L'alinéa 10a) de la LCDP, partie de l'article 10 pertinente aux fins des allégations des plaignants, prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur ou l'association patronale de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite. La CCDP a formulé des observations à l'égard de l'alinéa 10a) en se fondant sur l'hypothèse selon laquelle les plaignants touchaient des [traduction] salaires discriminatoires , ajoutant que lesdits salaires étaient payés conformément à des lignes de conduite établies par la CRTFP ou le CT. Pour les mêmes raisons que celles que j'ai données relativement à l'allégation de discrimination fondée sur l'alinéa 7b), j'ai conclu qu'il n'a pas été établi que les salaires versés par la CRTFP défavorisaient son personnel, ce qui constituerait un acte discriminatoire au sens de la LCDP. Par conséquent, sur cette seule base, une plainte déposée sous le régime de l'alinéa 10a) ne peut être fondée, même en présentant une preuve prima facie de discrimination.

[107] De plus, je ne suis pas convaincu que des éléments de preuve ont été présentés pour appuyer l'hypothèse selon laquelle les plaignants se sont vu refuser une occasion d'emploi, même s'il a été établi qu'ils ont été défavorisés sur le plan de la rémunération, ce qui constituait de la discrimination fondée sur le sexe. La CCDP a fait valoir que si les plaignants avaient su qu'ils ne recevraient pas les mêmes rajustements de salaire rétroactifs que les employés de la fonction publique centrale, ce qui les privait ainsi d'un salaire égal , ils auraient [traduction] très bien pu choisir de ne pas rester au service de la CRTFP, décidant plutôt de chercher un emploi au sein de la fonction publique centrale afin de conserver un [traduction] salaire égal . Compte tenu des paiements relatifs et des paiements compensateurs versés par le passé aux employés LS, CR et ST de la CRTFP, il était raisonnable pour les plaignants de s'attendre à ce que tous les futurs rajustements consentis aux employés de la fonction publique centrale leur soient également accordés.

[108] Un tel argument tient de la plus pure conjecture. Aucun élément de preuve n'a été présenté montrant que la perspective de salaires parallèles à ceux de la fonction publique avait influencé des employés de la CRTFP à ne pas chercher d'emploi dans la fonction publique centrale. En outre, même si de tels éléments de preuve avaient été présentés, je ne suis pas convaincu par l'argument de la CCDP que la décision d'un employé de ne pas chercher un autre emploi pour les raisons avancées serait susceptible d'annihiler ses chances d'emploi ou d'avancement au sens de l'article 10. Toutefois, compte tenu de l'absence susmentionnée d'éléments de preuve appuyant les allégations relatives à l'article 10, il ne m'est pas nécessaire d'élaborer davantage sur ce dernier point.

[109] Pour tous ces motifs, je conclus également qu'aucune preuve prima facie de discrimination, au sens de l'article 10, n'a été présentée.

III. Conclusion

[110] Par conséquent, je conclus que la plainte n'est pas fondée et je la rejette.

Signée par
Athanasios D. Hadjis

OTTAWA, Ontario

Le 17 mai, 2010

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T1266/7807
INTITULÉ DE LA CAUSE : Richard Harkin et al. c. Procureur Général du Canada
DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE : Les 20, 21, 23, 24, 27, 28 et 30 avril 2009
Les 4, 8 et 12 mai 2009
DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL Le 17 mai 2010
ONT COMPARU :
Richard Harkin Pour les plaignants
Sheila Osborne-Brown
Daniel Poulin
Pour la Commission canadienne des droits de la personne
Marie Crowley
Alexander Gay
Talitha Nabbali
Pour l'intimé
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