Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

KANAGS PREMAKUMAR

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

AIR CANADA

l'intimée

MOTIFS DE DÉCISION

D.T. 03/02

2002/02/04

Membre instructeur : Anne Mactavish, présidente

TRADUCTION

TABLE DES MATIÈRES

I. CONTEXTE

II. CAMPAGNE DE RECRUTEMENT DE LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL EN 1998

A. Titres de compétence pour le poste d'agent d'escale à temps réduit en 1998

B. La procédure d'embauchage

C. Entrevue d'emploi de M. Premakumar

D. Titres de compétence des personnes embauchées

E. Race et ethnie des personnes embauchées

F. Preuve statistique

III. JURISPRUDENCE

IV. ANALYSE

A. Y a-t-il un cas prima facie de discrimination?

B. Air Canada a-t-elle fourni une explication raisonnable pour la décision de ne pas embaucher M. Premakumar ?

V. MESURES DE REDRESSEMENT

A. Pertes de revenu

B. Calcul du brut

C. Regrets

D. Dommages-intérêts non-pécuniaires

E. Intérêts

F. Coûts

G. Autres menues dépenses

H. Mesures de redressement systémiques

I. Conservation de la compétence

VI. ORDONNANCE

[1] Kanagasabapathy Premakumar est un Tamoul originaire du Sri Lanka. Au printemps de 1998, M. Premakumar a posé sa candidature à un poste chez Lignes aériennes Canadien International (1). Il n'a pas été embauché. M. Premakumar allègue que sa race, sa couleur ainsi que son origine nationale et ethnique ont été des facteurs dans la décision de Lignes aériennes Canadien International de ne pas l'embaucher.

I. CONTEXTE

[2] M. Premakumar est actif depuis longtemps dans l'industrie de l'aviation. Avant de venir au Canada, M. Premakumar a travaillé dans le service des finances d'une ligne aérienne au Sri Lanka et à titre de superviseur des services du trafic dans un aéroport. Il a continué d'être actif dans les lignes aériennes après son arrivée au Canada : en août 1986, M. Premakumar commençait à travailler chez City Express à titre d'adjoint aux comptes / agent des réservations. Depuis, il a occupé plusieurs autres postes chez des lignes aériennes, y compris un poste à temps partiel à titre d'agent des ventes et des services aux passagers chez Services d'Aviation Général Hudson et, durant deux ans, entre 1989 et 1991, il a été préposé au nettoyage d'avions chez Air Canada.

[3] En 1995, Lignes aériennes Canadien International avait besoin d'une aide additionnelle pour les opérations de ses aires de trafic en Amérique du Nord. Lignes aériennes Canadien International connaissait certaines difficultés financières, mais, pour qu'elle puisse répondre à ses besoins opérationnels dans le cadre de ses restrictions financières, elle a conclu une entente avec l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, le syndicat qui représente les travailleurs sur les aires de trafic. Cette entente a permis à Lignes aériennes Canadien International d'embaucher des employés temporaires pour les mois d'été. En avril 1995, cette société a embauché M. Premakumar à un poste temporaire d'agent d'escale à temps réduit à l'Aéroport international Pearson dans le cadre de cette initiative. Il s'agissait d'un poste contractuel qu'il a occupé jusqu'au 28 octobre 1995.

[4] La preuve a démontré qu'il y a un certain désaccord relativement à l'étendue des tâches d'un agent d'escale à temps réduit, temporaire, chez Lignes aériennes Canadien International, telles qu'elles étaient à l'été de 1995. Toutefois, il n'est pas contesté qu'au minimum, M. Premakumar aurait dû lever des poids d'une lourdeur considérable puisque ses tâches comportaient le tri des bagages dans la soute à bagages. Par son travail chez Lignes aériennes Canadien International, M. Premakumar serait aussi devenu bien au courant des échéanciers serrés que comporte le poste d'agent d'escale et de l'importance d'exécuter les tâches en temps voulu.

[5] M. Premakumar a affirmé qu'il a accompli ses tâches d'agent d'escale à temps réduit de façon compétente et consciencieuse. Rien ne me laisse penser que M. Premakumar a accompli ses tâches d'agent d'escale à temps réduit, temporaire, autrement que d'une manière entièrement satisfaisante.

II. CAMPAGNE DE RECRUTEMENT DE LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL EN 1998

[6] M. Premakumar affirme qu'une fois son contrat chez Lignes aériennes Canadien International terminé, à l'automne de 1995, il a posé sa candidature à des postes chez Lignes aériennes Canadien International en plusieurs occasions, mais qu'on ne lui a jamais proposé une entrevue. Au début de 1998, Lignes aériennes Canadien International a lancé une campagne pour embaucher des agents d'escale à temps réduit à l'Aéroport international Pearson. M. Premakumar a été mis au courant de cette campagne et a présenté une demande. Après n'avoir encore une fois reçu aucune réponse de la part de Lignes aériennes Canadien International, M. Premakumar a téléphoné à Lynne Raglan, directrice de l'embauchage de Lignes aériennes Canadien International pour l'Est du Canada. Une entrevue a alors été fixée pour M. Premakumar relativement à un poste permanent d'agent d'escale à temps réduit.

A. Titres de compétence pour le poste d'agent d'escale à temps réduit en 1998

[7] Lynne Raglan était responsable du recrutement pour Lignes aériennes Canadien International dans l'Est du Canada entre 1995 et 1998. Mme Raglan a témoigné que Lignes aériennes Canadien International exigeait que les personnes employées à titre d'agents d'escale aient terminé une douzième année de scolarité, ou l'équivalent, qu'elles possèdent un permis de conduire de catégorie G sans restrictions de l'Ontario et qu'elles puissent lever des poids pouvant atteindre 70 livres. De plus, les candidats devaient pouvoir travailler dans des espaces clos et en hauteur ainsi qu'à l'extérieur. Les candidats devaient pouvoir parler, lire et écrire couramment l'anglais et être disponibles pour travailler à différents quarts de travail. Enfin, les candidats devaient être en mesure de participer à un programme de formation obligatoire de deux à trois semaines.

[8] Selon Mme Raglan, les compétences que la société recherchait pour les postes d'agents d'escale à temps réduit en 1998 étaient semblables à celles qu'elle recherchait lorsqu'elle avait embauché des agents d'escale à temps réduit en 1995. En revanche, Rick Chiappetta (qui est l'un des représentants de Lignes aériennes Canadien International qui a interrogé M. Premakumar en mars 1998) a affirmé que Lignes aériennes Canadien International recherchait des compétences tout à fait différentes en 1998 de celles qu'elle recherchait en 1995. Selon M. Chiappetta, Lignes aériennes Canadien International embauchait des employés permanents en 1998 et recherchait donc des personnes qui pouvaient faire carrière avec la société. C'était différent de la situation qui prévalait en 1995, alors que les personnes étaient embauchées sur une base temporaire. Je préfère le témoignage de Mme Raglan sur ce point. Mme Raglan était un témoin plus désintéressé du fait que sa conduite n'était pas directement en cause dans cette affaire. Cela s'est traduit dans son témoignage, que j'ai trouvé plus équilibré que celui de M. Chiappetta.

[9] Il a été reconnu que M. Premakumar rencontrait les exigences de base du poste. Cela a été démontré par le fait qu'on a convié M. Premakumar à une entrevue.

B. La procédure d'embauchage

[10] Selon Mme Raglan, après avoir reçu une demande, son adjointe entrait en communication avec le candidat par téléphone et posait une série de questions basées sur un questionnaire de présélection. Ces questions visaient à établir si le candidat rencontrait les exigences de base de l'emploi, comme les douze années de scolarité, ou l'équivalent, le permis de conduire de catégorie G sans restrictions de l'Ontario et le droit légal du candidat de travailler au Canada. Des questions additionnelles étaient conçues pour éliminer les candidats manifestement inappropriés comme ceux qui ne veulent pas travailler au taux horaire relié au poste ou qui sont incapables d'accepter des quarts de travail.

[11] Le candidat qui passait avec succès la procédure de présélection était convié à une entrevue. Les entrevues avaient généralement lieu en présence de deux représentants de Lignes aériennes Canadien International, un des Ressources humaines, qui possédait une expérience dans le recrutement, et l'autre, de l'aire de trafic, qui connaissait le poste d'agent d'escale.

[12] On demandait aux candidats de rédiger un court paragraphe expliquant pourquoi ils voulaient travailler pour Lignes aériennes Canadien International. On leur demandait aussi de lire un paragraphe à voix haute pour établir s'ils étaient capables de lire et de communiquer en anglais. On posait ensuite des questions à partir d'une liste de questions préparée à l'avance. On posait les mêmes questions à chaque candidat. Chaque question avait un poids égal et aucune n'était plus ou moins importante que les autres. La société ne disposait pas de réponses souhaitées pré-établies aux questions. Cependant, le formulaire de l'entrevue indique que les interrogateurs devaient porter attention à certaines choses en rapport à des questions particulières.

[13] Immédiatement après l'entrevue, l'équipe d'entrevue établissait provisoirement si le candidat était acceptable. Si l'équipe décidait que le candidat n'était pas acceptable à ce poste, la procédure se terminait dans son cas et le candidat recevait plus tard une lettre de refus. Les personnes qui passaient avec succès l'étape de l'entrevue devaient effectuer un examen de conduite automobile, une vérification de sécurité et un examen médical avant d'entreprendre un programme de formation.

[14] L'on ne m'a pas dit combien de personnes ont posé leur candidature à ces postes d'agents d'escale à temps réduit, mais il semble que plusieurs centaines de candidats ont passé des entrevues au printemps de 1998. Il y a eu trois ou quatre équipes qui ont conduit des entrevues et les interrogateurs ont rencontré entre huit et quinze candidats par jour sur une période de plusieurs semaines. En bout de ligne, il y a eu embauchage d'environ cinquante-sept personnes (2)

C. Entrevue d'emploi de M. Premakumar

[15] M. Premakumar a été interrogé le 30 mars 1998 par Kerry Demeda et Rick Chiappetta. Mme Demeda était une coordonnatrice du recrutement et relevait de Lynne Raglan. Mme Demeda agissait comme l'une des spécialistes du recrutement au sein des équipes d'entrevue qui participaient à la procédure d'embauchage. Rick Chiappetta participait à la procédure d'entrevue pour les postes d'agents d'escale et il était l'une des personnes qui avait l'expérience de l'aire de trafic.

[16] D'après Mme Demeda, l'entrevue était conçue pour évaluer si les candidats avaient les compétences non techniques nécessaires pour faire le travail. Elle a décrit les compétences non techniques comme suit : [...] compétences pour lesquelles vous ne pouvez donner de formation à qui que ce soit. Il s'agit de la volonté de travailler, de la capacité de collaborer et de travailler au sein d'une équipe, de la motivation, de l'enthousiasme, d'une bonne éthique du travail. (3) Mme Demeda évaluait les compétences non techniques des candidats à la façon dont ceux-ci répondaient aux questions, dont ils parlaient de leur poste courant, à leur attitude et à la façon dont ils démontraient qu'ils étaient en mesure de travailler au sein d'une équipe. M. Chiappetta a déclaré qu'il recherchait du leadership, expliquant que [...] si les gens sont motivés à progresser au sein de la société, les compétences en leadership les aident à atteindre ce but. (4) Il recherchait aussi des candidats qui avaient de bonnes compétences en communication et qui étaient capables de travailler en fonction d'échéanciers. Pour évaluer si le candidat était acceptable pour le poste, M. Chiappetta considérait des facteurs tels que la façon dont les personnes parlaient en répondant aux questions et leur langage corporel.

[17] Bien qu'il semble que M. Premakumar ait étiré quelque peu la vérité dans des demandes d'emploi subséquentes en ce qui a trait au niveau qu'il avait atteint à titre de CGA, tout compte fait, je trouve que M. Premakumar est un témoin crédible. M. Premakumar a témoigné plutôt longuement au sujet de son entrevue. Son témoignage était sincère, cohérent et ferme et il est resté sans failles lors du contre-interrogatoire (5). Compte tenu de l'intérêt que M. Premakumar portait depuis longtemps à l'industrie de l'aviation, cette entrevue était de toute évidence d'une importance plutôt considérable pour lui, et ses souvenirs étaient détaillés et spécifiques. Selon M. Premakumar, Mme Demeda et M. Chiappetta lui ont posé des questions et les deux ont pris des notes alors qu'il répondait. Il a déclaré qu'il a répondu entièrement à toutes leurs questions, et ce, de façon complète. Durant toute l'entrevue, il a reçu des commentaires positifs de Mme Demeda et de M. Chiappetta. M. Premakumar dit que Mme Demeda et M. Chiappetta hochaient la tête de manière affirmative lorsqu'il répondait aux questions et qu'ils avaient des commentaires du genre bon et très bon en réaction à ses réponses. M. Premakumar a quitté le lieu de l'entrevue en étant confiant qu'il avait décroché l'emploi.

[18] Bien que Lynne Raglan ait déclaré que la politique de Lignes aériennes Canadien International était de n'émettre aucune rétroaction durant l'entrevue, Kerry Demeda a reconnu qu'elle cherchait à encourager les candidats en hochant de la tête et en disant des choses comme : Bon. Merci. Passons à la prochaine question… (6) Rick Chiappetta a aussi confirmé qu'il hochait de la tête pour faire signe que oui en réaction aux réponses données durant les entrevues.

[19] On a demandé à M. Premakumar d'indiquer par écrit pourquoi il avait demandé de travailler chez Lignes aériennes Canadien International. On lui a aussi demandé de lire un paragraphe en anglais. M. Chiappetta a reconnu que les compétences linguistiques de M. Premakumar étaient satisfaisantes. L'entrevue passa ensuite à la phase des questions écrites à l'avance.

[20] Tel qu'indiqué antérieurement, M. Premakumar a un souvenir clair de l'entrevue. À l'inverse, ni Mme Demeda ni M. Chiappetta n'ont souvenir de M. Premakumar ou de son entrevue. Cela n'est pas surprenant, compte tenu du nombre d'entrevues que chacun a conduites durant cette période et j'accepte leur témoignage à cet égard. L'absence de tout souvenir indépendant de l'entrevue signifie toutefois que Mme Demeda et M. Chiappetta dépendaient entièrement de leurs notes d'entrevue pour tenter de reconstruire ce qui s'est passé relativement à M. Premakumar. À partir de ces notes, Mme Demeda et M. Chiappetta présument que l'entrevue de M. Premakumar a dû aller très mal et que c'est la raison pour laquelle il n'a pas été embauché.

[21] Il n'est pas contesté que les seules notes présentées au Tribunal au sujet de l'entrevue de M. Premakumar sont celles que M. Chiappetta a prises. M. Premakumar a déclaré que Mme Demeda avait un papier devant elle et qu'elle a écrit sur ce papier durant l'entrevue. Selon M. Chiappetta et Mme Demeda, à cette phase de la procédure, ils dirigeaient les entrevues à tour de rôle. L'un des deux posait la plupart des questions et inscrivait les réponses durant une entrevue et l'autre faisait de même lors de l'entrevue qui suivait. Mme Demeda corrobore toutefois le souvenir de M. Premakumar, reconnaissant que même lorsque M. Chiappetta dirigeait une entrevue, elle avait un bloc-notes devant elle et prenait de petites notes sur des questions au sujet desquelles elle voulait assurer un suivi. D'après Mme Demeda, ces notes servaient davantage d'aide-mémoire que de dossier de l'entrevue en soi et ne portaient même pas le nom du candidat. Les notes de Mme Demeda semblent avoir été détruites après l'entrevue. Bien qu'il eut été préférable de produire toutes les notes de l'entrevue devant le Tribunal, compte tenu de la description que Mme Demeda a faite du but de ces notes, je ne suis pas prête à tirer quelque conclusion que ce soit au sujet de leur destruction.

[22] Le souvenir de M. Premakumar selon lequel Mme Demeda et M. Chiappetta ont posé des questions durant l'entrevue est aussi corroboré par Mme Demeda. Bien qu'il semble que cette entrevue ait été largement dirigée par M. Chiappetta, Mme Demeda a reconnu qu'elle posait des questions durant les entrevues conduites par M. Chiappetta, lorsqu'elle avait l'impression qu'elle devait faire éclaircir la réponse du candidat.

[23] La première question qu'on a posée à M. Premakumar a été : Qu'est-ce qui vous incite à poser votre candidature au poste d'agent d'escale ... ? M. Premakumar a déclaré qu'il a passé en revue son expérience dans l'industrie des lignes aériennes, en se référant à son expérience antérieure chez Air Canada et Lignes aériennes Canadien International, ainsi que son travail chez de plus petites lignes aériennes. Les notes de M. Chiappetta rapportent ainsi la réponse de M. Premakumar : a travaillé temp. chez Can.

[24] M. Chiappetta a témoigné relativement à ses notes et a d'abord laissé à entendre que même s'il n'inscrivait pas les réponses mot à mot, il inscrivait tout ce que le candidat disait. Un examen des dossiers laisse à penser que c'est peu probable. M. Chiappetta et Mme Demeda ont convenu que les entrevues duraient entre 20 et 30 minutes. Il y avait 12 questions principales posées à chaque candidat. Dans le cas de M. Premakumar, les dossiers de M. Chiappetta au sujet des réponses comportent aussi peu que deux mots par question. Pour trois questions, il n'y a pas de réponse. Bien qu'on ait suggéré que cela pouvait refléter la piètre qualité de l'entrevue de M. Premakumar, la qualité du dossier tenu par M. Chiappetta au sujet de l'entrevue de M. Premakumar n'est pas sensiblement différente de la qualité des notes des entrevues avec d'autres candidats qui ont passé ces entrevues avec succès. Non seulement est-il difficile d'imaginer comment des entrevues où les réponses se limitent à deux mots puissent prendre entre 20 et 30 minutes, mais un examen des notes elles-mêmes laisse à penser que la description que M. Chiappetta a faite subséquemment de ses notes, quelque chose représentant ce qui s'est passé (7), est plus exacte.

[25] Je préfère la description que M. Premakumar a faite de sa réponse que celle inscrite par M. Chiappetta. M. Premakumar s'intéressait à l'industrie des lignes aériennes depuis longtemps et y avait une expérience considérable et variée. Il est vraisemblable qu'il en ait parlé durant son entrevue.

[26] L'évaluation que font Mme Demeda et M. Chiappetta de l'importance de l'expérience antérieure de M. Premakumar chez Lignes aériennes Canadien International est révélatrice et, en réalité, établit l'allure du reste de leurs témoignages respectifs au sujet de la candidature de M. Premakumar. Même si Lynne Raglan était d'avis que l'expérience antérieure chez Lignes aériennes Canadien International serait un bon atout, Mme Demeda et M. Chiappetta ont minimisé la valeur de l'expérience antérieure de M. Premakumar dans ce qui était, au minimum, une version plutôt réduite du poste réel qu'ils cherchaient à combler. À un moment de son contre-interrogatoire, Mme Demeda est allée aussi loin que de sembler suggérer que, loin de jouer en sa faveur, l'expérience antérieure de M. Premakumar chez Lignes aériennes Canadien International était en réalité négative :

Q. Lorsqu'un candidat a déjà travaillé dans un poste semblable, conviendriez-vous que relativement à la lecture que vous venez de faire du passage vous auriez un candidat qui est un bon atout pour le poste en question ?

A. Ils auraient les compétences de base. Cela ne signifie pas qu'ils font bien ou mal leur travail.

Q. Au départ, ils auraient un petit avantage parce qu'ils auraient une expérience antérieure. Exact ?

A. Quiconque ayant une expérience de travail générale aurait probablement une meilleure connaissance.

Q. Me dites-vous que quiconque ayant une expérience de travail générale serait préférable à quelqu'un qui aurait occupé un poste exactement comme celui-ci ?

A. C'est probable (8).

Bien que Mme Demeda ait tenté de retraiter quelque peu de cette position, elle est demeurée réticente à reconnaître l'importance évidente de l'expérience antérieure de M. Premakumar au sein de la société. Par exemple, à un moment, Mme Demeda a tenté de diminuer la valeur de l'expérience de M. Premakumar chez Lignes aériennes Canadien International en faisant l'observation que l'expérience datait de trois ans. Cependant, lorsqu'elle a évalué les compétences d'un autre candidat, Mme Demeda a été impressionnée par l'expérience de l'aire de trafic de ce candidat dans le domaine du fret aérien avec une autre société, même si le candidat avait travaillé à ce poste quelque sept ans avant cette entrevue (9).

[27] Selon M. Chiappetta, il s'agissait d'un poste au niveau d'entrée et l'expérience antérieure n'était pas nécessaire. En contre-interrogatoire, M. Chiappetta s'est dit d'accord avec la proposition que l'expérience antérieure, sur une base temporaire, de M. Premakumar à titre d'agent d'escale à temps réduit chez Lignes aériennes Canadien International était sans aucune importance (10). M. Chiappetta avait aussi peu de considération pour l'expérience de M. Premakumar à titre de préposé au nettoyage d'avions chez Air Canada. D'après M. Chiappetta, cette expérience était peu pertinente parce qu'il s'agissait d'une expérience à un autre poste que celui d'agent d'escale. D'autre part, M. Chiappetta était impressionné favorablement par l'expérience d'autres candidats à d'autres postes au sein de lignes aériennes, comme les postes en entretien des aéronefs (11) et en mécanique d'aéronefs (12).

[28] Aucun effort n'a été fait pour vérifier, auprès des superviseurs antérieurs de M. Premakumar, la qualité de son travail à titre d'agent d'escale en 1995. Selon Mme Raglan et Mme Demeda, une telle recherche n'aurait été faite qu'après que M. Premakumar eut passé l'entrevue avec succès.

[29] La deuxième question posée à M. Premakumar était : Dites-nous ce que vous savez au sujet de Lignes aériennes Canadien International ? Cette question était conçue pour établir si le candidat avait effectué quelque recherche sur le sujet. M. Premakumar a déclaré qu'il avait dit que Lignes aériennes Canadien International était une filiale de PWA Corporation et que ses affaires avaient été bonnes jusqu'à sa fusion avec Wardair, moment à partir duquel elle avait commencé à perdre de l'argent. M. Chiappetta n'a pris aucune note relativement à la réponse de M. Premakumar, car le formulaire ne prévoit pas l'inscription de la réponse du candidat, mais donne plutôt la possibilité de quatre notations : Excellent, Bon, Moyen et Faible. M. Chiappetta a encerclé Moyen pour la réponse de M. Premakumar. En soi, cela n'est pas remarquable, bien qu'il soit utile de noter que plusieurs des candidats qui ont été retenus avaient une faible connaissance de Lignes aériennes Canadien International. Ce qui est remarquable, c'est l'affirmation de M. Chiappetta selon laquelle le fait d'avoir une connaissance Moyenne de Lignes aériennes Canadien International n'est pas nécessairement mieux que celui d'avoir une Faible connaissance de la société.

[30] On a alors demandé à M. Premakumar : Que pouvez-vous offrir à Lignes aériennes Canadien International ? Le formulaire d'entrevue indique que les interrogateurs devaient attendre des expressions comme compétences polyvalentes, aptitudes en relations humaines, tack [sic], explication de ce qu'il / elle croit être ses forces. M. Premakumar dit qu'il est revenu sur son expérience antérieure dans l'industrie des lignes aériennes et qu'il a mentionné qu'il travaillait dur et qu'il était fiable. Il a aussi mentionné qu'il avait de fortes compétences en relations interpersonnelles. M. Chiappetta a inscrit sa réponse ainsi : énergie / expérience. M. Chiappetta a répugné à concéder que l'énergie et l'expérience étaient des attributs positifs pour un candidat.

[31] Le fait de bien travailler en équipe a été mentionné souvent comme étant une compétence importante pour les agents d'escale. Bien que M. Chiappetta ne l'ait pas inscrit, M. Premakumar dit qu'il s'est décrit comme une personne qui travaillait bien en équipe durant l'entrevue. Le dossier même de M. Chiappetta sur la réponse de M. Premakumar à la douzième question réfère au souhait de M. Premakumar de faire partie d'une équipe gagnante. Le curriculum vitae de M. Premakumar mentionne aussi son intérêt pour le service social. Lynne Raglan a noté que le curriculum vitae d'un autre candidat indiquait qu'il avait une expérience de bénévole, en faisant la remarque que cela était considéré comme une bonne chose car cela indiquait que le candidat était capable de travailler en équipe (13). Aucune reconnaissance de cette sorte ne semble avoir été accordée à l'intérêt de M. Premakumar à l'égard du travail bénévole. Dans le même ordre d'idées, Mme Demeda était prête à donner quelque crédit à la participation d'un autre candidat à des activités physiques récréatives en affirmant que cela démontrait la capacité du candidat de travailler en équipe (14). Aucune considération semblable ne semble avoir été accordée, cependant, à l'intérêt de M. Premakumar pour le soccer - un sport d'équipe - ce qui était clairement indiqué dans son curriculum vitae.

[32] Les deux questions suivantes demandaient aux candidats d'indiquer ce qu'ils aimaient le plus et le moins dans leur poste courant. Il n'y a rien de particulièrement significatif au sujet de la version de M. Premakumar relativement à ses réponses ou des commentaires de M. Chiappetta et de Mme Demeda au sujet de ses réponses.

[33] La réponse de M. Premakumar à la sixième question est la plus controversée de l'entrevue. La question demande ceci au candidat : Donnez-nous un exemple comme quoi vous avez travaillé en devant respecter un échéancier. Selon le formulaire, les interrogateurs devaient chercher à établir la capacité du candidat à composer avec le stress. Lynne Raglan a expliqué que les agents d'escale doivent travailler en respectant des échéanciers dictés par les horaires des vols. Pour les candidats qui avaient eu ce genre de travail antérieurement, Mme Raglan devait rechercher les réponses qui fournissaient des exemples de situations où le candidat avait eu à travailler en respectant des échéanciers.

[34] M. Premakumar dit qu'il a donné un exemple particulier d'une situation qui s'était produite lors de son emploi antérieur à titre d'agent d'escale chez Lignes aériennes Canadien International et qu'il a décrit les actions qu'il avait prises pour permettre que le départ d'un vol ait lieu en temps voulu. D'après M. Premakumar, il avait fallu travailler très dur pour respecter l'heure de départ, mais la sécurité des employés était restée une priorité. M. Premakumar a dit qu'il avait reçu les hommages du chef d'équipe pour son comportement dans cette situation.

[35] M. Chiappetta a inscrit que M. Premakumar avait dit : Faire juste le travail prendre mon temps !

[36] Comme pour ce qui est du reste de l'entrevue, Mme Demeda ne se rappelle pas de la réponse de M. Premakumar à cette question. M. Chiappetta dit que si c'est ce qu'il a écrit, c'est ce que M. Premakumar doit avoir dit. Je n'accepte pas la preuve de M. Chiappetta à cet égard et je préfère la preuve de M. Premakumar. Comme Mme Demeda l'a indiqué dans son témoignage, quiconque avait été agent d'escale devait être au courant des échéanciers associés à ce poste. M. Premakumar avait travaillé antérieurement chez Lignes aériennes Canadien International à titre d'agent d'escale à temps réduit et était bien au courant de l'importance d'un service donné en temps voulu. Il est manifestement un homme intelligent qui voulait vraiment cet emploi. Dans ce contexte, il est simplement non crédible qu'il répondrait à une question au sujet du travail comportant le respect d'échéanciers en disant qu'il ferait seulement son travail et prendrait son temps.

[37] À titre de plaignant, M. Premakumar a été le premier à témoigner et à donner une description de sa réponse avant que Mme Raglan ou Mme Demeda se trouvent à la barre. Il n'a donc pas eu la possibilité de façonner sa preuve pour qu'elle corresponde à la description de ce que les interrogateurs cherchaient. Mme Raglan a affirmé qu'elle s'attendait à ce qu'un candidat donne un exemple particulier de travail où il fallait respecter des échéanciers en se fondant sur l'expérience passée. C'est exactement ce qu'a fait M. Premakumar. Mme Demeda a indiqué qu'une référence à la sécurité était un élément que l'on recherchait en cours d'entrevue. M. Premakumar a établi clairement qu'il avait mentionné que le maintien de la sécurité était une priorité.

[38] M. Chiappetta a déclaré que le curriculum vitae d'un candidat et son rendement à l'entrevue étaient deux éléments qui faisaient partie d'un tout. Dans ce contexte, il convient de noter que le curriculum vitae de M. Premakumar fait état spécifiquement de sa capacité à établir des priorités et à respecter les échéances ainsi que de sa capacité de travailler rapidement et de façon compétente sous pression.

[39] On a ensuite demandé à M. Premakumar : Parlez-nous d'une occasion où vous avez trouvé un moyen de faciliter votre travail ou de le rendre plus gratifiant. Il n'y a rien de particulièrement significatif dans la version que M. Premakumar donne de sa réponse, et ni M. Chiappetta ni Mme Demeda n'avaient beaucoup à dire à cet égard.

[40] Aucune réponse n'est inscrite pour les trois questions suivantes. M. Premakumar a déclaré qu'il avait répondu à chacune des trois questions et a décrit les réponses qu'il avait données. Ces réponses semblent tout à fait raisonnables.

[41] Selon Mme Raglan et Mme Demeda, si un candidat donnait une réponse à une question, cette réponse devait être inscrite. Mme Raglan a dit que dans les situations où l'entrevue allait très mal, les interrogateurs pouvaient cesser de poser des questions pour ne pas humilier le candidat. Dans de tels cas, Mme Raglan indique parfois sur le formulaire pourquoi la personne n'a pas été embauchée.

[42] M. Chiappetta a expliqué les divergences de ses notes en disant que soit M. Premakumar n'a pas répondu à ces questions, soit que ses réponses étaient tellement tirées par les cheveux que M. Chiappetta ne s'embarrassait pas de les noter. Lorsqu'ils ont été confrontés aux notes d'entrevue d'autres candidats qui ont réussi leur entrevue et dont les réponses n'ont pas été inscrites à une ou plusieurs questions, Mme Demeda et M. Chiappetta ont affirmé que ces candidats pouvaient avoir déjà couvert le sujet dans une réponse précédente. Cependant, un examen des réponses précédentes de chacun des candidats ne le confirme pas toujours.

[43] Comme je l'ai indiqué plus tôt, je ne suis pas du tout convaincue de ce que les notes de M. Chiappetta représentent un dossier fiable de ce qui s'est passé lors de l'entrevue de M. Premakumar. Un examen des notes conservées par M. Chiappetta ainsi que de celles conservées par d'autres interrogateurs en ce qui concerne les candidats qui ont passé l'entrevue avec succès révèle plusieurs cas où aucune réponse n'a été inscrite à une ou plusieurs questions. Pour un bon nombre de candidats qui ont été retenus, il n'y a aucune réponse inscrite à plusieurs questions. Dans un cas, il n'y a aucune réponse inscrite à sept des douze questions principales (15). J'accepte le témoignage de M. Premakumar selon lequel on lui a posé toutes ces questions et il a donné des réponses raisonnables à chacune d'elles.

[44] Il n'y a rien de particulièrement significatif au sujet des réponses de M. Premakumar aux deux dernières questions, et ni M. Chiappetta ni Mme Demeda n'ont eu beaucoup à dire à ce sujet. On a alors demandé à M. Premakumar de fournir le nom d'une référence, ce qu'il a fait, et on lui a aussi posé quelques questions au sujet de son historique d'assiduité. On a invité M. Premakumar à poser toutes les questions qu'il pouvait avoir au sujet de l'emploi et il a été inscrit qu'il a demandé quand le programme de formation commencerait.

[45] La dernière note sur le formulaire d'entrevue est une note de M. Chiappetta qui se lit ainsi : Pourquoi avons-nous déjà embauché ce gars !! M. Chiappetta a expliqué que de toute évidence il ne pensait pas que M. Premakumar était un employé qu'il voudrait embaucher et qu'il ne possédait pas les qualités en leadership, en communication et en travail d'équipe que la société recherchait. Il a aussi affirmé que ce n'était pas son habitude de faire ce type de commentaire. D'après M. Chiappetta, le commentaire devait découler de sa propre frustration et du fait que l'entrevue de M. Premakumar devait avoir été très mal. M. Chiappetta a toutefois été incapable d'indiquer ce qui avait été si frustrant dans l'entrevue de M. Premakumar.

[46] Mme Raglan a convenu qu'il était vraiment inhabituel pour M. Chiappetta de faire un commentaire de cette nature. Mme Raglan et Mme Demeda ont présumé que M. Premakumar devait avoir eu une très mauvaise entrevue pour que M. Chiappetta ait écrit cette note. Mme Raglan est d'avis que M. Chiappetta devait être très frustré lorsqu'il a écrit ce commentaire. Mme Raglan a poursuivi en disant qu'elle ne ferait pas un commentaire de cette nature et que ce n'était pas acceptable à ses yeux.

[47] M. Premakumar a émis l'hypothèse que M. Chiappetta ait pu faire preuve d'une certaine animosité à son endroit en raison d'un incident survenu alors que M. Premakumar était employé chez Lignes aériennes Canadien International en 1995 et que c'était peut-être ce qui motivait les actions de M. Chiappetta. La preuve de M. Premakumar sur ce point n'est pas vraiment claire et je ne suis pas persuadée que ce fut le cas.

[48] Que faire alors du commentaire de M. Chiappetta ? À mon avis, le commentaire suggère un certain manque de respect pour la personne de M. Premakumar. Il n'y a rien dans la preuve qui m'est présentée qui justifierait un tel commentaire. Ni M. Chiappetta ni Mme Demeda n'ont été en mesure d'offrir quelque genre d'explication que ce soit autre que des hypothèses pour le commentaire, et rien dans les notes de M. Chiappetta ne laisse à penser que M. Premakumar a eu une très mauvaise entrevue. Bien que la réponse attribuée à M. Premakumar à la question six soit problématique, M. Chiappetta et Mme Demeda ont témoigné qu'une mauvaise réponse ne disqualifiait pas un candidat.

[49] Mme Demeda et M. Chiappetta ont pris la décision de rejeter la candidature de M. Premakumar immédiatement après l'entrevue. Bien que ni l'un ni l'autre n'aient un souvenir précis de l'entrevue, les deux ont émis des hypothèses relativement à la justification de leur décision de ne pas permettre à M. Premakumar de passer à l'étape suivante de la procédure d'embauchage. Mme Demeda a signalé qu'il n'y avait simplement pas beaucoup de notes inscrites pour cette entrevue, qu'il n'y a tout simplement pas assez de renseignements pour prendre la décision de dire oui au candidat (16). Un examen des notes des entrevues des candidats qui les ont passées avec succès ne révèle pas plus d'information sur certains de ceux qui ont été embauchés que les notes prises à l'égard de l'entrevue de M. Premakumar.

[50] Tel que mentionné antérieurement, M. Chiappetta a déclaré que M. Premakumar n'avait simplement pas certaines des qualités en leadership, en communication et en travail d'équipe que la société recherchait. Il en est venu à cette conclusion en se fondant sur les réponses fournies par M. Premakumar ainsi que sur la façon dont M. Premakumar a répondu aux questions, y compris les facteurs comme le langage corporel.

[51] M. Chiappetta et Mme Demeda ont nié que la couleur de M. Premakumar ait eu quoi que ce soit à voir avec la décision de ne pas l'embaucher. M. Chiappetta a aussi affirmé qu'il ne savait même pas que M. Premakumar était un Sri Lankais.

[52] Le 1er avril 1998, on a envoyé à M. Premakumar une lettre l'informant qu'il n'était pas embauché. M. Premakumar a alors appelé Mme Raglan pour savoir pourquoi sa candidature avait été rejetée. D'après M. Premakumar, Mme Raglan lui a dit que les raisons de la société étaient confidentielles et qu'elles ne pouvaient pas discuter de cette question avec lui. Mme Raglan ne se rappelle pas de cet appel mais ne conteste pas qu'il ait pu avoir lieu. Elle a confirmé que c'était la politique de Lignes aériennes Canadien International de ne pas discuter des décisions relatives à l'embauchage avec les candidats non retenus. Comme il n'avait reçu aucune explication de la part de Lignes aériennes Canadien International, M. Premakumar a choisi de déposer une plainte concernant les droits de la personne.

D. Titres de compétence des personnes embauchées

[53] L'on m'a fourni trois gros relieurs à feuilles mobiles de documents contenant les curriculum vitae et les notes d'entrevue des candidats qui ont passé l'entrevue avec succès. Malheureusement, les notes d'entrevue pour plusieurs des candidats sont aussi concises et peu éclairantes que celles qui ont trait à l'entrevue de M. Premakumar. J'ai déjà fait allusion à certains aspects des compétences de certains candidats et je n'ai pas l'intention de répéter mes observations à cet égard. Un examen des documents qui ont trait aux candidats qui ont été retenus dévoile qu'un seul de ces candidats avait une certaine expérience de travail chez Lignes aériennes Canadien International (17). Plusieurs, si ce n'est la plupart, de ces candidats, semblent ne pas avoir plus de compétences pour le poste temporaire d'agent d'escale à temps réduit que M. Premakumar, et plusieurs semblent être moins compétents.

[54] Pour donner un exemple, Mme Demeda a concédé que M. Premakumar avait une expérience qui était liée plus étroitement au poste d'agent d'escale à temps réduit que le candidat 133/AK. Lorsqu'on a fait remarquer à Mme Demeda que le curriculum vitae de ce candidat n'affichait virtuellement aucune expérience pertinente au poste en question, Mme Demeda a déclaré que ce candidat avait eu droit à une entrevue parce qu'il avait été référé par une personne au sein de la société, mais que ce lien n'avait rien à voir avec la décision d'embaucher le candidat.

[55] Les notes d'entrevue du candidat 133/AK ne comportent aucune inscription de réponses à quatre des douze questions, y compris la question six - Donnez-nous un exemple comme quoi vous avez travaillé en devant respecter un échéancier. Plusieurs des réponses aux autres questions ne sont pas particulièrement éclairantes. Mme Demeda (qui n'a pas participé pas à l'embauchage de ce candidat) n'a pas été en mesure de dire pourquoi cette personne avait été embauchée et pas M. Premakumar.

[56] Mme Demeda a aussi convenu que M. Premakumar avait une expérience plus pertinente pour le poste que le candidat 152/GG, qui a été interrogé par Mme Demeda et M. Chiappetta. Les notes de cette entrevue indiquent que le candidat a une faible connaissance de Lignes aériennes Canadien International. La réponse inscrite à la question six , Stressant mais contrôlé, ne répond pas vraiment à la question. Aucune réponse n'est inscrite à deux autres questions et le reste des réponses ne présente rien de remarquable.

[57] M. Chiappetta a été le seul représentant de Lignes aériennes Canadien International à participer à l'entrevue du candidat 154/VN. Ce candidat avait eu antérieurement un emploi de conducteur d'autobus scolaire et répondait certainement à l'exigence de posséder une expérience en conduite automobile. Cependant, rien n'indique dans le dossier qu'il ait eu une expérience exigeant de lever des poids lourds et de travailler à l'extérieur . Les notes d'entrevue prises par M. Chiappetta révèlent que ce candidat avait une faible connaissance de la société. Aucune réponse n'est inscrite à deux questions. La réponse inscrite par M. Chiappetta à la question six est Pas de problème. Les autres réponses du candidat ne présentent rien de remarquable.

[58] Le candidat 141/RN a été interrogé par Rick Chiappetta et Lynne Raglan. Ce candidat avait une expérience antérieure d'agent immobilier, d'administrateur de bureau et de gestionnaire immobilier. Bien qu'on ait noté que le candidat s'attendait à ce que le poste soit exigeant sur le plan physique, il n'y a aucune mention dans le dossier relativement à une expérience antérieure à titre de journalier ou de travail à l'extérieur comportant le fait de soulever des poids lourds. Encore une fois, les notes de l'entrevue de ce candidat sont peu complets. Aucune réponse n'est inscrite à trois des questions, y compris la question six.

[59] À la lumière de ce qui précède, je suis d'avis que M. Premakumar était au moins aussi compétent que plusieurs des candidats qui, en définitive, ont été embauchés, et plus compétent que certains d'entre eux.

E. Race et ethnie des personnes embauchées

[60] Bien que M. Chiappetta et Mme Demeda aient affirmé qu'ils avaient chacun de leur côté embauché des membres des minorités visibles au cours de leurs carrières respectives chez Lignes aériennes Canadien International, l'on ne m'a fourni aucun renseignement au sujet de la race, de la couleur ou de l'origine ethnique ou nationale des personnes embauchées au printemps de 1998 à titre d'agents d'escale à temps réduit. L'avocat de la Commission et M. Premakumar prétendent que je devrais tirer des conclusions au sujet de l'ethnie des candidats qui ont été retenus en examinant leurs noms. À mon avis, il s'agit d'une requête hors du commun dans une audition concernant les droits de la personne et je ne suis pas prête à faire de telles hypothèses. Non seulement des hypothèses de cette nature manqueraient-elles tout à fait d'éthique par rapport à la philosophie qui sous-tend la législation sur les droits de la personne, mais elles ne seraient pas fiables.

[61] La non-fiabilité des noms de famille en tant qu'indicateurs de l'ethnie est illustrée très clairement par seulement deux exemples. M. Bagambiire a suggéré que nous pourrions présumer de façon certaine qu'un candidat dont le nom de famille était McKinnon était un Blanc. Il n'y a pas à regarder plus loin qu'une jurisprudence récente en Ontario en matière de droits de la personne pour se rendre compte que ce n'est pas nécessairement le cas (18). Dans son contre-interrogatoire de M. Chiappetta, M. Vigna a laissé à entendre, encore une fois sur la base du nom du candidat, qu'une personne était vraisemblablement d'origine italienne ou espagnole. Un examen du curriculum vitae du candidat en question montre qu'il ne parlait ni l'italien ni l'espagnol, mais le tagal (19).

F. Preuve statistique

[62] Bien que l'on ne m'ait présenté aucune preuve fiable en ce qui concerne la race, la couleur ou l'ethnie de l'une ou l'autre des personnes embauchées au début de 1998 à titre d'agents d'escale à temps réduit, j'ai une preuve statistique sur la représentation des minorités visibles au sein de l'effectif de Lignes aériennes Canadien International pour la période de 1995 à 1998.

[63] Cette preuve a été principalement présentée par Darlene Dean, qui est la directrice de la recherche et de l'élaboration des politiques de Lignes aériennes Canadien International et qui est responsable de l'équité en matière d'emploi. Dans son témoignage, Mme Dean a décrit les efforts de Lignes aériennes Canadien International pour amener la société à se conformer à ses obligations en vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Elle a aussi passé en revue le niveau de représentation des minorités visibles au sein de l'effectif de Lignes aériennes Canadien International sur une période de quatre ans.

[64] Selon Mme Dean, Lignes aériennes Canadien International a constamment augmenté le pourcentage des employés des minorités visibles au sein de la société entre 1995 et 1998. Mme Dean a décrit le niveau de représentation des minorités visibles au sein de l'ensemble de la société ainsi que pour Lignes aériennes Canadien International à Toronto. Elle a aussi fourni des renseignements statistiques au sujet du groupe professionnel qui comprend les agents d'escale, tant à l'échelle nationale qu'à Toronto (20).

[65] Mme Dean a témoigné que la représentation des minorités visibles au sein de l'effectif de Lignes aériennes Canadien International a augmenté constamment au fil du temps et qu'en 1998, 23,6 p. 100 des employés embauchés par Lignes aériennes Canadien International dans l'ensemble du pays faisaient partie des minorités visibles. Cette augmentation de la représentation des minorités visibles est illustrée dans le tableau qui suit :

1995 1996 1997 1998
Niveau de représentation des employés de Lignes aériennes Canadien International (National) 6,1 % 6,6 % 7,3 % 8,8 %

[66] Mme Dean a aussi déclaré que le niveau de représentation des minorités visibles au sein des groupes professionnels auxquels les agents d'escale appartiennent a aussi augmenté constamment dans l'ensemble de la société au cours de la même période :

1995 1996 1997 1998
Niveau de représentation pour les Autres travailleurs manuels / spécialisés (National - temps plein et partiel) 4,93 % 5,19 % 7,23 % 8,75 %

La valeur probante de cette preuve est toutefois quelque peu diminuée par le fait que je n'ai aucun renseignement au sujet de la disponibilité des employés des minorités visibles sur une base nationale.

[67] M. Premakumar a déposé une demande pour travailler à titre d'agent d'escale chez Lignes aériennes Canadien International à Toronto. À mon avis, ce sont les niveaux de représentation de cette population qui sont les plus significatifs dans cette affaire. Mme Dean a indiqué qu'aux installations de Toronto de Lignes aériennes Canadien International, les niveaux de représentation des minorités visibles au sein des groupes professionnels auxquels appartiennent les agents d'escale s'établissaient comme suit :

1995 1996 1997 1998
Niveau de représentation pour les Autres travailleurs manuels / spécialisés (Toronto - temps plein et partiel) 10,71 % 9,1 % 6,24 % (21) 6,97 %

[68] La Commission a déposé un extrait d'un rapport de Développement des ressources humaines Canada qui semble être un document conçu pour offrir des renseignements aux employeurs au sujet de leurs obligations en vertu de la législation fédérale sur l'équité en matière d'emploi. La Commission s'est reportée particulièrement à un tableau du document qui indique que 23,1 % des préposés aux aires de trafic au sein de l'effectif à Toronto étaient des minorités visibles.

[69] D'après ce que je comprends, Lignes aériennes Canadien International ne conteste pas l'exactitude des renseignements contenus dans ce rapport, bien que Mme Dean ait indiqué que les données semblaient se rapporter à l'année 1990. De plus, Mme Dean a déclaré que ce ne sont pas toutes les personnes employées à titre de préposés aux aires de trafic dans la région de Toronto qui seraient nécessairement compétentes pour travailler à titre d'agent d'escale chez Lignes aériennes Canadien International. Les personnes employées dans de plus petites sociétés de transport aérien peuvent ne pas avoir les compétences nécessaires pour être des agents d'escale au sein d'une société de la taille et de la complexité de Lignes aériennes Canadien International.

[70] Ce rapport a été déposé sur consentement et il n'y a donc aucune explication qui accompagne sa présentation ni aucune explication relative à l'âge des données que contient le tableau. Le document lui-même date de décembre 1998. Il s'intitule Rapport statistique sur l'équité en matière d'emploi de 1996 (publication autorisée no 1). Il y a une mention CNP 1990, bien qu'il ne soit pas clair si la référence a trait à l'âge des données ou au type de catégories professionnelles utilisé (22). Ces incertitudes me forcent à aborder cette preuve avec une certaine prudence.

[71] Nous savons qu'en 1997, 7 p. 100 de l'effectif de Lignes aériennes Canadien International à Toronto étaient membres des minorités visibles (23). Le pourcentage des minorités visibles au sein de la population des travailleurs spécialisés chez Lignes aériennes Canadien International à Toronto pour la même période était de 6,24 p. 100.

III. JURISPRUDENCE

[72] L'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne établit que c'est une pratique discriminatoire de refuser d'employer une personne pour un motif de distinction illicite. La race, la couleur ainsi que l'origine nationale ou ethnique sont toutes des motifs de distinction illicites.

[73] Dans une affaire de cette nature, le fardeau de la preuve incombe à M. Premakumar, qui doit établir un cas prima facie de discrimination. Une fois cette prétention établie, le fardeau de la preuve se déplace sur l'intimée, qui doit fournir une explication raisonnable de la conduite qui lui est reprochée (24).

[74] Un cas prima facie est celui qui porte sur les allégations qui sont faites et qui, si on y ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict favorable à M. Premakumar, en l'absence d'une réponse de la part de l'intimée (25).

[75] Dans le contexte de l'emploi, un cas prima facie a été décrit comme exigeant une preuve des éléments qui suivent :

  1. le plaignant avait les qualifications pour l'emploi en cause;
  2. le plaignant n'a pas été embauché;
  3. une personne qui n'était pas mieux qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte (c'est-à-dire : race, couleur, etc.) a subséquemment obtenu le poste (26).

[76] Ce critère à plusieurs volets a été modifié pour l'ajuster à des situations où le plaignant n'est pas engagé et où l'intimé continue de chercher un candidat approprié. Dans ces cas, l'établissement d'un cas prima facie exige la présence des éléments suivants :

  1. que le plaignant appartienne à l'un des groupes qui sont sujets à la discrimination en vertu de la loi, par exemple : motif religieux, handicap ou origine ethnique;
  2. que le plaignant a posé sa candidature pour un poste pour lequel il était qualifié et que l'employeur désirait combler;
  3. que, même s'il était qualifié, le plaignant a été rejeté;
  4. que, par la suite, l'employeur a continué de chercher des candidats possédant les qualifications du plaignant (27).

[77] Bien que les critères des affaires Shakes et Israeli soient des guides utiles, aucun des deux ne devrait être appliqué automatiquement d'une manière rigide et arbitraire dans chaque affaire qui porte sur l'embauchage : il faut plutôt tenir compte des circonstances de chaque affaire pour établir si l'application de l'un ou l'autre des critères, en tout ou en partie, est pertinente. En bout de ligne, la question sera de savoir si M. Premakumar a répondu au critère O'Malley, c'est-à-dire : si on y ajoute foi, la preuve devant moi est-elle complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de M. Premakumar en l'absence de réplique de l'intimée (28)?

[78] Si l'intimée donne une explication raisonnable pour ce qui serait autrement un comportement discriminatoire, M. Premakumar a alors le fardeau de démontrer que l'explication était un prétexte et que la véritable motivation derrière les actes de l'intimée était, en fait, discriminatoire (29).

[79] La jurisprudence reconnaît la difficulté de prouver les allégations de discrimination par le moyen d'une preuve directe. Tel que mentionné dans Basi :

La discrimination fondée sur la race ou la couleur se pratique souvent de manière subtile. Rares sont les cas de discrimination pratiqués ouvertement (30).

Il appartient plutôt au Tribunal de tenir compte de toutes les circonstances pour établir s'il existe ce qui a été décrit dans la cause Basi comme de subtiles odeurs de discrimination.

[80] La preuve statistique dans les questions ayant trait aux enjeux systémiques dans un lieu de travail peut constituer une preuve circonstancielle à partir de laquelle il est possible de conclure que la discrimination a probablement eu lieu dans une affaire particulière (31).

[81] La norme de la preuve dans les causes de discrimination est la norme civile ordinaire de la prépondérance des probabilités. Dans les cas de preuve circonstancielle, le critère peut se formuler comme suit :

[traduction] L'on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l'appui rend cette conclusion plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible (32).

[82] Il n'est pas nécessaire que les considérations discriminatoires soient la seule raison des actes en cause pour qu'une plainte soit acceptée. C'est suffisant si la race, la couleur ou l'origine nationale ou ethnique étaient des facteurs de la décision de ne pas l'embaucher (33).

IV. ANALYSE

A. Y a-t-il un cas prima facie de discrimination ?

[83] La première étape de mon analyse consiste à établir si la Commission et M. Premakumar ont établi un cas prima facie de discrimination. À mon avis, ils l'ont établie.

[84] Kanags Premakumar est un membre d'une minorité visible. Il a été embauché par Lignes aériennes Canadien International en 1995 pour exécuter les tâches de ce qui était, au minimum, une version limitée du poste d'agent d'escale à temps réduit en question dans cette affaire. M. Premakumar dit qu'il a alors bien exécuté son travail, et l'on ne m'a présenté aucune preuve qu'il y ait eu des problèmes reliés à son rendement. Au début de 1998, Lignes aériennes Canadien International cherchait de nouveau des personnes qui possédaient les mêmes compétences que celles qu'elle cherchait en 1995. M. Premakumar avait les compétences de base pour cet emploi, mais il n'a pas été embauché. Il était au moins aussi compétent pour le poste que plusieurs des personnes qui ont été embauchées, et plus compétent que certaines autres.

[85] La preuve statistique que j'ai devant moi me démontre que bien que Lignes aériennes Canadien International ait réussi à augmenter le niveau de la représentation des minorités visibles au sein de la société dans son ensemble, le pourcentage des minorités visibles employées à Toronto dans la catégorie professionnelle en question dans cette affaire a diminué plutôt radicalement entre 1995 et 1997, et n'a augmenté que légèrement en 1998. Au cours de la période de 1997-1998, période durant laquelle un grand nombre d'agents d'escale à temps réduit a été embauché, le niveau de représentation des minorités visibles dans le groupe professionnel des agents d'escale était sous le niveau moyen de la représentation des minorités visibles aux installations de Toronto de Lignes aériennes Canadien International. Bien que j'aie noté plus tôt les questions ayant trait à l'âge des données contenues dans le Rapport statistique sur l'équité en matière d'emploi de 1996, il est utile de rappeler qu'au moment où les données contenues dans le tableau ont été compilées, 23,1 p. 100 des préposés aux aires de trafic au sein de l'effectif de Toronto faisaient partie des minorités visibles. En 1998, 6,97 p. 100 des travailleurs spécialisés de Lignes aériennes Canadien International à Toronto s'étaient identifiés eux-mêmes comme membres des minorités visibles.

[86] La Commission et M. Premakumar ont choisi de ne pas présenter une preuve fondée sur la race, la couleur ou l'ethnie d'aucun candidat qui a été retenu. Je conclus néanmoins que la preuve qui m'a été présentée est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de M. Premakumar, en l'absence d'une réplique de l'intimée.

B. Air Canada a-t-elle fourni une explication raisonnable pour la décision de ne pas embaucher M. Premakumar ?

[87] Le nœud du problème en ce qui concerne l'explication de l'intimée relativement à sa décision de ne pas embaucher M. Premakumar est que, à l'issue de son entrevue, il a été établi que M. Premakumar ne possédait pas les compétences non techniques nécessaires pour accomplir le travail. En se référant à des décisions telles que Folch c. Lignes aériennes Canadien International Limitée (34) ,l'intimée prétend que le recours à des critères subjectifs dans l'évaluation des candidats est acceptable et qu'il ne m'appartient pas de conjecturer sur cette évaluation. De plus, il ne m'appartient pas d'être en accord ou en désaccord avec la décision de ne pas embaucher M. Premakumar, mais je dois déterminer si la discrimination a été en cause dans cette décision.

[88] Dans Folch, le Tribunal a fait remarquer que ce n'est pas la tâche d'un tribunal des droits de la personne de juger de la justesse des procédures d'embauchage de l'intimée. Le Tribunal a reconnu, de plus, qu'il se peut bien qu'il soit nécessaire qu'il y ait un élément de subjectivité dans la démarche en déclarant : Le fait que l'intimée a utilisé des critères subjectifs pour juger les candidats ne rend pas en soi ses décisions en matière d'embauchage susceptibles de contestation. (35) Cependant, le Tribunal a poursuivi en déclarant :

Lorsque des critères subjectifs sont employés relativement à l'embauchage, il peut être nécessaire d'examiner plus minutieusement les décisions prises à cet égard afin de s'assurer que les opinions subjectives ne servent pas à masquer la discrimination (36).

[89] Dans Folch, les notes et les commentaires de chaque membre du comité d'entrevue ont été produits, ce qui a démontré de façon manifeste ce sur quoi les candidats étaient évalués et les raisons précises pour lesquelles on a considéré que la plaignante manquait des qualités et des compétences nécessaires pour occuper le poste. À l'aide de cette information, le Tribunal a été en mesure d'examiner minutieusement la décision relative à l'embauchage et de déterminer que la demande de Mme Folch avait été étudiée équitablement par le comité d'entrevue. En revanche, dans cette affaire-ci, ni M. Chiappetta ni Mme Demeda n'ont un souvenir spécifique de l'entrevue de M. Premakumar. Les notes des différentes entrevues ne sont pas particulièrement utiles. Ce qui est plus important encore, l'explication de M. Chiappetta et de Mme Demeda au sujet de leur conclusion que M. Premakumar n'avait pas les compétences non techniques nécessaires pour occuper le poste était entièrement conjecturale et très insatisfaisante.

[90] Pour les raisons citées, je ne suis pas convaincue que les notes de M. Chiappetta reflètent équitablement les réponses qu'a données M. Premakumar aux questions posées durant l'entrevue. Toutefois, ces notes contiennent un commentaire sur M. Premakumar qui, selon moi, démontre un manque de respect injustifié pour la personne de M. Premakumar.

[91] Compte tenu de l'ensemble de la preuve, je ne suis pas persuadée que l'intimée a fourni une explication raisonnable pour la décision de ne pas embaucher M. Premakumar. En conséquence, il est fait droit à la plainte.

V. MESURES DE REDRESSEMENT

[92] Ayant conclu à la responsabilité d'Air Canada, il reste à déterminer quelles mesures de redressement adéquates, le cas échéant, devraient être accordées à M. Premakumar. En ce qui concerne l'établissement des mesures de redressement, la compétence du Tribunal est régie par l'article 53 de la Loi. Le but de l'indemnisation dans les affaires de discrimination est de remettre la victime de la pratique discriminatoire dans sa position antérieure en tenant compte des principes de mitigation, de prévisibilité raisonnable et du caractère indirect (37).

A. Pertes de revenu

[93] M. Premakumar demande une indemnisation pour le manque à gagner qui découle du refus de Lignes aériennes Canadien International de l'embaucher. Air Canada prétend qu'on n'a pas refusé un emploi à M. Premakumar, mais une possibilité de participer au concours pour obtenir un emploi. En tout état de cause, dit Air Canada, M. Premakumar n'a encouru aucune perte financière.

[94] Air Canada souligne que même si Mme Demeda et M. Chiappetta avaient approuvé l'embauche de M. Premakumar, celui-ci aurait dû passer un examen médical, un examen de conduite, une vérification de sécurité et il aurait dû suivre le programme de formation. Tel que je comprends l'argument d'Air Canada, il n'y a aucune assurance que M. Premakumar aurait réussi à lever tous ces obstacles.

[95] Il est vrai que la réussite de l'entrevue avec Mme Demeda et M. Chiappetta n'aurait pas garanti l'emploi de M. Premakumar chez Lignes aériennes Canadien International. Néanmoins, sur la foi de la preuve qui m'a été présentée, je suis plus que convaincue qu'il y avait des raisons sérieuses de croire que M. Premakumar aurait réussi à obtenir le poste d'agent d'escale (38).

[96] Tous les dommages-intérêts accordés en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne doivent tenir compte du fait que le plaignant doit avoir fait des efforts suffisants pour limiter le préjudice (39). M. Premakumar a déposé un recueil des lettres qu'il a envoyées à des employeurs éventuels au cours de la période qui a suivi le refus de Lignes aériennes Canadien International. Dans son témoignage, il a aussi décrit ses efforts pour obtenir un emploi ailleurs. Je suis d'avis que M. Premakumar a répondu à son obligation de chercher à limiter ses pertes.

[97] L'évaluation quantitative des pertes financières de M. Premakumar est une question plus difficile. L'avocat d'Air Canada a examiné les gains de M. Premakumar pour la période qui a suivi mars 1998 ainsi que ce que M. Premakumar aurait pu s'attendre à gagner s'il avait été embauché à titre d'agent d'escale. D'après Air Canada, M. Premakumar a gagné davantage durant la période intermédiaire qu'il aurait gagné s'il avait été embauché par Lignes aériennes Canadien International. La prétention d'Air Canada à cet égard se fonde sur l'hypothèse que M. Premakumar aurait, soit travaillé chez Lignes aériennes Canadien International, soit conservé ses autres occasions d'emploi, mais pas les deux.

[98] M. Premakumar dit que le poste d'agent d'escale était seulement à temps partiel et qu'il aurait conservé son autre emploi tout en travaillant pour Lignes aériennes Canadien International. Comme M. Premakumar l'a expliqué, il était un nouvel immigrant avec une famille à soutenir et il était vraiment prêt à cumuler deux emplois pour ce faire.

[99] Un examen de l'historique d'emploi de M. Premakumar démontre qu'il a occupé deux emplois simultanément pour un total de quarante-neuf mois dans les douze ans qui ont précédé sa demande d'emploi de 1998 auprès de Lignes aériennes Canadien International. Toutefois, ce qui est peut-être encore plus révélateur, c'est que M. Premakumar a été en mesure d'occuper un deuxième emploi durant la période où il était employé par Lignes aériennes Canadien International à titre d'agent d'escale à temps réduit, temporaire, en 1995. M. Premakumar a continué de chercher un deuxième emploi après avoir été refusé par Lignes aériennes Canadien International en 1998. Au moment où il a témoigné, M. Premakumar travaillait pour Air Canada ainsi que pour le Ministère des Transports de la province.

[100] J'ai été impressionnée par la personne assidue et ambitieuse qu'est M. Premakumar, une personne qui travaille très fort pour gagner sa vie et celle de sa famille dans un nouveau pays. Bien qu'il n'ait pas toujours réussi à le faire, un examen du dossier démontre que M. Premakumar s'est efforcé d'occuper plus d'un emploi quand c'était possible. Le poste d'agent d'escale à temps réduit chez Lignes aériennes Canadien International était un emploi à temps partiel. Randy Dallinger, directeur des relations de travail, Opérations de l'aéroport et du fret, Air Canada, a reconnu qu'il était habituel que les agents d'escale à temps réduit occupent un deuxième emploi. En tenant compte de toute la preuve, je suis convaincue que si M. Premakumar avait été embauché par Lignes aériennes Canadien International en avril de 1998, il aurait cherché à obtenir un deuxième emploi et que, sous réserve d'une exception, aucune déduction n'a à être faite relativement au revenu qu'il a reçu après le refus. L'exception a trait à la période qui se situe entre la fin de février 2001 et le 31 juillet 2001, durant laquelle M. Premakumar a effectivement occupé deux emplois et aurait fort vraisemblablement été incapable d'en occuper un troisième. M. Premakumar aurait probablement choisi de laisser le moins lucratif des deux postes durant cette période. Une déduction devrait donc être faite en rapport avec la perte de revenu payable à M. Premakumar, et ce, d'un montant égal au revenu qu'il a réellement reçu durant cette période, soit d'Air Canada, soit du Ministère des Transports, le moins élevé des deux.

[101] Le fait d'avoir un deuxième emploi tout en travaillant pour Lignes aériennes Canadien International aurait cependant pu avoir des répercussions sur la disponibilité de M. Premakumar, et il faut en tenir compte dans l'évaluation quantitative de ses pertes. M. Premakumar a déclaré que, lorsqu'il travaillait chez Lignes aériennes Canadien International à titre d'agent d'escale à temps réduit, temporaire, en 1995, il y travaillait entre 25 et 30 heures par semaine. Selon M. Dallinger, la moyenne du temps de travail des agents d'escale à temps réduit est d'environ 20 heures par semaine. Je fait remarquer que M. Dallinger est un employé d'Air Canada depuis longtemps et qu'il n'était pas chez Lignes aériennes Canadien International en 1998. En réalité, j'ai compris que le témoignage de M. Dallinger portait sur la situation chez Air Canada au cours des cinq dernières années et non pas sur ce que M. Premakumar aurait pu raisonnablement prévoir chez Lignes aériennes Canadien International en 1998. Je préfère donc l'estimation de M. Premakumar à celle de M. Dallinger. Ceci étant dit, je pense qu'il faut apporter certains rajustements pour le fait que le deuxième emploi de M. Premakumar aurait pu affecter sa disponibilité relativement au travail chez Lignes aériennes Canadien International. Le calcul des pertes de M. Premakumar devrait par conséquent se fonder sur une semaine de 20 heures au taux de salaire en vigueur lorsqu'il y a lieu.

[102] Il semble que les candidats qui ont passé l'entrevue avec succès en mars 1998 ont commencé à travailler le 13 avril 1998. M. Premakumar a par conséquent droit à des dommages-intérêts pour les pertes de revenu pour la période du 13 avril 1998 au 31 juillet 2001. M. Dallinger a expliqué qu'on a demandé à toute personne qui était employée en même temps par Lignes aériennes Canadien International et Air Canada de choisir de conserver un poste et de démissionner de l'autre à compter du 31 juillet 2001. Il n'est pas contesté que M. Premakumar aurait choisi de conserver son poste de préposé au nettoyage d'avions chez Air Canada parce que son ancienneté à ce poste remontait à 1989, alors que son ancienneté à son poste d'agent d'escale remontait à 1998.

[103] Air Canada prétend que je devrais aussi tenir compte du fait que les agents d'escale à temps réduit embauchés par Lignes aériennes Canadien International au printemps de 1998 ont été licenciés en date du 19 octobre 2001. Toutefois, si M. Premakumar avait choisi en juillet 2001 de conserver son poste de préposé au nettoyage d'avions avec son ancienneté remontant à 1989, il n'aurait pas été affecté par ce congédiement. En outre, étant donné que j'ai déjà établi que le droit de M. Premakumar aux pertes de revenu cessait le 31 juillet 2001, je ne vois pas la nécessité de tenir compte de cette prétention.

[104] M. Premakumar a aussi droit à une indemnité pour la perte de ses avantages en matière d'emploi. Dans l'éventualité où les parties seraient incapables d'en arriver à une entente relativement à la valeur de cette perte, l'on pourra m'en parler.

B. Calcul du brut

[105] M. Premakumar aura maintenant droit à un paiement forfaitaire pour le revenu qu'il aurait autrement reçu sur une période de plusieurs années. Cela aura de toute évidence des conséquences négatives pour lui sur le plan de l'impôt. À mon avis, M. Premakumar serait pénalisé de manière inéquitable s'il devait subir un fardeau fiscal plus lourd, en raison de la réception d'un montant forfaitaire représentant un revenu de plusieurs années, que le fardeau qu'il aurait eu à porter si l'argent lui avait été payé sous forme de salaire durant la période intermédiaire. Cela ne serait pas cohérent avec l'objectif de la réparation qui consiste à ce que M. Premakumar revienne à sa situation antérieure. Par conséquent, Air Canada doit payer à M. Premakumar un montant additionnel suffisant pour couvrir l'obligation fiscale additionnelle qui découlera de la réception de ce paiement.

C. Regrets

[106] M. Premakumar demande au Tribunal d'ordonner à Rick Chiappetta de lui exprimer ses regrets pour la conduite qu'il a eue envers lui. Il est apparent que la décision de ne pas embaucher M. Premakumar a été prise conjointement par M. Chiappetta et Mme Demeda. Bien que M. Premakumar aurait droit, à mon avis, à des regrets de la part de Mme Demeda, il semble considérer M. Chiappetta comme étant la personne responsable de son refus et ne veut obtenir des regrets que de sa part. J'ordonne donc à l'intimée de remettre une lettre de regrets à M. Premakumar, signée par M. Chiappetta, dans les trente jours qui suivront cette décision.

D. Dommages-intérêts non pécuniaires

[107] M. Premakumar veut obtenir des dommages-intérêts de 5 000 $ pour préjudice moral. Il s'agissait du maximum payable en vertu de la législation au moment où a eu lieu la pratique discriminatoire. Bien que M. Premakumar n'ait pas précisé les répercussions que les actes de Lignes aériennes Canadien International ont eues sur lui dans sa preuve, il est évident par son témoignage que M. Premakumar est une personne fière et qu'il a été blessé pas le refus de Lignes aériennes Canadien International. Sans minimiser aucunement cet affront à la dignité de M. Premakumar, il faut reconnaître qu'il y aura un éventail d'affaires qui mériteront l'octroi d'une indemnité spéciale en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et que l'octroi du maximum de 5 000 $ doit être réservé pour les affaires les plus graves. Compte tenu de toutes les circonstances, j'accorde à M. Premakumar une indemnité spéciale de 4 000 $.

E. Intérêts

[108] Les intérêts sont payables sur l'indemnité spéciale et sur les pertes de revenu (40). J'ordonne que les intérêts soient payés sur les sommes accordées en vertu de cette décision, conformément à la règle 9 (12) des Règles de procédures provisoires du Tribunal canadien des droits de la personne. Les intérêts sur la somme versée pour compenser les pertes de revenu devraient courir à partir du 13 avril 1998 et être calculés en fonction du moment où le revenu aurait été payable à M. Premakumar. Les intérêts sur l'indemnité spéciale devraient courir depuis le 30 mars 1998, c'est-à-dire la date où la décision de ne pas embaucher M. Premakumar a été prise. En aucun cas, cependant, le montant total payable en guise d'indemnité spéciale, y compris les intérêts, ne devrait excéder 5 000 $ (41).

F. Coûts

[109] M. Premakumar veut obtenir une ordonnance visant à compenser les dépenses qu'il a encourues pour retenir les services de M. Bagambiire pour le représenter dans cette procédure. Air Canada n'a pas reçu d'avis à l'avance qu'une telle réparation serait recherchée et n'a donc pas eu la possibilité de préparer ses observations ni à l'égard de ma compétence de rendre une telle ordonnance ni à l'égard du caractère opportun d'une telle ordonnance compte tenu des circonstances de cette affaire. L'avocat d'Air Canada a donc quinze jours à partir du prononcé de cette décision pour présenter des observations écrites sur la question des coûts. M. Premakumar et la Commission auront alors sept jours pour répliquer.

G. Autres menues dépenses

[110] M. Premakumar a présenté une preuve relativement à certaines autres dépenses qui, d'après ce que j'ai compris, ont été réclamées à titre de dépenses encourues en raison du refus de Lignes aériennes Canadien International de l'embaucher. Ces dépenses ont trait principalement à des cours que M. Premakumar a pris après le 30 mars 1998.

[111] Cette réclamation n'a pas été traitée dans les conclusions finales, et il n'est pas clair qu'il réclame toujours ces dépenses. En tout état de cause, je ne suis pas persuadée que l'on puisse dire que ces dépenses découlent de la décision de Lignes aériennes Canadien International de ne pas embaucher M. Premakumar, et je refuse de rendre une ordonnance à cet égard.

H. Mesures de redressement systémiques

[112] La Commission et M. Premakumar demandent une ordonnance pour que l'intimée revoie ses pratiques d'embauchage et offre aux interrogateurs une formation sur les questions interculturelles. Compte tenu des circonstances particulières de cette affaire, je ne suis pas prête à rendre une telle ordonnance. La pratique discriminatoire en cause dans cette affaire a été le fait de Lignes aériennes Canadien International - une entité qui n'existe plus. Toute embauche future sera exécutée par Air Canada. Aucune preuve ne m'a été présentée au sujet de quelque lacune que ce soit dans les pratiques d'embauchage d'Air Canada. Bien qu'Air Canada ait pu recueillir toutes les obligations de Lignes aériennes Canadien International, il n'en découle pas qu'elle ait les mêmes pratiques d'embauchage que Lignes aériennes Canadien International. Pour cette raison, je refuse de rendre l'ordonnance demandée.

I. Conservation de la compétence

[113] Je conserverai ma compétence au cas où les parties seraient incapables de s'entendre sur l'évaluation quantitative ou sur l'application des mesures de redressement accordées en vertu de cette décision.

VI. ORDONNANCE

[114] Pour les raisons mentionnées ci-dessus, je déclare que les droits de M. Premakumar en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne ont été enfreints par l'intimée et j'ordonne :

  1. D'accorder à M. Premakumar une indemnité pour les pertes de revenu et des avantages reliés à l'emploi, calculée conformément à cette décision;
  2. Qu'Air Canada paie à M. Premakumar un montant additionnel suffisant pour couvrir les obligations fiscales additionnelles qu'il encourera du fait qu'il recevra les sommes mentionnées ci-dessus de la façon indiquée;
  3. Qu'Air Canada remette une lettre de regrets signée par Rick Chiappetta à M. Premakumar dans les trente jours qui suivront cette décision;
  4. Qu'Air Canada paie une indemnité spéciale de 4 000 $ à M. Premakumar;
  5. Que les intérêts soient payés sur les pertes de revenu et sur l'indemnité spéciale accordée en vertu de cette décision, conformément à la règle 9 (12) des Règles de procédures provisoires du Tribunal canadien des droits de la personne. Les intérêts sur les pertes de revenu devraient courir depuis le 13 avril 1998, calculés en fonction du moment où le revenu aurait été payable à M. Premakumar. Les intérêts sur l'indemnité spéciale doivent courir depuis le 30 mars 1998;
  6. Qu'Air Canada dépose ses observations écrites à l'égard de la question des coûts dans les quinze jours qui suivront le prononcé de cette décision. M. Premakumar et la Commission auront sept jours pour déposer leurs observations écrites en réplique.

Originale signée par

Anne L. Mactavish, présidente

OTTAWA, Ontario

Le 4 février 2002

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL NO : T622/1001

INTITULÉ DE LA CAUSE : Kanags Premakumar c. Air Canada

LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto, Ontario

(19 et 20 septembre 2001;

13, 14, 19 et 20 décembre 2001.)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : 4 février 2002

ONT COMPARU :

Davies Bagambiire Pour le plaignant

Giacomo Vigna Pour la Comission canadienne des droits de la personne

Maryse Tremblay Pour Air Canada

1. 1 Lignes aériennes Canadien International a cessé d'exister en tant qu'entité légale le 1er janvier 2001. L'avocat a informé qu'Air Canada est le successeur pour toutes les obligations légales de Lignes aériennes Canadien International. Il en découle, par consentement, que l'intitulé de la cause de cette procédure a été modifié pour indiquer qu'Air Canada est l'intimée. Cependant, parce que M. Premakumar a été embauché par Lignes aériennes Canadien International et Air Canada à différents moments au fil des années, je continuerai de me reporter à chacune comme étant une entité distincte dans cette décision.

2. 2 Durant l'enquête de la Commission, Lignes aériennes Canadien International a produit une liste de cinquante-neuf personnes qui ont passé leur entrevue avec succès pour les postes d'agents d'escale à temps réduit. Il semble qu'une personne sur la liste n'ait pas réussi l'examen de conduite (candidat 174/WS) et que deux autres n'ont pas terminé le programme de formation (candidats 186/LH et 129/AF). Il semble aussi qu'une personne dont le nom n'était pas sur la liste a été embauchée à cette époque (candidat 139/LS). Cela laisse à penser que cinquante-sept personnes ont été réellement embauchées à la suite du concours.

3. 3 Transcription, p. 707-708.

4. 4 Transcription, p. 1004.

5. 5 Le contre-interrogatoire a beaucoup porté sur le fait que M. Premakumar avait été employé chez Air Canada sous le nom de Premakumar Kanagasabapathy alors qu'il était connu sous le nom de Kanags Premakumar chez Lignes aériennes Canadien International. Au cours du contre-interrogatoire, on a laissé à entendre qu'il avait renversé ses noms pour dissimuler qu'il avait été congédié par Air Canada. (M. Premakumar a porté un grief relativement à son congédiement et il a réintégré ses fonctions à la suite d'une entente négociée.) Je n'accepte pas que l'inversion des noms de M. Premakumar a été faite avec quelque intention que ce soit de tromper, compte tenu de la séquence des événements. M. Premakumar a d'abord été employé par Air Canada sous le nom de Premakumar Kanagasabapathy en 1989. Il a fait une demande d'emploi chez Lignes aériennes Canadien International sous le nom de Kanags Premakumar en 1995. Il n'a pas été congédié par Air Canada avant 1996. M. Premakumar a décrit la coutume relative à l'emploi des noms par les Hindous au Sri Lanka. Il a fait remarquer que les personnes n'y ont pas un prénom et un nom de famille comme c'est le cas ici au Canada et qu'il avait plus ou moins interchangé ses noms. En l'absence de toute intention apparente de tromper ou de tout avantage à tirer de l'inversion des noms, je n'ai aucune raison de ne pas accepter le témoignage de M. Premakumar à cet égard. M. Premakumar a aussi recouru au nom Prem Kumar dans certaines demandes d'emploi. Il a déclaré qu'il avait employé le nom de Prem Kumar sur les conseils d'un expert-conseil en emploi qui avait indiqué que son nom était plutôt compliqué en fonction des normes de Lignes aériennes Canadien International et que ce serait avantageux pour lui de l'abréger. Encore une fois, je n'ai aucune raison de ne pas accepter la preuve de M. Premakumar à cet égard.

6. 6 Transcription, p. 579.

7. 7 Transcription, p. 932.

8. 8 Transcription, p. 604-605.

9. 9 Voir candidat 172/RM. Pour respecter les renseignements personnels des candidats qui ont été retenus, j'identifierai chacun d'eux par le numéro qui leur a été attribué dans les trois relieurs à feuilles mobiles inscrits comme Pièce HR-6 avec les initiales du candidat.

10. 10 Transcription, p. 895.

11. 11 Candidat 149/FS.

12. 12 Candidat 181/HZ.

13. 13 Candidat 151/HG.

14. 14 Candidat 133/AK.

15. 15 177 / GM. M. Chiappetta était l'un des interrogateurs de ce candidat, quoiqu'il semble que les notes de l'entrevue aient pu être prises par Lynne Raglan.

16. 16 Transcription, p. 586.

17. 17 Candidat 161/DW. Il faut remarquer que l'expérience antérieure de ce candidat avait trait à la mécanique d'entretien des avions. Aucun des candidats retenus n'avait une expérience antérieure à titre d'agent d'escale.

18. 18 Voir McKinnon c. Ontario (Ministère des Services correctionnels), (1998) 32 C.H.R.R. D/1.

19. 19 Candidat 136/BF.

20. 20 Les agents d'escale étaient classifiés dans la catégorie Autres travailleurs manuels en 1995 et en 1996. Depuis 1997, les agents d'escale ont été intégrés dans le groupe professionnel Travailleurs spécialisés. Mme Dean n'était pas certaine si d'autres types d'employés, autres que les agents d'escale, faisaient partie de ces groupes professionnels. Toutefois, un examen du résumé du rapport sur l'équité en matière d'emploi de Lignes aériennes Canadien International pour 1998 indique qu'au minimum, les Travailleurs spécialisés comprenaient les agents d'escale ainsi que les préposés au nettoyage d'avions. (Voir Pièce R-17, p. 8.)

21. 21 Mme Dean a d'abord affirmé que les minorités visibles constituaient 6,24 p. 100 des travailleurs spécialisés à Toronto en 1997. Plus tard, elle a affirmé que le pourcentage était de 6,61 p. 100. Un examen de la méthodologie de Mme Dean montre que son calcul initial comprenait les employés à temps plein et à temps partiel tandis que son deuxième calcul comprenait seulement les employés à temps plein.

22. 22 En réalité, la Pièce HR-11 laisse à penser que CNP réfère au type de système de classification des professions.

23. 23 Pièce HR-9, p. 5.

24. 24 Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne et Commission de la fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616, p. 1618 (conf. 5 C.H.R.R. D/2147), et Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1988), 9 C.H.R.R. D/5029.

25. 25 Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson-Sears Limitée, [1985] 2 R.C.S. p. 558 et 559

26. 26 Shakes c. Rex Pak Ltée (1982), 3 C.H.R.R. D/1001 (1982), par. D/1002

27. 27 Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne et Commission de la fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616 p. 1618.

28. 28 Chander et Joshi c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, D.T. 16/95, p. 25, conf. [1997] C.F. no 692, (1997) 131 F.T.R. 301. Voir aussi Singh c. Canada (Statistique Canada) (1998), 34 C.H.R.R. D/203 (TCDP), conf. Canada (P.G.) c. Singh, (14 avril 2000) T-2116-98 (CFSPI), Morris c. Forces armées canadiennes, D.T. 17/01 et Crouse c. Société maritime CSL Inc., D.T. 7/01

29. 29 Israeli, ci-dessus., et Basi, ci-dessus.

30. 30 Par. D/5038

31. 31 Chopra c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, [1998] C.F. no 432.

32. 32 Proving Discrimination in Canada, Vizkelety B. Carswell, Toronto, 1987, p. 142.

33. 33 Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1990), 14 C.H.R.R. D/12, par. D/15.

34. 34 (1992) 17 C.H.R.R. D/261.

35. 35 P. D/303.

36. 36 Ibid.

37. 37 Voir Canada (Procureur général) c. Morgan, [1992] 2 C.F. 401, et Canada (Procureur général) c. McAlpine, [1989] 3 C.F. 530.

38. 38 Relativement au critère des raisons sérieuses de croire, voir Morgan, ci-dessus, et Canada (Procureur général) c. Uzoaba, [1995] 2 C.F. 569 (T.D.)

39. 39 Morgan, ci-dessus.

40. 40 Morgan, ci-dessus.

41. 41 Voir Hébert c. Canada (Forces armées canadiennes), (1993), 23 C.H.R.R. D/ 107.

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