Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

NANCIE MARTIN

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

GOUVERNEMENT DE LA BANDE SAULTEAUX

l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

D.T. 07/02

2002-04-18

MEMBRE INSTRUCTEUR : Anne Mactavish

[TRADUCTION]

TABLE DES MATIÈRES

I. L'EXPÉRIENCE DE Mme NANCIE MARTIN À L'ÉCOLE DU PATRIMOINE DE SAULTEAUX

II LA POLITIQUE RELATIVE AUX CONGÉS DE MATERNITÉ DE L'ÉCOLE DU PATRIMOINE DE SAULTEAUX

III CADRE LÉGISLATIF

IV. L'EXPÉRIENCE D'AUTRES EMPLOYÉES DE LA BANDE CONCERNANT LES CONGÉS DE MATERNITÉ

V. LA COMMISSION ET Mme MARTIN ONT-ELLES ÉTABLI UNE CAUSE PRIMA FACIE DE DISCRIMINATION?

VI. L'INTIMÉ A-T-IL DONNÉ UNE EXPLICATION RAISONNABLE DE LA DÉCISION DE NE PAS RENOUVELER LE CONTRAT DE NANCIE MARTIN?

A. Est-ce que le Comité de l'éducation savait que Nancie Martin était enceinte lorsqu'il a recommandé de ne pas renouveler son contrat?

B. Les questions touchant le rendement soulevées avant le 27 mai 1997

(i) La question du bingo

(ii) La gestion de la classe par Mme Martin

C. Les insuffisances du rendement de Mme Martin signalées par Joyce Night dans sa note de service d'octobre 1997

(i) Nancie Martin quitte sa classe en larmes

(ii) L'état de la classe de Mme Martin

(iii) La menace de poursuites à l'endroit de Mme Martin pour avoir malmené un enfant

(iv) Le manque de professionnalisme et d'éthique de Mme Martin

(v) Aucun enseignement durant la dernière semaine d'école

(vi) Nancie Martin met sa classe sans dessus dessous

(vii) Nancie Martin et les ordinateurs

D. Conclusion au sujet de la responsabilité

VII. REDRESSEMENT

A. Redressement systémique

B. Pertes de salaire

C. Différence d'impôt à verser

D. Indemnité spéciale

E. Excuses

F. Intérêts

G. Réserve de compétence

VIII. ORDONNANCE

[1] Pendant deux ans, Nancie Martin a enseigné la 3e année à l'école de la réserve Saulteaux en Saskatchewan. En mai 1997, Mme Martin a été informée que le chef et le conseil de la Première Nation Saulteaux avaient décidé de ne pas renouveler son contrat pour l'année scolaire suivante. Mme Martin a allégué que sa grossesse a été un facteur de cette décision. L'intimé a soutenu que les personnes en cause dans le processus décisionnel n'étaient pas au courant de la grossesse de Mme Martin lorsqu'il a été décidé de ne pas renouveler son contrat. Selon l'intimé, le contrat de Mme Martin n'a pas été renouvelé en raison de préoccupations relatives à son rendement.

I. L'EXPÉRIENCE DE Mme NANCIE MARTIN À L'ÉCOLE DU PATRIMOINE DE SAULTEAUX

[2] Mme Martin a rempli pendant plusieurs années les fonctions d'aide-soignante et d'instructrice d'autonomie fonctionnelle. Dans ces postes, elle a aidé des personnes atteintes de multiples déficiences à participer à la vie communautaire et à obtenir un emploi valorisant. Mme Martin a ensuite poursuivi ses études et, en mai 1995, elle a obtenu un baccalauréat en éducation de l'Université de Brandon, avec spécialisation en éducation primaire. Mme Martin a également obtenu les titres nécessaires pour enseigner au Manitoba ainsi qu'un brevet d'enseignement de 4e année, qui la rendait admissible à l'enseignement en Saskatchewan.

[3] Durant l'été de 1995, Mme Martin a postulé le poste d'enseignante de la 7e année à l'École du patrimoine de Saulteaux, près de Cochin (Saskatchewan). L'École du patrimoine de Saulteaux est une petite école, dont la population étudiante est presque exclusivement autochtone. Mme Martin a été interviewée pour le poste par trois ou quatre personnes, y compris Joyce Night, coordonnatrice de l'éducation de la bande Saulteaux. La coordonnatrice de l'éducation est l'employée principale de la bande qui est chargée du fonctionnement au jour le jour de l'école. La coordonnatrice rend compte au conseil scolaire de la bande, appelé le Comité de l'éducation. Bien que Mme Martin ait postulé un poste de 7e année, peu après l'entrevue, on lui a offert un poste de 3e année, qu'elle a accepté.

[4] Mme Martin a été engagée et ses conditions de travail étaient énoncées dans un contrat d'emploi écrit. Parce que l'école était entièrement financée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, tous les enseignants étaient engagés sur une base contractuelle pour une période déterminée d'un an à la fois. Bien que les enseignants aient été des employés nommés pour une période déterminée, Mme Night a témoigné que leur contrat était habituellement renouvelé d'une année à l'autre, à moins que le rendement d'un enseignant laisse à désirer.

[5] Le 28 août 1995, Mme Martin a commencé à travailler à l'École du patrimoine de Saulteaux. Durant l'année scolaire 1995-1996, sa classe de 3e année comptait environ 15 élèves, dont certains étaient atteints de conditions telles que le syndrome d'intoxication fœtale à l'alcool et le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention. Selon Mme Martin, durant sa première année à l'école, son rendement n'a pas fait l'objet d'une évaluation officielle, et aucune insatisfaction relative à son rendement ne lui a été signalée durant cette période. Joyce Night a confirmé lors de son témoignage que la bande était satisfaite du rendement de Mme Martin durant sa première année d'enseignement. Le contrat de Mme Martin a été renouvelé pour une deuxième période déterminée d'un an en juin 1996.

[6] L'année scolaire de 1995-1996 semble avoir été quelque peu perturbée, pour ce qui est de l'administration de l'école, ce qui peut expliquer pourquoi le rendement de Mme Martin n'a pas fait l'objet d'une évaluation officielle. Le directeur a quitté l'école au début de l'année, et Terry Martens, le directeur adjoint, a assumé par intérim les fonctions de directeur jusqu'à ce qu'un nouveau directeur puisse être engagé. Lance Wellsch a assumé les fonctions de directeur en janvier 1996.

[7] Parce qu'il s'agissait de sa première année d'enseignement, Mme Martin voulait obtenir une évaluation écrite de son rendement, c'est pourquoi elle a demandé une lettre de référence à Terry Martens, qui avait assumé la surveillance de Mme Martin en l'absence d'un directeur. Dans la lettre de Mme Martens, datée de mai 1996, Mme Martin est décrite comme une enseignante dévouée et très bien organisée. [traduction] Mme Martens précisait que Mme Martin avait assumé un poste relativement difficile et […] a acquis une expérience très valable de l'emploi de diverses stratégies de gestion des élèves. [traduction] Mme Martens a également indiqué que Mme Martin avait beaucoup confiance en elle-même et avait de nombreux talents qu'elle appliquait dans les activités parascolaires à l'école. [traduction] Selon la lettre de Mme Martens, Mme Martin a participé à de nombreuses activités de ce genre, à savoir: animatrice du club d'artisanat, a entraîné l'équipe de course de fond, a coordonné et tapé le bulletin scolaire mensuel, a coordonné la soirée de divertissement, a été la personne-ressource de l'informatique, et la directrice de la chorale pour le festival de musique. Lors de son témoignage à l'audience, Mme Martens a confirmé que sa lettre constituait une évaluation fidèle du rendement de Mme Martin durant de sa première année à l'École du patrimoine de Saulteaux.

[8] À l'été de 1996, Mme Martin a participé à un atelier de deux semaines à Grouard (Alberta), où elle a suivi une formation en technique pédagogique de Blended Sight and Sound (BSS). La méthode BSS est un programme d'apprentissage de la langue qui s'appuie sur une démarche personnalisée de l'enseignement de la lecture et de l'écriture aux enfants. Mme Martens employait cette technique depuis un certain temps, et faisait valoir son emploi dans l'école. Joyce Night a reconnu que l'accroissement de la capacité d'enseignement employant la technique de BSS était très importante pour l'école. En effet, la formation qu'a suivie Mme Martin à Grouard a été acquittée par la bande.

[9] Durant l'année scolaire 1996-1997, Mme Martin a de nouveau enseigné la 3e année, employant les techniques de BSS qu'elle avait acquises au cours de l'été. Nancy Martin et Joyce Night ont convenu qu'en aucun temps durant l'année scolaire, le rendement de Mme Martin a soulevé des inquiétudes. En décembre 1996, Mme Martin a reçu un certificat d'appréciation, signé par le chef Gabriel Gopher, soulignant son rendement professionnel exceptionnel, son engagement et son dévouement à l'égard de la Première Nation Saulteaux. [traduction] Selon Joyce Night, l'attribution d'un tel certificat était essentiellement sans signification, car des certificats ont été décernés à tous les employés de la bande qui ont assisté à la fête de Noël du personnel.

[10] Le rendement de Mme Martin a été évalué par Lance Wellsch durant cette année scolaire. Bien que M. Wellsch ait témoigné avoir évalué le rendement de chaque enseignant trois fois par année - en novembre, janvier et avril -, seulement deux documents qui pourraient constituer une évaluation du rendement ont été produits à l'audience. Le 15 novembre 1996, M. Wellsch a passé en revue l'un des plans de leçon de Mme Martin pour sa classe d'art de 3e année, puis a assisté à la leçon en tant qu'observateur. Selon Mme Martin, c'est elle qui en avait fait la demande. Mme Martin a demandé à M. Wellsch de porter particulièrement attention au niveau d'intérêt des enfants ainsi qu'à leur attention et réceptivité à son égard en tant qu'enseignante. Les notes de M. Wellsch sont très élémentaires, mais indiquent qu'au début de la classe, Mme Martin a demandé aux élèves de nettoyer le local, exercice auquel tous les élèves ont participé sauf deux. Ces deux élèves étaient décrits comme courant dans la classe. [traduction] Selon les notes de M. Wellsch, les élèves étaient intéressés parce qu'ils [étaient] occupés à faire quelque chose, disaient s'il vous plaît et merci [traduction], mais se levaient de leur pupitre sans y être autorisés. Il a également noté que les élèves semblaient un peu désintéressés lorsqu'ils travaillaient seuls.

[11] Le second document est la seule évaluation officielle du rendement qui a été déposé à titre de preuve. Selon M. Wellsch, cette évaluation a été réalisée à la fin de l'année scolaire 1996-1997. M. Wellsch a témoigné que le document de trois pages est incomplet, et qu'une quatrième page renfermait les signatures de Mme Martin et la sienne. La première page de l'évaluation du rendement comprend quatre cases, où sont évaluées les qualités personnelles et professionnelles de Mme Martin concernant son intégrité, ses connaissances, son entregent et sa souplesse. Un système de classement de six niveaux est utilisé, en vertu duquel l'enseignant obtient une cote suivant son degré de satisfaction des attentes établies, comme suit : toujours, habituellement, souvent, parfois, rarement et jamais. [traduction] Pour trois catégories, M. Wellsch a indiqué que Mme Martin satisfaisait habituellement les exigences, et que ses relations interpersonnelles atteignaient souvent le niveau souhaité.

[12] Sur la page suivante de l'évaluation, les techniques d'enseignement de Mme Martin sont évaluées, relativement aux apprentissages (sic) essentiels communs, les domaines d'études, sa capacité d'adaptation et l'évaluation [des élèves]. Pour chacune de ces quatre catégories, M. Wellsch a indiqué que Mme Martin atteignait habituellement le niveau souhaité.

[13] La troisième page de l'évaluation s'intitule Sommaire-Appréciation des observations. [traduction] Bien que Joyce Night ait témoigné que le Comité de l'éducation était très insatisfait de la qualité des évaluations du rendement effectuées par M. Wellsch, parce qu'elles n'étaient pas suffisamment précises, cette partie renferme une description un peu plus détaillée des capacités d'enseignante de Mme Martin. Concernant les aptitudes personnelles et professionnelles de Mme Martin, M. Wellsch a indiqué ce qui suit : Nancie semble parfois faire preuve de "négativité". Elle s'attarde aux aspects négatifs de la "vie" au lieu d'en chercher les aspects positifs. Elle doit apprendre qu'en mettant davantage l'accent sur les aspects positifs, elle les renforcera. [traduction] M. Wellsch a ensuite évalué l'instruction personnalisée dispensée par Mme Martin, indiquant Elle fait du bon travail dans ce domaine. La majorité de ses élèves peuvent s'occuper de façon autonome dans leur propre domaine (sic). Elle obtient de bons résultats concernant la"dimension d'adaptation". [traduction] L'évaluation porte ensuite sur le programme de base, où M. Wellsch indique que Mme Martin enseigne tous les sujets "de base" extrêmement bien. Elle pourrait toutefois tâcher d'incorporer plus de contenu autochtone dans son programme. [traduction] Le dernier domaine pour lequel le rendement de Mme Martin a été évalué est la gestion de la classe. À cet égard, M. Wellsch indique : Sa gestion de la classe est bonne, mais semble parfois manquer de tolérance à l'égard des élèves plus âgés. Cela a donné lieu à certains affrontements. [traduction]

[14] Pour ce qui est des affrontements avec les élèves plus âgés, M. Wellsch a indiqué que certains d'entre eux étaient un peu turbulents, couraient dans les couloirs et entraient parfois dans les classes où se trouvaient des élèves plus jeunes. M. Wellsch a précisé qu'il n'est pas toujours indiqué de disputer des enfants de 13 ou 14 ans devant leurs pairs, et qu'il avait proposé diverses stratégies à Mme Martin pour l'aider à composer avec de telles situations.

[15] En janvier 1997, Mme Martin a appris qu'elle était enceinte. Elle a donné naissance le 21 septembre 1997. Certains éléments de preuve semblent inconciliables, à savoir quelles personnes savaient que Mme Martin était enceinte et quand elles l'ont su. Cette question sera examinée ultérieurement dans la présente décision. Qu'il suffise de dire à ce point-ci que Mme Martin croyait qu'au printemps de 1997, sa grossesse était chose connue dans le milieu scolaire.

[16] Mme Martin a affirmé qu'en avril 1997, elle a eu une discussion avec Lance Wellsch, au cours de laquelle ce dernier l'a informée qu'on lui offrait un nouveau contrat pour la prochaine année scolaire. M. Wellsch a reconnu qu'il peut avoir dit cela à Mme Martin , indiquant qu'il n'avait aucune raison de croire le contraire. Il semble toutefois apparent, suivant le témoignage de M. Wellsch et de Joyce Night, que M. Wellsch n'était pas autorisé à dire cela à Mme Martin. Les décisions concernant le renouvellement ou non des contrats étaient prises par le chef et le conseil de bande, sur recommandation du Comité de l'éducation.

[17] Au début de mai, Joyce Night a fait parvenir un formulaire aux enseignants, y compris Nancie Martin, leur demandant d'indiquer leurs intentions pour la prochaine année scolaire. Mme Martin a répondu qu'elle avait définitivement l'intention de demeurer à l'École Saulteaux durant l'année scolaire 1997-1998.

[18] Mme Martin a témoigné qu'elle avait indiqué son intention de demeurer à l'école l'année suivante, qu'elle n'avait pas été informée de difficultés concernant son rendement, et qu'elle avait été très surprise et déçue lorsqu'elle a reçu une lettre datée du 26 mai et signée par Joyce Night pour le compte de Archie Moccasin (conseiller de la bande), l'informant que le chef et le conseil de la Première Nation Saulteaux avaient décidé de ne pas lui offrir de contrat pour l'année scolaire 1997-1998. Dans les circonstances, Mme Martin a cru que sa grossesse devait être un facteur de la décision de la bande. Par conséquent, elle a communiqué avec la Commission canadienne des droits de la personne, et a officiellement déposé une plainte le 6 juillet 1997.

[19] L'explication de l'intimé concernant la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin sera abordée ci-après dans la présente décision.

II LA POLITIQUE RELATIVE AUX CONGÉS DE MATERNITÉ DE L'ÉCOLE DU PATRIMOINE DE SAULTEAUX

[20] La seule politique régissant les congés de maternité qui a été déposée à l'audience figure dans le Manuel de politique de l'École du patrimoine de Saulteaux. La politique prévoit simplement que les congés de maternité (sans solde) doivent être conformes aux directives de l'assurance-emploi. [traduction] Les témoins, dont Velma Night, ancienne coordonnatrice de l'éducation, ont mentionné que la bande avait également un manuel des ressources humaines, intitulé Saulteaux Band Personnel Regulations, où il est indiqué que les employées qui demandent un congé de maternité donnent un avis écrit à la bande. Ce manuel n'a pas été présenté comme preuve. Joyce Night a confirmé qu'elle connaissait les règlements auxquels a fait allusion Velma Night, mais a expliqué que la bande suivait les dispositions du Code canadien du travail, pour ce qui est du droit des employées à un congé de maternité. Je suis satisfaite, compte tenu des éléments de preuve déposés, que les droits et obligations de Mme Martin concernant un congé de maternité sont régis par les dispositions du Code canadien du travail.

[21] L'article 207 du Code canadien du travail prévoit que toute employée qui a l'intention de prendre un congé de maternité fournisse à son employeur un avis écrit au moins quatre semaines à l'avance, à moins qu'il y ait des raisons valables pour lesquelles un tel avis ne peut être donné (1). On a fait grand cas à l'audience qu'en mai 1997, Nancie Martin n'avait toujours pas fait parvenir d'avis écrit au Comité de l'éducation concernant son intention de prendre un congé de maternité. De toute évidence, dans la mesure où Mme Martin avait signalé par écrit son intention de prendre un congé de maternité, il n'y aurait pas de question en matière de preuve à savoir que le Comité de l'éducation était au courant ou non de la grossesse de Mme Martin. Toutefois, son accouchement était prévu en septembre 1997 seulement. Dans les circonstances, je conclus qu'en mai 1997, Nancie Martin n'était pas tenue de fournir un avis écrit à son employeur concernant son intention de prendre un congé de maternité. Comme il a été indiqué ci-dessus, la question à savoir si le Comité de l'éducation était au fait de la grossesse de Mme Martin lorsqu'il a été décidé de ne pas renouveler son contrat sera examinée ci-après dans la présente décision.

III CADRE LÉGISLATIF

[22] La plainte de Mme Martin a été déposée aux termes de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Selon l'article 7 de la Loi, le fait de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu constitue un acte discriminatoire s'il est fondé sur un motif de distinction illicite. Le fait de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu en raison d'une grossesse est jugé discriminatoire en fonction du sexe, ce qui constitue un motif de distinction illicite (2).

[23] Dans la présente affaire, il revenaient à Mme Martin d'établir un cas prima facie de discrimination. Une fois qu'un tel cas a été établi, il incombe alors à l'intimé de donner une explication raisonnable de sa conduite en cause (3).

[24] Une cause prima facie couvre les allégations formulées, dans la mesure où celles-ci sont justifiées, sont complètes et suffisantes pour justifier une décision en faveur de Mme Martin en l'absence d'une réponse de l'intimé (4).

[25] Dans le contexte de l'emploi, une cause prima facie doit comprendre la preuve des éléments suivants :

  1. que le plaignant ait été qualifié pour remplir le poste particulier;
  2. que le plaignant n'ait pas été engagé;
  3. qu'une personne n'ait pas été plus qualifiée mais qui ne possédait pas la caractéristique distinctive constituant le fondement de la plainte (c.-à-d. la race, la couleur, etc.) ait subséquemment obtenu le poste (5).

[26] Ce critère à plusieurs volets a été modifié afin de tenir compte de situations où le plaignant n'est pas engagé et où l'intimé continue de solliciter des candidats convenables. En l'occurrence, l'établissement d'une cause prima facie repose sur les éléments de preuve suivants :

  1. que le plaignant appartienne à un des groupes qui fait l'objet de discrimination aux termes de la Loi, c.-à-d. un groupe religieux, les handicapés ou un groupe racial;
  2. que le plaignant ait postulé un poste pour lequel il était qualifié et que l'employeur voulait combler;
  3. que la candidature du plaignant n'ait pas été retenue bien que ce dernier ait été qualifié;
  4. que l'employeur ait par la suite continué à chercher des candidats possédant les mêmes qualités que le plaignant (6).

[27] Bien que les critères des deux arrêts Shakes et Israel soient des guides utiles, ni l'un ni l'autre ne peut s'appliquer automatiquement de façon rigide ou arbitraire dans tous les cas; il faut plutôt envisager les circonstances de chaque cause afin de déterminer si l'application de l'un ou l'autre critère, en totalité ou en partie, est indiquée. En dernier ressort, la question consiste à savoir si Mme Martin a satisfait aux critères de l'arrêt O'Malley, c.-à-d. si la preuve déposée est acceptée, est-elle complète et suffisante pour justifier une décision en faveur de Mme Martin en l'absence d'une réponse de l'intimé (7)?

[28] Dans la mesure où l'intimé donne une explication raisonnable d'un comportement autrement discriminatoire, il revient alors à Mme Martin de démontrer que l'explication reposait sur un prétexte et que les motifs véritables des gestes de l'intimé étaient de fait de nature discriminatoire (8).

[29] Il est reconnu dans la jurisprudence qu'il est difficile de démontrer les allégations de discrimination en s'appuyant sur une preuve directe. Comme il a été indiqué dans l'affaire Basi :

[Traduction]

La discrimination n'est pas une pratique que l'on peut s'attendre de voir exercer ouvertement, en fait, il n'y a que de très rares cas où l'on peut prouver par preuve directe que la discrimination a été exercée en toute connaissance de cause (9).

Il revient donc au Tribunal de prendre en considération toutes les circonstances afin de déterminer s'il existe, tel qu'il a été décrit dans la cause Basi, de subtiles odeurs de discrimination. [traduction]

[30] La norme de la preuve applicable dans les cas de discrimination est la norme en matière civile de preuve selon la prépondérance des probabilités. En cas de preuve circonstancielle, le critère peut être formulé comme suit :

[Traduction]

On peut tirer une conclusion de discrimination lorsque la preuve présentée rend cette conclusion plus probable que les autres conclusions ou hypothèses possibles. (10)

[31] Il n'est pas essentiel que des considérations d'ordre discriminatoire soient les seuls motifs de la question en litige pour que la plainte soit maintenue. Dans les circonstances, il suffit d'établir que la grossesse de Mme Martin a été un facteur de la décision de ne pas renouveler son contrat (11).

IV. L'EXPÉRIENCE D'AUTRES EMPLOYÉES DE LA BANDE CONCERNANT LES CONGÉS DE MATERNITÉ

[32] Avant d'examiner la preuve relative à la plainte de Mme Martin, compte tenu des principes juridiques applicables à la présente affaire, il faut tenir compte de la preuve produite par la Commission et la bande touchant l'expérience d'autres femmes employées par celle-ci relativement aux congés de maternité.

[33] La Commission a convoqué Brenda Keller et Barbara MacNaughton à témoigner concernant leur expérience en tant qu'enseignante enceinte à l'École du patrimoine de Saulteaux. En 1990-1991, Mme Keller a enseigné la 3e année. Durant l'année scolaire, Mme Keller est devenue enceinte et, en 1991, elle a été informée que son contrat ne serait pas renouvelé. À l'époque, Mme Keller n'a reçu aucune explication de la décision de la bande. Celle-ci a témoigné que les autorités du régime d'assurance-emploi lui ont demandé les raisons du non-renouvellement de son contrat. Mme Keller a par la suite obtenu une lettre signée de Velma Night, coordonnatrice de l'éducation de la bande à l'époque, qui indiquait que le contrat de Mme Keller n'avait pas été renouvelé en raison de sa grossesse. Velma Night a reconnu avoir signé la lettre, expliquant que Mme Keller avait indiqué au Comité de l'éducation qu'elle travaillerait en septembre et octobre, et qu'elle prendrait un congé de novembre à avril. Le Comité de l'éducation et Mme Knight étaient d'avis qu'il serait trop perturbant pour les élèves de s'adapter à un enseignant suppléant de novembre à avril, et ont ainsi recommandé de ne pas renouveler le contrat de Mme Keller. Cette dernière a par la suite déposé une plainte relative aux droits de la personne concernant la décision de la bande de ne pas renouveler son contrat, plainte qui a depuis été réglée.

[34] Le successeur de Velma Night était au fait de ce qui était arrivé à Mme Keller. Joyce Night a témoigné que lorsqu'elle a assumé les fonctions de Velma Night à titre de coordonnatrice de l'éducation, elle a pris connaissance des documents concernant le cas de Mme Keller. Joyce Night a témoigné qu'à la suite de son examen du cas Keller, elle s'est intéressée au droit du travail, plus particulièrement au Code canadien du travail et, en conséquence, elle a activement cherché à se renseigner sur les normes en matière de travail et les obligations des employeurs.

[35] Il est sans conteste qu'au printemps 1991, le Comité de l'éducation avait décidé de ne pas renouveler le contrat de Brenda Keller, et que la grossesse de cette dernière était un facteur de cette décision. Le fait que le Comité de l'éducation a discriminé à l'endroit d'une employée en raison de sa grossesse ne signifie pas toutefois que, six ans plus tard, la décision d'un différent Comité de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin soit également entachée de considérations discriminatoires fondées sur la grossesse.

[36] Les deux parties conviennent que la bande a tiré une leçon importante dans le cas de Mme Keller, bien qu'elles ne soient pas d'accord sur la nature de cette leçon. La bande indique avoir appris qu'il est illicite de faire preuve de discrimination pour des motifs de grossesse, et qu'elle n'a pas répété cette erreur. D'autre part, la Commission et Mme Martin soutiennent que la leçon qu'ont tirée la bande et le Comité de l'éducation dans l'affaire Keller est de ne pas imputer de motifs discriminatoires au non-renouvellement du contrat d'un employé.

[37] Il me semble que ces deux conclusions soient plausibles. C'est pourquoi, au lieu de tirer des conclusions de ce qui s'est produit il y a plusieurs années concernant Brenda Keller, il me semble que la preuve relative au non-renouvellement du contrat de Nancie Martin doit faire l'objet d'un examen indépendant, compte tenu des circonstances particulières en l'espèce. Il est toutefois possible de conclure, sans risque d'erreur, d'après le témoignage de Joyce Night, que cette dernière savait qu'il était illicite de ne pas renouveler le contrat d'une enseignante parce qu'elle était enceinte.

[38] Barbara MacNaughton a été est le second témoin convoqué à témoigner relativement à son expérience à l'École du patrimoine de Saulteaux. Mme MacNaughton était enseignante à l'école entre 1982 et 1993. Elle est devenue enceinte en juin 1992, et a débuté un congé d'invalidité en octobre 1992. Mme MacNaughton a donné naissance en mars 1993, et elle était en congé de maternité jusqu'à la fin de juin 1993. Mme MacNaughton a témoigné que bien qu'elle ait appris en avril 1993 qu'elle pouvait passer à l'école pour signer son nouveau contrat, elle a reçu un appel à la fin de mai lui indiquant que son contrat ne serait pas renouvelé. Mme MacNaughton n'a jamais reçu d'explication de la bande, et ne sait pas pourquoi son contrat n'a pas été renouvelé. Elle a indiqué qu'en juin 1993, son salaire était au haut de l'échelle de rémunération, et elle était d'avis que son contrat n'a pas été renouvelé pour des raisons de financement.

[39] Dans son argument, l'avocat de la Commission a reconnu que le témoignage de Mme MacNaughton ne pouvait être considéré comme une preuve de fait similaire. J'en conviens. À l'encontre de Mme Martin, Mme MacNaughton a pris un congé de maternité pendant qu'elle enseignait à l'École du patrimoine de Saulteaux. Sur la base de la preuve limitée qui a été déposée, je ne peux conclure que la grossesse de Mme MacNaughton ait été un facteur de la décision de la bande de ne pas renouveler son contrat. Par conséquent, je ne suis pas persuadée que le témoignage de Mme MacNaughton relativement aux circonstances entourant son départ de l'École du patrimoine de Saulteaux constitue une preuve probante pour ce qui est de la plainte de Mme Martin.

[40] On a demandé à Joyce Night si des enseignantes ont pris un congé de maternité entre la fin de 1994 ou le début de 1995 et le printemps de 1997, lorsqu'elle a assumé les fonctions de Velma Night à titre de coordonnatrice de l'éducation. Elle a initialement témoigné que Jocelyn Iverson et Sherlyn Osook ont pris de tels congés, bien qu'elle ait par la suite reconnu que le congé de maternité de Mme Iverson a eu lieu lorsque Velma Night était la coordonnatrice de l'éducation. En ce qui concerne Sherlyn Osook, en octobre 1997, Joyce Night a dressé la liste des enseignantes qui avaient pris un congé de maternité, en réponse à une demande de la Commission. Le nom de Sherlyn Osook ne figure pas sur la liste, ce qui, de l'avis de Mme Night, représente une omission de sa part. Toutefois, bien qu'on ait demandé à un nombre de témoins de nommer des employées de l'école qui avaient pris un congé de maternité, le nom de Mme Osook n'a pas été mentionné. Mme Osook même n'a pas témoigné. Je conclus donc qu'il n'y a pas d'autres employées de l'école qui sont devenues enceintes depuis l'entrée en fonction de Mme Joyce Night dans le poste de coordonnatrice de l'éducation jusqu'à la grossesse de Nancie Martin en 1997.

[41] Cinq témoins ont comparu au nom de l'intimé relativement aux congés de maternité qu'elles ont pris alors qu'elles étaient engagées par la bande (12). Trois témoins ont mentionné les congés qu'elles ont pris bien avant l'année scolaire 1996-1997. À titre d'exemple, Velma Night à témoigné qu'elle a pris des congés de maternité en 1981, 1986 et 1991. En 1981, Velma Night était une employée de la bande et remplissait les fonctions d'adjointe administrative. Elle était également la coordonnatrice de l'éducation de la bande lors de ses congés en 1986 et 1991. Danita Gopher a témoigné qu'elle a pris des congés de maternité en 1983 et 1986, alors qu'elle était une employée de la bande. Le témoignage de Mme Gopher à cet égard est difficilement conciliable avec un témoignage antérieur, à savoir qu'au moment de son témoignage (février 2002), cela faisait seulement 10 ans qu'elle était une employée de la bande. En tout état de cause, rien ne laisse entendre que Mme Gopher ait été une enseignante à l'École du patrimoine de Saulteaux. Linda Night enseignait le jardin et la maternelle à l'École. Elle a pris des congés de maternité en 1981 et 1984.

[42] Leona Moccasin était une employée de la bande dans le poste de réceptionniste au Jackfish Lodge en 1992-1993, lorsqu'elle a pris un congé à la naissance de son fils. Mme Moccasin a pris un deuxième congé de maternité en 1995-1996 lors de la naissance de sa fille. Le témoignage de Mme Moccasin concernant son emploi au moment de la naissance de sa fille était ambigu. À divers moments durant son témoignage, Mme Moccasin a laissé entendre qu'à la naissance de sa fille, elle était toujours employée par la bande et qu'elle assumait les fonctions de réceptionniste au Jackfish Lodge, qu'elle était secrétaire au bureau chargé des droits fonciers issus des traités de la bande, ou encore qu'elle était coordonnatrice du PLAADA (13). Toutefois, ce qui ressort clairement du témoignage de Mme Moccasin, c'est qu'au moment de prendre ses congés de maternité, elle ne relevait pas du Comité de l'éducation (14).

[43] Lisa Desjarlais était enseignante de la 6e année à l'École du patrimoine de Saulteaux. Elle a pris un congé de maternité en mars 2001. Son contrat pour l'année scolaire suivante a été renouvelé, et Mme Desjarlais est revenue au travail en août 2001. Lorsque Mme Desjarlais a pris son congé de maternité, la bande Saulteaux était gérée par un gestionnaire tiers, ce que je crois vouloir dire que la bande était sous séquestre. Selon Joyce Night, les décisions concernant des questions comme les congés de maternité étaient prises par ce gestionnaire tiers.

[44] Je ne suis pas persuadée que la preuve de l'un ou l'autre témoin de l'intimé concernant leur expérience des congés de maladie me soit d'un grand secours dans cette affaire. Les congés de Velma Night, de Linda Night et de Danita Gopher ont été pris bien avant le printemps 1997, lorsque le contrat de Nancie Martin n'a pas été renouvelé. Bien qu'il ne soit pas clair où travaillait Leona Moccasin en 1995-1996 au moment de la naissance de sa fille, il est évident qu'elle travaillait directement pour la bande, et qu'elle n'était pas sous la supervision du Comité de l'éducation. Enfin, la décision d'accorder un congé de maternité à Lisa Desjarlais en 2001 a été prise par le gestionnaire tiers et non par la bande, ce qui n'est pas une preuve probante.

[45] Autrement dit, aucun des témoins convoqués par la Commission ou la bande n'ont obtenu ou se sont vu refuser un congé de maternité suivant les recommandations du Comité de l'éducation, car celui-ci a été formé au printemps de 1997 seulement. Par conséquent, j'ai l'intention d'étudier les circonstances entourant le non-renouvellement du contrat de Nancie Martin suivant leur bien-fondé, sans tenir compte de l'expérience des autres témoins.

V. LA COMMISSION ET Mme MARTIN ONT-ELLES ÉTABLI UNE CAUSE PRIMA FACIE DE DISCRIMINATION?

[46] En me penchant sur la plainte de Mme Matin, je dois tout d'abord déterminer si cette dernière et la Commission ont établi une cause a prima facie de discrimination en fonction de sa grossesse.

[47] Afin de déterminer si une cause prima facie de discrimination a été établie, je dois tout d'abord déterminer si Nancie Martin avait les titres nécessaires pour le poste d'enseignante de 3e année à l'École du patrimoine de Saulteaux. À cet égard, Joyce Night et l'avocat de l'intimé ont tous deux reconnu que Mme Martin était qualifiée pour enseigner la 3e année à l'École. Cet état de fait est corroboré par l'examen des annonces que Joyce Night a fait paraître dans le North Battleford Optimist et le Saskatoon Star Phoenix en juin 1997, sollicitant des candidats pour combler des postes d'enseignant vacants, y compris le poste d'enseignant de 3e année, qu'occupait antérieurement Mme Martin. Comme l'indique l'annonce, la bande sollicitait la candidature de personnes ayant de solides antécédents en activités parascolaires. Il était également indiqué qu'une expérience de la technique pédagogique de BSS serait un atout. Bien que le refus de Mme Martin de participer à des activités parascolaires particulières soit en question (question qui sera examinée ci-après dans la présente décision), Joyce Night n'a pas contesté la description qu'a faite Nancy Martin des nombreuses activités parascolaires auxquelles elle a participé à l'École du patrimoine de Saulteaux. Je suis plus que satisfaite, sur la base des éléments de preuve déposés, que Mme Martin avait de solides antécédents an activités parascolaires que recherchait la bande. Il a également été admis que Mme Martin avait une expérience de la technique pédagogique de BSS. Le premier élément d'une cause prima facie, tel qu'il est formulé dans la cause Shakes, a ainsi été fondé (15).

[48] Mme Martin n'a pas été réengagée pour l'année scolaire 1997-1998, ce qui confirme que le deuxième élément d'une cause prima facie a été établi.

[49] Le dernier élément d'une cause prima facie tient au fait qu'une personne, qui ne soit pas plus qualifiée mais ne possédant pas la caractéristique distinctive constituant le fondement de la plainte (dans la présente affaire, la grossesse), ait subséquemment obtenu le poste. Il n'est toutefois pas clair qui a de fait remplacé Nancie Martin dans le poste d'enseignante de la 3e année à l'École du patrimoine de Saulteaux. Joyce Night a témoigné que Starla Lakowski a de fait remplacé Mme Martin. D'ailleurs, Terry Martens ne savait pas si c'était Cathy Petriew ou Starla Lakowski. Linda Night ne se souvenait pas de la remplaçante de Nancie Martin, et a indiqué que malgré ses doutes, elle croyait que Starla Lakowski était une éducatrice spécialisée. Starla Lakowski n'a pas témoigné. Bien que je sois d'avis que Mme Martens et Linda Night soient des témoins crédibles, elles étaient toutes deux incertaines à ce sujet. En m'appuyant sur tous les éléments de preuve, je conclus que Starla Lakowski a été embauchée pour remplacer Nancie Martin.

[50] La preuve relative aux titres de Mme Lakowski était également ambiguë. En octobre 1997, en réponse à une demande de la Commission, Joyce Night a donné des renseignements sur les titres de la remplaçante de Mme Martin à l'avocat de la bande (16). Dans sa lettre, Mme Night indique que Mme Lakowski était titulaire d'un brevet d'enseignement de la 4e année, qu'elle avait cinq ans d'expérience de l'enseignement transculturel à son actif, qu'elle avait enseigné la 3e année pour la bande Waterhen, avait de solides antécédents en activités parascolaires, un baccalauréat spécialisé en beaux-arts et des antécédents en musique. Il était également indiqué que Mme Lakowski était activement engagée dans la collectivité. La lettre de Mme Night, qui date de 1997, fait nullement mention de l'expérience relative à la méthode de BSS.

[51] Terry Martens a témoigné que Starla Lakowski n'avait pas d'expérience de la méthode de BSS lorsqu'elle est entrée en fonction à l'école. Joyce Night a indiqué que bien que Mme Lakowski n'ait pas suivi le programme de formation intensive à Grouard, elle avait obtenu une certaine formation relative à la méthode de BSS avant d'être engagée à l'école, et aurait partiellement appliqué les techniques de BSS dans sa classe. Je préfère la preuve présentée par Terry Martens sur ce point. Mme Martens était de toute évidence fermement engagée à promouvoir l'emploi de la technique de BSS à l'École du patrimoine de Saulteaux, et était ainsi plus en mesure d'être au fait des titres touchant cette technique de ses collègues que Joyce Night. J'ai également de très sérieuses réserves concernant l'omission de Joyce Night de mentionner l'expérience relative à la technique de BSS de Starla Lakowski dans sa description écrite récente des titres de cette dernière. Par conséquent, j'en conclus que Starla Lakowski n'avait pas d'expérience de la technique de BSS avant son entrée en fonction à l'École du patrimoine de Saulteaux.

[52] Joyce Night a témoigné que la bande cherchait des enseignants expérimentés, particulièrement auprès des collectivités autochtones, bien que ce fait ne soit pas mentionné dans l'annonce. Initialement, Joyce Night a affirmé que Mme Lakowski avait trois ou quatre ans d'expérience de l'enseignement dans une école autochtone. Elle a par la suite indiqué qu'elle croyait que Mme Lakowski avait six ans d'expérience. Dans sa lettre d'octobre 1997 adressée à l'avocat de la bande, Mme Night affirme que Mme Lakowski avait 5 ans d'expérience transculturelle. [traduction] Quel que soit le nombre précis, Mme Lakowski avait plusieurs années d'expérience de l'enseignement à une école dans une réserve. Par ailleurs, Nancie Martin avait deux ans de ce genre d'expérience. Ni Mme Lakowski ni Mme Martin n'ont suivi de formation professionnelle en vue de composer avec les élèves atteints de conditions telles que le syndrome d'intoxication fœtale à l'alcool ou le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention, et toutes deux étaient titulaires d'un brevet d'enseignement de la 4e année. Mme Martin et Mme Lakowski avaient de solides antécédents en activités parascolaires. Toutefois, à l'encontre de Mme Lakowski, Mme Martin avait reçu une formation relative à la technique de BSS et avaient acquis une expérience connexe qui, suivant l'annonce de la bande, étaient considérées comme des atouts.

[53] Ainsi, bien que Starla Lakowski ait eu plus d'années d'expérience en enseignement que Mme Martin, cette dernière avait de l'expérience de la technique de BSS, à l'encontre de Mme Lakowski. En m'appuyant sur les éléments de preuve déposés, je conclus que Mme Lakowski n'était pas plus qualifiée que Nancie Martin pour enseigner la 3e année à l'École du patrimoine de Saulteaux.

[54] Un nombre de témoins convoqués à la fois par la Commission et la bande devaient nommer les enseignantes qui étaient devenues enceintes pendant qu'elles travaillaient à l'École du patrimoine de Saulteaux et qui avaient pris un congé de maternité. Personne n'a mentionné Starla Lakowski.

[55] Je suis satisfaite qu'une cause prima facie de discrimination fondée sur la grossesse a été établie, et que la preuve déposée est complète et suffisante pour justifier une décision en faveur de Mme Martin en l'absence d'une réponse de l'intimé. Il revient donc à l'intimé de donner une explication raisonnable de la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin.

VI. L'INTIMÉ A-T-IL DONNÉ UNE EXPLICATION RAISONNABLE DE LA DÉCISION DE NE PAS RENOUVELER LE CONTRAT DE NANCIE MARTIN?

[56] L'explication de la décision de la bande de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin comporte deux éléments : le Comité de l'éducation n'était pas au fait de la grossesse de Mme Martin lorsqu'il a été décidé de recommander au chef et au conseil de ne pas renouveler le contrat de cette dernière, et la décision de non-renouvellement du contrat de Mme Martin était fondée sur des inquiétudes concernant son rendement. Ces éléments seront examinés de façon successive.

A. Est-ce que le Comité de l'éducation savait que Nancie Martin était enceinte lorsqu'il a recommandé de ne pas renouveler son contrat?

[57] Nancie Martin a témoigné qu'elle a appris au sujet de sa grossesse en janvier 1997. Elle a dit qu'elle était très contente de cette nouvelle, et qu'elle n'a pas tenu à la cacher. Mme Martin et Lance Wellsch se rendaient souvent au travail ensemble, et Mme Martin a affirmé que bien qu'elle n'ait pas fait d'annonce officielle [traduction] de sa grossesse, M. Wellsch était au courant.

[58] D'après le témoignage de Mme Martin, il n'est pas clair quand Lance Wellsch a appris au sujet de la grossesse de cette dernière. Dans les circonstances, il me semble que M. Wellsch soit le mieux placé pour dire quand il a été informé de la grossesse de Mme Martin.

[59] Il y a une certaine incohérence dans la preuve déposée par Mme Martin concernant le moment où sa grossesse est devenue apparente. Dans son témoignage, Mme Martin a affirmé que sa grossesse est devenue évidente en mars. Toutefois, à la fois dans le questionnaire que Mme Martin a rempli au moment du dépôt de sa plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne ainsi que dans sa plainte même, il est indiqué que sa grossesse n'était pas évidente en avril. Cette incohérence ne me pose pas particulièrement problème, en raison de la part de subjectivité qui entre dans l'évaluation, après coup, du moment où une grossesse devient évidente. Quel que soit le moment où le milieu scolaire a pris connaissance de la grossesse de Mme Martin, je suis persuadée que Lance Wellsch était probablement au courant de la grossesse de Mme Martin au début d'avril 1997.

[60] Le Comité de l'éducation s'est réuni le 9 avril 1997 pour passer en revue le rendement des enseignants et discuter des contrats pour l'année scolaire suivante. Lance Wellsch n'était pas membre du Comité de l'éducation, mais a tout de même assisté à la réunion pour faire part de ses vues sur le rendement des divers enseignants. Selon M. Wellsch, il a dit aux membres du Comité de l'éducation que Nancie Martin était enceinte, et qu'il fallait prendre des arrangements pour la remplacer durant son congé de maternité.

[61] Bien qu'elle ne soit pas membre votant du Comité de l'éducation, Joyce Night assistait également à la réunion du 9 avril. Elle nie que M. Wellsch ait informé le Comité de l'éducation de la grossesse de Nancie Martin. Selon Mme Night, si le Comité avait été au fait de la grossesse de Mme Martin en avril 1997, d'autres arrangements auraient été pris, comme lui donner une classe plus petite. Selon Mme Night, le Comité aurait pris cette mesure afin d'éviter des poursuites.

[62] Les notes de la réunion rédigées par Joyce Night ont été produites à l'audience. Ces notes sont très élémentaires et ne sont pas un compte rendu fidèle des discussions de la réunion. Il n'y est nullement fait mention de la grossesse de Mme Martin.

[63] Danita Gopher et Stella Gopher étaient toutes deux membres du Comité de l'éducation à l'époque. Elles ont toutes deux affirmé que M. Wellsch n'a pas mentionné la grossesse de Nancie Martin à la réunion du 9 avril.

[64] Les éléments de preuve sur la question à savoir si Lance Wellsch a indiqué ou non au Comité de l'éducation que Nancie Martin était enceinte sont clairement conflictuels. Pour un nombre de raisons, j'accorde plus de poids au témoignage de Lance Wellsch, et je conclus que le Comité de l'éducation a été informé le 9 avril 1997 de la grossesse de Nancie Martin, et qu'il devait lui trouver un remplaçant durant son congé de maternité.

[65] Dans sa plaidoirie, l'avocat de la bande a laissé entendre que le témoignage de M. Wellsch à ce sujet était inexact. Pour appuyer cette affirmation, l'avocat a mentionné les notes que l'enquêteur de la Commission a prises lors d'une entrevue téléphonique avec M. Wellsch, notes qui ne font pas mention d'une telle discussion. Toutefois, à l'examen des notes, il a été révélé que M. Wellsch n'a pas été questionné au sujet de la réunion du Comité de l'éducation du 9 avril, et qu'on ne lui a pas demandé s'il avait informé ses supérieurs de la grossesse de Mme Martin. Cela n'est pas surprenant compte tenu du fait qu'au moment de l'entrevue, la bande n'avait pas dit qu'elle n'était pas au courant de la grossesse de Mme Martin lorsqu'il a été décidé de ne pas renouveler son contrat.

[66] J'ai toutefois certaines réserves concernant la fiabilité du témoignage de Lance Wellsch. Le contrat de M. Wellsch à titre de directeur de l'École du patrimoine de Saulteaux n'a pas été renouvelé en même temps qu'il a été décidé de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin. Il était évident compte tenu à la fois de la teneur du témoignage de M. Wellsch et de son attitude lors de son témoignage, qu'il éprouve beaucoup d'hostilité à l'égard de la bande Saulteaux et de l'administration scolaire. Cela étant dit, le témoignage de M. Wellsch sur la question à savoir s'il a informé le Comité de l'éducation de la grossesse de Mme Martin le 9 avril 1997 demeure très clair, et son témoignage n'a pas été affaibli lors du contre-interrogatoire.

[67] J'ai également certaines réserves au sujet de la fiabilité du témoignage de Joyce Night, de Danita Gopher et de Stella Gopher. Joyce Night a joué un rôle décisif dans la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin et, par conséquent, j'ai observé de très près Mme Night lors de son témoignage. Mme Night est très éloquente et elle a livré son témoignage de façon directe et avec confiance. Lors de son contre-interrogatoire, toutefois, elle était visiblement mal à l'aise lorsqu'on lui a demandé pourquoi la bande n'a pas dit à la Commission canadienne des droits de la personne que les membres du Comité de l'éducation n'étaient pas au courant de la grossesse de Mme Martin lorsque celui-ci a décidé de recommander au chef et au conseil de ne pas renouveler le contrat de cette dernière. (En effet, la première fois que la bande a indiqué ne pas avoir été au courant de la grossesse de Nancie Martin, c'était lors de la divulgation de renseignements avant l'audience par l'intimé le 26 octobre 2001). Selon Mme Night, l'omission de la bande de mentionner son ignorance de la grossesse de Mme Martin découlait d'un oubli, qui pouvait être expliqué par le peu de temps alloué à la bande pour répondre à la demande de renseignements de la Commission.

[68] Je ne reconnais pas le bien-fondé de cette explication. L'examen de la correspondance entre la bande et la Commission révèle que celle-ci a demandé la première fois à la bande d'indiquer sa position dans une lettre adressée au chef Gopher, datée du 3 septembre 1997. Quelque temps en octobre 1997, Mme Night a rédigé un sommaire de la position de la bande, qui a été transmis à la Commission par l'avocat de la bande, le 31 octobre 1997 - soit près de deux mois après la demande initiale de la Commission. La Commission a demandé des renseignements supplémentaires à la bande à au moins deux autres occasions - en février 1998 et de nouveau en mai 1998. Même si je devais accepter que Mme Night a oublié de mentionner ce qui constitue un fait clé et une défense solide de la plainte de Mme Martin dans sa réponse initiale à la Commission, aucune explication satisfaisante n'a été donnée, au cours de la période de deux ans pendant laquelle l'affaire était en instance à la Commission, de la raison pour laquelle la bande n'a jamais indiqué que le Comité de l'éducation n'était pas au courant de la grossesse de Mme Martin, lorsqu'il a recommandé au chef et au conseil de ne pas renouveler le contrat de cette dernière.

[69] Parallèlement, j'ai été peu convaincue par le témoignage de Danita Gopher et de Stella Gopher. Danita Gopher se souvenait peu des événements de la réunion du 9 avril, ainsi que d'une seconde réunion du Comité qui a eu lieu le 6 mai. Selon Mme Gopher, Lance Wellsch a animé la discussion lors de la réunion de mai, alors que ce dernier n'y assistait même pas. Elle a par la suite indiqué que Lance Wellsch avait rédigé le compte rendu de la réunion, qui a été présenté par Joyce Night. Un tel rapport n'a jamais été produit. Plus inquiétante est l'affirmation de Danita Gopher, à savoir que durant la réunion du 9 avril, Joyce Night a mentionné un incident où Mme Martin aurait mis sans dessus dessous [traduction] sa classe. Selon Mme Gopher, l'incident a été mentionné par Mme Night en exemple de la piètre gestion de Mme Martin de sa classe. Pourtant, c'est un fait admis que l'incident auquel Mme Gopher fait référence a eu lieu quelque temps après que Mme Martin a été informée du non-renouvellement de son contrat, c.-à-d. à la fin de mai.

[70] Il semble également que Stella Gopher se souvenait peu de ce qui était arrivé durant les réunions du Comité de l'éducation, et semblait souvent confuse durant son témoignage.

[71] Il me revient donc de démêler les incompatibilités dans la preuve qui découlent du témoignage de quatre personnes, dont aucune ne m'a semblé particulièrement digne de confiance. Dans les circonstances, je crois que les observations de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Faryna c. Chorney (17) me seront particulièrement utiles :

La crédibilité des témoins intéressés, spécialement en cas de témoignages contradictoires, ne peut pas être jaugée exclusivement sur le fait que leur comportement personnel donne la conviction qu'ils disent la vérité. Tout d'abord, il convient d'examiner si le récit d'un témoin est compatible avec les probabilités de la situation présente. En bref, le vrai test de la véracité du récit d'un témoin dans un cas donné est l'harmonie qu'il présente avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et bien informée reconnaîtrait immédiatement comme raisonnable dans ce lieu et dans cette situation...

[72] Parce que je ne crois pas que Lance Wellsch soit un témoin particulièrement digne de confiance, j'hésiterais à conclure que le Comité de l'éducation a pris connaissance de la grossesse de Mme Martin à la réunion du 9 avril en m'appuyant uniquement sur son témoignage. Toutefois, à mon avis, le témoignage de M. Wellsch est renforcé par le fait que la bande n'a pas mentionné sa présumée ignorance de la grossesse de Mme Martin que trois ans et demi après que cette dernière se soit plainte de discrimination fondée sur sa grossesse.

[73] De plus, comme j'ai déjà conclu que M. Wellsch était au courant de la grossesse de Mme Martin, il est fort probable qu'il ait soulevé la question auprès du Comité de l'éducation lors de la discussion qui portait sur les besoins de l'école pour l'année scolaire suivante. Je suis ainsi satisfaite, selon toute probabilité, que Lance Wellsch a informé le Comité de l'éducation de la grossesse de Nancie Martin le 9 avril 1997.

[74] Ayant conclu que le Comité de l'éducation était au courant de la grossesse de Nancie Martin au moment de sa décision de recommander de ne pas renouveler son contrat, il ne s'ensuit pas nécessairement que la grossesse de cette dernière ait été un facteur de cette décision. Il reste à régler cette question.

B. Les questions touchant le rendement soulevées avant le 27 mai 1997

[75] Selon l'intimé, la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin n'était pas fondée sur sa grossesse, mais sur certaines inquiétudes concernant son rendement. Il faut donc de toute évidence examiner minutieusement la preuve relative aux présumés problèmes que présentait le rendement de Mme Martin afin de déterminer si sa grossesse a été un facteur de la décision de ne pas renouveler son contrat.

[76] La présente affaire ne concerne pas un renvoi injustifié, et il ne me revient donc pas de déterminer si la bande avait des motifs valables de mettre fin à l'emploi de Mme Martin. Celle-ci a été engagée sur une base contractuelle pour une période déterminée, et n'était pas admissible à poursuivre son emploi passé l'échéance du contrat (18). Je dois plutôt déterminer si les présumées insuffisances dans le rendement de Nancie Martin représentent une explication raisonnable de la décision de la bande de ne pas renouveler son contrat, ou si cette explication n'est qu'un prétexte.

[77] Afin d'évaluer les présumés problèmes que présentait le rendement de Mme Martin, je dois presque exclusivement m'en remettre à la déposition des témoins. Comme l'a reconnu Joyce Night, il n'y a aucune preuve documentaire à l'appui des allégations que le rendement de Mme Martin ait été insuffisant (19). Il convient également de rappeler que c'est un fait admis qu'en aucun temps durant la période d'emploi de Mme Martin à l'École du patrimoine de Saulteaux, les préoccupations concernant son rendement à titre d'enseignante de la 3e année aient été portées à son attention.

[78] Les allégations de la bande concernant la nature et l'étendue de l'insatisfaction face au rendement de Mme Martin ont changé au fil du temps. Il ne semble pas que les préoccupations entourant le rendement de Mme Martin aient été discutées à la réunion du Comité de l'éducation le 9 avril, et Joyce Night convient que les commentaires de M. Wellsch touchant le rendement de Nancie Martin étaient favorables. Sous la rubrique Faiblesses - Forces, [traduction] Mme Night indique seulement que Mme Martin était efficace relativement à la dimension d'adaptation. [traduction] Le seul commentaire qui peut être perçu comme défavorable à l'endroit de Mme Martin concerne le fait qu'elle refusait de participer aux bingos. [traduction]

[79] Le Comité de l'éducation s'est réuni de nouveau le 6 mai 1997. Lance Wellsch n'assistait pas à cette réunion. Dans le compte rendu qu'a préparé Joyce Night, celle-ci note sa présence, ainsi que celle de Stella Gopher et d'autres personnes. On n'y mentionne pas si Danita Gopher est présente, bien que Danita Gopher et Joyce Night aient toutes deux affirmé qu'elle y était. Selon Mme Night, l'objet de la réunion était de prendre une décision finale concernant la recommandation du Comité au chef et au conseil relativement aux contrats des enseignants. Joyce Night a indiqué qu'elle a animé la discussion. Suivant les commentaires que Mme Night avait reçus de Lance Wellsch ainsi que d'autres enseignants, dont Terry Martens et Karen Crawley, on était d'avis que la classe de Nancie Martin présentait les plus sérieux problèmes. Mme Night et Stella Gopher ont également témoigné que des parents des élèves de la classe de Mme Martin leur avaient fait part de commentaires défavorables.

[80] Le compte rendu préparé par Mme Night renferme les observations suivantes touchant le rendement de Mme Martin :

[Traduction]

Inquiétudes touchant sa piètre gestion de la classe, son manque d'expérience auprès d'enfants à risque élevé, THADA, possiblement EFA, en plus d'autres problèmes sociaux qu'ils éprouvent à la maison. Les autres inquiétudes soulevées par les enseignantes voisines se rapportent à la piètre gestion de sa classe. M. Wellsch devait constamment intervenir pour rétablir l'ordre dans sa classe, et il ne devrait pas être interrompu tout le temps pour devoir faire cela.

Le conseil a également recommandé de chercher une enseignante expérimentée ayant préférablement de 8 à 10 ans d'expérience. La question du financement ne devrait pas entrer en ligne de compte car nous devons assurer l'éducation convenable de nos enfants. Il faut que les enfants passent en premier.

[81] Bien que cela ne soit pas spécifiquement mentionné dans le compte rendu, j'accepte le témoignage de Joyce Night, à savoir que c'est lors de cette réunion que la décision a été prise de recommander au chef et au conseil de ne pas renouveler le contrat de Nancie Martin pour l'année suivante.

[82] Le chef et le conseil se sont rencontrés le 22 mai. Joyce Night était présente, et a fait part de la recommandation du Comité de l'éducation de ne pas renouveler le contrat de quatre personnes (y compris Nancie Martin et Lance Wellsch). Mme Night a confirmé qu'il s'agissait d'une très brève rencontre, et il ne semble pas qu'il y ait eu de discussion sur les raisons du Comité de recommander le non-renouvellement du contrat des quatre enseignants.

[83] De nombreuses autres préoccupations concernant le rendement de Nancie Martin ont par la suite été soulevées par Joyce Night dans une note de service qu'elle a préparée en octobre 1997 en réponse à la plainte relative aux droits de la personne déposée par Mme Martin. En plus du présumé manque de maîtrise de Mme Martin sur sa classe, il semble que celle-ci ait quitté sa classe en larmes à plusieurs reprises, et sa classe était décrite comme désordonnée et sombre. Mme Night a indiqué qu'un parent avait menacé de poursuivre Mme Martin pour avoir malmené son enfant. Selon la note de service, Mme Martin était distante, irritable et tendue, et manquait de professionnalisme en prenant part aux potins sur la politique de la bande. Après que Mme Martin ait appris que son contrat ne serait pas renouvelé, elle aurait mis sa classe sans dessus dessous. Il semble également qu'elle ait peu enseigné au cours des dernières semaines de l'année scolaire. Mme Night a également affirmé que Mme Martin avait refusé de travailler avec les ordinateurs de l'école, malgré avoir indiqué son intention de le faire lors de son entrevue. Enfin, Mme Night a réitéré son inquiétude touchant le manque de coopération de Mme Martin dans le cadre des activités de collecte de fonds.

[84] Ces présumés problèmes touchant le rendement de Mme Martin seront abordés de façon consécutive.

(i) La question du bingo

[85] La seule inquiétude touchant le rendement de Mme Martin qui a été mentionnée à la réunion du Comité de l'éducation du 9 avril concernait son refus de travailler aux bingos qui étaient organisés pour recueillir des fonds. Dans sa note de service d'octobre, Joyce Night mentionne un manque général de collaboration aux activités de collecte de fonds, comme l'exige le Comité. [traduction] Lors de l'audience, Mme Night a initialement soutenu que les préoccupations de la bande concernant la participation de Mme Martin aux activités parascolaires ne se rapportaient pas seulement au bingo, mais à beaucoup d'autres choses encore. [traduction] Elle a par la suite reconnu qu'elle n'était pas au courant des activités parascolaires auxquelles Mme Martin participait. Joyce Night n'a pas contesté la longue liste d'activités parascolaires auxquelles Mme Martin dit avoir participé à l'École du patrimoine de Saulteaux. Lorsqu'on a insisté sur cette question, Mme Night a admis que la seule préoccupation de la bande liée aux activités parascolaires de Mme Martin touchait son refus de travailler lors des bingos. Mme Night a expliqué que la bande accordait beaucoup d'importance à l'engagement communautaire des enseignants, et que les activités de collecte de fonds étaient très importantes pour l'école. Selon Mme Night, les membres de la bande faisaient des commentaires au sujet des personnes qui refusaient de participer aux bingos.

[86] Mme Night a indiqué que la bande s'attendait des enseignants à ce qu'ils consacrent de 80 à 120 heures chaque année aux activités parascolaires, bien que cette attente n'ait jamais été communiquée aux enseignants. Le contrat d'enseignement indique seulement que les enseignants appuieront l'organisation d'activités de collecte de fonds, culturelles [et] athlétiques, et y participeront, ainsi que celles touchant les déplacements des jeunes, l'enseignement à l'extérieur et des activités similaires qui sont autorisées par le Comité de l'éducation. [traduction] Le manuel des politiques de l'école est plus précis, énonçant que les enseignants doivent coordonner et superviser au moins une activité parascolaire au cours d'une année scolaire donnée. [traduction]

[87] Nancie Martin a témoigné qu'elle était très active dans le milieu scolaire, participant à la cantine scolaire, à la soirée de divertissement familial (importante activité de collecte de fonds de l'école) ainsi qu'aux clubs d'artisanat et d'artisanat de Noël. De plus, elle entraînait l'équipe de course de fond et de piste et pelouse. En outre, Mme Martin publiait le bulletin scolaire de l'école et a mis sur pied le club d'informatique. Elle préparait également les élèves au concours annuel de chorale à North Battleford, et elle a accompagné les élèves lors de certaines sorties. La seule activité à laquelle Mme Martin ne participait pas était le bingo. Celle-ci a expliqué que son objection était la fois d'ordre médical et éthique. Elle souffrait d'une condition pulmonaire chronique, qui faisait qu'elle devait éviter les endroits enfumés, et qu'elle désapprouvait des jeux de hasard pour recueillir des fonds pour des activités à l'intention des enfants.

[88] La description de Mme Martin de ses activités parascolaires a été corroborée par Terry Martens. En outre, Lance Wellsch a témoigné que Mme Martin se chargeait de toutes les activités qu'on lui demandait de faire, le bingo excepté. M. Wellsch a témoigné qu'il était au fait de l'état de santé de Mme Martin, et qu'il l'a exemptée de participer à cette activité.

[89] Je ne crois pas que le refus de Mme Martin de participer aux bingos ait été un facteur de la décision de ne pas renouveler son contrat. À la fois Joyce Night et Danita Gopher étaient informées de l'état de santé de Mme Martin, ce qui l'empêchait de travailler dans des endroits enfumés. De plus, Mme Night elle-même a témoigné ne pas avoir d'inquiétudes relatives au rendement de Mme Martin durant l'année scolaire de 1995-1996. Mme Martin n'a pas pris part aux bingos en 1995-1996 et son contrat a tout de même été renouvelé.

(ii) La gestion de la classe par Mme Martin

[90] Des inquiétudes concernant la gestion de Mme Martin de sa classe ont été signalées dans le procès-verbal de la réunion du Comité de l'éducation du 6 mai, et il semble qu'il s'agisse de la principale préoccupation touchant son rendement. Selon Joyce Night, la maîtrise de Mme Martin de sa classe durant toute la période de septembre 1996 à juin 1997 laissait à désirer. Mme Night a affirmé que Mme Martin était de tempérament tranquille et timide, et que les enfants ne la respectaient pas. Mme Night s'appuyait sur ses propres observations pour faire ces commentaires, ainsi que sur les plaintes qu'elle dit avoir reçues sur une base régulière d'autres enseignants, y compris Karen Crawley et Terry Martens. Selon Mme Night, deux ou trois fois par semaine, Mme Martens lui mentionnait les difficultés qu'éprouvait Mme Martin à gérer sa classe. Mme Night a dit avoir demandé à Mmes Martens et Crawley d'aider Mme Martin à maîtriser les enfants, et que parfois celles-ci devaient fermer la porte de leur classe en raison du bruit dans la classe de Mme Martin.

[91] Mme Night a affirmé que de quatre à cinq incidents chaque jour se produisaient dans la classe de Mme Martin pour lesquels il fallait intervenir. Les notes de Mme Night qui datent du 6 mai indiquent que Lance Wellsch a souvent dû se rendre dans la classe de Mme Martin pour y rétablir l'ordre. Dans son témoignage, Mme Night a affirmé que cela se produisait chaque jour. Mme Night a convenu que des inquiétudes de cette importance auraient dû être documentées. Comme il a été indiqué ci-dessus, toutefois, il a été établi qu'il n'y a pas un seul document écrit datant de cette période qui fait mention de telles préoccupations.

[92] La 3e année de Mme Martin, de l'avis de Mme Night, était particulièrement difficile. Un nombre d'élèves souffraient de troubles d'hyperactivité avec déficit de l'attention et de syndrome d'intoxication fœtale à l'alcool. C'est pour cette raison que le Comité de l'éducation a décidé d'engager un enseignant de 3e année ayant de 8 à 10 ans d'expérience, y compris une expérience de l'enseignement en milieu autochtone.

[93] Julia Night a également décrit les problèmes liés à la gestion de la classe par Mme Martin. Julia Night consacrait la moitié de ses journées à enseigner le cri, et l'autre à venir en aide à divers enseignants, y compris dans la classe de 3e année. Selon Julia Night, les élèves dans la classe de Mme Martin étaient turbulents, et la maîtrise de la classe posait énormément problème. À la fois Lance Wellsch et Terry Martens devaient se rendre dans la classe pour y rétablir l'ordre. Julia Night a affirmé que M. Wellsch devait le faire une ou deux fois chaque jour.

[94] Danita Gopher et Stella Gopher ont témoigné que Lance Wellsch a mentionné les difficultés qu'éprouvait Mme Martin à maîtriser sa classe au Comité de l'éducation à plusieurs reprises, et elles ont toutes deux affirmé que la piètre gestion de la classe de Mme Martin était la raison pour laquelle son contrat n'a pas été renouvelé.

[95] Les témoignages de Nancie Martin, Lance Wellsch, Terry Martens et Linda Night brossent un tableau entièrement différent de ce qui passait dans la classe de 3e année de Nancie Martin durant l'année scolaire 1996-1997. Mme Martin a affirmé que cette classe était plus facile à maîtriser que sa première 3e année. Elle n'était pas au courant que des enfants avaient officiellement été diagnostiqués de conditions telles que le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention ou le syndrome d'intoxication fœtale à l'alcool, bien qu'elle ait indiqué avoir une expérience de telles conditions, car l'un de ses enfants souffrait d'hyperactivité et de déficit de l'attention, et qu'elle avait auparavant travaillé auprès de personnes avec des déficiences développementales.

[96] Mme Martin nie avoir reçu des plaintes de l'un ou l'autre de ses collègues concernant le bruit dans sa classe. Elle a reconnu que M. Wellsch venait dans sa classe à l'occasion, mais a indiqué qu'il le faisait pour toutes les classes. M. Wellsch a témoigné que Mme Martin a travaillé très fort pour améliorer la gestion de sa classe, et que celle-ci s'était améliorée à mesure qu'elle a acquis plus d'expérience en enseignement. Selon M. Wellsch, Mme Martin avait autant d'expérience relative aux conditions comme le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention et le syndrome d'intoxication fœtale à l'alcool que les autres enseignants à l'école. M. Wellsch a nié avoir eu des inquiétudes au sujet du niveau de maîtrise qu'exerçait Mme Martin dans sa classe, et a précisé n'avoir jamais eu de plaintes d'autres enseignants concernant la gestion de la classe de cette dernière. Sans compter les visites dans les classes dans le cadre du processus d'évaluation du rendement, M. Wellsch estime qu'il s'est rendu dans la classe de Mme Martin neuf ou dix fois au cours de l'année scolaire. M. Wellsch a indiqué qu'on ne lui a pas demandé d'intervenir dans la classe de Mme Martin pour rétablir l'ordre plus souvent que dans d'autres classes.

[97] Le témoignage de M. Wellsch concernant la maîtrise de Mme Martin de sa classe est conforme à l'évaluation du rendement écrite qu'il a préparée au printemps de 1997. Bien que M. Wellsch ait noté que Mme Martin avait eu des affrontements avec des élèves de classes supérieures, concernant sa classe de 3e, il a indiqué qu'elle manifestait une bonne maîtrise de sa classe. [traduction] M. Wellsch a également remis une lettre de référence à Mme Martin, dans laquelle il la décrivait comme une enseignante très compétente. [traduction] Il y indiquait que Mme Martin avait pris le temps d'acquérir des compétences en gestion de classe, et qu'elle manifestait d'excellentes compétences en gestion (20). [traduction] Lors de son entrevue avec l'enquêteur de la Commission, M. Wellsch a précisé que Mme Martin éprouvait certaines difficultés [traduction] relatives à sa maîtrise de la classe, et que parfois elle maîtrisait mal sa classe. Toutefois, il a également indiqué que son rendement correspondait à celui d'un enseignant ayant une ou deux années d'expérience.

[98] Terry Martens a témoigné qu'elle n'était pas au courant de plaintes qu'auraient faites d'autres enseignants concernant la maîtrise de Nancie Martin de sa classe, et que les compétences de cette dernière à ce sujet ne différaient pas largement de celles de n'importe quel autre nouvel enseignant. Selon Mme Martens, des problèmes de discipline existaient dans un nombre de classes, et Mme Martin était très compétente lorsqu'il s'agissait de composer avec une classe difficile.

[99] La porte de la classe de maternelle de Linda Night faisait directement face à celle de la 3e année de Mme Martin. Mme Night a témoigné qu'elle a entendu la porte de la classe de Mme Martin claquer, mais que cela se produisait habituellement lorsque les élèves rentraient de la récréation. À l'occasion, elle a entendu Mme Martin élever la voix dans la classe, mais n'a pu dire si cela était approprié ou non. Mme Night n'a pas soulevé d'inquiétudes concernant la gestion par Mme Martin de sa classe, faisant observer qu'elle n'était pas dans la classe et qu'elle ne pouvait ainsi émettre d'opinion à ce sujet. Mme Night a confirmé que Lance Wellsch se rendait régulièrement dans toutes les classes, y compris sa classe de maternelle.

[100] Je ne suis pas convaincue que le Comité de l'éducation ait éprouvé des inquiétudes significatives concernant la maîtrise de sa classe par Mme Martin lorsqu'il a recommandé de ne pas renouveler son contrat. Je suis d'avis que le témoignage de Joyce Night à ce sujet était exagéré, et pas particulièrement digne de foi. Même en tenant compte de l'apparent manque de compétence de l'administration scolaire, il semble inconcevable qu'un problème de l'ampleur de celui que décrit Joyce Night puisse avoir persisté toute l'année scolaire, sans qu'un seul document écrit fasse état des inquiétudes de l'administration. Selon la preuve documentaire existante, il semble que Mme Martin ait de fait travaillé très fort pour améliorer ses compétences en gestion de classe, et qu'elle a connu beaucoup de succès à cet égard.

[101] Le témoignage de Joyce Night concernant les difficultés exceptionnelles que présentait la 3e année de Mme Martin est également troublant. Mme Night a témoigné que certaines des difficultés de Mme Martin étaient attribuables au grand nombre d'élèves atteints de trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention et de syndrome d'intoxication fœtale à l'alcool. Mme Night a expliqué que c'est pour cette raison que le Comité de l'éducation a décidé d'engager un enseignant ayant de 8 à 10 ans d'expérience pour la 3e année, bien qu'elle ait admis que Starla Lakowski n'avait pas autant d'années d'expérience. Toutefois, comme Mme Martin l'a indiqué, afin de déterminer le bien-fondé de la preuve à cet égard, il ne faut pas s'arrêter aux titres de l'enseignant qui a été engagé pour remplacer Mme Martin dans la 3e année, mais sur les compétences de l'enseignant qui serait chargé de ces enfants l'année suivante, c'est-à-dire lorsqu'ils seraient en 4e année. Mme Night a initialement laissé entendre que Karen Crawley devait remplacer Audrey Gopher à titre d'enseignante de la 4e année, puis a semblé convenir avec Mme Martin que c'est Erin Walton qui a enseigné la 4e année en 1997-1998. Erin Walton était âgée de 23 ans à l'époque et en était à sa 2e année d'expérience en enseignement.

[102] J'ai également été peu convaincue par la preuve présentée par Julia Night. L'attitude de celle-ci était fort différente lors de son témoignage en interrogation principal et de son contre-interrogatoire. Lors de son témoignage en interrogatoire principal, Mme Night semblait agréable et amicale, tandis que durant le contre-interrogatoire, elle était souvent sur la défensive et parfois très agressive. Mme Night a fait preuve d'un degré surprenant d'hostilité à l'endroit de l'avocat de la Commission, compte tenu que son rôle dans les événements ayant mené au dépôt de la plainte était marginal, et que sa conduite n'était pas en cause en l'espèce.

[103] Ni Stella Gopher ni Danita Gopher n'avaient de connaissance directe de la maîtrise de la classe par Mme Martin, et j'ai déjà indiqué mes réserves concernant leur souvenir limité de ce qui avait été discuté lors des réunions du Comité de l'éducation.

[104] M. Wellsch et Mme Martens ont fait des commentaires fort favorables sur les compétences de gestion de classe de Mme Martin. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, j'ai toutefois quelques réserves au sujet de la fiabilité de M. Wellsch en tant que témoin. L'avocat de l'intimé a également laissé entendre que Terry Martens n'était pas un témoin neutre, car son témoignage était faussé par le fait que son propre contrat n'a pas été renouvelé par la bande Saulteaux. Par conséquent, comme l'a affirmé l'avocat, il faut faire preuve de circonspection face à son témoignage.

[105] Je ne reconnais toutefois pas le bien-fondé des observations de l'intimé à cet égard. Tout d'abord, je note qu'aucune preuve n'a été déposée concernant les circonstances entourant le départ de Terry Martens de l'École du patrimoine de Saulteaux en juin 2001. De plus, la description du rendement de Nancie Martin en tant qu'enseignante de 3e année, fournie par Mme Martens dans son témoignage, ressemble de près à la lettre de référence très favorable que cette dernière a rédigée en mai 1996 pour Mme Martin - quelque quatre ans avant que Mme Martens quitte l'école. À l'encontre de Lance Wellsch, Mme Martens n'a pas fait preuve d'animosité évidente à l'endroit de la bande Saulteaux ou de l'école. Le témoignage de Mme Martens était à la fois neutre et équilibré, et j'ai trouvé qu'elle était un témoin digne de confiance.

[106] Je conclus donc que Nancie Martin a manifesté des compétences raisonnables en gestion de classe durant l'année scolaire 1996-1997. Je conclus également que le Comité de l'éducation n'avait pas d'inquiétudes significatives concernant la maîtrise de la classe par Mme Martin lorsqu'il a recommandé de ne pas renouveler son contrat.

C. Les insuffisances du rendement de Mme Martin signalées par Joyce Night dans sa note de service d'octobre 1997

[107] Bien que cela ne soit pas mentionné dans le compte rendu des discussions entourant la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin, dans une note de service d'octobre 1997, la bande allègue que le rendement de Mme Martin présente un nombre de problèmes supplémentaires, dont chacun sera abordé de façon consécutive.

(i) Nancie Martin quitte sa classe en larmes

[108] Joyce Night a allégué que Mme Martin quittait sa classe en larmes parce que les enfants étaient déchaînés. Bien que sa note de service indique que cela se soit produit à l'occasion, [traduction] lors de son témoignage, Mme Night a affirmé n'en avoir été témoin qu'une seule fois.

[109] Nancie Martin ne se souvient pas de cela, bien qu'elle ait admis avoir eu envie de pleurer à l'occasion. À l'encontre de Joyce Night, qui entrait et sortait de l'école plusieurs fois par semaine, Lance Wellsch, Terry Martens et Linda Night étaient à l'école toute la journée, tous les jours. Ils n'ont jamais vu Mme Martin quitter sa classe en larmes.

[110] Même si cela s'est produit une seule fois, comme Joyce Night le prétend, je ne peux croire que cela ait eu une incidence sur la décision de la bande de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin. Selon le témoignage de Mme Night même, elle ne pouvait concevoir comment une personne n'aurait pas perdu la raison dans cette classe, et qu'elle-même n'aurait pu faire autrement. Mme Night a également reconnu qu'il n'y avait rien d'alarmant de voir Mme Martin perdre son sang-froid. De plus, il n'est pas évident à la lumière du témoignage de Mme Night que l'incident qu'elle dit avoir vu a de fait eu lieu au cours de l'année scolaire 1996-1997.

(ii) L'état de la classe de Mme Martin

[111] Dans sa note de service, Joyce Night allègue que la classe de Mme Martin était en désordre et sombre. Quelle qu'ait été la malpropreté de cette classe, Mme Night a témoigné qu'elle était à l'école sur une base régulière et qu'elle s'inquiétait de la condition des classes. Lance Wellsch a reconnu que la classe de Mme Martin était parfois désordonnée. [traduction] Julia Night a également mentionné le désordre dans la classe de 3e année. Il faut toutefois tenir compte du témoignage de Lance Wellsch et de Julia Night à la lumière des observations ultérieures de Joyce Night, à savoir que cette situation n'existait pas seulement dans la classe de Mme Martin, mais que toutes les classes étaient en désordre.

[112] Joyce Night a soulevé une préoccupation générale concernant la condition des classes dans toute l'école. Elle n'a pas laissé entendre que la classe de Mme Martin était plus désordonnée que n'importe quelle autre dans l'école. Cela étant dit, il est difficile de croire que le désordre de la classe de Mme Martin ait été un facteur de la décision de ne pas renouveler son contrat.

[113] Mme Night a affirmé que son inquiétude face à l'état de la classe de Mme Martin, de façon particulière, était liée au fait que sa classe était peu éclairée. Mme Night a précisé avoir dit à M. Wellsch qu'elle voulait que ce problème soit corrigé, et ce dernier lui a répondu que Mme Martin préférait un éclairage plus tamisé.

[114] Mme Martin a semblé reconnaître que sa classe était sombre à l'occasion, et a indiqué les difficultés qu'elle éprouvait à obtenir du personnel d'entretien qu'il remplace les ampoules grillées. Mme Wellsch se rappelle que Mme Martin s'est plainte de cette situation. Terry Martens a mentionné ses propres difficultés à obtenir du personnel d'entretien qu'il répare les appareils d'éclairage brisés et de remplacer les tubes fluorescents grillés. Mme Martens a également affirmé que la classe de Mme Martin n'était pas plus sombre que les autres classes.

[115] J'accepte le témoignage de Mme Martin, de Lance Wellsch et de Terry Martens, et je conclus que les difficultés liées à l'éclairage dans la classe de Mme Martin étaient attribuables aux services d'entretien déficients. De plus, je ne suis pas convaincue que le faible éclairage dans la classe de Mme Martin ait été un facteur de la décision de ne pas renouveler son contrat.

(iii) La menace de poursuites à l'endroit de Mme Martin pour avoir malmené un enfant

[116] On a interrogé Nancie Martinau sujet de l'affirmation de Joyce Night, selon laquelle la mère de l'un de ses élèves avait menacé de la poursuivre pour avoir malmené son enfant. Mme Martin a admis que cela s'était produit, et a décrit l'incident qui a eu lieu le 11 juin 1997. Selon Mme Martin, plusieurs enfants s'étaient couchés très tard la nuit précédente et avaient de la difficulté à rester éveillés en classe. Mme Martin a reconduit les enfants chez l'orienteur, et lui a demandé de voir à ce que les enfants soient reconduits à la maison. De toute évidence, un des enfants a été laissé seul à la maison. La mère de l'enfant s'est par la suite rendue à l'école pour parler à Mme Martin. Celle-ci a convenu avec la mère qu'il n'était pas indiqué pour l'enfant d'avoir été laissé sans surveillance, et elle a expliqué que c'était l'orienteur qui avait fait cela et non elle-même. La mère était évidemment très bouleversée et a menacé de poursuivre Mme Martin.

[117] Lors de la discussion de cet incident avec Lance Wellsch peu après qu'il se soit produit, ce dernier a suggéré à Nancie Martin de rédiger un rapport d'incident, ce qu'elle a fait. Le rapport de Mme Martin a été produit à l'audience, et corrobore sa version des faits.

[118] Lors du contre-interrogatoire de Mme Martin , l'avocat de l'intimé n'a jamais laissé entendre que cette dernière a fait l'objet d'une seconde menace de poursuite par un parent en raison du traitement d'un enfant, et n'a pas questionné Lance Wellsch sur de telles menaces. Terry Martens se souvenait de l'incident du 11 juin et a témoigné que Mme Martin a suivi la procédure en vigueur à l'école pour régler la situation. De nouveau, on n'a pas interrogé Mme Martens au sujet d'une seconde présumée menace.

[119] Joyce Night a témoigné qu'il y avait déjà eu beaucoup de difficultés avec cette famille en particulier, et que la mère menaçait toujours de poursuivre quelqu'un. [traduction] Selon Mme Night, il y avait déjà eu un autre incident impliquant Mme Martin et cette mère en particulier, parce que Mme Martin aurait empoigné ou secoué son enfant. Mme Night a affirmé que la mère de l'enfant avait dit vouloir qu'un médecin examine les ecchymoses de son enfant. Mme Night a par la suite demandé à Lance Wellsch et à Nancie Martin de préparer un rapport d'incident. Mme Night n'a pas indiqué qu'elle ou une autre personne se sont penchées sur les allégations que Mme Martin aurait physiquement agressé un élève.

[120] Seul le rapport concernant l'incident du 11 juin a été produit. Les comptes rendus des réunions du Comité de l'éducation ne mentionnent nullement l'allégation de mauvais traitements infligés par Mme Martin à un élève, et la mère de l'enfant n'a pas témoigné.

[121] Danita Gopher a témoigné que la question des mauvais traitements infligés par Mme Martin à l'enfant a été soulevée à la réunion du Comité de l'éducation du 9 avril. Les personnes présentes à la réunion n'ont pas mentionné une telle discussion, et le procès-verbal ne comprend aucune mention à cet effet. J'ai déjà exprimé mes réserves concernant la fiabilité du témoignage de Mme Gopher, et je conclus qu'il n'y a jamais eu de discussion à ce sujet.

[122] Je ne crois pas Joyce Night lorsqu'elle dit que Mme Martin a fait l'objet d'une seconde menace de poursuite, en raison d'une présumée agression d'un élève. Tout d'abord, le témoignage de Mme Night à ce sujet était très vague et imprécis. De façon plus importante encore, il n'est tout simplement pas vraisemblable de croire qu'une allégation de mauvais traitements infligés par un enseignant à un élève n'ait pas fait l'objet d'un rapport ou d'une enquête quelconque. De plus, non seulement les procès-verbaux des réunions du Comité de l'éducation n'y font nullement référence, mais il n'est jamais indiqué que cela ait pu être un facteur de la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin, jusqu'à ce que celle-ci dépose une plainte relative aux droits de la personne.

[123] Une autre raison de rejeter l'allégation de Joyce Night au sujet d'une menace antérieure de poursuite à l'endroit de Mme Martin, un des motifs pour lesquels son contrat n'a pas été renouvelé, est le manque de cohérence du témoignage de Mme Night à ce sujet. Bien que Joyce Night allègue dans sa note de service que la menace antérieure de poursuivre Mme Martin ait été une des raisons pour lesquelles son contrat n'a pas été renouvelé, Mme Night a indiqué lors de son témoignage qu'elle avait antérieurement dit exactement le contraire à Mme Martin.

[124] Mme Martin a rencontré Joyce Night le 2 juin 1997. Mme Martin avait demandé cette rencontre afin de savoir pourquoi son contrat n'avait pas été renouvelé. Selon Mme Martin, lorsqu'elle a insisté pour que Mme Night lui donne une explication, celle-ci a dit Je ne crois pas que c'est parce que tu as fait quelque chose en particulier. [traduction] Joyce Night a reconnu avoir dit quelque chose de semblable à Mme Martin. Selon Mme Night, lorsqu'elle a dit cela, elle faisait référence à la menace de poursuite à l'endroit de Mme Martin pour avoir malmené un enfant. Mme Night a poursuivi en indiquant que cette menace n'était pas un facteur de la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin. Mme Night ne faisait sans doute pas allusion à l'incident où l'élève a été laissé à la maison sans surveillance. Cet incident a seulement eu lieu la semaine après la rencontre du 2 juin entre Mme Night et Mme Martin.

[125] Je conclus qu'il n'y a eu qu'une seule menace de poursuite à l'égard de Mme Martin, et que cette menace a été faite le 11 juin 1997. Cela s'est produit après que la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin a été prise, et il est donc impossible que l'incident ait été un facteur de cette décision. Je conclus également que le 2 juin1997, Joyce Night a dit à Nancie Martin qu'elle n'avait rien fait qui aurait pu expliquer pourquoi son contrat n'avait pas été renouvelé.

[126] Malgré ma conclusion que Joyce Night ait admis à Nancie Martin que son rendement n'était pas un motif de la décision de ne pas renouveler son contrat, j'aborderai les présumées autres insuffisances face au rendement de Mme Martin, que Mme Night a indiquées dans sa note de service d'octobre 1997.

(iv) Le manque de professionnalisme et d'éthique de Mme Martin

[127] Joyce Night a allégué que Mme Martin a fait preuve d'un manque de professionnalisme et d'éthique parce qu'elle était distante, irritable et tendue. Elle n'a toutefois pas donné d'exemples précis d'un tel comportement. Bien que Lance Wellsch ait décrit Nancie Martin comme une personne parfois négative dans son évaluation du rendement, à la fois M. Wellsch et Mme Martens ont témoigné que Nancie Martin était une collègue très agréable.

[128] Compte tenu du manque de précision concernant cette allégation et du fait qu'elle ait seulement été mise en lumière après que Mme Martin a déposé sa plainte relative aux droits de la personne, je ne suis pas persuadée que la personnalité de Mme Martin y ait été pour quelque chose dans le décision de ne pas renouveler son contrat.

[129] Je suis également persuadée que l'allégation de Joyce Night, à savoir que Nancie Martin a pris part aux potins sur la politique de la bande, est sans fondement. De nouveau, je suis préoccupée par le fait que les comptes rendus des diverses réunions, au cours desquelles le contrat des enseignants était discuté, ne mentionnent pas le rendement insatisfaisant de Mme Martin. De plus, Nancie Martin même a nié avoir pris part aux potins sur la bande, et Terry Martens, Lance Wellsch et Linda Night ont tous affirmé qu'ils n'ont jamais entendu Mme Martin prendre part à de telles discussions.

[130] Danita Gopher a dit que Mme Martin avait fait des commentaires au sujet de l'incompétence du Comité de l'éducation, mais elle a toutefois reconnu ne jamais avoir entendu de tels commentaires elle-même.

[131] Enfin, l'inquiétude émise par Joyce Night au sujet de la conduite de Mme Martin est difficilement conciliable avec son témoignage, à savoir que tout le monde, y compris Mme Night elle-même, a pris part à de telles discussions, et qu'il ne s'agit pas d'un facteur qui justifierait le non-renouvellement d'un contrat.

(v) Aucun enseignement durant la dernière semaine d'école

[132] Dans sa note de service d'octobre 1997, Joyce Night allègue que Mme Martin a peu enseigné durant les dernières semaines de l'année scolaire, ce qui représentait un manquement aux conditions énoncées dans le contrat de Mme Martin. J'accepte le témoignage de Mme Martin, de Lance Wellsch et de Terry Martens qu'en juin, le programme avait essentiellement été couvert, et que les élèves passaient leurs journées à des activités comme des excursions et des fêtes. Toutefois, fait encore plus important, cela s'est produit après que Mme Martin a appris que son contrat ne serait pas renouvelé, ce qui n'aurait pu être un facteur de cette décision.

(vi) Nancie Martin met sa classe sans dessus dessous

[133] Dans sa note de service d'octobre 1997, Joyce Night affirme que Nancie Martin a mis sa classe sans dessus dessous [traduction] après avoir appris que son contrat ne serait pas renouvelé. Mme Martin a reconnu qu'elle était extrêmement déçue d'apprendre qu'elle était sans emploi, et qu'elle a demandé aux élèves de l'aider à enlever des affiches et d'autre matériel sur les murs de sa classe.

[134] Quelle que soit la façon de décrire cet événement, de nouveau, il s'est produit après que la bande a décidé de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin, il est donc impossible que cela ait pu être un facteur de cette décision.

(vii) Nancie Martin et les ordinateurs

[135] Joyce Night a affirmé que malgré que Nancie Martin se soit montrée intéressée lors de son entrevue à utiliser les ordinateurs de l'école, elle a par la suite refusé de le faire, se plaignant que ceux-ci ne fonctionnaient pas. Mme Night a également soutenu que Lance Wellsch lui a dit que Mme Martin n'y connaissait rien en informatique. Selon Mme Night, parce que Mme Martin ne voulait pas se servir des ordinateurs de l'école, le laboratoire informatique a été fermé.

[136] Par contraste, Terry Martens a décrit Nancie Martin comme la spécialiste de l'informatique de l'école, [traduction] indiquant que tout le personnel de l'école comptait énormément sur les compétences de Mme Martin. M. Wellsch a reconnu que Mme Martin connaissait très bien les ordinateurs. Selon M. Wellsch, la salle d'informatique a été démontée avant son entrée en fonction à l'école en janvier 1996, parce qu'il manquait d'espace. Les ordinateurs ont ensuite été placés dans les classes individuelles. M. Wellsch a affirmé avoir vu des élèves se servir des ordinateurs dans la classe de Mme Martin.

[137] Mme Martin a préparé une proposition pour l'acquisition de nouveaux ordinateurs pour l'école, mais Mme Night a indiqué que les coûts étaient prohibitifs, et que l'école n'avait pas les milliers de dollars pour acheter le nouvel équipement, tel que suggéré par Mme Martin. Selon Mme Night, Mme Martin a par la suite proposé de communiquer avec Industrie Canada, qui offrait un programme dans le cadre duquel des ordinateurs étaient fournis aux écoles. Mme Night s'est montrée très critique face à la conduite de Mme Martin pour ce qui est du programme d'Industrie Canada. Selon Mme Night, bien que Mme Martin ait suggéré de communiquer avec Industrie Canada, celle-ci ne l'a pas fait. Mme Night a indiqué qu'une proposition a seulement été présentée à Industrie Canada plusieurs années plus tard, et que Mme Night s'était elle-même chargée de préparer la demande.

[138] Lors du contre-interrogatoire, on a présenté à Mme Night un formulaire de demande du programme d'ordinateur d'Industrie Canada, demande qui avait été remplie par Mme Martin en mars 1996. Mme Night a témoigné ne pas avoir été au courant que Mme Martin avait de fait présenté une demande à Industrie Canada pour obtenir des ordinateurs.

[139] Mme Martin a témoigné qu'elle a travaillé avec des ordinateurs pendant de nombreuses années, et qu'elle enseigne actuellement l'informatique au North West Regional College. Elle a expliqué les difficultés qu'elle a éprouvées concernant les ordinateurs lorsqu'elle a commencé à enseigner à l'école. Les ordinateurs étaient vieux, étaient équipés de dispositifs d'entraînement de disques, et la majorité des disques étaient brisés. L'époux de Mme Martin est technicien en informatique, et elle dit avoir apporté les ordinateurs à la maison pour qu'il les répare. Mme Martin a indiqué qu'ils ont réussi à faire fonctionner plusieurs ordinateurs, et que c'est ceux qu'elle utilisait à l'école.

[140] On se rappellera que Joyce Night n'a pas remis en doute l'affirmation de Mme Martin, à savoir que l'une des activités parascolaires à laquelle participait Mme Martin à l'École du patrimoine de Saulteaux était l'animation du club d'informatique de l'école. Mme Martin a également produit des plans de leçon où l'informatique était enseignée aux élèves pendant une partie de la journée. La proposition d'acquérir des ordinateurs que Mme Martin a préparée pour la bande mentionne également le travail que Mme Martin réalisait auprès des enfants sur les ordinateurs, y compris un projet de correspondance par courrier électronique. Au lieu de montrer que Mme Martin ait été peu disposée à se servir d'ordinateurs, la proposition montre l'empressement de Mme Martin à consacrer du temps supplémentaire après les heures de classe ou les fins de semaine pour diriger des ateliers d'enseignement de l'informatique aux membres de la collectivité.

[141] À la lumière de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que le Comité de l'éducation ait eu des inquiétudes légitimes concernant les compétences informatiques de Nancie Martin ou le travail informatique qu'elle faisait avec les élèves de l'École du patrimoine de Saulteaux. Parallèlement, je ne crois pas que la question de ses compétences informatiques ait eu une incidence sur la décision de ne pas renouveler son contrat pour l'année scolaire 1997-1998.

D. Conclusion au sujet de la responsabilité

[142] Bien qu'un rendement insatisfaisant puisse de toute évidence constituer une explication raisonnable de la décision de ne pas renouveler le contrat d'un employé, dans la présente affaire, je crois que l'explication donnée par la bande Saulteaux constitue un prétexte. Je conclus donc que le contrat d'enseignement de Mme Martin n'a pas été renouvelé en 1997 parce que celle-ci était enceinte et qu'elle devait prendre un congé de maternité. Par conséquent, la plainte de Mme Martin est accueillie.

VII. REDRESSEMENT

[143] Ayant conclu à la responsabilité de l'intimé, il reste à déterminer les mesures de redressement, s'il en est, qu'il serait indiqué de prendre. Afin de déterminer la nature du redressement à offrir, la compétence du Tribunal est régie par l'article 53 de la Loi, qui envisage l'imposition de mesures de redressement afin de prévenir les actes discriminatoires futurs et d'offrir une indemnité aux plaignants individuels. L'objet de l'indemnité dans les cas de discrimination est de dédommager la victime de l'acte discriminatoire, en tenant compte des principes de l'atténuation, de la prévisibilité raisonnable et du lien causal (21).

A. Redressement systémique

[144] C'est un fait admis qu'en 1991, la bande Saulteaux a décidé de ne pas renouveler le contrat de Brenda Keller, en raison, en partie, parce que celle-ci était enceinte. J'ai conclu que la bande a fait de même en mai 1997, lorsque le Comité de l'éducation a recommandé au chef et au conseil de la bande Saulteaux de ne pas renouveler le contrat de Mme Martin parce qu'elle était enceinte. Dans les circonstances, j'estime qu'il est indiqué d'ordonner à l'intimé de cesser de faire preuve de discrimination à l'endroit de ses employées enceintes, et de consulter la Commission canadienne des droits de la personne, conformément aux dispositions énoncées à l'aliéna 53(2)a) de la Loi, afin d'adopter des mesures de façon à prévenir des incidents ultérieurs de discrimination fondée sur la grossesse.

B. Pertes de salaire

[145] Bien que les enseignants de l'École du patrimoine de Saulteaux enseignent de septembre à juin, leurs salaires sont échelonnés sur 12 mois. Par conséquent, la bande a versé à Mme Martin son salaire régulier jusqu'à la fin d'août 1997.

[146] Mme Martin a donné naissance en septembre 1997. Dans la mesure où son contrat aurait été renouvelé, Mme Martin aurait pris un congé de maternité de septembre 1997 jusqu'au début du second semestre scolaire, c'est-à-dire en janvier 1998. Suivant la politique des congés de maternité de la bande, Mme Martin aurait touché des prestations de congé de maternité du régime d'assurance-emploi au cours de cette période. Mme Martin a de fait touché des prestations d'assurance-emploi de septembre à décembre, et n'a donc pas essuyé de perte financière durant ces quatre mois.

[147] Mme Martin a témoigné qu'elle serait retournée à l'école en janvier 1998, et qu'elle aurait touché son salaire régulier pour le reste de son contrat - autrement dit, jusqu'à la fin d'août 1998. De fait, elle a reçu diverses prestations d'assurance-emploi jusqu'en avril 1998 (22). Mme Martin n'a pas touché d'autres sommes jusqu'à ce qu'elle débute un nouvel emploi d'enseignante en septembre 1998. Elle a ainsi droit à une indemnité pour la perte de revenu qu'elle a subie entre le 1er janvier et le 31 août 1998.

[148] Suivant les conditions du contrat de Mme Martin, en 1996-1997, son salaire annuel s'élevait à 32 826 $. Il n'y a toutefois aucune indication de ce qu'aurait été son salaire en 1997-1998 si elle avait réintégré ses fonctions à l'École du patrimoine de Saulteaux. En l'absence de preuve que son salaire aurait été majoré, l'estimation de la perte de revenu de Mme Martin devrait être fondée sur l'hypothèse qu'elle aurait touché 32 826 $ en 1997-1998.

[149] Comme la preuve concernant la valeur monétaire de la perte de revenu actuelle qu'a subie Mme Martin soit incertaine, il m'est impossible à l'heure actuelle de calculer le montant exact qui lui est dû. Dans l'éventualité où les parties ne peuvent s'entendre sur la somme due à Mme Martin aux termes de la présente décision, je reste à leur disposition.

C. Différence d'impôt à verser

[150] Mme Martin a droit à un montant forfaitaire pour perte de salaire, même si elle touche actuellement un revenu d'emploi. Il pourrait en découler des conséquences négatives au point de vue fiscal. À mon avis, cela pénaliserait injustement Mme Martin si elle devait être assujettie à un fardeau fiscal plus onéreux, si elle devait toucher un paiement forfaitaire maintenant, comparativement au fait d'avoir touché cette somme en tant que salaire en 1998. Cela ne serait pas compatible avec l'objet du redressement qui consiste à remettre Mme Martin dans la position dans laquelle elle aurait été n'eût été de l'acte discriminatoire. Par conséquent, l'intimé devra verser à Mme Martin une somme supplémentaire qui soit suffisante pour couvrir les impôts supplémentaires qu'elle devra payer sur la somme qu'elle touchera.

D. Indemnité spéciale

[151] Le paragraphe 53(3) de la Loi, tel qu'il était libellé en mai 1997, prévoyait le versement d'une indemnité spéciale d'un montant maximal de 5 000 $ pour un acte délibéré ou inconsidéré, ainsi que pour l'atteinte à l'estime de soi et pour préjudice moral. De nombreux cas justifient l'attribution d'une indemnité spéciale aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et la somme maximale de 5 000 $ ne doit être accordée qu'au pire des cas (23).

[152] L'intimé soutient que toute indemnité versée à Mme Martin par application des dispositions de cet alinéa doit tenir compte du fait que Mme Martin, au moins dans une certaine mesure, est responsable de sa propre infortune car elle n'a pas présenté à la bande un avis écrit de son intention de prendre un congé de maternité. Selon l'avocat de l'intimé, si un tel avis avait été présenté à la bande, celle-ci aurait pu décider de composer différemment avec la situation de Mme Martin, et une audience n'aurait pas été nécessaire. Compte tenu de ma conclusion que le Comité de l'éducation avait pris connaissance de la grossesse de Mme Martin lorsqu'il a recommandé de ne pas renouveler son contrat, je rejette cette observation.

[153] Lorsque Mme Martin a donné son témoignage, j'ai été frappée par l'ampleur des effets que ces événements ont eus sur elle. Mme Martin était une nouvelle enseignante, et il s'agissait de son tout premier emploi en enseignement. Le fait que son contrat n'a pas été renouvelé par la bande a de toute évidence ébranlé sa confiance personnelle. L'incidence négative que cela a eue sur Mme Martin a indubitablement été amplifiée par les nombreuses inquiétudes soulevées par l'intimé concernant les compétences de Mme Martin dans sa profession de choix.

[154] Je me soucie également du fait qu'il s'agit de la seconde occasion où l'intimé a fait preuve de discrimination à l'endroit d'une enseignante enceinte.

[155] Dans les circonstances, j'accorde à Mme Martin la somme de 4 000 $ à titre d'indemnité spéciale.

E. Excuses

[156] Mme Martin a demandé que le Tribunal ordonne à Joyce Night et au Comité de l'éducation de lui présenter des excuses pour leur conduite. Compte tenu des circonstances dans la présente affaire, je suis d'avis qu'une telle ordonnance est indiquée. J'ordonne donc à l'intimé de présenter une lettre d'excuses à Mme Martin, signée par Joyce Night et le président du Comité de l'éducation, dans les 30 jours de la présente décision.

F. Intérêts

[157] Les intérêts doivent être imputés sur l'indemnité spéciale ainsi que sur l'indemnité pour salaires perdus (24). J'ordonne que les intérêts soient payés sur les sommes attribués aux termes de la présente décision, conformément à la règle 9(12) des Règles de procédures provisoires du Tribunal canadien des droits de la personne. Les intérêts sur la somme versée pour salaires perdus doivent être calculés à compter du 1er janvier 1998, comme si un salaire avait été versé à Mme Martin. Les intérêts sur l'indemnité spéciale seront calculés à compter du 26 mai 1997, c.-à-d. la date indiquée sur la lettre avisant Mme Martin que son contrat ne serait pas renouvelé. En toute éventualité, toutefois, le montant total de l'indemnité spéciale versée, y compris les intérêts, ne doit pas être supérieur à 5 000 $ (25).

G. Réserve de compétence

[158] Dans l'éventualité où les parties sont incapables de s'entendre sur l'évaluation quantitative ou la suite à donner au redressement aux termes de la présente décision, je garde compétence dans cette affaire.

VIII. ORDONNANCE

[159] Pour les motifs susmentionnés, je déclare que les droits de Mme Martin en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne ont été brimés par l'intimé, et j'ordonne ce qui suit :

  1. Que l'intimé cesse ses pratiques discriminatoires à l'endroit d'employées enceintes, et qu'il consulte la Commission canadienne des droits de la personne, conformément aux dispositions de l'alinéa 53(2)a) de la Loi, afin d'adopter des mesures en vue de prévenir des incidents ultérieurs de discrimination fondée sur la grossesse;
  2. Qu'une indemnité soit versée à Mme Martin pour perte de salaires, calculée conformément aux dispositions de la présente décision;
  3. Que l'intimé verse à Mme Martin une somme suffisante pour couvrir l'impôt supplémentaire qu'elle pourrait devoir payer sur les sommes susmentionnées;
  4. Que l'intimé verse une indemnité spéciale de 4 000 $ à Mme Martin;
  5. Que l'intimé présente une lettre d'excuses à Mme Martin, signée par Joyce Night et le président du Comité de l'éducation, dans les 30 jours de la présente décision;
  6. Que les intérêts soient payés sur les salaires perdus et l'indemnité spéciale accordée conformément à la présente décision et à la Règle 9(12) des Règles de procédure provisoires du Tribunal canadien des droits de la personne. Les intérêts sur les salaires perdus seront calculés à compter du 1er janvier 1998 suivant le salaire qui aurait été versé à Mme Martin. Les intérêts sur l'indemnité spéciale seront calculés à compter du 26 mai 1997.

Originale signée par


Anne L. Mactavish, présidente

OTTAWA, Ontario

18 avril 2002

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER DU TRIBUNAL : T589/4700

INTITULÉ DE LA CAUSE : Nancie Martin c. Gouvernement de la bande Saulteaux

LIEU DE L'AUDIENCE : Saskatoon (Saskatchewan)

(20-22 novembre 2001; 4-7 février 2002)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 18 avril 2002

ONT COMPARU :

Nancie Martin Pour elle-même

Mark McDonald Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Reynold Robertson, c.r. Pour le Gouvernement de la bande Saulteaux

1. L.R.C., 1985, c. L-2.

2. Paragraphe 3(2), Loi canadienne sur les droits de la personne.

3. Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne, 4 C.H.R.R. D/1616, p. 1617 (confirmé, 5 C.H.R.R. D/2147), et Basi c. Chemins de fer nationaux du Canada (1988), 9 C.H.R.R. D/5029.

4. Commission des droits de la personne de l'Ontario et O'Malley c. Simpson-Sears Limitée, [1985] 2 S.R.C., p. 536 à 558.

5. Shakes c. Rex Pak Limited (1982), 3 C.H.R.R. D/1001, p. D/1002.

6. Israeli, supra.

7. Chander et Joshi c. ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1re inst. 16/95, p. 25, confirmé [1997] A.C.F. no 692, (1997) 131 F.T.R. 301. Voir également Singh c. Canada (Statistique Canada) (1998), 34 C.H.R.R. D/203 (TCDP), confirmé Canada (P.G.) c. Singh, (14 avril 2000) T-2116-98 (C.F. 1re inst.), Morris c. Forces armées canadiennes, 1re inst. 17/01, et Crouse c. Société maritime CSL Inc., 1re inst. 7/01.

8. Israeli, supra., et Basi, supra.

9. P. D/5038.

10. B. Vizkelety, Proving Discrimination in Canada, (Toronto), Carswell, 1987, p. 142.

11. Holden c. Chemins de fer nationaux du Canada (1990), 14 C.H.R.R. D/12, p. D/15.

12. Lorsqu'on a demandé à Mme Martin si d'autres enseignantes avaient pris un congé de maternité, elle a indiqué que les membres de la bande sont traités plus favorablement que les non-membres, pour ce qui est des congés de maternité accordés. À cet égard, je tiens à signaler que la plainte de discrimination de Mme Martin est fondée sur le sexe, et que celle-ci n'a pas allégué de discrimination raciale. Aucune allégation de discrimination fondée sur la race n'a été portée à l'endroit de la bande, et celle-ci n'a pas eu à se défendre contre une telle allégation. Par conséquent, je crois qu'il ne serait pas indiqué de donner suite à cette suggestion.

13. Le PLAADA est de toute évidence un programme de désintoxication.

14. Bien que la décision de ne pas renouveler le contrat de Nancie Martin ait été prise par le chef et le conseil de bande, le témoignage de Joyce Night montre clairement que le conseil de bande approuvait essentiellement sans discussion [traduction] les décisions relatives aux contrats prises par le Comité de l'éducation, et que ce sont les gestes de ce Comité qui doivent être soigneusement examinés dans la présente affaire.

15. La Commission et l'intimé ont tous deux adopté le cadre analytique formulé dans la cause Shakes, comme ils ont envisagé la plainte de Mme Martin comme un refus d'employer, et non comme un refus de continuer à l'employer. Cela découle évidemment de la nature contractuelle de son emploi.

16. Dans sa lettre à M. Robertson, Joyce Night décrit actuellement les titres énumérés comme étant ceux de la candidate. Suivant son témoignage, toutefois, ainsi que le contexte dans lequel la lettre a été rédigée, il semble que la lettre de Mme Night décrive les titres de Mme Lakowski.

17. [1952] 2 D.L.R., p. 354.

18. Voir Comfort c. bande Saulteaux, [2000] S.J. no 272.

19. Mme Night attribue cela, en partie, à la piètre qualité des évaluations du rendement de Lance Wellsch.

20. La lettre de M. Wellsch n'est pas datée, mais il semble qu'il l'ait écrite vers juin 1997.

21. Voir Canada (procureur général) c. Morgan, [1992] 2 C.F. 401 (C.A.F.), et Canada (procureur général) c. McAlpine, [1989] 3 C.F. 530 (C.A.F.).

22. Bien que les parties n'aient pas abordé ce point, il semble qu'on doive tenir compte de l'application des articles 45 et 46 de la Loi sur l'assurance-emploi, pour ce qui est de la perte de revenu de Mme Martin.

23. Premakumar c. Air Canada, 1re inst. 03/02. Voir aussi Morgan, supra.

24. Morgan, supra.

25. Voir Hebert c. Canada (Forces armées canadiennes), (1993), 23 C.H.R.R. D/ 107.

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