Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

SUZANNE LARENTE

La Plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

La Commission

- et -

SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

L'Intimée

MOTIFS DE LA DÉCISION

D.T. 08/02

2002/04/23

MEMBRE INSTRUCTEUR : Me Roger Doyon, président

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION

II. LA PREUVE

A. Preuve de la Commission

(i) Suzanne Larente

(ii) Marjolaine Chartier

(iii) Nicole Benoît

(iv) Suzanne Sweeney

(v) Jean-Claude Béliveau

B. Preuve de l'intimée

(i) Huguette Wiseman

(ii) Jean Fredette

(iii) Gaétan Jacques

(iv) Marie-Josée Laverdure

(v) Lynda Dion

(vi) André Coupal

(vii) Lise Mathieu

(viii) Daniel Gourd

III. LA LOI

IV. ANALYSE

V. MESURES DE REDRESSEMENT

A. Analyse des mesures de redressement recherchées

(i) La réintégration de la plaignante à son emploi

(ii) Les pertes salariales encourues par la plaignante depuis le 1er janvier 1998 jusqu'au moment de sa réintégration

(iii) Les dommages moraux

(iv) Une lettre d'excuses

(v) Le remboursement des frais juridiques

(vi) Les intérêts

VI. ORDONNANCE

I. INTRODUCTION

[1] Le 19 mai 1998, la plaignante a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Elle allègue que son employeur, la Société Radio-Canada, a procédé à son licenciement, le 31 décembre 1997, en violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (Loi).

II. LA PREUVE

A. Preuve de la Commission

(i) Suzanne Larente

[2] Suzanne Larente obtient, en 1975, un D.E.C. en techniques de secrétariat et elle est embauchée par la SRC le 26 mai de la même année comme commis comptable temporaire. Elle obtient sa permanence suite à un affichage de poste. Son travail en est un de soutien administratif dans différents secteurs de services de la SRC.

[3] En 1977, elle se joint au département des ressources humaines pour occuper le poste de commis au temps supplémentaire et congés de même que celui de commis à l'administration des salaires.

[4] En 1980, la plaignante obtient le poste d'agente de recrutement. Elle assume jusqu'en 1994 la responsabilité du recrutement du personnel à être embauché par la SRC à partir des besoins de main-d'œuvre identifiés par les gestionnaires des différents secteurs. Il s'agit, dans la majorité des cas, d'embauche de personnel auxiliaire, temporaire ou surnuméraire à des postes d'entrée dans chacune des catégories d'emploi à la SRC. Son travail l'amène à représenter fréquemment la SRC auprès des organismes d'emploi ou encore dans les écoles lors des journées-carrières afin de promouvoir les emplois disponibles et susciter l'intérêt à travailler pour la SRC. En plus de vaquer à la planification, à l'organisation de toutes les activités quotidiennes relatives au recrutement de même qu'à la supervision du personnel, elle participe activement à la promotion de l'équité en emploi et le respect de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

[5] De mai à novembre 1989, Suzanne Larente est affectée temporairement au poste de conseillère en dotation dont le rôle consiste à guider le gestionnaire dans le choix des employés de la SRC qui posent leur candidature pour l'obtention d'un emploi. Elle est appelée à siéger sur les comités de sélection. La conseillère en dotation prodigue également ses conseils dans le cheminement de carrière des employés. Elle a l'occasion de poser sa candidature à deux (2) reprises pour obtenir un poste de conseillère en dotation, mais elle n'a pas été retenue.

[6] Au cours de sa période d'emploi comme agente de recrutement, Suzanne Larente a bénéficié de cours de développement professionnel dispensés par son employeur et adaptés particulièrement à l'environnement de la SRC. Elle a notamment suivi des cours en relations de travail, en évaluation des emplois, en sélection de personnel. Elle a également participé à un programme de formation pour nouveau gestionnaire.

[7] En 1993, le département des ressources humaines de la SRC à Montréal, sous la direction de Maurice Gill, était structuré en cinq (5) différents services offrant des services spécialisés (Pièce HR-5). Cette structure en services spécialisés était appelée structure en silo. La responsabilité de chacun des services était assumée par un chef de service relevant du directeur du département.

[8] On y retrouvait le service de dotation et de carrière dont le chef était Marie-Josée Laverdure. Ce service se composait d'une agente de recrutement, Suzanne Larente, de trois (3) conseillères en dotation, Nicole Benoît, Lynda Dion et Suzanne Sweeney, d'une première commis, Sylvie Melançon, et de quatre (4) commis dont Martine Turcotte relevant directement de Suzanne Larente.

[9] Le service d'évaluation des emplois et de l'administration des salaires était sous la responsabilité de Gérald Renaud. Jean-Claude Béliveau et Louise Ricard y occupaient un poste d'analyste en évaluation des emplois.

[10] Le service d'administration de la paie, des congés et des avantages sociaux était dévolu à André Coupal comme chef de ce service. Marjolaine Chartier était superviseure au service des avantages sociaux où Anouk Cardin était commis.

[11] Le département disposait également d'un service visant la santé et la sécurité au travail et, en dernier lieu, d'un coordonnateur des systèmes d'information.

[12] Le service des relations de travail et celui de la formation relevaient du vice-président ressources humaines à Ottawa.

[13] En octobre 1993, Gaétan Jacques remplace Maurice Gill à la direction du département des ressources humaines de la SRC.

[14] La plaignante souligne qu'à l'arrivée de Gaétan Jacques on sentait déjà un vent de changement qui annonçait des coupures.

[15] Gaétan Jacques a réuni tout le personnel des ressources humaines pour leur faire part de sa philosophie de gestion. Il entend instaurer une structure par marché selon le principe du guichet unique. Il désire former des équipes de service conseil multidisciplinaire pour desservir chacune une clientèle particulière.

[16] Par conséquent, les spécialités de chacun des conseillers seront regroupées en une seule description de tâches soit celle de conseiller en ressources humaines.

[17] Ainsi, le conseiller en ressources humaines dispensera les services conseils à une partie des services ressources humaines.

[18] La nouvelle structure, mise en place en avril 1994, compte sept (7) services soit quatre (4) services spécialisés : le service d'expertise en rémunération sous la responsabilité de Gérald Renaud avec Jean-Claude Béliveau comme analyste, le service médical et celui de la santé et sécurité au travail sous la gouverne de Lise Scott; le service de recrutement et de placement dont le chef d'équipe est Lynda Dion, anciennement conseillère en dotation et dans lequel se retrouve maintenant Martine Turcotte à titre de conseillère en ressources humaines; le service de traitement des données de gestion sous la responsabilité de Marcel Lapointe et trois (3) services en ressources humaines : le service conseil en ressources humaines radio française, service anglais, communication, informatique, vérification interne et autres services sous la responsabilité de Marie-Josée Laverdure avec trois (3) conseillers en ressources humaines dont Marjolaine Chartier et Sylvie Melançon anciennement commis; le service conseil en ressources humaines, programme et service de la télévision française avec Alain Chabot comme chef d'équipe ainsi que Nicole Benoît et Louise Ricard comme conseillères en ressources humaines; le service conseil en ressources humaines, exploitation TV est confié à André Coupal et les conseillères en ressources humaines sont Suzanne Sweeney, Suzanne Larente et Anouk Cardin (Pièce HR-6).

[19] Une fois la nouvelle structure mise en place, Gaétan Jacques a réuni à nouveau le personnel pour l'informer que la nouvelle structure demeurait flexible en ce sens que les membres des équipes pourraient être appelés à prêter main-forte dans une autre équipe pour une période donnée afin d'assurer un service maximum à la clientèle.

[20] Gaétan Jacques a également fait part au personnel que le ratio employé aux ressources humaines versus le total des employés à la SRC amènerait des licenciements. Le critère de l'ancienneté ne serait plus retenu pour décider des licenciements mais plutôt la compétence.

[21] Cette nouvelle structure organisationnelle a pour effet de diminuer le nombre d'employés de 55 à 49. Ces coupures de poste ne sont faites par attrition.

[22] Suzanne Larente a accueilli cette réorganisation avec grand enthousiasme. Il lui apparaissait que sa nouvelle tâche de généraliste lui apporterait des opportunités de développement professionnel important.

[23] Gaétan Jacques a quitté la direction du département des ressources humaines en juin 1995. Il est remplacé par Marie-Josée Laverdure qui assume cette fonction par intérim jusqu'en février 1996. La SRC confie alors la direction du département à Jean Émond.

[24] Au cours de l'année 1996, le service des relations de travail et celui de la formation qui relevaient des ressources humaines à Ottawa ont été transférés au service des ressources humaines à Montréal.

[25] Le service des relations de travail demeure un service spécialisé et le service de la formation est intégré aux fonctions des conseillers en ressources humaines. On poursuit les objectifs visés par Gaétan Jacques soit la polyvalence des conseillers en ressources humaines. Toutefois, cette intégration ne sera pas spontanée puisque chaque équipe compte déjà des conseillers en formation.

[26] En novembre 1996, Jean Émond quitte le service et Daniel Gourd en accepte la direction. En janvier 1997, Daniel Gourd avise le personnel que les effectifs du service des ressources humaines devront être réduits de près de 40 % avant la fin de mars 1998 (Pièce HR-10).

[27] Par conséquent, il a pris la décision de procéder à une réorganisation en profondeur du service des ressources humaines (Pièce HR-10).

[28] En premier lieu, Alain Chabot est promu directeur adjoint aux ressources humaines jusqu'à la prise de sa retraite en décembre 1997. Gaétane Thériault qui administrait la formation de la radio et de la télévision devient adjointe administrative à la direction des ressources humaines.

[29] En second lieu, Daniel Gourd procède à l'intégration du service des relations de travail et celui de la formation aux équipes ressources humaines.

[30] Il met sur pied trois (3) équipes ressources humaines qui assument la responsabilité de conseiller les gestionnaires en information, gestion, application des politiques des ressources humaines et développement organisationnel.

[31] Une première équipe, appelée équipe-télévision, est affectée à la télévision générale, information TV, planification générale, grille et diffusion, télé anglaise, communications.

[32] Huguette Wiseman qui était au service des relations de travail devient chef de cette équipe. Carole Martineau et Chantal Fortin qui étaient également aux relations de travail complètent l'équipe avec Nicole Benoît à titre de conseillères en ressources humaines.

[33] La seconde équipe appelée équipe exploitation-service de soutien est assignée à l'exploitation-télévision, service de gestion et ingénierie nationale avec, comme chef d'équipe Jean Fredette qui occupait un poste important aux relations de travail. Se joignent à cette équipe, comme conseillères en ressources humaines, Lynda Dion qui était chef du bureau d'emploi et de recrutement, Lise Mathieu qui était aux relations de travail et Suzanne Larente qui demeure conseillère en ressources humaines. On y retrouve également Mance Bacon affectée à la formation.

[34] La troisième équipe, appelée équipe-radio est mise au service de la radio française, radio anglaise, Radio-Canada international, composantes relevant du siège social. Marie-Josée Laverdure conserve son poste de chef d'équipe. Les conseillères en ressources humaines sont Marjolaine Chartier et Sylvie Melançon auxquelles se joint une agente de formation, Nicole Yergeau.

[35] Ainsi, Daniel Gourd répartit le personnel relevant auparavant des relations de travail dans chacune des équipes pour s'assurer du maintien de l'expertise nécessaire pour accomplir les mandats de négociation des conventions collectives à l'intérieur de chacun des secteurs de la SRC que ces équipes seraient appelées à desservir.

[36] À ces trois (3) équipes ressources humaines, se greffe une équipe spécialisée, appelée équipe avantages sociaux et rémunération.

[37] Cette équipe est chapeautée par André Coupal qui était déjà chef d'équipe en ressources humaines. Il se compose de quatre (4) conseillers soit Jean-Claude Béliveau, Anouk Cardin, Louise Ricard et Martine Turcotte.

[38] Le service des ressources humaines compte enfin le bureau de santé dont le personnel est très spécialisé.

[39] L'intégration des responsabilités qui touchent les relations de travail à celles des conseillers en ressources humaines exigeait une implication progressive des conseillers en ressources humaines dans les dossiers de relations de travail. Toutefois, des conseillers en ressources humaines n'avaient pas les connaissances de base en relations de travail. Daniel Gourd a organisé un cours de formation en relations de travail du 7 avril au 4 septembre 1997 (Pièce HR-11) auquel étaient invités à participer ceux qui ne possédaient pas les connaissances de base en relations de travail.

[40] Suzanne Larente a suivi les cours de base en relations de travail jusqu'à la fin de son emploi à la SRC.

[41] De plus, en juin 1997, la direction des ressources humaines a avisé les conseillers en ressources humaines qu'une nouvelle description de leurs tâches serait créée (Pièce HR-13). On peut y lire :

« Une seule rédaction du poste de conseiller en ressources humaines sera établie, laquelle mettra en relief les différentes responsabilités et activités (polyvalentes) que vous accomplirez dans l'environnement multi-tâches dans lequel nous sommes entrés… Nous souhaitons que vous mainteniez votre expertise à jour, mais nous nous attendons à ce que vous participiez, selon vos talents, aux autres aspects de la tâche conseiller, conseillère… Vous serez d'ailleurs évalués sur vos dispositions à la polyvalence.»

[42] Le 18 juin 1997, la nouvelle description d'emploi de conseiller en ressources humaines a été officialisée (Pièce HR-15). Le conseiller en ressources humaines voit s'ajouter à sa tâche antérieure des responsabilités de formation et de relations de travail.

[43] Le titulaire du poste conseille les gestionnaires et employés sur l'interprétation des politiques et programmes des ressources humaines, en coordonne et assure l'application; interprète les conventions collectives et, sur délégation, les rédige et les négocie.

[44] Suzanne Larente estime qu'elle répondait aux exigences du poste. Elle s'exprime ainsi : (Volume 1, page 113)

« J'ai évolué en même temps que la description de tâches au fil des ans et, avant 1994, j'étais spécialiste en recrutement et dotation. Depuis 1994, j'ai œuvré dans les autres domaines des ressources humaines telle que la description. Comme tous les autres conseillers finalement qui occupaient un poste dans une équipe de service conseil, on occupait des fonctions, on était appelé à jouer un rôle conseil finalement dans différents domaines des ressources humaines. Et oui, j'étais tout à fait prête. J'avais d'ailleurs eu l'occasion d'avoir des mandats dans les nouveaux domaines qui étaient ajoutés tels que les relations de travail et ça m'avait permis encore davantage d'acquérir la polyvalence qui était recherchée. Je répondais aux exigences du poste.»

[45] Par ailleurs, suite à l'annonce des coupures de poste par Daniel Gourd en janvier 1997 et à la restructuration du service des ressources humaines, les rumeurs de licenciement éminent ont commencé à circuler.

[46] De fait, Suzanne Larente révèle que Lynda Dion lui a raconté qu'elle détenait une information confidentielle d'André Coupal, chef d'équipe avantages sociaux-rémunération, à l'effet que Marjolaine Chartier, Nicole Benoît et Jean-Claude Béliveau perdraient leur emploi.

[47] Le 28 août 1997, un jeudi, la plaignante a reçu une communication téléphonique d'Alain Chabot, directeur adjoint des ressources humaines pour lui demander de se présenter au bureau de Daniel Gourd.

[48] Elle a été accueillie par Daniel Gourd et la rencontre s'est déroulée sans la présence d'aucun autre intervenant. Daniel Gourd l'a informée que son poste avait été jugé excédentaire et qu'il devait procéder à son licenciement à compter du 31 décembre 1997. Au bien-fondé de cette décision, Daniel Gourd a invoqué les compressions budgétaires.

[49] La plaignante était stupéfaite et elle a insisté pour connaître les motifs exacts de cette prise de décision. Daniel Gourd lui aurait répondu : (Volume 1, page 118)

« Ça n'a rien à voir avec toi, avec tes compétences, compressions obligent. On a gardé ceux qui étaient susceptibles de répondre au défi de demain, globalement. On a globalement gardé ceux qui étaient susceptibles de répondre au défi de demain.»

[50] Suzanne Larente était à ce point bouleversée qu'elle n'était pas en mesure d'engager une discussion. Elle a sollicité une seconde rencontre et Daniel Gourd a accepté. La rencontre a pris fin par la remise d'une lettre officielle de licenciement (Pièce HR-16). Daniel Gourd lui a également offert une lettre de références, si nécessaire.

[51] Elle s'est rendue ensuite rencontrer un consultant de Drake Beam Moring, firme de consultants dont les services sont retenus par la SRC pour aider les employés licenciés à se réorienter dans la poursuite de leur carrière.

[52] La semaine suivante, soit le mardi, lendemain de la fête du travail, elle s'est présentée au travail. Après avoir rencontré ses collègues de travail et son supérieur immédiat, Jean Fredette, elle a sollicité une seconde rencontre avec Daniel Gourd qui l'a reçue le jour même.

[53] Lors de cette seconde rencontre avec Daniel Gourd, Suzanne Larente désirait conserver son bureau jusqu'au 31 décembre 1997 pour faciliter ses démarches à l'interne dans la recherche d'une réaffectation, compléter les cours de relations de travail, suivre les cours de formation en gestion de changement et en gestion des ressources humaines qui devaient débuter à l'automne et faire assumer par son employeur les services d'un actuaire pour évaluer sa situation financière à la retraite.

[54] Elle désirait également connaître le processus d'évaluation qui avait été utilisé et suivant lequel il avait été décidé de son licenciement.

[55] Finalement, comme elle était alors âgée de 44 ans et que, étant à l'emploi de la SRC à l'âge de 45 ans, elle pouvait acquérir des bénéfices importants pour sa retraite, elle aurait voulu prolonger son emploi par une réaffectation aux ressources humaines de manière à minimiser ses pertes en regard de son régime de retraite.

[56] Daniel Gourd a accédé à sa demande d'occuper un bureau jusqu'au 31 décembre 1997, de compléter sa formation en relations de travail et d'acquitter le coût de l'embauche d'un actuaire. Il lui a également mentionné que sa décision avait été prise sur recommandation de l'équipe de direction pour répondre au besoin global du service des ressources humaines. Il a ajouté qu'il avait gardé à l'emploi les personnes les plus susceptibles de répondre aux besoins du service. Lors de cette rencontre, la plaignante affirme qu'elle a pris des notes (Pièce HR-17).

[57] La plaignante estime qu'elle était en mesure, de par son expertise, de répondre aux besoins du service. Elle avait été évaluée en 1995 par André Coupal (Pièce HR-21).

[58] Cette évaluation avait été cotée comme satisfaisante. André Coupal mentionnait que le transfert de la plaignante de sa fonction à la dotation à celle de conseillère en ressources humaines n'était pas facile. Il notait néanmoins que Suzanne Larente démontrait beaucoup de volonté et faisait d'excellents efforts. Ses points forts étaient ceux d'une employée méthodique et consciencieuse. Il souhaitait une amélioration de sa confiance et de son autonomie.

[59] Finalement, Daniel Gourd a mentionné à la plaignante qu'il ne pouvait répondre positivement à sa demande de réaffectation.

[60] Dans le cadre d'une recherche d'emploi, Suzanne Larente a demandé, en octobre 1997, une lettre de références à Daniel Gourd. Ce dernier lui a demandé de préparer un projet de lettre et de la transmettre à sa secrétaire, ce qu'elle a fait. Daniel Gourd a signé cette lettre sans y apporter de changement (Pièce HR-23).

[61] La plaignante a terminé son emploi à la SRC le 31 décembre 1997.

[62] Suzanne Larente prétend que ses connaissances et son expérience auraient dû lui permettre de conserver son emploi au détriment d'Anouk Cardin ou Martine Turcotte. De fait, tout comme Anouk Cardin, elle avait œuvré comme généraliste à compter de 1994 mais cette dernière n'avait pas de compétences aussi développées que les siennes.

[63] Quant à Martine Turcotte, elle n'avait jamais été affectée à une équipe de service conseil multidisciplinaire. Elle avait été commis au service de dotation et carrière et agent de recrutement.

[64] En ce qui a trait à Marjolaine Chartier, la plaignante croit qu'elle a été maintenue dans son poste parce que, suite au départ d'André Coupal pour Ottawa, elle demeurait la seule personne détenant vraiment l'expertise en avantages sociaux.

(ii) Marjolaine Chartier

[65] À compter de son embauche en 1972, Marjolaine Chartier a occupé différentes fonctions au service des ressources humaines de la SRC. En 1980, elle devient conseillère au service des avantages sociaux et superviseure de ce même service à compter de 1983. Elle avait la responsabilité d'une conseillère et d'adjointes, dont Anouk Cardin. André Coupal était le chef de service.

[66] Ce service voyait à la gestion de tous les régimes d'avantages sociaux consentis par la SRC à ses employés de Montréal. Il s'occupait également des assurances et des fonds dont bénéficiaient les employés.

[67] Suite à la restructuration du service des ressources humaines en 1994, elle est devenue conseillère en ressources humaines attachée à l'équipe de Marie-Josée Laverdure.

[68] Après la réorganisation du service des ressources humaines réalisée par Daniel Gourd, elle est demeurée attachée à l'équipe radio dirigée par Marie-Josée Laverdure. Lors des coupures de postes faites par Daniel Gourd, Marjolaine Chartier avait 50 ans et elle était éligible aux programmes d'incitation aux départs volontaires. Son chef de service, Marie-Josée Laverdure lui a donné le choix d'opter pour la retraite ou de demeurer au travail en raison de son expertise en avantages sociaux. Elle estime que l'opportunité de maintenir son emploi lui a été offerte aussi en raison du départ de Sylvie Melançon pour Moncton et celui d'André Coupal pour Ottawa.

[69] Elle a choisi de continuer son travail de généraliste au sein de l'équipe de Marie-Josée Laverdure. Elle a dû toutefois s'absenter du travail de mars 1998 à avril 1999 pour cause de maladie. La réintégration à l'emploi a été difficile car les fonctions étaient plus complexes. Au début de l'an 2000, un programme d'incitation au départ volontaire a été annoncé. Marjolaine Chartier a pris les informations pertinentes avant de prendre une décision. Pendant qu'elle analysait les opportunités qui s'offraient à elle, elle a reçu une lettre de licenciement de son chef de service Serge Laverdière. Celui-ci a mentionné qu'elle pouvait choisir entre les bénéfices rattachés au licenciement ou ceux reliés au programme d'incitation aux départs volontaires.

[70] Bouleversée par cette lettre de licenciement, elle a rencontré le directeur alors par intérim du service des ressources humaines, André Coupal, qui a procédé au retrait de cette lettre de licenciement et elle a opté pour l'application du programme de départ volontaire.

(iii) Nicole Benoît

[71] Nicole Benoît débute sa carrière au service des ressources humaines de l'intimée en 1975 comme secrétaire au service des avantages sociaux. En 1978, elle a été promue au poste d'adjointe administrative au service des relations de travail. Elle a poursuivi des études le soir pour obtenir un certificat en gestion de personnel des Hautes études commerciales (HEC) et son certificat en relations industrielles I et II de l'Université de Montréal.

[72] En 1981, Nicole Benoît obtient une promotion comme agent des ressources humaines à Radio-Canada International, entité de la SRC, qui diffuse à ondes courtes en plusieurs langues à travers le monde.

[73] Cette affectation lui a permis d'acquérir des connaissances dans l'ensemble des fonctions des ressources humaines. En 1989, elle devient conseillère en dotation au service des ressources humaines sous la supervision de Marie-Josée Laverdure. Lors de la restructuration opérée par le directeur Gaétan Jacques en 1994, elle a joint l'équipe d'Alain Chabot comme conseillère en ressources humaines.

[74] En janvier 1994, Nicole Benoît a reçu le mandat de se rendre à Ottawa pendant deux (2) mois pour collaborer à la mise sur pied des logiciels TIPPS et OCTET. Elle a accepté le mandat pour reprendre ensuite son poste de conseillère en ressources humaines.

[75] En 1995, il fallait implanter ces logiciels à Montréal. Gaétan Jacques, après avoir obtenu une évaluation du potentiel de Nicole Benoît par un psychologue, lui a offert le poste de chargée de projet pour réaliser cette implantation. Comme il s'agissait d'une lourde responsabilité, Nicole Benoît l'a acceptée avec la promesse d'un appui constant de la part de Gaétan Jacques.

[76] Toutefois, Gaétan Jacques a quitté les ressources humaines et Nicole Benoît éprouvait des difficultés à remplir la tâche confiée. Une autre personne a été chargée de lui apporter le soutien requis mais sans succès tant et si bien que Nicole Benoît a démissionné de ce poste en février 1996 et elle est retournée comme conseillère en ressources humaines avec l'équipe dirigée par Huguette Wiseman.

[77] Le 28 août 1997 en matinée, elle a été convoquée au bureau de Daniel Gourd qui lui a fait part de son licenciement au motif que son potentiel ne correspondait pas aux orientations futures de l'entreprise.

[78] Nicole Benoît estime qu'elle a perdu son emploi après 23 ans de services en raison de son âge, soit 43 ans. Elle soutient que, même à son âge, elle était en pleine possession de ses moyens et capable de réaliser encore de grandes choses pour son employeur.

(iv) Suzanne Sweeney

[79] Suzanne Sweeney est arrivée à la SRC en 1975 comme secrétaire et, par la suite conseillère en dotation. Suite à la restructuration de 1994, elle est devenue conseillère en ressources humaines et elle était âgée de 53 ans.

[80] Suzanne Sweeney voyait avec appréhension sa nouvelle fonction de conseillère en ressources humaines : (Volume 2, pages 354-355)

« Je ne me sentais pas adéquate dans le travail et on était pour être mesuré, donc je ne pensais pas que l'évaluation qu'on ferait de ma performance correspondrait à ce qu'on attendait.»

[81] Donc, en mars 1996, un programme d'incitation au départ volontaire a été annoncé. En raison de son âge et de ses années de services, Suzanne Sweeney était la première sur la liste d'éligibilité à ce programme parmi le personnel du service des ressources humaines. Elle a décidé d'en bénéficier parce qu'il était financièrement plus avantageux pour elle. Elle a demandé de bénéficier de ce programme et de quitter son emploi le 31 décembre 1997, ce qui lui a été accordé.

(v) Jean-Claude Béliveau

[82] Jean-Claude Béliveau a débuté à la SRC comme commis au courrier, puis garde-magasin et, en 1977, commis aux ressources humaines. En 1980, il est promu comme cadre analyste des salaires. En 1984, il a été jumelé à un économiste afin de réaliser une enquête salariale au niveau national pour devenir ensuite analyste en évaluation des emplois. Il assumait la responsabilité de rédiger les descriptions d'emplois ainsi que de procéder à l'évaluation.

[83] Lors de la restructuration de 1994, sous le directorat de Gaétan Jacques, il est conseiller en ressources humaines au service d'expertise en rémunération. En 1996, il est devenu conseiller en ressources humaines dirigé par Alain Chabot.

[84] Suite à l'arrivée de Daniel Gourd, il a été licencié alors qu'il avait 43 ans.

B. Preuve de l'intimée

(i) Huguette Wiseman

[85] Huguette Wiseman est membre du Barreau du Québec depuis 1973. Elle a été embauchée en 1977 à la SRC comme chef des ressources humaines à Ottawa puis comme responsable des émissions spéciales télévision en information.

[86] Elle s'est amenée à Montréal en 1984 comme agent de relations de travail et, par la suite, chef du service des relations de travail pour les réseaux français de Radio-Canada, service qui relevait du siège social à Ottawa. Son équipe se composait de conseillers en relations de travail dont Carole Martineau et Chantal Fortin.

[87] En 1997, Daniel Gourd a procédé à l'intégration du service des relations de travail à celui des ressources humaines. Huguette Wiseman s'est vue confier la responsabilité de l'équipe télévision (Pièce HR-10). Elle avait le mandat de voir à l'application des conventions collectives avec l'Association des réalisateurs (AR), le Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC), l'Union des artistes (UDA), la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs (SARDeC) et la Guilde des musiciens.

[88] Elle conservait dans son équipe Carole Martineau et Chantal Fortin auxquelles s'ajoutaient Nicole Benoît et Claude Canuel, cette dernière comme conseillère en formation.

[89] Suite à la restructuration, Daniel Gourd devait réduire le personnel du service des ressources humaines. Il lui a donc demandé d'évaluer les membres du personnel sous sa responsabilité pour identifier ceux qui étaient le plus en mesure de répondre efficacement au mandat confié à l'équipe.

[90] Pour procéder à l'évaluation du personnel sous sa charge, Huguette Wiseman ne disposait d'aucun critère écrit. Daniel Gourd avait demandé d'évaluer le personnel en tenant compte de l'expérience, l'intérêt pour un travail plus diversifié, la polyvalence, la flexibilité, la capacité à œuvrer en relations de travail et le potentiel de relève.

[91] Suite à une analyse du dossier académique que lui avait soumis Nicole Benoît et des expériences de travail vécues avec Nicole Benoît, Huguette Wiseman a fait connaître son opinion à Daniel Gourd : (Volume 4, page 563)

« Moi, j'ai informé Daniel que je ne croyais pas que Nicole était capable de remplir le mandat, qui était un nouveau mandat, il faut bien le comprendre. On faisait un tournant, on essayait d'avoir des équipes polyvalentes, une espèce d'harmonie dans les différentes disciplines. Et moi, j'ai dit à Daniel assez rapidement que j'estimais que Nicole Benoît ne pouvait pas remplir ce mandat-là.

J'avais eu à quelques reprises des discussions de dossiers avec elle sur différents sujets et je m'étais rendu compte qu'elle avait beaucoup de difficulté à analyser un problème rapidement, à synthétiser une situation. Il y avait beaucoup de temps perdu en détails et j'avais tenté avec elle de lui montrer qu'il fallait vraiment se concentrer sur le cœur des problèmes.»

[92] Elle affirme n'avoir jamais tenu compte de l'âge de Nicole Benoît lors de la prise de sa décision.

[93] Daniel Gourd a informé Huguette Wiseman qu'il avait été très impressionné par le travail de Martine Turcotte avec laquelle il avait été impliqué pour procéder à la réévaluation des postes cadres à la SRC. Il lui a mentionné qu'il entendait assigner Martine Turcotte à son équipe.

(ii) Jean Fredette

[94] Jean Fredette détient un baccalauréat es Arts et un baccalauréat en relations industrielles complété à l'Université de Montréal en 1971.

[95] De 1972 à 1978, il a été à l'emploi de Revenu Canada à titre d'agent de relations de travail, puis en administration du personnel et finalement comme chef à la section des programmes de relations de travail.

[96] En 1978, il se joint à la SRC comme premier agent national des relations industrielles avec mandat de gérer 13 unités d'accréditation syndicale. Au cours des années, le nombre a diminué à quatre (4) unités suite aux fusions des unités.

[97] Suite à l'arrivée de Daniel Gourd comme directeur du service des ressources humaines à l'automne 1996, le service des relations de travail a été intégré à celui des ressources humaines.

[98] Jean Fredette a accepté d'être le chef d'une équipe du service des ressources humaines avec comme clientèle l'exploitation télé, les services de gestion, et ingénierie nationale.

[99] Cette équipe avait le mandat de planifier, gérer et coordonner le travail des ressources humaines, d'assurer le service de dotation et de formation de même que les services de gestion.

[100] Elle était également en charge de l'application des conventions collective avec le Syndicat des techniciens et artisans de Radio-Canada (STARF) qui compte 1200 membres et avec le Syndicat canadien de la fonction publique qui représente les employés de bureau.

[101] L'équipe de Jean Fredette se composait de trois (3) conseillers en ressources humaines : Lynda Dion, auparavant chef du bureau de recrutement, Lise Mathieu, auparavant premier agent de relations de travail et Suzanne Larente maintenue dans son même poste. Mance Bacon se joint à cette équipe comme conseillère en formation.

[102] À la fin de 1996, Jean Fredette préside un comité de négociations avec STARC où il agit comme porte-parole. En plus du service de dotation dont elle assume la responsabilité, Lynda Dion se joint à Lise Mathieu dans l'équipe de négociations avec le SCFP et une entente est intervenue en septembre 1997.

[103] Un protocole d'entente prévoyant des coupures de poste intervient à la mi-décembre avec le STARC mais il est rejeté par les membres et les parties se retrouvent en conciliation en janvier et février 1997. Une entente est intervenue le 1er avril 1997. Suzanne Larente est appelée à travailler avec Jean Fredette dans l'élaboration de différents scénarios de négociation. Il a été très satisfait du travail de la plaignante.

[104] Daniel Gourd avait informé le personnel du service des ressources humaines qu'il y aurait des coupures de poste. Jean Fredette devait couper un emploi parmi le personnel de son équipe tout en poursuivant le mandat de l'équipe qui était de conseiller la clientèle tant au niveau des relations de travail qu'à ceux de la formation, de la dotation, du développement organisationnel et des ressources humaines en général. De plus, comme l'avait indiqué Daniel Gourd, il devait prôner la polyvalence du personnel qui était essentielle au maintien d'un service adéquat.

[105] Jean Fredette a jugé que Mance Bacon devait demeurer au sein de l'équipe parce qu'elle était la seule à avoir œuvré dans le domaine de la formation. Quant à Lise Mathieu, elle était spécialiste en relations de travail et devait poursuivre les dossiers déjà confiés. En raison de leur expertise, ces deux personnes devaient conserver leur emploi pour maintenir la qualité des services de l'équipe.

[106] Jean Fredette devait faire un choix entre Lynda Dion et Suzanne Larente. Il a opté pour maintenir l'emploi de Lynda Dion et il justifie ainsi sa décision : (Volume 4, pages 648-649)

« … Lynda, avant janvier 1997, était chef du service de recrutement. Lynda avait connu une progression de carrière plus rapide que celle de Suzanne. Lynda, je l'ai mentionné aussi, était affectée à d'autres dossiers, avait servi, était notamment au comité de négociation du SCFP. Bien, c'est à la lumière de ça que j'ai fait mon choix sur Lynda.

Son expérience, la façon dont elle s'était acquittée de nouvelles tâches indiquent un peu comment elle pourrait faire face à la nouvelle situation à l'avenir et c'était ça, son développement de carrière, son cheminement, ses expériences, son potentiel.»

[107] Il affirme que l'âge n'a pas été un facteur qu'il a considéré pour guider sa décision et il fait part de son choix aux autres chefs d'équipes et à Daniel Gourd qui prenait la décision en dernier essor.

[108] La décision finale, au meilleur souvenir de Jean Fredette, de procéder au licenciement de Suzanne Larente, a été prise à la fin de juin 1997.

(iii) Gaétan Jacques

[109] Gaétan Jacques détient un baccalauréat en relations industrielles à l'Université de Montréal obtenu en 1982 et un MBA en gestion internationale des Hautes études commerciales à Montréal obtenu en 1992. Il a débuté sa carrière chez Consolidated Bathurst en 1982 où il a occupé différents postes reliés aux ressources humaines dont celui de directeur des ressources humaines dans une usine à Shawinigan de janvier 1988 à avril 1990. Avant son arrivée chez l'intimée, il était coordonnateur principal des processus de qualité totale.

[110] Il avait développé des compétences dans l'organisation du travail afin qu'il soit adapté aux nouvelles technologies, aux contraintes du marché et aux contraintes financières des entreprises.

[111] Gaétan Jacques est embauché par la SRC en octobre 1993 à la direction du département des ressources humaines en remplacement de Maurice Gill.

[112] Le mandat qui lui était alors confié était de mettre en place un service de ressources humaines en mesure de répondre aux nouveaux besoins de la SRC qui vivait des enjeux majeurs dans l'organisation du travail. Il y avait fusion d'accréditations syndicales et négociations de conventions collectives. Il voulait que le service des ressources humaines soit en mesure de supporter les gestionnaires dans les nombreux changements organisationnels qui allaient se produire. Son mandat était également à l'effet de respecter les restrictions budgétaires décrétées par le gouvernement à l'endroit de la SRC dans le budget d'avril 1993.

[113] Gaétan Jacques constate qu'à la SRC on applique la spécialisation à outrance, non seulement au département des ressources humaines, mais dans tous les secteurs de l'organisation. Pour lui, cette organisation du travail en silo est improductive et engendre des coûts de main-d'œuvre tout à fait disproportionnés par rapport à ce qu'il doit en être dans une société moderne. Il entend instaurer le principe de l'organisation du travail à guichet unique, lequel assure la flexibilité et la polyvalence.

[114] Il préconise donc de doter le département des ressources humaines d'équipes de services conseils multidisciplinaires affectées à une clientèle en particulier et en mesure de conseiller cette clientèle sur l'ensemble des services des ressources humaines. Ainsi, un gestionnaire n'aura plus à faire appel à plusieurs intervenants spécialisés pour combler ses besoins. Il veut que les professionnels du département des ressources humaines soient des généralistes en mesure de remplir l'ensemble de la fonction ressources humaines.

[115] Gaétan Jacques constate également que le nombre de personnes oeuvrant au département des ressources humaines, soit environ 55 employés, est beaucoup trop élevé par rapport au nombre total d'employés au sein de l'organisation et ce, d'autant plus que le département ne compte pas le service des relations de travail et celui de la formation. En outre, les postes cléricaux sont beaucoup trop nombreux par rapport à ceux des professionnels.

[116] Il tient des réunions avec les membres du personnel pour leur faire part de ses constats et de sa vision du département des ressources humaines. Il informe le personnel que la réorganisation administrative pourra conduire à des pertes d'emplois au niveau clérical par la mise sur pied de systèmes informatiques aux ressources humaines tels que TIPPS et OCTET. Il s'agissait de systèmes informatiques de gestion des ressources humaines permettant d'éliminer tout le travail clérical des saisies de données sur la gestion de la paie.

[117] Gaétan Jacques explique aussi que le service des ressources humaines est un service de support aux gestionnaires qui se doit d'être productif avec le moins de ressources possible. Pour atteindre cet objectif, la contribution du service des ressources humaines sera beaucoup plus élevée si elle est assumée par des professionnels plutôt que par des détenteurs de postes cléricaux.

[118] Gaétan Jacques informe également le personnel que la règle des années de service ou de l'ancienneté comme facteur prédominant pour obtenir des promotions serait abandonnée. Dorénavant, le premier facteur de progression serait la compétence et la formation universitaire. Cette dernière comporte une formation en ressources humaines qui répond à la recherche d'un service conseil multidisciplinaire. Il met donc sur pied, en avril 1994, une nouvelle organisation du service des ressources humaines axée sur le service à la clientèle et dispensée par des conseillers en ressources humaines (Pièce HR-6).

[119] Il estime que le processus d'affichage de poste n'a plus sa raison d'être au service des ressources humaines. Pour lui, dans une organisation qui compte environ 50 employés, les dirigeants ont une connaissance appropriée des compétences du personnel pour être capable de choisir ceux ou celles qui obtiendront une promotion si le besoin s'impose.

[120] C'est ainsi que, sans processus d'affichage, Martine Turcotte, Anouk Cardin et Louise Ricard, possédant des diplômes universitaires, ont été promues conseillères en ressources humaines avec une période de probation de 12 mois à compter du 4 avril 1994 et que Suzanne Larente a été promue conseillère en ressources humaines.

[121] Cette réorganisation administrative fait en sorte que les tâches accomplies par les divers employés spécialisés sont regroupées en une seule tâche soit celle de conseiller en ressources humaines qui assumera dorénavant le rôle de service conseil pour l'ensemble des services ressources humaines.

(iv) Marie-Josée Laverdure

[122] Marie-Josée Laverdure détient un baccalauréat en sociologie et la scolarité de la maîtrise en sociologie.

[123] Elle a été embauchée à la SRC en 1971 comme responsable du bureau d'emploi.

[124] En 1973, Marie-Josée Laverdure se voit confier la responsabilité de la dotation. Puis, en 1975 elle devient responsable à la fois du bureau et de la dotation.

[125] En 1977 elle est promue coordonnatrice du programme d'égalité des chances à la division des services français de la SRC, soit la radio et la télévision françaises de Moncton à Vancouver.

[126] En 1980, elle retourne comme chef d'équipe du service de dotation et carrières et ce, jusqu'en 1993. Suite à la réforme effectuée par Gaétan Jacques en 1994, elle devient chef du service conseil en ressources humaines composé de trois (3) conseillers en ressources humaines et trois (3) adjointes.

[127] En juin 1995, elle accepte le poste de directeur du service des ressources humaines par intérim jusqu'à la l'arrivée de Jean Émond en février 1996. Elle retourne à son ancien poste. Elle conserve trois (3) conseillers en ressources humaines.

[128] Elle est la moins touchée par la réforme de Daniel Gourd. En effet, elle conserve ses trois (3) conseillers en ressources humaines, soit Marjolaine Chartier, Sylvie Melançon et Gilles Proulx. Ce dernier optera pour la retraite volontaire quelques mois plus tard et Sylvie Melançon sera affectée à Moncton pour un mandat de trois (3) ans au poste de chef des ressources humaines. Elle reviendra à Montréal le 24 juillet 2000 comme conseillère en ressources humaines. Par conséquent, elle demeure avec Marjolaine Chartier au poste de chef des ressources humaines à laquelle se joindront Nicole Yergeau, conseillère en formation et Chantal Fortin comme conseillère en relations de travail.

[129] Étant donné que son équipe était la moins touchée, elle a été peu consultée par Daniel Gourd. Elle était présente lors de la rencontre de Marjolaine Chartier avec André Coupal suite à la lettre de licenciement qu'elle avait reçue de son supérieur Serge Laverdière.

(v) Lynda Dion

[130] Lynda Dion a débuté son emploi à la SRC en 1977 comme adjointe aux ressources humaines et, en 1987, elle a obtenu une promotion comme conseillère en dotation. En 1994, elle a eu une promotion à titre de chef du département de recrutement pour devenir ensuite, en 1997, conseillère en ressources humaines.

[131] Elle détient un baccalauréat universitaire majeur en relations industrielles et mineur en gestion du personnel qu'elle a obtenu en suivant des cours du soir.

[132] Suite à la restructuration du service des ressources humaines en 1997, un climat d'insécurité régnait auprès du personnel qui s'attendait à des licenciements comme l'avait annoncé Daniel Gourd. Les rumeurs circulaient à savoir quand et comment les licenciements se réaliseraient et le nombre d'employés susceptibles d'être licenciés. Les spéculations allaient bon train dans les conversations.

[133] Cependant, Lynda Dion nie catégoriquement avoir dit à Suzanne Larente qu'elle avait reçu des confidences d'André Coupal lui précisant que Marjolaine Chartier, Nicole Benoît et Jean-Claude Béliveau seraient licenciés.

(vi) André Coupal

[134] André Coupal détient un baccalauréat en relations industrielles obtenu en 1984 à l'Université de Montréal. Il est entré au service de la SRC en 1975 où il a occupé divers postes de niveau clérical jusqu'en 1981 alors qu'il a été promu agent des relations industrielles. En 1986, il est promu premier agent des relations industrielles et, en 1989, chef du service, administration de la paie, des congés et des avantages sociaux avec comme superviseure au service des avantages sociaux, Marjolaine Chartier, et Anouk Cardin est commis dans ce même service (Pièce HR-5).

[135] Suite à la restructuration du service des ressources humaines réalisée par Gaétan Jacques en 1994, André Coupal devient chef du service conseil en ressources humaines, exploitation T.V. Suzanne Sweeney, Suzanne Larente et Anouk Cardin sont promues conseillères en ressources humaines affectées à ce service de même que trois (3) adjointes aux ressources humaines (Pièce HR-6).

[136] En janvier 1997, suite à la réforme de Daniel Gourd, il devient chef de l'équipe service conseil en rémunération, avantages sociaux et évaluation des emplois. Anouk Cardin demeure avec lui comme conseillère en ressources humaines à laquelle se joignent Louise Ricard, Jean-Claude Béliveau et Martine Turcotte (Pièce HR-9).

[137] Suite à cette réforme, Daniel Gourd avait avisé André Coupal, comme tous les chefs de service, qu'il devrait évaluer le personnel de son service en regard des coupures de postes qui s'imposaient. Il a demandé d'évaluer le personnel de manière à bien valider les compétences de chacun et d'établir la polyvalence au niveau des équipes conseils.

[138] André Coupal a évalué le personnel en compagnie de Louise Ricard qui était première conseillère en relations humaines. Ce rôle lui avait été attribué en remplacement d'André Coupal qui s'absentait fréquemment pour se rendre à Ottawa parce qu'il était responsable du projet TIPPS, responsabilité qu'il a assumée jusqu'en juin 1997. Elle devait demeurer au sein de l'équipe en raison de son expertise et de son expérience.

[139] Quant à Martine Turcotte, elle était une excellente conseillère; elle remplaçait Anouk Cardin qui était en congé de maternité.

[140] Relativement à Anouk Cardin, André Coupal l'avait embauchée en 1993 comme commis dans son service. Elle était devenue conseillère en ressources humaines lors de la restructuration de 1994.

« Elle est une conseillère très dynamique qui a beaucoup de jugement, qui est très rapide dans l'exécution du travail et qui apprend vite. Elle est devenue rapidement polyvalente dans ces domaines-là. (Volume 6, page 899)

[141] Suite à cette évaluation, André Coupal a recommandé à Daniel Gourd de couper le poste de Jean-Claude Béliveau parce qu'il était une personne surspécialisée en évaluation et ne pouvait répondre à la recherche de polyvalence de l'équipe. Il soutient que l'âge n'a joué aucun rôle dans la prise de décision.

[142] Au moment de la restructuration de Daniel Gourd, André Coupal relate qu'il aurait été possible, de concert avec les autres chefs d'équipe, de transférer un conseiller d'une équipe à une autre. Il estime qu'il possédait les conseillères qui correspondaient aux besoins de son équipe et qu'il n'y avait pas lieu d'y apporter de changement.

[143] André Coupal soutient que, lors de la réforme de Gaétan Jacques, Marjolaine Chartier avait une expertise en avantages sociaux mais elle n'avait pas l'expertise de Lise Ricard et Anouk Cardin.

[144] Au moment de la réforme effectuée par Daniel Gourd, tant Louise Ricard qu'Anouk Cardin maîtrisaient la question des avantages sociaux de sorte qu'il n'était pas nécessaire que Marjolaine Chartier se joigne à son équipe.

[145] D'ailleurs, André Coupal a fait une évaluation du travail de conseillère en ressources humaines d'Anouk Cardin pour la période d'avril 1994 à mai 1995. On peut y lire à l'item résultats globaux (Pièce I-8) :

« Anouk a sauté sur l'opportunité qui lui était faite de démontrer qu'elle avait l'étoffe pour être conseillère. Bien que junior, elle a relevé des défis d'un autre niveau. Avide d'apprendre, elle est très efficace. Sa contribution à l'équipe est au-delà de la moyenne.»

[146] André Coupal n'a pas envisagé que Suzanne Larente se joigne à son équipe parce qu'il croyait que le rendement d'Anouk Cardin était supérieur à celui de Suzanne Larente dont il avait également fait une évaluation pour la période d'avril 1994 à mai 1995 (Pièce HR-21). Il s'explique ainsi : (Volume 6, pages 912, 913 et 914)

« Quand j'ai fait l'évaluation, je me suis rendu compte, de toute façon, dans tout le courant de cette année-là que Anouk fonctionnait beaucoup mieux, elle était beaucoup plus rapide. Son jugement était plus sûr et sa contribution était vraiment au-delà de la moyenne.

Dans le cas de Suzanne Larente, elle faisait beaucoup d'effort, elle démontrait beaucoup de volonté. La transition par contre au nouveau rôle était difficile. C'était difficile de sortir de son rôle qu'elle faisait avant en dotation ou en recrutement et il fallait plus de temps pour assimiler le nouveau rôle.

Il y avait des choses au niveau de son autonomie qui étaient un peu paradoxales, c'est-à-dire qu'il y a des choses sur lesquelles elle me posait toujours les mêmes questions. Elle me demandait souvent de lui confirmer quelque chose qui, à mon avis, elle devait savoir depuis longtemps et c'était souvent banal.

Par contre, il y a au moins à deux ou trois occasions où elle a agi de son propre chef sur des sujets où elle aurait dû me consulter, à mon avis. Entre autres, une fois, elle a confirmé à une designer de décor qu'elle pouvait verser 70 000 $ de son indemnité de départ dans un régime enregistré d'épargne-retraite alors que c'était effectivement 90 000 $ qu'elle pouvait transférer.

Dans un autre cas aussi, un autre designer des arts graphiques, elle lui avait confirmé qu'on allait lui payer au-delà de 6 000 $ pour des congés annuels alors qu'on ne lui devait pas cette somme-là. Ce type-là, il a fallu que je le rencontre à plusieurs reprises pour discuter avec lui et le convaincre de ne pas poursuivre Radio-Canada pour quelque chose qui lui avait été dit par un de ses officiers.»

[147] André Coupal a été appelé à commenter les incidents qui ont entouré l'envoi d'une lettre de licenciement à Marjolaine Chartier, en mars 2000, alors qu'il était directeur par intérim du service des ressources humaines.

[148] Le chef de l'équipe conseil dans laquelle travaillait Marjolaine Chartier, soit Serge Laverdière, l'avait avisé des difficultés que rencontrait Marjolaine Chartier dans l'exécution de son travail. Elle éprouvait beaucoup de difficultés à suivre la cadence, à s'adapter, par exemple, à l'ordinateur et son rendement n'était pas satisfaisant.

[149] André Coupal savait que Marjolaine Chartier avait pris des informations car elle envisageait de profiter du programme de départ volontaire mis sur pied en 2000 et auquel elle était éligible mais il ignorait toutefois qu'elle ait pris une décision.

[150] Il était également au courant que Sylvie Melançon, qui travaillait à Moncton comme chef des ressources humaines depuis 1997, revenait à Montréal en juillet 2000 et que son retour créerait un poste excédentaire.

[151] Après avoir discuté de la situation avec le chef du service et le vice-président des ressources humaines à Ottawa, il a autorisé l'envoi d'une lettre de licenciement à Marjolaine Chartier.

[152] Dès réception de cette lettre de licenciement, Marjolaine Chartier a demandé une rencontre avec André Coupal, rencontre qui a eu lieu le jour même. Il a constaté que Marjolaine Chartier était réellement bouleversée par cette lettre de licenciement. Elle refusait d'être licenciée après tant d'années de service. Elle se sentait humiliée que sa carrière se termine par un licenciement. Pour elle, le terme licenciement était inacceptable malgré le fait qu'elle savait depuis longtemps qu'il s'agissait de la procédure à suivre.

[153] Étant lui-même ébranlé par le comportement de Marjolaine Chartier, André Coupal a décidé de retirer la lettre de licenciement. Il a toutefois convenu avec elle que cette lettre referait surface si elle n'optait pas pour le programme de départ volontaire.

[154] Marjolaine Chartier a décidé de se prévaloir du programme de départ volontaire qui était aussi avantageux financièrement que l'indemnité de licenciement à laquelle elle avait droit.

[155] Informé des propos de Suzanne Larente dans son témoignage à l'effet qu'il aurait fourni à Lynda Dion des informations privilégiées sur l'identité du personnel visé par un licenciement, André Coupal nie catégoriquement avoir transmis ce genre d'informations.

(vii) Lise Mathieu

[156] Lise Mathieu est entrée au service de la SRC en 1972 comme commis au bureau d'emploi. Après avoir travaillé comme technicienne et conseillère en dotation de 1980 à 1987, elle devient agent de relations de travail avec les artistes et, en 1989, elle est promue premier agent de relations de travail dont la fonction est celle de négociateur. En 1997, lors de la réforme de Daniel Gourd, elle devient conseillère en ressources humaines.

[157] Daniel Gourd avait mandaté Martine Turcotte pour refaire la description de tâches de conseiller en ressources humaines. Cette nouvelle description de tâches devait englober celle des agents de relations de travail, des conseillers en formation et des conseillers en ressources humaines (Pièce HR-15).

[158] La nouvelle description de tâche de conseillère en ressources humaines a suscité de vives réactions particulièrement chez les agents de relations de travail qui voyaient leurs responsabilités réduites. Leur prérogative de négociation et de rédaction des conventions collectives est sujette à la délégation du chef de service ou du directeur des ressources humaines, ce qui n'était pas le cas auparavant.

[159] À la suite d'échanges et d'explications entre les personnes visées, la nouvelle description de tâche a été acceptée dans l'harmonie.

[160] Lise Mathieu a déposé un document (Pièce I-9) démontrant que, du 31 octobre 1995 au 31 octobre 1998, le service national des relations industrielles a procédé à six (6) licenciements. Parmi les personnes licenciées, une était âgée de 29 ans, deux (2) étaient du groupe d'âge entre 46 et 48 ans et trois (3) se situaient entre 52 et 55 ans.

[161] Pour le département des ressources humaines, le document Pièce I-10 révèle qu'entre le 31 août 1995 et le 31 mars 2000, 11 personnes ont été licenciées dont cinq (5) avaient entre 35 et 40 ans et six (6) entre 43 et 48 ans.

[162] Enfin, en août 1997, le personnel affecté au service des ressources se composait de 41 employés et de 38 employés suite au licenciement de Nicole Benoît (44 ans), Suzanne Larente (43 ans) et Jean-Claude Béliveau dont cinq (5) employés étaient du groupe d'âge entre 28 et 29 ans, 15 employés entre 30 et 39 ans, 12 employés entre 40 et 49 ans et six (6) employés de 50 et 51 ans.

(viii) Daniel Gourd

[163] Pendant 15 ans, il a été journaliste à la radio, à la télévision et en enseignement pour devenir ensuite réalisateur à la SRC. Il accède ensuite à un poste cadre de coordonnateur d'émissions religieuses et, par la suite, comme coordonnateur de la production régionale à la télévision française de Radio-Canada. De 1994 à 1996, il est directeur des affaires générales et coordonnateur des négociations aux réseaux français de Radio-Canada.

[164] En novembre 1996, il accepte la direction du service des ressources humaines.

[165] À son arrivée au service des ressources humaines, il devait faire face à des restrictions budgétaires de 400 millions décrétées par le gouvernement à l'endroit de la SRC. Pour rencontrer ces restrictions budgétaires, il devenait nécessaire de procéder à de nombreuses coupures d'emploi et notamment de l'ordre de 40 % au service des ressources humaines et ce, à la fin de mars 1998.

[166] Daniel Gourd procède, le 10 janvier 1997, à une restructuration organisationnelle du service des ressources humaines (Pièce HR-10).

[167] Une fois la réorganisation du service des ressources humaines complétée, Daniel Gourd devait procéder, tel qu'il l'avait annoncé, à la réduction des effectifs.

[168] Conscient qu'une réduction du personnel au service des ressources humaines est inévitable, Daniel Gourd veut s'assurer que le personnel qui demeurera en place soit en mesure d'offrir le meilleur service. Il entend d'abord maintenir les équipes multidisciplinaires mises sur pied par son prédécesseur, Gaétan Jacques, dans l'application du principe de guichet unique.

[169] Il préconise de plus une polyvalence du personnel non seulement actuelle mais aussi potentielle. Il attache également une grande importance au potentiel de relève. Daniel Gourd estime qu'il faut toujours s'assurer d'une relève disponible. Pour ce faire, chaque directeur se doit d'identifier au moins une personne dans son secteur en mesure d'assurer une relève potentielle.

[170] Il croyait que l'implantation des systèmes TIPPS et OCTET de même que les progrès de l'informatique amèneraient une diminution du personnel administratif permettant ainsi de maintenir en poste les conseillers en ressources humaines.

[171] Toutefois, cette implantation n'a pas apporté le succès escompté et le licenciement parmi le personnel administratif a été moins élevé que prévu.

[172] Il devait donc se tourner du côté des postes de conseillers en ressources humaines. Tout en maintenant l'objectif premier que chaque équipe dispose de l'expertise requise pour couvrir l'ensemble des services, Daniel Gourd a décidé de réduire de 5 à 3 le nombre de conseillers en ressources humaines à l'intérieur de chacune des équipes.

[173] Il estimait que chaque équipe devait se composer prioritairement de conseillers avec affectations en relations de travail, en formation, en développement organisationnel. Devaient ensuite s'ajouter ceux avec affectations en dotation, recrutement, évaluation des emplois car elles revêtaient moins d'importance dans un contexte de compressions budgétaires et de coupures d'emplois.

[174] En raison de son expertise personnelle en relations de travail et en formation de même que sa connaissance des mandats à réaliser, il a décidé de maintenir l'emploi des conseillères en ressources humaines possédant une expertise en relations de travail, soit Chantal Fortin, Carole Martineau et Lise Mathieu. Du côté de la formation, il a gardé Claude Canuel, Mance Bacon et Nicole Yergeau.

[175] Il devenait évident que les licenciements viseraient les conseillers en ressources humaines oeuvrant en dotation, recrutement et évaluation des emplois.

[176] Comme Daniel Gourd n'avait pas les connaissances requises en dotation, recrutement et évaluations des emplois, il a demandé conseil à son directeur adjoint, Alain Chabot, qui avait été chef d'équipe en ressources humaines et qui connaissait les personnes visées.

[177] De plus, il a demandé aux chefs d'équipe de procéder à une évaluation. Il n'a pas déterminé de critères écrits d'évaluation mais il a plutôt insisté pour que l'évaluation soit axée sur l'expertise, la polyvalence et le potentiel de relève. Daniel Gourd soutient que le personnel connaissait ces critères pour en avoir été informé verbalement et, en partie par écrit par la note interne du 9 juin 1997 (Pièce HR-13).

[178] Il décrit l'expertise comme étant la fusion de l'expérience, soit le nombre d'années consacrées à œuvrer dans diverses disciplines et les connaissances.

[179] La polyvalence se définit comme la capacité de faire autre chose que sa spécialité de façon plus ou moins importante dans d'autres spécialités. Le potentiel et l'intérêt vers la polyvalence doivent être considérés.

[180] Le potentiel de relève se traduit par la capacité d'assumer des tâches de plus en plus compliquées avec des défis de plus en plus importants et de les relever à tous les niveaux.

[181] Daniel Gourd prétend que l'âge n'a joué aucun rôle dans l'évaluation du potentiel de relève. Il s'explique ainsi : (Volume 3, page 545)

« Moi je suis une relève pour Madame Michèle Fortin actuellement vice-présidente de la télévision et j'ai 54 ans. Huguette Wiseman, chef d'équipe télévision, était mon potentiel de relève. Elle avait 50 ans. Alain Chabot était aussi mon potentiel de relève, il avait 50 ans. Un potentiel de relève, c'est la capacité de relever une fonction qui est en haut de vous, premier échelon ou deuxième échelon, l'âge n'a rien à voir avec cela.»

[182] Une fois leur travail complété, les chefs d'équipe ont recommandé le licenciement de Nicole Benoît, Jean-Claude Béliveau et Suzanne Larente; et Daniel Gourd a suivi leurs recommandations.

[183] Par la suite, il a eu des discussions avec ces derniers relativement à la répartition du personnel à l'intérieur des équipes. Certains chefs d'équipes souhaitaient que certaines personnes se joignent à leur équipe plutôt qu'à une autre et Daniel Gourd a dû prendre la décision. C'est ainsi que les services de Martine Turcotte étaient recherchés par André Coupal. Daniel Gourd a affecté Martine Turcotte à l'équipe télévision sous la gouverne d'Huguette Wiseman. Il explique sa décision du fait qu'il avait pu apprécier sa grande compétence en travaillant avec elle dans un dossier en particulier.

[184] Finalement, Daniel Gourd a statué sur l'organisation du service des ressources humaines et il en a informé le personnel le 28 août 1997 (Pièce HR-18).

[185] L'équipe télévision se composait d'Huguette Wiseman comme chef, de Laurent Ouimet en formation, de Carole Martineau en relations de travail et de Martine Turcotte en dotation et divers conseils.

[186] L'équipe exploitation-télévision-service de soutien était dirigée par Jean Fredette avec Mance Bacon en formation, Lise Mathieu en relations de travail et Lynda Dion en dotation, recrutement et divers conseils.

[187] L'équipe-radio était sous la responsabilité de Marie-Josée Laverdure avec Nicole Yergeau en formation, Chantal Fortin en relations de travail et Marjolaine Chartier en dotation et divers conseils.

[188] Il y a lieu de préciser que Gilles Proulx quittait cette équipe en prenant sa retraite. Quant à Sylvie Melançon elle avait accepté un mandat de trois (3) ans comme chef des relations de travail à Moncton. Il était toutefois entendu avec Daniel Gourd qu'elle pourrait revenir à Montréal si elle le désirait à l'expiration de son mandat.

[189] Il incombait à Daniel Gourd d'informer le personnel visé par le licenciement.

[190] Il a rencontré Nicole Benoît pour lui faire part de sa décision. Il lui a expliqué que sa compétence n'était pas mise en doute, mais qu'en raison de la nouvelle orientation du département des ressources humaines, elle ne répond pas aux besoins recherchés.

[191] Quant à Jean-Claude Béliveau, il était très spécialisé en évaluation des emplois et il n'entendait pas se développer dans d'autres domaines. Par conséquent, sa grande expertise en évaluation était moins nécessaire dans le contexte qui prévalait à cette époque.

[192] Relativement à Suzanne Larente, une première rencontre a eu lieu pour l'aviser de son licenciement. Cette nouvelle a produit un véritable choc à la plaignante; l'échange fut de courte durée sans trop d'élaboration sur les motifs de la décision.

[193] Daniel Gourd a eu une seconde rencontre à la demande de Suzanne Larente. Il lui a expliqué que dans un contexte de coupures d'emploi, des choix avaient dû être faits et qu'elle n'avait pas été retenue. Il a ajouté que la prise de décision reposait sur l'expertise, la polyvalence et le potentiel de relève et qu'elle n'avait pas suffisamment de polyvalence et de potentiel de relève. Il nie catégoriquement avoir mentionné qu'il fallait faire place aux jeunes.

[194] Appelé à commenter le fait que l'âge ait joué un rôle dans la prise de décision, Daniel Gourd déclare : (Volume 3, page 455)

« Absolument pas. Écoutez, je vais vous dire franchement à chaque fois que vous me demandez de donner l'âge de quelqu'un, c'est difficile pour moi de savoir l'âge des gens. Ce n'est pas une chose qui me préoccupe principalement là. Toutes les décisions qui ont été prises ont été prises vraiment en fonction des critères dont je vous ai parlé.

Si vous regardez le nombre de personnes qui sont restées, il y avait beaucoup de gens dans ces personnes-là qui visiblement aujourd'hui sont des gens qui étaient de la même génération. L'âge n'a pas été un critère à aucun moment donné dans les décisions que j'ai prises.»

[195] Daniel Gourd soutient également être convaincu que, lors de cette seconde rencontre avec Suzanne Larente, elle ne prenait aucune note. Au soutien de cette prétention, il affirme qu'il insiste toujours pour regarder les gens dans les yeux lorsqu'il leur parle et, à plus forte raison, dans le contexte où il rencontrait la plaignante pour lui faire part des motifs de son licenciement.

[196] Daniel Gourd a dû expliquer les motifs qui l'ont amené à signer la lettre de références préparée par la plaignante dont le contenu était exagéré : (Volume 3, pages 540-541)

« Q. Alors, vous ne considérez pas important, en tant que gestionnaire…

R. Je trouve ça très important.

Q. … de ne pas signer de lettres exagérées ?

R. Je trouve ça très important.

Q. Et c'est important de veiller à ne pas signer de lettres…

R. Je trouve ça très important. Je trouve aussi très important de permettre à quelqu'un qui se fait licencier de pouvoir avoir la chance de se retrouver un emploi et dans ce cas-là, j'ai, entre deux importances, j'ai choisi celle que je trouvais la plus importante. C'est de donner la meilleure lettre possible pour la personne qui était là, qui souhaitait avoir cette lettre-là pour pouvoir se reclasser, disait-elle à ce moment-là.

Q. Alors, ce que vous dites, c'est qu'il y a certains motifs qui peuvent justifier de signer des lettres exagérées ?

R. C'est-à-dire que je ne desservais pas les futurs employeurs avec cette lettre-là parce que je savais que madame Larente était une employée compétente, était une bonne employée. Donc, en lui faisant une recommandation pour pouvoir se reclasser, je savais que je ne desservais pas un employeur éventuel. La lettre et les critères qu'elle se donnait, c'est-à-dire le niveau, je trouvais ça exagéré, mais je n'étais pas pour commencer à négocier avec madame Larente en disant : Écoutez, madame, vous ne trouvez pas que vous en mettez un peu trop, et cætera.

Il faut comprendre les circonstances aussi. Alors, j'avais le choix de la signer ou de ne pas la signer. Je trouvais cette lettre-là exagérée, mais j'ai jugé dans les circonstances, et je reconnais aujourd'hui avoir fait une erreur, j'ai jugé dans les circonstances que je devais lui signer cette lettre-là.

Alors, j'ai fait une erreur, c'est ce que vous me demandez, oui, j'ai fait une erreur de signer cette lettre-là. C'est la seule fois que j'ai fait ça et je n'aurais pas dû.»

III. LA LOI

[197] La plainte de Suzanne Larente réfère à l'application de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (Loi) :

« Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu ;

b) de le défavoriser en cours d'emploi.»

[198] L'article 3 de la Loi établit que l'âge est un motif de distinction illicite.

[199] Dans l'affaire Etobicoke, (1) la Cour suprême a statué qu'en matière de discrimination, il appartient au plaignant d'établir une preuve prima facie de discrimination.

« Le plaignant a le fardeau initial de démontrer une preuve suffisante jusqu'à preuve du contraire de discrimination; une fois cette preuve établie, c'est l'intimé qui doit établir une justification selon la balance des probabilités.»

[200] La preuve suffisante a été définie dans l'affaire O'Malley (2) comme étant celle qui porte sur des allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante en l'absence de réplique de l'employeur intimé.

[201] Une fois la preuve prima facie établie, il appartient à l'intimée de réfuter cette preuve en fournissant une explication raisonnable pour justifier sa conduite. Il appartient au tribunal d'apprécier la crédibilité de l'explication fournie selon l'ensemble de la preuve.

[202] La preuve directe d'actes discriminatoires n'est pas chose facile car il est peu fréquent que les actes discriminatoires se produisent d'une manière très claire. Par conséquent, en l'absence d'une preuve directe la Cour fédérale, dans l'affaire Chopra, (3) énonce qu'il est possible de prouver la discrimination par inférence, en ayant recours à des preuves circonstancielles. Ce genre de preuve, qui est comparée à un casse-tête, est généralement fonction d'une série de faits qui, individuellement, ne permettraient pas de conclure qu'il y a eu discrimination mais qui, ensemble, pourrait la justifier.

[203] En matière de discrimination liée à l'emploi, la plaignante n'a pas à démontrer que la discrimination fondée sur l'âge a été le seul motif qui a guidé l'employeur dans la prise de sa décision. Dans l'affaire Chopra, la Cour nous enseigne :

« Il suffit toutefois de parvenir à la conclusion que la discrimination était l'un des motifs pour lesquels l'employeur a refusé l'emploi à M. Basi; il ne m'appartient pas de décider s'il s'agissait de la seule raison ou de la raison principale qui a motivé la décision.»

IV. ANALYSE

[204] Avant 1994, le département des ressources humaines à la SRC se compose de divers services spécialisés soit le service de dotation et carrières, celui de l'évaluation des emplois et de l'administration des salaires, celui de l'administration de la paie, des congés et des avantages sociaux et celui de la santé et de la sécurité au travail.

[205] Au service de dotation et carrières, on retrouve Lynda Dion, Nicole Benoît et Suzanne Sweeney au poste de conseillères en dotation et Sylvie Melançon au poste de première commis. Se greffe également à ce service, une agente de recrutement, Suzanne Larente et une commis, Martine Turcotte.

[206] Au service de l'administration de la paie, des congés et des avantages sociaux, Marjolaine Chartier occupe le poste de superviseure du service des avantages sociaux. Anouk Cardin est commis à ce service.

[207] Au service de l'évaluation des emplois et de l'administration des salaires, le poste d'analyste en évaluation des emplois est occupé par Jean-Claude Béliveau et Louise Ricard.

[208] En 1994, Gaétan Jacques, alors directeur du département des ressources humaines met fin au service à la clientèle par spécialité pour adopter une nouvelle structure organisationnelle, soit la structure par marché laquelle vise à offrir à la clientèle tous les services en ressources humaines.

[209] C'est ainsi que les employés qui oeuvraient dans une spécialité passent d'un statut de spécialiste à celui de généraliste en devenant conseiller en ressources humaines.

[210] Ces conseillers en ressources humaines devront éventuellement être en mesure de desservir une clientèle définie dans les domaines des ressources auparavant desservis par des spécialistes.

[211] Conséquemment, Nicole Benoît, conseillère en dotation et Louise Ricard, analyste en évaluation des emplois, sont promues conseillères en ressources humaines dans l'équipe d'Alain Chabot.

[212] La conseillère en dotation Suzanne Sweeney et l'agente de recrutement Suzanne Larente sont promues conseillères en ressources humaines dans l'équipe d'André Coupal.

[213] La superviseure du service des avantages sociaux, Marjolaine Chartier, est promue conseillère en ressources humaines dans l'équipe de Marie-Josée Laverdure.

[214] L'analyste en évaluation des emplois, Jean-Claude Béliveau, est promu conseiller en ressources humaines dans l'équipe de Gérald Renaud. La conseillère en dotation, Lynda Dion, est promue chef du service de recrutement et déplacement.

[215] Toutes ces personnes qui deviennent conseillers en ressources humaines se retrouvent sur un pied d'égalité. Elles ont, certes, acquis une expertise à l'intérieur de leur spécialité respective, à l'exception de la plaignante qui a occupé temporairement un poste de conseillère en dotation de mai à novembre 1989.

[216] Dès lors, il leur appartient de relever progressivement le défi de remplir les tâches maintenant dévolues aux conseillers en ressources humaines.

[217] Par ailleurs, comme le poste de conseiller en ressources humaines nécessite une connaissance plus vaste des ressources humaines, Gaétan Jacques estime que les employés possédant un diplôme universitaire seront promus conseillers en ressources humaines. Dans cet esprit, la première commis au service de dotation et de carrière, Sylvie Melançon, est promue conseillère en ressources humaines dans l'équipe de Marie-Josée Laverdure. Anouk Cardin, commis au service des avantages sociaux, est promue conseillère en ressources humaines dans l'équipe d'André Coupal. Quant à Martine Turcotte, commis au service de l'agente de recrutement, elle est promue conseillère en ressources humaines dans l'équipe de Lynda Dion. Elles devront se soumettre à une période de probation de 12 mois.

[218] Elles devront aussi s'adapter à leurs nouvelles tâches et démontrer progressivement qu'elles sont en mesure de remplir les exigences de ce nouveau poste.

[219] Toutes ces personnes sont promues conseillères en ressources humaines sans affichage. Pour le procureur de la Commission, la SRC, par sa décision d'accorder un poste de conseiller en ressources humaines aux employés détenant un diplôme universitaire, a créé une politique d'emploi.

[220] La SRC devait démontrer, comme l'enseigne la jurisprudence, que cette politique a été adoptée de bonne foi, que cette politique était neutre; qu'elle n'a aucun effet défavorable sur un groupe pour un motif prohibé tel que l'âge, et qu'elle était essentielle dans la réalisation des buts qu'elle poursuit.

[221] Le procureur de la Commission soutient que la règle de détenir un diplôme universitaire pour accéder au poste de conseiller en ressources humaines qui peut paraître neutre en soi a eu pour effet de défavoriser les personnes du groupe d'âge de la plaignante. Il a soumis une preuve statistique (Pièce HR-34) qui démontre qu'en 1994, il y avait beaucoup moins de personnes du groupe d'âge de la plaignante détenant un diplôme que celles du groupe d'âge d'Anouk Cardin et Martine Turcotte. Par conséquent, les personnes du groupe d'âge de Suzanne Larente sont défavorisées par cette politique.

[222] De plus, la SRC devait démontrer que la mise sur pied de cette politique était une exigence professionnelle justifiée. Le procureur de la Commission soutient que la SRC n'a pas fait cette preuve et que, même si elle avait réussi à le faire, elle a failli à son obligation de fournir aux personnes ne détenant pas de diplôme universitaire la formation qu'elle était en mesure de leur fournir pour qu'elles puissent remplir la tâche de conseiller en ressources humaines. En définitive, la mise sur pied de cette politique a conduit au licenciement, trois ans plus tard, de trois conseillers en ressources humaines, dont la plaignante.

[223] Le Tribunal ne partage pas les prétentions du procureur de la Commission à l'effet que la SRC a créé une politique au sens qu'il l'entend.

[224] La preuve démontre que Gaétan Jacques souhaitait que le poste de conseiller en ressources humaines soit dorénavant accordé au détenteur d'un diplôme universitaire, notamment en relations industrielles. Cette volonté de Gaétan Jacques ne visait pas le personnel en place puisque la restructuration a permis à plusieurs personnes d'obtenir une promotion comme conseillère en ressources humaines même si elles ne possédaient pas de diplôme universitaire.

[225] Il convient également de souligner que Gaétan Jacques n'envisageait aucunement de procéder au licenciement des conseillers en ressources humaines : (Volume 5, pages 695-696)

« Moi, mon intention, c'était de renforcer le groupe de professionnel et donc, si j'avais des coupures à faire, de ne pas les faire dans le groupe de professionnels, au contraire, puis de le faire au maximum dans le groupe clérical dont la valeur rajoutée comme telle à Radio-Canada est la moins élevée. Alors donc, c'est pour ça que même dans un modèle où j'aurais dû, par exemple, à échéance, réduire de 55 à 35, l'intention, c'était, si j'avais été capable, dans les 35 postes qui restaient, d'avoir 35 professionnels, je l'aurais fait.»

[226] Suivre la thèse du procureur de la Commission, ce serait reconnaître que les promotions accordées à Anouk Cardin et Martine Turcotte ont conduit, volontairement ou pas, au licenciement de Suzanne Larente et ses collègues trois (3) ans plus tard. Le Tribunal ne peut en arriver à cette conclusion.

[227] Suite à la réforme de Gaétan Jacques, un climat d'incertitude s'installe chez les conseillers en ressources humaines. Ils savent qu'une compétitivité s'installe entre eux et, suivant l'expression utilisée par Gaétan Jacques, qu'ils devront se mesurer. En outre, comme les licenciements planent à l'horizon, les employés sont invités à ne négliger aucune opportunité d'emploi qui pourrait se présenter.

[228] En février 1993, le gouvernement conservateur prévoyait des réductions des crédits de la SRC de 50 millions de dollars pendant l'exercice financier 1995-1996 puis de 50 millions de plus en 1996-1997 de manière à produire une réduction permanente de 100 millions. Après le dépôt du budget de 1994, le gouvernement libéral a réaménagé ces réductions pour qu'elles prennent effet en 1996-1997 et 1997-1998 (Pièce HR-35).

[229] La Commission reproche à Gaétan Jacques, alors qu'il connaissait l'arrivée prochaine de coupures budgétaires devant amener des licenciements, d'avoir accordé une importante promotion à Martine Turcotte, Anouk Cardin et Sylvie Melançon avec une période de probation de 12 mois.

[230] Qui plus est, il leur accorde la permanence en avril 1995, alors qu'en février 1995, le budget fédéral, en raison du déficit national, comportait pour la SRC des coupures budgétaires de 400 millions jusqu'à 1997-1998. On prépare ainsi les licenciements de 1997 dont celui de la plaignante.

[231] La preuve ne démontre pas le bien-fondé de ces actes reprochés. En premier lieu, les projets TIPPS et OCTET qui devaient conduire au licenciement de personnel clérical n'étaient pas encore implantés. En second lieu, en avril 1995, l'intimée n'avait pas démontré d'intention de procéder à des coupures de poste chez les conseillers en ressources humaines.

[232] Une fois la réforme réalisée par Gaétan Jacques mise en place, Suzanne Larente estime qu'elle s'est bien acquittée de ses nouvelles fonctions : (Volume 1, page 64)

« Ça s'est passé très bien, dans les faits. J'ai eu plusieurs dossiers à mener et je les ai menés à terme, à bien, et avec beaucoup de satisfaction personnelle et à la satisfaction de mes clients aussi.»

[233] Suzanne Larente se souvient qu'elle s'est vue confier des mandats dans différents domaines des ressources humaines lui permettant de progresser vers la polyvalence recherchée par son employeur chez les conseillers en ressources humaines.

[234] Elle a, en outre, participé à la négociation avec STARF en compagnie de Jean Fredette où elle a contribué à la préparation d'un scénario de négociation et il s'est montré très satisfait du travail qu'elle avait accompli.

[235] En avril 1995, André Coupal procède à une évaluation du travail de Suzanne Larente alors qu'elle assume la tâche de conseillère en ressources humaines depuis un (1) an (Pièce HR-21).

[236] Les résultats de cette évaluation démontrent que la plaignante est méthodique et consciencieuse. Le passage de son rôle de conseillère en ressources humaines s'avère difficile. Elle démontre beaucoup de volonté et fournit d'excellents efforts. Toutefois, son adaptation demeure à compléter; elle devra améliorer sa confiance. Elle se verra confier différents dossiers afin de continuer sa progression et de mesurer son potentiel.

[237] Au cours de l'année 1996, le service des relations de travail et celui de la formation sont transférés du siège social de la SRC à Ottawa au service des ressources humaines à Montréal.

[238] En novembre 1996, Daniel Gourd devient directeur du service des ressources humaines et, suite aux restrictions budgétaires de 400 millions imposées à la SRC, il doit réduire les effectifs du service des ressources humaines de 40 % avant la fin de mars 1998.

[239] Il décide d'intégrer le service des relations de travail et celui de la formation aux équipes ressources et de procéder à une restructuration du service des ressources humaines (Pièce HR-10).

[240] Il crée trois (3) équipes affectées aux ressources humaines, une (1) équipe spécialisée pour le service des avantages sociaux et de la rémunération.

[241] Une fois cette structure mise en place, Daniel Gourd doit procéder à des licenciements. Il ne réussit pas à affecter tous les licenciements requis auprès du personnel clérical, ce qui l'oblige à envisager le licenciement de trois (3) conseillers en ressources humaines.

[242] La preuve a révélé que Suzanne Larente, 43 ans, Jean-Claude Béliveau, 43 ans et Nicole Benoît, 44 ans, ont été licenciés alors que Martine Turcotte, 30 ans, et Anouk Cardin, 28 ans, ont conservé leur emploi.

[243] La question en litige est la suivante : Est-ce que l'âge a été le facteur ou l'un des facteurs qui a conduit au licenciement de Suzanne Larente?

[244] Pour prouver qu'elle a été victime de discrimination, il ne suffit pas que la plaignante ait la ferme conviction ou le sentiment que son emploi n'a pas été maintenu en raison de son âge. Il est nécessaire que l'ensemble de la preuve, qu'elle soit directe ou circonstancielle, conduise à une conclusion de discrimination.

[245] La Commission prétend que le processus utilisé par Daniel Gourd pour déterminer les conseillers en ressources humaines devant faire l'objet d'un licenciement a permis de licencier les conseillers en ressources humaines plus âgés au détriment des plus jeunes.

[246] La preuve démontre que Daniel Gourd avait une expérience et une expertise reconnues en relations de travail et en formation mais qu'il n'avait pas de connaissances en dotation, recrutement et évaluation des emplois, domaines relevant des conseillers en ressources humaines.

[247] Aussi, comment pouvait-il juger que Martine Turcotte, qui avait été commis au service de recrutement et conseillère en ressources humaines au service de recrutement et de placement, soit affectée comme conseillère en ressources humaines?

[248] Daniel Gourd a révélé que pour l'éclairer dans sa prise de décision il a fait appel à l'expertise de son directeur adjoint Alain Chabot et à celle des chefs de service : (Volume 3, pages 482-483)

«… Je me suis fié aux chefs et je me suis fié aussi à Alain Chabot qui, à l'époque, était le directeur adjoint et qui avait une très grande expertise dans tous ces secteurs-là. Et d'ailleurs c'est pour ça que j'avais demandé à monsieur Chabot pour être sûr qu'il y avait, au niveau central, donc au niveau de la direction, une contre expertise à l'expertise des chefs qui, eux, avaient une perspective davantage centrée sur le service qu'ils avaient à rendre à leurs clients.

Donc, j'avais besoin de quelqu'un comme Alain Chabot qui avait toutes ces expertises-là, qui avait été, lui-même, été chef d'équipe, qui avait été en dotation, qui avait fait un peu le tour, d'être capable de me donner une expertise que je n'avais pas…»

[249] De plus, Daniel Gourd avait eu à travailler avec Martine Turcotte dans un dossier spécifique soit la réévaluation des postes cadres à Radio-Canada. Il avait apprécié sa grande compétence.

[250] À cet égard, Huguette Wiseman confirme le témoignage de Daniel Gourd relativement à son appréciation de Martine Turcotte : (Volume 4, page 564)

« Bien Daniel venait de terminer avec Martine un dossier assez complexe qui était la réévaluation des postes cadres à Radio-Canada. Complexe parce qu'il fallait refaire des descriptions de tâches, il fallait vraiment aller rencontrer les gestionnaires, poser des questions, être capable de tirer la substance des descriptions de tâches et de traduire ça dans les textes. Daniel était impliqué là dedans et Martine l'avait beaucoup aidé. Il m'avait dit : Je suis très impressionné par cette fille-là. Moi, je pense qu'avec le mandat qu'on veut donner, je pense que cette fille-là démontre dans cet exercice-là beaucoup des qualités qu'on recherche.»

[251] Le Tribunal estime que la prépondérance de la preuve démontre que la décision de Daniel Gourd d'affecter Martine Turcotte au service dirigé par Huguette Wiseman était judicieuse, justifiée par des motifs raisonnables et qu'elle ne visait pas à maintenir l'emploi d'une personne moins âgée au détriment des personnes licenciées qui étaient plus âgées.

[252] Daniel Gourd a demandé aux chefs de service d'évaluer les conseillers en ressources à l'intérieur de leur service. Il leur demande de procéder à une évaluation basée sur l'expertise, la polyvalence et le potentiel de relève et de lui faire part de leurs recommandations.

[253] La Commission estime que le processus d'évaluation adopté par Daniel Gourd était un processus subjectif. Elle suggère que l'employeur aurait dû adopter un processus d'évaluation objectif qui aurait consisté à confier à une personne, à un groupe de personnes, la tâche de procéder à l'évaluation de l'ensemble des conseillers en ressources humaines.

[254] Le Tribunal ne décèle rien dans la preuve qui permette de croire qu'un processus d'évaluation objectif, tel que souhaité par la Commission, aurait apporté des conclusions différentes quant aux licenciements des conseillers en ressources humaines et notamment de la plaignante.

[255] Jean Fredette dirige l'équipe exploitation-service de soutien à laquelle se greffent trois (3) conseillers en ressources humaines soit Lynda Dion qui était chef du bureau d'emploi et de recrutement, Lise Mathieu qui était aux relations de travail et Suzanne Larente qui maintient sa tâche de conseillère en ressources humaines. Jean Fredette doit évaluer ces conseillers en ressources humaines.

[256] Dans le cas de Lise Mathieu, elle était une spécialiste en relations de travail et son expertise était nécessaire pour maintenir les services de l'équipe. Jean Fredette décide, avec raison, de maintenir l'emploi de Lise Mathieu.

[257] Quant à Lynda Dion, la preuve révèle que Jean Fredette n'avait vécu aucune expérience de travail avec cette dernière avant janvier 1997. Pourtant, il affirme, dans son témoignage, que Lynda Dion avait connu une progression de carrière plus rapide que celle de Suzanne Larente.

[258] Lynda Dion avait été conseillère en dotation et chef d'équipe au service de recrutement et de placement. De son côté, Suzanne Larente a été agente de recrutement et conseillère en ressources humaines pendant trois (3) ans ce qui lui a permis de s'initier et de progresser vers la polyvalence recherchée pour une conseillère en ressources humaines. De plus, avant 1997, Jean Fredette n'avait jamais eu l'occasion de travailler avec la plaignante.

[259] Puis, Jean Fredette justifie également son choix de Lynda Dion. (Volume 6, page 649)

« Son expérience, la façon dont elle s'était acquittée de nouvelles tâches indiquent un peu comment elle pourrait faire face à la nouvelle situation à l'avenir et c'était ça, son développement de carrière, son cheminement, ses expériences, son potentiel.»

[260] Le Tribunal estime que Jean Fredette ne pouvait porter un tel jugement puisqu'il avait à peine eu l'occasion de travailler avec elle.

[261] Par ailleurs, hormis le fait que Lynda Dion ait connu une progression de carrière plus rapide que celle de Suzanne Larente, Jean Fredette ne révèle aucun motif qui justifie que Suzanne Larente ne rencontre pas les critères d'évaluation dictés par Daniel Gourd. Le témoignage d'André Coupal n'apporte, lui non plus, aucun éclairage à cet égard.

[262] Il faut également se rappeler que la décision finale appartenait à Daniel Gourd et qu'il a suivi les recommandations des chefs de service. Toutefois, lors de sa seconde rencontre avec la plaignante, Daniel Gourd raconte qu'il n'est pas trop allé dans les détails; il a plutôt expliqué globalement : (Volume 3, page 454)

« Écoutez, globalement ce que j'ai dit, j'ai un peu expliqué c'était quoi les préoccupations que nous avions en termes d'orientation. J'ai aussi expliqué qu'il y avait des choix qui avaient été faits, puis qu'elle n'avait pas été retenue ultimement dans ces choix-là globalement.»

[263] La plaignante n'a reçu de Daniel Gourd aucune explication justifiant qu'elle ne répondait aux critères d'évaluation établis.

[264] Le Tribunal reconnaît que la SRC pouvait maintenir l'emploi des conseillères en ressources humaines ayant les compétences et l'expérience recherchées pour accomplir adéquatement les tâches de conseillers en ressources humaines. Elle pouvait également le faire en leur dispensant la formation requise comme elle l'a fait.

[265] Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, le Tribunal arrive à la conclusion que l'expertise, les connaissances et l'expérience acquises par la plaignante en y ajoutant la formation prévue pour les conseillers en ressources humaines lui permettaient d'accomplir adéquatement les fonctions de conseillers en ressources humaines établies en juin 1997 (Pièce HR-15).

[266] Le Tribunal estime qu'il est plus probable que l'employeur a fondé sa décision de licencier la plaignante en raison de son âge plutôt qu'en raison de son incapacité de remplir le poste de conseillère en ressources humaines.

[267] En conséquence, le Tribunal accueille la plainte de Suzanne Larente portée en vertu de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

V. MESURES DE REDRESSEMENT

[268] Comme le Tribunal est arrivé à la conclusion que Suzanne Larente a été victime de discrimination pour un motif de distinction illicite, il y a lieu maintenant de statuer sur les mesures de redressement appropriées selon les dispositions de l'article 53 de la Loi et à la lumière de la jurisprudence applicable.

[269] La Commission et la plaignante réclament les mesures de redressement suivantes :

  1. la réintégration de la plaignante à son emploi;
  2. les pertes salariales encourues par la plaignante depuis le 1er janvier 1998 jusqu'à la date de sa réintégration;
  3. les dommages moraux;
  4. une lettre d'excuses;
  5. le remboursement des frais juridiques;
  6. les intérêts.

A. Analyse des mesures de redressement recherchées

(i) La réintégration de la plaignante à son emploi

[270] Ayant statué que la SRC a commis un acte discriminatoire en refusant de continuer d'employer la plaignante après le 31 décembre 1997, le Tribunal ordonne à la SRC de réintégrer Suzanne Larente, à la première occasion raisonnable, au poste de conseillère en ressources humaines qu'elle occupait lors de son licenciement.

(ii) Les pertes salariales encourues par la plaignante depuis le 1er janvier 1998 jusqu'au moment de sa réintégration

[271] Lors de son licenciement, elle bénéficiait d'un revenu annuel de 46 040 $. Elle estime que doit s'ajouter à son revenu annuel, pour les années 1998, 1999, 2000 et 2001, un montant de 9 208 $, soit 20 % de son revenu annuel, pour compenser la perte des avantages sociaux reliés à son emploi. Le Tribunal ne dispose d'aucune preuve permettant de conclure au bien-fondé de cette demande.

[272] Suzanne Larente estime, qu'en 1999, elle aurait obtenu une augmentation salariale de 8 % majorant sa rémunération annuelle à 49 723 $. Elle explique cette augmentation annuelle du fait que son emploi, qui était de niveau 2, aurait progressé au niveau 3.

[273] La preuve démontre que la plaignante est devenue conseillère en ressources humaines en 1994. Il s'agissait d'un poste qui comportait les niveaux 1, 2 et 3 et elle avait été classée au niveau 2. La progression d'un niveau à un autre ne se réalise pas automatiquement par l'écoulement du temps. Elle résulte plutôt de l'évaluation de rendement. De 1994 jusqu'à son licenciement, l'employeur n'avait accordé aucune progression à la plaignante. La progression recherchée demeure de la pure spéculation que le Tribunal ne peut entériner.

[274] La plaignante prétend qu'elle aurait reçu une augmentation de son revenu annuel de 1 988 $ en 2000 et de 1 009 $ en 2001. Elle reconnaît toutefois que ces augmentations sont des estimés. Elles ne reposent dans les faits sur aucune preuve et elles ne peuvent être retenues.

[275] Pour les fins du calcul des pertes salariales, le Tribunal retient donc un revenu annuel de 46 040 $.

[276] La plaignante réclame le salaire qu'elle a perdu depuis le 1er janvier 1998 jusqu'au 14 décembre 2001 duquel doivent se soustraire les revenus qu'elle a réalisés au cours de cette période.

[277] Par contre, la jurisprudence, dans l'affaire Jolicoeur (4) enseigne :

« L'employé illégalement congédié a l'obligation de minimiser les dommages résultant de son congédiement. Il doit faire un effort raisonnable pour chercher et accepter un autre emploi convenant à ses qualifications.»

[278] La plaignante admet que de janvier 1998 à la fin de juin 1999, elle a poursuivi des études à temps plein et qu'elle n'a entrepris aucune démarche de recherche d'emploi. Comme elle n'était pas disponible pour occuper un emploi au cours de cette période, elle a failli à son obligation de minimiser ses dommages et ne peut être indemnisée au cours de cette période.

[279] La plaignante a déposé en liasse des documents visant à démontrer, qu'après avoir terminé ses études à temps plein, elle a fait de multiples démarches de recherche d'emploi.

[280] Après analyse de ces documents, le Tribunal constate que la plaignante, à compter de septembre 1999, a fait les efforts suffisants de recherche d'emploi, sauf pour les mois de juin, juillet et août 2000. Elle a donc exécuté son obligation de minimiser ses dommages.

[281] En conséquence, la plaignante doit être indemnisée des pertes salariales encourues pendant une période de 25 mois, soit pour un montant de 95 916 $.

[282] Par contre, au cours de cette période, la plaignante a obtenu des prestations de l'assurance emploi pour un montant de 24 180 $ et des revenus d'emploi de 52 400 $ pour un montant global de 76 580 $.

[283] En conséquence, la perte salariale encourue par la plaignante est de 19 336 $ à laquelle s'ajoute le montant de 24 180 $ qu'elle devra rembourser à l'assurance emploi. En définitive, la perte salariale encourue par la plaignante a été de 43 516 $.

[284] Toutefois, lors de son licenciement, la plaignante admet avoir reçu une indemnité de départ de 57 329 $ et un montant de 5 400 $ pour frais de formation de sorte qu'elle a reçu un montant global de 62 729 $.

[285] Le Tribunal estime que, dans les circonstances, il n'y a pas lieu d'imposer à l'intimée de verser à la plaignante une indemnité pour les pertes salariales qu'elle a encourues.

[286] La plaignante réclame de la SRC le versement d'une indemnité pour la perte pécuniaire rattachée à son régime de retraite. Comme le Tribunal ordonne la réintégration de la plaignante, il prend acte de l'admission de l'intimée qu'elle verra à rétablir le régime de retraite de la plaignante.

(iii) Les dommages moraux

[287] La plainte de Suzanne Larente fait référence à un acte discriminatoire survenu avant le 30 juin 1998. Les parties reconnaissent qu'elle est régie par l'ancienne Loi canadienne des droits de la personne qui prévoyait que les montants accordés pour préjudice moral se limitaient à un maximum de 5 000 $.

[288] La preuve démontre clairement que Suzanne Larente a été extrêmement bouleversée à l'annonce de son licenciement. Elle s'est sentie trahie par son employeur après 22 ans de loyaux services et humiliée à la pensée d'être rejetée par son employeur en raison de son âge. Sa confiance a été grandement affectée.

[289] Compte tenu de toutes les circonstances, le Tribunal accorde à Suzanne Larente, pour dommages moraux, un montant de 3 500 $.

(iv) Une lettre d'excuses

[290] La preuve démontre qu'après l'avoir informée de son licenciement en août 1997, la SRC a fait preuve de grande compassion et d'appui à l'endroit de Suzanne Larente.

[291] Elle a eu droit de continuer d'occuper son bureau jusqu'au 31 décembre 1997 et la liberté de faire toutes les démarches qu'elle estimait pertinentes pour réorienter sa carrière. La SRC lui a fourni les services de consultant pour la guider dans ses nouvelles orientations sans oublier un montant forfaitaire de 5 400 $ affecté à des frais de formation. Elle a eu également le loisir de compléter les cours de formation en relations de travail qui, au moment de son licenciement, étaient dispensés par la SRC aux conseillers en ressources humaines. La SRC lui a fourni une lettre de références.

[292] Par conséquent, le Tribunal croit que, dans les circonstances, il n'est pas approprié d'ordonner à la SRC de fournir une lettre d'excuses à la plaignante.

(v) Le remboursement des frais juridiques

[293] La plaignante réclame le remboursement des frais juridiques qu'elle a encourus pour faire valoir ses droits à la suite de son licenciement.

[294] Elle a soumis une série de notes d'honoraires et de frais juridiques qu'elle a payés à ses procureurs (Pièce HR-29). La très grande majorité de ces notes d'honoraires et frais juridiques réfèrent au mandat qu'elle a confié à ses procureurs dans le cadre d'une plainte de congédiement déguisé qu'elle a déposée contre la SRC en vertu des dispositions de l'article 240 du Code canadien du travail. Cette plainte a été entendue devant un comité d'arbitrage et une décision a été rendue le 29 janvier 1999.

[295] Le Tribunal ne croit pas devoir ordonner à l'intimée de rembourser à la plaignante des honoraires et frais juridiques qu'elle a encourus pour l'exercice d'un droit qui n'était aucunement relié à la plainte dont il est saisi.

[296] La plaignante a certes versé des honoraires et frais juridiques pour des conseils dispensés par ses procureurs dans le cadre de sa plainte à la Commission canadienne des droits de la personne.

[297] Toutefois, pour ordonner le remboursement de ses honoraires et frais juridiques par la SRC, la plaignante devait démontrer qu'ils lui ont été occasionnés par la conduite et les agissements répréhensibles de la SRC. Or, la preuve ne révèle aucunement que le comportement de la SRC ait justifié des honoraires et frais juridiques encourus par la plaignante et le bien-fondé d'en ordonner le remboursement par la SRC.

(vi) Les intérêts

[298] En vertu du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 53 (4) de la Loi, le Tribunal accorde un intérêt qui doit être versé à l'égard de l'indemnité de 3 500 $ adjugée pour dommages moraux. L'intérêt doit être calculé conformément à la règle 9 (12) des Règles provisoires de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne.

VI. ORDONNANCE

[299] Le Tribunal déclare que la SRC a violé les droits de Suzanne Larente en vertu de la Loi canadienne des droits de la personne et ordonne ce qui suit :

  1. Que la SRC réintègre Suzanne Larente, à la première occasion raisonnable, au poste de conseillère en ressources humaines qu'elle occupait lors de son licenciement et qu'elle rétablisse le régime de retraite auquel elle aurait eu droit n'eut été de son licenciement;
  2. que la SRC verse à Suzanne Larente un montant de 3 500 $ pour dommages moraux;
  3. que la SRC verse des intérêts à l'égard de l'indemnité de 3 500 $ accordée pour dommages moraux conformément à la règle 9(12) des Règles provisoires de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne.

Original signé par

Me Roger Doyon, président

OTTAWA (Ontario)

Le 23 avril 2002

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO. DU DOSSIER DU TRIBUNAL : T638/2601

INTITULÉ DE LA CAUSE : Suzanne Larente c. Société Radio-Canada

DÉCISION DU TRIBUNAL EN DATE DU : Le 23 avril 2002

LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)

Les 21 au 23 et les 27 et 28 novembre 2001

Les 13 et 14 décembre 2001

COMPARUTIONS :

Suzanne Larente Pour elle-même

Me Philippe Dufresne Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Me Pierre Flageole Pour la Société Radio-Canada

1. 1 La Commission ontarienne des droits de la personne c. La Municipalité d'Etobicoke [1982] 1 R.C.S. 202, p. 208.

2. 2 La Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons Sears ltée [1985] 2 R.C.S. 536, p. 558.

3. 3 La Commission canadienne des droits de la personne et Shiv Chopra c. Le Ministère de la santé nationale et du bien-être social [1998] A.C.F. no 432 (F.C.T.D.)

4. 4 Jacques Jolicoeur c. Lithographie Montréal Ltée, 1982, C.S. p. 230 à la p. 235

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