Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

CHRISTINE CORBEIL

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

PRO NORTH TRANSPORTATION

- et -

BRIAN GLASS

les intimés

DÉCISION SUR LA COMPÉTENCE

Décision no 1

2001/02/15

TRIBUNAL : Pierre Deschamps

[1] Cette cause porte sur les plaintes déposées par Mme Christine Corbeil contre Pro North Transportation et son président, M. Brian Glass. Dans ses plaintes, Mme Corbeil allègue que les deux intimés ont fait preuve de discrimination à son endroit en omettant de lui procurer un milieu de travail exempt de harcèlement en contravention des articles 7 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[2] Le 7 avril 2000, les deux plaintes susmentionnées ont été référées au Tribunal canadien des droits de la personne par la Commission canadienne des droits de la personne pour que le Tribunal institue une enquête à leur sujet.

[3] Le 19 mai 2000, dans le cadre de son processus de gestion des causes, le Tribunal a envoyé un questionnaire de conférence de cas à toutes les parties en leur demandant de répondre par écrit. Entre autres choses, le questionnaire comprenait une rubrique Questions préliminaires dans laquelle les parties devaient soulever toute question de droit, de compétence ou de procédure qu'(elles) entendaient soulever au commencement de l'audience.

[4] Le 16 juin 2000, les intimés ont transmis au Tribunal un questionnaire rempli. À la rubrique Questions préliminaires, les intimés n'ont soulevé aucune question préliminaire qu'ils aimeraient soulever.

[5] Les audiences relatives à ces plaintes ont d'abord été prévues pour la période du 30 octobre au 3 novembre 2000 et du 13 au 17 novembre 2000. Le 22 août 2000, les intimés ont demandé un ajournement. Cette demande a été rejetée. Le 12 octobre 2000, les intimés ont demandé un ajournement indéfini parce que M. Glass, l'un des intimés nommés, avait eu une crise cardiaque. La requête a été accordée en attente de la confirmation de l'état médical de M. Glass et de sa capacité à participer à l'audience.

[6] Le 2 novembre 2000, la Cour fédérale du Canada a rendu sa décision dans la cause Bell Canada c. ACET, SCEP, Femmes Action et Commission canadienne des droits de la personne (Bell Canada) (1) qui traitait de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal canadien des droits de la personne. Le 8 novembre 2000, par lettre, le Tribunal a informé les parties de cette décision et les a invitées à présenter des mémoires.

[7] Le 16 novembre 2000, une conférence téléphonique a eu lieu. À cette occasion, le Tribunal a enjoint toutes les parties de présenter leurs mémoires relatifs à la décision Bell Canada au plus tard le 29 novembre 2000.

[8] Dans une lettre datée du 29 novembre 2000, les intimés ont informé le Tribunal qu'ils avaient l'intention de soulever la question de l'indépendance et de l'impartialité du Tribunal au début de l'audience pertinente devant ce Tribunal.

[9] Dans leur lettre, les intimés ont exprimé l'opinion que jusqu'à ce que les questions soulevées dans Bell Canada soient résolues, il ne serait pas pertinent que le Tribunal procède à l'audience, compte tenu de son manque apparent d'indépendance et d'impartialité.

[10] Le 6 décembre 2000, afin de permettre un processus de planification complet, équitable et efficace pour l'audience, le Tribunal a demandé que les parties traitent de la question de l'impartialité et de l'indépendance dans des mémoires avant le commencement de l'audience. Il a laissé aux intimés jusqu'au 15 décembre 2000 pour déposer des arguments écrits et, à la Commission et à la plaignante, jusqu'au 22 décembre 2000. Le Tribunal a aussi demandé que les parties présentent leurs positions sur la question de la renonciation à la lumière de la décision de la Cour d'appel fédérale rendue le 10 novembre 2000 dans l'arrêt Zündel c. CCDP et al (2)

[11] Le 11 décembre 2000, les intimés ont remis leur exposé des précisions et une liste des documents sur lesquels les intimés avaient l'intention de s'appuyer lors de l'audience.

[12] Le 22 décembre 2000, la Commission, tel que demandé, a fait des représentations écrites au Tribunal sur la question de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal. De leur côté, les intimés n'ont pas respecté leur échéance du 6 décembre 2000 et n'ont demandé aucune prolongation de la période de temps. À ce jour, les intimés doivent toujours fournir au Tribunal leurs mémoires sur la question de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal autres que leur avis contenu dans leur lettre du 29 novembre 2000.

[13] Nonobstant le fait que les intimés n'ont pas présenté des représentations écrites détaillées, le Tribunal traitera de la question de son indépendance et de son impartialité institutionnelles et, plus précisément, en rapport avec la question de la renonciation au droit de s'objecter.

[14] En son état actuel, la jurisprudence suggère fortement qu'une partie qui veut attaquer l'indépendance et l'impartialité institutionnelles d'un tribunal doive le faire à la première occasion pratique qui se présente sinon cette partie peut être considérée comme ayant renoncé à son droit d'objection (3)

[15] En ce qui concerne la première occasion pratique qui se présente, le président de ce tribunal a effectué une analyse approfondie de cette question dans Eyerley c. Commission canadienne des droits de la personne et Seaspan International Limited (4) Il ressort de cette analyse qu'une question qui a trait à l'indépendance et à l'impartialité d'un tribunal devrait être soulevée aussitôt que la preuve le permet. Cela peut être aussitôt qu'un tribunal obtient la compétence d'entendre une cause ou qu'il demande à une partie, dans le cadre de la préparation de l'audience, d'indiquer toute question de compétence qu'elle souhaite soulever.

[16] Dans la procédure en cours, le dossier montre que les intimés ont soulevé la question de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal seulement après que le Tribunal ait demandé aux parties de faire des représentations sur cette question à la suite de la décision dans Bell Canada.

[17] À la lumière de la jurisprudence, le Tribunal conclut que la question de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal aurait dû être soulevée au moins lorsqu'il a été demandé aux intimés, en juin 2000, d'indiquer, dans le questionnaire de conférence de cause, les questions préliminaires au sujet de questions de droit, de compétence ou de procédure sur lesquelles ils souhaitaient que le Tribunal se penche. Les intimés, au moment où ils ont retourné leur questionnaire rempli, n'ont indiqué aucune matière de cette sorte.

[18] Le Tribunal conclue que le fait de ne pas soulever la question de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du Tribunal dans le questionnaire de conférence de la cause doit être considéré comme une renonciation du droit des intimés de s'objecter à la compétence du Tribunal (5).

[19] Pour les raisons qui précèdent, la requête des intimés est rejetée. Cette affaire doit être entendue en audience le 19 mars 2001.


Pierre Deschamps

OTTAWA, Ontario

15 février 2001

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER

NO DE DOSSIER DU TRIBUNAL : T559/1700 ET T560/1800

INTITULÉ : Christine Corbeil c. Pro North Transportation et Brian Glass

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : 15 février 2001

ONT COMPARU :

Christine Corbeil Plaignante

Dan Pagowski Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Ernest Coetzee Avocat de Pro North Transportation

1. [2000] C.F. no 1747 (T.D.).

2. [2000] C.F. no 1838 (C.A.).

3. Zündel c. Commission canadienne des droits de la personne et al., note 2 ci-dessus; Eyerley c. Commission canadienne des droits de la personne et Seaspan International Limited, décision no 4, 19 décembre 2000 (T.C.D.P.); McAvinn c. Commission canadienne des droits de la personne et Strait Crossing Bridge Limited, décision no 2, 23 novembre 2000 (T.C.D.P.).

4. Note 3 ci-dessus.

5. Zündel c. Commission canadienne des droits de la personne et al., note 2 ci-dessus; McAvinn c. Commission canadienne des droits de la personne et Strait Crossing Bridge Limited, note 3 ci-dessus.

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