Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Canadian Human Rights Tribunal

Titre : Tribunal's coat of arms

Tribunal canadien des droits de la personne

Référence : 2013 TCDP 29

Date : le 12 novembre 2013

Numéros des dossiers : T1774/0412 et T1945/2513

Entre :

Premakumar Kanagasabapathy

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Air Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Sophie Marchildon

 


[1]  Le 18 juillet 2009, M. Premakumar Kanagasabapathy (le plaignant) a déposé une plainte, T1774/0412 (la plainte no 1), contre Air Canada (l’ intimée) sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), c H-6 (la Loi).  Au titre des articles 7 et 14.1 de la Loi, le plaignant allègue que, dans le contexte de son emploi, l’intimée lui avait refusé des occasions de promotion et qu’il s’agissait d’une forme de « représailles » parce que le plaignant avait déposé un grief en 2000 et qu’il avait auparavant déposé une plainte en matière de droits de la personne, laquelle a été jugée fondée en 2002. Il soutient que l’intimée l’avait défavorisé pour des motifs fondés sur la race, la couleur et l’origine nationale ou ethnique. Dans la plainte no 1, le plaignant décrit des évènements survenus entre décembre 2006 et le 19 mai 2008. Le 11 janvier 2012, en vertu de l’alinéa 44(3)a) de la Loi, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a demandé à la présidente du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) de désigner un membre pour instruire la plainte. La portée exacte de la plainte no 1 a fait l’objet d’une décision sur requête du Tribunal (voir 2013 TCDP 7).

[2]  Le 9 mai 2012, le plaignant a déposé une autre plainte auprès de la Commission, T1945/2513 (plainte no 2), contre l’intimée, sous le régime des articles 7 et 14.1 de la Loi. Dans la plainte no 2, le plaignant soutient qu’il a de nouveau été victime de discrimination de la part de l’intimée, dans le même esprit que dans la plainte no 1; il y est cette fois question d’évènements qui seraient survenus entre 2010 et avril 2012. Dans sa seconde plainte, en plus des motifs invoqués dans la plainte no 1, le plaignant affirme également qu’il a été victime de discrimination pour des motifs fondés sur l’âge.

[3]  Le 2 mai 2013, une conférence téléphonique de gestion de l’instance (la CTGI) a eu lieu, au cours de laquelle l’intimée a demandé au Tribunal de mettre la plainte no 1 en suspens, en attendant que la Commission renvoie la plainte no 2 devant le Tribunal. Vu que le Tribunal n’avait pas été saisi de la plainte no 2 et que le plaignant ne participait pas à la CTGI, seul son avocat y participait et il n’était pas au courant de l’existence d’une seconde plainte, et vu que la Commission ne pouvait pas se prononcer au sujet de la seconde plainte, le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas la compétence voulue à l’époque pour instruire la seconde plainte. En outre, il n’y avait aucun moyen de savoir quand, ou même si, la seconde plainte serait renvoyée devant le Tribunal. Par conséquent, le Tribunal a refusé de mettre en suspens la plainte no 1 comme l’intimée l’avait demandé. Lors de la CTGI, le Tribunal a demandé aux parties de déposer leurs exposés des précisions et établi un calendrier à cette fin, lequel se terminait le 20 juin 2013.

[4]  Le 17 juin 2013, la Commission a renvoyé la plainte no 2 devant le Tribunal.

[5]  À la suite de ce renvoi, le Tribunal a examiné des dates en vue de la tenue d’une CTGI avec les parties. Les parties ont confirmé qu’elles seraient disponibles le 3 octobre 2013.

[6]  Le 3 octobre 2013, la CTGI a été annulée à la demande de la Commission, et ce, en raison de circonstances imprévues.

[7]  Dans des lettres datées du 17 octobre 2013 et du 4 novembre 2013, le Tribunal a demandé aux parties si elles seraient disposées à ce que les plaintes nos 1 et 2 soient jointes de manière à être entendues au cours d’une seule audience. En réponse aux lettres du Tribunal datées du 17 octobre 2013 et du 4 novembre 2013, toutes les parties ont convenu de joindre les plaintes.

Le droit applicable et l’analyse

[8]  En vertu du paragraphe 40(4) de la Loi, c’est la Commission qui a le pouvoir d’établir si les plaintes devraient être entendues ensemble et faire l’objet d’une instruction commune par le Tribunal. Toutefois, la décision de tenir une audience ou plusieurs relève de la procédure (voir la décision Lattey c. Compagnie de Chemin de fer canadien Pacifique, 2002 CanLII 45928 (TCDP), au paragraphe 11 (la décision Lattey)). En ce qui a trait à la procédure, le paragraphe 48.9(2) de la Loi prévoit que le président du Tribunal peut établir des règles de pratique. En outre, le paragraphe 48.9(1) précise que l’instruction des plaintes par le Tribunal se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. Ensemble, ces deux dispositions montrent que, aussi longtemps que ses règles de pratique sont justes, il appartient au Tribunal de définir la procédure à suivre. Par conséquent, le Tribunal peut établir s’il convient de tenir une audience ou plusieurs à l’égard des deux plaintes en cause en l’espèce.

[9]  Dans la décision Lattey, pour établir si les plaintes en cause devaient être entendues ensemble, le Tribunal a établi qu’il devait tenir compte d’un certain nombre d’éléments, à savoir :

  • 1. L'intérêt public qu'il y a à éviter la multiplicité des procédures, y compris la réduction des coûts, des délais, des inconvénients pour les témoins, du besoin de répéter la preuve et du risque de parvenir à des résultats contradictoires;

  • 2. Le préjudice que pourrait causer aux intimés une instruction commune, notamment en raison du prolongement de la durée de l'audience pour chaque intimé, étant donné la nécessité d'examiner des questions propres à l'autre intimé, ainsi que du risque de confusion que pourrait engendrer la présentation d'éléments de preuve n'ayant peut-être pas rapport aux allégations mettant en cause particulièrement l'un ou l'autre intimé;

  • 3. L'existence de questions de fait ou de droit communes.

(voir la décision Lattey, au paragraphe 12)

[10]  Vu les circonstances entourant les deux plaints en cause, je conclus que le fait de les entendre ensemble aurait pour effet d’accélérer leur instruction et serait dans l’intérêt public. Les deux plaintes font état d’allégations de discrimination similaires, et la plainte no 2 s’inscrit essentiellement dans la continuité de la plainte no 1, y ajoutant d’autres évènements qui se seraient déroulés. Le fait d’entendre les deux plaintes ensemble permettrait au Tribunal de mettre ces plaintes en contexte, d’un point de vue historique et factuel, et c’est sur ce fondement que le Tribunal rendra sa décision à l’égard de chaque question de droit et de fait. Vu que les parties sont les mêmes pour les deux plaintes, contrairement à la décision Lattey, il n’y aura aucune confusion relative à la présentation d’éléments de preuve n’ayant de rapport qu’avec une des deux plaintes, comme il est décrit dans le deuxième élément énoncé dans la décision Lattey. En outre, les deux plaintes se trouvent à des stades d’instruction similaires, les parties conviennent de joindre les dossiers, et tout retard découlant de la jonction des audiences pourra être réduit par une gestion active de l’instance.   

[11]  Je trouve aussi la décision Entrop v. Imperial Oil Limited (1994) 23 C.H.R.R. D/186, instructive; on peut y lire qu’il [traduction] « ne serait pas pratique, efficace et juste d’exiger qu’une personne ne soulève des allégations de représailles que dans le cadre d’une instance distincte ». Bien que la plainte no 2 ne soit pas une plainte de représailles qui auraient été exercées par suite du dépôt de la plainte no 1, il y est fait état de la continuation de la discrimination dont le plaignant prétend qu’il a été victime dans la plainte no 1. Par conséquent, il serait pratique et efficace d’entendre ces deux plaintes ensemble.

[12]  L’exercice par le Tribunal de son pouvoir discrétionnaire est soumis aux règles de justice naturelle et au régime de la Loi. Je suis d’avis que la jonction des deux plaintes s’accorde avec les règles de justice naturelle et va dans le sens des objectifs législatifs de la Loi, notamment en ce qui concerne le caractère expéditif de l’instruction et le fait de donner à toutes les parties la possibilité pleine et entière de participer à l’instruction (voir les paragr. 48.9(1) et 50(1) de la Loi).

[13]  Pour l’ensemble des motifs susmentionnés, je demande que les plaintes nos 1 et 2 soient jointes et entendues au cours d’une seule audience.

Signé par

Sophie Marchildon

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 12 novembre 2013

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.