Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Francine Desormeaux

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Commission de transport régionale d'Ottawa-Carleton

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Anne Mactavish
Date : Le 3 octobre 2002
Référence : Décision No. 3

[1] OC Transpo cherche à faire ajouter le Syndicat uni du transport (le Syndicat) comme intimé dans la présente instance. Pour les motifs que j’ai donnés hier, je suis convaincue que la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) me permet d’instruire la demande d’OC Transpo. Ce qu’il reste à trancher, c’est la question de savoir s’il y a lieu d’accueillir cette demande vu l’ensemble des circonstances de l’espèce.

[2] OC Transpo dit que la présence du Syndicat est nécessaire pour lui permettre de présenter une défense pleine et entière contre la plainte de Mme Desormeaux. Selon l’employeur,  si je devais conclure en fin de compte qu’OC Transpo ne s’est pas bien acquittée de son obligation de s’adapter à la déficience de Mme Desormeaux, le Syndicat devrait être tenu conjointement responsable de tout le préjudice qu’aurait subi Mme Desormeaux, car le Syndicat n’a pas cerné les mesures nécessaires pour répondre adéquatement aux besoins de celle-ci.

[3] Bien que l’avocat du Syndicat ne s’oppose pas à l’idée que son client soit ajouté à titre d’intimé,  il dit que cette mesure ne s’impose pas. D’après M. McLuckie, aucune règle de droit n’oblige un syndicat à proposer des mesures d’adaptation à l’endroit d’un employé déficient. Il incombe plutôt aux syndicats de faciliter la prise des mesures d’adaptation choisies par l’employeur en consultation avec l’employé.

[4] Des problèmes peuvent survenir en ce qui concerne l’exécution d’ordonnances du Tribunal dans des milieux de travail syndiqués lorsque ces ordonnances prévoient la réintégration d’employés et touchent des questions telles les droits d’ancienneté ou l’application de la convention collective. En réponse à une question du Tribunal sur ce point, l’avocat du Syndicat s’est engagé au nom de son client à collaborer sans réserve à l’exécution de toute ordonnance que rendrait le Tribunal à l’encontre d’OC Tranpo relativement au retour au travail de Mme Desormeaux.

[5] La Commission des droits de la personne (la Commission) et Mme Desormeaux s’opposent farouchement à ce que le Syndicat soit ajouté à titre d’intimé. Mme Desormeaux dit qu’elle n’est tout simplement pas prête pour une audience à laquelle participerait le Syndicat comme intimé.

[6] L’avocat de la Commission souligne le moment où OC Transpo a présenté sa demande, faisant remarquer que la plainte de Mme Desormeaux a été déposée en 1999 et qu’elle vise des événements survenus en 1998. Selon l’avocat de la Commission, le rapport d’enquête sur la plainte de Mme Desormeaux a été établi en décembre 2000. La Commission dit que, si OC Transpo était insatisfaite du traitement de cette plainte par la Commission, OC Transpo aurait pu faire contrôler judiciairement la décision de celle-ci de renvoyer l’affaire au Tribunal. OC Transpo aurait dû tout au moins soulever ce point dans le questionnaire envoyé aux parties par le greffe du Tribunal à la suite du renvoi de l’affaire à ce dernier.

[7] Enfin, l’avocat de la Commission dit que l’un de ses principaux témoins est censé être l’ancien président du Syndicat et que l’ajout tardif de celui-ci comme intimé entraverait considérablement sa stratégie en vue de l’audience.

[8] Même si j’ai déjà conclu que la Loi confère au Tribunal le pouvoir d’ajouter des parties quand il le juge à propos, il me semble que, selon le contexte législatif dans son ensemble, ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé avec une certaine prudence.

[9] La Loi prévoit une procédure fondée sur les plaintes. Mme Desormeaux a choisi de ne pas déposer de plainte contre son syndicat.

[10] La Loi attribue également un rôle de gardien à la Commission. Les parties nommées à titre d’intimées dans le cadre de plaintes relatives aux droits de la personne ont droit à ce que celles-ci fassent l’objet d’un examen préalable pour vérifier s’il y a lieu de mener une enquête plus approfondie.

[11] La Loi assure aussi aux intimés une certaine protection procédurale, notamment l’occasion de répondre à la plainte au cours d’une enquête et de persuader la Commission que la plainte est sans fondement. En outre, la Loi exige que les plainte soient déposées à la Commission dans l’année qui suit le dernier événement ayant donné lieu à celles-ci. La Commission peut proroger ce délai de prescription, mais le délai en question a clairement pour objet de fournir aux intimés proposés une certaine garantie que les plaintes portées contre eux seront déposées en temps opportun.

[12] L’ajout de parties à l’instance après que le Tribunal ait été saisi de l’affaire prive les nouveaux intimés de ces avantages procéduraux. Il peut survenir des situations où il est néanmoins indiqué d’ajouter un intimé après que la Commission ait terminé son travail mais, compte tenu du régime législatif dans son ensemble, je crois que ces situations sont plutôt rares.

[13] Je n’estime pas qu’il serait indiqué d’exercer mon pouvoir discrétionnaire d’ajouter le Syndicat comme intimé en l’espèce, et ce, pour plusieurs raisons.

[14] La première de ces raisons concerne le moment où OC Transpo a présenté sa demande. Déposée en 1999, la plainte de Mme Desormeaux a trait à des événements qui ont culminé en 1998. Quand Mme Desormeaux a déposé sa plainte, OC Transpo connaissait parfaitement les faits sur lesquels elle se fonde pour demander l’ajout du Syndicat comme intimé.

[15] Je ne dispose d’aucun élément laissant croire qu’OC Transpo ait tenté, d’une manière ou d’une autre, de faire ajouter le Syndicat comme partie à la plainte à quelque moment que ce soit au cours des plus de trois ans durant lesquels la Commission a été saisie de la présente affaire.

[16] La plainte de Mme Desormeaux a été renvoyée au Tribunal le 10 avril 2002. Par lettre datée du 19 avril 2002, le Tribunal a envoyé aux parties un questionnaire pour faciliter la préparation de l’audience. Le questionnaire invite explicitement les parties à relever toute question préliminaire de compétence ou de procédure. On procède ainsi afin de pouvoir traiter ces questions en temps opportun avant l’audience. OC Transpo a bel et bien cerné une question de compétence, qui a été tranchée subséquemment par écrit, mais elle n’a exprimé aucun désir d’ajouter le Syndicat à titre d’intimé.

[17] OC Transpo a soulevé la question de la participation du Syndicat pour la première fois dans la documentation à communiquer qu’elle a signifiée le 26 août. Le Syndicat a été avisé le 16 septembre qu’OC Transpo cherchait à le faire ajouter comme partie à la présente instance.  La requête devait être présentée à la date prévue pour le début de l’audience.

[18] Lorsqu’il a été interrogé sur le moment de sa demande, l’avocat d’OC Transpo a affirmé avoir respecté les règles du Tribunal applicables à la présentation de requêtes. Le paragraphe 5(2) des Règles de procédure provisoires du Tribunal exige que les requêtes soient présentées dans les plus brefs délais possibles. On ne m’a aucunement expliqué pourquoi OC Transpo n’a pas été en mesure de présenter cette requête beaucoup plus tôt. 

[19] Je sais qu’en tant que tribunal administratif, le Tribunal doit tenir ses audiences de manière souple et informelle, et ne pas s’empêtrer dans des considérations procédurales. Ce principe figure dans le libellé de la Loi, plus précisément son paragraphe 48.9(1), selon lequel l’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. Néanmoins, même si OC Transpo a eu maintes occasions d’exprimer sa préoccupation, elle a décidé de le faire seulement à la veille de l’audience. 

[20] L’ajout du Syndicat à titre d’intimé va forcément retarder la présente instance, vu qu’il faudra traiter de questions telles que la communication d’un énoncé des points en litige au nom du Syndicat et la communication de ses documents. Je signale à ce stade que rien dans la plainte de Mme Desormeaux ou les actes de procédure du Syndicat n’appelle une réponse, car ce qu’OC Transpo cherchait vraiment à revendiquer équivaut à ce que l’on appelle une mise en cause ou une demande de contribution et d’indemnité dans le contexte d’un litige civil. Il faudrait donc probablement communiquer un autre énoncé des questions en litige entre OC Transpo et le Syndicat.

[21] Bien que l’avocat du Syndicat se soit dit prêt à procéder sans délai au cas où le Syndicat serait ajouté comme partie, sa collaboration ne saurait avoir pour effet de priver les autres parties du droit de connaître les arguments du Syndicat et de préparer leur cause en conséquence.

[22] J’ai aussi examiné la question de savoir s’il convient de répondre à ces préoccupations en ajournant simplement l’audience pour permettre aux parties de bien se préparer à l’audience révisée. Je ne pense pas qu’il soit indiqué d’ajourner l’audience, compte tenu des avertissements, faits par la Cour fédérale dans des décisions comme Bell Canada, selon lesquels il y a un intérêt public à ce que les affaires de droits de la personne soient tranchées de manière expéditive. Il faut aussi tenir compte du préjudice que risque de subir Mme Desormeaux, étant donné qu’elle a déjà refusé du travail pour assister à l’audience, ainsi que du temps pris sans explication par OC Transpo pour déposer la présente requête.

[23] Compte tenu de la totalité des circonstances, y compris l’engagement du Syndicat à aider à l’exécution de toute ordonnance que le Tribunal pourrait rendre en fin de compte, je ne suis pas disposée à ajouter le Syndicat comme intimé.

[24] Avant de conclure, je devrais ajouter qu’il y a eu certaines discussions sur l’ajout du Syndicat comme partie intéressée. Tant M. McLuckie que M. McDonald disent qu’ils ne s’opposent pas à l’idée que le Syndicat participe à l’instance en cette qualité. D’après ce que je comprends de la position d’OC Transpo, elle a présenté sa demande visant à ajouter le Syndicat comme partie pour l’obliger à partager la responsabilité à l’égard de tous dommages-intérêts qui pourraient être accordés au bout du compte. L’ajout du Syndicat comme partie intéressée ne permettrait pas d’atteindre cet objectif. Je fais aussi remarquer que le Syndicat n’a pas demandé lui-même le statut de partie intéressée. En l’absence d’une demande du Syndicat en ce sens, je ne suis pas prête à ajouter le Syndicat comme partie intéressée à l’heure actuelle.

[25] C’est là ma décision. S’il n’y a pas d’autres questions à régler, l’audience est levée.

Signée par

Anne Mactavish

Présidente

Ottawa (Ontario)

Le 3 octobre 2002

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T701/0602

Intitulé de la cause : Francine Desormeaux c. Commission de transport régionale

d’Ottawa-Carleton
Date de la décision sur requête du tribunal : Le 3 octobre 2002
Date et lieu de l’audience : Le 3 octobre 2002

Ottawa(Ontario)

Comparutions :

Francine Desormeaux, pour elle même

Mark McDonald, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Marion Breen, pour l'intimée

John McLuckie, pour la partie intéressée, Syndicat uni du transport

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