Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

ANN HUJDIC

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

AIR CANADA

l'intimée

DÉCISION SUR LA COMPÉTENCE

Décision no 1

2001/11/01

MEMBRE INSTRUCTEUR : Anne Mactavish, présidente

[1] En l'espèce, Ann Hudjic a porté plainte contre Air Canada. Mme Hudjic allègue qu'Air Canada a exercé à son endroit une discrimination fondée sur la déficience dans la fourniture d'un service destiné au public, en contravention de l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[2] Air Canada s'oppose à la poursuite des procédures pour le motif qu'il existe une crainte raisonnable de partialité institutionnelle à l'égard du Tribunal canadien des droits de la personne. Plus précisément, Air Canada est d'avis que le Tribunal ne jouit pas d'une autonomie institutionnelle suffisante pour assurer aux parties une audience équitable et impartiale.

[3] À cet égard, Air Canada se fonde sur la décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Bell Canada c. ACET, Femmes Action et Commission canadienne des droits de la personne (Bell Canada)(1). Dans Bell Canada, Madame la juge Tremblay-Lamer a conclu que le Tribunal n'était pas un organisme autonome et impartial du point de vue institutionnel puisque la Commission canadienne des droits de la personne a le pouvoir de lui donner des directives ayant un effet obligatoire(2). La juge Tremblay-Lamer a également conclu que l'autonomie du Tribunal était compromise du fait qu'il faut obtenir l'agrément de son président pour qu'un membre dont le mandat est échu puisse terminer une affaire dont il a été saisi(3). Par conséquent, la juge Tremblay-Lamer a ordonné que l'on interrompe les procédures dans l'affaire Bell Canada jusqu'à ce que les problèmes qu'elle a soulevés en ce qui concerne le régime légal aient été réglés.

[4] La Cour d'appel fédérale a renversé la décision que la juge Tremblay-Lamer a rendue dans Bell Canada (4) . Bell Canada a demandé l'autorisation d'en appeler de la décision de la Cour d'appel fédérale, requête qui est pendante. Air Canada prétend qu'aucune mesure ne devrait être prise en l'espèce tant que la question de l'autonomie du Tribunal n'aura pas été tranchée de façon définitive

[5] soit par suite du rejet de la requête en autorisation d'appel présentée par Bell Canada, soit par suite d'une décision de la Cour suprême du Canada sur le fond. Air Canada soutient subsidiairement que le Tribunal devrait renvoyer la question de son autonomie à la Cour fédérale, conformément au paragraphe 18(3) de la Loi sur la Cour fédérale.

[6] La Commission canadienne des droits de la personne est d'avis que la question de l'autonomie du Tribunal canadien des droits de la personne a été tranchée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Bell Canada. En outre, Air Canada a omis de démontrer qu'au moins deux des trois conditions nécessaires à l'octroi d'une suspension sont remplies(5). Que la requête d'Air Canada soulève ou non une question sérieuse, la Commission estime qu'Air Canada n'a présenté aucune preuve démontrant qu'elle subira un préjudice irréparable si la plainte est instruite, et qu'elle n'a pas non plus établi que la balance des préjudices éventuels penche en faveur d'une suspension en l'espèce.

[7] Mme Hudjic n'a pas présenté d'arguments au sujet de la requête d'Air Canada.

I. ANALYSE

[8] À mon avis, le fait que Bell Canada demande l'autorisation d'en appeler de la décision de la Cour d'appel fédérale n'est pas pertinent. À ce moment-ci, la décision de la Cour d'appel fédérale est un prononcé formel valide et représente l'état du droit.

[9] Comme la Cour d'appel fédérale s'est déjà prononcée sur la question, il n'y a selon moi rien à gagner à renvoyer l'affaire à la Section de première instance de la Cour fédérale, et je ne vois aucune raison de retarder davantage l'instruction de cette plainte.

[10] Air Canada n'a pas démontré qu'elle subira un préjudice irréparable si cette plainte est instruite alors que la requête en autorisation d'appel dans Bell Canada est pendante. Le fait que les procédures du Tribunal risquent d'être déclarées subséquemment sans objet ne constitue pas un préjudice irréparable(6). Quoi qu'il en soit, Air Canada n'a même pas affirmé qu'elle subira un tel préjudice si la plainte est instruite. De plus, les cours ont maintes fois répété qu'il est dans l'intérêt public de faire en sorte que les plaintes de discrimination soient traitées de façon expéditive(7).

II. ORDONNANCE

[11] Eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, la requête d'Air Canada est rejetée.
originale signée par


Anne L. Mactavish

OTTAWA (Ontario)

Le 1er novembre 2001

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL NO : T658/4601

INTITULÉ DE LA CAUSE : Ann Hujdic c. Air Canada

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 1er novembre 2001

ONT COMPARU :

Ann Hujdic en son propre nom

Carla Qualtrough au nom de la Commission canadienne des droits de la personne

Louise-Hélène Sénécal au nom d'Air Canada

1. 1 Dossier T-890-99, 2 novembre 2000.

2. 2 Voir les paragraphes 27 (2) et 27 (3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

3. 3 Paragraphe 48.2 (2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

4. 4 2001 CAF 161

5. 5 RJR MacDonald Inc.c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 312.

6. 6 Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Leger (2000), T-1547-99.

7. 7 Voir, par exemple, la décision rendue par le juge Richard (titre qu'il portait à l'époque) dans l'affaire Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et autres, [1997] A.C.F. no 207.

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