Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2013 TCDP 24

Date : le 3 octobre 2013

Numéros des dossiers : T1866/9612 & T1947/2713

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Brian Blodgett

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

GE-Hitachi Nuclear Energy Canada Inc.

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Olga Luftig

 



I. Le contexte

[1] Le 16 août 2010, M. Brian Blodgett (le plaignant) a déposé une plainte (la plainte initiale) auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) contre son employeur, GE – Hitachi Nuclear Energy Canada Inc. (l’intimée). La plainte initiale est une plainte de discrimination fondée sur l’âge, en contravention avec l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, version modifiée (la Loi).

[2] Le 28 juin 2012, le plaignant a déposé une autre plainte auprès de la Commission (la deuxième plainte), dans laquelle il allègue subir des actes persistants de discrimination, de harcèlement et de représailles du fait qu’il avait déposé une première plainte, ce qui est contraire au paragraphe 14(1) et à l’article 14.1 de la Loi.

[3] Le 24 septembre 2012, dans une lettre (la lettre de renvoi), conformément à l’alinéa 44(3)a) de la Loi, la Commission a demandé au Tribunal de désigner un membre instructeur pour instruire la plainte initiale, dont une copie était jointe à la lettre de renvoi.

[4] Le plaignant est membre d’un syndicat (le syndicat). Son emploi est régi par une convention collective entre le syndicat et l’intimée (la convention collective).

[5] Le 14 décembre 2012, le plaignant a déposé son exposé des précisions (EDP), en plus d’une requête en modification (la requête ou la requête en modification). La présente décision sur requête porte sur la requête en modification.

[6] Le 11 janvier 2013, l’intimée a déposé son EDP. Étant donné que l’audition de la requête en modification du plaignant n’avait pas été prévue à ce moment-là et que la requête n’avait donc pas été tranchée, l’EDF de l’intimée ne traite pas des modifications contestées (voir ci-dessous) ni de la deuxième plainte.

II. La plainte initiale

[7] Dans sa plainte initiale, le plaignant allègue qu’il y avait une [traduction] « [...] tendance à la discrimination fondée sur l’âge [de la part de l’intimée] envers [le plaignant] qui a commencé en 2008 ». Le plaignant estime avoir été privé de possibilités et avoir été victime de discrimination en raison de son âge.

[8] Dans sa plainte initiale, le plaignant expose les allégations suivantes de discrimination fondée sur l’âge :

  1. refus d’une affectation au projet West Shift, octobre 2009;
  2. refus d’une formation sur la gravure au laser, le 14 mai 2010;
  3. refus d’une possibilité d’emploi dans le cadre du projet West Shift, octobre 2008.

III. La deuxième plainte

[9] Dans la deuxième plainte, déposée le 28 juin 2012, le plaignant allègue les incidents suivants :

  1. refus d’une affectation au projet West Shift en juillet 2011 ou vers cette date, et comportement menaçant et intimidant de la part du superviseur de la fabrication de l’intimée, qui constituait aussi des représailles, ce qui est contraire aux articles 7 et 14.1 de la Loi;
  2. des actes de harcèlement et d’intimidation de la part de la direction de l’intimée en janvier 2012;
  3. refus d’une possibilité de formation Orange Badge en juin 2012, qui, selon le plaignant, est un autre exemple d’acte [traduction] « persistant » de discrimination fondée sur l’âge, en contravention avec l’article 7 de la Loi.

IV. La requête en modification du plaignant

[10] La requête en modification de la plainte initiale vise à ajouter deux (2) groupes de plaintes à la plainte initiale :

  1. celles faisant partie de la deuxième plainte;
  2. deux allégations de discrimination fondée sur l’âge, qui constitueraient des représailles du fait qu’une première plainte avait été déposée, en particulier :
    1. l’intimée a mis fin à l’emploi du plaignant comme chef d’équipe de son groupe (fonctions de chef d’équipe) en août 2010 (le mois précis est contesté);
    2. l’intimée a refusé d’attribuer au plaignant un poste temporaire d’aide‑ingénieur d’assurance de la qualité et d’assurer une formation polyvalente (poste d’AIAQ) en janvier 2011.

[11] Les modifications demandées figurent aux paragraphes 9 à 32 de la requête, ainsi qu’il est détaillé aux paragraphes 33 à 61 de l’EDP du plaignant.

[12] Je désignerai collectivement le deuxième groupe de modifications sous l’appellation « modifications contestées » et, séparément, sous les appellations « destitution des fonctions de chef d’équipe » et « poste d’AIAQ », respectivement.

V. Les observations écrites après l’audition de la requête

[13] Le 1er mai 2013, j’ai entendu la partie orale de la requête en modification. Après la fin des plaidoiries des parties, j’ai demandé des observations écrites sur les affaires suivantes : Kanagasabapathy c. Air Canada, 2013 TCDP 7 (Air Canada); Procureur général du Canada c. Alain Parent et Commission canadienne des droits de la personne, 2006 CF 1313 (Parent) et Canada (Commission des droits de la personne) c. Assoc. canadienne des employés de téléphone, 2002 CFPI 776 (ACET). La position du plaignant et de l’intimée à l’égard de ces affaires ainsi que mon analyse et ma conclusion à leur sujet sont formulées plus bas dans la présente décision.

VI. La position de la Commission canadienne des droits de la personne au moment de la requête

[14] L’avocat de la Commission était présent au moment de la présentation de la requête. La Commission n’a pas pris position relativement aux modifications contestées. L’avocat de la Commission a cependant fourni de l’information en ce qui a trait au droit et au processus, ce qui a été très utile à la requête.

VII. Le droit relatif à la modification des plaintes

[15] Le paragraphe 48.9(2) de la Loi accorde au Tribunal une « discrétion considérable » relativement à « l’instruction des plaintes » (Parent, précitée), notamment ce qui concerne le fait de faire droit à des requêtes en modification d’une plainte ou de rejeter celles-ci.

[16] Le Tribunal dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable relativement à l’autorisation des modifications pour déterminer les « [...] véritables questions litigieuses entre les parties », si l’autorisation des modifications sert les intérêts de la justice (Parent, au paragraphe 30). Toutefois, une modification ne doit pas être autorisée si elle cause un préjudice à d’autres parties (Parent, au paragraphe 40).

[17] Une modification ne peut aboutir à une nouvelle plainte et doit être liée, du moins par le plaignant, aux allégations qui ont donné lieu à la plainte initiale (Cam-Linh (Holly) Tran c. Canada Revenue Agency, 2010 CHRT 31 (Tran), aux paragraphes 17 et 18. Il doit y avoir un lien, en fait et en droit, entre la plainte et la modification demandée.

[18] Le fait de donner droit à une requête en modification d’une plainte repose non seulement sur « […] la Loi mais aussi sur l’appréciation des faits. Il s’agit donc d’une question mixte de fait et de droit ». (Parent, au paragraphe 19)

VIII. La position de l’intimée à l’égard de la deuxième plainte – Faits postérieurs à la requête

[19] Au paragraphe 2 de la réponse de l’intimée à la requête, l’intimée [traduction] « ne s’oppose pas » à l’inclusion de la deuxième plainte dans la plainte initiale.

[20] Toutefois, l’intimée soutient que, malgré le consentement du plaignant et de l’intimée à l’ajout de la deuxième plainte à la plainte initiale, le Tribunal n’a pas compétence pour rendre une telle ordonnance parce que la Commission n’a pas renvoyé la deuxième plainte au Tribunal, conformément au paragraphe 49(1) de la Loi.

[21] À l’audition de la présente requête, le 1er mai 2013, les parties ont avisé qu’elles avaient toutes deux déposé des consentements écrits auprès de la Commission afin que cette dernière renvoie la deuxième plainte au Tribunal, sans qu’il y ait enquête de la part de la Commission.

[22] Le 13 août 2013, le bureau du Greffe du Tribunal m’a avisé qu’il avait reçu la lettre de la Commission qui renvoyait la deuxième plainte au Tribunal pour instruction, et cette dernière était jointe à la lettre de renvoi.

[23] Il n’est donc pas nécessaire d’examiner la question de la compétence soulevée par l’intimée ou de se prononcer sur cette question. La présente ordonnance accordera cette partie de la requête en modification du plaignant, qui demande d’inclure la deuxième plainte dans la plainte initiale.

IX. Le plaignant se représente lui-même

[24] Lorsque le plaignant a déposé la plainte initiale et la deuxième plainte, il n’a désigné personne comme représentant ou comme avocat. Dans la réplique du plaignant à la réponse de l’intimée à la requête, il est indiqué au paragraphe 14 que [traduction] « M. Blodgett se représentait lui-même ». Au paragraphe 43, il est affirmé ce qui suit :

[traduction]

En tant que non-spécialiste se retrouvant dans les dédales du processus, M. Blodgett, à certains moments, ne comprenait pas quelle était la manière idéale d’intégrer l’ensemble de ses allégations » [...] et « a présumé que, parce qu’il avait officiellement porté plainte auprès de Mme Falconi [de la Commission] au sujet du refus de la possibilité d’occuper un emploi d’AIAQ, cette allégation faisait partie du fond de sa plainte initiale.

[25] Il n’a pas été révélé si le plaignant a consulté ou non un avocat ou a autrement demandé un avis juridique avant novembre 2012, mais aux fins de la présente requête, j’accepte le fait qu’il s’est représenté lui-même jusqu’en novembre 2012, date à laquelle son avocat a pris la relève dans le dossier.

[26] Cependant, à mon avis, dans ce cas particulier, ce fait en soi ne l’aide pas. Le plaignant a choisi la langue anglaise pour formuler ses plaintes et rédiger les lettres. Il semble bien maîtriser cette langue, et il n’existe aucune observation selon laquelle il ne peut comprendre les mots écrits ou prononcés. Il répond aux questions écrites de la Commission et ses lettres à cette dernière ne sont pas confuses. Ces faits vont à l’encontre du fait que le plaignant a été désavantagé au stade de la Commission simplement parce qu’il n’avait pas d’avocat et que cela seul permettrait d’autoriser les modifications qu’il demande.

[27] Je tiendrai compte, toutefois, du fait que le plaignant n’avait pas d’avocat au moment du dépôt des deux plaintes et que c’est l’un des facteurs à pondérer pour déterminer si la requête doit être accordée en ce qui concerne les modifications contestées, bien que je n’y accorde pas beaucoup d’importance.

X. Point de vue de l’intimée à l’égard des modifications contestées

[28] L’intimée s’oppose à accorder la partie de la requête visant à inclure les modifications contestées pour les motifs suivants:

  1. les plaintes ont été déposées après l’expiration du délai d’un an prévu à l’alinéa 41(1)e) de la Loi. Cette dernière prévoit en effet une limite d’un an entre le moment de la présumée infraction à la Loi et celui du dépôt d’une plainte à cet égard; les modifications contestées ne respectent donc pas le délai en question;
  2. l’autorisation de la modification relative à la destitution des fonctions de chef d’équipe constituerait un abus de procédure, parce que le plaignant et l’intimée avaient réglé le grief du plaignant de janvier 2010 portant sur la destitution des fonctions en question;
  3. la destitution des fonctions de chef d’équipe est survenue avant le dépôt proprement dit de la plainte initiale et ne peut donc constituer des représailles en vertu de l’article 14.1 de la Loi;
  4. la modification recherchée doit faire partie de la [traduction] « situation essentielle » de la plainte initiale et les modifications contestées ne répondent pas à ce critère;
  5. l’inclusion des modifications contestées causerait un préjudice fondamental et irréparable à l’intimée.

XI. Le délai prévu au paragraphe 41(1) de la Loi

[29] Le paragraphe 41(1) de la Loi énonce que la Commission est tenue de statuer sur toute plainte dont elle est saisie, sous réserve des exclusions prévues aux alinéas 41(1)a) à e). L’alinéa 41(1)e) fixe un délai d’un an entre une présumée infraction à la Loi et le dépôt d’une plainte à cet égard.

A. La position de l’intimée

[30] L’intimée soutient que l’alinéa 41(1)e) s’oppose à ce que les modifications contestées soient incluses dans la plainte initiale, parce qu’elles ne respectent pas le délai.

B. Analyse

[31] Je signale que l’alinéa 41(1)e) précise en outre que la Commission a le pouvoir de prolonger le délai d’un an à « […] tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances […] ».

[32] Je conclus donc que le délai d’un an n’est pas une contrainte stricte et automatique. Le libellé permet plutôt à la Commission, et par conséquent au Tribunal, d’examiner les situations pour déterminer si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire et prolonger le délai à ce qu’elle estime indiqué.

[33] J’ai pris en compte les situations suivantes :

  1. le délai de deux ans concernant le poste d’AIAQ et celui de deux ans et demi concernant la destitution des fonctions de chef d’équipe avant que le plaignant précise que les modifications contestées étaient en cause, conformément à la procédure de la Commission et du Tribunal;
  2. lorsque le plaignant a déposé la plainte initiale, le 16 août 2010, son grief relatifau salaire de chef d’équipe était toujours en instance;
  3. le plaignant allègue que le responsable des Ressources humaines de l’intimée (les RH) lui a dit qu’il devait d’abord avoir recours à la procédure de règlement des griefs avant de s’adresser à la Commission;
  4. je constate également que, dans la deuxième plainte, au numéro 2, le plaignant mentionnait que la destitution des fonctions de chef d’équipe constituait des représailles, bien qu’il ne l’ait pas précisé dans un paragraphe numéroté et plus détaillé. Il dépassait toujours la période d’un an prévue à l’alinéa 41(1)e) de la Loi, mais cela a été mentionné;
  5. le fait qu’il n’était pas représenté a eu pour conséquence qu’il ne pouvait rédiger ses plaintes avec la même finesse que celle d’un avocat;
  6. même si les lettres du plaignant rédigées à l’intention de la Commission en 2011, qui faisaient état de la destitution des fonctions de chef d’équipe et du refus de la possibilité d’un poste d’AIAQ, n’ont pas informé adéquatement l’intimée de ces questions, il a qualifié néanmoins la destitution de représailles et aurait peut-être cru que les faits faisaient partie de l’ensemble des modalités de règlement des plaintes;
  7. l’intimée emploie toujours le même personnel de gestion qui était responsable des présumés actes discriminatoires et de représailles dans les modifications contestées; celui-ci est disponible pour témoigner;
  8. la convention collective, bien qu’elle soit importante pour le grief du plaignant, n’est pas utile en ce qui a trait au délai prévu à l’alinéa 41(1)e) de la Loi.

[34] Pour les motifs ci-dessus, je conclus qu’il est raisonnable dans les circonstances de prolonger le délai prévu à l’alinéa 41(1)e) à la date du dépôt de la requête en modification du plaignant. L’alinéa en question n’interdit pas au Tribunal d’examiner la requête.

XII. La question de savoir si la destitution des fonctions de chef d’équipe constitue des représailles

[35] Selon l’article 14.1 de la Loi :

Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

A. La position du plaignant

[36] Le plaignant soutient qu’étant donné qu’il a avisé les RH de l’intimée, le 18 mai 2010, qu’il avait l’intention de déposer une plainte relative aux droits de la personne à la Commission, la destitution par l’intimée de ses fonctions de chef d’équipe constituait des représailles au sens de la Loi.

[37] Le plaignant affirme que la Commission l’avait informé de manière inexacte du fait que la destitution des fonctions de chef d’équipe ne pouvait constituer des représailles, parce que [traduction] « celle-ci était survenue avant que GE ait été avisée de sa plainte par la Commission ». Il fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû considérer que la lettre de mai 2010 du plaignant envoyée au service des RH de l’intimée qui avisait celui-ci de son intention de déposer une plainte auprès de la Commission représentait l’avis proprement dit de son dépôt. Par conséquent, la destitution par l’intimée de ses fonctions de chef d’équipe constituait des représailles en vertu de l’article 14.1 de la Loi.

B. La position de l’intimée

[38] L’intimée fait valoir que, compte tenu du libellé de l’article 14.1, la destitution des fonctions de chef d’équipe ne peut constituer des représailles en vertu de cet article, parce qu’elle est survenue avant que le plaignant ait déposé la plainte initiale, le 16 août 2010.

C. Analyse

[39] Le fait est que le plaignant a été démis de ses fonctions de chef d’équipe. Les documents renferment des éléments de preuve contradictoires qui soulèvent des questions sans réponse au sujet des circonstances de cet incident et du moment où il s’est produit. Par exemple, les éléments de preuve soulèvent des questions telles que : qui a dit quoi et quand; de quoi a-t-on discuté à la réunion du 29 octobre 2010 portant sur le grief; qu’est-ce qui constitue un avis de plainte relative aux droits de la personne.

[40] Ainsi, que la destitution des fonctions de chef d’équipe ait constitué ou non des représailles en vertu de la Loi n’est pas une question qui, je crois, peut ou devrait être tranchée à ce stade-ci de l’instance, mais plutôt après qu’une explication plus en détail des circonstances a été donnée à l’audience.

XIII. Abus de procédure

A. La position de l’intimée

[41] L’intimée soutient que la modification permettant à la plainte initiale d’inclure la destitution des fonctions de chef d’équipe constituerait un recours abusif à la Commission et au Tribunal, parce qu’un règlement obligatoire du grief du plaignant interdit de le faire. En janvier 2011, l’intimée et le plaignant ont réglé le grief de ce dernier au sujet de la destitution des fonctions de chef d’équipe par une entente selon laquelle l’intimée devait verser au plaignant le salaire de chef d’équipe pour la période allant du 27 octobre 2007 au 1er juillet 2010. L’intimée a payé le plaignant en conséquence. Si le Tribunal fait droit à cette modification et que le plaignant démontre le bien-fondé de ses allégations, il faudra donc débattre à nouveau une question qui a déjà été tranchée, ce qui entraînera une double attribution de dommages-intérêts. Au cours de l’audition de la requête, l’avocat de l’intimée a postulé qu’il était compris, que le plaignant aurait dû comprendre et que le règlement lui avait fait comprendre, que l’[traduction] « envers de la médaille » de ce règlement était que le plaignant avait cessé d’exercer les fonctions de chef d’équipe le 1er juillet 2010 et que l’affaire était classée.

[42] L’intimée affirme aussi qu’elle avait réglé la plainte initiale au niveau de la Commission, qu’elle avait dépensé des ressources et qu’elle avait pris des décisions en fonction des trois incidents mentionnés dans la plainte initiale, pour se rendre compte par la suite que la plainte initiale avait changé et que le plaignant avait essayé d’ajouter deux incidents qui s’étaient produits il y a longtemps. Si le Tribunal fait droit aux modifications contestées, il est donc possible que la plainte devienne, en effet, une [traduction] « cible mobile », avec une liste potentiellement sans fin d’incidents signalés de la part du plaignant. Cela constituerait un déni du droit fondamental de l’intimée à régler complètement la plainte initiale à l’étape de la Commission et constitue un recours abusif à la Commission et au Tribunal.

B. La position du plaignant

[43] Le plaignant fait valoir que l’ajout à la plainte de la destitution des fonctions de chef d’équipe ne constitue pas un abus de procédure, parce que son grief ne portait que sur le salaire de chef d’équipe et non sur une question des droits de la personne découlant de la destitution en question et que, par conséquent, il ne s’agit pas de débattre à nouveau une question qui a déjà été tranchée. L’inclusion de l’incident relatif au refus du poste d’AIAQ ne constitue pas non plus un abus de procédure ni ne transforme la plainte en une [traduction] « cible mobile », parce qu’elle avait été formulée dans la lettre d’août 2011 que la plaignante avait envoyée à la Commission et qu’elle fait partie de [traduction] « toutes les circonstances » relatives à la plainte.

C. Analyse

[44] J’ai pris en compte les éléments suivants, qui font partie des documents liés à la requête du plaignant et de l’intimée. Le grief (voir ci-dessous) est joint, en annexe « A », à la réponse à la requête de l’intimée, tout comme les courriels et les lettres.

  1. le 12 janvier 2010, le plaignant a déposé le grief 2010-3 (le grief) énonçant que l’intimée n’avait pas voulu lui verser la prime de cinq p. 100 (5 % ) relative à son travail à titre de chef d’équipe (salaire du chef d’équipe), ce qui contrevenait aux dispositions de la convention collective; il demandait une [traduction] « réparation complète »;
  2. en mai 2010, il a envoyé un courriel au service des RH pour lui faire part de son intention de déposer une plainte en matière de droits de la personne;
  3. le plaignant affirme que le service des HR lui aurait dit qu’il devait d’abord épuiser la procédure de règlement des griefs;
  4. en juin 2010, le service des RH a rejeté le grief relatif au salaire de chef d’équipe;
  5. le plaignant a interjeté appel de la décision du service des RH et a demandé de passer au [traduction] « palier suivant » de la procédure de règlement des griefs;
  6. le 16 août 2010, le plaignant a déposé la plainte initiale à la Commission et n’a pas inclus la destitution des fonctions de chef d’équipe;
  7. le 20 décembre 2010, le vice-président des RH a rédigé une communication à l’intention du syndicat pour lui signaler que le plaignant avait exercé les fonctions de chef d’équipe du 20 octobre 2007 au 1er juillet 2010, date de sa destitution, et que ce dernier s’était vu offrir le salaire de chef d’équipe pour cette période;
  8. le 5 janvier 2011, le syndicat a envoyé un courriel au service des RH pour l’informer qu’il acceptait l’offre au nom du plaignant et du syndicat;
  9. l’intimée a versé au plaignant la rémunération brute de chef d’équipe de 14 566,09 $, moins les retenues, comme convenu.

[45] En outre, même si la date à laquelle l’intimée a avisé le plaignant qu’il n’était plus chef d’équipe est contestée, quoi qu’il en soit, le plaignant a déposé le grief en janvier 2010, soit sept mois avant qu’il ne prétende lui-même qu’il était [traduction] « au courant » de sa destitution comme chef d’équipe en août 2010. Il allègue qu’en janvier, il exerçait toutes les fonctions de chef d’équipe, à l’exception d’une. Par conséquent, en janvier 2010, lorsqu’il a déposé le grief, le plaignant ne pouvait penser à son éventuelle destitution de ses fonctions de chef d’équipe par l’intimée; celle-ci ne pouvait donc faire partie du grief.

[46] Il ressort d’une lecture simple du grief que le sujet de ce dernier avait trait uniquement au fait que le salaire de chef d’équipe lui avait été refusé et non à la discrimination fondée sur l’âge ou aux représailles. Le libellé de l’offre du 20 décembre 2010 de l’intimée repose sur le principe que c’était le salaire de chef d’équipe qui était en cause et rien d’autre, parce que l’offre portait sur ce salaire et sur rien d’autre.

[47] Le salaire de chef d’équipe n’a pas suivi le même cours que la plupart des chefs de dommages et réparations demandés par le plaignant : réintégration dans ses fonctions de chef d’équipe; indemnisation pour préjudice moral et pratique discriminatoire appliquée de façon délibérée et inconsidérée.

[48] La période à laquelle le plaignant fait référence au paragraphe 77.3.viii de son EDP, qui demande [traduction] « une prime pour perte de revenu de 5 % à titre de chef d’équipe qui correspond à environ 11 488,95 $ », n’est pas claire. Si, à l’issue de l’examen, le plaignant a établi le bien-fondé de ses allégations relativement à sa destitution comme chef d’équipe et que le chef des dommages relatif au salaire de chef d’équipe chevauche la période pendant laquelle l’intimée a versé au plaignant le salaire de chef d’équipe conformément au règlement du grief, le Tribunal n’ordonnera pas que le paiement soit effectué en double.

[49] La question du refus d’attribuer le poste d’AIQA n’a jamais été tranchée. À mon avis, elle semble faire partie d’une série d’actes discriminatoires fondés sur l’âge dont le plaignant aurait fait l’objet. Je ne vois donc pas son inclusion dans la plainte initiale comme constituant un abus de procédure.

[50] Pour les motifs qui précèdent, je conclus qu’il n’y aura pas abus de procédure si le Tribunal fait droit à la requête d’inclure les modifications contestées dans la plainte initiale.

XIV. « Situation essentielle » ou « lien »

A. La position de l’intimée

[51] Outre les motifs énoncés ci-dessus concernant les modifications contestées, l’intimée fait valoir que le poste d’AIAQ aurait représenté une promotion pour le plaignant, plutôt qu’une occasion de formation, à l’instar des autres incidents mentionnés dans la plainte initiale. Par conséquent, les circonstances relatives au poste d’AIAQ portaient sur une question différente et constituaient une nouvelle plainte.

[52] L’intimée affirme que le poste d’AIAQ n’entre donc pas dans les cadres de la « situation essentielle » de la plainte initiale, situation qui, selon l’intimée, est comprise dans les trois présumés incidents signalés dans la plainte initiale, lesquels avaient tous trait aux possibilités de formation ou d’affectation dans le cadre du poste occupé par le plaignant. L’intimée cite le jugement Tran c Canada Revenue Agency, 2010 CHRT 31 (Tran), où le Tribunal a refusé de faire droit à des modifications parce que celles-ci n’entraient pas dans les cadres de la « situation essentielle » de la plainte initiale de Mme Tran.

[53] La destitution des fonctions de chef d’équipe n’entre pas non plus dans les cadres de la « situation essentielle ». De l’avis de l’intimée, les présumées représailles (que l’intimée qualifie de [traduction] « représailles préexistantes » (paragraphe 37, la réponse de l’intimée à la requête) [traduction] « auraient pu et auraient dû » (idem) être ajoutées à la plainte initiale, mais ne l’ont pas été. Elles sont donc exclues du « fond » de la plainte.

B. La position du plaignant

[54] Le plaignant soutient que le critère relatif aux modifications contestées devrait consister à savoir si les « [...] faits sont plutôt le résultat des actes discriminatoires allégués qui étaient survenus avant le dépôt de la plainte » et que cela s’applique lorsqu’un plaignant allègue une série d’événements continus. Le Tribunal était de cet avis après avoir tranché l’affaire Parent, 2005 TCDP 37. Le plaignant soutient que la plainte initiale et la deuxième plainte font état d’incidents continus de refus de la part de l’intimée de lui offrir des possibilités d’affectation et de formation en raison d’une discrimination fondée sur l’âge. Les modifications contestées sont liées aux événements et à la situation allégués par le plaignant dans la plainte initiale et en sont le résultat. Les modifications contestées établissent l’existence d’un lien à la plainte initiale et à la deuxième plainte puisqu’elles font partie d’une série d’actes discriminatoires fondés sur l’âge allégués par le plaignant.

C. Analyse

[55] Dans Tran, la plainte initiale portait sur des actes discriminatoires fondés sur la situation de famille et des représailles faisant suite à une plainte en matière des droits de la personne. Les modifications demandées par Mme Tran avaient trait à des actes discriminatoires fondés sur le sexe, l’origine nationale ou ethnique (retirée par la suite), la race, la couleur et l’alinéa 10a) de la Loi (Tran, précité, aux paragraphes 10 et 11). Le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de [traduction] « [...] lien logique ou de lien [...] » entre les faits de la plainte initiale et [traduction] « [...] les allégations d’autres motifs de distinction illicites » dans les modifications demandées (Tran, précité, au paragraphe 17). Au contraire, les modifications proposées étaient tellement différentes de la plainte initiale qu’elles constituaient une [traduction] « plainte fondamentalement nouvelle », et ont donc été refusées.

[56] Contrairement à Tran, le fondement des allégations de M. Blodgett, que ce soit dans la plainte initiale, la deuxième plainte ou les modifications contestées, ne change pas : les allégations ont toujours trait à la discrimination et à la différence de traitement fondées sur l’âge, en contravention avec l’article 7. En outre, il allègue que certains de ces actes discriminatoires fondés sur l’âge constituaient des représailles et du harcèlement aux termes de la Loi.

[57] Que le critère pour faire droit aux modifications contestées ait trait au fait que celles-ci fassent partie de la [traduction] « situation essentielle » de la plainte initiale ou que le critère ait trait au fait qu’elles soient liées aux éléments figurant dans la plainte initiale, si une série d’actes discriminatoires persistants est allégué, j’estime que les modifications contestées satisfont à ces critères. Le type de discrimination présumée dans les modifications contestées – à savoir, en fonction de l’âge – ne diffère pas de la plainte initiale; le personnel de gestion concerné est le même; le groupe d’employés faisant partie du groupe du plaignant n’est pas modifié de façon importante; les incidents allégués résultent toujours du même type de situation en milieu de travail : le refus d’offrir au plaignant des possibilités d’affectation et de formation, prétendument en raison d’actes discriminatoires fondés sur l’âge. Les représailles et le harcèlement allégués résultent du même motif de discrimination, sauf que les circonstances de certains des incidents constituent également du harcèlement et des représailles, selon le plaignant. Les modifications contestées semblent faire partie intrinsèque de l’exposé de tous les faits et, si elles étaient exclues, le Tribunal ne pourrait pas évaluer entièrement la preuve des parties ou obtenir un exposé complet des plaintes.

XV. Observations à la suite de l’audience concernant trois affaires

A. La position du plaignant

[58] Le plaignant fait valoir que la décision Air Canada (précitée) défend l’idée selon laquelle c’est la lettre de renvoi que la Commission a transmise au Tribunal, ainsi que la plainte qui y est jointe, qui détermine si la Commission a renvoyé l’intégralité de la plainte et non le rapport d’enquête ou d’autres documents de la Commission. Si cette dernière veut limiter la portée d’une plainte, elle emploiera une formulation précise à cette fin.

[59] Par conséquent, parce que la plainte initiale allègue une [traduction] « tendance » à la discrimination fondée sur l’âge, toute allégation qui s’y rapporte se rattache à la plainte et les modifications contestées aussi.

[60] Le plaignant soutient que le type de modifications qu’il demande est le même que celui que le plaignant dans Parent (précitée) a réussi à obtenir, du fait que la plainte initiale et les modifications demandées ont été et sont liées par un « facteur commun » - dans Parent (précitée) : l’état de santé du plaignant; dans la présente plainte : les actes discriminatoires fondés sur l’âge, dont certains constituaient des représailles et du harcèlement en vertu de la Loi.

[61] Le plaignant fait valoir que la décision ACET (précitée) appuie la proposition selon laquelle le Tribunal devrait faire droit aux modifications qui rectifient les erreurs de la Commission, si aucun préjudice n’est causé.

[62] Dans la présente plainte, la Commission a donné un conseil erroné au plaignant [que la destitution des fonctions de chef d’équipe ne pouvait constituer des représailles en vertu de la Loi et qu’il devait déposer une plainte distincte, et c’est pourquoi il a déposé la deuxième plainte] et, parce qu’aucun préjudice n’est causé à l’intimée si le Tribunal inclut les modifications contestées dans la plainte initiale, le Tribunal devrait appliquer la décision ACET et faire droit à la requête en modification.

B. La position de l’intimée

[63] L’intimée soutient que la décision Parent (précitée) défend la nécessité d’appliquer les principes d’équité procédurale et de justice naturelle à toutes les parties à une plainte. Elle fait valoir que, en ce qui concerne l’autorisation de modifications, la décision Parent (précitée) appuie l’exigence selon laquelle aucun préjudice ne doit être causé à l’intimée pour qu’une modification soit autorisée.

[64] L’ajout des modifications contestées à la plainte initiale à ce stade du processus occasionnera des frais supplémentaires à l’intimée et paralysera le processus en matière de préjudice et causera une injustice à l’égard de l’intimée. Cette dernière fait valoir que, contrairement à la décision Parent (précitée), l’inclusion des modifications contestées dans la plainte initiale causerait un préjudice fondamental, irréparable et injuste.

[65] L’intimée soutient que la décision Parent (précitée) confirme également que le critère pour autoriser une modification est que celle-ci doit faire partie de la même [traduction] « situation essentielle » mise en évidence dans la plainte.

[66] L’intimée considère que les décisions Air Canada et ACET (toutes deux précitées) sont des exemples de la façon dont les modifications demandées doivent avoir été expressément traitées ou relevées par la Commission pour que le Tribunal puisse les ajouter à une plainte. L’intimée fait valoir que, parce que les modifications contestées n’ont pas été traitées en particulier d’une manière ou d’une autre par la Commission, elles ne peuvent faire partie du renvoi de la Commission au Tribunal.

C. Analyse

[67] Je juge que la décision Air Canada (précitée) défend le principe, à moins que la Commission en limite clairement la portée, adopté par cette dernière pour renvoyer l’intégralité [non souligné dans l’original] d’une plainte au Tribunal, nonobstant les recommandations d’un enquêteur de la Commission visant à exclure certaines des allégations avancées par le plaignant.

[68] À mon avis, dans la décision CTEA (précitée), la Cour fédérale confirme que la jurisprudence dit clairement « […] que le Tribunal a la compétence de modifier les plaintes de discrimination » (CTEA, au paragraphe 30). Elle confirme également que, même si la décision d’autoriser une modification est discrétionnaire, en règle générale, une modification doit être autorisée « […] lorsque la partie adverse n’en subit aucun préjudice » (CTEA, au paragraphe 31).

[69] La Cour fédérale dans Parent (précitée) appuie la proposition selon laquelle les modifications qui sont liées par des similitudes – le « facteur commun » - aux allégations contenues dans la plainte initiale devraient être autorisées, sauf lorsqu’un préjudice est causé aux autres parties. La décision Parent confirme aussi le pouvoir du Tribunal de modifier les plaintes « [...] aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties » (Parent, précitée, au paragraphe 30). Dans Parent, même si la Commission n’avait pas traité en particulier la modification demandée, la Cour fédérale a confirmé la décision du Tribunal de modifier la plainte.

[70] Je conclus qu’il existe, tout comme dans Parent, un facteur commun entre les modifications contestées et la plainte initiale. Comme dans Air Canada, le fait d’inclure les modifications contestées dans la plainte initiale fera en sorte que l’intégralité de la plainte sera portée devant le Tribunal.

XVI. La question du préjudice

[71] Dans Parent, la Cour fédérale a déclaré que « […] la modification de la plainte ne devrait pas être autorisée si elle cause un préjudice injuste à l’autre partie » (Parent, précitée, au paragraphe 16)

A. La position de l’intimée

[72] L’intimée affirme qu’il s’est écoulé deux années et demie avant que le plaignant signale la destitution de ses fonctions de chef d’équipe et deux années avant qu’il ne signale l’incident relatif au poste d’AIAQ et qu’il ne demande les modifications en question. Ces délais ont intrinsèquement et fondamentalement causé un préjudice à l’intimée qui a perdu l’occasion de recueillir et de conserver les éléments de preuve, aussi bien les éléments de preuve documentaires que les éléments de preuve présentés par des témoins dont les souvenirs se sont estompés. Cette perte ne peut jamais être compensée. En outre, l’intimée a perdu l’occasion de répondre aux allégations [traduction] « en temps opportun ».

[73] L’intimée fait aussi valoir que ces délais signifient que la Commission n’a pas donné suite comme il convient à ces allégations, qui n’ont même pas été déposées à la Commission. Selon l’intimée, le fait d’autoriser les modifications contestées constituerait un [traduction] « contournement » du processus nécessaire de la Commission et priverait l’intimée des procédures d’enquête et de conciliation de cette dernière.

B. La position du plaignant

[74] Le plaignant soutient que la partie invoquant un préjudice doit démontrer l’existence d’un préjudice « effectivement subi » qui est [traduction] « assez important pour nuire à l’équité de l’audience » comme dans Cook c Première nation d’Onion Lake, 2002 TCDP CanLII 45929 (Cook c Onion Lake).

[75] Le plaignant fait observer que le délai en soi n’est pas équivalent à un préjudice. Il nie de toute façon qu’il y ait eu un délai, parce que, le plus tôt possible après que le plaignant a fait appel à un avocat, il a présenté la requête – en même temps que son EDP, soit en décembre 2012. L’intimée est donc au courant des modifications contestées au moins depuis cette date.

C. Analyse

[76] J’ignore à quelle étape du processus de la Commission en était rendue la deuxième plainte lorsque cette dernière a reçu les consentements du plaignant et de l’intimée au renvoi immédiat devant le Tribunal, mais le consentement de l’intimée indique une volonté de se priver des processus de la Commission dans certaines circonstances. Il était raisonnable que l’intimée traite la deuxième plainte comme elle l’a fait et qu’elle n’ait pas soulevé la question du préjudice. Je conclus que, dans ces circonstances également, comme dans Parent, précitée, le fait que certains des processus de la Commission puissent être court-circuités n’équivaudra pas à un [traduction] « contournement » des processus de la Commission et ne causera pas un préjudice à l’intimée. Chaque fois qu’elles en ont besoin, le Tribunal permet aux parties d’assister à des séances de médiation et d’engager des discussions de conciliation. Celles-ci ne sont pas seulement offertes par la Commission.

[77] En outre, en plus de ce qui précède, j’ai pris en considération le fait que le même personnel de gestion qui a pris part aux décisions de démettre le plaignant de ses fonctions de chef d’équipe et de ne pas lui offrir le poste d’AIAQ est encore à l’emploi de l’intimée et qu’il peut témoigner, notamment à l’audience. J’ai également pris en considération le fait que la deuxième plainte qualifie de mesure de représailles la destitution des fonctions de chef d’équipe et que l’intimée était au courant de la deuxième plainte depuis environ octobre 2012. En outre, l’intimée savait depuis décembre 2012 que le plaignant avait présenté une requête en vue de modifier la plainte. L’EDP de l’intimée peut répondre aux modifications contestées (ainsi qu’à la plainte initiale et à la deuxième plainte) et l’intimée peut aussi fournir des éléments de preuve documentaires à leur sujet. En outre, afin d’atténuer les inconvénients que l’autorisation des modifications pourrait causer à l’intimée, le Tribunal peut accorder à cette dernière un délai supplémentaire pour déposer son EDP et des documents.

[78] Je conclus donc que l’intimée ne subira pas de préjudice si les modifications contestées sont autorisées et que le fait de les autoriser ne nuira pas à l’équité de l’audience.

[79] Je tiens à signaler que l’accueil de la présente requête en modification ne change pas le fardeau qui incombe au plaignant de démontrer le bien-fondé de ses allégations, y compris des modifications, lors de l’audience. Comme la Cour fédérale l’a affirmé dans Parent, précitée (au paragraphe 14), le plaignant « [...] aura le fardeau de prouver […] » ses allégations « […] par la suite ».

XVII. Ordonnance

  1. Avec le consentement des parties, la plainte initiale est modifiée par l’ajout de la deuxième plainte.
  2. La plainte initiale est modifiée par l’ajout des modifications contestées, ainsi qu’il est plus particulièrement énoncé dans la requête en modification du plaignant aux paragraphes 9 à 25.
  3. Si, à l’issue de l’examen, le plaignant a démontré que l’intimée l’avait démis de ses fonctions de chef d’équipe pour des motifs de distinction illicites fondés sur l’âge ou en guise de représailles, en contravention avec la Loi canadienne sur les droits de la personne, le plaignant n’aura pas droit à une ordonnance exigeant que l’intimée lui verse la prime de cinq p. 100 (5 %) relative à son travail à titre de chef d’équipe pour la période allant du 27 octobre 2007 au 1er juillet 2010, et le Tribunal ne rend pas une telle ordonnance.
  4. L’intimée doit signifier et déposer un exposé des précisions modifié en réponse à la plainte initiale, ainsi qu’elle a été modifiée par les présentes, au plus tard dans les six (6) semaines suivant la date de la présente décision.
  5. Le plaignant doit signifier et déposer une réplique à l’exposé des précisions modifié de l’intimée, au plus tard dans les dix (10) jours suivant la date à laquelle l’avocat du plaignant reçoit la signification de l’exposé des précisions modifié de l’intimée.

Signée par

Olga Luftig

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 3 octobre 2013


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossiers du tribunal : T1866/9612 & T1947/2713

Intitulé de la cause : Brian Blodgett c. GE-Hitachi Nuclear Energy Canada Inc.

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 3 octobre 2013

Date et lieu de l’audience : Le 1er mai 2013

Par téléconférence

Comparutions :

David Baker et Sarah Mohamed, pour le plaignant

Ikram Warsame , pour la Commission canadienne des droits de la personne

John J. Bruce, pour l'intimée

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