Contenu de la décision
Tribunal canadien |
|
Canadian Human |
Référence : 2025 TCDP
Date : Le
Numéros des dossiers :
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Entre :
les plaignants
- et -
Commission canadienne des droits de la personne
la Commission
- et -
les intimés
Décision sur requête
Membre :
I. APERÇU
[1] Voici les motifs pour lesquels j’ai décidé de suspendre ces plaintes jusqu’au 22 septembre 2025 et d’examiner leur statut lorsque j’aurai reçu de plus amples renseignements des parties.
[2] Les plaignants, qui sont tous de nationalité iranienne, allèguent avoir été victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale ou ethnique puisque le traitement de leurs demandes de résidence permanente, de visa ou de citoyenneté a été retardé. Dans le cadre de ces plaintes, les intimés sont Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité, que j’appellerai collectivement « les intimés ».
[3] Le Tribunal a exposé certains éléments du contexte de ces plaintes dans l’affaire Irannejad et al. c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, Agence des services frontaliers du Canada et Service canadien du renseignement de sécurité, 2024 TCDP 23 [Irannejad].
[4] Aux fins de l’espèce, voici les principaux événements qui jalonnent la chronologie de ces plaintes :
· En 2018, les plaignants ont déposé leurs plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »).
· La Commission a initialement renvoyé les plaintes au Tribunal à la fin de 2020/début 2021 (le « renvoi initial »).
· Après que les plaintes eurent été renvoyées au Tribunal, les intimés ont soulevé des préoccupations en matière de sécurité nationale et ont demandé à la Commission de transmettre les plaintes à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (l’« OSSNR ») en vertu de l’alinéa 45(2)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la « LCDP »).
· La Commission a accédé à la demande et a renvoyé les plaintes à l’OSSNR.
· Le 2 novembre 2020, le Tribunal a, en attendant l’issue de l’enquête de l’OSSNR, mis en suspens les plaintes que lui avait initialement renvoyées la Commission.
· L’OSSNR a remis son rapport à la Commission le 13 mars 2023.
· En octobre 2023, la Commission a de nouveau renvoyé les plaintes au Tribunal (le « renvoi renouvelé »).
· Les intimés ont déposé une demande auprès de la Cour fédérale en vue d’obtenir le contrôle judiciaire du rapport d’enquête de l’OSSNR (T-427-23), ainsi qu’une autre demande en vue d’obtenir le contrôle judiciaire du renvoi renouvelé (T-1351-24). Les plaignants ont été désignés comme parties au contrôle judiciaire du renvoi de la Commission. Toutefois, ils ne semblent pas avoir été désignés comme parties intéressées dans le cadre du contrôle judiciaire du rapport de l’OSSNR.
· La Cour fédérale a, en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire du rapport de l’OSSNR, mis en suspens la demande présentée par les intimés en vue d’obtenir le contrôle judiciaire du renvoi renouvelé.
· Le Tribunal a mis fin à la mise en suspens des plaintes initialement renvoyées. Il a ensuite rejeté la demande faite par les intimés pour que la mise en suspens soit maintenue jusqu’à ce que les demandes de contrôle judiciaire soient tranchées (Irannejad, aux par. 42 et 48).
· En juin 2025, la Cour fédérale a rendu sa décision dans le cadre de la demande présentée par les intimés en vue d’obtenir le contrôle judiciaire du rapport de l’OSSNR (Canada (Procureur général) c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2025 CAF 1137 [Canada c. CCDP]). Dans cette décision, le juge Brown a annulé le rapport et a renvoyé l’affaire à un autre membre de l’OSSNR pour qu’il rende une nouvelle décision. Il a notamment conclu que le rapport était [traduction] « fondamentalement lacunaire », manquait de rigueur et enfreignait le principe de l’équité procédurale puisque l’OSSNR n’avait pas donné aux intimés la possibilité pleine et équitable de présenter leurs observations.
· La mise en suspens de la demande présentée par les intimés en vue d’obtenir le contrôle judiciaire du renvoi renouvelé de la Commission est terminée, mais la Cour fédérale ne semble avoir pris aucune mesure à cet égard.
[5] Dans une lettre datée du 15 juillet 2025, j’ai demandé aux parties de me faire part de leur position quant à ce qui devrait advenir de ces plaintes compte tenu des circonstances susmentionnées. Plusieurs plaignants ont répondu à ma lettre et ils étaient tous d’avis que le Tribunal devait instruire les plaintes. Pour leur part, la Commission et les intimés étaient d’avis que le Tribunal devait mettre les plaintes en suspens en attendant que l’OSSNR produise un nouveau rapport et que la Commission rende ensuite une nouvelle décision.
II. QUESTION EN LITIGE
[6] Dans la présente décision sur requête, le Tribunal doit déterminer s’il convient d’instruire les plaintes à ce stade-ci.
III. DÉCISION
[7] À mon avis, il convient de mettre ces plaintes en suspens jusqu’au 22 septembre 2025 et d’examiner leur statut lorsque j’aurai reçu de plus amples renseignements concernant l’état d’avancement (i) de la demande présentée par les intimés en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision de renvoi de la Commission et (ii) du nouvel examen de l’OSSNR.
IV. ANALYSE
[8] Je dois commencer par reconnaître que beaucoup de temps s’est écoulé depuis que les plaignants ont déposé leurs plaintes et que ceux-ci subissent toujours les effets du retard pris dans le règlement de cette affaire. Cependant, je dois déterminer quelles sont les étapes qu’il convient de suivre à la lumière des réalités de cette affaire, y compris la décision rendue par le juge Brown dans Canada c. CCDP.
[9] Je suis d’accord avec les plaignants pour dire que le Tribunal tire sa compétence de la décision de renvoi de la Commission, et non d’un rapport d’enquête sur lequel est fondée cette décision (par. 44(3), 49(1) et (2) de la LCDP). La décision de renvoi de la Commission n’a pas été annulée par la Cour fédérale vu que la demande de contrôle judiciaire de cette décision est toujours en instance. Cela dit, je dois tenir compte de la décision dans laquelle le juge Brown a conclu que le rapport de l’OSSNR sur lequel se fondait le renvoi de la Commission présentait des lacunes fondamentales et n’était pas exhaustif. Je dois également tenir compte de la jurisprudence selon laquelle une décision de la Commission peut être annulée si elle repose sur une enquête lacunaire : voir, par exemple, Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne) (1re inst.), 1994 CanLII 3463 (CF), citée par le juge Brown dans sa décision.
[10] À ce stade, il semble que la Cour fédérale n’ait encore pris aucune mesure concernant la demande présentée par les intimés en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision de renvoi de la Commission. De plus, je ne dispose d’aucune information sur l’état d’avancement de l’examen de ces plaintes que doit effectuer l’OSSNR conformément à la décision du juge Brown.
[11] Compte tenu de tout ce qui précède, j’estime qu’il convient de mettre temporairement ces plaintes en suspens jusqu’à ce que les parties fournissent de plus amples renseignements sur (i) l’état d’avancement du contrôle judiciaire de la décision de renvoi de la Commission et (ii) l’état d’avancement du nouvel examen de l’OSSNR. Suivant le paragraphe 46(1) de la LCDP, l’OSSNR est tenu de transmettre ses conclusions à toutes les parties au plus tard 90 jours après qu’une affaire lui a été transmise, à moins que la Commission prolonge ce délai. En l’espèce, l’affaire a été renvoyée à l’OSSNR conformément à la décision du juge Brown, qui est datée du 24 juin 2025. Le délai de 90 jours expire donc le 22 septembre 2025. En conséquence, je mets les plaintes en suspens jusqu’à cette date. Par ailleurs, je donne ci-dessous des instructions aux parties afin qu’elles me fournissent des renseignements à jour sur l’état d’avancement (i) de la demande présentée par les intimés en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision de renvoi de la Commission et (ii) du nouvel examen de l’OSSNR.
V. INTITULÉ
[12] Certaines de ces plaintes ont été renvoyées par la Commission en tant que « plaintes collectives ». Ces plaintes sont maintenant toutes distinctes, mais, pour le moment, le Tribunal les traite ensemble sur le plan administratif, car elles sont étroitement liées. C’est pourquoi je rends une seule décision, que le greffe enverra à tous les plaignants. Dans l’intitulé, j’ai utilisé le nom du plaignant dont le nom de famille apparaît en premier dans l’ordre alphabétique.
VI. ORDONNANCES
[13] Le Tribunal ordonne ce qui suit :
a. Les plaintes seront mises en suspens jusqu’au 22 septembre 2025.
b. D’ici le 22 septembre 2025, les parties doivent informer le Tribunal :
i. des mesures qu’elles ont prises pour que la Cour fédérale examine la demande présentée par les intimés en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision de renvoi de la Commission et de l’état d’avancement de la demande, sans oublier les dates d’audience qui auraient été fixées.
ii. de l’état d’avancement du nouvel examen de l’OSSNR, y compris toute demande de prolongation.
c. Je reconnais que l’un des plaignants a déposé une demande pour que soient divulgués des renseignements détenus par les intimés. Compte tenu de ce qui précède, je traiterai cette demande lorsque le Tribunal instruira les plaintes.
Signée par
Membre du Tribunal
Ottawa (Ontario)
Le
Tribunal canadien des droits de la personne
Parties au dossier
Numéros des dossiers du Tribunal :
Intitulé de la cause :
Date de la
Requête traitée par écrit sans comparution des parties
Observations écrites par :
Christine Singh et Sarah Chênevert-Beaudoin, pour la Commission canadienne des droits de la personne