Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2025 TCDP 39

Date : Le 12 mai 2025

Numéro du dossier : HR-DP-2845-22

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Frank Kim

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service correctionnel du Canada

l’intimé

Décision

Membre : Athanasios Hadjis

 



I. APERÇU

[1] Frank Kim, le plaignant, est un délinquant détenu à l’établissement de La Macaza géré par le Service correctionnel du Canada (le « SCC »), qui a qualité d’intimé dans la présente affaire. Dans sa plainte pour atteinte aux droits de la personne, il affirme que le SCC a exercé des représailles contre lui parce qu’il avait déposé deux autres plaintes pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »).

[2] M. Kim soutient qu’une psychologue travaillant pour le SCC a préparé un rapport pour son audience de libération conditionnelle, dans lequel elle a revu à la hausse le niveau de risque qu’il représentait après avoir tiré des inférences négatives de son recours à la procédure de règlement des plaintes et des griefs du SCC. Il soutient qui plus est que le recours à cette procédure était inextricablement lié à ses deux plaintes pour atteinte aux droits de la personne. La Commission des libérations conditionnelles du Canada (la « CLCC ») a rejeté sa demande de libération conditionnelle.

[3] Le SCC soutient que la psychologue n’avait pas connaissance des plaintes pour atteinte aux droits de la personne présentées par M. Kim et qu’elle n’en a pas tenu compte dans son rapport. Ses conclusions étaient fondées sur son évaluation et ne constituaient pas des mesures de représailles.

II. DÉCISION

[4] M. Kim n’a pas prouvé que les passages du rapport de la psychologue relatifs aux « plaintes et griefs » avaient valeur de représailles pour les plaintes pour atteinte aux droits de la personne qu’il avaient déposées.

III. QUESTIONS EN LITIGE

[5] M. Kim allègue que le SCC a enfreint l’article 14.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985 c. H -6 (la « LCDP ») en exerçant des représailles contre lui parce qu’il avait déposé des plaintes pour atteinte aux droits de la personne contre le SCC. Je dois donc trancher les questions suivantes :

1) M. Kim a-t-il déposé des plaintes pour atteinte aux droits de la personne contre le SCC au titre de la LCDP?

2) Le SCC ou toute personne agissant en son nom ont-ils traité M. Kim de manière défavorable à la suite du dépôt de ses plaintes?

3) Les plaintes pour atteinte aux droits de la personne ont-elles joué un rôle dans le traitement défavorable?

IV. CONTEXTE

[6] En 1999, M. Kim a été condamné pour de multiples crimes sexuels. En 2000, il a été déclaré délinquant dangereux et condamné à une peine de détention pour une période indéterminée. Depuis 2011, il purge sa peine à l’établissement de La Macaza, un établissement à sécurité moyenne situé dans la région des Laurentides, au Québec.

[7] Le SCC est l’agence fédérale créée en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la « LSCMLSC »), qui est responsable de la prise en charge et de la garde des délinquants condamnés à une peine d’emprisonnement de plus de deux ans. Le commissaire du Service correctionnel du Canada (le « commissaire ») a toute autorité sur le SCC et tout ce qui s’y rattache (au par. 6(1) de la LSCMLC). L’article 90 de la LSCMLC exige la mise en place d’une procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants. En conséquence, une telle procédure a été mise en place dans le cadre de la Directive du commissaire 081 (la « DC-081 »). Les directives du commissaire sont identifiées par le préfixe « DC ». Comme indiqué au paragraphe 7 de la DC-081, la procédure comprend trois paliers :

  1. Plainte écrite — présentée par le délinquant à l’établissement/au bureau de libération conditionnelle du district et traitée par le surveillant du membre du personnel ayant pris la mesure ou la décision faisant l’objet du grief;
  2. Grief initial — présenté au directeur de l’établissement/du district;
  3. Grief final (palier national) — présenté au commissaire.

[8] S’il n’est pas satisfait de la décision rendue au palier national, le plaignant peut présenter une demande de révision judiciaire à la Cour fédérale (paragraphe 15 de la DC-081).

A. La première plainte de M. Kim pour atteinte aux droits de la personne

[9] M. Kim s’est blessé au bras à un moment ou un autre avant 2014, ce qui l’a empêché d’exercer l’activité rémunératrice qu’il effectuait au sein de l’établissement. Il a demandé qu’on le mute à un poste qui serait adapté à ses besoins, mais il affirme qu’aucun ne lui a été proposé, notamment parce qu’il ne parlait pas français. Il a donc déposé une plainte auprès du personnel du SCC, dans laquelle il réclamait qu’un certain nombre de mesures correctives soient apportées. Sa plainte a été en grande partie rejetée.

[10] M. Kim a ensuite déposé un grief dans lequel il affirmait faire l’objet de discrimination fondée sur l’origine ethnique, la langue et une déficience d’ordre médical. Comme ce grief a été rejeté, M. Kim a présenté un grief final, qui a également été rejeté en décembre 2014.

[11] M. Kim a ensuite déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission (la « plainte de 2014 ») à ce même sujet. Aucune copie de la plainte pour atteinte aux droits de la personne n’a été présentée lors de l’audition, mais je crois comprendre que M. Kim alléguait dans la plainte qu’il avait fait l’objet d’une discrimination fondée sur sa déficience. M. Kim et le SCC sont parvenus, en 2016, à un règlement de la plainte de 2014.

B. La deuxième plainte de M. Kim pour atteinte aux droits de la personne

[12] En juin 2014, M. Kim a déposé auprès du personnel une autre plainte fondée sur la DC-081. Il a déclaré qu’il souhaitait se convertir à la religion wiccane, mais que l’établissement de La Macaza ne le lui permettait pas. Il a affirmé qu’on ne lui avait pas permis de commander des livres religieux ou d’avoir accès à des services wiccans et à un prêtre. M. Kim n’était pas satisfait de la réponse à cette plainte et il a déposé un grief au premier palier. Le directeur par intérim de l’établissement a répondu que l’affaire avait été réglée et qu’aucune autre mesure n’était nécessaire. M. Kim n’était pas non plus satisfait de cette réponse et il a déposé un grief au palier suivant, lequel a été partiellement rejeté en décembre 2016.

[13] En octobre 2017, M. Kim a déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission à ce sujet (la « plainte de 2017 »). Il a allégué que le SCC avait commis un acte discriminatoire fondé sur la religion. Il a mentionné dans sa plainte la réponse qu’il avait reçue à son grief final.

[14] La Commission a renvoyé la plainte de 2017 au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») pour instruction. Les parties ont réglé la plainte de 2017 le 3 septembre 2019.

[15] J’emploierai le terme « les plaintes pour atteintes aux droits de la personne en cause » pour désigner les plaintes de 2014 et de 2017.

C. Le rapport d’évaluation initial de la psychologue

[16] M. Kim avait demandé à la CLCC de tenir une audience en vue d’obtenir une semi-liberté et une libération conditionnelle totale. Cette audience avait été fixée au 23 octobre 2018.

[17] Avant l’audience, l’agente de libération conditionnelle en établissement (l’« ALCE »), Mme Marie-Josée Meloche, a demandé à ce que M. Kim soit évalué par un psychologue afin de déterminer son niveau de risque. La psychologue, Mme Vanessa Leo, est titulaire d’un doctorat en psychologie clinique et est employée par le SCC. Elle a déclaré que les évaluations des risques sont fondées sur des entretiens menés avec le délinquant, un examen du dossier et des conversations avec les membres de l’équipe de gestion du cas du délinquant (l’« EGC »), qui comprend l’ALCE. Des outils actuariels sont ensuite utilisés pour déterminer le niveau de risque que présente le délinquant pour le type de sortie envisagé.

[18] Les évaluations des risques ont pour but d’aider la CLCC à se faire une opinion et à aider les membres de l’EGC à formuler les recommandations qu’ils entendent présenter à la CLCC. Elles sont valides pour une durée maximale de deux ans. Quoi qu’il en soit, la CLCC n’est pas tenue de tenir compte des évaluations, et Mme Leo a déclaré avoir constaté que la CLCC ne suivait pas toujours les recommandations formulées dans les évaluations.

[19] Mme Leo travaille au Centre fédéral de formation du SCC et s’est entretenue avec M. Kim par vidéoconférence pendant environ deux heures et demie à trois heures le 7 août 2018. Elle ne l’avait jamais rencontré auparavant. Elle a publié son rapport le 13 août 2018.

[20] Mme Leo indique dans son rapport que son évaluation visait à mieux comprendre ce qui avait poussé M. Kim à avoir des comportements déviants et à évaluer le risque qu’il commette des actes violents. Elle a ajouté que, lorsqu’un délinquant est considéré comme un délinquant sexuel, il doit obligatoirement faire l’objet d’une évaluation psychologique. Mme Leo a relevé que, en plus de s’être entretenue avec M. Kim, elle a examiné son dossier de l’établissement et contacté son ALCE.

[21] Trois outils actuariels ont été utilisés pour évaluer M. Kim : le premier (la 2e édition de l’échelle de psychopathie révisée de Hare, ou PCL-R) est utilisé pour tous les délinquants et les deux autres, présentés ci-dessous, sont utilisés pour les délinquants sexuels :

1) Statique-99R (pour l’évaluation du risque de récidive sexuelle/violente sur la base de facteurs statiques)

2) Stable-2007 (pour l’évaluation du risque de récidive sexuelle/violente sur la base de facteurs dynamiques).

[22] Comme je l’explique plus loin dans la présente décision, le rapport de Mme Leo a finalement été modifié, mais l’original, publié le 13 août 2018, comptait environ 11 pages. La plainte de M. Kim dont il est question en l’espèce repose essentiellement sur les passages du rapport de Mme Leo (trois paragraphes) où il est question des nombreuses plaintes et des nombreux griefs qu’il a déposés. J’ai reproduit ci-dessous le libellé de chaque paragraphe et mis en évidence les passages en cause :

Page 8, dans la section intitulée [traduction] « Rendement en établissement » :

[traduction]
Les accusations d’infraction disciplinaire portées contre M. Kim ont été retirées ou rejetées, à l’exception d’une infraction mineure commise en 2001 (possession d’espadrilles que sa mère lui avait apportées). Il convient de noter que M. Kim a déposé nombre de plaintes et de griefs depuis qu’il est incarcéré (demande d’une cellule individuelle, demande d’un régime sans gluten, demande de chaînes de films en anglais, demande de modification de certains rapports, etc.) Il adresse ses plaintes directement au directeur de l’établissement malgré s’être fait dire de les transmettre aux membres du personnel concernés. Lors de notre entretien, il a expliqué qu’il procédait ainsi parce que ce sont des décisions qui reviennent au directeur et qu’il n’a jamais été réprimandé pour avoir mal appliqué la procédure de règlement des griefs.

Page 9, dans la section intitulée [traduction] « Impressions cliniques » :

[traduction]
M. Kim a suivi avec succès le programme pour délinquants sexuels ainsi que plusieurs programmes de maintien des acquis. Il n’est pas surprenant qu’un homme aussi intelligent que lui passe facilement au travers des programmes de l’établissement. Cependant, lorsque l’on prend en considération son narcissisme et son besoin de contrôle, ainsi que sa difficulté apparente à assumer la pleine responsabilité de ses crimes, on peut s’interroger sur l’efficacité de ces programmes à réduire son niveau de risque. Le narcissisme de M. Kim se manifeste par le fait qu’il dépose régulièrement des plaintes et des griefs, qu’il adresse directement au directeur de l’établissement malgré s’être fait dire de les transmettre aux membres du personnel concernés. Comme l’a si bien dit le M. Lawson dans son évaluation des délinquants dangereux réalisée en septembre 1999 : « Il me semble que M. Kim est prêt à coopérer et à respecter l’autorité tant que cela sert ses intérêts, mais qu’il se montre récalcitrant et intransigeant lorsqu’il voit ses objectifs compromis ». À notre avis, M. Kim aurait avantage à consacrer son temps et son énergie à mieux comprendre ses crimes et à en assumer la responsabilité. À la lecture de son dossier, il est frappant de constater que la plupart des éléments consignés ont trait aux diverses demandes et plaintes qu’il a formulées et n’ont absolument rien à voir avec l’atténuation de son niveau de risque. Il a suivi les programmes qu’on lui a demandé de suivre, mais n’a fait aucun effort pour approfondir sa démarche (par exemple, suivi criminologique [sic] avec son ALC, suivi psychologique pour se pencher sur sa personnalité narcissique et les autres facteurs ayant contribué à ses crimes). À notre avis, il formule régulièrement des plaintes et des demandes pour éviter de faire une réelle introspection qui lui permettrait de comprendre comment il en est arrivé là. Peut-être est-il encore trop narcissique pour être capable de s’autoévaluer.

Pages 10-11, dans la section intitulée [traduction] « Résultats des instruments et évaluation des risques » :

[traduction]
Parmi les différents facteurs dynamiques susceptibles d’influer sur le risque de récidive sexuelle, on observe notamment les suivants : le manque d’influences sociales (aucun contact avec qui que ce soit sauf sa sœur à l’occasion), l’incapacité à maintenir une relation stable, une certaine hostilité envers les femmes, un certain rejet social/solitude, un manque d’intérêt/empathie pour les autres, certaines difficultés à résoudre les problèmes, certaines émotions négatives/hostilité (nombre de plaintes et de griefs), des antécédents suggérant des préoccupations sexuelles, des antécédents de recours au sexe comme mécanisme d’adaptation, des indices d’intérêts sexuels déviants compte tenu du nombre de victimes et de leur âge, et un possible manque de coopération dans le cadre de la surveillance.

Mme Leo a conclu son rapport en présentant son évaluation des risques, déclarant que ses impressions allaient dans le même sens que les évaluations précédemment effectuées par d’autres psychologues. Elle n’a recommandé aucune forme de libération, car le niveau de risque semblait impossible à gérer, et a suggéré que M. Kim fasse progressivement ses preuves afin d’être transféré dans un établissement à sécurité minimale avant de pouvoir envisager sa libération.

[23] M. Kim n’était pas d’accord avec le fait que Mme Leo ait fait mention de son recours à la procédure de règlement des plaintes et des griefs, ainsi qu’avec bon nombre des conclusions de cette dernière, et il a réagi rapidement. Il a déposé un grief auprès du directeur de l’établissement le jour suivant, le 14 août 2018 (V30R00051797). Il a souligné que le paragraphe 51 de la DC-081 (le « paragraphe 51 ») dispose que le fait qu’un délinquant a eu recours au processus de règlement des plaintes et griefs des délinquants ne peut être mentionné dans d’autres dossiers que ceux qui concernent ce processus sans l’autorisation du directeur de l’établissement/du district.

[24] M. Kim a souligné que le psychologue qui l’avait évalué en 2014 et 2016 (M. Gilles Beaulieu) avait également fait mention des plaintes et des griefs qu’il avait déposés dans le rapport de 2014. M. Kim avait alors déposé un grief à ce sujet et avait obtenu gain de cause auprès du sous-commissaire du SCC, qui avait ordonné qu’un rappel soit fait au personnel de l’établissement de La Macaza concernant la directive énoncée au paragraphe 51. M. Kim a soutenu dans un nouveau grief que le fait que Mme Leo ait mentionné ses plaintes et griefs, dont certains portaient sur la discrimination, sans y être autorisée, violait cette décision antérieure et montrait que le SCC voulait le punir pour avoir déposé la plainte de 2014. M. Kim a affirmé que cela constituait du harcèlement et de la discrimination, et a réclamé 1 000 dollars pour chaque jour où le rapport restait inchangé.

[25] Le 18 août 2018, M. Kim a déposé un autre grief (V30R00051691) auprès du directeur de l’établissement, dans lequel il alléguait expressément que Mme Leo l’avait harcelé et avait fait preuve de discrimination à son égard.

[26] Le 27 août 2018, M. Kim a envoyé une demande de correction à son ALCE, comme les délinquants sont en droit de le faire en vertu du paragraphe 3 de l’annexe B de la DC-701. Il a soulevé quatre points au sujet desquels Mme Leo avait, selon lui, commis une erreur, l’un d’entre eux étant la mention de ses plaintes et griefs.

[27] M. Kim a réitéré les points qu’il avait soulevés dans le premier grief, à savoir que le paragraphe 51 dispose que le recours par un délinquant au processus de règlement des plaintes et des griefs ne peut être mentionné dans d’autres dossiers sans autorisation.

[28] M. Kim a noté dans la demande de correction que [traduction]« le lot de plaintes » auquel Mme Leo a fait référence dans son rapport « comprenait des plaintes pour discrimination qui ont finalement été transmises à la [Commission] ». Il a également écrit qu’il était [traduction] « manifeste que le SCC v[oulait] le punir ». M. Kim a soutenu que Mme Leo avait tiré des inférences défavorables dans son rapport du fait qu’il avait déposé des plaintes et des griefs, et qu’elle avait revu à la hausse son niveau de risque par rapport à celui qui lui avait été attribué par M. Beaulieu lors de sa dernière évaluation psychologique en 2016.

[29] M. Kim a donc maintenu dans sa demande de correction que le rapport de Mme Leo était [traduction] « complètement vicié », notamment parce qu’elle s’était appuyée sur le fait qu’il avait eu recours à la procédure de règlement des plaintes et griefs pour conclure qu’il n’était pas sincère lorsqu’il disait assumer la responsabilité de ses crimes. Il a affirmé que le rapport de Mme Leo constituait un acte de harcèlement et de discrimination et il a demandé à ce qu’elle se rétracte et que le rapport soit retiré de son dossier.

[30] Dans les différents griefs et addendas que M. Kim a déposés concernant le rapport de Mme Leo, il a allégué à plusieurs reprises qu’il était victime de harcèlement et de discrimination et que les remarques de Mme Leo constituaient une forme de représailles et visaient à l’intimider afin qu’il ne dépose plus de [traduction] « plaintes et de griefs ».

D. L’audience de libération conditionnelle

[31] M. Kim espérait que le rapport initial de Mme Leo soit rapidement corrigé. Son audience de libération conditionnelle devant la CLCC devait avoir lieu moins de deux mois plus tard, soit le 23 octobre 2018. Il ne voulait pas que ce qu’il considérait comme un rapport vicié soit soumis à la Commission. D’après les dispositions de la DC-701 établissant la procédure de correction des dossiers (annexe B, paragraphe 5), l’examen du dossier et toute correction qui en découlera sont normalement effectués dans les 30 jours suivant la présentation de la demande du délinquant.

[32] M. Kim avait une autre préoccupation concernant son audience devant la CLCC. La CLCC avait demandé à l’EGC de M. Kim de mettre à jour son dossier pour l’audience afin d’y ajouter une évaluation des risques valide, c’est-à-dire datant de moins de deux ans. Mme Meloche a préparé la mise à jour sous la forme d’un addenda, qui a été envoyé à la CLCC le 22 août 2018. Elle a réitéré les conclusions de Mme Leo concernant son évaluation du risque, y compris la conclusion selon laquelle M. Kim avait encore du [traduction] « travail à faire pour véritablement reconnaître ses crimes ». Mme Meloche a déclaré que l’EGC maintenait donc sa recommandation de 2016 selon laquelle il serait prématuré d’accorder une quelconque forme de libération à M. Kim.

[33] Le 23 août 2018, M. Kim a déposé un grief (V30R00052261) concernant l’addenda de Mme Meloche. Il y alléguait faire l’objet de discrimination et de harcèlement.

[34] Selon M. Kim, environ trois semaines avant la date prévue de l’audience devant la CLCC, Mme Meloche lui a assuré que la décision concernant la correction serait rendue sous peu et qu’elle permettrait de corriger les erreurs contenues dans le rapport initial de Mme Leo. Il ne manquait plus que la signature d’un superviseur. Par ailleurs, Mme Meloche avait l’intention de demander des instructions à la CLCC si elle ne recevait pas la version modifiée du rapport avant la date de l’audience. Mme Meloche n’a pas été appelée à témoigner, mais, selon M. Kim, elle s’inquiétait du fait qu’il était fait mention de ses plaintes et griefs, ce qui était contraire aux exigences du paragraphe 51 et à la décision antérieure du sous-commissaire.

[35] La décision concernant la correction du dossier n’a finalement pas été rendue à temps pour l’audience de la CLCC et Mme Meloche a demandé à la CLCC de lui donner des instructions. Selon la décision relative à la libération conditionnelle rendue par la CLCC, Mme Meloche a déclaré au comité qu’elle ne savait pas quand la décision relative à la demande de correction serait rendue ni quelle en serait l’issue. M. Kim a demandé un ajournement de deux mois, mais le comité de la CLLC le lui a refusé et a poursuivi l’audience. Dans son témoignage devant la CLCC, M. Kim a expliqué ses préoccupations concernant le rapport de Mme Leo.

[36] La Commission a refusé d’accorder à M. Kim une semi-liberté ou une libération conditionnelle totale. Elle a jugé qu’il présenterait, avant l’expiration de sa peine, un risque inacceptable pour la société et que sa libération ne contribuerait pas à la protection de celle-ci en favorisant sa réintégration sociale en tant que citoyen respectueux des lois.

[37] Dans ses motifs, le comité s’est référé au rapport de Mme Leo. Il a toutefois mentionné que, bien que les évaluations psychologiques puissent être utiles à la CLCC, cette dernière n’est pas liée par les conclusions qui y sont formulées. Elle procède à sa propre évaluation des risques. Le comité a ajouté qu’il avait pris en compte les préoccupations de M. Kim concernant le rapport de Mme Leo et les différences qu’il avait invoquées par rapport à l’évaluation réalisée en 2016 par M. Beaulieu. Le comité a néanmoins conclu que M. Kim représentait toujours un risque inacceptable au sens de la LSCMLC.

[38] M. Kim a déclaré dans son témoignage qu’il pensait que la CLCC s’était appuyée sur les recommandations de Mme Meloche, qui étaient elles-mêmes fondées sur le rapport de Mme Leo.

[39] M. Kim a fait appel de la décision de la CLCC auprès de la Section d’appel de la CLCC. Il a fait valoir que la CLCC n’avait pas respecté les principes de justice fondamentale ni ses propres politiques, notamment en n’accédant pas à sa demande d’ajournement et en se référant aux évaluations psychologiques de 2018 (réalisée par Mme Leo) et de 2016 (réalisée par M. Beaulieu).

[40] Le 5 mars 2019, la Section d’appel a confirmé la décision par laquelle la CLCC a refusé d’accorder à M. Kim une semi-liberté ou une libération conditionnelle totale.

E. Le rapport d’évaluation modifié de la psychologue

[41] Le 30 octobre 2018, soit une semaine après l’audience de libération conditionnelle, Mme Leo a publié une version modifiée de son rapport d’évaluation. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle avait préparé l’évaluation après avoir discuté de la question avec le chef des services de santé mentale du SCC (M. François Querry), qui était son superviseur, et avec le psychologue en chef de l’établissement de La Macaza, afin de s’assurer que la version modifiée était conforme à la DC-081. Les modifications consistaient essentiellement à remplacer tous les passages faisant référence aux « plaintes et griefs » par la notion d’« insatisfaction ».

[42] Il convient de noter que le texte original n’a pas été supprimé dans le rapport modifié. Les paragraphes en cause ont été conservés, mais ils sont suivis de la version modifiée en lettres majuscules. Cette façon de procéder est conforme à la procédure de modification prévue au paragraphe 9 de l’annexe B de la DC-701, qui dispose que, si les corrections proposées sont acceptées, les renseignements originaux contenus dans le rapport ne devraient pas être modifiés. Les renseignements corrigés doivent être insérés en lettres majuscules directement en dessous du texte original. Une note doit également être ajoutée au début du rapport pour expliquer les modifications apportées.

[43] En conséquence, les paragraphes suivants ont été ajoutés en lettres majuscules au début du rapport et sous chacun des paragraphes que j’ai cités précédemment. J’ai mis en évidence les parties qui ont été modifiées :

L’ajout apporté au début du rapport :

[traduction]
CORRECTIONS APPORTÉES AU RAPPORT PSYCHOLOGIQUE/CLCC (2018-08-13) LE 2018-10-30 À LA DEMANDE DU DÉTENU. SELON LE PARAGRAPHE 51 DE LA DC 081, CERTAINES INFORMATIONS FIGURANT DANS LES SECTIONS « RENDEMENT EN ÉTABLISSEMENT », « IMPRESSIONS CLINIQUES » ET « RÉSULTATS DES INSTRUMENTS ET ÉVALUATION DES RISQUES » N’AURAIENT PAS DÛ ÊTRE PARTAGÉES DANS LE RAPPORT ET DEVRAIENT FAIRE L’OBJET D’UNE RÉTRACTATION. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR VANESSA LEO (PS~3) ET APPROUVÉES PAR FRANCOIS QUERRY (PS-4) CONFORMÉMENT À L’ANNEXE B DE LA DC 701. IL CONVIENT DE NOTER QUE CES MODIFICATIONS NE CHANGENT RIEN À NOTRE ÉVALUATION DES RISQUES NI À NOS RECOMMANDATIONS INITIALES.

À la page 8 du rapport original :

[traduction]
LES 3 DERNIÈRES PHRASES DU PARAGRAPHE PRÉCÉDENT DOIVENT ÊTRE SUPPRIMÉES. NOUS DEVRIONS PLUTÔT LIRE CE QUI SUIT : IL CONVIENT DE NOTER QUE M. KIM A FRÉQUEMMENT EXPRIMÉ SON INSATISFACTION À L’ÉGARD DES AVIS PROFESSIONNELS EXPRIMÉS DANS SON DOSSIER, DES RAPPORTS RÉDIGÉS À SON SUJET OU DES DÉCISIONS LE CONCERNANT. IL A TENDANCE À S’ADRESSER DIRECTEMENT AU DIRECTEUR DE L’ÉTABLISSEMENT POUR EXPRIMER SON INSATISFACTION MALGRÉ QU’IL SE SOIT FAIT DIRE DE S’ADRESSER AUX MEMBRES DU PERSONNEL CONCERNÉS. LORS DE NOTRE ENTRETIEN, IL A EXPLIQUÉ QU’IL PROCÉDAIT AINSI PARCE QUE CE SONT DES DÉCISIONS QUI REVIENNENT AU DIRECTEUR DE L’ÉTABLISSEMENT ET QU’IL N’A JAMAIS ÉTÉ RÉPRIMANDÉ POUR ÇA.

À la page 9 du rapport original :

[traduction]
LA QUATRIÈME PHRASE DU PARAGRAPHE PRÉCÉDENT DEVRAIT ÊTRE SUPPRIMÉE ET REMPLACÉE PAR CE QUI SUIT : LE NARCISSISME DE M. KIM SE MANIFESTE PAR LE FAIT QU’IL EXPRIME FRÉQUEMMENT SON INSATISFACTION À L’ÉGARD DES AVIS PROFESSIONNELS EXPRIMÉS DANS SON DOSSIER, DES RAPPORTS RÉDIGÉS À SON SUJET OU DES DÉCISIONS LE CONCERNANT.

LA SEPTIÈME PHRASE DU PARAGRAPHE PRÉCÉDENT DOIT ÊTRE SUPPRIMÉE ET REMPLACÉE PAR CE QUI SUIT : À LA LECTURE DE SON DOSSIER, Il EST FRAPPANT DE CONSTATER LE TEMPS ET L’ÉNERGIE QU’IL A CONSACRÉS À CONTESTER LES AVIS PROFESSIONNELS EXPRIMÉS DANS SON DOSSIER OU LES RAPPORTS RÉDIGÉS À SON SUJET, CE QUI NE CONTRIBUE PAS À RÉDUIRE SON NIVEAU DE RISQUE.

L’AVANT-DERNIÈRE PHRASE DU PARAGRAPHE PRÉCÉDENT DOIT ÊTRE SUPPRIMÉE ET REMPLACÉE PAR CE QUI SUIT : À NOTRE AVIS, IL CONTESTE RÉGULIÈREMENT LES AVIS PROFESSIONNELS EXPRIMÉS DANS SON DOSSIER OU LES RAPPORTS RÉDIGÉS À SON SUJET POUR ÉVITER DE FAIRE UNE RÉELLE INTROSPECTION QUI LUI PERMETTRAIT DE COMPRENDRE COMMENT IL EN EST ARRIVÉ LÀ.

Aux pages 10 et 11 du rapport original :

[traduction]
LE PARAGRAPHE PRÉCÉDENT DEVRAIT ÊTRE SUPPRIMÉ ET REMPLACÉ PAR CE QUI SUIT : PARMI LES DIFFÉRENTS FACTEURS DYNAMIQUES SUSCEPTIBLES D’INFLUER SUR LE RISQUE DE RÉCIDIVE SEXUELLE, ON OBSERVE NOTAMMENT LES SUIVANTS : MANQUE D’INFLUENCES SOCIALES (AUCUN CONTACT AVEC QUI QUE CE SOIT SAUF SA SŒUR À L’OCCASION), L’INCAPACITÉ À MAINTENIR UNE RELATION STABLE, UNE CERTAINE HOSTILITÉ ENVERS LES FEMMES, UN CERTAIN REJET SOCIAL/SOLITUDE, UN MANQUE D’INTÉRÊT/D’EMPATHIE POUR LES AUTRES, CERTAINES DIFFICULTÉS À RÉSOUDRE LES PROBLÈMES, CERTAINES ÉMOTIONS NÉGATIVES/HOSTILITÉ (INSATISFACTION FRÉQUENTE À L’ÉGARD DES AVIS PROFESSIONNELS EXPRIMÉS DANS SON DOSSIER, DES RAPPORTS RÉDIGÉS À SON SUJET OU DES DÉCISIONS LE CONCERNANT), DES ANTÉCÉDENTS SUGGÉRANT DES PRÉOCCUPATIONS SEXUELLES, DES ANTÉCÉDENTS DE RECOURS AU SEXE COMME MÉCANISME D’ADAPTATION, DES INDICES D’INTÉRÊTS SEXUELS DÉVIANTS COMPTE TENU DU NOMBRE DE VICTIMES ET DE LEUR ÂGE, ET UN POSSIBLE MANQUE DE COOPÉRATION DANS LE CADRE DE LA SURVEILLANCE.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

[44] Mme Leo a déclaré qu’elle était satisfaite des modifications terminologiques apportées, car elles reflétaient le sens des déclarations originales et mettaient en évidence un aspect de la personnalité de M. Kim et de son dossier qui présentait un intérêt clinique et aidait à comprendre sa dynamique et son mode de fonctionnement.

[45] Ces modifications ne sont pas celles que M. Kim cherchait à obtenir lorsqu’il a demandé la correction de son dossier. La DC-701 prévoit que, lorsque les demandes de correction sont refusées, le membre du personnel responsable du rapport doit fournir les motifs du refus et ajouter une note dans le rapport modifié pour indiquer qu’une demande de correction a été refusée (annexe B, paragraphe 15). Mme Leo a reconnu qu’elle n’avait pas communiqué ses motifs à M. Kim et qu’aucune note explicative n’avait été ajoutée à la version modifiée de son rapport. Elle croyait que son superviseur, M. Querry, devait donner les motifs de refus. Elle a reconnu que l’absence de note dans la version modifiée du rapport n’était pas conforme à la directive.

[46] M. Kim n’était pas du tout satisfait du rapport modifié. Il considérait que la nouvelle terminologie n’était qu’un stratagème utilisé par Mme Leo pour se conformer à la DC-701, tout en continuant de fonder ses conclusions sur les passages où il était indûment fait mention de son recours à la procédure de règlement des plaintes et des griefs, qu’il considérait comme inextricablement lié aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause. En outre, les passages originaux figuraient toujours dans le rapport. Ils constituaient en quelque sorte une [traduction] « feuille de route » à partir de laquelle tous les membres du personnel du SCC pouvaient tirer des conclusions défavorables à son sujet. M. Kim craignait même que la formulation plus générale de la version modifiée du rapport, dans laquelle il était fait état de son « insatisfaction », ait pour effet d’élargir la portée de [traduction] « l’attaque » dont il faisait l’objet pour avoir exprimé son désaccord ou son insatisfaction à l’égard du SCC.

[47] Le 31 octobre 2018, M. Kim a déposé un addenda à son grief du 18 août 2018, dans lequel il alléguait que, même avec les modifications, les conclusions de Mme Leo étaient toujours fondées sur son recours à la procédure de règlement des plaintes et des griefs. Il a soutenu que Mme Leo cherchait à le harceler et à l’empêcher de déposer des plaintes et de s’exprimer. Il l’a accusée de partialité.

[48] Le 4 novembre 2018, M. Kim a déposé une plainte contre l’établissement de La Macaza concernant le rapport modifié de Mme Leo, dans laquelle il reprenait essentiellement les mêmes arguments. Il demandait que le rapport rédigé par Mme Leo soit retiré de ses dossiers. La plainte a été rejetée et, par suite, M. Kim a déposé un grief au dernier palier. Le grief a été rejeté le 12 mars 2020 par le conseiller spécial du commissaire.

[49] Le 9 novembre 2018, M. Kim a également déposé un grief pour harcèlement et discrimination (VR30R00053476) contre le superviseur de Mme Leo, M. Querry, au motif que ce dernier avait approuvé le rapport modifié de Mme Leo. M. Kim a maintenu que les modifications étaient inadéquates et a de nouveau demandé que le rapport modifié de Mme Leo soit retiré de son dossier et qu’il lui soit accordé 1 000 $ pour chaque jour écoulé depuis la date de son rapport initial (13 août 2018).

[50] Le 6 février 2020, le commissaire adjoint aux politiques du SCC a répondu aux quatre griefs de dernier palier visant le rapport de Mme Leo, qui, pour rappel, avaient été déposés les 14, 18 et 23 août 2018, ainsi que le 9 novembre 2018, et pour lesquels M. Kim avait également soumis un total de 10 addendas. Dans sa réponse, le SCC a rejeté les griefs, tout en rappelant au directeur de l’établissement de La Macaza de veiller à ce que les procédures prescrites pour répondre aux griefs de harcèlement et de discrimination soient respectées, comme indiqué dans la DC-081 et les lignes directrices connexes.

[51] Le 3 mars 2020, le plaignant a déposé auprès de la Commission la plainte qui nous occupe. Il a indiqué dans sa plainte qu’il était coréen, mais a allégué avoir fait l’objet de discrimination fondée sur la déficience et la religion. Il a affirmé que le SCC avait exercé des représailles à son encontre pour les plaintes pour atteinte aux droits de la personne qu’il avait déposées, lesquelles étaient fondées sur ces motifs de distinction illicites. En mai 2022, la Commission a demandé au Tribunal d’instruire la plainte en vertu de l’article 49 de la LCDP.

V. ANALYSE

[52] L’article 14.1 de la LCDP prévoit que constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

[53] Il s’ensuit que le plaignant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités :

1) qu’il a déjà déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne au titre de la LCDP;

2) qu’il a fait l’objet, par suite du dépôt de sa plainte, d’un traitement défavorable de la part de la personne contre qui il a déposé la plainte ou quiconque agissant en son nom;

3) que la plainte pour atteinte aux droits de la personne a constitué un facteur dans la manifestation du traitement défavorable.

[54] En ce qui concerne le troisième élément, le plaignant doit établir un lien entre le dépôt d’une plainte et le traitement défavorable qu’il a subi à la suite de la plainte. Si ce lien n’est pas démontré de manière complète et suffisante, le plaignant ne se sera pas déchargé de son fardeau de preuve. Il n’est pas nécessaire d’établir un lien de causalité, et il n’est pas nécessaire que la plainte antérieure soit la seule raison du traitement défavorable. Il n’est pas non plus nécessaire d’établir l’existence d’une intention d’exercer des représailles, et le Tribunal peut se fonder sur la perception raisonnable d’un plaignant que l’acte constituait des représailles pour avoir déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne (voir Iron c. Première Nation crie de Canoe Lake, 2024 TCDP 81, aux par. 18 à 20). L’intimé ne peut être tenu responsable de l’angoisse ou des réactions exagérées du plaignant (Wong c. Banque Royale du Canada, 2001 CanLII 8499 (TCDP), au par. 219; Beattie c. Affaires autochtones et du Nord Canada, 2019 TCDP 45, au par. 160).

[55] Je constate que la jurisprudence relative à l’article 14.1 renvoie de temps à autre à l’idée selon laquelle le plaignant doit établir une preuve prima facie de représailles. Cette jurisprudence reflète probablement la façon dont les dossiers relatifs aux droits de la personne étaient analysés avant que la Cour suprême du Canada ne rende l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39. Comme l’a fait remarquer le Tribunal aux paragraphes 52 à 68 de la décision Emmett c. Agence du revenu du Canada, 2018 TCDP 23 [Emmett], la Cour suprême a rejeté l’interprétation étroite du fardeau de la preuve à satisfaire qui prévalait dans une certaine mesure à l’époque, selon lequel un tribunal des droits de la personne ne peut pas tenir compte de l’explication d’un intimé pour déterminer si un plaignant s’est acquitté de son fardeau de présentation (ou, a établi une preuve prima facie de discrimination).

[56] Toute la preuve doit être prise en considération pour juger si un plaignant s’est déchargé du fardeau de preuve qui lui incombait. Au lieu de traiter les observations des parties sur la discrimination en silos, comme on le faisait par le passé suivant la notion de la preuve prima facie, la preuve des parties doit être examinée conjointement pour déterminer si les plaignants se sont acquittés de leur fardeau.

[57] Bien que la décision Emmett ait traité des actes discriminatoires prévus aux articles 7 et 10 de la LCDP, ses conclusions devraient s’appliquer également à d’autres actes discriminatoires, y compris celui que constituent les représailles dont il est question à l’article 14.1.

[58] Je vais maintenant évaluer si M. Kim a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, les trois éléments requis pour établir l’existence de représailles.

A. M. Kim a-t-il déjà déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne?

[59] Il n’est pas contesté que M. Kim avait déjà déposé les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause auprès de la Commission lorsque Mme Leo a publié son rapport initial en août 2018.

B. M. Kim a-t-il fait l’objet d’un traitement défavorable?

[60] La Cour d’appel fédérale a défini la notion de traitement défavorable comme « un élément […] préjudiciable, dommageable ou mauvais » (Tahmourpour c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 192, au par. 12), bien que le Tribunal ait jugé qu’une définition assez large et permissible du terme « défavorable » serait toujours conforme au régime de la LCDP (Kelsh c. Chemin de fer Canadien Pacifique, 2019 TCDP 51, au par. 112).

[61] M. Kim a affirmé que, dans son rapport, Mme Leo avait revu à la hausse le niveau de risque qu’il présentait. Il a allégué qu’il risquait de subir de multiples formes de traitement défavorable étant donné que son niveau de risque avait été revu à la hausse. Il pourrait notamment se voir priver de la possibilité d’accéder à un milieu carcéral moins structuré. Il a également affirmé qu’il allait devoir suivre à nouveau certains programmes et que le fait que cette information reste dans son dossier allait influencer les décisions futures concernant son incarcération, telles que toute nouvelle demande de libération conditionnelle. Le SCC conteste ces affirmations, et prétend, à titre de prémisse, que, lorsque l’on compare minutieusement les conclusions tirées par M. Beaulieu et celles tirées par Mme Leo dans son rapport, on constate que cette dernière n’a pas haussé le niveau de risque de M. Kim.

[62] Cependant, ce débat fait abstraction de ce qui est au cœur de la plainte de M. Kim, à savoir les répercussions que le rapport de Mme Leo a eues sur les efforts déployés par M. Kim pour obtenir une libération conditionnelle en 2018. Dans ce contexte, comme je le précise ci-dessous, je suis d’avis que M. Kim a établi que le rapport de Mme Leo est « préjudiciable » et constitue un traitement défavorable. Par conséquent, il n’y a pas lieu de se pencher sur les autres répercussions soulevées par M. Kim.

[63] En 2018, la CLCC a rejeté la demande de libération conditionnelle de M. Kim et la Section d’appel a confirmé cette décision. La CLCC a pris sa décision après avoir demandé à l’EGC de M. Kim de fournir une mise à jour de son dossier, mise à jour que Mme Meloche a présentée lors de l’audience de la CLCC. L’EGC a maintenu sa recommandation selon laquelle il serait prématuré d’accorder une quelconque forme de libération à M. Kim, car le risque de récidive lui semblait inacceptable. La mise à jour reposait en grande partie sur le rapport de Mme Leo et soulignait son évaluation selon laquelle le niveau de priorité de surveillance de M. Kim restait modéré à élevé. Le comité de la CLCC s’est référé au rapport de Mme Leo, même s’il a déclaré qu’il n’était pas lié par les conclusions qui y étaient tirées.

[64] Le SCC soutient qu’un rapport qui ne recommande pas la libération conditionnelle, comme les rapports datés de 2014 et 2016 établis pour M. Kim, ne constitue pas un traitement défavorable. Il n’y a pas eu de changement substantiel dans le rapport de 2018, et le SCC soutient qu’il n’est pas plus injuste pour M. Kim que les rapports précédents. Mme Leo a simplement fait ce qu’on lui avait demandé, à savoir faire une évaluation psychologique de M. Kim. Ce n’est pas parce qu’elle a émis une opinion avec laquelle M. Kim est en désaccord qu’il s’agit automatiquement d’un traitement défavorable. Quelle que soit l’influence que l’évaluation a pu avoir sur la décision du comité de la CLCC, cette dernière constitue un tribunal indépendant et le SCC ne peut être tenu responsable des décisions qu’elle rend. En outre, il ne m’appartient pas d’examiner les conclusions de la CLCC.

[65] Cependant, ce n’est pas seulement une question de désaccord entre M. Kim et Mme Leo. La recommandation de cette dernière, même si elle n’est pas contraignante pour la CLCC, n’a pas aidé M. Kim à obtenir une libération conditionnelle. M. Kim espérait que le rapport serait plus positif, ce qui aurait pu influencer la décision de la CLCC en sa faveur. Même si le rapport de Mme Leo n’est pas différent des rapports antérieurs de M. Beaulieu, il n’a pas aidé sa cause. Ses espoirs de connaître une issue plus favorable ont donc été ébranlés. En ce sens, le rapport a nui à ses chances d’obtenir une réponse positive de la part de la CLCC. Ce qui distingue cette demande de libération conditionnelle des précédentes, c’est que la discrimination aurait joué en sa défaveur dans le rapport.

[66] La situation est quelque peu analogue à celle d’une procédure d’embauche dans laquelle une personne tente à deux reprises d’être embauchée. La première fois, la personne n’est pas embauchée en partie à cause d’une référence négative. À la deuxième tentative, elle reçoit à nouveau une référence négative et sa candidature n’est pas retenue, en partie à cause de cette mauvaise référence. Ce deuxième refus constitue certes une issue défavorable, mais ce qui a changé, c’est que cette personne allègue désormais que des motifs discriminatoires étaient à l’origine de la référence négative. Il s’agit donc d’une question de droits de la personne que le Tribunal peut traiter.

[67] Ayant jugé que le rapport de Mme Leo avait effectivement eu un effet préjudiciable sur M. Kim, je dois maintenant déterminer si les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause ont eu une incidence sur les conclusions de son rapport.

C. Les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause ont-elles eu une incidence sur les conclusions de Mme Leo?

[68] Non. Comme je l’explique ci-dessous, rien ne démontre que Mme Leo avait connaissance des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause lorsqu’elle a rédigé son rapport, et ces plaintes n’ont eu aucune incidence sur les conclusions de son rapport. En outre, la perception de M. Kim quant à l’incidence des plaintes n’était pas raisonnable.

(i) Mme Leo n’avait pas connaissance des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause.

[69] Mme Leo a déclaré qu’elle n’avait pas connaissance des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause lors de la préparation de son rapport et, plus particulièrement, que M. Kim n’en avait pas fait mention lors de son entretien avec elle. À bien des égards, le compte rendu qu’a fait M. Kim pendant son témoignage de ce qui a été dit au cours de l’entretien diffère sensiblement du souvenir qu’en a Mme Leo. Il affirme que Mme Leo lui a dit qu’il pouvait prendre une « pilule » pour traiter ses pertes de mémoire, qu’il n’existait aucun dossier médical attestant de ses pertes de mémoire et que ses griefs constituaient un gaspillage des fonds publics. Mme Leo nie ces allégations.

[70] Cependant, cette divergence dans leur témoignage ne change rien à la question qui nous intéresse, à savoir si Mme Leo était au courant des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause. M. Kim a reconnu en contre-interrogatoire qu’il n’avait jamais évoqué les plaintes pour atteinte aux droits en cause de la personne lors de l’entretien. Il a pris soin de prendre en note tout ce qui s’était dit lors de cet entretien après qu’il eut pris fin, mais il ne se souvenait pas avoir parlé de plaintes concernant sa religion ou sa blessure à l’épaule. En fait, M. Kim n’a jamais contredit le témoignage de Mme Leo selon lequel il ne lui avait jamais parlé des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause. Je suis donc convaincu que ces plaintes n’ont pas été soulevées lors de l’entretien.

[71] Mme Leo aurait-elle pu prendre connaissance des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause autrement? Mme Leo indique dans son rapport que, pour le produire, elle a rencontré M. Kim par vidéoconférence, elle a communiqué avec son ALCE et elle a [traduction] « lu toutes les informations contenues dans son dossier de l’établissement ». M. Kim soutient que Mme Leo aurait pu prendre connaissance de ses plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause en consultant le dossier de l’établissement.

[72] Mme Leo a déclaré que le dossier de l’établissement auquel elle se réfère est constitué du Système de gestion des délinquants (le « SGD ») en ligne et du dossier médical électronique de M. Kim. Elle n’a jamais accédé au dossier de gestion de cas de M. Kim, qui est sur papier. Christine Tremblay, directrice adjointe par intérim de l’établissement de La Macaza, a déclaré que le dossier de gestion des cas était conservé au bureau principal de l’établissement et elle a confirmé que, selon le registre de consultation figurant dans le dossier, Mme Leo n’y avait jamais eu accès. Mme Tremblay a également témoigné que le personnel du SCC ne peut pas consulter librement les plaintes et les griefs déposés par les détenus conformément à la procédure prévue à l’article 90 de la LSCMLC. Ces plaintes et griefs sont consignés dans une base de données distincte appelée « Recours des délinquants », à laquelle seuls les employés de la section Recours des délinquants ont accès. Mme Leo ne fait pas partie de cette section et, par conséquent, elle n’avait pas accès à ces dossiers.

[73] Ainsi, la partie du SGD que Mme Leo a consultée et le dossier médical ne contenaient pas de copies des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause.

[74] Le dossier du SGD était volumineux. Parmi la multitude de documents qu’il contenait, seuls les trois passages obscurs suivants faisaient référence aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause :

1) 29 mars 2016 — Un formulaire de demande manuscrit d’une page que M. Kim a présenté au directeur de l’établissement pour lui demander, en anglais, pourquoi il avait été désigné « Chômeur volontaire » dans son dossier en ligne, en faisant valoir que cela pourrait avoir une incidence sur son [traduction] « affaire en instance devant la Commission canadienne des droits de la personne (dossier 20141166), pour laquelle le SCC veut conclure un règlement ». M. Kim a ajouté sur le formulaire qu’il informerait [traduction] « l’enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne de ce développement ».

2) Le 1er avril 2016 — un Rapport des registres entrés par ordre chronologique (qui est un registre quotidien des interactions entre le personnel et les détenus) de deux pages dactylographiées indiquant que le personnel correctionnel avait informé M. Kim qu’un dénommé « M. Hurpin » du [traduction] « droit de la personne » avait envoyé un courriel à un agent correctionnel, pour lui demander de dire à M. Kim de le rappeler. La note indique également que M. Kim a demandé à l’équipe correctionnelle de vérifier le statut d’un document qu’il avait envoyé à M. Hurpin et qu’une vérification auprès de Postes Canada a confirmé que le document devait arriver quelques jours plus tard.

3) 5 mai 2016 — un Rapport des registres entrés par ordre chronologique de deux pages dactylographiées, rempli par plusieurs agents correctionnels, qui documente plusieurs interactions et événements concernant M. Kim. L’une de ces interactions, décrite en français au dernier paragraphe de la première page, concerne un appel reçu d’une médiatrice de la [traduction] « Commission des droits de la personne ». Il est également mentionné que M. Kim avait demandé à rappeler la médiatrice depuis le bureau de l’agent correctionnel. La médiatrice a demandé à parler à l’agent correctionnel après l’appel et a confirmé qu’elle enverrait un formulaire d’accord de médiation à M. Kim pour que celui-ci le signe.

[75] Comme on peut le constater, ces trois entrées en disent peu sur les interactions de M. Kim avec la Commission et ne contiennent aucun détail sur les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause.

[76] Outre ce type d’entrées dans les registres quotidiens, le SGD contenait plus d’une centaine de notes de service rédigées par le personnel du SCC, y compris le directeur, traitant des demandes, plaintes et griefs de M. Kim. C’est en examinant ces notes de service que Mme Leo a constaté qu’il avait déposé un nombre excessif de plaintes et de griefs. Mme Leo a expliqué que, dans son rapport, l’expression « griefs et plaintes » faisait référence aux notes de service qui documentaient les plaintes et l’insatisfaction de M. Kim quant à la manière dont les choses le concernant étaient gérées et qui, selon elle, constituaient des [traduction] « plaintes et griefs adressés à son ALCE et au directeur ».

[77] Mme Leo a déclaré que, malgré ce qu’elle avait écrit dans le rapport, à savoir qu’elle avait examiné « toute » l’information contenue dans le dossier de M. Kim, elle n’avait pas lu chaque note de service, chaque demande du détenu et chaque entrée du registre pendant le temps qu’elle a consacré à la rédaction du rapport. Elle a survolé la plupart de ces documents, ce qui est compréhensible étant donné la quantité considérable de documents au dossier.

[78] Mme Leo a expliqué que, de par sa déclaration, elle voulait dire qu’elle avait consulté tous les renseignements pertinents sur l’évaluation des risques contenus dans le SGD. Elle s’est concentrée sur des documents tels que les plans correctionnels de M. Kim, son profil criminel, les évaluations de risque antérieures et les rapports de programme. Dans le dossier médical, elle a recherché des problèmes médicaux ou des évaluations de santé mentale.

[79] Parmi les notes de service figurant dans le SGD, il y en a une datée du 24 janvier 2014 qui traite de sa plainte concernant le manque d’affectations permettant un allègement des tâches qui pouvaient être offertes aux anglophones qui, comme lui, nécessitaient des mesures d’adaptation en raison de leur déficience, et une autre datée du 5 novembre 2014, qui concerne la demande formulée par M. Kim dans le but d’obtenir des livres sur le wiccanisme. L’objet de ces demandes est plus tard devenu le fondement des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause. Mme Leo a déclaré qu’elle ne se souvient pas avoir lu ces notes de service. Là encore, il s’agit de deux notes de service parmi plus d’une centaine, et celles-ci ne font aucune référence précise à une quelconque plainte pour atteinte aux droits de la personne. Ces deux notes sont antérieures au dépôt des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, et même si Mme Leo les a lues, il est évident que ces notes ne lui ont pas permis de prendre connaissance des plaintes. Rien ne relie l’une ou l’autre de ces notes de service aux trois passages obscurs tirés du SGD que j’ai reproduits plus haut et qui font référence aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause.

[80] Dans ses observations finales, M. Kim a mis l’accent sur le fait que Mme Leo avait écrit dans son rapport qu’elle avait lu [traduction] « toute l’information qui se trouvait dans son dossier de l’établissement ». Elle a déclaré qu’elle maintenait tout ce qu’elle avait écrit dans son rapport. M. Kim soutient qu’elle s’est contredite, en déclarant que l’examen de son dossier a été partiel. Il soupçonne que ce changement est intervenu parce que le SCC s’est rendu compte que les deux entrées seraient révélées à la suite de l’ordonnance de divulgation que j’ai rendue le 21 mars 2023 (2023 TCDP 12).

[81] Il souligne également le fait que, dans l’exposé initial des précisions que le SCC a déposé en novembre 2022, il était allégué que les références faites par Mme Leo dans son rapport se rapportaient, à première vue, à la [traduction] « procédure interne de règlement des plaintes et des griefs des détenus ». Le SCC a par la suite modifié son exposé des précisions en juillet 2023, après mon ordonnance de divulgation, pour y alléguer que Mme Leo faisait référence aux [traduction] « plaintes internes que le plaignant avait adressées directement au directeur de l’établissement ». M. Kim soutient que le SCC savait alors qu’il serait révélé qu’il était fait mention des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause dans le SGD que Mme Leo avait consulté, si bien que le SCC a modifié l’exposé des précisions pour y laisser entendre que Mme Leo ne se référait qu’aux notes de service et non à d’autres informations, comme les entrées du registre. Il suggère que cette modification jette un doute sur la crédibilité de Mme Leo.

[82] Je ne suis pas convaincu. Le Tribunal fonde ses conclusions sur les éléments de preuve dont il dispose, et non sur ce qu’une partie a pu alléguer dans son exposé des précisions. La preuve de Mme Leo était claire et convaincante : elle avait fondé ses remarques sur le nombre excessif de notes de service, qui dépassait de loin les trois références obscures et indirectes aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause qui se trouvaient dans le dossier, telles des aiguilles dans une botte de foin. Je constate également que les modifications apportées à l’exposé des précisions du SCC coïncident à peu près avec le moment auquel Mme Leo a, d’après son témoignage, été contactée pour la première fois par l’avocat du SCC et a appris l’existence de la présente plainte. C’est également à peu près à cette date que le SCC a déposé le résumé du témoignage anticipé de Mme Leo (soit, le sommaire de sa déposition).

[83] L’argument de M. Kim ne me convainc pas. L’explication de Mme Leo selon laquelle elle s’est contentée de regarder en surface certains types de documents dans le SGD est tout à fait logique, étant donné le grand nombre de documents dans le dossier.

[84] Je suis donc convaincu que Mme Leo n’a pas lu, parmi les innombrables documents trouvés dans le dossier du SGD, les rares références aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause figurant dans les deux entrées du registre et dans la demande du détenu. Son explication est tout à fait raisonnable.

[85] En outre, il ressort clairement du contexte dans lequel Mme Leo fait référence aux « plaintes et griefs » dans son rapport que ceux-ci ne se rapportent pas aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, mais plutôt aux dizaines de plaintes générales du détenu que Mme Leo a relevées en parcourant le SGD. Comme je l’ai mentionné, le dossier de M. Kim contenait bien plus de 100 notes de service documentant ses plaintes, et Mme Leo a déclaré que, dans toute sa carrière, elle n’avait jamais vu autant de notes de ce type dans le dossier d’un détenu. Elle a qualifié le volume de [traduction] « frappant ». Ces plaintes témoignaient d’un degré d’insatisfaction si élevé de la part de M. Kim qu’elles ont pris une importance clinique dans son évaluation des caractéristiques dynamiques et de la personnalité de M. Kim. Il était donc important de faire cette observation dans son rapport.

[86] Mme Leo a cité dans son rapport des exemples de plaintes qu’elle avait vues en parcourant le dossier du SGC, y compris des notes de service rédigées par le directeur en réponse aux demandes de M. Kim pour une cellule individuelle, un régime sans gluten et des chaînes de films en anglais. Elle a relevé dans le rapport que M. Kim envoyait ses demandes directement au directeur de l’établissement, au lieu de suivre la hiérarchie normale et de les transmettre aux superviseurs. Le SCC a déposé en preuve d’autres exemples de notes de service versées au SGD concernant des plaintes déposées auprès du directeur de l’établissement. Parmi celles-ci, on retrouve des plaintes portant que sa cellule est restée ouverte après qu’un plombier fut venu réparer sa plomberie, qu’il est importuné par d’autres détenus dans la bibliothèque, qu’il a des problèmes d’ordinateur, qu’il a besoin de nouvelles semelles de chaussures et que l’imprimante de la bibliothèque ne fonctionne pas.

[87] Comme l’explique Mme Leo dans son rapport, elle a constaté que les plaintes et les griefs répétés de M. Kim, qu’il adressait directement au directeur de l’établissement plutôt qu’aux membres du personnel concernés, témoignaient du narcissisme de M. Kim. Elle a conclu qu’il déposait régulièrement des plaintes et des demandes pour éviter de s’engager dans une réelle introspection.

[88] Il est intéressant de noter que d’autres psychologues ayant précédemment évalué M. Kim avaient également formulé des commentaires sur le fait qu’il avait déposé des plaintes et des griefs. M. Beaulieu a noté dans son rapport de 2014 que M. Kim avait l’habitude de déposer [traduction] « nombre de griefs et de plaintes », ce qu’il a qualifié de tendance susceptible d’imposer un fardeau à son équipe de gestion de cas tout en compliquant la gestion de sa peine. M. David Lawson, le psychologue qui a évalué M. Kim en 1999 dans le cadre de la procédure visant à établir s’il est un délinquant dangereux, a écrit que M. Kim avait à plusieurs reprises déposé des plaintes officielles auprès d’autorités telles que la Cour suprême du Canada, la commission d’examen des plaintes contre la police, le directeur des opérations et le directeur de l’établissement, et a mentionné que M. Kim avait déposé une [traduction] « pléthore d’avis de requête » au cours de son procès. M. Lawson a conclu que M. Kim était prêt à coopérer avec les autorités tant que cela servait ses intérêts, mais qu’il se montrait récalcitrant et intransigeant lorsqu’il voyait ses objectifs compromis.

[89] Ces observations confirment l’affirmation de Mme Leo selon laquelle, en faisant référence aux plaintes et griefs de M. Kim, elle ne faisait pas allusion aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause (dont elle n’avait pas connaissance) mais, de manière générale, à la réticence de ce dernier à faire une quelconque introspection et à travailler sur ses traits narcissiques.

[90] En outre, d’après les derniers passages du rapport de Mme Leo que j’ai cités précédemment dans les présents motifs, il est évident que le nombre excessif de plaintes et griefs dont elle a fait mention n’est en fait que l’un des nombreux facteurs dynamiques susceptibles d’avoir une incidence sur le risque de récidive sexuelle qu’elle a pris en considération. La liste comprenait, entre autres, le manque d’influences sociales, l’incapacité à maintenir des relations stables, l’hostilité envers les femmes, le manque d’intérêt ou d’empathie, les difficultés à résoudre les problèmes, les émotions négatives ou l’hostilité, les intérêts sexuels déviants, le manque de coopération dans le cadre de la surveillance.

[91] En effet, Mme Leo a déclaré que, même si elle n’avait pas vu la centaine et plus de notes de service figurant dans le dossier du SGD, son évaluation du niveau de risque de l’intéressé aurait été la même. Les conclusions qu’elle aurait formulées dans le rapport destiné à la CLCC auraient été les mêmes.

[92] M. Kim a beaucoup insisté sur le fait que la première version du rapport de Mme Leo n’était pas conforme aux exigences du paragraphe 51, car il faisait mention de son recours à la procédure de règlement des plaintes et des griefs des délinquants du SCC. Comme je l’ai mentionné, M. Kim a déposé des griefs concernant cette violation du paragraphe 51 et a fait une demande de correction, à laquelle le SCC a effectivement donné suite. Le rapport a été modifié, mais pas de la façon dont M. Kim l’aurait espéré. En fait, il considère que la version modifiée est encore pire parce que la notion d’« insatisfaction fréquente » peut être interprétée plus largement que la simple expression « nombre de plaintes et de griefs ».

[93] Mme Leo a déclaré que, même si elle avait connaissance de la DC-081 lorsqu’elle a rédigé le rapport, elle ignorait l’existence de la disposition du paragraphe 51 qui interdit de mentionner le fait qu’un délinquant ait eu recours au processus de règlement des plaintes et des griefs du SCC dans d’autres dossiers que ceux concernant ce processus. Elle en a pris connaissance à la suite du grief et de la demande de correction de M. Kim.

[94] M. Kim conteste également le fait que l’ancienne version qui faisait référence aux plaintes et aux griefs n’a pas été retirée de la version corrigée du rapport. Elle vient en fait s’ajouter à la nouvelle version. Il fait remarquer que, dès octobre 2019, le directeur intérimaire de la Division des recours des délinquants a échangé des courriels avec Mme Leo pour lui demander si le texte original pouvait être entièrement expurgé. Mme Leo a répondu que son approche était conforme aux exigences de l’ordre professionnel des psychologues. Mme Leo s’est ensuite renseignée davantage et a obtenu la confirmation qu’elle ne pouvait pas expurger le texte original. Elle a communiqué ces informations au directeur par intérim en février 2020. Comme je l’ai déjà mentionné, cela était également conforme aux exigences du paragraphe 9 de l’annexe B de la DC-701.

[95] M. Kim s’est plaint que ces courriels n’ont été divulgués qu’après mon ordonnance de divulgation de 2023 et que je devrais en tirer une conclusion défavorable. Je ne vois pas comment ni pourquoi. Cette discussion sur ce qui doit être conservé ou supprimé du rapport original n’a aucune incidence sur la question de savoir si Mme Leo faisait référence aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause.

[96] M. Kim soulève également le fait que Mme Leo a pris plus de temps que les 30 jours « habituels » pour produire le rapport corrigé, ce qui a eu comme conséquence que le rapport n’était pas disponible lors de l’audience de la CLCC; en outre, Mme Leo n’a pas demandé à la CLCC de proroger le délai. Il soutient que cela démontre que Mme Leo voulait que ce soit le texte original du rapport qui soit présenté à la CLCC et que, par conséquent, elle avait un préjugé défavorable à son égard parce qu’il avait déposé les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause. Mme Leo a cependant expliqué qu’elle n’était pas en mesure de préparer la version corrigée dans le délai de 30 jours et qu’elle pensait, à tort, que son superviseur, M. Querry, demanderait à la CLCC une prolongation de 30 jours pour le déposer. En fin de compte, personne n’a demandé de prolongation. Rien ne me permet de douter de cette explication. C’est le comité de la CLCC qui a finalement décidé de rejeter la demande de prolongation de M. Kim et de ne pas attendre la version corrigée du rapport.

[97] En outre, toutes ces préoccupations concernant la version corrigée du rapport ne sont pas pertinentes pour la question qui nous occupe, à savoir si Mme Leo faisait référence aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne dans le rapport qu’elle a présenté à la CLCC lorsqu’elle parlait de « plaintes et griefs ». J’ai déjà conclu que ce n’était pas le cas. Même si le terme modifié (« insatisfaction fréquente ») a une portée plus large qui pourrait englober les plaintes déposées auprès de la Commission, rien ne prouve que les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause ont été des facteurs dans la décision d’adopter ce terme. M. Kim souligne que la demande de correction de dossier de 8 pages qu’il a présentée le 27 août 2018 contenait une allégation selon laquelle le [traduction] « le lot de plaintes » auquel Mme Leo faisait référence dans son rapport concernait des [traduction] « plaintes pour discrimination » qui ont finalement fait leur chemin jusqu’à la Commission, pour lesquelles il prétendait que le SCC essayait de le punir. M. Kim laisse entendre que le fait que Mme Leo ait été amenée à corriger son rapport parce qu’il mentionnait l’existence de plaintes signifie que, lorsqu’elle a choisi le terme modifié, elle faisait allusion aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause.

[98] L’argument qui précède ne me convainc pas. Cette déclaration dans la demande de correction de dossier n’est encore qu’une référence indirecte aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause. Ce n’est pas parce qu’elle a parlé de la Commission qu’elle a dû corriger le rapport, mais parce qu’elle a fait référence à la procédure de règlement des plaintes et des griefs des détenus, ce qui est contraire au paragraphe 51. Il n’y a aucune preuve que Mme Leo a pris connaissance des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause ou qu’elle en a expressément traité lorsqu’elle a apporté les corrections. En fait, elle a déclaré n’avoir pris connaissance des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause qu’environ un an avant la présente audience, lorsque le SCC l’a contactée en tant que témoin potentiel dans cette affaire.

(ii) La perception de M. Kim selon laquelle il avait subi des représailles n’était pas raisonnable

[99] Mme Leo n’était pas au courant des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, mais il n’est pas nécessaire de prouver que l’auteur présumé d’un acte répréhensible avait une connaissance ou une intention subjectives de commettre cet acte pour pouvoir établir l’existence de représailles. Pour faire valoir ses arguments, un plaignant n’a qu’à prouver qu’il a raisonnablement perçu un acte comme étant une mesure de représailles pour avoir déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne. La perception de M. Kim était-elle raisonnable?

[100] M. Kim a déclaré à plusieurs reprises qu’il [traduction] « avait l’impression » que les « plaintes » auxquelles Mme Leo faisait référence étaient les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause et que le SCC, au moyen du rapport de M. Leo, voulait le contraindre à se désister de la plainte de 2017 en instance et à ne pas en déposer d’autres. Je juge que cette perception est déraisonnable.

[101] Le SCC souligne que, dans le formulaire de la présente plainte, M. Kim a allégué que sa plainte [traduction] « découle » de l’évaluation psychologique dans laquelle Mme Leo a revu à la hausse le niveau de risque qu’il pose après avoir tiré des inférences défavorables de son recours à la procédure de règlements des griefs du SCC, c’est-à-dire « [ses] plaintes et griefs pour atteinte aux droits de la personne, lesquels sont devenus » les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause. Il affirme que tous ces éléments sont [traduction] « inextricablement liés ». De même, dans son grief du 18 août 2018 concernant le rapport de Mme Leo, M. Kim a contesté le fait que Mme Leo ait fait référence à sa plainte pour discrimination dont la Commission a par la suite été saisie.

[102] Le SCC souligne que les plaintes pour représailles fondées sur l’article 14.1 de la LCDP ne peuvent être déposées qu’à l’égard de plaintes pour atteinte aux droits de la personne qui ont été effectivement déposées auprès de la Commission au titre de la partie III de la LCDP, et non à l’égard de plaintes qui ont été déposées au titre d’autres processus avant qu’une plainte soit déposée auprès de la Commission.

[103] Selon l’interprétation que fait M. Kim du paragraphe 41(1) de la LCDP, un plaignant doit avoir épuisé toutes les autres procédures de règlement de plaintes et de griefs avant de pouvoir déposer une plainte en matière de droits de la personne auprès de la Commission. Ainsi, comme il avait effectivement dû suivre la procédure de règlement des plaintes et des griefs du SCC avant de déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission, il avait des motifs valables de penser que les commentaires de Mme Leo visaient à le dissuader de déposer d’autres plaintes, et ce, même si Mme Leo ne mentionnait pas expressément les plaintes en cause et ne faisait référence qu’à la procédure. S’il avait déposé une nouvelle plainte, il se serait exposé à de nouvelles représailles de la part du SCC. M. Kim a ajouté que, lorsqu’il a déposé les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, il comptait sur la protection contre les représailles prévue à l’article 14.1 de la LCDP, en particulier parce que, en tant que personne racisée anglophone d’origine coréenne, il se sentait vulnérable du fait qu’il était incarcéré dans un établissement dont le personnel était presque entièrement composé de [traduction] « francophones caucasiens ».

[104] Le paragraphe 41(1) de la LCDP n’oblige toutefois pas les plaignants à épuiser les autres procédures de règlement des griefs avant de déposer leur plainte. La Commission peut choisir, à sa discrétion, de ne pas traiter une plainte si les autres recours n’ont pas été épuisés. Hormis le témoignage de M. Kim sur son interprétation de la disposition, il n’existe aucune preuve indépendante démontrant que Commission ait dit à M. Kim, à quelque moment que ce soit, qu’elle ne traiterait jamais ses plaintes s’il n’épuisait pas d’abord les autres procédures de règlement des plaintes et des griefs. Il est donc inexact de suggérer que Mme Leo, en mentionnant la procédure de règlement des plaintes et des griefs du SCC, a nécessairement fait allusion aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause.

[105] Néanmoins, même si l’on accepte l’affirmation de M. Kim selon laquelle il existe un lien entre la procédure de règlement des plaintes et des griefs du SCC et le dépôt de plaintes pour atteinte aux droits de la personne, et même si l’on tient compte de ses caractéristiques personnelles, il n’est pas raisonnable de s’appuyer sur cette notion dans les faits de cette affaire.

[106] La croyance subjective de M. Kim selon laquelle l’expression [traduction] « plaintes et griefs » englobe les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause fait complètement abstraction du contexte dans lequel le rapport de Mme Leo. Il ressort clairement des passages que j’ai cités précédemment dans la présente décision qu’aucune allégation de discrimination, sans parler des plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, n’était mise en évidence. Il est expliqué clairement et objectivement dans les passages qui précèdent et qui suivent l’expression « plaintes et aux griefs » que Mme Leo commente les traits narcissiques observés chez M. Kim. De nombreux autres exemples de ces traits de caractère, qui n’ont rien à voir avec les plaintes ou les griefs, et encore moins avec les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, sont présentés dans ces passages.

[107] M. Kim a déclaré qu’il estimait que le rapport de Mme Leo indiquait clairement que son recours aux plaintes et aux griefs démontrait qu’il n’était pas responsable de ses crimes et qu’il ne pouvait donc pas se réadapter. Il a supposé qu’elle faisait référence à toutes ses plaintes, y compris les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, puisqu’elle avait déclaré avoir lu tout son dossier. Il croyait que, si d’autres membres du personnel du SCC le voyaient donner suite à la plainte de 2017 qui était toujours en instance, cela renforcerait leur perception qu’il n’assumait pas suffisamment la responsabilité de ses actes et qu’il n’était pas disposé à se réadapter. Cependant, M. Kim a reconnu plus tard, lors d’un contre-interrogatoire, que même après avoir lu les commentaires de Mme Leo, il ne s’était pas senti dissuadé d’aller de l’avant avec la plainte de 2017. Il a également admis qu’il avait librement accepté de régler cette plainte en 2019.

[108] M. Kim affirme également que, même si Mme Leo et le SCC ne partageaient pas sa perception selon laquelle les plaintes et griefs faisaient référence aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, le SCC a pris connaissance de cette perception une fois qu’il a allégué avoir fait l’objet de représailles dans les griefs pour harcèlement qu’il avait déposés notamment contre Mme Leo. À ce stade, le SCC aurait dû analyser ses allégations comme une question de représailles au titre de l’article 14.1, puis lui demander plus de détails à ce sujet.

[109] Toutefois, la décision d’une partie intimée de ne pas donner suite à une allégation de représailles ne constitue pas en soi une mesure de représailles à l’encontre d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne déposée auprès de la Commission. Si la partie intimée estime qu’une telle allégation n’est pas fondée, elle n’est pas tenue d’y répondre. Par ailleurs, nulle part dans ces griefs les allégations de représailles ne renvoient expressément aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause; elles renvoient plutôt aux allégations formulées dans le contexte de « plaintes et de griefs ».

[110] M. Kim a produit en preuve un rapport du Comité sénatorial permanent des droits de l’homme intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral (https://sencanada.ca/fr/info-page/parl-43-2/ridr-personnes-purgeant-une-peine-de-ressort-federal/) daté de juin 2021, qui fait référence à des témoignages qu’ont livrés des personnes purgeant une peine de ressort fédéral au sujet de l’intimidation et des représailles dont elles sont victimes lorsqu’elles déposent des griefs et des plaintes. Il ne fait aucun doute que ces témoignages sont authentiques.

[111] Il n’en reste pas moins que, dans le contexte du rapport de Mme Leo, l’évocation des plaintes et des griefs présentés par M. Kim ne constituait pas un acte d’intimidation ou de représailles, mais plutôt une simple observation de l’état d’esprit de M. Kim. M. Kim n’a effectivement eu aucun problème à déposer des plaintes et des griefs, au moins depuis 1999, date à laquelle M. Lawson a pour la première fois fait remarquer qu’il avait tendance à en déposer beaucoup. En ce qui concerne l’affirmation de M. Kim selon laquelle il « avait l’impression » d’être en quelque sorte intimidé afin qu’il ne présente pas d’autres plaintes, M. Kim a reconnu que, dans les années qui avaient suivi le rapport de Mme Leo, il a continué à présenter des demandes, des plaintes et des griefs de toutes sortes au SCC.

[112] En résumé, M. Kim n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le fait de mentionner ses « plaintes et griefs » ou son « insatisfaction fréquente » constituait une mesure de représailles pour les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause ou qu’il était raisonnable de sa part de le percevoir ainsi. Il peut avoir ressenti de l’anxiété à la suite des commentaires de Mme Leo sur sa propension à déposer des plaintes et des griefs, mais, d’un point de vue objectif, ces commentaires n’avaient rien à voir avec les plaintes pour atteinte aux droits de la personne en cause, et il n’est pas raisonnable de faire un lien entre ces commentaires et ces plaintes.

[113] M. Kim est clairement en désaccord avec les conclusions et les recommandations de Mme Leo, et il a des doutes quant au respect par celle-ci de la LSCMLC, de ses règlements et des directives du commissaire applicables. Cependant, il ne m’appartient pas de trancher ces questions. La seule question dont je suis saisi est de savoir si les références aux « plaintes et griefs » qui figurent dans le rapport de Mme Leo constituent des représailles exercées à l’égard de M. Kim en raison de ses plaintes pour atteinte aux droits de la personne. La réponse est non.

VI. ORDONNANCE

[114] La plainte n’est pas fondée et est par conséquent rejetée.

Signé par

Athanasios Hadjis

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 12 mai 2025

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro du dossier du Tribunal : HR-DP-2845-22

Intitulé de la cause : Frank Kim c. Service correctionnel du Canada

Date de la décision du Tribunal : Le 12 mai 2025

Date et lieu de l’audience : Du 6 au 10 mai 2024

Le 17 juillet 2024

Tenue par vidéoconférence

Comparutions :

Frank Kim, pour son propre compte

Erin Morgan et Camille Rochon, pour l’intimé

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