Contenu de la décision
Tribunal canadien |
|
Canadian Human |
Référence :
Date : Le
Numéro du dossier :
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Entre :
le plaignant
- et -
Commission canadienne des droits de la personne
la Commission
- et -
l’intimé
Décision sur requête
Membre :
I. APERÇU
[1] Dans la présente décision, j’expose les motifs pour lesquels je rejette la requête par laquelle l’intimé réclamait le rejet de la plainte.
[2] Le plaignant et plus de 50 autres personnes ont déposé des plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») vers 2018 (les « plaintes individuelles »). En termes généraux, les plaignants, qui sont tous de nationalité iranienne, allèguent que l’intimé, c’est-à-dire Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC »), a fait preuve de discrimination à leur égard en raison de leur originale nationale ou ethnique en retardant le traitement de leurs demandes de résidence permanente, de visa ou de citoyenneté. À ces plaintes s’ajoutent celles qui ont été déposées à l’encontre d’IRCC, de l’Agence des services frontaliers du Canada et du Service canadien du renseignement de sécurité par un groupe de plus de 40 autres plaignants, et ce, pour les mêmes motifs (les « plaintes collectives »).
[3] Comme il est expliqué ci-dessous, le plaignant n’a pas corrigé son exposé des précisions avant que l’intimé ne dépose une requête sollicitant le rejet de la plainte.
II. DÉCISION
[4] Je rejette la requête de l’intimé parce que le plaignant a corrigé les lacunes relevées dans son exposé des précisions.
III. QUESTION EN LITIGE
[5] La présente décision porte sur la question suivante : le fait que le plaignant ne se soit pas initialement conformé à la décision sur requête, aux directives et aux Règles de procédure du Tribunal justifie-t-il le rejet de sa plainte?
IV. ANALYSE
A. Multiples occasions de corriger les lacunes constatées dans l’exposé des précisions
[6] Les plaintes connexes mentionnées précédemment ont un long historique, lequel est exposé dans une décision antérieure du Tribunal : Irannejad et al. c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, Agence des services frontaliers du Canada et Service canadien du renseignement de sécurité, 2024 TCDP 23. Comme il est indiqué dans cette décision, le Tribunal a initialement suspendu le traitement des plaintes en attendant la conclusion d’un examen réalisé par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (l’« OSSNR »). En avril 2024, une fois l’examen de l’OSSNR terminé, le Tribunal a levé la mise en suspens. Il a d’abord fixé au 14 août 2024 la date limite à laquelle le plaignant devait déposer son exposé des précisions et le plaignant a déposé son premier exposé des précisions le 13 août 2024.
[7] Cependant, l’intimé a affirmé que l’exposé des précisions du plaignant — et bien d’autres — présentait des lacunes telles qu’il ne respectait pas les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « Règles de pratique »). Le 13 février 2025, j’ai rendu une décision sur requête enjoignant au plaignant de corriger son exposé des précisions. Le plaignant n’a pas donné suite à ma décision sur requête.
[8] Le 1er avril 2025, l’intimé a déposé une requête en rejet de la plainte. Le 10 avril 2025, le plaignant a demandé une prorogation du délai pour corriger son exposé des précisions. J’ai rejeté sa demande, mais je lui ai fait savoir qu’il pouvait expliquer les raisons pour lesquelles il n’avait pas donné suite à ma décision sur requête dans sa réponse à la requête de l’intimé. Le 14 avril 2025, le plaignant a déposé un exposé des précisions modifié qui, bien qu’imparfait, suffit à combler les lacunes relevées dans ma décision sur requête du 13 février 2025.
B. Principes juridiques et leur application
[9] Il est très important qu’un individu puisse porter plainte pour discrimination devant un tribunal des droits de la personne financé par des fonds publics. Toutefois, pour se prévaloir de ce droit, il faut respecter la procédure du Tribunal et se conformer à ses décisions sur requête, ses directives et ses Règles de pratique. La procédure du Tribunal est moins formelle que celle d’une cour de justice et vise à améliorer l’accès à la justice, notamment pour les parties qui agissent pour leur propre compte. Cependant, ce n’est pas parce que la procédure est moins formelle que les parties peuvent faire preuve de désinvolture à l’égard des décisions sur requête et des directives du Tribunal. Certaines circonstances peuvent justifier le non-respect d’une décision sur requête ou d’une directive du Tribunal, mais si un plaignant omet de se conformer à une décision sur requête ou à une directive, sans raison valable, il risque de voir sa plainte rejetée (voir l’article 9 des Règles de pratique; voir aussi Ouwroulis v. New Locomotion, 2009 HRTO 335, aux par. 4 à 7).
[10] Le Tribunal doit instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des Règles de pratique (au paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6; voir aussi l’article 5 des Règles de pratique). Il incombe aux plaignants de faire avancer leur dossier et de fournir leurs coordonnées les plus récentes (Towedo c. Service correctionnel du Canada, 2024 TCDP 6 aux par. 4 et 5).
[11] L’intimé a axé ses observations sur la question du retard, mais selon moi, ce qui est au cœur de sa requête, c’est le non-respect par le plaignant de la décision sur requête du Tribunal datée du 13 février 2025, de ses directives et de ses Règles de pratique.
[12] Le Tribunal a appliqué un critère appelé le « critère de Seitz » dans des affaires où une requête a été présentée en vertu de l’article 9 des Règles de pratique, qui traite des conséquences de la non-conformité aux Règles de pratique ou aux ordonnances du Tribunal (voir Oleson c. Première Nation Wagmatcook, 2023 TCDP 3, appliquant le critère élaboré dans Seitz c. Canada, 2002 CFPI 456, aux par. 16 à 18). Lors de l’application de ce critère, le Tribunal doit se demander si (i) le plaignant n’a tenu absolument aucun compte des délais et des Règles de pratique; (ii) l’affaire est restée dormante trop longtemps; et (iii) le plaignant ne semble pas avoir l’intention de faire aboutir l’affaire. En l’absence de contre-arguments de la part du plaignant, je suis prête à conclure qu’il convient d’appliquer le critère de Seitz pour déterminer si la plainte devrait être rejetée.
[13] Je conviens avec l’intimé que le plaignant aurait dû corriger les lacunes de son exposé des précisions bien avant qu’il ne se décide à le faire. Le plaignant ne peut pas simplement ignorer les directives et les décisions sur requête du Tribunal en tenant pour acquis qu’il n’y aura aucune conséquence. Dans l’ensemble, étant donné que le plaignant a déposé un exposé des précisions modifié, je ne suis pas disposée à conclure que le troisième volet du critère de Seitz est respecté. Je ne suis pas non plus d’accord avec l’intimé qui estime que je suis dessaisie de l’affaire puisque ce principe ne s’applique que lorsqu’un tribunal ou une cour de justice a rendu une décision définitive sur le fond d’une affaire. Même si je suis prête à accepter l’exposé des précisions modifié du plaignant, je l’informe que s’il continue à ne pas respecter les directives et les décisions sur requête du Tribunal, il risque de voir sa plainte rejetée.
V. ORDONNANCE
[14] Pour les motifs qui précèdent, la requête de l’intimé est rejetée.
Signée par
Membre du Tribunal
Ottawa (Ontario)
Le
Tribunal canadien des droits de la personne
Parties au dossier
Numéro du dossier du Tribunal :
Intitulé de la cause :
Date de la
Requête traitée par écrit sans comparution des parties
Observations écrites par :